SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  34
Journées Transversales de la Recherche sur l’Expertise (JTRE 2019)
6 et 7 juin 2019
Mohamed BAYAD
Fabien IMBAULT
L’expertise universitaire au service des entreprises :
la question des apports de la recherche en sciences de gestion aux pratiques
managériales
2
Préliminaire
La question posée est la suivante : quels sont les (r)apports de la recherche
en sciences de gestion aux pratiques managériales (et entrepreneuriales) ?
Afin d’apporter un éclairage pertinent à cette question complexe, nous vous
proposons de mobiliser un travail de conceptualisation mûri progressivement à
l’épreuve de nos expériences d’enseignant-chercheur et de praticien-chercheur.
 Cette contribution n’est pas élaborée sur la base d’un corpus résultant d’une
démarche de recherche ad hoc, mais de ce double mouvement de conceptualisation
et de sa mise à l’épreuve dans notre expérience professionnelle elle-même.
 Il convient de la prendre comme le point de vue d’enseignant-chercheur et de
praticien-chercheur qui considèrent que l’université a son utilité sociale tant dans
le registre de la production de savoirs que de celui des conditions de son
enseignement pour les étudiants (futurs praticiens) et les praticiens en exercice (en
formation continue ou non).
3
Préliminaire
On est ici au cœur du débat du pragmatisme, des valeurs et de l’épistémologie qui
interpelle les Sciences de Gestion, et leur implication dans la vie des organisations en
particulier et dans la Société en général.
 Un retour au pragmatisme dans la relation entre la Science et la Société se rapporte à
l’apparition de structures institutionnelles privées productrices de leurs propres
connaissances et de leurs diffusions auprès des praticiens.
 Une affirmation des valeurs car la réduction de l'écart entre chercheurs et praticiens
passe par une recherche utile pour tous les publics. En effet, nous sommes avant tout
des citoyens de ce monde et secondairement des chercheurs et des enseignants.
 Un besoin de réalisme critique avec des considérations épistémologiques. En effet, il
s’agit d’observer les organisations comme des artefacts façonnés par la pratique
d’acteurs dans leur contexte, en prenant en compte leurs problématiques et enjeux
spécifiques.
4
En ce sens, notre réponse à la question posée prend comme point d'appui le postulat d’une relation
ternaire entre :
De ce point de vue, la question des (r)apports réciproques me semble moins être celui de l’écart
entre chercheurs, enseignants et praticiens que celui de la réciprocité entre les savoirs
théoriques, les savoirs enseignés et les savoirs d’expérience .
5
De ce point de vue, il s’agit :
1. Saisir la relation complexe entre les savoirs
2. Explorer les relations particulières entre les savoirs
3. Développer la logique de réciprocité entre les savoirs
Préliminaire
6
1. La relation entre les savoirs : une relation complexe et controversée
Depuis leur création, les écoles de commerce, tout d’abord, et les instituts universitaires
de management, par la suite, se sont appuyées sur le principe qu’une relation positive
existe entre la recherche académique, l’enseignement supérieur et la pratique
professionnelle (Simon, 1976 ; Roethlisberger, 1977).
 Cette idée de relation positive entre les savoirs est loin d’aller de soi puisque
dès 1907, Kerschensteiner considère, au contraire, qu’il s’agit là de remplacer le
« savoir d'expérience » par un savoir « livresque » qui demeure étranger à
l’apprenant et sans prise sur sa personnalité toujours en évolution.
 On peut rajouter des considérations éthiques et épistémologiques
contemporaines, sur le rapprochement entre savoirs théoriques et savoirs
d’expérience qui semble aller de soi en sciences de gestion (Knights, 2008).
7
1.1 Synergie entre les savoirs : une profession de foi
On peut se reporter aux propos chargés de convictions de Tushman et O’Relly
(2007) :
« As professional schools located within universities, business schools and
their faculties have an obligation to serve multiple masters. As responsible
teachers and researchers, we contribute to the development of fundamental
ideas and concepts, in the service of knowledge building, even as we link
these ideas and concepts, in the service of practitioners ».
Ce qui veut dire qu’une théorie bien développée est produite et enseignée pour
mieux aider les managers et entrepreneurs à se frayer un chemin dans le dédale de
la complexité du terrain organisationnel.
8
1.1 Synergie entre les savoirs : une profession de foi
Poursuivons avec Tushman et O’Relly (2007) pour mieux comprendre le rôle qu’ils
donnent à la recherche dans les écoles de commerce et les instituts universitaires
de management. Les deux auteurs font référence à Donald Stokes et son « Pasteur’s
Quadrant: Basic Science and Technological Innovation » (1977).
Les enseignants-chercheurs
en sciences de gestion en
raison de leur relation à la
pratique, doivent répondre à
la fois à la rigueur et à la
pertinence.
9
1.2 Synergie entre les savoirs : une inquiétude manifeste
De plus en plus de chercheurs en sciences de gestion ont constaté ou se sont inquiétés de
l’écart notable et toujours persistant entre la recherche, l’enseignement et le monde de
la pratique (Pettigrew, 2001; Pfeffer et Fong, 2002; Bennis et O’Toole, 2005 ; Demil et al.,
2007 ; Allard-Poesi et Loilier, 2012 ; Ireland, 2012 ; Barthélémy et Mottis, 2016).
 Susman et Evered (1978) avaient aussi souligné que le fossé entre la recherche et le
monde de la pratique en gestion correspondait à une véritable « crise » pour la
communauté gestionnaire.
 Bansal et al. (2012) rappellent, quant à eux, que chaque président de l'Academy of
Management aux Etats-Unis depuis Donald Hambrick (1994) n’a fait que constater la
perte de pertinence de la recherche sur l’enseignement et la pratique dans les écoles
de commerce et les instituts universitaires de management.
10
1.2 Synergie entre les savoirs ? : une inquiétude manifeste
De nombreuses raisons sont mobilisées pour expliquer le fossé : communautés et
temporalités différentes, intérêts divergents, critères de validité spécifiques, etc.
Cette question a surtout été abordée sous l’angle de la recherche et de ses liens avec
l’action. Elle est aujourd’hui posée dans l’enseignement supérieur (Laroche, 2007),
notamment dans les formations universitaires en management et en Entrepreneuriat.
11
2. La relation entre les savoirs : une relation à explorer
Comment comprendre le fossé entre la recherche-enseignement et la pratique ?
12
2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
Il est possible d’identifier plusieurs raisons communes pour expliquer le fossé.
La raison la plus souvent cité relève de la différence d’intérêts entre les chercheurs et
les praticiens (entrepreneurs, décideurs, accompagnateurs et partenaires associés) :
- Alors que les praticiens ont besoin de solutions immédiates à leurs problèmes immédiats, les
chercheurs se focalisent plus sur leurs chances de publication que sur la pertinence pratique de leurs
sujets de recherches.
- En agissant ainsi, ils ne font souvent que répondre, de manière conforme, aux exigences du système
d’enseignement supérieur tel qu’il fonctionne.
De nombreux auteurs tirent la sonnette d’alarme sur le fait que les questions et les
méthodologies intéressant les chercheurs n’ont que peu ou pas d’importance pour
les praticiens car elles ne sont pas axées sur les questions fondamentales du terrain
13
2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
14
2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
15
2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
16
2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
17
2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
18
2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
19
2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
20
2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
https://bized.aacsb.edu/articles/2019/may/the-real-value-of-business-schools
21
2.2 L'enseignement comme médiateur : une relation ternaire à développer
Si la relation entre la recherche et la pratique est souvent privilégiée, elle n’est pas
toujours directe comme nous l’avons discuté. La pratique implique d’appliquer des
savoirs d’expérience connus, alors que la recherche est orientée vers des idées
nouvelles, encore inexplorées.
C’est pourquoi, la pratique et la recherche en management/entrepreneuriat
pourraient être rapprochées par deux voies principales :
 La qualité de l’enseignement des futurs praticiens ou des praticiens en exercice.
 L’efficacité de la relation de la recherche à l’enseignement.
22
2.2 L'enseignement comme médiateur : une relation ternaire à développer
L’enseignement aurait plus d’impact sur les praticiens que la recherche. En effet, si
la relation entre la recherche et la pratique est perçue par les praticiens comme
vague ou confuse, la relation enseignement-pratique semble être beaucoup plus
claire à leur yeux.
- Il suffit de se reporter aux nombreuses publications, de l’Academy of Management
Learning & Education (AMLE), qui expliquent pourquoi et comment l’enseignement
dispensé aux cadres, au MBA et au premier cycle permet de former des gestionnaires
mieux informés, réfléchis et efficaces (cf. la mission de l’AMLE sur Internet).
- Du point de vue de l’entrepreneuriat, on retrouve cette même vison dans Journal of
Entrepreneurship Education (JEE) et Entrepreneurship Education and Pedagogy (EE&P),
qui très tôt, prend forme sous la dénomination explicite d’« Education Entrepreneuriale »
(Vesper, 1985; Gibb, 1987; Ronstadt, 1987).
23
2.2 L'enseignement comme médiateur : une relation ternaire à développer
24
2.2 L'enseignement comme médiateur : une relation ternaire à développer
25
3. Développer la logique de réciprocité entre les savoirs
Questions récurrentes qui se posent aux sciences de gestion :
 Comment devons-nous gérer les organisations ?
 Comment devons-nous gérer le manager ou l’entrepreneur
ingouvernable ?
Est-ce possible de ne pas considérer le manager ou
l’entrepreneur comme un problème de gestion ?
26
3.1 Développer la logique de réciprocité entre les savoirs : Symbiose
• « Pour moi »
• Une altérité
instrumentale
Logique de
domestication
• « En moi »
• Une altérité
dissoute
Logique
mutualiste • « Avec moi »
• Une altérité
acceptée
Logique de
réciprocitéSymbiose
Négociation
Violence
symbolique
Orthodoxie
Frontières de
connaissances
27
3.2 Développer la logique de réciprocité entre les savoirs
28
3.2 Développer la logique de réciprocité entre les savoirs
Cette analyse s’applique aux deux communautés qui nous intéressent. La frontière
syntaxique entre enseignants-chercheurs et praticiens est caractérisée à la fois par :
 Des jargons spécifiques
Les praticiens regrettent souvent le langage trop conceptuel et trop abstrait des enseignants-chercheurs alors
que ces derniers s’étonnent parfois des terminologies en usage dans les entreprises.
 Des modes de présentation des connaissances différents
Les praticiens emploient volontiers un style visuel (« canvas ») ou narratif pour présenter leurs connaissances,
mettant en histoires les expériences vécues (« storytelling »). Les enseignants-chercheurs ont vocation à définir et
à expliquer les concepts mobilisés, mettent en lumière des relations causales, privilégient l’argumentation.
 Des stratégies rhétoriques propres à chaque communauté
La rhétorique académique occulte généralement les valeurs, les normes, les hypothèses sous-jacentes à la
recherche et la rend encore moins réaliste aux yeux des praticiens (Argyris, 1995 ; Rynes et al, 2001). De l’autre,
le discours des praticiens a besoin de valeurs, de normes et d’idéologies pour mobiliser les salariés.
29
3.2 Développer la logique de réciprocité entre les savoirs
Quand enseignants-chercheurs et praticiens semblent partager le même langage, ce sont
les interprétations d’un même concept, d’une même pratique, d’un même discours
qui peuvent être différentes (exemple : la compétence d’un entrepreneur).
Les objets frontières « schématisent le travail d’articulation, de coordination de l’action et
de simplification du monde » (Vissac-Charles, 1996). À travers eux, différents acteurs qui
n’ont pas obligatoirement les mêmes buts arrivent à se coordonner tout en conservant leur
autonomie.
 Le concept d’objet frontière permet de se débarrasser de l’idée que la coopération passe
obligatoirement par le consensus et permet ainsi d’expliquer comment on peut gérer à la fois la
diversité et la coopération.
 Cet objet doit être suffisamment flexible pour permettre aux différentes communautés de
dialoguer, de se comprendre et d’agir ensemble. Il doit être assez robuste pour garder une
identité propre (Carlile, 2002) car il présente trois caractéristiques (un langage commun, il permet un
apprentissage à partir d’une explicitation des différences, résoudre les conséquences négatives des
connaissances produites de part et d’autre de la frontière.
30
3.2 Développer la logique de réciprocité entre les savoirs
31
EN CONCLUSION
32
EN CONCLUSION
33
34
MERCI

Contenu connexe

Similaire à Management entre théorie et pratique

Rôles des enseignants associés et des superviseurs pour l’accompagnement réfl...
Rôles des enseignants associés et des superviseurs pour l’accompagnement réfl...Rôles des enseignants associés et des superviseurs pour l’accompagnement réfl...
Rôles des enseignants associés et des superviseurs pour l’accompagnement réfl...
Matthieu Petit
 
L'e-portfolio d'apprentissage: un outil au service d'une articulation théorie...
L'e-portfolio d'apprentissage: un outil au service d'une articulation théorie...L'e-portfolio d'apprentissage: un outil au service d'une articulation théorie...
L'e-portfolio d'apprentissage: un outil au service d'une articulation théorie...
Matthieu Petit
 
Les fonctions tutorales dans la formation des cadres : permanence et révoluti...
Les fonctions tutorales dans la formation des cadres : permanence et révoluti...Les fonctions tutorales dans la formation des cadres : permanence et révoluti...
Les fonctions tutorales dans la formation des cadres : permanence et révoluti...
tad10
 
Quel paradigme pour l entrepreneuriat international
Quel paradigme pour l entrepreneuriat internationalQuel paradigme pour l entrepreneuriat international
Quel paradigme pour l entrepreneuriat international
nadiakorbi
 

Similaire à Management entre théorie et pratique (20)

Synthèse "Bilan de competence : valorisation professionnelle du doctorat"
Synthèse "Bilan de competence : valorisation professionnelle du doctorat"Synthèse "Bilan de competence : valorisation professionnelle du doctorat"
Synthèse "Bilan de competence : valorisation professionnelle du doctorat"
 
Recrutement des profils universitaires : perceptions, stéréotypes et freins d...
Recrutement des profils universitaires : perceptions, stéréotypes et freins d...Recrutement des profils universitaires : perceptions, stéréotypes et freins d...
Recrutement des profils universitaires : perceptions, stéréotypes et freins d...
 
Rôles des enseignants associés et des superviseurs pour l’accompagnement réfl...
Rôles des enseignants associés et des superviseurs pour l’accompagnement réfl...Rôles des enseignants associés et des superviseurs pour l’accompagnement réfl...
Rôles des enseignants associés et des superviseurs pour l’accompagnement réfl...
 
Edias - Tutorat - Rapport - Juin 2018
Edias - Tutorat - Rapport - Juin 2018 Edias - Tutorat - Rapport - Juin 2018
Edias - Tutorat - Rapport - Juin 2018
 
05a ardeco
05a ardeco05a ardeco
05a ardeco
 
05a ardeco
05a ardeco05a ardeco
05a ardeco
 
La régulation pédagogique comme vecteur de valeurs professionnelles
La régulation pédagogique comme vecteur de valeurs professionnellesLa régulation pédagogique comme vecteur de valeurs professionnelles
La régulation pédagogique comme vecteur de valeurs professionnelles
 
Etude Apec - Les cadres en PME
Etude Apec - Les cadres en PMEEtude Apec - Les cadres en PME
Etude Apec - Les cadres en PME
 
L'e-portfolio d'apprentissage: un outil au service d'une articulation théorie...
L'e-portfolio d'apprentissage: un outil au service d'une articulation théorie...L'e-portfolio d'apprentissage: un outil au service d'une articulation théorie...
L'e-portfolio d'apprentissage: un outil au service d'une articulation théorie...
 
théorie des organisations s62021-2022.pdf
théorie des organisations s62021-2022.pdfthéorie des organisations s62021-2022.pdf
théorie des organisations s62021-2022.pdf
 
L’insertion par la valorisation°: l’exemple de l’atelier « Valorisation de la...
L’insertion par la valorisation°: l’exemple de l’atelier « Valorisation de la...L’insertion par la valorisation°: l’exemple de l’atelier « Valorisation de la...
L’insertion par la valorisation°: l’exemple de l’atelier « Valorisation de la...
 
Cours moufia2013 professionnalisation-réflexivité-analysesituationpro-suite1
Cours moufia2013 professionnalisation-réflexivité-analysesituationpro-suite1Cours moufia2013 professionnalisation-réflexivité-analysesituationpro-suite1
Cours moufia2013 professionnalisation-réflexivité-analysesituationpro-suite1
 
Les fonctions tutorales dans la formation des cadres : permanence et révoluti...
Les fonctions tutorales dans la formation des cadres : permanence et révoluti...Les fonctions tutorales dans la formation des cadres : permanence et révoluti...
Les fonctions tutorales dans la formation des cadres : permanence et révoluti...
 
Etude Apec - Le bien être au travail : entre distance et proximité
Etude Apec - Le bien être au travail : entre distance et proximitéEtude Apec - Le bien être au travail : entre distance et proximité
Etude Apec - Le bien être au travail : entre distance et proximité
 
Syllabus
SyllabusSyllabus
Syllabus
 
Bilan de compétence : valorisation professionnelle du doctorat
Bilan de compétence : valorisation professionnelle du doctoratBilan de compétence : valorisation professionnelle du doctorat
Bilan de compétence : valorisation professionnelle du doctorat
 
Scientifiques & soft skills gd sl 2015
Scientifiques & soft skills gd sl 2015Scientifiques & soft skills gd sl 2015
Scientifiques & soft skills gd sl 2015
 
Quel paradigme pour l entrepreneuriat international
Quel paradigme pour l entrepreneuriat internationalQuel paradigme pour l entrepreneuriat international
Quel paradigme pour l entrepreneuriat international
 
Note de synthèse - Promouvoir les organisations du travail apprenantes : enje...
Note de synthèse - Promouvoir les organisations du travail apprenantes : enje...Note de synthèse - Promouvoir les organisations du travail apprenantes : enje...
Note de synthèse - Promouvoir les organisations du travail apprenantes : enje...
 
Analyse de l’agir professionnel en éducation physique et sportive
Analyse de l’agir professionnel en éducation physique et sportiveAnalyse de l’agir professionnel en éducation physique et sportive
Analyse de l’agir professionnel en éducation physique et sportive
 

Management entre théorie et pratique

  • 1. Journées Transversales de la Recherche sur l’Expertise (JTRE 2019) 6 et 7 juin 2019 Mohamed BAYAD Fabien IMBAULT L’expertise universitaire au service des entreprises : la question des apports de la recherche en sciences de gestion aux pratiques managériales
  • 2. 2 Préliminaire La question posée est la suivante : quels sont les (r)apports de la recherche en sciences de gestion aux pratiques managériales (et entrepreneuriales) ? Afin d’apporter un éclairage pertinent à cette question complexe, nous vous proposons de mobiliser un travail de conceptualisation mûri progressivement à l’épreuve de nos expériences d’enseignant-chercheur et de praticien-chercheur.  Cette contribution n’est pas élaborée sur la base d’un corpus résultant d’une démarche de recherche ad hoc, mais de ce double mouvement de conceptualisation et de sa mise à l’épreuve dans notre expérience professionnelle elle-même.  Il convient de la prendre comme le point de vue d’enseignant-chercheur et de praticien-chercheur qui considèrent que l’université a son utilité sociale tant dans le registre de la production de savoirs que de celui des conditions de son enseignement pour les étudiants (futurs praticiens) et les praticiens en exercice (en formation continue ou non).
  • 3. 3 Préliminaire On est ici au cœur du débat du pragmatisme, des valeurs et de l’épistémologie qui interpelle les Sciences de Gestion, et leur implication dans la vie des organisations en particulier et dans la Société en général.  Un retour au pragmatisme dans la relation entre la Science et la Société se rapporte à l’apparition de structures institutionnelles privées productrices de leurs propres connaissances et de leurs diffusions auprès des praticiens.  Une affirmation des valeurs car la réduction de l'écart entre chercheurs et praticiens passe par une recherche utile pour tous les publics. En effet, nous sommes avant tout des citoyens de ce monde et secondairement des chercheurs et des enseignants.  Un besoin de réalisme critique avec des considérations épistémologiques. En effet, il s’agit d’observer les organisations comme des artefacts façonnés par la pratique d’acteurs dans leur contexte, en prenant en compte leurs problématiques et enjeux spécifiques.
  • 4. 4 En ce sens, notre réponse à la question posée prend comme point d'appui le postulat d’une relation ternaire entre : De ce point de vue, la question des (r)apports réciproques me semble moins être celui de l’écart entre chercheurs, enseignants et praticiens que celui de la réciprocité entre les savoirs théoriques, les savoirs enseignés et les savoirs d’expérience .
  • 5. 5 De ce point de vue, il s’agit : 1. Saisir la relation complexe entre les savoirs 2. Explorer les relations particulières entre les savoirs 3. Développer la logique de réciprocité entre les savoirs Préliminaire
  • 6. 6 1. La relation entre les savoirs : une relation complexe et controversée Depuis leur création, les écoles de commerce, tout d’abord, et les instituts universitaires de management, par la suite, se sont appuyées sur le principe qu’une relation positive existe entre la recherche académique, l’enseignement supérieur et la pratique professionnelle (Simon, 1976 ; Roethlisberger, 1977).  Cette idée de relation positive entre les savoirs est loin d’aller de soi puisque dès 1907, Kerschensteiner considère, au contraire, qu’il s’agit là de remplacer le « savoir d'expérience » par un savoir « livresque » qui demeure étranger à l’apprenant et sans prise sur sa personnalité toujours en évolution.  On peut rajouter des considérations éthiques et épistémologiques contemporaines, sur le rapprochement entre savoirs théoriques et savoirs d’expérience qui semble aller de soi en sciences de gestion (Knights, 2008).
  • 7. 7 1.1 Synergie entre les savoirs : une profession de foi On peut se reporter aux propos chargés de convictions de Tushman et O’Relly (2007) : « As professional schools located within universities, business schools and their faculties have an obligation to serve multiple masters. As responsible teachers and researchers, we contribute to the development of fundamental ideas and concepts, in the service of knowledge building, even as we link these ideas and concepts, in the service of practitioners ». Ce qui veut dire qu’une théorie bien développée est produite et enseignée pour mieux aider les managers et entrepreneurs à se frayer un chemin dans le dédale de la complexité du terrain organisationnel.
  • 8. 8 1.1 Synergie entre les savoirs : une profession de foi Poursuivons avec Tushman et O’Relly (2007) pour mieux comprendre le rôle qu’ils donnent à la recherche dans les écoles de commerce et les instituts universitaires de management. Les deux auteurs font référence à Donald Stokes et son « Pasteur’s Quadrant: Basic Science and Technological Innovation » (1977). Les enseignants-chercheurs en sciences de gestion en raison de leur relation à la pratique, doivent répondre à la fois à la rigueur et à la pertinence.
  • 9. 9 1.2 Synergie entre les savoirs : une inquiétude manifeste De plus en plus de chercheurs en sciences de gestion ont constaté ou se sont inquiétés de l’écart notable et toujours persistant entre la recherche, l’enseignement et le monde de la pratique (Pettigrew, 2001; Pfeffer et Fong, 2002; Bennis et O’Toole, 2005 ; Demil et al., 2007 ; Allard-Poesi et Loilier, 2012 ; Ireland, 2012 ; Barthélémy et Mottis, 2016).  Susman et Evered (1978) avaient aussi souligné que le fossé entre la recherche et le monde de la pratique en gestion correspondait à une véritable « crise » pour la communauté gestionnaire.  Bansal et al. (2012) rappellent, quant à eux, que chaque président de l'Academy of Management aux Etats-Unis depuis Donald Hambrick (1994) n’a fait que constater la perte de pertinence de la recherche sur l’enseignement et la pratique dans les écoles de commerce et les instituts universitaires de management.
  • 10. 10 1.2 Synergie entre les savoirs ? : une inquiétude manifeste De nombreuses raisons sont mobilisées pour expliquer le fossé : communautés et temporalités différentes, intérêts divergents, critères de validité spécifiques, etc. Cette question a surtout été abordée sous l’angle de la recherche et de ses liens avec l’action. Elle est aujourd’hui posée dans l’enseignement supérieur (Laroche, 2007), notamment dans les formations universitaires en management et en Entrepreneuriat.
  • 11. 11 2. La relation entre les savoirs : une relation à explorer Comment comprendre le fossé entre la recherche-enseignement et la pratique ?
  • 12. 12 2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter Il est possible d’identifier plusieurs raisons communes pour expliquer le fossé. La raison la plus souvent cité relève de la différence d’intérêts entre les chercheurs et les praticiens (entrepreneurs, décideurs, accompagnateurs et partenaires associés) : - Alors que les praticiens ont besoin de solutions immédiates à leurs problèmes immédiats, les chercheurs se focalisent plus sur leurs chances de publication que sur la pertinence pratique de leurs sujets de recherches. - En agissant ainsi, ils ne font souvent que répondre, de manière conforme, aux exigences du système d’enseignement supérieur tel qu’il fonctionne. De nombreux auteurs tirent la sonnette d’alarme sur le fait que les questions et les méthodologies intéressant les chercheurs n’ont que peu ou pas d’importance pour les praticiens car elles ne sont pas axées sur les questions fondamentales du terrain
  • 13. 13 2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
  • 14. 14 2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
  • 15. 15 2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
  • 16. 16 2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
  • 17. 17 2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
  • 18. 18 2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
  • 19. 19 2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter
  • 20. 20 2.1 Recherche et pratique : une relation binaire à revisiter https://bized.aacsb.edu/articles/2019/may/the-real-value-of-business-schools
  • 21. 21 2.2 L'enseignement comme médiateur : une relation ternaire à développer Si la relation entre la recherche et la pratique est souvent privilégiée, elle n’est pas toujours directe comme nous l’avons discuté. La pratique implique d’appliquer des savoirs d’expérience connus, alors que la recherche est orientée vers des idées nouvelles, encore inexplorées. C’est pourquoi, la pratique et la recherche en management/entrepreneuriat pourraient être rapprochées par deux voies principales :  La qualité de l’enseignement des futurs praticiens ou des praticiens en exercice.  L’efficacité de la relation de la recherche à l’enseignement.
  • 22. 22 2.2 L'enseignement comme médiateur : une relation ternaire à développer L’enseignement aurait plus d’impact sur les praticiens que la recherche. En effet, si la relation entre la recherche et la pratique est perçue par les praticiens comme vague ou confuse, la relation enseignement-pratique semble être beaucoup plus claire à leur yeux. - Il suffit de se reporter aux nombreuses publications, de l’Academy of Management Learning & Education (AMLE), qui expliquent pourquoi et comment l’enseignement dispensé aux cadres, au MBA et au premier cycle permet de former des gestionnaires mieux informés, réfléchis et efficaces (cf. la mission de l’AMLE sur Internet). - Du point de vue de l’entrepreneuriat, on retrouve cette même vison dans Journal of Entrepreneurship Education (JEE) et Entrepreneurship Education and Pedagogy (EE&P), qui très tôt, prend forme sous la dénomination explicite d’« Education Entrepreneuriale » (Vesper, 1985; Gibb, 1987; Ronstadt, 1987).
  • 23. 23 2.2 L'enseignement comme médiateur : une relation ternaire à développer
  • 24. 24 2.2 L'enseignement comme médiateur : une relation ternaire à développer
  • 25. 25 3. Développer la logique de réciprocité entre les savoirs Questions récurrentes qui se posent aux sciences de gestion :  Comment devons-nous gérer les organisations ?  Comment devons-nous gérer le manager ou l’entrepreneur ingouvernable ? Est-ce possible de ne pas considérer le manager ou l’entrepreneur comme un problème de gestion ?
  • 26. 26 3.1 Développer la logique de réciprocité entre les savoirs : Symbiose • « Pour moi » • Une altérité instrumentale Logique de domestication • « En moi » • Une altérité dissoute Logique mutualiste • « Avec moi » • Une altérité acceptée Logique de réciprocitéSymbiose Négociation Violence symbolique Orthodoxie Frontières de connaissances
  • 27. 27 3.2 Développer la logique de réciprocité entre les savoirs
  • 28. 28 3.2 Développer la logique de réciprocité entre les savoirs Cette analyse s’applique aux deux communautés qui nous intéressent. La frontière syntaxique entre enseignants-chercheurs et praticiens est caractérisée à la fois par :  Des jargons spécifiques Les praticiens regrettent souvent le langage trop conceptuel et trop abstrait des enseignants-chercheurs alors que ces derniers s’étonnent parfois des terminologies en usage dans les entreprises.  Des modes de présentation des connaissances différents Les praticiens emploient volontiers un style visuel (« canvas ») ou narratif pour présenter leurs connaissances, mettant en histoires les expériences vécues (« storytelling »). Les enseignants-chercheurs ont vocation à définir et à expliquer les concepts mobilisés, mettent en lumière des relations causales, privilégient l’argumentation.  Des stratégies rhétoriques propres à chaque communauté La rhétorique académique occulte généralement les valeurs, les normes, les hypothèses sous-jacentes à la recherche et la rend encore moins réaliste aux yeux des praticiens (Argyris, 1995 ; Rynes et al, 2001). De l’autre, le discours des praticiens a besoin de valeurs, de normes et d’idéologies pour mobiliser les salariés.
  • 29. 29 3.2 Développer la logique de réciprocité entre les savoirs Quand enseignants-chercheurs et praticiens semblent partager le même langage, ce sont les interprétations d’un même concept, d’une même pratique, d’un même discours qui peuvent être différentes (exemple : la compétence d’un entrepreneur). Les objets frontières « schématisent le travail d’articulation, de coordination de l’action et de simplification du monde » (Vissac-Charles, 1996). À travers eux, différents acteurs qui n’ont pas obligatoirement les mêmes buts arrivent à se coordonner tout en conservant leur autonomie.  Le concept d’objet frontière permet de se débarrasser de l’idée que la coopération passe obligatoirement par le consensus et permet ainsi d’expliquer comment on peut gérer à la fois la diversité et la coopération.  Cet objet doit être suffisamment flexible pour permettre aux différentes communautés de dialoguer, de se comprendre et d’agir ensemble. Il doit être assez robuste pour garder une identité propre (Carlile, 2002) car il présente trois caractéristiques (un langage commun, il permet un apprentissage à partir d’une explicitation des différences, résoudre les conséquences négatives des connaissances produites de part et d’autre de la frontière.
  • 30. 30 3.2 Développer la logique de réciprocité entre les savoirs
  • 33. 33

Notes de l'éditeur

  1. Drag Picture and Send to Back
  2. Drag Picture and Send to Back
  3. Drag Picture and Send to Back
  4. Drag Picture and Send to Back
  5. Drag Picture and Send to Back
  6. Ethique de conviction : besoin de compromis Ethique de la responsabilité : oblige de participer Les 2 sont reliées
  7. Drag Picture and Send to Back
  8. Drag Picture and Send to Back
  9. Drag Picture and Send to Back
  10. Drag Picture and Send to Back
  11. Drag Picture and Send to Back
  12. Drag Picture and Send to Back
  13. Drag Picture and Send to Back
  14. Drag Picture and Send to Back
  15. Mode 2 : praticien créent eux meme leur savoir avec leurs membres Ex : labos privés (KPMG, google), associations (CJD, MEDEF, etc), OPCA, BPI, CCI, etc. -> marché de la consultation 3 milliards -> publient dans revues professionnelles (changement et carrière, etc.)
  16. Ex d’impact pratique : nombre fondateurs
  17. Ex d’impact pratique : nombre fondateurs
  18. Drag Picture and Send to Back
  19. Praticiens = anciens étudiants
  20. Drag Picture and Send to Back
  21. Rajoute des choix didactiques et finalités sociétales -> conception de programme = curriculum Puis travail de l’enseignant pour transformer en curriculum reel Mais pratique n’attend pas Revenir sur le travail de l’apprenant et comment mobiliser tout ca
  22. Comment on developpe la réciprocité ? -> question de rapport, pas seulement apport Considerer comme un adulte qui peut participer
  23. Frontière syntaxique : cad langage qu’on utilise
  24. Drag Picture and Send to Back
  25. Drag Picture and Send to Back
  26. Drag Picture and Send to Back
  27. Drag Picture and Send to Back
  28. Drag Picture and Send to Back
  29. Drag Picture and Send to Back
  30. Drag Picture and Send to Back