SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  490
Télécharger pour lire hors ligne
C.E.F.I.
Modélisation d’un Ordre Stop Conditionnel
pour une Gestion Systématique de Portefeuille
Franck NICOLAS
CENTRE D’ECONOMIE ET DE FINANCES
INTERNATIONALES
Unité associée au C.N.R.S. : ER X 1734
Faculté des Sciences Economiques
Université de la Méditerranée - Aix-Marseille II
Château La Farge - Route des Milles - 13290 Les Milles
Tél. 04 42 93 59 93 - Fax 04 42 38 95 85 Email : cefi@univ-aix.fr
- 2 -
C.E.F.I.
Centre d'Economie et de Finances Internationales
Unité Associée au C.N.R.S. : ER X 1734
Faculté des Sciences Economiques
Université de la Méditerranée - Aix-Marseille II
Château La Farge - Route des Milles 13290 Les Milles - Tél. 04 42 93 59 93 - Fax 04 42 38 95 85
MODÉLISATION D'UN ORDRE STOP CONDITIONNEL
POUR UNE GESTION SYSTÉMATIQUE DE PORTEFEUILLE
Thèse de Doctorat ès Sciences Economiques
Franck NICOLAS
Directeur de recherche : Monsieur André CARTAPANIS
Professeur à l'Université de la Méditerranée,
Aix-Marseille II, CEFI
- 3 -
MODÉLISATION D'UN ORDRE STOP CONDITIONNEL
POUR UNE GESTION SYSTÉMATIQUE DE PORTEFEUILLE
Thèse de Doctorat Nouveau Régime
Présentée et soutenue publiquement le 9 juillet 1998
par Franck NICOLAS
Mention Honorable avec les féliciation du Jury à la majorité
Directeur de Recherche :
André CARTAPANIS Professeur à l'Université de la Méditerranée,
Aix-Marseille II, CEFI
Jury :
Mme Dominique BADILLO Professeur à l'Université de la Méditerranée
Aix-Marseille II, CEFI
Mr. Claude BENSOUSSAN
Rapporteur
Professeur à l'Université d'Aix-Marseille III
CETFI
Mr. André CARTAPANIS Professeur à l'Université de la Méditerranée
Aix-Marseille II, CEFI
Mr. Georges GALLAIS-HAMONNO
Rapporteur
Professeur à l'Université d'Orléans
LEO
Mr. François SEURRE Président de Midland Finance
Groupe HSBC
- 4 -
La Faculté n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions
exprimées dans les thèses ; ces opinions doivent
être considérées comme propres à leurs auteurs.
- 5 -
"Le mistral a quelquefois glacé l'air de l'hiver,
jamais les âmes bien trempées."
Marcel Bodrero,
Au soleil de Besagne
1988.
Per Marie,
Lou Cap Brun, dissate 17 avoust 1996
- 6 -
REMERCIEMENTS
• Mes parents, ma famille, Chantal.
• Fabrice Oberto, Fiona Lohoar, Jacques Garello
• mes amis de toujours : Olivier Lanfranchi, Jean-Christophe Repon
• le Doyen André Cartapanis bien sûr, l'équipe du CEFI aussi.
M. Fabrice Mazerolle, Me Eleonor Carlisle, Pr. Gilbert Probst, Juan
Carlos Jarillo, M. André Bender, Mme Pascale Dameron, Mr. Jean-Jacques
Lecloirec.
• la société Arbinter-Omnivalor ainsi que le Groupe Edmond de Rothschild,
le Président Luc Baatard, Baron Benjamin de Rothschild, Georges Coulon-
Karlweiss, André Soumah, Nicolas Verne, Pietro Solari, Daniel Trèves, Hugo
Ferreira, Arnaud Liguer-Laubhoüet.
• MM. Lombard Odier & Cie, Patrick Odier, Paul Lombard, Melchior de
Muralt, Mme Bénédicte Tramell, M. Sébastien Cashigari, Mlle Abigaïl
Da Marrone.
• le Groupe Hong Kong and Shangaï Banking Corporation et la Midland
Bank, Richard Moseley, Bernard Noirot-Nérin, Franck Bitton.
- 7 -
RÉSUMÉ
Devant les échecs des modélisations fondamentales des marchés financiers, les
investisseurs se tournent souvent vers l'analyse technique pour déterminer leur timing
d'investissement. Cette démarche, à l'origine de fluctuations endogènes et d'écart dans la
valorisation théorique des actifs, remet en question l'Hypothèse de Marchés Efficients qui
constitue les fondements mathématiques de la finance moderne. En revanche, elle restaure
des approches en termes de tendances, market timing et allocation tactique qui ne
fonctionnent pas dans un environnement régit par la marche au hasard des cours.
Réciproquement, elle infirme des stratégies fondées sur les marchés efficients et le temps
continu, comme l'assurance de portefeuille, les filtres ou les ordres stops.
Nous décrirons l'ensemble de cette problématique et nous efforcerons d'élaborer une
stratégie d'intervention systématique en gestion de portefeuille, empruntant à la finance en
temps continu et aux instruments conditionnels. Notre recherche portera sur le développement
d'un ordre stop intégrant plusieurs paramètres de marché. Cette approche sera testée sur des
actions françaises.
*
* *
ABSTRACT
Confronted with the disappointing results of fundamental analysis, investors survey
technical analysis to implement timing strategies on financial markets. That approach
introduces endogeneous fluctuations, explains a large part of valuation misalignements and
calls into question the Efficient Market Hypothesis, which underlies the linear mathematics
used in most capital markets theory. It also lends validity to a number of investment strategies
that should not work in a random-walk environment, including trend analysis, market timing
and tactical asset allocation. Conversely, strategies that depend upon efficient markets and
continuous pricing, such as portfolio insurance, filters and stop-loss orders, become suspect,
because chaotic markets are neither efficient nor continuously priced.
We will investigate several models to describe this environment and devote a large
part to a systematic timing strategy in portfolio management, using continuous-time finance
and derivatives. Our research will develop an evolutive stop-loss order based on several
market parameters. We will simulate our system on french shares market.
- 8 -
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Les marchés de capitaux sont devenus un forum planétaire informationnel où
s'effectuent en permanence des échanges de données et des arbitrages prenant largement le
pas sur l'économie réelle. Le passé récent des marchés financiers montre une volatilité des
cours supérieure aux turbulences que les seules lois macroscopiques auraient du engendrer.
On estime d'ailleurs que les mouvements spéculatifs de capitaux sont quotidiennement de
soixante à cent fois plus importants que les échanges de capitaux correspondant à des
transactions économiques réelles.
Capable de mettre à mal n'importe quelle Banque Centrale, cet emballement incontrôlé
de la "bulle spéculative" est porteur d'une logique de l'abondance1, de la "déterritorialisation"
et de la fin des intermédiaires. Cette économie virtuelle de temps réel et au sein de laquelle
l'espace s'efface, a été autorisée par une globalisation, une intégration mondiale, une poussée
des techniques de l'information et une déréglementation accrue. En ce sens, les marchés
financiers révèlent au début des années 1980 le contexte futuriste de la "cyber-économie".
Hélas, les logiques à l'œuvre dans le "cyber-espace" sont très difficilement appréhendables.
Kevin Kelly2 décrit les colonies d'insectes comme "un flux continu de processus". Nous
sommes ici au point de départ de la vie artificielle qui permettra un jour de mettre au point les
"cyborgs", métis d'humains et d'ordinateurs. Patrice Bonarelli3 prétend que l'efficacité peut
pâtir d'un excès de rationalité dans un environnement complexe.
L'utilité d'un comportement aléatoire dans certains jeux (ou situations de conflit) a
déjà été mise en évidence par le mathématicien français Emile Borel et le hongrois-américain
Johann von Neumann4. Au contraire d'une situation de coopération dans laquelle il est
préférable de réagir de manière prévisible, dans un contexte compétitif, un comportement
aléatoire peut être la meilleure stratégie. Même en ce qui concerne des décisions de politique
économique, si un acteur agit rationnellement, la théorie des jeux le forcera souvent à
introduire un élément aléatoire non-préditible dans sa décision, réalisant en l'occurrence une
stratégie probabiliste optimale, puis la justifiant ensuite comme la seule alternative possible
face à la situation.
1 GALBRAITH, J.K. - Brève Histoire de l'Euphorie Financière; Le Seuil, 1992.
2 KELLY, K. - rédacteur en chef de la revue Wired, "Out of Control - The New Biology of Machines, Social
Systems and The Economic World"; Addison - Wesley, 1995.
3 BONARELLI, P. - La réflexion est-elle rentable? De la Décision en Univers Turbulent; L'Harmattan, 1994.
4 NEUMANN (Von), J. & MORGENSTERN, O. - Theory of Games and Economic Behavior; Princeton University
Press, 1947.
- 9 -
De la même façon, le mathématicien Henri Poincaré rend compatible le hasard et le
déterminisme (pertinent au seul voisinage de l'équilibre) par le concept d'impréditibilité à long
terme. En effet, la connaissance des conditions initiales est toujours entachée d'imprécision et
il est impossible de formuler des prévisions dans ce contexte. L'accumulation d'information et
la connaissance du passé n'aident en rien dans la prévision de phénomènes aléatoires ne
pouvant être appréhendés que de façon stochastique.
La théorie du chaos tend à lire le désordre comme une information extrêmement
complexe plus que comme une absence d'ordre. Elle souligne l'importance de l'imprévisibilité
et conduit à une appréhension du monde dans laquelle toute globalisation (mondialisation)
devient hasardeuse. Il existe une dynamique instable évoluant loin de l'équilibre, même si des
interférences déterministes régissent temporairement le système. Aux forces régulières
modelant les trajectoires d'évolution des marchés, se superpose une structure dissipative
locale détournant le système de son équilibre.
Dans le domaine culturel, l'épanouissement du courant post-moderne, dont les credo
fondamentaux sont ceux de l'incrédulité face aux explications globales et la fragmentation
implicite dans le désordre, a permis de percevoir le rôle constructif que le désordre, la non-
linéarité et le bruit jouaient dans des environnements complexes. Dans des systèmes ouverts
évoluant loin de l'équilibre, se développent des processus d'auto-organisation et de
complexification pour lesquels l'équilibre cesse d'être un attracteur.
*
* *
La prise en compte de l'incertitude est perçue comme l'une des extensions majeures
de la représentation déterministe du monde réel des modèles économiques néo-classiques.
Cette réécriture de la modélisation peut être appréhendée au niveau des comportements de
l'agent comme des relations d'équilibre du marché.
La vision monochromatique et réductionniste de l'économie pure de Walras confronte
un homo-œconomicus intelligent, rationnel et maximisateur à un choix d'allocation de biens
dans un contexte de ressources limitées. La recherche uniforme de l'intérêt personnel
constitue la maquette d'un individu unique et stylisé. La satisfaction retirée des arbitrages
opérés par l'agent est l'un des points saillants reliant le génotype des ces modèles au concept
de rationalité. Le caractère subjectif du choix se fait par maximisation de l'utilité (ou
ophélimité) sur la base d'un critère normatif de rationalité. Dans les limites de cette
représentation, Maurice Allais5 s'opposera à l'exclusivité de la maximisation comme clef de
voûte des choix rationnels, de même que Herbert Simon6 mettra en évidence plusieurs
procédures décisionnelles suivant la nature du problème (principe de satisfecit).
5ALLAIS, M. - "The so-called Allais Pradox and Rational Decision under Uncertainty"; in Expected Utility
Hypothesis and the Allais Paradox; Allais, Hagen & Reidel Publishing Company, 1979.
6 SIMON, H.A. - "A Behavioral Model of Rational Choice"; Quaterly Journal of Economics, vol 69, 1955.
- 10 -
De même que le formalisme apporté par le critère d'espérance d'utilité, la loi de la
mécanique newtonienne constitue un invariant dans les approches néo-classiques de la fin du
XIXe
et du début du XXe
et conduit à la déshumanisation de la science économique. Ici le
temps est absent et l'économie fonctionne sans friction (transaction et information sans coût).
L'équilibre mécaniste s'enfonce dans l'abstraction peu compatible avec la représentation d'un
environnement complexe et aléatoire.
L'acceptation du hasard et de la contingence du futur produit une réflexion plus à
même de calquer à un univers polymorphe que l'héritage issu de l'image d'une économie régie
par des lois causales. L'avènement des alternatives probabilistes tendant à circonscrire le
concept plurivalent du hasard dans des limites d'intervalle de confiance, va ouvrir la voie de la
modélisation micro-économique des comportements en situation d'incertitude. Une action n'a
alors plus une conséquence unique mais une pluralité de résultats possibles affectés d'une
probabilité d'occurrence. L'arbitrage ambivalent s'opère entre des distributions de probabilité
affectées de divers degrés d'utilité, déterminés à l'aide d'une fonction généralement concave
reflétant la plus ou moins grande aversion au risque des individus.
Au niveau du marché, l'atteinte d'objectifs maxima pour chacun des agents (état au
delà duquel plus personne ne veut réaliser d'échange) est baptisé équilibre général par Walras
puis par Arrow-Debreu7. En situation d'incertitude, grâce à des échanges de biens contingents
(biens physiques auxquels sont associés des scenarii de réalisation d'événements) à un prix
d'équilibre dit concurrentiel, les agents parviennent à une allocation Pareto-optimale avant
révélation de l'état de la nature. Toute réouverture des marchés après la réalisation de
l'équilibre ne conduirait à aucun échange.
Une remise en cause de Radner8 s'attaquant à l'hypothèse de complétude des marchés,
avance l'existence de structures d'information asymétriques9 obligeant l'agent à discerner une
partition des états possibles de la nature. Certains autres agents, dans l'impossibilité
d'identifier des événements, ne pourront pas conditionner d'achat ou de vente sur la réalisation
des ces premiers. Il en résultera un plan de consommation réduit et un équilibre beaucoup
plus faible. De même lorsque le marché présente une structure incomplète, la réintroduction
explicite du temps, fait que certains biens contingents n'existent pas. Une incertitude apparaît
alors sur le prix futur obligeant les agents à formuler des prévisions, et faisant que le prix
d'équilibre prévalant sur le marché dépend de la prévision. Les anticipations portent sur
l'environnement et le prix futur (qui devient une variable endogène). L'incertitude n'est alors
plus résolue par une procédure unique d'échange et par le biais d'une main invisible mais par
des anticipations mouvantes au cours du temps et en réaction à l'incertitude.
7 ARROW, K.J. & DEBREU, G. - "Existence of Equilibrium for a Competitive Economy"; Econometrica, vol. 22,
1954.
8 RADNER, R. - "Competitive Equilibrium under Uncertainty"; Econometrica, vol. 36, 1968.
9 RADNER, R. - "Rational Expectations Equilibrium : Generic Existency and the Information Revealed by
Prices"; Econometrica, vol. 47 n°3, 1979.
- 11 -
Outre les interactions des comportements des agents au niveau du marché résultant de
la prise en compte de l'incertain, certains pourront procéder à une réduction de l'incertitude
par une démarche active. L'acquisition d'informations qui devient une variable endogène, ou
le fait que des agents tentent d'apprendre, à partir du prix, l'information détenue par les autres,
les conduit à modifier leurs positions au moment où ils apprennent la valeur du prix
d'équilibre. Par cette rétroaction, les prix ne peuvent plus assurer l'équilibre, car chacun réagit
aux actions des autres. L'équilibre se trouve alors définit en termes d'anticipations et non de
prix, et ce n'est que lorsque ces premières sont réalisées que l'équilibre est atteint. La fonction
informationnelle du marché se trouve alors propulsée au premier plan pour rendre compte de
la formation de l'équilibre.
Malheureusement, l'incertitude peut également être d'origine extrinsèque et prendre en
compte les interactions entre les hypothèses, les prévisions et les croyances des agents. Dans
une situation concurrentielle, des phénomènes de spéculation pure, gouvernés par des
composantes psychologiques, conduisent à des configurations d'équilibres de "tâches
solaires"10 déconnectées des fondamentaux. La cohérence d'incertitudes extrinsèques fait
naître des fluctuations cycliques issues des anticipations. Des croyances auto-réalisatrices
émergent alors et créent une nouvelle source d'indétermination qui augmente le nombre
d'équilibres susceptibles d'apparaître dans des modèles monétaires à anticipations rationnelles.
Le marché est alors détourné de son optimalité en matière d'allocation des ressources jusqu'à
ce que la bulle spéculative éclate sous forme de krach, restaurant, par là-même, l'efficience
allocative des marchés.
*
* *
Est-ce-à dire que l'analyse, qu'elle soit financière, fondamentale, graphique ou
technique est inutile dans une finance de marché complexe, dont les mouvements sont tantôt
alimentés par le hasard, tantôt par une logique systémique parfois non-rationnelle ? Notons
que la théorie de l'efficience des marchés répond en partie à la question puisque qu'elle
signifie l'inutilité de l'analyse si le prix d'équilibre constitue un agrégateur parfait de
l'information pertinente disponible. La proximité avec l'analyse graphique semble évidente
dans la mesure où, celle-ci se fonde sur le seul prix comme synthèse de toutes les
anticipations formulées sur le marché.
Pourtant, si l'efficience informationnelle prévalant sur les marchés financiers ne peut
plus être remise en cause (à l'exception peut être de certains marchés émergents), l'efficience
allocative des fonds prêtables subit l'instabilité du contexte monétaire international. Tout
comme les grandes banques dictèrent au XIXe siècle, leur attitude à de nombreux pays, ou
comme les entreprises multinationales le firent entre les années soixante et quatre-vingts, les
flux internationaux de capitaux tiennent désormais en leur pouvoir le destin de beaucoup de
10 AZARIADIS, C. - "Self fulfilling prophecies", Journal of Economic Theory, 1981, vol. 25, n°3, pp. 380-396.
- 12 -
pays; et dans une certaine mesure le sort économique du monde. Qu'ils cessent d'avoir
confiance en la Chine, et, tels des dominos, les pays les plus exposés (Hongrie, Argentine,
Brésil, Turquie, Thaïlande, Indonésie...) verraient leurs capitaux se retirer sous le coup de la
faillite, provoquant leur faillite et le collapsus du système.
Comment l'opérateur peut-il se repérer dans cette configuration ? A son niveau, les
allocations de portefeuilles sont-elles efficaces simplement, parce que sur la base d'un prix de
marché ou même d'une analyse risque-rendement, le cours équilibrant les offres et les
demandes contractées dans un environnement instable doit dicter les réallocations ? Si le
système financier dans son ensemble évolue de manière chaotique, il serait étonnant qu'il en
soit différemment au niveau micro-économique de la gestion des avoirs financiers. Les
approches d'intervention que nous décrivions auparavant deviennent alors aventureuses
lorsque l'on examine le contexte dans lequel elles sont utilisées. L'analyse fondamentale en
premier lieu et par définition mais aussi l'analyse technique car trop subjective et trop
rationnelle, ou pas suffisamment chaotique, ce qui dans certains cas est équivalent,
s'inscrivent pleinement dans cette vision.
De son côté, la théorie financière moderne est une discipline relativement récente dans
l'étude de l'économie. Elle est issue de l'analyse financière et des méthodes actuarielles.
Toutefois, elle a su progressivement leur ajouter un élément essentiel avec le concept de
risque intrinsèquement lié aux marché de capitaux. Désormais l'essor de la théorie financière
est considérable. Les innovations majeures des vingt dernières années comme le
démembrement d'actifs, la titrisation et le marché des dérivés ont été influencées si ce n'est
provoquées par des développements théoriques. Le point d'investigation s'élargit sans cesse en
partant du point focal qu'est la finance de marché.
L'avènement de la recherche sur les réseaux neuronaux depuis quelques années permet
une avancée sur les rationalités cachées, prenant en compte des paramètres plus nombreux et
moins "évidents" dans la compréhension d'un système. Malheureusement l'extrême lourdeur
d'un système évoluant dans un environnement complexe circonscrit son application pratique.
Les modèles de prévision économétriques, quant à eux, postulent une stabilité de relation
entre la variable et ses déterminants. Les nuances qualitatives intervenant dans la formation
du cours de la variable demeurent ignorées.
*
* *
On ne doit pas aujourd’hui nier l’existence d’un large corpus conceptuel utilisant
toute sorte de mathématiques pour accompagner la modélisation de ces marchés. On peut
s’interroger sur le fait de savoir si ces développements analytiques, très déductifs, sont
légitimes pour une science sociale. Il en est un au moins, qui possède le mérite d’avoir suscité
une application différente des autres et découvert une compréhension nouvelle. Les travaux
de Bachelier sont considérés désormais comme pionniers de la finance moderne. Ils nous
- 13 -
permettent d’évoquer le mouvement brownien ainsi que les processus aléatoires qui en
dérivent, et que l’on ne manie pas avec les règles de calcul différentiel habituelles, mais avec
le calcul d’Itô. Le bénéfice d’une série d’achat et de ventes de certaines quantités d’actifs
s’écrit désormais comme une intégrale.
La rupture épistémologique opérée dans les années 1970 montre qu’il est possible
d’abolir le hasard tant redouté, en tenant compte du marché à chaque instant dans la fixation
d’un cours à terme. Ce prix supprime alors toute possibilité de profit sans risque, l’arbitrage
est inopérant. En procédant ainsi, une banque exploite les possibilités des marchés organisés,
qui lui fournissent continûment une cote instantanée pour vendre ou acheter. Ce principe, dit
de couverture des contrats, permettra l’essor rapide des produits dérivés et des marchés
organisés correspondants. Il existe une nouvelle rationalité dans la gestion des risques et des
anticipations financières, accordant une place plus importante à l’information reçue par les
marchés au détriment du prévisionniste : le suivi de marché devient la réalité déterministe
prépondérante.
La découverte de la couverture exacte par suivi de marché, qui fait que les banques
jouent le rôle de compagnies d’assurances sans en avoir les contraintes ni les risques, a
permis le développement rapide et mondial des marchés dérivés. Ainsi étendus et
complexifiés, les marchés fournissent à chaque instant un très grand nombre d’indicateurs sur
les valeurs futures à diverses échéances des actifs cotés.
Dans ce contexte, les transactions doivent tenir le plus grand compte du marché lui-
même dans l’appréciation des risques et leur gestion. Une nouvelle rationalité de marché
s’établit : les divers points de vue des agents se traduisent par diverses lois de probabilité sur
l’évolution des cours. Un principe de relativité relie ces points de vue : il est impossible de
savoir quel est le bon et il n’en existe pas de plus légitime que les autres. L’idée d’une loi de
probabilité vraie, est une abstraction de théorie économique. La rationalité des marchés
financiers ne reconnaît pas d’objectivité aux notions de fondamental ou d’efficience, et
considèrent qu’elles relèvent d’une politique économique et de la lecture correspondante des
faits de société. Il existe un déni de pertinence à toute approche exclusive qui aurait des
prétentions prospectives différentes des indications de marché.
Le principe de couverture n’est pas une réponse au dilemme efficience / non-
efficience, mais il dit que chacun est en droit de considérer que certaines ressources sont mal
allouées, et qu’il serait rentable de les déplacer, mais que l’on prend un risque en gérant un
dérivé de cette façon et intégrant ce type de conviction. D’où il s’avère inutile de savoir si le
cours suit une martingale, tout concept universel proposé par la science économique, donc
très idéalisé est disqualifiant.
Cette gestion, dite en delta neutre, représente la meilleure estimée rationnelle de la
valeur future du marché. Elle n’annule pas le risque en moyenne comme pour un assureur,
mais à chaque option. La rationalité du marché s’oppose à la rationalité d’expert, dans la
mesure où l’on suit la dynamique propre de l’actif. Il s’agit d’une gestion aveugle
- 14 -
économiquement mais annulant le risque sur toute la durée de vie de l’actif. C’est une non-
spéculation fondée sur une connaissance des possibles qui porte atteinte à l’Économie
Appliquée postulant une connaissance universelle. Tandis que la rationalité économique est
analytique et normative, la rationalité de marché est positive et empirique, puisqu’elle postule
que même les lois de probabilité sont subjectives.
Hélas, la logique prévalant pour les approches en termes d’instruments dérivés
s’adresse essentiellement à leur manipulation, et cette logique n’est que plus rarement
étendue à la gestion de d’actifs classiques. Dès lors, pouvait-on répondre aux contraintes de la
gestion de portefeuille par une problématique identique ? Il s’agit ici de la démarche que nous
avons voulu retenir, à savoir impliquer, non pas des instruments dérivés dans une gestion de
portefeuille, mais une logique utilisant ces outils.
La traduction de cette alternative au niveau de la gestion est, qu’à tout instant,
l’investisseur doit annuler son risque de position en formant un portefeuille de réplication
d’une position non-risquée et participant à la hausse des titres. Le profil d’une option d’achat
est ici dessiné puisque le gestionnaire vise à laisser courir ses gains et couper ses pertes. Le
passage par l’achat de calls demeure non-rentable, puisque le caractère fondant des actifs
conditionnels oblige l’opérateur à avoir raison très vite, ou à renouveler une stratégie très
coûteuse. Ainsi, avons-nous imaginé la construction d’un ordre Stop, se positionnant
instantanément là où la théorie des options l’exige, afin de pouvoir neutraliser un risque de
perte supérieur à un niveau arrêté au préalable. Notre stratégie s’inscrit directement dans une
optique de gestion par suivi de marché, étant donné que la prévision reste absente au
détriment des paramètres de taux, de temps et de volatilité, également pris en compte (en plus
du sous-jacent) dans le prix d’une option.
*
* *
Nous tenterons, dans ce travail de proposer une méthode d'intervention sur les
marchés financiers, visant à générer puis clôturer une position profitable avec un timing le
plus pertinent possible. Notre démarche de gestion des actifs proposera une vision
automatique des ordres en fonction de certains critères déterminés au préalable. Nous
accorderons une grande importance à exposer le cheminement qui nous a conduit à exposer
cette alternative de décision. Les déductions issues d'une perception "polémique" des marchés
financiers dans leur contexte actuel, nous aideront à imprimer notre méthode et dérouler une
modélisation correspondante, au regard des échecs de certains autres outils et conformément à
l'angle selon lequel nous abordons les marchés. Afin de crédibiliser notre approche, et de
rendre compte des "pièges" répertoriés dans différentes analyses décisionnelles, toutes
articulées autour d'une philosophie adéquate, nous seront amenés, par conséquent, à décrire
l'environnement générique de la finance de marché.
- 15 -
La logique que cette rehcerche s'emploie donc à mettre en évidence une optique de
gestion de portefeuille répondant aux échecs de certaines autres approches, qui s'inscrivent
dans un environnement de marché ne leur permettant pas de s'exprimer. C'est ainsi qu'il sera
utile de procéder au préalable à l'examen de l'évolution des cours en amont, pour déduire une
démarche compatible avec les contraintes imposées par la dynamique des prix
Nous exposerons tout d'abord la méthodologie employée dans l'évaluation des actifs
conditionnels (à la réalisation d'un événement aléatoire) ; dans un contexte d'efficience des
marchés. Cette première Partie permettra d'illustrer le concept d'efficience par un instrument
très répandu sur les marchés de capitaux, et utilisant cette démarche en sous-jacent : les
options. Ces instruments seront d'abord exposés du point de vue de leur utilisation, puis
envisagés dans leur formulation mathématique.
Nous opposerons ensuite une optique non-corrélée des prix au cours du temps, à des
approches en termes d'instabilité endogènes du système ; par interconnexion de certains
segments du marché, absence de rationalité de ses agents ou non-linéarité des mouvements de
prix. Cette description des marchés nous amènera à débattre autour des grande techniques de
gestion des actifs financiers. Toutes ces alternatives sont dissemblables et constituent des
domaines de recherche en soit. Nous ne prétendrons pas, à ce stade, les exposer de manière
exhaustive. Néanmoins, la gestion de portefeuille emprunte souvent à chacune de ces
recherches et il sera intéressant de débattre de leur pertinence.
Nous proposerons donc, en seconde Partie, une systématique d'intervention sur les
marché d'actions, s'inspirant de la controverse entre toutes les approches de gestion que nous
aurons préalablement étayées comme antithèse de la Partie précédente. L'originalité de notre
développement (qui ne positionne à aucun moment comme un Graal), est que nous
essayerons de le rendre compatible avec un environnement dynamique, intégrant le passage
du temps tout comme le niveau du marché, en maintenant constant le niveau de risque à
chaque instant.. Notre parcours préalable au sein de la théorie financière comme des pratiques
de gestion, nous amènera à modéliser autour d'une vision chaotique de synthèse, comprenant
parfois du hasard ou parfois une dynamique endogène non-rationnelle. Le contenu de la
modélisation se voudra donc autant technique que polémique.
Enfin, des tests de validité de notre expérimentation seront pratiqués sur une large
base de données journalières, couvrant plus de 200 actions françaises sur 4 ans. Le modèle
développé sera opposé à d'autres techniques connues, pour rendre compte de la pertinence de
notre approche vis-à-vis de certaines démarches déjà existantes.
- 16 -
SOMMAIRE
Première Partie : Présence de la marche au hasard dans le
comportement des prix des actifs conditionnels
CHAPITRE I : EFFICIENCE INFORMATIONNELLE
DES MARCHES ET COMPORTEMENT DES PRIX
SECTION I : La théorie de l'efficience des marchés
SECTION II : Prise en compte des anticipations dans la marche au hasard des prix
CHAPITRE II : EVENEMENT ALEATOIRE ET FINANCE EN TEMPS
CONTINU : L'EXEMPLE DES OPTIONS
SECTION I : Introduction sur les options
SECTION II : Les modèles probabilistes
SECTION III : Introduction à l'analyse numérique
CHAPITRE III : ELEMENTS MATHEMATIQUES D'EVALUATION
DES ACTIFS CONDITIONNELS
SECTION I : Les hypothèses et la démonstration du modèle de Black et Scholes
SECTION II : Interprétation et éléments complémentaires
Deuxième Partie : Modélisation d'une gestion systématique
dans un contexte d'instabilité des marchés
CHAPITRE IV : REMISE EN CAUSE DU CRITERE D'EFFICIENCE PAR LA
NOUVELLE CONFIGURATION DES MARCHES FINANCIERS
SECTION I : Les conséquences du fonctionnement interdépendant de deux marchés en
matière de révision des anticipations
SECTION II : Les prolongements de l'hypothèse de marchés interconnectés par la mise
en évidence de bulles spéculatives
SECTION III : Eléments de dynamique chaotique
CHAPITRE V : PERTINENCE DES GRANDES TENDANCES DE MARCHE DANS
L'ENVIRONNEMENT CHAOTIQUE DES MARCHES
SECTION I : Le nouvel environnement "fondamental" de la gestion
SECTION II : L'essor des techniques quantitatives
SECTION III : L'apport de l'analyse technique
CHAPITRE VI : UTILISATION D'UNE STRATEGIE D'OPTIONS DANS UN
MODELE DE TRADING : LE STOP CONDITIONNEL
SECTION I : Système expert et modèle de trading
SECTION II : Timing d'initiation d'une position
SECTION III : Génération d'un stop conditionnel
SECTION IV : Réplication d'un stop conditionnel par une stratégie d'options
SECTION V : Test de la validité du modèle sur un panel d'actions françaises
- 17 -
Première Partie :
PRÉSENCE DE LA MARCHE AU HASARD
DANS LE COMPORTEMENT DES PRIX
DES ACTIFS CONDITIONNELS
Parmi les concepts importants dans le domaine de l'assurance, figurent les techniques
d'actualisation et le calcul d'une prime de risque. Le procédé d'actualisation, consistant en
l'évaluation présente d'un certain nombre de flux futurs, a depuis longtemps été mis en
lumière. L'estimation du prix accordé pour l'endossement d'un risque reste en revanche encore
très largement débattu. Dans un univers aléatoire, le risque d'une distribution normale est
caractérisé par sa variance. La prime de risque récompense alors celui qui le supporte11.
Sur les marchés financiers, les taux d'intérêt représentent la rémunération offerte par
un actif. John Maynard Keynes, avec la théorie de la Parité des Taux d'Intérêt12, montre que
le différentiel de rémunération entre deux marchés monétaires de pays différents doit être
arbitré par le marché. La devise du pays à taux plus élevés cotant un déport, l'opérateur qui
voudrait intervenir sans risque de change dans le pays plus rémunérateur, sera
symétriquement pénalisé sur son taux d'intérêt par sa couverture de change à terme. A
l'extrême, la devise de ce pays devrait se déprécier ce qui le dissuade de ne pas se couvrir (le
différentiel d'intérêt est égal à la variation anticipée du cours de change13). Cet énoncé nous
soumet donc l'idée que le taux de change à terme reflète bien la valeur du futur taux
comptant. Or, dans la réalité, des déviations par rapport au cours de change théorique
apparaissent, faisant que l'investisseur qui décide de ne pas se couvrir doit bénéficier d'une
prime de risque.
11 pour un agent averse au risque (risquphobe).
12 nous revenons sur cette approche au Chapitre V.
13 théorie de la Parité des Taux d'Intérêt non couverte.
- 18 -
A ce niveau l'anticipation de l'investisseur demeure primordiale. Au plus d'ailleurs son
aversion au risque est importante, au plus le cours à terme risque de ne plus parfaitement
anticiper le futur prix comptant. L'équilibre que le marché devait théoriquement assurer se
trouve potentiellement et momentanément détourné par les anticipations. Si ces dernières sont
rationnelles (HAR)14, l'investisseur connaît le "vrai modèle" économique et arbitre
parfaitement ces actifs. Dans le cas inverse, l'équilibre n'est pas assuré et le marché dévie
temporairement de son niveau théorique.
Les achats et ventes sur un actif financier témoignent de la représentation anticipée
que les agents se font d'un marché et expliquent la sensibilité des cours aux anticipations. La
fonction d'anticipation peut donc prendre différentes formes. Il est en effet possible de
distinguer les anticipations liées au passé de la fonction d'anticipation rationnelle. Dans le
premier cas, l'agent se réfère aux mouvements passés pour formuler ses anticipations. Les
anticipations sont alors :
- extrapolatives15 : le cours futur extrapole le cours passé, ce qui pose le problème d'une
anticipation allant dans le sens de la tendance.
- adaptatives16 : les agents corrigeant leurs erreurs en fonction des erreurs passées, il
existe un processus d'apprentissage (learning by errors).
- régressives17 : les agents formulent leurs anticipations à partir du cours d'équilibre
déterminé par un modèle.
La question de l'équilibre économique mécaniquement assuré par les forces invisibles
du marché ou étrangement perturbé reste constamment d'actualité, d'autant que les tenants de
l'approche non-linéaire pensent que l'alternance règne. L'enjeu sur les marchés financiers
relève de profits supra-normaux à espérer dans le second cas (ou d'un risque mal mesuré
amenant à l'effondrement du système), ou d'une vaine recherche dans le premier cas car le
marché est à l'équilibre en permanence (les mouvements futurs sont aléatoires et non-corrélés
au présent).
Nous ne prétendrons pas ici amener un élément de réponse définitif. Simplement, il
nous semble indispensable de poser le problème en vue d'une modélisation destinée à
14 S
~
t = E(St / t-1) avec t-1 information de la période précédente.
15 On a S
~
t = St-1 + b.(St-1 - St-2) si S
~
t cours anticipé au temps t.
16 S
~
t - S
~
t-1 = b.(St-1 - S
~
t-1)  b.St-1 - (1-b).S
~
t-1 , avec lorsque :
b est grand : une grande importance est accordée au passé mais peu à l'anticipation passée.
b = 0 : aucun ajustement n'est opéré à la suitge de l'écart entre l'événement réalisé et les antcipations passées.
b = 1 : l'erreur d'anticipation est parafaitement corrigée, et le phénomène d'apprentissage est statique.
17 S
~
t = St-1 - (S
*
t-1 - St-1) avec > 0, où toute sur-évaluation (sous-évaluation) entraîne une dépréciation
(appréciation) du cours futur.
- 19 -
l'intervention. Nous aborderons tout d'abord la théorie de l'efficience des marchés rendant
compte de la marche au hasard des cours. Nous l'avons vu, cette hypothèse est largement liée
au concept d'anticipation, dès lors que l'on évoque le comportement des intervenants. Cette
anticipation est largement basée sur l'information qui devient, en fait, la donnée (car elle est
supposée disponible) clé de l'équilibre. Les investisseurs, appuyant leurs prévisions sur des
informations disponibles de tous, ne parviendront pas à battre le marché qui formulera une
anticipation rationnelle dans son ensemble.
*
* *
La plupart des décisions financières des individus sont effectuées dans un
environnement liant très étroitement le risque et le temps. Ces deux paramètres influencent
les choix des agents en termes de consommation, de gestion de portefeuille et de couverture
contre les risques financiers. Dans cette perspective, la recherche en matière financière a très
rapidement tenté de procéder à l'élaboration de stratégies décisionnelles optimales, pour un
individu agissant en présence de risques incorporant une dynamique temporelle.
Les travaux de Harry Markowitz18 (1952) sur le couple risque-rendement mirent tout
d'abord en évidence la possibilité d'établir des choix optimaux de portefeuille grâce au
concept de diversification. Cette technique consistant à répartir le risque entre différents
actifs, voire à minimiser en ayant recours à la programmation non-linéaire, permet de
construire des portefeuilles efficients. Ces portefeuilles de risque minimum pour différents
niveaux de rendements espérés, se répartissent sur une frontière concave significative des
combinaisons optimales de ces couples. Dès lors, les individus pouvant diversifier leurs
avoirs, le marché ne rémunérera pas, à l'équilibre, la composante diversifiable du risque.
Seule la partie systématique ou non diversifiable du risque sera valorisée par le marché.
Le modèle d'Evaluation Des Actifs Financiers (MEDAF ou CAPM - Capital Asset
Pricing Model), présenté ultérieurement par Sharpe19 (et Lintner) assimile le prix d'une action
à son exigence de rendement, qui se révèle n'être fonction que de son degré de risque
systématique appelé coefficient êta. Ce modèle admet le concept de diversification comme
réducteur du risque spécifique et permet de le quantifier explicitement. En effet, dans la
mesure où ce modèle présuppose un marché efficient au sens de Fama20 (1970), tous les
agents voudront détenir un portefeuille investi dans les titres sans risque et dans toutes les
actions risquées contenues dans le portefeuille de marché. Ce théorème de séparation à deux
18 MARKOWITZ, H. - "Portfolio Selection"; The Journal of Finance 7, pp 77-91; 1952.
19 SHARPE, W.F. - "A simplified Model for Portfolio Annalysis"; Management Science 9, pp 277-293; 1963.
20 Op. cit.
- 20 -
fonds se vérifie parfaitement au travers de l'importance prise par les fonds de placement et les
portefeuilles de réplique (basket portfolios).
Cependant, la dynamique d'évolution des paramètres financiers au cours du temps
n'est pas prise en compte par la théorie moderne du portefeuille. En d'autres termes, la
réallocation inter-temporelle des actifs n'est pas intégrée dans ces modèles statiques. Certains
auteurs ont remis en cause la validité de ces modèles lorsque l'investisseur doit faire face à
des modifications de l'environnement économique.
*
* *
Dans un même temps, l'utilisation croissante des marchés d'instruments dérivés,
permettant de gérer les risques financiers en intégrant les sources d'aléa provenant de la prise
en compte d'une composante temporelle, a suscité une reconnaissance définitive de travaux
plus anciens sur les sous-jacents mathématiques de cette théorie financière. Parmi eux le
Professeur Robert C. Merton21, à la fin des années soixante, fut l'un des premiers à explorer
les outils mathématiques nécessaires à la finance stochastique.
Les hypothèses communes aux différents modèles visent à décrire les marchés
financiers et le comportement du prix des actifs. On suppose généralement que les marchés
sont ouverts de façon ininterrompue, et que les opérateurs peuvent continuellement négocier
des transactions. Les prix et autres variables macro-économiques (tels que les taux de change,
les taux d'inflation etc.) évoluent en temps continu, et ce par des mouvements infinitésimaux
(processus de diffusion) ou en subissant des sauts (processus à sauts)22.
R.C. Merton a le premier mis en évidence des différences dans les décisions
d'investissement prises sur la base de modèles statiques, par rapport à celles prises en
intégrant des risques évolutifs aux choix de portefeuille. Les résultantes, en termes de revenu,
de rentabilité des investissements ou de pouvoir d'achat sont significativement singulières et
méritent une attention toute particulière. Dans un article de 197323, il redéfinit un MEDAF
21 MERTON, R.C. - "An Inter-temporal Capital Asset Pricing Model", Econometrica, vol 41, n° 5, 1973, pp. 867-
87.
22 L'intégration grandissante des marchés et l'avènement des bourses électroniques valident la continuité du
temps postulée en théorie. Par ailleurs, en supposant que les facteurs et prix des actifs financiers subissent
continuellement des variations infinitésimales et sporadiquement des variations erratiques (krach, chaos), il est
possible d'affirmer que les sources de risque sont généralement issues de nouvelles non-anticipées et ont de
faibles impacts sur les prix. Les outils mathématiques soutenant les hypothèses précédentes résident dans le
calcul différentiel stochastique (pour déterminer l'évolution des prix, de la richesse et de la consommation) et
dans la théorie de l'optimisation stochastique (pour spécifier les choix et décisions optimales des agents).
Notons, à ce niveau, que les résultats obtenus sont très concrets par rapport aux modèles en temps discret qui
demandent très souvent une caractérisation subjective des préférences individuelles.
23 MERTON, R.C. - "Theory of Rational Option Pricing", Bell Journal of Economics and Management Science, 4,
Spring 1973, pp. 141-183.
- 21 -
inter-temporel ("Inter temporal CAPM") en considérant de multiples sources d'aléa,
caractérisées par des processus de diffusion susceptibles d'affecter la richesse de l'individu au
cours du temps. L'investisseur détiendra par conséquent, un actif financier pour des motifs de
diversification, mais encore à des fins de couverture contre des chocs aléatoires que subit sa
richesse au cours du temps24.
Les portefeuilles inter-temporels issus de la modélisation corrigeraient donc des biais
générés par des modèles statiques en univers certain. Brennan et Schwartz25 (1994), en testant
des portefeuilles de Merton, ont prouvé que la position contractée en liquidités était excessive
dans les modèles classiques. Par conséquent, les stratégies d'allocation d'actifs fondées sur ces
modèles et les mesures de performance, tels les indices de Sharpe et Treynor qui en
découlent, incitent à faire des choix de placement sous-optimaux.
*
* *
Cette même théorie peut également trouver des ramifications dans la finance
d'entreprise en analysant dynamiquement la structure financière de l'entreprise ou en
envisageant des projets d'investissement en actifs réels. Ainsi, l'analyse du passif du bilan
d'une société endettée peut être appréhendée en assimilant les titres libellant le passif avec des
options. On peut donc aisément quantifier le risque de crédit des émetteurs, de même que
celui de la solvabilité (et des garanties contractuelles nécessaires pour les maîtriser).
En outre, la problématique du choix de l'analyse et du choix d'investissement des
entreprises est reconsidérée avec la théorie des options. Le critère traditionnel de sélection des
projets qu'est l'espérance de la Valeur Actuelle Nette (VAN) aboutit, le plus souvent, à
investir trop tôt ou abandonner des opportunités d'investissement, qui s'avéreront rentables si
les conditions économiques changent, en sous-évaluant les actifs classiques réels des
entreprises.
Généralement, la théorie des options prend explicitement en compte des éléments de
flexibilité managériale inhérents à la plupart des projets d'investissement en présence de
risques grevant leur valeur finale. Ainsi, plus il y a d'incertitudes, dans l'économie, plus la
valeur de l'option autorisant la flexibilité (un projet d'investissement par exemple)
24 Par exemple, lorsqu'un agent souhaite se prémunir contre une baisse des taux d'intérêt, pour éviter de voir sa
consommation future se réduire, il procédera à un investissement en actifs négativement corrélés avec les taux
(instrument obligataire par exemple), ce qui représentera pour lui le meilleur moyen de couvrir un mouvement
inverse des taux. Ainsi, les prix et les rendements à l'équilibre des actifs financiers seront fonction des
caractéristiques de diversification (comme dans le MEDAF classique) comme des services de couverture contre
des chocs aléatoires sur des variables économiques qu'ils offrent. Merton parvient ainsi à un modèle d'évaluation
des actifs financiers risqués à multiples coefficients êta représentant la sensibilité de chacun des actifs à toutes
les sources d'aléa.
25 BRENNAN, M. & SCHWARTZ, E.S. - "The Valuation of American Put Options", Journal of Finance, 32, May
1977, pp. 449-462.
- 22 -
augmente26. Cela explique qu'une politique monétaire incitative et axée sur une baisse des
taux d'intérêt n'induira pas les entreprises à augmenter leurs investissements, si elle ne
s'accompagne pas simultanément d'un objectif de stabilité visant à diminuer le niveau de
volatilité des principales variables macro-économiques. Plus l'incertitude est grande, plus les
agents ont tendance à ne pas exercer leur option de flexibilité et à la garder pour le futur.
Enfin, notons que des extensions du modèle inter-temporel des actifs financiers de
Merton à la gestion financière internationale (Solnik27, 1974), à la demande de couverture sur
les marchés de futures ou à la demande de contrats d'assurance vie pourraient facilement être
entrepris dans la continuité de ce qui précède.
*
* *
La vision efficiente des marchés est pleinement utilisée dans la théorie des actifs
conditionnels. En effet, l'évaluation de ces instruments s'effectue sur la base d'un risque
accordé à une variable aléatoire, constituant l'actif sous-jacent de l'option. La variable
aléatoire s'estime en volatilité, alors que l'espérance future de rendement n'est pas réellement
prise en compte, mais est davantage perçue par rapport au taux d'intérêt sans risque. Nous
sommes donc ici en pleine approche moyenne-variance.
Le débat du prix accordé au risque demeure néanmoins entier, dans la mesure où s'il
s'apprécie de façon statistique (volatilité historique), une corrélation entre le niveau passé et le
niveau présent existe. S'il est appréhendé au regard de la volatilité future anticipée par les
opérateurs (volatilité implicite), il est donc soumis à des mécanismes subjectifs voire
irrationnels. Par conséquent, dès lors que l'on veut accorder un horizon temporel à un actif
financier en situation d'incertitude, l'introduction d'un scénario statistique ou anticipatif est
nécessaire et introduit un biais dans la représentation de la marche au hasard. La volatilité
représente donc une probabilité de réalisation d'un scénario et introduit un caractère subjectif
dans une approche relevant pourtant du hasard.
En ce qui nous concerne, nous aborderons davantage la théorie des actifs
conditionnels sous l'angle d'une approche générale de description et d'évaluation. En effet,
nous utiliserons par la suite ces techniques pour les aspects normatifs de notre modélisation.
En parallèle, nous garderons à l'esprit les rapprochements ou au contraire les biais que nous
pourrions déceler entre ces techniques et la théorie de l'efficience des marchés pour façonner
les caractéristiques positives de notre modèle. En outre, nous décrirons auparavant quelques
utilisations possibles de ces instruments dans une optique de stratégie d'investissement.
26 GOFFIN, R. - "Options Réelles : l'Option d'Echange d'un Input contre un Output", Banque & Marchés, 13,
mai-juin 1994, pp. 9-12.
27 SOLNIK, B. - "An Equilibrium Model of the Inernational Capital Market", Journal of Economic Theory, 1974,
pp. 500-524.
- 23 -
CHAPITRE I : EFFICIENCE INFORMATIONNELLE
DES MARCHES ET COMPORTEMENT DES PRIX
L'une des principales notions de la finance moderne est celle de l'efficience des
marchés. Elle découle de la recherche de nouvelles sources de profit par les analystes, les
gestionnaires de fonds et les trésoriers d'entreprise. Doivent-ils attendre une nouvelle
émission de droits de souscription ou emprunter à court terme en pariant sur une baisse des
taux d'intérêt ? Est-il conseillé d'acquérir des entreprises parce qu'elles semblent sous-
évaluées ?
On utilise les mêmes critères pour les transactions financières que pour les
investissements réels : la Valeur Actuelle Nette. La VAN d'une émission obligataire est tout
simplement constituée des recettes qu'elle génère moins la valeur actualisée de tous les
remboursements prévus (capital et intérêts). Pour l'achat d'une action, la valeur actuelle nette
est égale à la valeur de l'action (valeur actuelle des futurs dividendes) diminuée de son prix.
Un marché est efficient si les valeurs actualisées de toutes les transactions sont égales
à zéro. Quand le coût des transactions est nul et que tous les investisseurs ont accès aux
mêmes informations, la concurrence va rendre impossible le gain de VAN positives. Toutes
les informations disponibles devraient être systématiquement incluses dans les cours. Aucun
bénéfice n'est à tirer de la découverte d'une tendance ou d'un moment propice aux émissions
de droits de souscription ou aux rachats de titres. Rien ne sert non plus de spéculer sur
l'évolution des taux d'intérêt au moment de décider d'emprunter à long ou à court terme.
*
* *
Depuis longtemps, le rôle informationnel des prix a été mis en évidence dans la
théorie économique28. L'émergence du concept d'efficience informationnelle a lieu avec
Bachelier29 qui postule déjà que les cours boursiers évoluent suivant un processus aléatoire de
martingale. Plus tard, c'est Kendall30 qui étudie le concept d'évolution erratique des prix sur
des indices boursiers britanniques ainsi que sur les prix spot du coton et du blé aux Etats-
28 HAYEK, F.A. (Von) - Prix et Production, Calmann-Lévy, Paris 1985.
29 BACHELIER, L. - Theorie de la Spéculation; Gauthier-Villars; 1900.
30 KENDALL, M.G. - "The Analysis of Economic Time Series. Part 1 : Prices"; Journal of the Royal Statistical
Society; vol 96, 1953, pp.11-25.
- 24 -
Unis. Cootner31 tente ensuite de démontrer que, puisque les mouvements du prix sont
fonction de la nouvelle information arrivant sur le marché, et que cette information arrive de
façon aléatoire, les prix d'équilibre s'y établissant sont eux-mêmes aléatoires.
Les prix représentent un signal fondamental organisant la répartition des biens. Il
constituent donc une synthèse de l'information induisant les réactions des agents et permettent
l'adéquation de l'offre et de la demande. Le prix, en reflétant la rareté et l'utilité d'un bien,
traduirait l'opinion des agents ainsi que l'influence des facteurs exogènes affectant le produit
et sa consommation. Le paradoxe des tenants de l'approche Néo-Classique est la non-
utilisation du prix comme source additionnelle d'information, alors même que le contenu
informationnel du prix est reconnu32.
Or, les agents s'appuient dans la réalité sur de l'information pour étayer leurs
prévisions et leurs actions. Mais ce faisant, ils dévoilent une partie de leur connaissance, en
exerçant une pression sur le prix dans le sens qu'ils anticipent. Les représentations du futur
que se font les agents modifient alors les réalisations actuelles des prix. Les anticipations
viennent s'interposer entre le présent et le futur et le prix devient le signal unique guidant les
agents dans l'allocation de leurs ressources. L'approche des marchés efficients propose
l'image d'un marché idéal sur lequel les prix, en intégrant la totalité des informations
pertinentes disponibles, refléteraient la meilleure évaluation de la valeur d'un bien à un
moment donné.
Nous examinerons dans ce Chapitre, les conséquences et la matérialisation de
l'efficience dans un premier temps. Puis nous verrons les conditions nécessaires et les
hypothèses sous-jacentes qui augurent de l'efficience des marchés.
31 COOTNER, P.H. - "Common Elements in Futures Markets for Commodities and Bonds"; American Economic
Review; vol 51 n° 2, mai 1961.
32 Ainsi, la représentation que l'on se donne du système de transactions est celle décrite par Walras où un
commissaire-priseur affiche un vecteur de prix. Les agents sont alors "price takers" et formulent des offres et
demandes conditionnelles à ce vecteur de prix, le vecteur de prix d'équilibre étant celui pour lequel la somme
des valeurs des demandes nettes (demandes moins offres) globales des agents est nulle. Un des traits essentiels,
sur un marché financier organisé, est de représenter un équilibre comme l'aboutissement d'un processus (dit de
tâtonnement) qui se déroule nécessairement en déséquilibre.
- 25 -
SECTION I : LA THEORIE DE L'EFFICIENCE DES MARCHES
L'article de Fama33 fait figure de référence en matière de théorie des marchés
efficients. Selon lui, le prix d'équilibre se formant sur un marché efficient permet une
allocation optimale des ressources, ce qui confère à ce premier concept une fonction plus
élargie par rapport au cadre traditionnellement micro-économique qu'il est censé décrire.
L'application aux marchés financiers est d'autant plus délicate que ces derniers
revendiquent instabilité et incertitude en permanence. Dans ce contexte, la spéculation, source
d'instabilité, peut constituer une entrave conséquente au concept allocatif que nous évoquions
précédemment, ce qui a pour effet de renforcer l'incertitude. Dès lors, l'approche de Fama
utilise le prix d'équilibre reflet de l'information disponible pour neutraliser la notion de sur-
profits, sous-jacente à la spéculation. L'intérêt d'une telle formulation réside dans l'intégration
du caractère incertain des marchés financiers dans un cadre néo-classique d'équilibre général.
Fama34, après Mandelbrot35 formalisera ensuite l'hypothèse de marchés efficients et montrera
que les marchés peuvent être assimilés à un jeu parfait (fair game) ou à une martingale.
Suivant cette optique, un prix efficient est un prix donnant une synthèse aux
participants du marché sur le niveau d'équilibre qu'ils anticipent. Dans le sens où aucune
possibilité de profit anormal n'est envisageable, le prix d'équilibre ne peut prendre
l'anticipation d'un agent ayant des attentes "dissidentes", que dans la mesure où celles-ci
seront perdantes vis-à-vis de l'ensemble du marché. De plus, la synthèse de ces anticipations
doit, dans une telle optique, aboutir à la formation d'un prix d'équilibre reflétant l'information
disponible sur l'actif. Ce sont ces propriétés que nous mettrons en évidence dans un premier
temps.
On le voit bien, la théorie des marchés efficients considère le prix comme un "signal"
dans la structure d'information des agents, permettant donc aux moins informés de compléter
leur information en observant le prix d'équilibre du marché avant de réaliser des échanges.
Nous serons donc amenés, dans un second Paragraphe, à identifier sous quel mode un agent
rationnel peut intégrer l'information donnée par le prix efficient défini au préalable.
33 FAMA, E.F. - "Efficient Capital Markets : a Review of Theory and Empirical Work"; Journal of Finance; vol
25, mai 1970.
34 FAMA, E.F. - "The Behavior of Stock Market Prices"; Journal of Business; vol 38, 1965a.
35 MANDELBROT, B. - "The Variation of Certain Speculative Prices", Journal of Business, vol. 36, n° 4, October
1963, pp. 394-419.
- 26 -
§1 - PRIX ET MARCHES EFFICIENTS : UNE DES FORMULATIONS DE CES CONCEPTS
Dans un article paru dans "The American Economic Review", Working36 montre que
l'on doit tenir compte des anticipations dans les fonctions d'offre et de demande, au moment
d'examiner le processus de formation des prix sur un marché. Selon cet auteur, les prix se
formant sur le marché, résultent à la fois de la confrontation des fonctions d'offre et de
demande, ainsi que des anticipations sur ces fonctions ; i.e. les fonctions d'offre et de
demande anticipatives.
Dans le cas d'une étude sur les marchés financiers, la fonction d'offre ne peut pas nous
intéresser, l'offre étant en effet considérée le plus souvent comme illimitée. En revanche, les
déterminants de la fonction de demande nous semblent dignes d'intérêt, dans la mesure où les
quantités demandées sur un marché financier fluctuent très amplement. Il est donc
raisonnable de penser que les prix s'y formant, sont davantage issus des modifications de la
demande que de celles de l'offre.
Cela étant, et si l'on se réfère à la théorie de Working, supposant que les anticipations
sont, pour une grande part, à l'origine des modifications de la demande ("anticipations sur la
demande"), c'est ici la détermination du prix qui devient une fonction des anticipations des
agents prenant part au marché. L'individu basant ses anticipations sur la connaissance qu'il a
de son environnement, ces premières vont être "révisées" en fonction des éléments
d'information lui parvenant. Les informations nouvelles arrivant sur le marché modifieront les
anticipations des agents, représentées sous la forme de fonctions de probabilités subjectives,
qui sont aussi nombreuses que les participants au marché.
Dès lors, étant donnée la combinatoire {demande anticipative / rationalité de l'individu
/ modification des anticipations par arrivée d'informations nouvelles} il est désormais
possible d'affirmer que les différents prix d'équilibre apparaissant sur le marché, intègrent
toute l'information pertinente disponible au moment de leur formation. Un marché sera
qualifié d'efficient lorsqu'il vérifie cette hypothèse. La séquence des prix observés sur ce
marché, dont le processus de formation est celui du tâtonnement Walrasien, peut alors elle-
même être considérée comme un élément d'information, dans la mesure où elle synthétise les
anticipations des participants au marché quant à son évolution future. La notion d'efficience
suppose qu'il est impossible de battre systématiquement le marché, compte tenu du fait que
l'information, interprétée de façon rationnelle par les agents est la même pour tous37.
36 WORKING, H. - "A Theory of Anticipatory Price", The American Economic Review, vol. 48, n°2, May 1958,
pp 188-199.
37 Six hypothèses principales soutiennent la majeure partie des modèles d'efficience :
i/ L'absence de coûts de transactions vérifiant que chacun achète et vend librement, en tenant compte des
espérances de profit. Il n'y a pas de coûts "parasites" qui influenceraient les décisions des investisseurs.
ii/ Toute l'information pertinente est disponible sur le marché.
iii/ L'acquisition de l'information est gratuite pour tous.
4i/ Les agents évaluent de la même façon l'impact de l'information disponible sur le processus de formation
des prix actuels et futurs ("anticipations homogènes"), ce qui permet de passer des aspects micro-
économiques à l'aspect macro-économique de la théorie. Les agents peuvent avoir des fonctions de
- 27 -
L'"Efficient Market Hypothesis" prend en compte l'utilisation d'un calcul probabiliste
dans l'analyse des marchés de capitaux. Sur un marché efficient, les prix qui se forment
intègrent toute l'information publique disponible, en termes fondamentaux ou historiques. Les
prix évoluent seulement lorsqu'une information nouvelle arrive sur le marché. Les
investisseurs supposés rationnels savent interpréter l'information et assurent la formation d'un
"fair price" rendant impossible toute opportunité d'arbitrage gagnant.
Les mouvements de prix ne sont donc affectés que par des "nouvelles" inattendues38.
Les nouvelles passées, ne sont plus aussi importantes, et les taux de rendement passés ne sont
donc pas corrélés avec les taux de rendement présents (hypothèse d'indépendance des taux de
rendement). Si suffisamment de mouvements de prix sont répertoriés, la distribution de
probabilités de ces changements dans les prix devient normale. L'hypothèse de marche au
hasard des prix est alors indissociable de l'hypothèse de marchés efficients, même si un
marché efficient n'implique pas forcément une marche au hasard des taux de rendement,
comme nous le verrons.
1.1. Evolution de l'Hypothèse de Marchés Efficients
L'hypothèse de marchés efficients reste très liée à la perception du concept
d'information. Elle constitue en effet le moyen par lequel l'agent va réaliser son processus
décisionnel en effectuant des prévisions qui seront étayées par son information. L'information
semble cependant difficile à circonscrire dans un cadre monolithique. Elle est alors
considérée comme un bien, de consommation, dont la collecte est effectuée dans un but
d'augmentation des connaissances.
A l'opposé de cette recherche de satisfaction subjective, l'information peut être
accumulée dans un but d'investissement pour un agent désirant s'en servir plus tard. Elle peut
aussi être collectée pour le symbole qu'elle représente et constitue alors une consommation
ostentatoire. Par ailleurs, l'information peut être appréhendée sous l'angle d'un bien de
distributions de probabilités subjectives (anticipations) différentes, ils associeront le même système de prix a
priori aux événements probables. Cette condition est suffisante mais non nécessaire (voir ci-dessous).
5i/ Ces évaluations sont rationnelles (modèles à anticipations rationnelles). Concrètement, il est admis que
des agents mieux informés que les autres (inside-traders) sont susceptibles de réaliser de meilleurs profits au
détriment de ceux qui ne détiennent pas la totalité de l'information. Ceci n'est plus valable sur un marché
efficient car cette théorie considère les prix d'équilibre comme autant de "signaux" dans la structure
d'information des agents. Ainsi les agents "sous-informés" complètent leur information en observant le prix
d'équilibre du marché avant d'intervenir. Dès lors, il est important que les agents soient rationnels afin
d'interpréter correctement les signaux qui leur sont transmis par l'intermédiaire des prix d'équilibre. Sur un
marché efficient, si les anticipations ne sont pas homogènes, les agents économiques ne seront à même de
réviser "correctement" leurs anticipations (i.e. dans le sens du marché) que s'ils sont rationnels, et ceci dans
le but d'éviter de subir des pertes au profit des agents mieux informés. La condition de rationalité des agents
est donc nécessaire.
38 DWYER, G.P. & HAFER, R.W. - "Interest rates and economic announcements", Federal Reserve Board, Saint
Louis Review, 1989, vol. 71, n°2, pp 34-46.
- 28 -
production guidant des choix d'action en fonction de l'utilité (indirecte) que l'on en retire39.
Dans tous les cas, il s'agit d'un bien non homogène.
L'information est aussi liée à la théorie économique au travers du mode de formation
de l'équilibre. En concurrence pure et parfaite comme chez Arrow-Debreu, l'information est
supposée parfaite mais n'est pas explicitement au centre du processus de formation de
l'équilibre. C'est Radner40, qui le premier, prend en compte l'information dans la formation de
l'équilibre, avec une structure de comportement hétérogène, dans laquelle les agents ne
possèdent pas tous la même information. Dans les modèles qui suivront, les agents ayant un
accès différentiel à l'information procèdent à une recherche active par un comportement
d'arbitrage coût - valeur, pour rééquilibrer cette asymétrie informative.
En modifiant les anticipations, l'information va altérer et réorganiser le comportement
de l'agent, pour finalement induire des modifications de l'offre et de la demande. Les
anticipations correspondent à une vue future du marché, retenue par les agents sur la base de
l'information disponible. J.M. Keynes41 est reconnu comme le premier à avoir intégrer les
anticipations (dont une part de psychologie) comme source de déséquilibre, même si leur
mode de détermination est exogène. Les modèles d'économétrie considèrent la chronique des
prix passés comme la synthèse des anticipations. La structure d'information est donc
endogène et non aléatoire faisant que cette représentation est incomplète au regard des
comportements anticipatifs de la réalité.
A ces deux représentations de l'anticipation est venu se greffer une évolution
substantielle avec l'Hypothèse d'Anticipations Rationnelles42. Ici, l'individu rationnel,
intelligent et maximisateur (de son utilité espérée43) issu de la micro-économie, va se servir
39 L'évaluation du degré de signification d'une information n'a lieu qu'ex post. Lorsque ce degré est nul, ou que
ses détenteurs ne savent l'utiliser, elle est assimilée à du bruit. Sa durée de vie est limitée et sa transmission est
imparfaite car soumise à des dégradations. En outre, l'information est un bien collectif, dont la fourniture est
tarifée, faisant que les coûts d'obtention sont discriminants.
40 RADNER, R. - "Equilibre des Marchés à Terme et au Comptant en Cas d'Incertitude"; Cahiers du Séminaire
d'Econométrie; N°9, 1966.
41 KEYNES J.M. - Théorie Générale de l'Emploi, de la Monnaie et des Taux d'Intérêt; Payot; 1969.
42 MUTH, J. - "Rational Expectations and the Theory of Prices Movements"; Econometrica; vol. n°29, 1961.
43 Enoncé par Von Neumann et Morgenstern (1947), le théorème de l'utilité espérée affirme que, confronté à un
ensemble de lignes d'actions aux résultats aléatoires ou de manière plus générale à un ensemble de loteries, un
individu choisira celle dont l'utilité espérée est la plus élevée, pour autant que son attitude respecte un certain
nombre d'axiomes de comportement.
Axiome 1 (comparabilité) : Pour l'ensemble des lignes d'actions ou de loteries envisagées, l'individu peut définir
un ordre de préférence complet, c'est-à-dire que pour tout cpouple de résultat x et y, il peut dire s'il préfère x à y
(x > y), y à x (y > x) ou s'il est indifférent entre les deux (x ~ y).
Axiome 2 (transitivité) : L'ordre de préférence défini par l'individu considéré est transitif. Ainsi, par exemple, si
x > y et y > z alors x > z, ou encore ou si x ~ y et y ~ z alors x ~ z.
Axiome 3 (indépendance forte) : Considérons une loterie qui engendre un résultat x avec une probabilité  et un
résultat z avec une probabilité (1 - ) et que nous appellerons L(x, z; ). Si pour l'individu considéré x ~ y, alors
- 29 -
de tous les éléments connus de la théorie économique comme ayant une relation avec la
variable anticipée pour formuler son anticipation44. L'incertitude est ainsi présente au cœur
des prévisions (elles-mêmes endogènes) grâce au concept des anticipations rationnelles45.
Muth formule l'hypothèse d'anticipation rationnelle en postulant l'égalité de la prévision
subjective des agents avec la prévision objective que fournirait la théorie économique
pertinente. Ainsi les agents agissent comme s'ils connaissaient le "vrai" modèle économique,
autrement dit comme s'ils avaient la même perception du système que le modélisateur. Ici les
agents, qui disposent tous du même modèle ont une information illimitée et gratuite, et ne
réalisent pas de prévisions parfaites, mais ces dernières peuvent s'avérer à l'extrême auto-
réalisatrices46 (en effet les anticipations sont à même d'infléchir le phénomène prévu47, et
elles peuvent également s'avérer contra-réalisatrices ou auto-déplaçantes48 .
Pendant la période allant des années vingts aux années quarante, l'analyse du marché
est essentiellement dominée par les "fondamentalistes" et les "techniciens". Dès les années
cinquante, un nouveau courant vient s'ajouter aux deux précédents avec les Quants (ou
selon l'axiome d'indépendance forte on aura L(x, z; ) ~ L(y, z; ). De même si x > y le même axiome affirme
que L(x, z; ) ~ L(y, z; ).
De manière plus générale, l'ordre de préférence entre deux résultats x et y n'est pas modifié si tous les deux sont
combinés de la même manière avec d'autres résultats dans le cadre de loteries.
Axiome 4 (continuité) : Si le résultat x est préféré au résultat y, qui est lui-même préféré au résultat z, alors il
existe une probabilité  unique telle que y ~ L(x, z; ).
Axiome 5 (classement) : Si x ≥ y ≥ z et si x ≥ u ≥ z, et d'autre part si y ~ L(x, z; 1) et u ~ L(x, z; 2), alors
1 ≥ 2 implique que y ≥ u.
Si deux loteries présentent les deux mêmes résultats x et z, celle qui accorde la plus grande probabilité de
survenance au résultat le plus favorable sera préférée à l'autre.
Si on ajoute à ces axiomes, l'hypothèse qu'un individu quelconque préférera toujours plus à moins de richesse,
on peut montrer qu'il classera les différentes loteries entre lesquelles il doit faire un choix en fonction de leur
utilité espérée.
44 La chronologie passée des prix est élargie aux informations pertinentes concernant la variable. L'égalité
subjective des agents s'égalise donc à l'égalité objective de la théorie économique. Les agents connaissent ici le
"vrai" modèle économique servant de réalisation à la variable anticipée. La valeur de la variable effectivement
réalisée ne différera de la valeur de la variable anticipée que lorsqu'une information supplémentaire arrivera sur
le marché. Etant donnée la survenance aléatoire de ces informations sur le marché, l'écart de prévision sera lui
même aléatoire. L'anticipation rationnelle représente donc un estimateur sans biais de la valeur future de la
variable.
45 La principale critique apportée aux modèles d'anticipations rationnelles, repose sur l'irréaliste expertise des
agents économique dans leur connaissance des relations régissant l'économie. Outre la connaissance de cette
modélisation relationnelle, c'est l'utilisation efficace de cette connaissance qui est également remise en cause.
Par ailleurs, l'agrégation des mécanismes de formation des anticipations par homogénéité de la prévision est
également assez discutée, mais il s'agit là d'une critique propre à l'ensemble de la microéconomie.
46 AZIADIRIS, C. - "Self Fulfilling Prophecies"; Journal of Economic Theory, vol. 25, n° 3, December 1981.
47 MERTON, M. - "The Unanticipated Consequences of Purposives Social Action"; American Sociological
Review; March 1936.
48 SHILLER, R.J. - "Rational Expectations and the Dynamic Structure of Macroeconomic Models"; Journal of
Monetary Economics; n° 4, 1978.
- 30 -
partisans de l'analyse quantitative49), dans le sillage de Bachelier50. Samuelson51 et
Mandelbrot52 sont les premiers à proposer une formalisation du concept d'efficience en
rapprochant les modèles stochastiques décrivant l'évolution des cours des aspects
informationnels sous-tendant ces prix, que nous aborderons plus loin.
1.2. La Notion de Prix Informationnel
Roberts53 et Osborne54 ont mis en évidence la marche au hasard des cours boursiers en
comparant l'apparition des rentabilités comme s'ils avaient été générés par une "table de
roulette"55. Nous nous proposons ici de présenter une formalisation informationnelle de la
théorie de l'efficience de marchés de synthèse dans le prolongement de ce qu'ils ont défendu.
Si nous définissons par :
t : ensemble des informations pertinentes et disponibles pour la détermination du prix
des actifs en t.
m
t : ensemble des informations utilisées par le marché dans la détermination des prix
des actifs en t, avec m
t  t signifiant que toute l'information disponible est révélée
sur le marché mais qu'elle n'est pas forcément utilisée dans la détermination du prix.
Pj,t : prix de l'actif j en t, avec j = 1,...,n.
fm(P1,t+T ;.........; Pn,t+T / m
t ) : la fonction de densité de probabilités jointes des prix
des différents actifs de la période t + T (T>O) telle qu'elle est établie par le marché en
t sur la base de l'information m
t .
f (P1,t+T ;.........; Pn,t+T / t) : la fonction de densité de probabilités jointes pour les
différents actifs de la période t+T (T > O) en t sur la base de toute l'information
disponible t .
49 D'une façon générale, l'analyse quantitative trouve davantage d'affinités avec l'analyse fondamentale qu'avec
l'analyse technique, du fait du concept de rationalité supposé par les fondamentalistes, là ou les chartistes
prétendent que le marché est également guidé par l'émotion.
50 Op. cit.
51 SAMUELSON, P.A. - "Proof that Property Anticipated Prices Fluctuate Randomly"; Industrial Management
Review; 1965.
52 MANDELBROT, B. - "The Variation of Certain Speculative Prices"; Journal of Business; vol 36 n° 4, mai 1970.
53 ROBERTS, H.V. - "Stock Markets 'Patterns' and Financial Analysis : Methodological Suggestions", in P.
Cootner, ed.; The Random Character of Stock Market Prices; Cambridge, MA : M.I.T. Press, 1964.
54 OSBORNE, M.F.M. - "Brownian Motion in the Stock Market", in P. Cootner, ed.; The Random Character of
Stock Market Prices; Cambridge, MA : M.I.T. Press, 1964.
55 Osborne affirme que les investisseurs valorisent un titre suivant les anticipations formulées sur la base de
probabilités d'apparition d'un certain rendement. Plusieurs scenarii affectés d'autant de probabilités et de
rendements sont alors donnés pour aboutir à un rendement moyen.
- 31 -
On dit d'un marché qu'il est efficient dans l'un des deux cas suivants :
i/ m
t = qt (I . 1)
signifiant que le marché a utilisé toute l'information disponible à t pour définir le prix
des titres à t .
Si tout agent dispose de la même information individuelle, l'information retenue par le
marché (m
t ) sera identique à celle-ci. Dans ce cas, toute information non contenue
dans m
t n'en n'est pas une, puisque l'information doit être détenue par une personne
au moins :
C
m
t
t
= Ø ( I . 2)
c'est-à-dire que ce qui n'appartient pas à m
t n'appartient pas non plus à t.
ii/ fm(P1,t+T ;.........; Pn,t+T / m
t ) = f (P1,t+T ;.........; Pn,t+T / t) (I .3)
signifiant que toute l'information disponible a été correctement interprétée par la
fonction de probabilités jointes des prix établis par le marché.
Il est également possible de définir la fonction d'information du prix de marché dans
le cas d'un seul actif, avec :
Pt : le prix de l'actif considéré en t.
fm(Pt+T / m
t ) : la fonction de densité de probabilité du marché basée sur m
t .
f (Pt+T / t) : la fonction de densité de probabilité basée sur t
La condition ii/ de l'efficience informationnelle du marché est alors :
fm(Pt+T / m
t ) = f (Pt+T / t) (I . 4)
Il est désormais possible d'affirmer que le prix revêt un caractère informatif dans le
sens où le prix d'équilibre en t reflète toute l'information disponible en t. La séquence des prix
observés sur le marché est donc en elle-même un élément d'information, car elle agrège les
anticipations des intervenants. Ce qui précède est exprimé dans la fonction d'information du
prix suivante :
Pt+1 = (m
t ) + t (I . 5)
dans laquelle le prix est une fonction de l'information disponible sur le marché, à un
terme d'erreur près, représentant le bruit qui est la différence entre le prix courant et le
prix futur espéré (de moyenne nulle et d'espérance finie), qui n'est corrélé à aucune
information disponible.
- 32 -
Posons :
Pt : le prix courant au temps t.
P
~
t+1 : le prix futur sur le marché, aléatoire au temps t.
P
^ i
t+1 : le prix en t+1 anticipé par l'agent i en t.
L'anticipation de gain au niveau de l'agent56 est : P
^ i
t+1 - Pt tandis que le gain effectif
est donné par : P
~
t+1 - Pt. L'erreur d'anticipation de gain (représentant l'anticipation de gain de
l'agent i s'il parvient à battre le marché) s'écrit :
P
^ i
t+1 - P
~
t+1 = (P
^ i
t+1 - Pt) - (P
~
t+1 - Pt) (I . 6)
L'hypothèse de jeu parfait se traduit par la nullité de l'espérance d'anticipation de gain
spéculatif de l'agent i :
Ei
t (P
^ i
t+1 - P
~
t+1) = 0  E(P
^ i
t+1 ) - E(P
~
t+1) = 0  E(P
^ i
t+1 ) = E(P
~
t+1) (I . 7)
Le terme d'erreur représente la partie qui va amener au processus de formation des
prix. Lorsque ce terme est nul, l'historique des prix passés explique le prix en t+1 et les prix
suivent une pure marche au hasard (random walk). Dans le cas contraire, la marche au hasard
est dite avec dérapage, c'est-à-dire que le terme d'erreur fait intervenir les anticipations des
agents, dans la mesure où il représente une partie subjective de l'espérance de prix futur d'un
agent i , avec :
Et
i
(P
~
t+1) = Pt + ui
t (I . 8)
Le prix Pt est fonction de l'évolution historique du cours de l'actif jusqu'au moment t,
alors que la seconde partie de l'égalité représente la propre anticipation de l'agent. Si le
marché est efficient (le prix étant sensible à l'information), le marché est alors le meilleur
prédicateur du futur cours comptant. Toute anticipation individuelle qui tendrait à s'écarter de
celle formulée par le marché ne serait pas en mesure d'engendrer de sur-profit. La partie
droite de l'expression ci-dessus est alors nulle.
Nous sommes ainsi revenus à l'hypothèse de marche au hasard ou de cheminement
aléatoire des prix que l'on peut formaliser si nous supposons deux prévisions en t0 et t1 de prix
basées sur l'information disponible au moment des périodes de prévision et portant sur un
cours futur en t2.
La prévision en t0 est : Et0
[ P
~
t2
/ t0
] (I . 9)
et en t1 : Et1
[ P
~
t2
/ t1
] (I . 10)
56 Fama propose en effet une équation définissant un marché efficient en termes d'espérance de rentabilité:
E[(Pj,t+1)/t] = {1 + E[rj,t+1)/t]} Pj,t avec rj,t+1 représentant le pourcentage de rendement sur une période.
Fama remarque que l'importance donnée à la notion d'espérance mathématique du revenu n'est pas un concept
primordial dans la notion d'efficience.
- 33 -
La propriété d'orthogonalité des espérances conditionnelles permet d'écrire:
Et0
[ Et1
[ P
~
t2
/ t1
] / t0
] = Et0
[ P
~
t2
/ t0
] (I . 11)
La meilleure estimation de ce que sera une nouvelle information en t1 devant
améliorer la prévision de l'horizon t2 est déjà contenue dans la prévision formulée en t0 .
Ainsi, la théorie du cheminement aléatoire considère un marché efficient comme
reflétant instantanément toute l'information disponible. Pour cela, les variations successives
de prix doivent être indépendantes et issues d'une même distribution.
*
* *
L'hypothèse de cheminement aléatoire suppose qu'une série de prix évolue dans le
temps de la façon suivante :
P
~
t+1 - Pt = u
~
t+1 (I . 12)
de sorte que ut représente un terme aléatoire indépendant pour chaque période, de moyenne
nulle57. On suppose d'autre part que l'évolution de la valeur du prix durant la période
précédente t est indépendante de l'évolution durant tout autre période :
Cov ( u
~
t+1 , ut ) = 0 (I . 13)
Nous traduisons des équations (I . 12) et (I . 13) que la propriété d'un prix d'incorporer la
totalité de l'information disponible provient du caractère indépendant des variations
successives de prix identiquement distribuées. Ainsi, le prix futur P
~
t+1 est une variable
aléatoire dont l'espérance est donnée par :
Et [ P
~
t+1 / (……, Pt-1 , Pt ) ] = Et [ Pt + u
~
t+1 / (……, Pt-1 , Pt ) ]
    = Et [Pt /(…, Pt-1, Pt )] + Et [u
~
t+1 /(…,Pt-1,Pt )]
 Et [ P
~
t+1 / (……, Pt-1 , Pt ) ] = Pt (I . 14)
De même la variance de ce prix s'obtient par :
V [ P
~
t+1 / (……, Pt-1 , Pt ) ] = V [ Pt + u
~
t+1 / (……, Pt-1 , Pt ) ] (I . 15)
= 0 + V( u
~
t+1) = 2
u
57 Le prix évolue donc par étapes successives à partir de la position atteinte à l'étape précédente de telle sorte
que, à chaque étape, le prix a la même probabilité de s'écarter d'une valeur donnée de la position précédente. La
modification du prix d'une période à l'autre est une variable aléatoire u
~
t+1
dont la distribution est la même à
chaque étape.
- 34 -
Nous voyons donc que le prix anticipé en t est égal au prix courant et que le prix
courant représente le meilleur prédicteur du prix futur (nous retrouvons ici l'équation (I . 5)
dans le cas où le résidu aléatoire est nul) et que sa variance est celle du terme aléatoire u.
Dans une telle optique, l'anticipation du prix du marché varie en fonction de ce résidu et le
prix attendu reste constant au terme u près.
Ainsi, tout individu désirant formuler des anticipations différentes de celles du
marché, soit ui
t ≠ ut, sera perdant. En effet, sur un marché efficient le prix véhicule toutes les
données pertinentes et aucun participant ne peut réaliser de meilleures prévisions que celles
du marché au travers de son historique de prix. L'impossibilité de parvenir à battre le marché
et réaliser des profits supra-normaux du fait de la flexibilité du prix à l'information, vient du
processus de marche au hasard de la formation des prix, et de sa conséquence de parfaite
anticipation par le marché de la valeur future du prix. Il devient donc inutile d'essayer de
pratiquer la prévision sur un marché efficient.
*
* *
Supposons par exemple, l'arrivée d'une information nouvelle sur le marché. Les agents
formulant des anticipations pour la période suivante, qui devraient conduire à une situation
d'équilibre portant à la fois sur le prix et sur les quantités échangées (constitutifs d'un
équilibre entre l'offre et la demande si le marché est efficient), vont tenter de profiter de cette
information nouvelle en révisant leurs anticipations.
Dans le cas d'une anticipation du prix à la hausse, les détenteurs de l'actif en question
vont tenter de tirer profit de cette hausse du taux en se portant acquéreur du titre. Si le marché
est efficient, le prix va incorporer les informations nouvelles grâce à cette reformulation des
anticipations, dans le sens d'une augmentation des intentions d'achat et d'une stagnation, voire
une diminution, des intentions de vente (par rapport aux intentions correspondant à la période
d'avant l'arrivée d'informations nouvelles). La courbe d'offre se déplace donc vers la gauche
et les modifications à la hausse du prix de l'actif tendent à annuler les profits escomptés du
fait de la nouvelle information (voir le schéma ci-après). Un système de prévision connu par
un nombre suffisant de participants au marché a donc toutes les chances d'être caduque.
Figure I.1 : Déplacement de la demande à la suite d'un choc sur la courbe d'offre
- 35 -
Pour que le prix puisse être pleinement efficient, il ne suffit pas que toute
l'information disponible pertinente soit utilisée par le marché, mais il est également nécessaire
que la fonction d'information soit synonyme d'équilibre au niveau du marché, c'est-à-dire
qu'une propriété d'efficience allocative soit respectée. En effet, la notion d'efficience
informationnelle considère que le prix va s'ajuster parfaitement et instantanément à
l'information, et engendrer en suivant une parfaite allocation des fonds disponibles.
L'efficience allocative est bien souvent sous-entendue dès lors que l'on parle d'efficience
informationnelle, la première forme d'efficience étant une conséquence de cette dernière.
Cependant, la dimension informationnelle des marchés financiers en général revêt une très
grande importance, dans la mesure où l'équilibre s'établissant sur le marché n'est pas un
équilibre a priori comme sur le marché des biens. Effectivement, les marchés financiers
déterminent le prix d'un actif n'ayant pas de valeur parfaitement définie avant sa cotation sur
ce marché.
Finalement, la notion de prix informationnel n'est possible que grâce à l'agrégation par
le marché des préférences individuelles. L'agrégation des préférences passe par celle de
l'information individuelle et donc des anticipations individuelles. Pour que le marché puisse
être le meilleur prédicteur du prix futur et permettre au prix présent d'être un élément
d'information de qualité, il doit rassembler les différentes informations détenues par les
participants au marché, ainsi que leurs anticipations. Ceci fait que le marché peut devenir
informationnel par le biais de son prix et posséder un caractère allocatif, dans le sens où
l'observation de ce dernier doit permettre d'allouer des ressources vers les placements les plus
rémunérateurs (dans le cas où le marché est doté d'une capacité prédictive convenable).
C'est justement la formulation en termes d'espérances conditionnelles et donc
d'anticipations rationnelles qui, en avançant l'hypothèse de marche au hasard des prix, permet
de supposer l'indépendance des variations successives de prix et par conséquent un prix dont
la distribution est indépendante de l'information. La prévision de prix futur faite par le marché
est alors la meilleure possible et toute possibilité de profit spéculatif est écartée. La propriété
d'efficience allocative est reliée à celle d'efficience informationnelle par le biais de le
formulation en termes d'anticipations rationnelles, qui seule peut agréger les anticipations des
participants ; ces derniers étant capables de calculer eux-mêmes le prix d'équilibre et
d'anticiper les variations futures de ce prix sur la base de leur connaissance de
l'environnement économique.
*
* *
Nous l'avons vu, l'hypothèse de marche au hasard des prix implique une distribution
des changements de prix identique. Les changements de prix ne peuvent, à ce moment-là, être
imputable qu'à une information endogène au marché et donc à l'historique des prix.
L'évolution des prix est ici considérée comme stationnaire puisque elle ne peut suivre une
quelconque tendance ou trend (hypothèse de cheminement aléatoire).
- 36 -
Néanmoins, la notion d'efficience peut se concevoir sous une forme plus forte, au
travers des variations de prix susceptibles d'être engendrées par des éléments d'information
exogènes au marché de l'actif en question. Sur ce point, il devient maintenant difficile
d'exprimer la distribution de probabilités de réalisation en t+1 telle qu'elle est donnée par
l'équation (I . 10), car le processus de génération des prix n'est plus stationnaire si des auto-
corrélations existent entre les distributions de probabilités. D'où la réponse apportée par
Fama, qui précise le processus de génération des prix comme un processus non-stationnaire
avec les variations de prix exprimées en termes de rendements anticipés.
1.3. La formulation en termes de rendements anticipés
La définition de Fama de l'efficience fut critiquée par Leroy58 qui la trouva
tautologique. Fama59 reformulera ensuite sa définition de l'efficience de la façon suivante :
"Un marché est efficient s'il utilise correctement toute l'information disponible lors de la
fixation du prix".
Sur la base de l'information m
t le marché détermine une fonction de distribution de
probabilités des prix pour la période t+1. Les prix courants de ces actifs sont ensuite
déterminés à l'aide d'un modèle d'équilibre du marché60, exprimant la nullité des fonctions de
demande excédentaire, et qui sera exprimé en terme de rendements anticipés.
Ainsi, dans le modèle de marché efficient de Fama, le marché fixe le prix de l'actif j
(ou de la devise j) en t, de manière à ce que le rendement anticipé par le marché à l'horizon
t+1 soit positif (négatif) :
R
~
j,t +1 =
P
~
j,t+1 - Pj,t
Pj,t
(I . 16)
avec : R
~
j,t+1 et P
~
j,t+1 variables aléatoires en t ,la fonction de distribution de P
~
j,t+1
donnée par fm( Pj,t+1 / m
t )
P
~j,t+1 est déterminé par le marché de manière à ce que l'espérance mathématique de
la distribution des rendements anticipés ("attendus") R
~
j,t+1, sur la base de l'information
disponible, soit strictement positive (négative).
58 LEROY, S. - "Efficient Capital Markets : Comments"; Journal of Finance; vol 31 n° 1, mars 1982.
59 FAMA, E.F. - "Reply"; Journal of Finance; vol 31 n° 1, mars 1976.
60 Par conséquent, la propriété de jeu parfait (fair game) est traduite sur le marché par les deux conditions
suivantes :
i/ les conditions d'équilibre doivent être formulées en termes de rendements anticipés.
ii/ le marché utilise l'ensemble des informations pertinentes disponibles dans la fixation du prix
d'équilibre.
- 37 -
Ce qui implique que :
Em (R
~
j,t+1 / m
t ) =
Em (P
~
j,t+1 / m
t ) - Pj,t
Pj,t
(I . 17)
D'où : Em (P
~
j,t+1 / m
t ) = [ 1 + Em ( R
~
j,t + 1 / m
t ) ] . Pj,t (I . 18)
A ce niveau, la théorie du rendement anticipé suppose que l'anticipation du prix futur
P
~
j,t+1 est une fonction de l'anticipation de rendement de l'investisseur et du niveau de prix
courant.
 Sur un marché efficient, toute l'information pertinente est supposée avoir été utilisée
(m
t = t). En effet, la réussite des anticipations est conditionnée à la complète et parfaite
utilisation de l'information. Les rendements anticipés seront donc égaux aux rendements
observés en moyenne.
On aura par conséquent :
Em (P
~
j,t+1 / m
t ) = E (Pj,t+1 / t) (I . 19)
et Em (R
~
j,t+1 / m
t ) = E (R
~
j,t+1 / t) (I . 20)
De plus, la notion de marché efficient signifiant que toute l'information pertinente
disponible a été utilisée et que les rendements anticipés s'égalisent avec les rendements
observés, conduit à la constance des rendements dans le temps.
D'où par définition :
Em (R
~
j,t+1 / m
t ) = E(R
~
j,t+1 / t) = E(Rj) = constante (I . 21)
Donc, sur un marché efficient, l'espérance vraie de revenu de toute action est égale à
son espérance d'équilibre. Il faut noter que l'hypothèse de Fama ne signifie pas que le marché
anticipe correctement, mais que l'espérance des erreurs d'anticipation est nulle.
*
* *
Une fois décrit le concept d'efficience d'un prix de marché, il convient d'aborder les
conclusions se trouvant en aval et qui sont susceptibles d'intéresser davantage les opérateurs
de marché. En effet, les deux formulations du concept d'efficience que nous avons arrêté
définissent davantage le contenu micro du prix et n'explique guère le comportement de ces
derniers vu au niveau du marché.
- 38 -
§2 - LES DIFFERENTES FORMES ET LES TESTS D'EFFICIENCE DES MARCHES
Dans le paradigme néo-classique, l'efficience d'un système de transactions se mesure à
son aptitude à produire des allocations Pareto-efficace. La notion fondamentale aux yeux de
l'économiste est donc l'"efficience allocationnelle". Dans un système doté de cette propriété,
les prix sont entièrement détéerminés par des données exogènes et "objectivables" que l'on
appelle "fondamentaux" : ressources disponibles, technologies utilisables et préférences des
consommateurs.
Une autre manière d'exprimer cet état de choses est de supposer que tous les agents
sont capables d'anticipations rationnelles. En possession d'informations pertinentes, ils vont
former leurs offres et leurs demandes sur la base d'un calcul rationnel. Dans la conception la
plus étroite de l'"efficience informationnelle", les prix s'ajustent instantanément et exactement
(à un facteur aléatoire près qui est un bruit blanc) à toute information nouvelle, qui est elle-
même purement aléatoire.
Il existe un troisième niveau d'efficience de marché, celui de l'"efficience
opérationnelle", relative à ce que l'on appelle la "microstructure"61 du marché, c'est-à-dire
l'organisation du système de transactions. Celui-ci est parfaitement efficicent dans la mesure
où les intermédiaires ne peuvent se ménager des rentes de situation et ne réalisent par
conséquent que des profits strictement concurrentiels.
D'un point de vue informationnel, si un marché est parfaitement efficient, le processus
de formation du prix des actifs valorisés va suivre une marche au hasard. Le prix s'établissant
sur le marché constitue un prix d'équilibre entre vendeurs et acheteurs, véhiculant à tout
moment le consensus du marché. On dit dans ce cas, que le prix reflète toute l'information
pertinente disponible, et que l'observation de celui-ci est le meilleur moyen d'anticiper le prix
futur.
De ce fait, les prix réagissent si vite, que toute arrivée d'information nouvelle et non-
anticipée par le marché ne pourra profiter aux opérateurs, le prix se fixant très rapidement au
niveau équilibrant les offres et demandes du nouveau consensus. Les événements non-
anticipés par le marché (surprises), surviennent de façon purement aléatoire dans le temps et
dans leur forme : haussiers (bullish) ou baissiers (bearish), insufflant aux prix des tendances
tantôt positives, tantôt négatives suivant un processus totalement imprévisible.
Les événements anticipés sont par définition déjà intégrés dans le prix et ne viennent
"impacter" le marché que si leur amplitude varie par rapport à l'amplitude attendue (par
exemple lorsqu'il s'agit d'un chiffre clé), ou parce que certains "non-initiés" réagissent à
l'apparition de l'événement mais ne l'avaient pas intégré dans leur action au préalable. Il est
61 O'HHARA - Market Microstructure Theory, Cambridge (Mass), Blackwell, 1995.
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf
PhD1 - Aix.pdf

Contenu connexe

Similaire à PhD1 - Aix.pdf

Travail et communs, travail en commun : la connaissance au cœur de l’organisa...
Travail et communs, travail en commun : la connaissance au cœur de l’organisa...Travail et communs, travail en commun : la connaissance au cœur de l’organisa...
Travail et communs, travail en commun : la connaissance au cœur de l’organisa...David VALLAT
 
La dynamique des territoires vivants : résilience et symbiose
La dynamique des territoires vivants : résilience et symbioseLa dynamique des territoires vivants : résilience et symbiose
La dynamique des territoires vivants : résilience et symbioseUniversité Paris-Dauphine
 
Marchés Financiers-6e edition-Bertrand Jacquillat & Bruno Solnik.pdf
Marchés Financiers-6e edition-Bertrand Jacquillat & Bruno Solnik.pdfMarchés Financiers-6e edition-Bertrand Jacquillat & Bruno Solnik.pdf
Marchés Financiers-6e edition-Bertrand Jacquillat & Bruno Solnik.pdfJeyo52529B
 
1997 Angleys Marie Maxence Intelligence Economique 11
1997   Angleys Marie Maxence   Intelligence Economique   111997   Angleys Marie Maxence   Intelligence Economique   11
1997 Angleys Marie Maxence Intelligence Economique 11ANGLEYS
 
Pour la Science - Juin 2016.pdf
Pour la Science - Juin 2016.pdfPour la Science - Juin 2016.pdf
Pour la Science - Juin 2016.pdfJosLuizLunaXavier
 
Les comportements boursiers
Les comportements boursiersLes comportements boursiers
Les comportements boursiersIDIR2001
 
"Le nouveau décor des politiques de la science" Hommage à J.-.J SALOMON
"Le nouveau décor des politiques de la science" Hommage à J.-.J SALOMON"Le nouveau décor des politiques de la science" Hommage à J.-.J SALOMON
"Le nouveau décor des politiques de la science" Hommage à J.-.J SALOMONDaniel Dufourt
 
intelligence économique
intelligence économique intelligence économique
intelligence économique Alae Zarrud
 
Les relations entre les cycles économiques et les banques centrales
Les relations entre les cycles économiques et les banques centralesLes relations entre les cycles économiques et les banques centrales
Les relations entre les cycles économiques et les banques centralesNizar Fassi
 
L’étonnante disparité des territoires industriels
L’étonnante disparité des territoires industrielsL’étonnante disparité des territoires industriels
L’étonnante disparité des territoires industrielsLa Fabrique de l'industrie
 
Crise d'envergure: cycles économiques et crises financières
Crise d'envergure: cycles économiques et crises financièresCrise d'envergure: cycles économiques et crises financières
Crise d'envergure: cycles économiques et crises financièresAymen FASSI
 
Economie du développement soutenable
Economie du développement soutenableEconomie du développement soutenable
Economie du développement soutenablePierre Taillant
 
2017AZUR0027(2).pdf
2017AZUR0027(2).pdf2017AZUR0027(2).pdf
2017AZUR0027(2).pdfIkramHibbou
 
2017AZUR0027(4).pdf
2017AZUR0027(4).pdf2017AZUR0027(4).pdf
2017AZUR0027(4).pdfIkramHibbou
 
L'approche systémique comme garde-fou de la complexité des cycles contractuels
L'approche systémique comme garde-fou de la complexité des cycles contractuelsL'approche systémique comme garde-fou de la complexité des cycles contractuels
L'approche systémique comme garde-fou de la complexité des cycles contractuelsPhilippe GERARD
 
L'INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE, ENJEU POLITIQUE, FONCTION STRATÉGIQUE ET DISCIPLIN...
L'INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE, ENJEU POLITIQUE, FONCTION STRATÉGIQUE ET DISCIPLIN...L'INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE, ENJEU POLITIQUE, FONCTION STRATÉGIQUE ET DISCIPLIN...
L'INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE, ENJEU POLITIQUE, FONCTION STRATÉGIQUE ET DISCIPLIN...Francis BEAU
 
La grammaire schumpeterienne Outil d’une rhétorique libérale
La grammaire schumpeterienne Outil d’une rhétorique libéraleLa grammaire schumpeterienne Outil d’une rhétorique libérale
La grammaire schumpeterienne Outil d’une rhétorique libéraleEdwin Mootoosamy
 

Similaire à PhD1 - Aix.pdf (20)

Travail et communs, travail en commun : la connaissance au cœur de l’organisa...
Travail et communs, travail en commun : la connaissance au cœur de l’organisa...Travail et communs, travail en commun : la connaissance au cœur de l’organisa...
Travail et communs, travail en commun : la connaissance au cœur de l’organisa...
 
La dynamique des territoires vivants : résilience et symbiose
La dynamique des territoires vivants : résilience et symbioseLa dynamique des territoires vivants : résilience et symbiose
La dynamique des territoires vivants : résilience et symbiose
 
Cours 1 agre 2017
Cours 1 agre 2017Cours 1 agre 2017
Cours 1 agre 2017
 
Marchés Financiers-6e edition-Bertrand Jacquillat & Bruno Solnik.pdf
Marchés Financiers-6e edition-Bertrand Jacquillat & Bruno Solnik.pdfMarchés Financiers-6e edition-Bertrand Jacquillat & Bruno Solnik.pdf
Marchés Financiers-6e edition-Bertrand Jacquillat & Bruno Solnik.pdf
 
Gc maroc 2
Gc maroc 2Gc maroc 2
Gc maroc 2
 
1997 Angleys Marie Maxence Intelligence Economique 11
1997   Angleys Marie Maxence   Intelligence Economique   111997   Angleys Marie Maxence   Intelligence Economique   11
1997 Angleys Marie Maxence Intelligence Economique 11
 
Pour la Science - Juin 2016.pdf
Pour la Science - Juin 2016.pdfPour la Science - Juin 2016.pdf
Pour la Science - Juin 2016.pdf
 
Les comportements boursiers
Les comportements boursiersLes comportements boursiers
Les comportements boursiers
 
"Le nouveau décor des politiques de la science" Hommage à J.-.J SALOMON
"Le nouveau décor des politiques de la science" Hommage à J.-.J SALOMON"Le nouveau décor des politiques de la science" Hommage à J.-.J SALOMON
"Le nouveau décor des politiques de la science" Hommage à J.-.J SALOMON
 
intelligence économique
intelligence économique intelligence économique
intelligence économique
 
Les relations entre les cycles économiques et les banques centrales
Les relations entre les cycles économiques et les banques centralesLes relations entre les cycles économiques et les banques centrales
Les relations entre les cycles économiques et les banques centrales
 
L’étonnante disparité des territoires industriels
L’étonnante disparité des territoires industrielsL’étonnante disparité des territoires industriels
L’étonnante disparité des territoires industriels
 
Crise d'envergure: cycles économiques et crises financières
Crise d'envergure: cycles économiques et crises financièresCrise d'envergure: cycles économiques et crises financières
Crise d'envergure: cycles économiques et crises financières
 
Economie du développement soutenable
Economie du développement soutenableEconomie du développement soutenable
Economie du développement soutenable
 
2017AZUR0027(2).pdf
2017AZUR0027(2).pdf2017AZUR0027(2).pdf
2017AZUR0027(2).pdf
 
2017AZUR0027(4).pdf
2017AZUR0027(4).pdf2017AZUR0027(4).pdf
2017AZUR0027(4).pdf
 
L'approche systémique comme garde-fou de la complexité des cycles contractuels
L'approche systémique comme garde-fou de la complexité des cycles contractuelsL'approche systémique comme garde-fou de la complexité des cycles contractuels
L'approche systémique comme garde-fou de la complexité des cycles contractuels
 
L'INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE, ENJEU POLITIQUE, FONCTION STRATÉGIQUE ET DISCIPLIN...
L'INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE, ENJEU POLITIQUE, FONCTION STRATÉGIQUE ET DISCIPLIN...L'INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE, ENJEU POLITIQUE, FONCTION STRATÉGIQUE ET DISCIPLIN...
L'INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE, ENJEU POLITIQUE, FONCTION STRATÉGIQUE ET DISCIPLIN...
 
Lettre sfmc n°86-fev2016
Lettre sfmc n°86-fev2016Lettre sfmc n°86-fev2016
Lettre sfmc n°86-fev2016
 
La grammaire schumpeterienne Outil d’une rhétorique libérale
La grammaire schumpeterienne Outil d’une rhétorique libéraleLa grammaire schumpeterienne Outil d’une rhétorique libérale
La grammaire schumpeterienne Outil d’une rhétorique libérale
 

PhD1 - Aix.pdf

  • 1. C.E.F.I. Modélisation d’un Ordre Stop Conditionnel pour une Gestion Systématique de Portefeuille Franck NICOLAS CENTRE D’ECONOMIE ET DE FINANCES INTERNATIONALES Unité associée au C.N.R.S. : ER X 1734 Faculté des Sciences Economiques Université de la Méditerranée - Aix-Marseille II Château La Farge - Route des Milles - 13290 Les Milles Tél. 04 42 93 59 93 - Fax 04 42 38 95 85 Email : cefi@univ-aix.fr
  • 2. - 2 - C.E.F.I. Centre d'Economie et de Finances Internationales Unité Associée au C.N.R.S. : ER X 1734 Faculté des Sciences Economiques Université de la Méditerranée - Aix-Marseille II Château La Farge - Route des Milles 13290 Les Milles - Tél. 04 42 93 59 93 - Fax 04 42 38 95 85 MODÉLISATION D'UN ORDRE STOP CONDITIONNEL POUR UNE GESTION SYSTÉMATIQUE DE PORTEFEUILLE Thèse de Doctorat ès Sciences Economiques Franck NICOLAS Directeur de recherche : Monsieur André CARTAPANIS Professeur à l'Université de la Méditerranée, Aix-Marseille II, CEFI
  • 3. - 3 - MODÉLISATION D'UN ORDRE STOP CONDITIONNEL POUR UNE GESTION SYSTÉMATIQUE DE PORTEFEUILLE Thèse de Doctorat Nouveau Régime Présentée et soutenue publiquement le 9 juillet 1998 par Franck NICOLAS Mention Honorable avec les féliciation du Jury à la majorité Directeur de Recherche : André CARTAPANIS Professeur à l'Université de la Méditerranée, Aix-Marseille II, CEFI Jury : Mme Dominique BADILLO Professeur à l'Université de la Méditerranée Aix-Marseille II, CEFI Mr. Claude BENSOUSSAN Rapporteur Professeur à l'Université d'Aix-Marseille III CETFI Mr. André CARTAPANIS Professeur à l'Université de la Méditerranée Aix-Marseille II, CEFI Mr. Georges GALLAIS-HAMONNO Rapporteur Professeur à l'Université d'Orléans LEO Mr. François SEURRE Président de Midland Finance Groupe HSBC
  • 4. - 4 - La Faculté n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions exprimées dans les thèses ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.
  • 5. - 5 - "Le mistral a quelquefois glacé l'air de l'hiver, jamais les âmes bien trempées." Marcel Bodrero, Au soleil de Besagne 1988. Per Marie, Lou Cap Brun, dissate 17 avoust 1996
  • 6. - 6 - REMERCIEMENTS • Mes parents, ma famille, Chantal. • Fabrice Oberto, Fiona Lohoar, Jacques Garello • mes amis de toujours : Olivier Lanfranchi, Jean-Christophe Repon • le Doyen André Cartapanis bien sûr, l'équipe du CEFI aussi. M. Fabrice Mazerolle, Me Eleonor Carlisle, Pr. Gilbert Probst, Juan Carlos Jarillo, M. André Bender, Mme Pascale Dameron, Mr. Jean-Jacques Lecloirec. • la société Arbinter-Omnivalor ainsi que le Groupe Edmond de Rothschild, le Président Luc Baatard, Baron Benjamin de Rothschild, Georges Coulon- Karlweiss, André Soumah, Nicolas Verne, Pietro Solari, Daniel Trèves, Hugo Ferreira, Arnaud Liguer-Laubhoüet. • MM. Lombard Odier & Cie, Patrick Odier, Paul Lombard, Melchior de Muralt, Mme Bénédicte Tramell, M. Sébastien Cashigari, Mlle Abigaïl Da Marrone. • le Groupe Hong Kong and Shangaï Banking Corporation et la Midland Bank, Richard Moseley, Bernard Noirot-Nérin, Franck Bitton.
  • 7. - 7 - RÉSUMÉ Devant les échecs des modélisations fondamentales des marchés financiers, les investisseurs se tournent souvent vers l'analyse technique pour déterminer leur timing d'investissement. Cette démarche, à l'origine de fluctuations endogènes et d'écart dans la valorisation théorique des actifs, remet en question l'Hypothèse de Marchés Efficients qui constitue les fondements mathématiques de la finance moderne. En revanche, elle restaure des approches en termes de tendances, market timing et allocation tactique qui ne fonctionnent pas dans un environnement régit par la marche au hasard des cours. Réciproquement, elle infirme des stratégies fondées sur les marchés efficients et le temps continu, comme l'assurance de portefeuille, les filtres ou les ordres stops. Nous décrirons l'ensemble de cette problématique et nous efforcerons d'élaborer une stratégie d'intervention systématique en gestion de portefeuille, empruntant à la finance en temps continu et aux instruments conditionnels. Notre recherche portera sur le développement d'un ordre stop intégrant plusieurs paramètres de marché. Cette approche sera testée sur des actions françaises. * * * ABSTRACT Confronted with the disappointing results of fundamental analysis, investors survey technical analysis to implement timing strategies on financial markets. That approach introduces endogeneous fluctuations, explains a large part of valuation misalignements and calls into question the Efficient Market Hypothesis, which underlies the linear mathematics used in most capital markets theory. It also lends validity to a number of investment strategies that should not work in a random-walk environment, including trend analysis, market timing and tactical asset allocation. Conversely, strategies that depend upon efficient markets and continuous pricing, such as portfolio insurance, filters and stop-loss orders, become suspect, because chaotic markets are neither efficient nor continuously priced. We will investigate several models to describe this environment and devote a large part to a systematic timing strategy in portfolio management, using continuous-time finance and derivatives. Our research will develop an evolutive stop-loss order based on several market parameters. We will simulate our system on french shares market.
  • 8. - 8 - INTRODUCTION GÉNÉRALE Les marchés de capitaux sont devenus un forum planétaire informationnel où s'effectuent en permanence des échanges de données et des arbitrages prenant largement le pas sur l'économie réelle. Le passé récent des marchés financiers montre une volatilité des cours supérieure aux turbulences que les seules lois macroscopiques auraient du engendrer. On estime d'ailleurs que les mouvements spéculatifs de capitaux sont quotidiennement de soixante à cent fois plus importants que les échanges de capitaux correspondant à des transactions économiques réelles. Capable de mettre à mal n'importe quelle Banque Centrale, cet emballement incontrôlé de la "bulle spéculative" est porteur d'une logique de l'abondance1, de la "déterritorialisation" et de la fin des intermédiaires. Cette économie virtuelle de temps réel et au sein de laquelle l'espace s'efface, a été autorisée par une globalisation, une intégration mondiale, une poussée des techniques de l'information et une déréglementation accrue. En ce sens, les marchés financiers révèlent au début des années 1980 le contexte futuriste de la "cyber-économie". Hélas, les logiques à l'œuvre dans le "cyber-espace" sont très difficilement appréhendables. Kevin Kelly2 décrit les colonies d'insectes comme "un flux continu de processus". Nous sommes ici au point de départ de la vie artificielle qui permettra un jour de mettre au point les "cyborgs", métis d'humains et d'ordinateurs. Patrice Bonarelli3 prétend que l'efficacité peut pâtir d'un excès de rationalité dans un environnement complexe. L'utilité d'un comportement aléatoire dans certains jeux (ou situations de conflit) a déjà été mise en évidence par le mathématicien français Emile Borel et le hongrois-américain Johann von Neumann4. Au contraire d'une situation de coopération dans laquelle il est préférable de réagir de manière prévisible, dans un contexte compétitif, un comportement aléatoire peut être la meilleure stratégie. Même en ce qui concerne des décisions de politique économique, si un acteur agit rationnellement, la théorie des jeux le forcera souvent à introduire un élément aléatoire non-préditible dans sa décision, réalisant en l'occurrence une stratégie probabiliste optimale, puis la justifiant ensuite comme la seule alternative possible face à la situation. 1 GALBRAITH, J.K. - Brève Histoire de l'Euphorie Financière; Le Seuil, 1992. 2 KELLY, K. - rédacteur en chef de la revue Wired, "Out of Control - The New Biology of Machines, Social Systems and The Economic World"; Addison - Wesley, 1995. 3 BONARELLI, P. - La réflexion est-elle rentable? De la Décision en Univers Turbulent; L'Harmattan, 1994. 4 NEUMANN (Von), J. & MORGENSTERN, O. - Theory of Games and Economic Behavior; Princeton University Press, 1947.
  • 9. - 9 - De la même façon, le mathématicien Henri Poincaré rend compatible le hasard et le déterminisme (pertinent au seul voisinage de l'équilibre) par le concept d'impréditibilité à long terme. En effet, la connaissance des conditions initiales est toujours entachée d'imprécision et il est impossible de formuler des prévisions dans ce contexte. L'accumulation d'information et la connaissance du passé n'aident en rien dans la prévision de phénomènes aléatoires ne pouvant être appréhendés que de façon stochastique. La théorie du chaos tend à lire le désordre comme une information extrêmement complexe plus que comme une absence d'ordre. Elle souligne l'importance de l'imprévisibilité et conduit à une appréhension du monde dans laquelle toute globalisation (mondialisation) devient hasardeuse. Il existe une dynamique instable évoluant loin de l'équilibre, même si des interférences déterministes régissent temporairement le système. Aux forces régulières modelant les trajectoires d'évolution des marchés, se superpose une structure dissipative locale détournant le système de son équilibre. Dans le domaine culturel, l'épanouissement du courant post-moderne, dont les credo fondamentaux sont ceux de l'incrédulité face aux explications globales et la fragmentation implicite dans le désordre, a permis de percevoir le rôle constructif que le désordre, la non- linéarité et le bruit jouaient dans des environnements complexes. Dans des systèmes ouverts évoluant loin de l'équilibre, se développent des processus d'auto-organisation et de complexification pour lesquels l'équilibre cesse d'être un attracteur. * * * La prise en compte de l'incertitude est perçue comme l'une des extensions majeures de la représentation déterministe du monde réel des modèles économiques néo-classiques. Cette réécriture de la modélisation peut être appréhendée au niveau des comportements de l'agent comme des relations d'équilibre du marché. La vision monochromatique et réductionniste de l'économie pure de Walras confronte un homo-œconomicus intelligent, rationnel et maximisateur à un choix d'allocation de biens dans un contexte de ressources limitées. La recherche uniforme de l'intérêt personnel constitue la maquette d'un individu unique et stylisé. La satisfaction retirée des arbitrages opérés par l'agent est l'un des points saillants reliant le génotype des ces modèles au concept de rationalité. Le caractère subjectif du choix se fait par maximisation de l'utilité (ou ophélimité) sur la base d'un critère normatif de rationalité. Dans les limites de cette représentation, Maurice Allais5 s'opposera à l'exclusivité de la maximisation comme clef de voûte des choix rationnels, de même que Herbert Simon6 mettra en évidence plusieurs procédures décisionnelles suivant la nature du problème (principe de satisfecit). 5ALLAIS, M. - "The so-called Allais Pradox and Rational Decision under Uncertainty"; in Expected Utility Hypothesis and the Allais Paradox; Allais, Hagen & Reidel Publishing Company, 1979. 6 SIMON, H.A. - "A Behavioral Model of Rational Choice"; Quaterly Journal of Economics, vol 69, 1955.
  • 10. - 10 - De même que le formalisme apporté par le critère d'espérance d'utilité, la loi de la mécanique newtonienne constitue un invariant dans les approches néo-classiques de la fin du XIXe et du début du XXe et conduit à la déshumanisation de la science économique. Ici le temps est absent et l'économie fonctionne sans friction (transaction et information sans coût). L'équilibre mécaniste s'enfonce dans l'abstraction peu compatible avec la représentation d'un environnement complexe et aléatoire. L'acceptation du hasard et de la contingence du futur produit une réflexion plus à même de calquer à un univers polymorphe que l'héritage issu de l'image d'une économie régie par des lois causales. L'avènement des alternatives probabilistes tendant à circonscrire le concept plurivalent du hasard dans des limites d'intervalle de confiance, va ouvrir la voie de la modélisation micro-économique des comportements en situation d'incertitude. Une action n'a alors plus une conséquence unique mais une pluralité de résultats possibles affectés d'une probabilité d'occurrence. L'arbitrage ambivalent s'opère entre des distributions de probabilité affectées de divers degrés d'utilité, déterminés à l'aide d'une fonction généralement concave reflétant la plus ou moins grande aversion au risque des individus. Au niveau du marché, l'atteinte d'objectifs maxima pour chacun des agents (état au delà duquel plus personne ne veut réaliser d'échange) est baptisé équilibre général par Walras puis par Arrow-Debreu7. En situation d'incertitude, grâce à des échanges de biens contingents (biens physiques auxquels sont associés des scenarii de réalisation d'événements) à un prix d'équilibre dit concurrentiel, les agents parviennent à une allocation Pareto-optimale avant révélation de l'état de la nature. Toute réouverture des marchés après la réalisation de l'équilibre ne conduirait à aucun échange. Une remise en cause de Radner8 s'attaquant à l'hypothèse de complétude des marchés, avance l'existence de structures d'information asymétriques9 obligeant l'agent à discerner une partition des états possibles de la nature. Certains autres agents, dans l'impossibilité d'identifier des événements, ne pourront pas conditionner d'achat ou de vente sur la réalisation des ces premiers. Il en résultera un plan de consommation réduit et un équilibre beaucoup plus faible. De même lorsque le marché présente une structure incomplète, la réintroduction explicite du temps, fait que certains biens contingents n'existent pas. Une incertitude apparaît alors sur le prix futur obligeant les agents à formuler des prévisions, et faisant que le prix d'équilibre prévalant sur le marché dépend de la prévision. Les anticipations portent sur l'environnement et le prix futur (qui devient une variable endogène). L'incertitude n'est alors plus résolue par une procédure unique d'échange et par le biais d'une main invisible mais par des anticipations mouvantes au cours du temps et en réaction à l'incertitude. 7 ARROW, K.J. & DEBREU, G. - "Existence of Equilibrium for a Competitive Economy"; Econometrica, vol. 22, 1954. 8 RADNER, R. - "Competitive Equilibrium under Uncertainty"; Econometrica, vol. 36, 1968. 9 RADNER, R. - "Rational Expectations Equilibrium : Generic Existency and the Information Revealed by Prices"; Econometrica, vol. 47 n°3, 1979.
  • 11. - 11 - Outre les interactions des comportements des agents au niveau du marché résultant de la prise en compte de l'incertain, certains pourront procéder à une réduction de l'incertitude par une démarche active. L'acquisition d'informations qui devient une variable endogène, ou le fait que des agents tentent d'apprendre, à partir du prix, l'information détenue par les autres, les conduit à modifier leurs positions au moment où ils apprennent la valeur du prix d'équilibre. Par cette rétroaction, les prix ne peuvent plus assurer l'équilibre, car chacun réagit aux actions des autres. L'équilibre se trouve alors définit en termes d'anticipations et non de prix, et ce n'est que lorsque ces premières sont réalisées que l'équilibre est atteint. La fonction informationnelle du marché se trouve alors propulsée au premier plan pour rendre compte de la formation de l'équilibre. Malheureusement, l'incertitude peut également être d'origine extrinsèque et prendre en compte les interactions entre les hypothèses, les prévisions et les croyances des agents. Dans une situation concurrentielle, des phénomènes de spéculation pure, gouvernés par des composantes psychologiques, conduisent à des configurations d'équilibres de "tâches solaires"10 déconnectées des fondamentaux. La cohérence d'incertitudes extrinsèques fait naître des fluctuations cycliques issues des anticipations. Des croyances auto-réalisatrices émergent alors et créent une nouvelle source d'indétermination qui augmente le nombre d'équilibres susceptibles d'apparaître dans des modèles monétaires à anticipations rationnelles. Le marché est alors détourné de son optimalité en matière d'allocation des ressources jusqu'à ce que la bulle spéculative éclate sous forme de krach, restaurant, par là-même, l'efficience allocative des marchés. * * * Est-ce-à dire que l'analyse, qu'elle soit financière, fondamentale, graphique ou technique est inutile dans une finance de marché complexe, dont les mouvements sont tantôt alimentés par le hasard, tantôt par une logique systémique parfois non-rationnelle ? Notons que la théorie de l'efficience des marchés répond en partie à la question puisque qu'elle signifie l'inutilité de l'analyse si le prix d'équilibre constitue un agrégateur parfait de l'information pertinente disponible. La proximité avec l'analyse graphique semble évidente dans la mesure où, celle-ci se fonde sur le seul prix comme synthèse de toutes les anticipations formulées sur le marché. Pourtant, si l'efficience informationnelle prévalant sur les marchés financiers ne peut plus être remise en cause (à l'exception peut être de certains marchés émergents), l'efficience allocative des fonds prêtables subit l'instabilité du contexte monétaire international. Tout comme les grandes banques dictèrent au XIXe siècle, leur attitude à de nombreux pays, ou comme les entreprises multinationales le firent entre les années soixante et quatre-vingts, les flux internationaux de capitaux tiennent désormais en leur pouvoir le destin de beaucoup de 10 AZARIADIS, C. - "Self fulfilling prophecies", Journal of Economic Theory, 1981, vol. 25, n°3, pp. 380-396.
  • 12. - 12 - pays; et dans une certaine mesure le sort économique du monde. Qu'ils cessent d'avoir confiance en la Chine, et, tels des dominos, les pays les plus exposés (Hongrie, Argentine, Brésil, Turquie, Thaïlande, Indonésie...) verraient leurs capitaux se retirer sous le coup de la faillite, provoquant leur faillite et le collapsus du système. Comment l'opérateur peut-il se repérer dans cette configuration ? A son niveau, les allocations de portefeuilles sont-elles efficaces simplement, parce que sur la base d'un prix de marché ou même d'une analyse risque-rendement, le cours équilibrant les offres et les demandes contractées dans un environnement instable doit dicter les réallocations ? Si le système financier dans son ensemble évolue de manière chaotique, il serait étonnant qu'il en soit différemment au niveau micro-économique de la gestion des avoirs financiers. Les approches d'intervention que nous décrivions auparavant deviennent alors aventureuses lorsque l'on examine le contexte dans lequel elles sont utilisées. L'analyse fondamentale en premier lieu et par définition mais aussi l'analyse technique car trop subjective et trop rationnelle, ou pas suffisamment chaotique, ce qui dans certains cas est équivalent, s'inscrivent pleinement dans cette vision. De son côté, la théorie financière moderne est une discipline relativement récente dans l'étude de l'économie. Elle est issue de l'analyse financière et des méthodes actuarielles. Toutefois, elle a su progressivement leur ajouter un élément essentiel avec le concept de risque intrinsèquement lié aux marché de capitaux. Désormais l'essor de la théorie financière est considérable. Les innovations majeures des vingt dernières années comme le démembrement d'actifs, la titrisation et le marché des dérivés ont été influencées si ce n'est provoquées par des développements théoriques. Le point d'investigation s'élargit sans cesse en partant du point focal qu'est la finance de marché. L'avènement de la recherche sur les réseaux neuronaux depuis quelques années permet une avancée sur les rationalités cachées, prenant en compte des paramètres plus nombreux et moins "évidents" dans la compréhension d'un système. Malheureusement l'extrême lourdeur d'un système évoluant dans un environnement complexe circonscrit son application pratique. Les modèles de prévision économétriques, quant à eux, postulent une stabilité de relation entre la variable et ses déterminants. Les nuances qualitatives intervenant dans la formation du cours de la variable demeurent ignorées. * * * On ne doit pas aujourd’hui nier l’existence d’un large corpus conceptuel utilisant toute sorte de mathématiques pour accompagner la modélisation de ces marchés. On peut s’interroger sur le fait de savoir si ces développements analytiques, très déductifs, sont légitimes pour une science sociale. Il en est un au moins, qui possède le mérite d’avoir suscité une application différente des autres et découvert une compréhension nouvelle. Les travaux de Bachelier sont considérés désormais comme pionniers de la finance moderne. Ils nous
  • 13. - 13 - permettent d’évoquer le mouvement brownien ainsi que les processus aléatoires qui en dérivent, et que l’on ne manie pas avec les règles de calcul différentiel habituelles, mais avec le calcul d’Itô. Le bénéfice d’une série d’achat et de ventes de certaines quantités d’actifs s’écrit désormais comme une intégrale. La rupture épistémologique opérée dans les années 1970 montre qu’il est possible d’abolir le hasard tant redouté, en tenant compte du marché à chaque instant dans la fixation d’un cours à terme. Ce prix supprime alors toute possibilité de profit sans risque, l’arbitrage est inopérant. En procédant ainsi, une banque exploite les possibilités des marchés organisés, qui lui fournissent continûment une cote instantanée pour vendre ou acheter. Ce principe, dit de couverture des contrats, permettra l’essor rapide des produits dérivés et des marchés organisés correspondants. Il existe une nouvelle rationalité dans la gestion des risques et des anticipations financières, accordant une place plus importante à l’information reçue par les marchés au détriment du prévisionniste : le suivi de marché devient la réalité déterministe prépondérante. La découverte de la couverture exacte par suivi de marché, qui fait que les banques jouent le rôle de compagnies d’assurances sans en avoir les contraintes ni les risques, a permis le développement rapide et mondial des marchés dérivés. Ainsi étendus et complexifiés, les marchés fournissent à chaque instant un très grand nombre d’indicateurs sur les valeurs futures à diverses échéances des actifs cotés. Dans ce contexte, les transactions doivent tenir le plus grand compte du marché lui- même dans l’appréciation des risques et leur gestion. Une nouvelle rationalité de marché s’établit : les divers points de vue des agents se traduisent par diverses lois de probabilité sur l’évolution des cours. Un principe de relativité relie ces points de vue : il est impossible de savoir quel est le bon et il n’en existe pas de plus légitime que les autres. L’idée d’une loi de probabilité vraie, est une abstraction de théorie économique. La rationalité des marchés financiers ne reconnaît pas d’objectivité aux notions de fondamental ou d’efficience, et considèrent qu’elles relèvent d’une politique économique et de la lecture correspondante des faits de société. Il existe un déni de pertinence à toute approche exclusive qui aurait des prétentions prospectives différentes des indications de marché. Le principe de couverture n’est pas une réponse au dilemme efficience / non- efficience, mais il dit que chacun est en droit de considérer que certaines ressources sont mal allouées, et qu’il serait rentable de les déplacer, mais que l’on prend un risque en gérant un dérivé de cette façon et intégrant ce type de conviction. D’où il s’avère inutile de savoir si le cours suit une martingale, tout concept universel proposé par la science économique, donc très idéalisé est disqualifiant. Cette gestion, dite en delta neutre, représente la meilleure estimée rationnelle de la valeur future du marché. Elle n’annule pas le risque en moyenne comme pour un assureur, mais à chaque option. La rationalité du marché s’oppose à la rationalité d’expert, dans la mesure où l’on suit la dynamique propre de l’actif. Il s’agit d’une gestion aveugle
  • 14. - 14 - économiquement mais annulant le risque sur toute la durée de vie de l’actif. C’est une non- spéculation fondée sur une connaissance des possibles qui porte atteinte à l’Économie Appliquée postulant une connaissance universelle. Tandis que la rationalité économique est analytique et normative, la rationalité de marché est positive et empirique, puisqu’elle postule que même les lois de probabilité sont subjectives. Hélas, la logique prévalant pour les approches en termes d’instruments dérivés s’adresse essentiellement à leur manipulation, et cette logique n’est que plus rarement étendue à la gestion de d’actifs classiques. Dès lors, pouvait-on répondre aux contraintes de la gestion de portefeuille par une problématique identique ? Il s’agit ici de la démarche que nous avons voulu retenir, à savoir impliquer, non pas des instruments dérivés dans une gestion de portefeuille, mais une logique utilisant ces outils. La traduction de cette alternative au niveau de la gestion est, qu’à tout instant, l’investisseur doit annuler son risque de position en formant un portefeuille de réplication d’une position non-risquée et participant à la hausse des titres. Le profil d’une option d’achat est ici dessiné puisque le gestionnaire vise à laisser courir ses gains et couper ses pertes. Le passage par l’achat de calls demeure non-rentable, puisque le caractère fondant des actifs conditionnels oblige l’opérateur à avoir raison très vite, ou à renouveler une stratégie très coûteuse. Ainsi, avons-nous imaginé la construction d’un ordre Stop, se positionnant instantanément là où la théorie des options l’exige, afin de pouvoir neutraliser un risque de perte supérieur à un niveau arrêté au préalable. Notre stratégie s’inscrit directement dans une optique de gestion par suivi de marché, étant donné que la prévision reste absente au détriment des paramètres de taux, de temps et de volatilité, également pris en compte (en plus du sous-jacent) dans le prix d’une option. * * * Nous tenterons, dans ce travail de proposer une méthode d'intervention sur les marchés financiers, visant à générer puis clôturer une position profitable avec un timing le plus pertinent possible. Notre démarche de gestion des actifs proposera une vision automatique des ordres en fonction de certains critères déterminés au préalable. Nous accorderons une grande importance à exposer le cheminement qui nous a conduit à exposer cette alternative de décision. Les déductions issues d'une perception "polémique" des marchés financiers dans leur contexte actuel, nous aideront à imprimer notre méthode et dérouler une modélisation correspondante, au regard des échecs de certains autres outils et conformément à l'angle selon lequel nous abordons les marchés. Afin de crédibiliser notre approche, et de rendre compte des "pièges" répertoriés dans différentes analyses décisionnelles, toutes articulées autour d'une philosophie adéquate, nous seront amenés, par conséquent, à décrire l'environnement générique de la finance de marché.
  • 15. - 15 - La logique que cette rehcerche s'emploie donc à mettre en évidence une optique de gestion de portefeuille répondant aux échecs de certaines autres approches, qui s'inscrivent dans un environnement de marché ne leur permettant pas de s'exprimer. C'est ainsi qu'il sera utile de procéder au préalable à l'examen de l'évolution des cours en amont, pour déduire une démarche compatible avec les contraintes imposées par la dynamique des prix Nous exposerons tout d'abord la méthodologie employée dans l'évaluation des actifs conditionnels (à la réalisation d'un événement aléatoire) ; dans un contexte d'efficience des marchés. Cette première Partie permettra d'illustrer le concept d'efficience par un instrument très répandu sur les marchés de capitaux, et utilisant cette démarche en sous-jacent : les options. Ces instruments seront d'abord exposés du point de vue de leur utilisation, puis envisagés dans leur formulation mathématique. Nous opposerons ensuite une optique non-corrélée des prix au cours du temps, à des approches en termes d'instabilité endogènes du système ; par interconnexion de certains segments du marché, absence de rationalité de ses agents ou non-linéarité des mouvements de prix. Cette description des marchés nous amènera à débattre autour des grande techniques de gestion des actifs financiers. Toutes ces alternatives sont dissemblables et constituent des domaines de recherche en soit. Nous ne prétendrons pas, à ce stade, les exposer de manière exhaustive. Néanmoins, la gestion de portefeuille emprunte souvent à chacune de ces recherches et il sera intéressant de débattre de leur pertinence. Nous proposerons donc, en seconde Partie, une systématique d'intervention sur les marché d'actions, s'inspirant de la controverse entre toutes les approches de gestion que nous aurons préalablement étayées comme antithèse de la Partie précédente. L'originalité de notre développement (qui ne positionne à aucun moment comme un Graal), est que nous essayerons de le rendre compatible avec un environnement dynamique, intégrant le passage du temps tout comme le niveau du marché, en maintenant constant le niveau de risque à chaque instant.. Notre parcours préalable au sein de la théorie financière comme des pratiques de gestion, nous amènera à modéliser autour d'une vision chaotique de synthèse, comprenant parfois du hasard ou parfois une dynamique endogène non-rationnelle. Le contenu de la modélisation se voudra donc autant technique que polémique. Enfin, des tests de validité de notre expérimentation seront pratiqués sur une large base de données journalières, couvrant plus de 200 actions françaises sur 4 ans. Le modèle développé sera opposé à d'autres techniques connues, pour rendre compte de la pertinence de notre approche vis-à-vis de certaines démarches déjà existantes.
  • 16. - 16 - SOMMAIRE Première Partie : Présence de la marche au hasard dans le comportement des prix des actifs conditionnels CHAPITRE I : EFFICIENCE INFORMATIONNELLE DES MARCHES ET COMPORTEMENT DES PRIX SECTION I : La théorie de l'efficience des marchés SECTION II : Prise en compte des anticipations dans la marche au hasard des prix CHAPITRE II : EVENEMENT ALEATOIRE ET FINANCE EN TEMPS CONTINU : L'EXEMPLE DES OPTIONS SECTION I : Introduction sur les options SECTION II : Les modèles probabilistes SECTION III : Introduction à l'analyse numérique CHAPITRE III : ELEMENTS MATHEMATIQUES D'EVALUATION DES ACTIFS CONDITIONNELS SECTION I : Les hypothèses et la démonstration du modèle de Black et Scholes SECTION II : Interprétation et éléments complémentaires Deuxième Partie : Modélisation d'une gestion systématique dans un contexte d'instabilité des marchés CHAPITRE IV : REMISE EN CAUSE DU CRITERE D'EFFICIENCE PAR LA NOUVELLE CONFIGURATION DES MARCHES FINANCIERS SECTION I : Les conséquences du fonctionnement interdépendant de deux marchés en matière de révision des anticipations SECTION II : Les prolongements de l'hypothèse de marchés interconnectés par la mise en évidence de bulles spéculatives SECTION III : Eléments de dynamique chaotique CHAPITRE V : PERTINENCE DES GRANDES TENDANCES DE MARCHE DANS L'ENVIRONNEMENT CHAOTIQUE DES MARCHES SECTION I : Le nouvel environnement "fondamental" de la gestion SECTION II : L'essor des techniques quantitatives SECTION III : L'apport de l'analyse technique CHAPITRE VI : UTILISATION D'UNE STRATEGIE D'OPTIONS DANS UN MODELE DE TRADING : LE STOP CONDITIONNEL SECTION I : Système expert et modèle de trading SECTION II : Timing d'initiation d'une position SECTION III : Génération d'un stop conditionnel SECTION IV : Réplication d'un stop conditionnel par une stratégie d'options SECTION V : Test de la validité du modèle sur un panel d'actions françaises
  • 17. - 17 - Première Partie : PRÉSENCE DE LA MARCHE AU HASARD DANS LE COMPORTEMENT DES PRIX DES ACTIFS CONDITIONNELS Parmi les concepts importants dans le domaine de l'assurance, figurent les techniques d'actualisation et le calcul d'une prime de risque. Le procédé d'actualisation, consistant en l'évaluation présente d'un certain nombre de flux futurs, a depuis longtemps été mis en lumière. L'estimation du prix accordé pour l'endossement d'un risque reste en revanche encore très largement débattu. Dans un univers aléatoire, le risque d'une distribution normale est caractérisé par sa variance. La prime de risque récompense alors celui qui le supporte11. Sur les marchés financiers, les taux d'intérêt représentent la rémunération offerte par un actif. John Maynard Keynes, avec la théorie de la Parité des Taux d'Intérêt12, montre que le différentiel de rémunération entre deux marchés monétaires de pays différents doit être arbitré par le marché. La devise du pays à taux plus élevés cotant un déport, l'opérateur qui voudrait intervenir sans risque de change dans le pays plus rémunérateur, sera symétriquement pénalisé sur son taux d'intérêt par sa couverture de change à terme. A l'extrême, la devise de ce pays devrait se déprécier ce qui le dissuade de ne pas se couvrir (le différentiel d'intérêt est égal à la variation anticipée du cours de change13). Cet énoncé nous soumet donc l'idée que le taux de change à terme reflète bien la valeur du futur taux comptant. Or, dans la réalité, des déviations par rapport au cours de change théorique apparaissent, faisant que l'investisseur qui décide de ne pas se couvrir doit bénéficier d'une prime de risque. 11 pour un agent averse au risque (risquphobe). 12 nous revenons sur cette approche au Chapitre V. 13 théorie de la Parité des Taux d'Intérêt non couverte.
  • 18. - 18 - A ce niveau l'anticipation de l'investisseur demeure primordiale. Au plus d'ailleurs son aversion au risque est importante, au plus le cours à terme risque de ne plus parfaitement anticiper le futur prix comptant. L'équilibre que le marché devait théoriquement assurer se trouve potentiellement et momentanément détourné par les anticipations. Si ces dernières sont rationnelles (HAR)14, l'investisseur connaît le "vrai modèle" économique et arbitre parfaitement ces actifs. Dans le cas inverse, l'équilibre n'est pas assuré et le marché dévie temporairement de son niveau théorique. Les achats et ventes sur un actif financier témoignent de la représentation anticipée que les agents se font d'un marché et expliquent la sensibilité des cours aux anticipations. La fonction d'anticipation peut donc prendre différentes formes. Il est en effet possible de distinguer les anticipations liées au passé de la fonction d'anticipation rationnelle. Dans le premier cas, l'agent se réfère aux mouvements passés pour formuler ses anticipations. Les anticipations sont alors : - extrapolatives15 : le cours futur extrapole le cours passé, ce qui pose le problème d'une anticipation allant dans le sens de la tendance. - adaptatives16 : les agents corrigeant leurs erreurs en fonction des erreurs passées, il existe un processus d'apprentissage (learning by errors). - régressives17 : les agents formulent leurs anticipations à partir du cours d'équilibre déterminé par un modèle. La question de l'équilibre économique mécaniquement assuré par les forces invisibles du marché ou étrangement perturbé reste constamment d'actualité, d'autant que les tenants de l'approche non-linéaire pensent que l'alternance règne. L'enjeu sur les marchés financiers relève de profits supra-normaux à espérer dans le second cas (ou d'un risque mal mesuré amenant à l'effondrement du système), ou d'une vaine recherche dans le premier cas car le marché est à l'équilibre en permanence (les mouvements futurs sont aléatoires et non-corrélés au présent). Nous ne prétendrons pas ici amener un élément de réponse définitif. Simplement, il nous semble indispensable de poser le problème en vue d'une modélisation destinée à 14 S ~ t = E(St / t-1) avec t-1 information de la période précédente. 15 On a S ~ t = St-1 + b.(St-1 - St-2) si S ~ t cours anticipé au temps t. 16 S ~ t - S ~ t-1 = b.(St-1 - S ~ t-1)  b.St-1 - (1-b).S ~ t-1 , avec lorsque : b est grand : une grande importance est accordée au passé mais peu à l'anticipation passée. b = 0 : aucun ajustement n'est opéré à la suitge de l'écart entre l'événement réalisé et les antcipations passées. b = 1 : l'erreur d'anticipation est parafaitement corrigée, et le phénomène d'apprentissage est statique. 17 S ~ t = St-1 - (S * t-1 - St-1) avec > 0, où toute sur-évaluation (sous-évaluation) entraîne une dépréciation (appréciation) du cours futur.
  • 19. - 19 - l'intervention. Nous aborderons tout d'abord la théorie de l'efficience des marchés rendant compte de la marche au hasard des cours. Nous l'avons vu, cette hypothèse est largement liée au concept d'anticipation, dès lors que l'on évoque le comportement des intervenants. Cette anticipation est largement basée sur l'information qui devient, en fait, la donnée (car elle est supposée disponible) clé de l'équilibre. Les investisseurs, appuyant leurs prévisions sur des informations disponibles de tous, ne parviendront pas à battre le marché qui formulera une anticipation rationnelle dans son ensemble. * * * La plupart des décisions financières des individus sont effectuées dans un environnement liant très étroitement le risque et le temps. Ces deux paramètres influencent les choix des agents en termes de consommation, de gestion de portefeuille et de couverture contre les risques financiers. Dans cette perspective, la recherche en matière financière a très rapidement tenté de procéder à l'élaboration de stratégies décisionnelles optimales, pour un individu agissant en présence de risques incorporant une dynamique temporelle. Les travaux de Harry Markowitz18 (1952) sur le couple risque-rendement mirent tout d'abord en évidence la possibilité d'établir des choix optimaux de portefeuille grâce au concept de diversification. Cette technique consistant à répartir le risque entre différents actifs, voire à minimiser en ayant recours à la programmation non-linéaire, permet de construire des portefeuilles efficients. Ces portefeuilles de risque minimum pour différents niveaux de rendements espérés, se répartissent sur une frontière concave significative des combinaisons optimales de ces couples. Dès lors, les individus pouvant diversifier leurs avoirs, le marché ne rémunérera pas, à l'équilibre, la composante diversifiable du risque. Seule la partie systématique ou non diversifiable du risque sera valorisée par le marché. Le modèle d'Evaluation Des Actifs Financiers (MEDAF ou CAPM - Capital Asset Pricing Model), présenté ultérieurement par Sharpe19 (et Lintner) assimile le prix d'une action à son exigence de rendement, qui se révèle n'être fonction que de son degré de risque systématique appelé coefficient êta. Ce modèle admet le concept de diversification comme réducteur du risque spécifique et permet de le quantifier explicitement. En effet, dans la mesure où ce modèle présuppose un marché efficient au sens de Fama20 (1970), tous les agents voudront détenir un portefeuille investi dans les titres sans risque et dans toutes les actions risquées contenues dans le portefeuille de marché. Ce théorème de séparation à deux 18 MARKOWITZ, H. - "Portfolio Selection"; The Journal of Finance 7, pp 77-91; 1952. 19 SHARPE, W.F. - "A simplified Model for Portfolio Annalysis"; Management Science 9, pp 277-293; 1963. 20 Op. cit.
  • 20. - 20 - fonds se vérifie parfaitement au travers de l'importance prise par les fonds de placement et les portefeuilles de réplique (basket portfolios). Cependant, la dynamique d'évolution des paramètres financiers au cours du temps n'est pas prise en compte par la théorie moderne du portefeuille. En d'autres termes, la réallocation inter-temporelle des actifs n'est pas intégrée dans ces modèles statiques. Certains auteurs ont remis en cause la validité de ces modèles lorsque l'investisseur doit faire face à des modifications de l'environnement économique. * * * Dans un même temps, l'utilisation croissante des marchés d'instruments dérivés, permettant de gérer les risques financiers en intégrant les sources d'aléa provenant de la prise en compte d'une composante temporelle, a suscité une reconnaissance définitive de travaux plus anciens sur les sous-jacents mathématiques de cette théorie financière. Parmi eux le Professeur Robert C. Merton21, à la fin des années soixante, fut l'un des premiers à explorer les outils mathématiques nécessaires à la finance stochastique. Les hypothèses communes aux différents modèles visent à décrire les marchés financiers et le comportement du prix des actifs. On suppose généralement que les marchés sont ouverts de façon ininterrompue, et que les opérateurs peuvent continuellement négocier des transactions. Les prix et autres variables macro-économiques (tels que les taux de change, les taux d'inflation etc.) évoluent en temps continu, et ce par des mouvements infinitésimaux (processus de diffusion) ou en subissant des sauts (processus à sauts)22. R.C. Merton a le premier mis en évidence des différences dans les décisions d'investissement prises sur la base de modèles statiques, par rapport à celles prises en intégrant des risques évolutifs aux choix de portefeuille. Les résultantes, en termes de revenu, de rentabilité des investissements ou de pouvoir d'achat sont significativement singulières et méritent une attention toute particulière. Dans un article de 197323, il redéfinit un MEDAF 21 MERTON, R.C. - "An Inter-temporal Capital Asset Pricing Model", Econometrica, vol 41, n° 5, 1973, pp. 867- 87. 22 L'intégration grandissante des marchés et l'avènement des bourses électroniques valident la continuité du temps postulée en théorie. Par ailleurs, en supposant que les facteurs et prix des actifs financiers subissent continuellement des variations infinitésimales et sporadiquement des variations erratiques (krach, chaos), il est possible d'affirmer que les sources de risque sont généralement issues de nouvelles non-anticipées et ont de faibles impacts sur les prix. Les outils mathématiques soutenant les hypothèses précédentes résident dans le calcul différentiel stochastique (pour déterminer l'évolution des prix, de la richesse et de la consommation) et dans la théorie de l'optimisation stochastique (pour spécifier les choix et décisions optimales des agents). Notons, à ce niveau, que les résultats obtenus sont très concrets par rapport aux modèles en temps discret qui demandent très souvent une caractérisation subjective des préférences individuelles. 23 MERTON, R.C. - "Theory of Rational Option Pricing", Bell Journal of Economics and Management Science, 4, Spring 1973, pp. 141-183.
  • 21. - 21 - inter-temporel ("Inter temporal CAPM") en considérant de multiples sources d'aléa, caractérisées par des processus de diffusion susceptibles d'affecter la richesse de l'individu au cours du temps. L'investisseur détiendra par conséquent, un actif financier pour des motifs de diversification, mais encore à des fins de couverture contre des chocs aléatoires que subit sa richesse au cours du temps24. Les portefeuilles inter-temporels issus de la modélisation corrigeraient donc des biais générés par des modèles statiques en univers certain. Brennan et Schwartz25 (1994), en testant des portefeuilles de Merton, ont prouvé que la position contractée en liquidités était excessive dans les modèles classiques. Par conséquent, les stratégies d'allocation d'actifs fondées sur ces modèles et les mesures de performance, tels les indices de Sharpe et Treynor qui en découlent, incitent à faire des choix de placement sous-optimaux. * * * Cette même théorie peut également trouver des ramifications dans la finance d'entreprise en analysant dynamiquement la structure financière de l'entreprise ou en envisageant des projets d'investissement en actifs réels. Ainsi, l'analyse du passif du bilan d'une société endettée peut être appréhendée en assimilant les titres libellant le passif avec des options. On peut donc aisément quantifier le risque de crédit des émetteurs, de même que celui de la solvabilité (et des garanties contractuelles nécessaires pour les maîtriser). En outre, la problématique du choix de l'analyse et du choix d'investissement des entreprises est reconsidérée avec la théorie des options. Le critère traditionnel de sélection des projets qu'est l'espérance de la Valeur Actuelle Nette (VAN) aboutit, le plus souvent, à investir trop tôt ou abandonner des opportunités d'investissement, qui s'avéreront rentables si les conditions économiques changent, en sous-évaluant les actifs classiques réels des entreprises. Généralement, la théorie des options prend explicitement en compte des éléments de flexibilité managériale inhérents à la plupart des projets d'investissement en présence de risques grevant leur valeur finale. Ainsi, plus il y a d'incertitudes, dans l'économie, plus la valeur de l'option autorisant la flexibilité (un projet d'investissement par exemple) 24 Par exemple, lorsqu'un agent souhaite se prémunir contre une baisse des taux d'intérêt, pour éviter de voir sa consommation future se réduire, il procédera à un investissement en actifs négativement corrélés avec les taux (instrument obligataire par exemple), ce qui représentera pour lui le meilleur moyen de couvrir un mouvement inverse des taux. Ainsi, les prix et les rendements à l'équilibre des actifs financiers seront fonction des caractéristiques de diversification (comme dans le MEDAF classique) comme des services de couverture contre des chocs aléatoires sur des variables économiques qu'ils offrent. Merton parvient ainsi à un modèle d'évaluation des actifs financiers risqués à multiples coefficients êta représentant la sensibilité de chacun des actifs à toutes les sources d'aléa. 25 BRENNAN, M. & SCHWARTZ, E.S. - "The Valuation of American Put Options", Journal of Finance, 32, May 1977, pp. 449-462.
  • 22. - 22 - augmente26. Cela explique qu'une politique monétaire incitative et axée sur une baisse des taux d'intérêt n'induira pas les entreprises à augmenter leurs investissements, si elle ne s'accompagne pas simultanément d'un objectif de stabilité visant à diminuer le niveau de volatilité des principales variables macro-économiques. Plus l'incertitude est grande, plus les agents ont tendance à ne pas exercer leur option de flexibilité et à la garder pour le futur. Enfin, notons que des extensions du modèle inter-temporel des actifs financiers de Merton à la gestion financière internationale (Solnik27, 1974), à la demande de couverture sur les marchés de futures ou à la demande de contrats d'assurance vie pourraient facilement être entrepris dans la continuité de ce qui précède. * * * La vision efficiente des marchés est pleinement utilisée dans la théorie des actifs conditionnels. En effet, l'évaluation de ces instruments s'effectue sur la base d'un risque accordé à une variable aléatoire, constituant l'actif sous-jacent de l'option. La variable aléatoire s'estime en volatilité, alors que l'espérance future de rendement n'est pas réellement prise en compte, mais est davantage perçue par rapport au taux d'intérêt sans risque. Nous sommes donc ici en pleine approche moyenne-variance. Le débat du prix accordé au risque demeure néanmoins entier, dans la mesure où s'il s'apprécie de façon statistique (volatilité historique), une corrélation entre le niveau passé et le niveau présent existe. S'il est appréhendé au regard de la volatilité future anticipée par les opérateurs (volatilité implicite), il est donc soumis à des mécanismes subjectifs voire irrationnels. Par conséquent, dès lors que l'on veut accorder un horizon temporel à un actif financier en situation d'incertitude, l'introduction d'un scénario statistique ou anticipatif est nécessaire et introduit un biais dans la représentation de la marche au hasard. La volatilité représente donc une probabilité de réalisation d'un scénario et introduit un caractère subjectif dans une approche relevant pourtant du hasard. En ce qui nous concerne, nous aborderons davantage la théorie des actifs conditionnels sous l'angle d'une approche générale de description et d'évaluation. En effet, nous utiliserons par la suite ces techniques pour les aspects normatifs de notre modélisation. En parallèle, nous garderons à l'esprit les rapprochements ou au contraire les biais que nous pourrions déceler entre ces techniques et la théorie de l'efficience des marchés pour façonner les caractéristiques positives de notre modèle. En outre, nous décrirons auparavant quelques utilisations possibles de ces instruments dans une optique de stratégie d'investissement. 26 GOFFIN, R. - "Options Réelles : l'Option d'Echange d'un Input contre un Output", Banque & Marchés, 13, mai-juin 1994, pp. 9-12. 27 SOLNIK, B. - "An Equilibrium Model of the Inernational Capital Market", Journal of Economic Theory, 1974, pp. 500-524.
  • 23. - 23 - CHAPITRE I : EFFICIENCE INFORMATIONNELLE DES MARCHES ET COMPORTEMENT DES PRIX L'une des principales notions de la finance moderne est celle de l'efficience des marchés. Elle découle de la recherche de nouvelles sources de profit par les analystes, les gestionnaires de fonds et les trésoriers d'entreprise. Doivent-ils attendre une nouvelle émission de droits de souscription ou emprunter à court terme en pariant sur une baisse des taux d'intérêt ? Est-il conseillé d'acquérir des entreprises parce qu'elles semblent sous- évaluées ? On utilise les mêmes critères pour les transactions financières que pour les investissements réels : la Valeur Actuelle Nette. La VAN d'une émission obligataire est tout simplement constituée des recettes qu'elle génère moins la valeur actualisée de tous les remboursements prévus (capital et intérêts). Pour l'achat d'une action, la valeur actuelle nette est égale à la valeur de l'action (valeur actuelle des futurs dividendes) diminuée de son prix. Un marché est efficient si les valeurs actualisées de toutes les transactions sont égales à zéro. Quand le coût des transactions est nul et que tous les investisseurs ont accès aux mêmes informations, la concurrence va rendre impossible le gain de VAN positives. Toutes les informations disponibles devraient être systématiquement incluses dans les cours. Aucun bénéfice n'est à tirer de la découverte d'une tendance ou d'un moment propice aux émissions de droits de souscription ou aux rachats de titres. Rien ne sert non plus de spéculer sur l'évolution des taux d'intérêt au moment de décider d'emprunter à long ou à court terme. * * * Depuis longtemps, le rôle informationnel des prix a été mis en évidence dans la théorie économique28. L'émergence du concept d'efficience informationnelle a lieu avec Bachelier29 qui postule déjà que les cours boursiers évoluent suivant un processus aléatoire de martingale. Plus tard, c'est Kendall30 qui étudie le concept d'évolution erratique des prix sur des indices boursiers britanniques ainsi que sur les prix spot du coton et du blé aux Etats- 28 HAYEK, F.A. (Von) - Prix et Production, Calmann-Lévy, Paris 1985. 29 BACHELIER, L. - Theorie de la Spéculation; Gauthier-Villars; 1900. 30 KENDALL, M.G. - "The Analysis of Economic Time Series. Part 1 : Prices"; Journal of the Royal Statistical Society; vol 96, 1953, pp.11-25.
  • 24. - 24 - Unis. Cootner31 tente ensuite de démontrer que, puisque les mouvements du prix sont fonction de la nouvelle information arrivant sur le marché, et que cette information arrive de façon aléatoire, les prix d'équilibre s'y établissant sont eux-mêmes aléatoires. Les prix représentent un signal fondamental organisant la répartition des biens. Il constituent donc une synthèse de l'information induisant les réactions des agents et permettent l'adéquation de l'offre et de la demande. Le prix, en reflétant la rareté et l'utilité d'un bien, traduirait l'opinion des agents ainsi que l'influence des facteurs exogènes affectant le produit et sa consommation. Le paradoxe des tenants de l'approche Néo-Classique est la non- utilisation du prix comme source additionnelle d'information, alors même que le contenu informationnel du prix est reconnu32. Or, les agents s'appuient dans la réalité sur de l'information pour étayer leurs prévisions et leurs actions. Mais ce faisant, ils dévoilent une partie de leur connaissance, en exerçant une pression sur le prix dans le sens qu'ils anticipent. Les représentations du futur que se font les agents modifient alors les réalisations actuelles des prix. Les anticipations viennent s'interposer entre le présent et le futur et le prix devient le signal unique guidant les agents dans l'allocation de leurs ressources. L'approche des marchés efficients propose l'image d'un marché idéal sur lequel les prix, en intégrant la totalité des informations pertinentes disponibles, refléteraient la meilleure évaluation de la valeur d'un bien à un moment donné. Nous examinerons dans ce Chapitre, les conséquences et la matérialisation de l'efficience dans un premier temps. Puis nous verrons les conditions nécessaires et les hypothèses sous-jacentes qui augurent de l'efficience des marchés. 31 COOTNER, P.H. - "Common Elements in Futures Markets for Commodities and Bonds"; American Economic Review; vol 51 n° 2, mai 1961. 32 Ainsi, la représentation que l'on se donne du système de transactions est celle décrite par Walras où un commissaire-priseur affiche un vecteur de prix. Les agents sont alors "price takers" et formulent des offres et demandes conditionnelles à ce vecteur de prix, le vecteur de prix d'équilibre étant celui pour lequel la somme des valeurs des demandes nettes (demandes moins offres) globales des agents est nulle. Un des traits essentiels, sur un marché financier organisé, est de représenter un équilibre comme l'aboutissement d'un processus (dit de tâtonnement) qui se déroule nécessairement en déséquilibre.
  • 25. - 25 - SECTION I : LA THEORIE DE L'EFFICIENCE DES MARCHES L'article de Fama33 fait figure de référence en matière de théorie des marchés efficients. Selon lui, le prix d'équilibre se formant sur un marché efficient permet une allocation optimale des ressources, ce qui confère à ce premier concept une fonction plus élargie par rapport au cadre traditionnellement micro-économique qu'il est censé décrire. L'application aux marchés financiers est d'autant plus délicate que ces derniers revendiquent instabilité et incertitude en permanence. Dans ce contexte, la spéculation, source d'instabilité, peut constituer une entrave conséquente au concept allocatif que nous évoquions précédemment, ce qui a pour effet de renforcer l'incertitude. Dès lors, l'approche de Fama utilise le prix d'équilibre reflet de l'information disponible pour neutraliser la notion de sur- profits, sous-jacente à la spéculation. L'intérêt d'une telle formulation réside dans l'intégration du caractère incertain des marchés financiers dans un cadre néo-classique d'équilibre général. Fama34, après Mandelbrot35 formalisera ensuite l'hypothèse de marchés efficients et montrera que les marchés peuvent être assimilés à un jeu parfait (fair game) ou à une martingale. Suivant cette optique, un prix efficient est un prix donnant une synthèse aux participants du marché sur le niveau d'équilibre qu'ils anticipent. Dans le sens où aucune possibilité de profit anormal n'est envisageable, le prix d'équilibre ne peut prendre l'anticipation d'un agent ayant des attentes "dissidentes", que dans la mesure où celles-ci seront perdantes vis-à-vis de l'ensemble du marché. De plus, la synthèse de ces anticipations doit, dans une telle optique, aboutir à la formation d'un prix d'équilibre reflétant l'information disponible sur l'actif. Ce sont ces propriétés que nous mettrons en évidence dans un premier temps. On le voit bien, la théorie des marchés efficients considère le prix comme un "signal" dans la structure d'information des agents, permettant donc aux moins informés de compléter leur information en observant le prix d'équilibre du marché avant de réaliser des échanges. Nous serons donc amenés, dans un second Paragraphe, à identifier sous quel mode un agent rationnel peut intégrer l'information donnée par le prix efficient défini au préalable. 33 FAMA, E.F. - "Efficient Capital Markets : a Review of Theory and Empirical Work"; Journal of Finance; vol 25, mai 1970. 34 FAMA, E.F. - "The Behavior of Stock Market Prices"; Journal of Business; vol 38, 1965a. 35 MANDELBROT, B. - "The Variation of Certain Speculative Prices", Journal of Business, vol. 36, n° 4, October 1963, pp. 394-419.
  • 26. - 26 - §1 - PRIX ET MARCHES EFFICIENTS : UNE DES FORMULATIONS DE CES CONCEPTS Dans un article paru dans "The American Economic Review", Working36 montre que l'on doit tenir compte des anticipations dans les fonctions d'offre et de demande, au moment d'examiner le processus de formation des prix sur un marché. Selon cet auteur, les prix se formant sur le marché, résultent à la fois de la confrontation des fonctions d'offre et de demande, ainsi que des anticipations sur ces fonctions ; i.e. les fonctions d'offre et de demande anticipatives. Dans le cas d'une étude sur les marchés financiers, la fonction d'offre ne peut pas nous intéresser, l'offre étant en effet considérée le plus souvent comme illimitée. En revanche, les déterminants de la fonction de demande nous semblent dignes d'intérêt, dans la mesure où les quantités demandées sur un marché financier fluctuent très amplement. Il est donc raisonnable de penser que les prix s'y formant, sont davantage issus des modifications de la demande que de celles de l'offre. Cela étant, et si l'on se réfère à la théorie de Working, supposant que les anticipations sont, pour une grande part, à l'origine des modifications de la demande ("anticipations sur la demande"), c'est ici la détermination du prix qui devient une fonction des anticipations des agents prenant part au marché. L'individu basant ses anticipations sur la connaissance qu'il a de son environnement, ces premières vont être "révisées" en fonction des éléments d'information lui parvenant. Les informations nouvelles arrivant sur le marché modifieront les anticipations des agents, représentées sous la forme de fonctions de probabilités subjectives, qui sont aussi nombreuses que les participants au marché. Dès lors, étant donnée la combinatoire {demande anticipative / rationalité de l'individu / modification des anticipations par arrivée d'informations nouvelles} il est désormais possible d'affirmer que les différents prix d'équilibre apparaissant sur le marché, intègrent toute l'information pertinente disponible au moment de leur formation. Un marché sera qualifié d'efficient lorsqu'il vérifie cette hypothèse. La séquence des prix observés sur ce marché, dont le processus de formation est celui du tâtonnement Walrasien, peut alors elle- même être considérée comme un élément d'information, dans la mesure où elle synthétise les anticipations des participants au marché quant à son évolution future. La notion d'efficience suppose qu'il est impossible de battre systématiquement le marché, compte tenu du fait que l'information, interprétée de façon rationnelle par les agents est la même pour tous37. 36 WORKING, H. - "A Theory of Anticipatory Price", The American Economic Review, vol. 48, n°2, May 1958, pp 188-199. 37 Six hypothèses principales soutiennent la majeure partie des modèles d'efficience : i/ L'absence de coûts de transactions vérifiant que chacun achète et vend librement, en tenant compte des espérances de profit. Il n'y a pas de coûts "parasites" qui influenceraient les décisions des investisseurs. ii/ Toute l'information pertinente est disponible sur le marché. iii/ L'acquisition de l'information est gratuite pour tous. 4i/ Les agents évaluent de la même façon l'impact de l'information disponible sur le processus de formation des prix actuels et futurs ("anticipations homogènes"), ce qui permet de passer des aspects micro- économiques à l'aspect macro-économique de la théorie. Les agents peuvent avoir des fonctions de
  • 27. - 27 - L'"Efficient Market Hypothesis" prend en compte l'utilisation d'un calcul probabiliste dans l'analyse des marchés de capitaux. Sur un marché efficient, les prix qui se forment intègrent toute l'information publique disponible, en termes fondamentaux ou historiques. Les prix évoluent seulement lorsqu'une information nouvelle arrive sur le marché. Les investisseurs supposés rationnels savent interpréter l'information et assurent la formation d'un "fair price" rendant impossible toute opportunité d'arbitrage gagnant. Les mouvements de prix ne sont donc affectés que par des "nouvelles" inattendues38. Les nouvelles passées, ne sont plus aussi importantes, et les taux de rendement passés ne sont donc pas corrélés avec les taux de rendement présents (hypothèse d'indépendance des taux de rendement). Si suffisamment de mouvements de prix sont répertoriés, la distribution de probabilités de ces changements dans les prix devient normale. L'hypothèse de marche au hasard des prix est alors indissociable de l'hypothèse de marchés efficients, même si un marché efficient n'implique pas forcément une marche au hasard des taux de rendement, comme nous le verrons. 1.1. Evolution de l'Hypothèse de Marchés Efficients L'hypothèse de marchés efficients reste très liée à la perception du concept d'information. Elle constitue en effet le moyen par lequel l'agent va réaliser son processus décisionnel en effectuant des prévisions qui seront étayées par son information. L'information semble cependant difficile à circonscrire dans un cadre monolithique. Elle est alors considérée comme un bien, de consommation, dont la collecte est effectuée dans un but d'augmentation des connaissances. A l'opposé de cette recherche de satisfaction subjective, l'information peut être accumulée dans un but d'investissement pour un agent désirant s'en servir plus tard. Elle peut aussi être collectée pour le symbole qu'elle représente et constitue alors une consommation ostentatoire. Par ailleurs, l'information peut être appréhendée sous l'angle d'un bien de distributions de probabilités subjectives (anticipations) différentes, ils associeront le même système de prix a priori aux événements probables. Cette condition est suffisante mais non nécessaire (voir ci-dessous). 5i/ Ces évaluations sont rationnelles (modèles à anticipations rationnelles). Concrètement, il est admis que des agents mieux informés que les autres (inside-traders) sont susceptibles de réaliser de meilleurs profits au détriment de ceux qui ne détiennent pas la totalité de l'information. Ceci n'est plus valable sur un marché efficient car cette théorie considère les prix d'équilibre comme autant de "signaux" dans la structure d'information des agents. Ainsi les agents "sous-informés" complètent leur information en observant le prix d'équilibre du marché avant d'intervenir. Dès lors, il est important que les agents soient rationnels afin d'interpréter correctement les signaux qui leur sont transmis par l'intermédiaire des prix d'équilibre. Sur un marché efficient, si les anticipations ne sont pas homogènes, les agents économiques ne seront à même de réviser "correctement" leurs anticipations (i.e. dans le sens du marché) que s'ils sont rationnels, et ceci dans le but d'éviter de subir des pertes au profit des agents mieux informés. La condition de rationalité des agents est donc nécessaire. 38 DWYER, G.P. & HAFER, R.W. - "Interest rates and economic announcements", Federal Reserve Board, Saint Louis Review, 1989, vol. 71, n°2, pp 34-46.
  • 28. - 28 - production guidant des choix d'action en fonction de l'utilité (indirecte) que l'on en retire39. Dans tous les cas, il s'agit d'un bien non homogène. L'information est aussi liée à la théorie économique au travers du mode de formation de l'équilibre. En concurrence pure et parfaite comme chez Arrow-Debreu, l'information est supposée parfaite mais n'est pas explicitement au centre du processus de formation de l'équilibre. C'est Radner40, qui le premier, prend en compte l'information dans la formation de l'équilibre, avec une structure de comportement hétérogène, dans laquelle les agents ne possèdent pas tous la même information. Dans les modèles qui suivront, les agents ayant un accès différentiel à l'information procèdent à une recherche active par un comportement d'arbitrage coût - valeur, pour rééquilibrer cette asymétrie informative. En modifiant les anticipations, l'information va altérer et réorganiser le comportement de l'agent, pour finalement induire des modifications de l'offre et de la demande. Les anticipations correspondent à une vue future du marché, retenue par les agents sur la base de l'information disponible. J.M. Keynes41 est reconnu comme le premier à avoir intégrer les anticipations (dont une part de psychologie) comme source de déséquilibre, même si leur mode de détermination est exogène. Les modèles d'économétrie considèrent la chronique des prix passés comme la synthèse des anticipations. La structure d'information est donc endogène et non aléatoire faisant que cette représentation est incomplète au regard des comportements anticipatifs de la réalité. A ces deux représentations de l'anticipation est venu se greffer une évolution substantielle avec l'Hypothèse d'Anticipations Rationnelles42. Ici, l'individu rationnel, intelligent et maximisateur (de son utilité espérée43) issu de la micro-économie, va se servir 39 L'évaluation du degré de signification d'une information n'a lieu qu'ex post. Lorsque ce degré est nul, ou que ses détenteurs ne savent l'utiliser, elle est assimilée à du bruit. Sa durée de vie est limitée et sa transmission est imparfaite car soumise à des dégradations. En outre, l'information est un bien collectif, dont la fourniture est tarifée, faisant que les coûts d'obtention sont discriminants. 40 RADNER, R. - "Equilibre des Marchés à Terme et au Comptant en Cas d'Incertitude"; Cahiers du Séminaire d'Econométrie; N°9, 1966. 41 KEYNES J.M. - Théorie Générale de l'Emploi, de la Monnaie et des Taux d'Intérêt; Payot; 1969. 42 MUTH, J. - "Rational Expectations and the Theory of Prices Movements"; Econometrica; vol. n°29, 1961. 43 Enoncé par Von Neumann et Morgenstern (1947), le théorème de l'utilité espérée affirme que, confronté à un ensemble de lignes d'actions aux résultats aléatoires ou de manière plus générale à un ensemble de loteries, un individu choisira celle dont l'utilité espérée est la plus élevée, pour autant que son attitude respecte un certain nombre d'axiomes de comportement. Axiome 1 (comparabilité) : Pour l'ensemble des lignes d'actions ou de loteries envisagées, l'individu peut définir un ordre de préférence complet, c'est-à-dire que pour tout cpouple de résultat x et y, il peut dire s'il préfère x à y (x > y), y à x (y > x) ou s'il est indifférent entre les deux (x ~ y). Axiome 2 (transitivité) : L'ordre de préférence défini par l'individu considéré est transitif. Ainsi, par exemple, si x > y et y > z alors x > z, ou encore ou si x ~ y et y ~ z alors x ~ z. Axiome 3 (indépendance forte) : Considérons une loterie qui engendre un résultat x avec une probabilité  et un résultat z avec une probabilité (1 - ) et que nous appellerons L(x, z; ). Si pour l'individu considéré x ~ y, alors
  • 29. - 29 - de tous les éléments connus de la théorie économique comme ayant une relation avec la variable anticipée pour formuler son anticipation44. L'incertitude est ainsi présente au cœur des prévisions (elles-mêmes endogènes) grâce au concept des anticipations rationnelles45. Muth formule l'hypothèse d'anticipation rationnelle en postulant l'égalité de la prévision subjective des agents avec la prévision objective que fournirait la théorie économique pertinente. Ainsi les agents agissent comme s'ils connaissaient le "vrai" modèle économique, autrement dit comme s'ils avaient la même perception du système que le modélisateur. Ici les agents, qui disposent tous du même modèle ont une information illimitée et gratuite, et ne réalisent pas de prévisions parfaites, mais ces dernières peuvent s'avérer à l'extrême auto- réalisatrices46 (en effet les anticipations sont à même d'infléchir le phénomène prévu47, et elles peuvent également s'avérer contra-réalisatrices ou auto-déplaçantes48 . Pendant la période allant des années vingts aux années quarante, l'analyse du marché est essentiellement dominée par les "fondamentalistes" et les "techniciens". Dès les années cinquante, un nouveau courant vient s'ajouter aux deux précédents avec les Quants (ou selon l'axiome d'indépendance forte on aura L(x, z; ) ~ L(y, z; ). De même si x > y le même axiome affirme que L(x, z; ) ~ L(y, z; ). De manière plus générale, l'ordre de préférence entre deux résultats x et y n'est pas modifié si tous les deux sont combinés de la même manière avec d'autres résultats dans le cadre de loteries. Axiome 4 (continuité) : Si le résultat x est préféré au résultat y, qui est lui-même préféré au résultat z, alors il existe une probabilité  unique telle que y ~ L(x, z; ). Axiome 5 (classement) : Si x ≥ y ≥ z et si x ≥ u ≥ z, et d'autre part si y ~ L(x, z; 1) et u ~ L(x, z; 2), alors 1 ≥ 2 implique que y ≥ u. Si deux loteries présentent les deux mêmes résultats x et z, celle qui accorde la plus grande probabilité de survenance au résultat le plus favorable sera préférée à l'autre. Si on ajoute à ces axiomes, l'hypothèse qu'un individu quelconque préférera toujours plus à moins de richesse, on peut montrer qu'il classera les différentes loteries entre lesquelles il doit faire un choix en fonction de leur utilité espérée. 44 La chronologie passée des prix est élargie aux informations pertinentes concernant la variable. L'égalité subjective des agents s'égalise donc à l'égalité objective de la théorie économique. Les agents connaissent ici le "vrai" modèle économique servant de réalisation à la variable anticipée. La valeur de la variable effectivement réalisée ne différera de la valeur de la variable anticipée que lorsqu'une information supplémentaire arrivera sur le marché. Etant donnée la survenance aléatoire de ces informations sur le marché, l'écart de prévision sera lui même aléatoire. L'anticipation rationnelle représente donc un estimateur sans biais de la valeur future de la variable. 45 La principale critique apportée aux modèles d'anticipations rationnelles, repose sur l'irréaliste expertise des agents économique dans leur connaissance des relations régissant l'économie. Outre la connaissance de cette modélisation relationnelle, c'est l'utilisation efficace de cette connaissance qui est également remise en cause. Par ailleurs, l'agrégation des mécanismes de formation des anticipations par homogénéité de la prévision est également assez discutée, mais il s'agit là d'une critique propre à l'ensemble de la microéconomie. 46 AZIADIRIS, C. - "Self Fulfilling Prophecies"; Journal of Economic Theory, vol. 25, n° 3, December 1981. 47 MERTON, M. - "The Unanticipated Consequences of Purposives Social Action"; American Sociological Review; March 1936. 48 SHILLER, R.J. - "Rational Expectations and the Dynamic Structure of Macroeconomic Models"; Journal of Monetary Economics; n° 4, 1978.
  • 30. - 30 - partisans de l'analyse quantitative49), dans le sillage de Bachelier50. Samuelson51 et Mandelbrot52 sont les premiers à proposer une formalisation du concept d'efficience en rapprochant les modèles stochastiques décrivant l'évolution des cours des aspects informationnels sous-tendant ces prix, que nous aborderons plus loin. 1.2. La Notion de Prix Informationnel Roberts53 et Osborne54 ont mis en évidence la marche au hasard des cours boursiers en comparant l'apparition des rentabilités comme s'ils avaient été générés par une "table de roulette"55. Nous nous proposons ici de présenter une formalisation informationnelle de la théorie de l'efficience de marchés de synthèse dans le prolongement de ce qu'ils ont défendu. Si nous définissons par : t : ensemble des informations pertinentes et disponibles pour la détermination du prix des actifs en t. m t : ensemble des informations utilisées par le marché dans la détermination des prix des actifs en t, avec m t  t signifiant que toute l'information disponible est révélée sur le marché mais qu'elle n'est pas forcément utilisée dans la détermination du prix. Pj,t : prix de l'actif j en t, avec j = 1,...,n. fm(P1,t+T ;.........; Pn,t+T / m t ) : la fonction de densité de probabilités jointes des prix des différents actifs de la période t + T (T>O) telle qu'elle est établie par le marché en t sur la base de l'information m t . f (P1,t+T ;.........; Pn,t+T / t) : la fonction de densité de probabilités jointes pour les différents actifs de la période t+T (T > O) en t sur la base de toute l'information disponible t . 49 D'une façon générale, l'analyse quantitative trouve davantage d'affinités avec l'analyse fondamentale qu'avec l'analyse technique, du fait du concept de rationalité supposé par les fondamentalistes, là ou les chartistes prétendent que le marché est également guidé par l'émotion. 50 Op. cit. 51 SAMUELSON, P.A. - "Proof that Property Anticipated Prices Fluctuate Randomly"; Industrial Management Review; 1965. 52 MANDELBROT, B. - "The Variation of Certain Speculative Prices"; Journal of Business; vol 36 n° 4, mai 1970. 53 ROBERTS, H.V. - "Stock Markets 'Patterns' and Financial Analysis : Methodological Suggestions", in P. Cootner, ed.; The Random Character of Stock Market Prices; Cambridge, MA : M.I.T. Press, 1964. 54 OSBORNE, M.F.M. - "Brownian Motion in the Stock Market", in P. Cootner, ed.; The Random Character of Stock Market Prices; Cambridge, MA : M.I.T. Press, 1964. 55 Osborne affirme que les investisseurs valorisent un titre suivant les anticipations formulées sur la base de probabilités d'apparition d'un certain rendement. Plusieurs scenarii affectés d'autant de probabilités et de rendements sont alors donnés pour aboutir à un rendement moyen.
  • 31. - 31 - On dit d'un marché qu'il est efficient dans l'un des deux cas suivants : i/ m t = qt (I . 1) signifiant que le marché a utilisé toute l'information disponible à t pour définir le prix des titres à t . Si tout agent dispose de la même information individuelle, l'information retenue par le marché (m t ) sera identique à celle-ci. Dans ce cas, toute information non contenue dans m t n'en n'est pas une, puisque l'information doit être détenue par une personne au moins : C m t t = Ø ( I . 2) c'est-à-dire que ce qui n'appartient pas à m t n'appartient pas non plus à t. ii/ fm(P1,t+T ;.........; Pn,t+T / m t ) = f (P1,t+T ;.........; Pn,t+T / t) (I .3) signifiant que toute l'information disponible a été correctement interprétée par la fonction de probabilités jointes des prix établis par le marché. Il est également possible de définir la fonction d'information du prix de marché dans le cas d'un seul actif, avec : Pt : le prix de l'actif considéré en t. fm(Pt+T / m t ) : la fonction de densité de probabilité du marché basée sur m t . f (Pt+T / t) : la fonction de densité de probabilité basée sur t La condition ii/ de l'efficience informationnelle du marché est alors : fm(Pt+T / m t ) = f (Pt+T / t) (I . 4) Il est désormais possible d'affirmer que le prix revêt un caractère informatif dans le sens où le prix d'équilibre en t reflète toute l'information disponible en t. La séquence des prix observés sur le marché est donc en elle-même un élément d'information, car elle agrège les anticipations des intervenants. Ce qui précède est exprimé dans la fonction d'information du prix suivante : Pt+1 = (m t ) + t (I . 5) dans laquelle le prix est une fonction de l'information disponible sur le marché, à un terme d'erreur près, représentant le bruit qui est la différence entre le prix courant et le prix futur espéré (de moyenne nulle et d'espérance finie), qui n'est corrélé à aucune information disponible.
  • 32. - 32 - Posons : Pt : le prix courant au temps t. P ~ t+1 : le prix futur sur le marché, aléatoire au temps t. P ^ i t+1 : le prix en t+1 anticipé par l'agent i en t. L'anticipation de gain au niveau de l'agent56 est : P ^ i t+1 - Pt tandis que le gain effectif est donné par : P ~ t+1 - Pt. L'erreur d'anticipation de gain (représentant l'anticipation de gain de l'agent i s'il parvient à battre le marché) s'écrit : P ^ i t+1 - P ~ t+1 = (P ^ i t+1 - Pt) - (P ~ t+1 - Pt) (I . 6) L'hypothèse de jeu parfait se traduit par la nullité de l'espérance d'anticipation de gain spéculatif de l'agent i : Ei t (P ^ i t+1 - P ~ t+1) = 0  E(P ^ i t+1 ) - E(P ~ t+1) = 0  E(P ^ i t+1 ) = E(P ~ t+1) (I . 7) Le terme d'erreur représente la partie qui va amener au processus de formation des prix. Lorsque ce terme est nul, l'historique des prix passés explique le prix en t+1 et les prix suivent une pure marche au hasard (random walk). Dans le cas contraire, la marche au hasard est dite avec dérapage, c'est-à-dire que le terme d'erreur fait intervenir les anticipations des agents, dans la mesure où il représente une partie subjective de l'espérance de prix futur d'un agent i , avec : Et i (P ~ t+1) = Pt + ui t (I . 8) Le prix Pt est fonction de l'évolution historique du cours de l'actif jusqu'au moment t, alors que la seconde partie de l'égalité représente la propre anticipation de l'agent. Si le marché est efficient (le prix étant sensible à l'information), le marché est alors le meilleur prédicateur du futur cours comptant. Toute anticipation individuelle qui tendrait à s'écarter de celle formulée par le marché ne serait pas en mesure d'engendrer de sur-profit. La partie droite de l'expression ci-dessus est alors nulle. Nous sommes ainsi revenus à l'hypothèse de marche au hasard ou de cheminement aléatoire des prix que l'on peut formaliser si nous supposons deux prévisions en t0 et t1 de prix basées sur l'information disponible au moment des périodes de prévision et portant sur un cours futur en t2. La prévision en t0 est : Et0 [ P ~ t2 / t0 ] (I . 9) et en t1 : Et1 [ P ~ t2 / t1 ] (I . 10) 56 Fama propose en effet une équation définissant un marché efficient en termes d'espérance de rentabilité: E[(Pj,t+1)/t] = {1 + E[rj,t+1)/t]} Pj,t avec rj,t+1 représentant le pourcentage de rendement sur une période. Fama remarque que l'importance donnée à la notion d'espérance mathématique du revenu n'est pas un concept primordial dans la notion d'efficience.
  • 33. - 33 - La propriété d'orthogonalité des espérances conditionnelles permet d'écrire: Et0 [ Et1 [ P ~ t2 / t1 ] / t0 ] = Et0 [ P ~ t2 / t0 ] (I . 11) La meilleure estimation de ce que sera une nouvelle information en t1 devant améliorer la prévision de l'horizon t2 est déjà contenue dans la prévision formulée en t0 . Ainsi, la théorie du cheminement aléatoire considère un marché efficient comme reflétant instantanément toute l'information disponible. Pour cela, les variations successives de prix doivent être indépendantes et issues d'une même distribution. * * * L'hypothèse de cheminement aléatoire suppose qu'une série de prix évolue dans le temps de la façon suivante : P ~ t+1 - Pt = u ~ t+1 (I . 12) de sorte que ut représente un terme aléatoire indépendant pour chaque période, de moyenne nulle57. On suppose d'autre part que l'évolution de la valeur du prix durant la période précédente t est indépendante de l'évolution durant tout autre période : Cov ( u ~ t+1 , ut ) = 0 (I . 13) Nous traduisons des équations (I . 12) et (I . 13) que la propriété d'un prix d'incorporer la totalité de l'information disponible provient du caractère indépendant des variations successives de prix identiquement distribuées. Ainsi, le prix futur P ~ t+1 est une variable aléatoire dont l'espérance est donnée par : Et [ P ~ t+1 / (……, Pt-1 , Pt ) ] = Et [ Pt + u ~ t+1 / (……, Pt-1 , Pt ) ]     = Et [Pt /(…, Pt-1, Pt )] + Et [u ~ t+1 /(…,Pt-1,Pt )]  Et [ P ~ t+1 / (……, Pt-1 , Pt ) ] = Pt (I . 14) De même la variance de ce prix s'obtient par : V [ P ~ t+1 / (……, Pt-1 , Pt ) ] = V [ Pt + u ~ t+1 / (……, Pt-1 , Pt ) ] (I . 15) = 0 + V( u ~ t+1) = 2 u 57 Le prix évolue donc par étapes successives à partir de la position atteinte à l'étape précédente de telle sorte que, à chaque étape, le prix a la même probabilité de s'écarter d'une valeur donnée de la position précédente. La modification du prix d'une période à l'autre est une variable aléatoire u ~ t+1 dont la distribution est la même à chaque étape.
  • 34. - 34 - Nous voyons donc que le prix anticipé en t est égal au prix courant et que le prix courant représente le meilleur prédicteur du prix futur (nous retrouvons ici l'équation (I . 5) dans le cas où le résidu aléatoire est nul) et que sa variance est celle du terme aléatoire u. Dans une telle optique, l'anticipation du prix du marché varie en fonction de ce résidu et le prix attendu reste constant au terme u près. Ainsi, tout individu désirant formuler des anticipations différentes de celles du marché, soit ui t ≠ ut, sera perdant. En effet, sur un marché efficient le prix véhicule toutes les données pertinentes et aucun participant ne peut réaliser de meilleures prévisions que celles du marché au travers de son historique de prix. L'impossibilité de parvenir à battre le marché et réaliser des profits supra-normaux du fait de la flexibilité du prix à l'information, vient du processus de marche au hasard de la formation des prix, et de sa conséquence de parfaite anticipation par le marché de la valeur future du prix. Il devient donc inutile d'essayer de pratiquer la prévision sur un marché efficient. * * * Supposons par exemple, l'arrivée d'une information nouvelle sur le marché. Les agents formulant des anticipations pour la période suivante, qui devraient conduire à une situation d'équilibre portant à la fois sur le prix et sur les quantités échangées (constitutifs d'un équilibre entre l'offre et la demande si le marché est efficient), vont tenter de profiter de cette information nouvelle en révisant leurs anticipations. Dans le cas d'une anticipation du prix à la hausse, les détenteurs de l'actif en question vont tenter de tirer profit de cette hausse du taux en se portant acquéreur du titre. Si le marché est efficient, le prix va incorporer les informations nouvelles grâce à cette reformulation des anticipations, dans le sens d'une augmentation des intentions d'achat et d'une stagnation, voire une diminution, des intentions de vente (par rapport aux intentions correspondant à la période d'avant l'arrivée d'informations nouvelles). La courbe d'offre se déplace donc vers la gauche et les modifications à la hausse du prix de l'actif tendent à annuler les profits escomptés du fait de la nouvelle information (voir le schéma ci-après). Un système de prévision connu par un nombre suffisant de participants au marché a donc toutes les chances d'être caduque. Figure I.1 : Déplacement de la demande à la suite d'un choc sur la courbe d'offre
  • 35. - 35 - Pour que le prix puisse être pleinement efficient, il ne suffit pas que toute l'information disponible pertinente soit utilisée par le marché, mais il est également nécessaire que la fonction d'information soit synonyme d'équilibre au niveau du marché, c'est-à-dire qu'une propriété d'efficience allocative soit respectée. En effet, la notion d'efficience informationnelle considère que le prix va s'ajuster parfaitement et instantanément à l'information, et engendrer en suivant une parfaite allocation des fonds disponibles. L'efficience allocative est bien souvent sous-entendue dès lors que l'on parle d'efficience informationnelle, la première forme d'efficience étant une conséquence de cette dernière. Cependant, la dimension informationnelle des marchés financiers en général revêt une très grande importance, dans la mesure où l'équilibre s'établissant sur le marché n'est pas un équilibre a priori comme sur le marché des biens. Effectivement, les marchés financiers déterminent le prix d'un actif n'ayant pas de valeur parfaitement définie avant sa cotation sur ce marché. Finalement, la notion de prix informationnel n'est possible que grâce à l'agrégation par le marché des préférences individuelles. L'agrégation des préférences passe par celle de l'information individuelle et donc des anticipations individuelles. Pour que le marché puisse être le meilleur prédicteur du prix futur et permettre au prix présent d'être un élément d'information de qualité, il doit rassembler les différentes informations détenues par les participants au marché, ainsi que leurs anticipations. Ceci fait que le marché peut devenir informationnel par le biais de son prix et posséder un caractère allocatif, dans le sens où l'observation de ce dernier doit permettre d'allouer des ressources vers les placements les plus rémunérateurs (dans le cas où le marché est doté d'une capacité prédictive convenable). C'est justement la formulation en termes d'espérances conditionnelles et donc d'anticipations rationnelles qui, en avançant l'hypothèse de marche au hasard des prix, permet de supposer l'indépendance des variations successives de prix et par conséquent un prix dont la distribution est indépendante de l'information. La prévision de prix futur faite par le marché est alors la meilleure possible et toute possibilité de profit spéculatif est écartée. La propriété d'efficience allocative est reliée à celle d'efficience informationnelle par le biais de le formulation en termes d'anticipations rationnelles, qui seule peut agréger les anticipations des participants ; ces derniers étant capables de calculer eux-mêmes le prix d'équilibre et d'anticiper les variations futures de ce prix sur la base de leur connaissance de l'environnement économique. * * * Nous l'avons vu, l'hypothèse de marche au hasard des prix implique une distribution des changements de prix identique. Les changements de prix ne peuvent, à ce moment-là, être imputable qu'à une information endogène au marché et donc à l'historique des prix. L'évolution des prix est ici considérée comme stationnaire puisque elle ne peut suivre une quelconque tendance ou trend (hypothèse de cheminement aléatoire).
  • 36. - 36 - Néanmoins, la notion d'efficience peut se concevoir sous une forme plus forte, au travers des variations de prix susceptibles d'être engendrées par des éléments d'information exogènes au marché de l'actif en question. Sur ce point, il devient maintenant difficile d'exprimer la distribution de probabilités de réalisation en t+1 telle qu'elle est donnée par l'équation (I . 10), car le processus de génération des prix n'est plus stationnaire si des auto- corrélations existent entre les distributions de probabilités. D'où la réponse apportée par Fama, qui précise le processus de génération des prix comme un processus non-stationnaire avec les variations de prix exprimées en termes de rendements anticipés. 1.3. La formulation en termes de rendements anticipés La définition de Fama de l'efficience fut critiquée par Leroy58 qui la trouva tautologique. Fama59 reformulera ensuite sa définition de l'efficience de la façon suivante : "Un marché est efficient s'il utilise correctement toute l'information disponible lors de la fixation du prix". Sur la base de l'information m t le marché détermine une fonction de distribution de probabilités des prix pour la période t+1. Les prix courants de ces actifs sont ensuite déterminés à l'aide d'un modèle d'équilibre du marché60, exprimant la nullité des fonctions de demande excédentaire, et qui sera exprimé en terme de rendements anticipés. Ainsi, dans le modèle de marché efficient de Fama, le marché fixe le prix de l'actif j (ou de la devise j) en t, de manière à ce que le rendement anticipé par le marché à l'horizon t+1 soit positif (négatif) : R ~ j,t +1 = P ~ j,t+1 - Pj,t Pj,t (I . 16) avec : R ~ j,t+1 et P ~ j,t+1 variables aléatoires en t ,la fonction de distribution de P ~ j,t+1 donnée par fm( Pj,t+1 / m t ) P ~j,t+1 est déterminé par le marché de manière à ce que l'espérance mathématique de la distribution des rendements anticipés ("attendus") R ~ j,t+1, sur la base de l'information disponible, soit strictement positive (négative). 58 LEROY, S. - "Efficient Capital Markets : Comments"; Journal of Finance; vol 31 n° 1, mars 1982. 59 FAMA, E.F. - "Reply"; Journal of Finance; vol 31 n° 1, mars 1976. 60 Par conséquent, la propriété de jeu parfait (fair game) est traduite sur le marché par les deux conditions suivantes : i/ les conditions d'équilibre doivent être formulées en termes de rendements anticipés. ii/ le marché utilise l'ensemble des informations pertinentes disponibles dans la fixation du prix d'équilibre.
  • 37. - 37 - Ce qui implique que : Em (R ~ j,t+1 / m t ) = Em (P ~ j,t+1 / m t ) - Pj,t Pj,t (I . 17) D'où : Em (P ~ j,t+1 / m t ) = [ 1 + Em ( R ~ j,t + 1 / m t ) ] . Pj,t (I . 18) A ce niveau, la théorie du rendement anticipé suppose que l'anticipation du prix futur P ~ j,t+1 est une fonction de l'anticipation de rendement de l'investisseur et du niveau de prix courant.  Sur un marché efficient, toute l'information pertinente est supposée avoir été utilisée (m t = t). En effet, la réussite des anticipations est conditionnée à la complète et parfaite utilisation de l'information. Les rendements anticipés seront donc égaux aux rendements observés en moyenne. On aura par conséquent : Em (P ~ j,t+1 / m t ) = E (Pj,t+1 / t) (I . 19) et Em (R ~ j,t+1 / m t ) = E (R ~ j,t+1 / t) (I . 20) De plus, la notion de marché efficient signifiant que toute l'information pertinente disponible a été utilisée et que les rendements anticipés s'égalisent avec les rendements observés, conduit à la constance des rendements dans le temps. D'où par définition : Em (R ~ j,t+1 / m t ) = E(R ~ j,t+1 / t) = E(Rj) = constante (I . 21) Donc, sur un marché efficient, l'espérance vraie de revenu de toute action est égale à son espérance d'équilibre. Il faut noter que l'hypothèse de Fama ne signifie pas que le marché anticipe correctement, mais que l'espérance des erreurs d'anticipation est nulle. * * * Une fois décrit le concept d'efficience d'un prix de marché, il convient d'aborder les conclusions se trouvant en aval et qui sont susceptibles d'intéresser davantage les opérateurs de marché. En effet, les deux formulations du concept d'efficience que nous avons arrêté définissent davantage le contenu micro du prix et n'explique guère le comportement de ces derniers vu au niveau du marché.
  • 38. - 38 - §2 - LES DIFFERENTES FORMES ET LES TESTS D'EFFICIENCE DES MARCHES Dans le paradigme néo-classique, l'efficience d'un système de transactions se mesure à son aptitude à produire des allocations Pareto-efficace. La notion fondamentale aux yeux de l'économiste est donc l'"efficience allocationnelle". Dans un système doté de cette propriété, les prix sont entièrement détéerminés par des données exogènes et "objectivables" que l'on appelle "fondamentaux" : ressources disponibles, technologies utilisables et préférences des consommateurs. Une autre manière d'exprimer cet état de choses est de supposer que tous les agents sont capables d'anticipations rationnelles. En possession d'informations pertinentes, ils vont former leurs offres et leurs demandes sur la base d'un calcul rationnel. Dans la conception la plus étroite de l'"efficience informationnelle", les prix s'ajustent instantanément et exactement (à un facteur aléatoire près qui est un bruit blanc) à toute information nouvelle, qui est elle- même purement aléatoire. Il existe un troisième niveau d'efficience de marché, celui de l'"efficience opérationnelle", relative à ce que l'on appelle la "microstructure"61 du marché, c'est-à-dire l'organisation du système de transactions. Celui-ci est parfaitement efficicent dans la mesure où les intermédiaires ne peuvent se ménager des rentes de situation et ne réalisent par conséquent que des profits strictement concurrentiels. D'un point de vue informationnel, si un marché est parfaitement efficient, le processus de formation du prix des actifs valorisés va suivre une marche au hasard. Le prix s'établissant sur le marché constitue un prix d'équilibre entre vendeurs et acheteurs, véhiculant à tout moment le consensus du marché. On dit dans ce cas, que le prix reflète toute l'information pertinente disponible, et que l'observation de celui-ci est le meilleur moyen d'anticiper le prix futur. De ce fait, les prix réagissent si vite, que toute arrivée d'information nouvelle et non- anticipée par le marché ne pourra profiter aux opérateurs, le prix se fixant très rapidement au niveau équilibrant les offres et demandes du nouveau consensus. Les événements non- anticipés par le marché (surprises), surviennent de façon purement aléatoire dans le temps et dans leur forme : haussiers (bullish) ou baissiers (bearish), insufflant aux prix des tendances tantôt positives, tantôt négatives suivant un processus totalement imprévisible. Les événements anticipés sont par définition déjà intégrés dans le prix et ne viennent "impacter" le marché que si leur amplitude varie par rapport à l'amplitude attendue (par exemple lorsqu'il s'agit d'un chiffre clé), ou parce que certains "non-initiés" réagissent à l'apparition de l'événement mais ne l'avaient pas intégré dans leur action au préalable. Il est 61 O'HHARA - Market Microstructure Theory, Cambridge (Mass), Blackwell, 1995.