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©RYCharte
« Toutes les formes du Brexit sont mauvaises
pour la santé. Mais certaines sont pires que
d’autres. » L’article publié dans la revue The
Lancet en février 2019 est cinglant. Aidé de
six doctorants, Martin McKee, professeur
de santé publique européenne à Londres, a
passé au crible l’impact des différents scé-
narios du Brexit sur les secteurs de la santé.
« Ces évaluations ont été examinées par les
pairs et sont extrêmement détaillées sur la
façon dont ces différentes approches me-
nacent tous les éléments constitutifs de nos
systèmes de santé », détaille Martin McKee.
Et pour lui, la pire des options serait l’ab-
sence d’accord : le « no deal » !
Tâche titanesque
Soulignant toute l’importance de la collabora-
tion entre l’Union européenne et le Royaume-
Uni - notamment pour la recherche, les stan-
dards professionnels ou l’accès aux soins - le
professeur émérite fait remarquer que celle-ci
n’est même pas mentionnée dans l’accord
de retrait passé entre l’UE et le gouvernement
britannique… et que ce dernier tente de faire
voter par son Parlement. « L’accord de retrait
a été conçu pour couvrir trois domaines : les
droits des citoyens, l’accord financier et la
frontière irlandaise », explique Martin McKee.
Pour la santé, il faudra donc attendre un futur
accord. « Étant donné les énormes difficultés
de négociations, cela prendra probablement
des années », anticipe-t-il.
Il note d’ailleurs que l’examen et l’adop-
tion de textes de loi majeurs et de cen-
taines de règlements avant fin mars 2019
s’était « avéré impossible ». Les dissen-
Alors que l’incertitude règne au Royaume-Uni, les conséquences du Brexit
pour les professionnels de santé et leurs institutions se font déjà sentir.
Une enquête signée ACMF le mag’.
Par Elsa Ferreira en collaboration avec Dominique Deveaux
- 13 -ACMF le mag’• N°547• Mars/Avril 2019- 12 - Retrouvez-nous sur : www.acmf.fr … et suivez-nous sur : blog.acmf.fr
sions internes au sens mêmes des dif-
férents partis politiques anglais et le
fonctionnement européen technique,
« parfois mal compris des ministres britan-
niques », n’ont pas rendu les choses aisées.
Note salée
Seule certitude : le processus de sortie du
Royaume-Uni de l’UE sera financièrement très
lourd. En investissements humains, d’abord,
tant la charge de travail s’avère bien délicate
à estimer. « Le gouvernement a mis de côté
un budget général de 4,2 milliards de livres,
mais il est très difficile de vérifier s’il est en
mesure de dépenser cet argent », rapporte
le professeur. Une sortie qui s’annonce tout
aussi douloureuse en termes d’opportunités
de prêts et de financements : des domaines
très prégnants de l’UE, dans lesquels le
Royaume-Uni a souvent décroché la part du
roi. Comme le programme de recherche Ho-
rizon 2020, le plus grand jamais initié par l’UE
avec un budget de 80 milliards d’euros sur
sept ans ! Ou encore, les financements de la
Banque d’investissement européenne : faut-il
rappeler qu’elle a prêté 107 millions d’euros
au Royaume-Uni pour la construction d’un
hôpital de 670 lits à Birmingham, par exemple.
Des plus pessimistes, Martin McKee déplore
cette culture du secret instaurée autour du
Brexit et de ses préparatifs, citant le diplo-
mate travailliste, Jonathan Powell : « Lors-
qu’une enquête sera faite autour du Brexit,
elle ne se concentrera (…) pas seulement
sur les échecs personnels mais sur tout le
système – le gouvernement, l’opposition et
même la fonction publique. »
DOSSIER / BREXIT
BREXIT :
le système de santé britannique
prend l’eau
Le 23 mars, plus d’un million de personnes se sont réunies à Londres pour demander un second référendum.
Dans le même temps, une pétition pour révoquer la procédure de sortie et rester dans l’UE a recueilli plus de
6 millions de votes.
©People’sVoteCampaign
REPÈRES
23.06.2016 : le Leave remporte
le référendum avec 51,9 % des votes,
contre 48,1 % pour le Remain.
19.06.2017 : début des négociations
entre l’UE et Theresa May.
15.01.2019 : l’accord de retrait
négocié entre Theresa May et l’UE est
rejeté par le parlement anglais pour la
première fois. Il sera à nouveau rejeté
à deux reprises faisant craindre un « no
deal », une sortie sans accord.
29.03.2019 : deux ans après le
déclenchement de la procédure de
sortie, le Royaume-Uni aurait dû quitter
l’UE. Pour éviter le no-deal, il obtient de
l’UE deux extensions successives, dont
la dernière jusqu’au 31 octobre 2019.
31.12.2020 : à cette date, le
processus du Brexit devra être achevé.
QUI EST AUX MANETTES ?
David Cameron
Ancien premier ministre, il est à l’initiative
du référendum. Il fait campagne pour le
« Remain » et démissionne à l’annonce du
résultat.
Theresa May
Nommée le 13 juillet 2016 pour succéder
à David Cameron, elle mène les négocia-
tions et le processus de sortie.
Boris Johnson
Il a porté le camp Leave et a joué un
rôle capital dans son succès. Après sa
victoire, l’ancien maire de Londres a été
promu au poste de secrétaire d’État des
Affaires étrangères. En désaccord avec le
Brexit de Theresa May qu’il estime trop
« doux », il démissionne en juillet 2018.
Nigel Farage
Leader du parti d’extrême droite UKIP, il
a fait campagne pour le Brexit avec une
emphase sur l’immigration. Quelques
jours après les résultats, il démissionne
de la tête de son parti et affirme vouloir
« retrouver sa vie ».
David Davis
Premier secrétaire d’État pour le Brexit.
En désaccord avec Theresa May, il dé-
missionne en juillet 2018, en même temps
que Johnson. Il est remplacé brièvement
par Dominic Raab puis, après la démis-
sion de celui-ci en novembre 2018, par
Stephen Barclay.
Dominic Cummings
Homme de l’ombre, c’est le directeur de
campagne du camp Leave. Il a inventé
le slogan « Take back control » et a été
chargé de la stratégie de campagne.
Michel Barnier
Le diplomate français est le négociateur
en chef pour l’Europe.
FAKE NEWS !
Symbole de la campagne et des arrange-
ments avec la vérité, le bus du camp Leave
relayait ce slogan qui fera grand bruit :
« Nous payons 350 millions de livres par
semaine à l’Union européenne. Finançons
notre [système de santé publique] NHS plu-
tôt. » Dès la victoire du Leave, Nigel Farage
reconnaît à la télé qu’il ne peut pas garan-
tir que les 350 millions seront envoyés à la
NHS… rejetant la faute sur Boris Johnson.
Ce dernier est traduit en justice par Mar-
cus J Ball pour ses déclarations « fausses,
trompeuses et abusives de la confiance du
public ». L’affaire est en cours.
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DOSSIER / BREXIT
Système de santé britannique (NHS) :
« Il faudra cinq à dix ans pour revenir à la normale. »
Retour sur les spécificités du système de santé britannique (NHS) et sur les impacts
déjà ressenti du Brexit avec Danny Mortimer, directeur de la NHS Employers.
6 % du personnel de la NHS est euro-
péen, 26 % des médecins viennent de
l’étranger… jusqu’à 45 % dans certains
secteurs. Pourquoi une telle importance
du personnel étranger ?
Danny Mor timer : C’est une
caractéristique de la NHS. Il y a deux
raisons principales à cela. La première :
les investissements dans la NHS qui n’ont
eu de cesse de diminuer, affectant notre
capacité à former. La seconde : nous
avons eu une importante défaillance à
l’hôpital de Stafford (voir encadré). Après
enquêtes, la demande pour du personnel
infirmier inscrit au registre anglais a
explosé. Ne disposant pas de
professionnels de santé formé sur notre
territoire, nous avons donc recruté à
l’étranger de manière significative,
notamment aux Philippines.
Vous dénoncez une diminution des
postes pourvus aux étrangers ces
derniers mois, à la NHS. Est-ce une
conséquence du Brexit ?
En effet, depuis le referendum, moins
d’Européens viennent travailler à la NHS.
Par ailleurs, il s’avère difficile de recruter
en Union européenne à la même échelle
qu’auparavant du fait des incertitudes
liées au Brexit. Mais, d’autres raisons sont
à évoquer : des pays comme le Portugal
se sont redressés économiquement et les
nationaux n’ont plus eu besoin de quitter
leur frontière pour trouver du travail. De
plus, la livre sterling est fragilisée, ce qui
nous rend moins attractifs. Par ailleurs, les
tests de langage sont devenus beaucoup
plus stricts, pour les infirmiers étrangers
notamment. Heureusement, la plus grande
partie de notre personnel européen déjà
en poste a choisi de rester, et nous leur en
sommes vraiment reconnaissants.
Avez-vous reçu des garanties de la part
du gouvernement ?
Oui, en termes de résidence et de titre de
séjour. Le gouvernement a mis en place un
processus en ligne pour que les citoyens
européens les obtiennent plus facilement.
Les demandes se font à partir d’une
©D.R.
simple application et les retours sont
positifs.
En avril 2018, on faisait état d’un exode
massif des infirmiers et sages-femmes…
C’est la conséquence direct du manque
d’investissements dans la NHS ! Pression
au travail de plus en plus pesante, emplois
plus exigeants, moins épanouissants… Fi-
déliser notre personnel et recruter relèvent
d’un grand défi. Du coup, plusieurs choses
ont été mises en place : augmentation de
3,4 % du budget de la santé par le gouver-
nement, réévaluation des salaires des infir-
miers, amélioration du quotidien des infir-
miers et des sages-femmes avec plan de
carrière, flexibilité et prévisibilité des ho-
raires de travail, etc.
Certes, il reste beaucoup à faire mais nous
espérons que ces premières actions ren-
verseront la tendance et amélioreront les
conditions de travail.
Comment va le moral des équipes ?
Nous faisons des sondages auprès de
notre staff. Malgré la pression constante et
une augmentation du stress, leur engage-
ment et leur sentiment d’appartenance
(équipe, service, patients), se situent tou-
jours au plus haut point. Autre priorité par-
ticulière à gérer : la situation des minorités
ethniques qui fait état d’une expérience
bien plus négative.
STAFFORD :
RETOUR SUR UN SCANDALE !
Entre janvier 2005 et mars 2009, entre 400 et 1200 patients de l’hôpital de Staf-
ford, sont morts du fait de la mauvaise qualité des soins. Les enquêtes menées
ont mis en lumière de nombreux dysfonctionnements. Calmants pour la douleur
donnés trop tardivement - … voire pas du tout ! - patients non lavés pendant
près d’un mois, nourriture laissée hors de portée des malades, appels pour aller
aux toilettes restés sans réponse, mauvais diagnostics, patients renvoyés trop
tôt chez eux ! Un désastre sanitaire lié, entre autres, selon les autorités en place,
à une « pénurie de personnel chronique, en particulier d’infirmiers ».
40 000 : nombre de postes d’infirmiers vacants en Angleterre. Selon Danny Mortimer, il faudra cinq à dix ans
pour répondre à ce besoin.
Des manifestants devant les bureaux du gouvernement, en novembre 2018.
91,3 %
c’est la baisse du nombre d’infirmiers et de sages-femmes
venus de l’espace économique européen pour travailler
au Royaume-Uni, sur la période 2015-2018.
Résultat ? Cela concernait 10.178 personnes en 2015…
pour seulement 888 professionnels de santé en 2018, selon
les chiffres de Nursing and Midwifery Council (NMC).
LA NHS, JOYAU D’UNE COURONNE… DES PLUS TERNES !
“Le système de santé est ce que les Anglais ont
le plus proche d’une religion” selon l’expression
même de l’ancien ministre de l’Économie, Nigel
Lawson. Quasiment gratuite avec une couverture
des soins étendue, le service de santé public fait,
en effet, la fierté du peuple outre-Manche. « On
se compare souvent avec les États-Unis, où les
gens font faillite à cause de leurs soins de santé »,
justifie Nicholas Timmins, journaliste spécialisé de
la NHS. Une institution qui pour ses 70 ans… est
pourtant au plus bas dans les sondages ! Seulement
53 % des anglais interrogés sont satisfaits de sa
gestion, soit 16 points de moins qu’en 2010, année
qui marque le début du programme d’austérité
britannique. Principales sources d’insatisfaction ?
Le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous,
le personnel vu comme trop peu nombreux… et
un budget gouvernemental alloué au service de
santé jugé désormais bien trop faible par nombre
de britanniques.
©DavidHolt,CCby2.0
- 17 -ACMF le mag’• N°547 • Mars/Avril 2019- 16 - Retrouvez-nous sur : www.acmf.fr … et suivez-nous sur : blog.acmf.fr - 17 -ACMF le mag’• N°547 • Mars/Avril 2019- 16 - Retrouvez-nous sur : www.acmf.fr … et suivez-nous sur : blog.acmf.fr
©CC
En octobre 2018, Martin Sawer, directeur
de la Healthcare Distributors Association
(HDA), interpellait le parlement britannique
sur les conséquences potentiellement ca-
tastrophiques d’une absence d’accord dans
le cadre du Brexit pour l’approvisionnement
en médicaments. Le gouvernement avait
alors déjà demandé à l’industrie de faire des
stocks de médicaments pour six semaines
supplémentaires. Objectif : tout mettre en
œuvre pour que l’opinion public ne s’in-
quiète pas d’une situation qui pourrait rapi-
dement changer et devenir très probléma-
tique pour le Royaume-Uni. Cinq mois plus
tard, le secteur semble être sous contrôle,
rapporte Sawer. « Ils ont écouté les avertis-
sements de l’industrie pharmaceutique, des
acteurs de la chaîne d’approvisionnement,
des pharmaciens, de la NHS… et se sont
bien préparés. »
Stocks et routes alternatives
Augmenter les stocks, donc, mais aussi
mettre en place des routes d’approvision-
nement alternatives « pour éviter le goulot
d’étranglement entre Calais et Douvres en
cas d’absence d’accord ». Au total, sept
nouvelles routes en partance de la Hollande
ou de Belgique ont ainsi été mise en place
et sont opérationnelles selon Martin Sawer.
Autre promesse mise en œuvre : l’indus-
trie pharmaceutique a obtenu la priorité de
transit pour ses médicaments et des places
supplémentaires dans les transports aériens
pour les médicaments dont la durée de vie à
l’étal s’avère faible.
Enfin, désireux de parer à toutes les ruptures
de stocks, le gouvernement a créé un nou-
veau dispositif, le « Serious Shortage Pro-
tocole » (protocole de pénurie importante) :
en cas de crise, il sera activé pour permettre
aux pharmaciens de fournir aux patients un
médicament alternatif si le premier choix
n’est pas disponible.
« Les patients peuvent être assurés que
tous les scénarios ont été envisagés et sont
en place, rassure Martin Sawer. Il y a un
programme de continuité solide en cas de
no deal ».
Alignement avec l’UE
Les principales inquiétudes se concentrent
sur une sortie de l’UE sans accord, scéna-
rio toujours plausible à l’heure de la mise
sous presse – même si le gouvernement
tente tant bien que mal de faire voter par le
parlement l’accord de retrait négocié avec
l’UE. « S’il y a un accord de retrait, nous
entrerons dans une période de transition,
explique le directeur de la HDA. Pour les
médicaments, tout reste comme tel sachant
que nous reconnaissons les régulations de
l’UE. Il n’y aurait donc pas besoin de retenir
les médicaments à la frontière, puisqu’il n’y
a pas de taxes sur ces produits. » L’enjeu
consistera alors à définir la relation entre le
Royaume-Uni et l’UE à la fin de la période
de transition, prévue pour décembre 2020.
Non-divulgation
Si selon Sawer le pays est prêt, le
processus de préparation a en tout
cas été opaque. Le ministère de la
Santé a en effet passé plus de 26
« gagging orders » (mesure de non-divulga-
tion qui interdit à ces entreprises et orga-
nisations de parler publiquement de leurs
arrangements et préparations) avec les or-
ganisations pharmaceutiques. « La raison
pour laquelle nous avons signé est que le
gouvernement demandait aux compagnies
des informations sur l’état de leurs stocks,
ce genre d’informations commercialement
sensibles », justifie-t-il. La plupart de ces
données sont désormais tombées dans le
domaine public, assure-t-il.
Quant à la communication vers les patients,
il semblerait que le travail ait été fait en cou-
lisses, selon Martin Sawer. « Le ministère
de la Santé est allé voir les groupes de
patients, les hôpitaux, les pharmacies, les
médecins. L’idée étant qu’il reviendrait aux
professionnels d’informer et donc de ras-
surer les patients, car ils sont mieux placés
que le gouvernement. »
Une tâche qui s’annonce bien difficile. « Sur
les forums dédiés au diabète, tout le monde
est en train de faire des stocks d’insuline »,
rapportait en janvier dernier, le respecté
quotidien The Guardian qui faisait une en-
quête sur les pénuries de médicaments.
Sous couvert d’anonymat, une personne
déclarait même : « Nous sommes habitués
à obtenir notre insuline le jour même de
la commande ou le lendemain, mais cer-
taines personnes ont dû attendre une se-
maine. » Les médias et les observateurs
semblent s’accorder aujourd’hui, sur le fait
que les malades commencent à faire des
provisions. « C’est complètement compré-
hensible », réagit Sawer, qui assure que les
acteurs de l’industrie ont l’habitude des
fluctuations de la demande, notamment
saisonnière. « Nous n’avons pas remarqué
de pression inhabituelle sur la chaîne d’ap-
provisionnement », tente-t-il de rassurer.
… pendant que l’Agence euro-
péenne des médicaments démé-
nage !
Dans un climat social où le doute com-
mence à s’installer sur la fiabilité du système
de santé, d’autres conséquences liées au
Brexit risquent d’ajouter à l’incertitude. Ainsi,
l’Agence européenne des médicaments
– évaluation et contrôle du développement
des nouveaux médicaments humains et vé-
térinaires dans l’Union européenne – vient
de quitter Londres pour s’installer à Ams-
terdam. Avec une perte de 900 emplois
à la clé. Et surtout, un nouveau coup dur
pour les relations entre l’agence britannique
MHRA (Medicines and Healthcare pro-
ducts Regulatory Agency) et l’Agence euro-
péenne. En septembre 2018, The Guardian
rapportait que la MHRA, après avoir été l’as-
sesseur principal pour l’agence européenne,
avait perdu la majorité de ses contrats.
« Si nous reconnaissons les régulations de
l’EMA, cela aidera peut-être à un passage
sans accroc des médicaments, des exper-
tises et du savoir scientifique entre l’UE et le
Royaume-Uni, espère Martin Sawer. Nous
essayons de reconnaître les régulations
européennes mais cela peut, dans le futur,
devenir un obstacle. »
DOSSIER / BREXIT
Médicaments
l’approvisionnement de tous les dangers
37 millions de boîtes de médicaments arrivent de l’Union européenne, chaque mois.
Une fois les frontières rétablies, tout l’enjeu entre les partenaires sera de garantir
un approvisionnement… sans accroc !
Entre 6 000 et 23 000
c’est le nombre de morts
supplémentaires de maladies
cardiovasculaires en cas de
no deal et de problèmes
d’importation de fruits
et légumes frais, selon les
estimations des auteurs
de l’étude de l’impact du Brexit
publiée par The Lancet
en février 2019.
577,35
millions de livres par an
c’est le budget de recherche dans le cadre du
programme « Horizon 2020 » que perdra le
Royaume-Uni dans l’hypothèse d’un no deal,
selon les calculs de Scientists for EU.
Certains patients dont la santé dépend de la prise
régulière de médicaments, comme les personnes
atteintes de diabète, commencent à faire des stocks.

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  • 1. - 13 -ACMF le mag’• N°547 • Mars/Avril 2019- 12 - Retrouvez-nous sur : www.acmf.fr … et suivez-nous sur : blog.acmf.fr ©RYCharte « Toutes les formes du Brexit sont mauvaises pour la santé. Mais certaines sont pires que d’autres. » L’article publié dans la revue The Lancet en février 2019 est cinglant. Aidé de six doctorants, Martin McKee, professeur de santé publique européenne à Londres, a passé au crible l’impact des différents scé- narios du Brexit sur les secteurs de la santé. « Ces évaluations ont été examinées par les pairs et sont extrêmement détaillées sur la façon dont ces différentes approches me- nacent tous les éléments constitutifs de nos systèmes de santé », détaille Martin McKee. Et pour lui, la pire des options serait l’ab- sence d’accord : le « no deal » ! Tâche titanesque Soulignant toute l’importance de la collabora- tion entre l’Union européenne et le Royaume- Uni - notamment pour la recherche, les stan- dards professionnels ou l’accès aux soins - le professeur émérite fait remarquer que celle-ci n’est même pas mentionnée dans l’accord de retrait passé entre l’UE et le gouvernement britannique… et que ce dernier tente de faire voter par son Parlement. « L’accord de retrait a été conçu pour couvrir trois domaines : les droits des citoyens, l’accord financier et la frontière irlandaise », explique Martin McKee. Pour la santé, il faudra donc attendre un futur accord. « Étant donné les énormes difficultés de négociations, cela prendra probablement des années », anticipe-t-il. Il note d’ailleurs que l’examen et l’adop- tion de textes de loi majeurs et de cen- taines de règlements avant fin mars 2019 s’était « avéré impossible ». Les dissen- Alors que l’incertitude règne au Royaume-Uni, les conséquences du Brexit pour les professionnels de santé et leurs institutions se font déjà sentir. Une enquête signée ACMF le mag’. Par Elsa Ferreira en collaboration avec Dominique Deveaux - 13 -ACMF le mag’• N°547• Mars/Avril 2019- 12 - Retrouvez-nous sur : www.acmf.fr … et suivez-nous sur : blog.acmf.fr sions internes au sens mêmes des dif- férents partis politiques anglais et le fonctionnement européen technique, « parfois mal compris des ministres britan- niques », n’ont pas rendu les choses aisées. Note salée Seule certitude : le processus de sortie du Royaume-Uni de l’UE sera financièrement très lourd. En investissements humains, d’abord, tant la charge de travail s’avère bien délicate à estimer. « Le gouvernement a mis de côté un budget général de 4,2 milliards de livres, mais il est très difficile de vérifier s’il est en mesure de dépenser cet argent », rapporte le professeur. Une sortie qui s’annonce tout aussi douloureuse en termes d’opportunités de prêts et de financements : des domaines très prégnants de l’UE, dans lesquels le Royaume-Uni a souvent décroché la part du roi. Comme le programme de recherche Ho- rizon 2020, le plus grand jamais initié par l’UE avec un budget de 80 milliards d’euros sur sept ans ! Ou encore, les financements de la Banque d’investissement européenne : faut-il rappeler qu’elle a prêté 107 millions d’euros au Royaume-Uni pour la construction d’un hôpital de 670 lits à Birmingham, par exemple. Des plus pessimistes, Martin McKee déplore cette culture du secret instaurée autour du Brexit et de ses préparatifs, citant le diplo- mate travailliste, Jonathan Powell : « Lors- qu’une enquête sera faite autour du Brexit, elle ne se concentrera (…) pas seulement sur les échecs personnels mais sur tout le système – le gouvernement, l’opposition et même la fonction publique. » DOSSIER / BREXIT BREXIT : le système de santé britannique prend l’eau Le 23 mars, plus d’un million de personnes se sont réunies à Londres pour demander un second référendum. Dans le même temps, une pétition pour révoquer la procédure de sortie et rester dans l’UE a recueilli plus de 6 millions de votes. ©People’sVoteCampaign REPÈRES 23.06.2016 : le Leave remporte le référendum avec 51,9 % des votes, contre 48,1 % pour le Remain. 19.06.2017 : début des négociations entre l’UE et Theresa May. 15.01.2019 : l’accord de retrait négocié entre Theresa May et l’UE est rejeté par le parlement anglais pour la première fois. Il sera à nouveau rejeté à deux reprises faisant craindre un « no deal », une sortie sans accord. 29.03.2019 : deux ans après le déclenchement de la procédure de sortie, le Royaume-Uni aurait dû quitter l’UE. Pour éviter le no-deal, il obtient de l’UE deux extensions successives, dont la dernière jusqu’au 31 octobre 2019. 31.12.2020 : à cette date, le processus du Brexit devra être achevé. QUI EST AUX MANETTES ? David Cameron Ancien premier ministre, il est à l’initiative du référendum. Il fait campagne pour le « Remain » et démissionne à l’annonce du résultat. Theresa May Nommée le 13 juillet 2016 pour succéder à David Cameron, elle mène les négocia- tions et le processus de sortie. Boris Johnson Il a porté le camp Leave et a joué un rôle capital dans son succès. Après sa victoire, l’ancien maire de Londres a été promu au poste de secrétaire d’État des Affaires étrangères. En désaccord avec le Brexit de Theresa May qu’il estime trop « doux », il démissionne en juillet 2018. Nigel Farage Leader du parti d’extrême droite UKIP, il a fait campagne pour le Brexit avec une emphase sur l’immigration. Quelques jours après les résultats, il démissionne de la tête de son parti et affirme vouloir « retrouver sa vie ». David Davis Premier secrétaire d’État pour le Brexit. En désaccord avec Theresa May, il dé- missionne en juillet 2018, en même temps que Johnson. Il est remplacé brièvement par Dominic Raab puis, après la démis- sion de celui-ci en novembre 2018, par Stephen Barclay. Dominic Cummings Homme de l’ombre, c’est le directeur de campagne du camp Leave. Il a inventé le slogan « Take back control » et a été chargé de la stratégie de campagne. Michel Barnier Le diplomate français est le négociateur en chef pour l’Europe. FAKE NEWS ! Symbole de la campagne et des arrange- ments avec la vérité, le bus du camp Leave relayait ce slogan qui fera grand bruit : « Nous payons 350 millions de livres par semaine à l’Union européenne. Finançons notre [système de santé publique] NHS plu- tôt. » Dès la victoire du Leave, Nigel Farage reconnaît à la télé qu’il ne peut pas garan- tir que les 350 millions seront envoyés à la NHS… rejetant la faute sur Boris Johnson. Ce dernier est traduit en justice par Mar- cus J Ball pour ses déclarations « fausses, trompeuses et abusives de la confiance du public ». L’affaire est en cours.
  • 2. - 15 -ACMF le mag’• N°547 • Mars/Avril 2019- 14 - Retrouvez-nous sur : www.acmf.fr … et suivez-nous sur : blog.acmf.fr - 15 -ACMF le mag’• N°547 • Mars/Avril 2019- 14 - Retrouvez-nous sur : www.acmf.fr … et suivez-nous sur : blog.acmf.fr DOSSIER / BREXIT Système de santé britannique (NHS) : « Il faudra cinq à dix ans pour revenir à la normale. » Retour sur les spécificités du système de santé britannique (NHS) et sur les impacts déjà ressenti du Brexit avec Danny Mortimer, directeur de la NHS Employers. 6 % du personnel de la NHS est euro- péen, 26 % des médecins viennent de l’étranger… jusqu’à 45 % dans certains secteurs. Pourquoi une telle importance du personnel étranger ? Danny Mor timer : C’est une caractéristique de la NHS. Il y a deux raisons principales à cela. La première : les investissements dans la NHS qui n’ont eu de cesse de diminuer, affectant notre capacité à former. La seconde : nous avons eu une importante défaillance à l’hôpital de Stafford (voir encadré). Après enquêtes, la demande pour du personnel infirmier inscrit au registre anglais a explosé. Ne disposant pas de professionnels de santé formé sur notre territoire, nous avons donc recruté à l’étranger de manière significative, notamment aux Philippines. Vous dénoncez une diminution des postes pourvus aux étrangers ces derniers mois, à la NHS. Est-ce une conséquence du Brexit ? En effet, depuis le referendum, moins d’Européens viennent travailler à la NHS. Par ailleurs, il s’avère difficile de recruter en Union européenne à la même échelle qu’auparavant du fait des incertitudes liées au Brexit. Mais, d’autres raisons sont à évoquer : des pays comme le Portugal se sont redressés économiquement et les nationaux n’ont plus eu besoin de quitter leur frontière pour trouver du travail. De plus, la livre sterling est fragilisée, ce qui nous rend moins attractifs. Par ailleurs, les tests de langage sont devenus beaucoup plus stricts, pour les infirmiers étrangers notamment. Heureusement, la plus grande partie de notre personnel européen déjà en poste a choisi de rester, et nous leur en sommes vraiment reconnaissants. Avez-vous reçu des garanties de la part du gouvernement ? Oui, en termes de résidence et de titre de séjour. Le gouvernement a mis en place un processus en ligne pour que les citoyens européens les obtiennent plus facilement. Les demandes se font à partir d’une ©D.R. simple application et les retours sont positifs. En avril 2018, on faisait état d’un exode massif des infirmiers et sages-femmes… C’est la conséquence direct du manque d’investissements dans la NHS ! Pression au travail de plus en plus pesante, emplois plus exigeants, moins épanouissants… Fi- déliser notre personnel et recruter relèvent d’un grand défi. Du coup, plusieurs choses ont été mises en place : augmentation de 3,4 % du budget de la santé par le gouver- nement, réévaluation des salaires des infir- miers, amélioration du quotidien des infir- miers et des sages-femmes avec plan de carrière, flexibilité et prévisibilité des ho- raires de travail, etc. Certes, il reste beaucoup à faire mais nous espérons que ces premières actions ren- verseront la tendance et amélioreront les conditions de travail. Comment va le moral des équipes ? Nous faisons des sondages auprès de notre staff. Malgré la pression constante et une augmentation du stress, leur engage- ment et leur sentiment d’appartenance (équipe, service, patients), se situent tou- jours au plus haut point. Autre priorité par- ticulière à gérer : la situation des minorités ethniques qui fait état d’une expérience bien plus négative. STAFFORD : RETOUR SUR UN SCANDALE ! Entre janvier 2005 et mars 2009, entre 400 et 1200 patients de l’hôpital de Staf- ford, sont morts du fait de la mauvaise qualité des soins. Les enquêtes menées ont mis en lumière de nombreux dysfonctionnements. Calmants pour la douleur donnés trop tardivement - … voire pas du tout ! - patients non lavés pendant près d’un mois, nourriture laissée hors de portée des malades, appels pour aller aux toilettes restés sans réponse, mauvais diagnostics, patients renvoyés trop tôt chez eux ! Un désastre sanitaire lié, entre autres, selon les autorités en place, à une « pénurie de personnel chronique, en particulier d’infirmiers ». 40 000 : nombre de postes d’infirmiers vacants en Angleterre. Selon Danny Mortimer, il faudra cinq à dix ans pour répondre à ce besoin. Des manifestants devant les bureaux du gouvernement, en novembre 2018. 91,3 % c’est la baisse du nombre d’infirmiers et de sages-femmes venus de l’espace économique européen pour travailler au Royaume-Uni, sur la période 2015-2018. Résultat ? Cela concernait 10.178 personnes en 2015… pour seulement 888 professionnels de santé en 2018, selon les chiffres de Nursing and Midwifery Council (NMC). LA NHS, JOYAU D’UNE COURONNE… DES PLUS TERNES ! “Le système de santé est ce que les Anglais ont le plus proche d’une religion” selon l’expression même de l’ancien ministre de l’Économie, Nigel Lawson. Quasiment gratuite avec une couverture des soins étendue, le service de santé public fait, en effet, la fierté du peuple outre-Manche. « On se compare souvent avec les États-Unis, où les gens font faillite à cause de leurs soins de santé », justifie Nicholas Timmins, journaliste spécialisé de la NHS. Une institution qui pour ses 70 ans… est pourtant au plus bas dans les sondages ! Seulement 53 % des anglais interrogés sont satisfaits de sa gestion, soit 16 points de moins qu’en 2010, année qui marque le début du programme d’austérité britannique. Principales sources d’insatisfaction ? Le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous, le personnel vu comme trop peu nombreux… et un budget gouvernemental alloué au service de santé jugé désormais bien trop faible par nombre de britanniques. ©DavidHolt,CCby2.0
  • 3. - 17 -ACMF le mag’• N°547 • Mars/Avril 2019- 16 - Retrouvez-nous sur : www.acmf.fr … et suivez-nous sur : blog.acmf.fr - 17 -ACMF le mag’• N°547 • Mars/Avril 2019- 16 - Retrouvez-nous sur : www.acmf.fr … et suivez-nous sur : blog.acmf.fr ©CC En octobre 2018, Martin Sawer, directeur de la Healthcare Distributors Association (HDA), interpellait le parlement britannique sur les conséquences potentiellement ca- tastrophiques d’une absence d’accord dans le cadre du Brexit pour l’approvisionnement en médicaments. Le gouvernement avait alors déjà demandé à l’industrie de faire des stocks de médicaments pour six semaines supplémentaires. Objectif : tout mettre en œuvre pour que l’opinion public ne s’in- quiète pas d’une situation qui pourrait rapi- dement changer et devenir très probléma- tique pour le Royaume-Uni. Cinq mois plus tard, le secteur semble être sous contrôle, rapporte Sawer. « Ils ont écouté les avertis- sements de l’industrie pharmaceutique, des acteurs de la chaîne d’approvisionnement, des pharmaciens, de la NHS… et se sont bien préparés. » Stocks et routes alternatives Augmenter les stocks, donc, mais aussi mettre en place des routes d’approvision- nement alternatives « pour éviter le goulot d’étranglement entre Calais et Douvres en cas d’absence d’accord ». Au total, sept nouvelles routes en partance de la Hollande ou de Belgique ont ainsi été mise en place et sont opérationnelles selon Martin Sawer. Autre promesse mise en œuvre : l’indus- trie pharmaceutique a obtenu la priorité de transit pour ses médicaments et des places supplémentaires dans les transports aériens pour les médicaments dont la durée de vie à l’étal s’avère faible. Enfin, désireux de parer à toutes les ruptures de stocks, le gouvernement a créé un nou- veau dispositif, le « Serious Shortage Pro- tocole » (protocole de pénurie importante) : en cas de crise, il sera activé pour permettre aux pharmaciens de fournir aux patients un médicament alternatif si le premier choix n’est pas disponible. « Les patients peuvent être assurés que tous les scénarios ont été envisagés et sont en place, rassure Martin Sawer. Il y a un programme de continuité solide en cas de no deal ». Alignement avec l’UE Les principales inquiétudes se concentrent sur une sortie de l’UE sans accord, scéna- rio toujours plausible à l’heure de la mise sous presse – même si le gouvernement tente tant bien que mal de faire voter par le parlement l’accord de retrait négocié avec l’UE. « S’il y a un accord de retrait, nous entrerons dans une période de transition, explique le directeur de la HDA. Pour les médicaments, tout reste comme tel sachant que nous reconnaissons les régulations de l’UE. Il n’y aurait donc pas besoin de retenir les médicaments à la frontière, puisqu’il n’y a pas de taxes sur ces produits. » L’enjeu consistera alors à définir la relation entre le Royaume-Uni et l’UE à la fin de la période de transition, prévue pour décembre 2020. Non-divulgation Si selon Sawer le pays est prêt, le processus de préparation a en tout cas été opaque. Le ministère de la Santé a en effet passé plus de 26 « gagging orders » (mesure de non-divulga- tion qui interdit à ces entreprises et orga- nisations de parler publiquement de leurs arrangements et préparations) avec les or- ganisations pharmaceutiques. « La raison pour laquelle nous avons signé est que le gouvernement demandait aux compagnies des informations sur l’état de leurs stocks, ce genre d’informations commercialement sensibles », justifie-t-il. La plupart de ces données sont désormais tombées dans le domaine public, assure-t-il. Quant à la communication vers les patients, il semblerait que le travail ait été fait en cou- lisses, selon Martin Sawer. « Le ministère de la Santé est allé voir les groupes de patients, les hôpitaux, les pharmacies, les médecins. L’idée étant qu’il reviendrait aux professionnels d’informer et donc de ras- surer les patients, car ils sont mieux placés que le gouvernement. » Une tâche qui s’annonce bien difficile. « Sur les forums dédiés au diabète, tout le monde est en train de faire des stocks d’insuline », rapportait en janvier dernier, le respecté quotidien The Guardian qui faisait une en- quête sur les pénuries de médicaments. Sous couvert d’anonymat, une personne déclarait même : « Nous sommes habitués à obtenir notre insuline le jour même de la commande ou le lendemain, mais cer- taines personnes ont dû attendre une se- maine. » Les médias et les observateurs semblent s’accorder aujourd’hui, sur le fait que les malades commencent à faire des provisions. « C’est complètement compré- hensible », réagit Sawer, qui assure que les acteurs de l’industrie ont l’habitude des fluctuations de la demande, notamment saisonnière. « Nous n’avons pas remarqué de pression inhabituelle sur la chaîne d’ap- provisionnement », tente-t-il de rassurer. … pendant que l’Agence euro- péenne des médicaments démé- nage ! Dans un climat social où le doute com- mence à s’installer sur la fiabilité du système de santé, d’autres conséquences liées au Brexit risquent d’ajouter à l’incertitude. Ainsi, l’Agence européenne des médicaments – évaluation et contrôle du développement des nouveaux médicaments humains et vé- térinaires dans l’Union européenne – vient de quitter Londres pour s’installer à Ams- terdam. Avec une perte de 900 emplois à la clé. Et surtout, un nouveau coup dur pour les relations entre l’agence britannique MHRA (Medicines and Healthcare pro- ducts Regulatory Agency) et l’Agence euro- péenne. En septembre 2018, The Guardian rapportait que la MHRA, après avoir été l’as- sesseur principal pour l’agence européenne, avait perdu la majorité de ses contrats. « Si nous reconnaissons les régulations de l’EMA, cela aidera peut-être à un passage sans accroc des médicaments, des exper- tises et du savoir scientifique entre l’UE et le Royaume-Uni, espère Martin Sawer. Nous essayons de reconnaître les régulations européennes mais cela peut, dans le futur, devenir un obstacle. » DOSSIER / BREXIT Médicaments l’approvisionnement de tous les dangers 37 millions de boîtes de médicaments arrivent de l’Union européenne, chaque mois. Une fois les frontières rétablies, tout l’enjeu entre les partenaires sera de garantir un approvisionnement… sans accroc ! Entre 6 000 et 23 000 c’est le nombre de morts supplémentaires de maladies cardiovasculaires en cas de no deal et de problèmes d’importation de fruits et légumes frais, selon les estimations des auteurs de l’étude de l’impact du Brexit publiée par The Lancet en février 2019. 577,35 millions de livres par an c’est le budget de recherche dans le cadre du programme « Horizon 2020 » que perdra le Royaume-Uni dans l’hypothèse d’un no deal, selon les calculs de Scientists for EU. Certains patients dont la santé dépend de la prise régulière de médicaments, comme les personnes atteintes de diabète, commencent à faire des stocks.