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La Responsabilité Sociale des Entreprises,
mode ou modèle stratégique pour le développement
des coopératives ?
Hervé GOUIL1
Introduction
De nombreuses coopératives et leurs regroupements intègrent aujourd’hui les concepts
de RSE et de Développement Durable à leur communication, voire à certains outils de
management. En revanche, on perçoit une hésitation des mouvements coopératifs à
s’inscrire résolument dans des stratégies directement inspirées du concept de RSE.
Pour simplifier et tenter déjà de lever un premier risque de confusion, convenons que le
développement durable « se fixe pour objectif de satisfaire les besoins humains dans un
souci d’équité, en préservant l’Environnement, tout en maintenant la croissance éco-
nomique » et que la RSE est « spontanément considérée comme la traduction au niveau
d’une entreprise des principes de développement durable » (Allemand, 2006 : 11-64).
Ainsi, en France, la compatibilité « génétique » des principes coopératifs avec ceux du
Développement Durable est maintenant largement affirmée : « les coopératives
s’inscrivent par nature dans le développement durable » (GNC, 2009).
Cependant, les travaux de recherche sont encore rares, qui confirment la proximité du
modèle de la RSE et des spécificités des expériences coopératives.
On souligne davantage dans ce domaine le manque de crédibilité des entreprises cotées
en bourse, soumises à la versatilité de leurs actionnaires et à la dictature du résultat à
court terme (Villette, 2003), ou on questionne le fondement même de la notion de RSE
(Capron et Quairel-Lanoizel, 2005).
Aussi, tout se passe comme si, face à l’engouement pour le développement durable, le
mouvement coopératif se confrontait à un choix difficile. Faut-il en effet : Saisir ce qui
peut apparaître comme une opportunité de reconnaissance ? Dénoncer la supercherie
marketing, le risque de banalisation ou de récupération d’une éthique de développement,
dont les entreprises n’ont en général pas les moyens ? Ou proposer et promouvoir un
modèle spécifiquement coopératif de développement « soutenable » ?
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Si les coopératives choisissent la première option, il s’agit sans doute de s’assurer que
leurs pratiques sont « durablement » exemplaires et de se donner les moyens de les
valoriser, face à des concurrents financièrement et médiatiquement puissants.
Si la seconde option est retenue pour contrer le risque de banalisation des expériences
de l’économie sociale et solidaire, il s’agit alors de démontrer la faiblesse des propositions
concurrentes, derrière la séduction du discours, et de prouver qu’on parle généralement
d’autant plus de développement durable, qu’on est dans l’incapacité de le penser et de
le mettre en œuvre.
Dans le troisième cas de figure, il faut proposer une critique constructive du
développement (durable ou non), en redéfinissant précisément la pertinence des
stratégies de coopération, face aux défis économiques, sociaux et environnementaux
actuels. L’enjeu est alors de montrer l’importance des modes opératoires économiques
et des engagements éthiques, garantis statutairement, pour dépasser le simple énoncé
d’une finalité généreuse et d’essayer d’y intéresser les partenaires ou acteurs influents
les plus proches.
Remarques méthodologiques.
Notre production est principalement une synthèse réflexive des expériences croisées
d’un panel de coopératives et mutuelles, représentatif de différentes formes de
coopération (coopératives de consommateurs, bancaires, coopératives de production,
coopératives d’entrepreneurs). C’est à partir de ces observations que nous tentons
d’articuler le questionnement stratégique individuel de ces coopératives, stimulé par « la
nouvelle injonction à la RSE », avec ce qui pourrait constituer une réflexion stratégique
de l’ensemble du mouvement coopératif. Ces analyses ont été actualisées par
l’organisation d’un atelier du 6 juillet 2012, qui a regroupé :
I la responsable du département juridique et vie coopérative du groupe COOP
NORMANDIE-PICARDIE (coopérative de consommateurs, acteur de la distribution
alimentaire), Madame Isabelle Catel ;
I le Directeur Général Adjoint de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL
DE NORMANDIE SEINE, Monsieur Guillaume Lefebvre ;
I le Co-Directeur de la Coopérative d’Activités et d’Emploi COOPANAME, (SCOP
regroupant plusieurs centaines d’entrepreneurs), Monsieur Stéphane Veyer.
Cet article doit beaucoup à la qualité du dialogue qui s’est instauré entre ces coopé-
rateurs. Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés.
Ce travail porte donc principalement sur des expériences françaises. Il n’a pas de
prétention universelle, mais valeur de témoignage et de proposition d’une grille d’ana -
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lyse, qui mériterait d’être réexaminée à l’aune d’autres contextes historiques, géogra -
phiques et politiques. Nous espérons cependant qu’il puisse contribuer à la réflexion
d’autres coopérateurs.
Le fond plus que la forme
Si la proximité entre la notion de responsabilité sociale des entreprises et les principes
coopératifs semble évidente, il est utile de rappeler que les points de convergence sont au
cœur des spécificités coopératives et ne concernent rien de moins que la propriété collective
non cessible de l'entreprise, sa transmission solidaire d'une génération à l'autre, et la gestion
démocratique d'un projet dont l'entreprise reste le moyen. Ce cadre d'engagements
fondamentaux est statutairement garanti par le droit coopératif et « les règles statutaires
sont formellement plus solides que les engagements volontaires de RSE des entreprises
lucratives, car les démarches de celles-ci sont réversibles » (Blanc, 2008). Mais il est
important d'observer que ces fondamentaux coopératifs rejoignent également les
principales théories économiques qui sous-tendent la notion de responsabilité sociale des
entreprises ; notamment la théorie des parties prenantes, et la proposition de reconnaissance
de biens communs mondiaux.
Les trois piliers de la Responsabilité Sociétale Coopérative
Il y a maintenant plus de dix ans, que l’ensemble des entreprises de l’économie sociale et
solidaire affirme leur intérêt pour la dynamique RSE (CEP-MAF, 2001). La Conférence
Européenne permanente des coopératives, mutuelles, associations et fondations rappelait
ainsi : « Depuis 150 ans, il est indéniable que les entreprises d’économie sociale ont accumulé
une expérience et un patrimoine significatifs en matière de responsabilité sociale ». (Blanc,
2008 : 6). Elles bénéficient dans ce domaine d’une reconnaissance, sinon du grand public
du moins d’instances politiques et institutionnelles, comme celle de la Commission des
Communautés européennes qui dès 2002 souligne dans sa communication que :
« Les coopératives, mutuelles et associations, en tant qu’organisations fondées
autour d’un groupe de membres, savent depuis longtemps allier viabilité
économique et responsabilité sociale. Elles parviennent à un tel résultat grâce à
un dialogue entre leurs parties prenantes et une gestion participative et peuvent
donc constituer une référence majeure pour les entreprises » (Blanc, 2008 : 6).
Pour ne pas se contenter de ces éléments déclaratifs, il s’agit donc de vérifier que les
coopératives sont effectivement dotées de caractéristiques avantageuses au regard des
enjeux de la RSE.
Ce travail a été amorcé par exemple auprès de coopératives agricoles (Cariou, Fournie et
Wallet, 2006). Mais cette analyse peut être élargie à toutes les formes de coopératives, sur
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au moins trois piliers, que partagent - sous des formes d’expression légèrement distinctes -
les différentes familles coopératives et les promoteurs du concept de développement
durable.
En effet, la « solidarité inter générations », la « gouvernance » impliquant la participation
des différentes parties prenantes, la primauté donnée à la lutte contre la précarité
identifiée notamment dans le « rapport Brundtland » (Commission Mondiale sur
l’Environnement et le Développement, 1987) font étrangement écho aux principes et
engagements forgés par les expériences coopératives issues de la première révolution
industrielle :
I la solidarité inter générations des coopératives, assise sur la constitution de réserves
collectives et impartageables, la transmission sans cession de l’entreprise aux
nouvelles générations, qui permettent une orientation sur le temps long ;
I le rôle historique des coopératives « filles de la nécessité », pour lutter contre la
pauvreté et l’exploitation, orientant l’action vers l’accessibilité du travail, des produits
et services à tous ;
I le modèle de gestion démocratique et participative recherché par les coopérateurs,
essentiel à l’expression de chacun, à la mobilisation de l’intelligence collective face
aux défis complexes.
Une légitimité coopérative statutairement mais aussi théoriquement fondée
Ainsi, non seulement les coopératives peuvent effectivement se prévaloir d’atouts pour
relever le défi de la RSE, mais ces atouts sont liés à des options radicales, garanties par
les statuts coopératifs.
Comme le fait remarquer Guillaume Lefebvre (2012) « le rapport au temps et à l’espace,
se caractérise par la primauté donnée au temps long et la fidélité à un territoire proche »,
alors que le modèle de réussite entrepreneuriale capitaliste se caractérise par une
désolidarisation d’avec les territoires et une obsession du profit à court terme (Reich,
1997).
Mais les intuitions coopératives sont aujourd’hui également confirmées par les nouvelles
théories et recherches économiques. Les statuts coopératifs sont en cohérence avec les
fondements théoriques identifiables du concept de Responsabilité Sociale des
Entreprises, parce qu’ils associent directement au moins une partie prenante à
l’entreprise au-delà de la fonction de financeur, et qu’ils défendent la notion de propriété
collective.
Ainsi, la théorie des parties prenantes a pris une place considérable dans toute la
littérature sur le concept de Développement Durable et de RSE. « Elle considère qu’un
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équilibre coopératif est atteint lorsqu’aucun groupe de parties prenantes ne peut
accroître sa propre utilité sans risquer une perte d’identité supérieure entraînée par le
retrait d’un autre groupe de la coalition ». Plus encore, la notion de « biens communs
mondiaux semble ouvrir une « alternative théorique » en portant l’attention sur « les
biens essentiels permettant d’assurer la survie et la reproduction des sociétés humaines »
(Capron et Quairel-Lanoizelée, 2005).
Responsabilité Sociale de l’Entreprise ou
responsabilité Sociale des Entrepreneurs ?
L’échange avec Isabelle Catel, Guillaume Lefebvre et Stéphane Veyer rappelle que l’on
parle généralement de RSE comme si l’entreprise était le sujet. Or, les coopérateurs
tiennent à ce que la coopérative reste avant tout un objet. Ce sont les personnes, les
sociétaires, les sujets. Égaux en droit au sein de l’assemblée, ils gardent la responsabilité
finale de contrôle de la conduite de l’entreprise.
Dans une première synthèse d’un vaste travail de recherche entrepris sur le thème
« L’entreprise, formes de la propriété et responsabilités sociales » par le Collège des
Bernardins, P. Baudoin Roger dénonce « la grande déformation de l’entreprise par la
pression financière » et souligne que cette déformation contribue à forger une repré-
sentation erronée de l’entreprise (Roger, 2011 : 4). L’analyse juridique de cette déformation
permet de constater que : « l’entreprise elle-même n’a pas d’existence juridique en tant
que collectif de personnes apportant des ressources en capital et en travail au service d’un
projet de création collective ».
La question de la responsabilité renvoie donc à la question de la conception même de
l’entreprise, à sa finalité, à son objet, à leur traduction en droit. À ce sujet, l’élaboration
d’un nouveau statut de « flexible purpose corporation » en Californie peut à juste titre
éveiller l’intérêt des coopérateurs. Mais, tout se passe comme si l’expérience coopérative
était en avance sur une question fondamentale de la RSE, la délicate question de la
responsabilité solidaire : « comment être responsable de quelque chose qui ne nous
appartient pas en propre ? ».
La RSE comme rappel utile de l’importance de l’environnement
Le sens d’environnement est à prendre ici au sens large. Il faut cependant d’abord noter
que les coopératives n'ont pas d'antériorité précise dans le domaine de la préservation
de l'environnement biophysique.
Une des faiblesses préjudiciables concerne également la prise en compte des parties
prenantes extérieures à la coopérative. On observe de plus une pratique limitée de
l'intercoopération. La spécialisation fréquente sur un métier et autour de l'intérêt d'une
seule partie prenante contribuant à un risque de banalisation de nombreuses coopé-
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6. 34-Gouil_Mise en page 1 12-09-05 14:36 Page512
ratives et à expliquer la distance qui s'est créée entre elles. En conséquence, face au défi
de la RSE, les coopératives les plus petites et les plus isolées souffrent de la faiblesse des
moyens de mise en œuvre, et il est plus généralement difficile de compenser le manque
de vision globale et d'une communication mutualisée suffisamment puissante.
Écart et convergence entre écologie et coopération
Il est difficile de reprocher à des coopératives fondées avant même l’apparition de la
notion de pollution de ne pas avoir inscrit la préoccupation de préservation de
l’environnement biophysique dans leurs statuts originels. Si cette lacune n’est pas
toujours comblée, en revanche, la sensibilité environnementale est souvent intégrée
dans des projets coopératifs plus récents. Plus remarquable encore, de nombreuses
équipes et organisations travaillant directement sur la protection de l'environnement ou
la recherche d'énergie renouvelable ont délibérément choisi de se doter de statuts
coopératifs (Enercoop, SCIC Conservatoire du Saumon Sauvage, The Natural Step ….).
Cette cohérence entre objet et forme d’organisation se retrouve dans l’analyse
prospective qui pose la nécessité de passer d'une production et d’une distribution
centralisée des énergies à base fossile, à une production localisée, distribuée latéralement
de l'énergie, produite sur la base de ressources renouvelables. Cette analyse relie la
nécessaire révolution énergétique à l’avènement de modes d'organisation coopératifs
et de pratiques d’échanges transversaux en réseaux. « Au fil de cette évolution, les
échanges de biens sur des marchés vont céder la place aux relations d’accès à des réseaux
coopératifs » (Rifking, 2011), et citant le journaliste du New York Times Mark Levine : « le
partage est à la propriété ce que l’Ipod est à la cassette audio, ou le panneau solaire à la
mine de charbon. Partager c’est propre, vif, ingénieux, post-moderne ; posséder c’est
terne, égoïste, timoré, arriéré ».
Mais plus fondamentalement encore, on peut considérer que la recherche de conciliation
entre activité économique et justice sociale par la coopération s'établissait déjà au XIXe
siècle comme résistance à une forme de violence, celle de la pronation économique. La
captation et la maitrise par quelques-uns de la plus grande part des ressources au
détriment de populations entières se poursuit aujourd'hui sur l'intégralité des ressources
naturelles et à une échelle telle, que cette capacité d’appropriation sans souci d’égalité,
de réciprocité et d’équilibre fait selon de nombreux analystes courir un risque majeur
aux conditions mêmes de survie de notre espèce sur terre. (Rahnema, 2003 ; Rist, 2007
et Lordon, 2006).
Cela renvoie au besoin de coopération comme capacité à gérer collectivement et
intelligemment le rapport entre intérêts particuliers et intérêts de la communauté, en
recherchant un équilibre acceptable et à faire comprendre aux acteurs les plus agressifs,
que leur voracité, derrière ce qui ressemble à leur triomphe, signe déjà leur perte.
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Établir le lien fondamental entre responsabilité sociale et responsabilité environne-
mentale revient à reconnaitre la nécessité de résistance à une même violence, celle du
déséquilibre des échanges, celle de la pronation entre individus, comme vis-à-vis des
ressources naturelles.
Faiblesse de l’intercoopération et nécessité de prendre en comptes
toutes les parties prenantes
Une difficulté majeure pour assumer un engagement coopératif massif en faveur de la RSE
est la distance qui s’est créée entre les expériences coopératives. La spécialisation autour
d’une activité, mais aussi dans la défense des intérêts d’une catégorie de parties prenantes a
limité leur influence sur la totalité du projet économique et social d’une communauté sur un
territoire. Elle limite donc la légitimité perçue pour parler de RSE. En dehors de quelques
exceptions (unités du groupe Mondragon, Coopératives Sociales Italiennes et plus récemment
SCIC en France) les coopératives sont rarement « multi partenariales ».
Malgré le travail des fédérations regroupant les différentes familles coopératives, quelques
initiatives intéressantes, dont la création de l’Association Européenne des Groupes coopératifs
(ECG) en 2002 pour proposer un modèle de développement coopératif à l’échelle
européenne, le lien entre expériences coopératives, consommateurs, producteurs, financeurs,
mais aussi chercheurs, juristes et éducateurs semble s’être distendu.
Ainsi, même si toute entreprise est une tentative de conciliation de champs d’intérêt qui
peuvent apparaître divergents, les coopératives ne semblent pas avoir résisté à la
schizophrénie ambiante, qui nous amène à vouloir optimiser successivement nos positions
d’acheteurs, de producteurs, d’investisseur ou d’épargnant, sans véritable conscience du lien
entre ces positions.
Dans cette spécialisation, sorte de mouvement centrifuge, une rupture de lien fait que les
expériences ne se consolident pas les unes par rapport aux autres. « On ne sait pas coopérer
entre coopératives » nous dit Isabelle Catel. Il y a peu d’échange ou d’entraide entre
coopératives, et une coopérative seule ne dispose pas de l’impact ou la légitimité suffisante
pour revendiquer une vision politique forte sur l’ensemble des domaines économiques,
sociaux et environnementaux.
Peut-on construire un équilibre plus durable, une répartition plus juste des valeurs sans le
regroupement ou du moins un dialogue intensif entre les différentes parties prenantes ?
Entre menace et opportunité, la RSE : arme à double tranchant ?
Les échanges entre coopérateurs soulignent les opportunités offertes par le succès du concept
de RSE et la législation de sa prise en compte, mais également les limites de l’approche
normative pour les coopératives. Les coopérateurs peuvent ainsi considérer le succès au
moins médiatique du concept de RSE à la fois comme une menace et une opportunité.
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Opportunité ou occasion de reconnaissance de la pertinence des principes coopératifs,
mais menace de banalisation de l'engagement coopératif, noyé dans un discours général
sur la finalité sociétale de l'entreprise.
Opportunité d'être stimulé dans la lecture, la mesure, la communication des avantages
coopératifs et de leurs performances, en passant de l'implicite à l'explicite, de l’énoncé
d’une valeur au suivi des actions. Mais crainte de passer du doute à la déception sur la
performance globale réelle.
D’ailleurs, même si un certain courant de doctrine économique dit « moraliste » a pu
influencer le concept de RSE, les études précises n’ont pas pu prouver un lien de
corrélation entre éthique et performance de l’entreprise (Capron et Quairel–Lanoizelée,
2005). Cela ne peut-être surprenant, car un comportement éthique consiste justement
à s’interdire de faire certaines choses, alors qu’il serait dans son intérêt de les faire.
L’exigence de mesure et de sa publicité : avantage et limite de la RSE
Comme en témoigne Guillaume Lefebvre (2012) activement impliqué dans la démarche
de RSE pour sa coopérative, « il y a un intérêt certain à répondre à l'engagement de
mesure des effets de l'activité de l'entreprise, en s'arrachant à la gravité d'une évaluation
et d'une certification purement financières ». Cet intérêt de la mesure permet de rendre
explicite des performances ou des règles de conduite restée implicites et donc jusque-là
plus facilement victimes de dérives.
Cependant, l'attention est portée sur le risque de dévalorisation de ce qui ne serait pas
facilement mesurable. Pour le dire autrement, la tendance peut être à la concentration
des engagements de responsabilités sur des objectifs sans doute chiffrables, mais pas
forcément essentiels. La menace suivante est de rechercher dans la mesure surtout une
conformité à la norme progressivement commune à l’ensemble des entreprises. Or, aller
jusqu’au bout de la réflexion de la question de la responsabilité, c'est comme le dit
Stéphane Veyer poser la question « du choix de l’extension de la citoyenneté dans le
champ économique », de la liberté d’action des coopérateurs, c'est-à-dire du respect de
la démocratie dans l’organisation du travail et des échanges.
Le poids du marketing et du désir de reconnaissance
Le risque que les entreprises les mieux dotées sur le plan des moyens d’action et de
communication se positionnent en leaders de la RSE n’échappe pas aux coopérateurs,
qui peuvent craindre que les voix dispersées des coopératives ne soient guère audibles.
Cette forme de banalisation du mouvement coopératif par l’appropriation d’un discours
sur la finalité sociale et l’éthique environnementale par les entreprises les plus puissantes
est d’autant plus pernicieuse qu’elle peut apparaitre à certains coopérateurs comme une
forme de reconnaissance tardive de leurs propres convictions et engagements.
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Comme l’avaient analysé il y a déjà trente ans Laufer et Paradeise, le marketing s’est
imposé comme une formidable machine de construction de légitimité pour l’entreprise :
« Contrairement au Prince de Machiavel, le Prince moderne est un démocrate :
pour lui il s’agit moins de l’emporter par le tranchant des armes que de persuader
par les fleurs de la rhétorique. Par l’étude de marché et le sondage d’opinion il
ôte les mots de la bouche du public pour produire le langage légitimant qu’il lui
renverra à travers les mass media » (Laufer et Paradeise, 1982).
La RSE, quelle que soit la conviction des personnes qui y travaillent, participe de cette
fonction marketing. De plus, cette version du chant des sirènes - défensif d’un modèle
économique dominant, mais fortement remis en cause - peut également faire songer à
abandonner les outils d’évaluation et de suivi développés spécifiquement par les
coopérateurs ou dans le champ du secteur non lucratif (la révision coopérative, le Bilan
Sociétal…) pour adopter les nouveaux outils de mesure présentés comme universels.
Pour les coopérateurs rassemblés à Rouen le 6 juillet 2012, cependant, s’il y a intérêt
pour les coopératives à traiter de la question de la RSE, c'est d'abord par l'occasion
donnée de reparler des principes coopératifs.
La RSE une arme factice en temps de crise ?
« La solution est dans l’impasse » dit un proverbe chinois et « Là où est le danger, là croit
aussi ce qui sauve » (Vegleris, 2006 : 77).
Conjoncturellement, mais de manière radicale, l'aggravation de la situation économique
et sociale en Europe dans de nombreux autres pays révèle les deux faces de la crise.
Celle d'une menace majeure qui peut amener l'ensemble des acteurs y compris les
coopératives à se replier sur des objectifs de survie à court terme, et à affronter les
difficultés en réduisant l'effort de solidarité aux sphères les plus proches. L'engouement
pour le développement durable et la RSE devenant une victime collatérale de la crise.
Celle d’une opportunité d’un véritable changement, c'est-à-dire de transformation des
règles, d’une métanoïa.
Or, cette voie de la transformation est évoquée notamment par Jeremy Rifking dans « la
troisième révolution industrielle ». Ce n'est pas un hasard si l’auteur évoque très
largement la question de la coopération comme pilier de cette nécessaire transformation.
(Rifking, 2011).
En effet, non seulement la crise actuelle questionne les méthodes de gestion centralisées,
mais elle met à l'épreuve la démocratie elle-même (Reich, 2008a). La vocation historique
L’étonnant pouvoir des coopératives ...515...
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de la coopération comme mouvement de démocratisation de l'économie est donc plus
que jamais essentielle, alors que c'est la notion même de citoyenneté, qui est menacée.
« Tel Janus, le capitalisme hyperconcurrentiel contemporain a un double
visage. S’il a de quoi séduire consommateurs et épargnants, les millions de
dollars dépensés chaque année en lobbying ont sapé les fondements de la
démocratie »…« Qu’est-ce qui faisait que le capitalisme démocratique
fonctionnait aussi bien, tant du point de vue économique que politique ?
L’existence d’une couche d’instances intermédiaires qui représentaient les
individus en tant que citoyens et pas seulement en tant que consommateurs
ou investisseurs. Les syndicats, les partis politiques et bien d’autres orga-
nisations participaient à la formation et à l’expression de la volonté
générale »… « Le pouvoir de Wal-Mart (l’une des entreprises phare du super
capitalisme) provient de ce qu’elle agrège des millions de consommateurs
pour obtenir les meilleurs prix en amont. Il en est de même des fonds d’in-
vestissement, qui agrègent l’épargne de millions de retraités pour obtenir les
meilleurs rendements des entreprises. Les consommateurs / épargnants que
nous sommes y ont gagné, mais les citoyens y ont perdu. Nous n’avons pas
les moyens de nous exprimer quant aux conséquences sociales, écologiques
ou civiques du supercapitalisme » (Reich, 2008b).
La RSE comme appel a une refondation du projet coopératif
Ainsi, la question de la RSE ne peut pas se résumer pour les coopératives à une question
de marketing, c'est-à-dire de légitimité de leur action vis-à-vis de différents publics qui
peuvent contribuer à leur réussite. Elle incite à une véritable réflexion stratégique,
puisqu'elle renouvelle le questionnement sur la finalité de l'entreprise, comme sur les
moyens de déployer son action et ceci dans un contexte de crise majeure.
Comme en témoigne Isabelle Catel, la RSE peut renvoyer « à l’obligation d’être économe
sur l’ensemble des ressources afin de mobiliser les moyens sur l’essence même du métier,
le service au sociétaire ».
Pour l’ensemble des coopératives, reconnaître cette dimension stratégique de la RSE
nécessite d’abord de réaffirmer une ambition, puis de faire des choix pour concentrer les
efforts sur les leviers et actions les plus efficients pour la réaliser.
Se pose donc concrètement la difficulté de s’accorder sur cette ambition, cette place à
prendre du mouvement coopératif pour répondre aux défis environnementaux sociaux
et économiques de notre époque. Se pose également la question du temps pour construire
une nouvelle vision stratégique suffisamment commune, pouvoir en conséquence choisir
les meilleures options stratégiques et mutualiser les moyens d’action.
...516... L’étonnant pouvoir des coopératives
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Cependant, l'observation et la réflexion peuvent permettre de repérer déjà certaines
pistes en tenant compte de cette nécessaire articulation entre le temps long et le temps
court, du poids économique globalement minoritaire des coopératives, comme de leur
incomparable expérience.
L’Aïkido appliqué à la RSE (Renversement Subtil de l’Energie)
L’image de l’aïkido - art martial d’origine japonaise où il est essentiel d’utiliser à son
avantage l’énergie déployée par le « partenaire/adversaire » - s’est imposée lors d’une
étude consacrée aux entreprises socialement responsables (Bourgeois et Gouil , 2002),
en observant les entreprises coopératives ou non qui obtenaient les résultats les plus
probants. Il ne s’agissait pas de « résistance à la mondialisation ni de ligne Maginot
(stratégique de répartition uniforme, mais espacée des moyens de défense), mais d’efforts
intelligents pour composer avec la logique économique afin de préserver l’emploi local ».
Par analogie, il semble possible d’accepter aujourd’hui le dialogue que constitue le sujet
de la RSE entre entreprises coopératives et non coopératives, pour démontrer dans un
premier temps l’efficience des stratégies de coopération générant des échanges
« gagnants / gagnants », dont on pourrait dire que nos entreprises comme nos sociétés
n’ont plus aujourd’hui les moyens de s’exonérer.
C’est ensuite qu’une analyse plus exigeante de la notion même de RSE peut déboucher
sur une nouvelle démonstration. Celle de l’impossibilité de concevoir un développement
durable sans une extension considérable non seulement des pratiques de coopération,
mais du droit coopératif. Ce droit garantissant un espace d’échanges à durée
indéterminée, basés sur la réciprocité, la solidarité, un partage de la propriété de
l’entreprise comme des ressources essentielles, une gestion et une régulation
démocratiques.
La cause coopérative peut-être fondée sur la compréhension qu’il y a un modèle de
déploiement des activités humaines à réinventer. Ce contre quoi luttent les coopératives,
c’est ce que dénonce déjà Aristote « le pouvoir qu’a l’argent lorsque le désir s’en empare,
de s’arracher à la réciprocité des rapports communautaires, de s’orienter vers une
accumulation déraisonnable, de passer hors l’enceinte de la citée » (Henaff, 2002 : 108).
L’appel à la RSE sonne en effet comme un rappel de l’enjeu que les coopératives ont
essayé de tenir depuis leur création : maintenir l’économie dans une réciprocité des
échanges en rappelant que la communauté humaine peut se retrouver dans la quête
d’une bonne vie, d’une vie heureuse et se dissoudre dans la fuite vers l’accumulation
sans fin de richesses. « Ce mouvement sans fin, cette fuite dans l’illimité, que le
capitalisme suppose et affronte sans y voir un abîme ou une plongée dans l’indéterminé »
(Henaff, 2002 : 133).
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Reprendre initiative et influence sur quatre piliers de développement
On remarque donc à la fois l’étroitesse du chemin coopératif, mais également son
adaptation à la complexité d’une ambition de développement durable, qui ne peut faire
reposer sa réalisation sur une quelconque certitude, mais sur une capacité de
communication très poussée et d’échanges créatifs entre les différents acteurs
concernés. Dans la poursuite de l’inspiration des arts martiaux, quatre champs d’action
prioritaires s’ouvrent, qui constituaient jusque-là les principaux moteurs du
« supercapitalisme ».
Internet bien sûr
Né d’une commande de guerriers et mis à profit pour démultiplier la puissance des
financiers, Internet est aussi un fantastique champ de découverte du fonctionnement en
réseau et de « nouvelles approches de la coopération » (Cornu, 2004). Plus largement,
« Les TIC offrent l’opportunité de construire une société de la connaissance,
de piloter plus efficacement le vaisseau Terre et de faire germer la citoyenneté
du XXIe siècle. …Il est aussi grand temps d’y introduire de renforcer les règles
de gouvernance de l’Internet, véritable enjeu de développement durable »
(Berhault, 2008 : 37).
L’éducation toujours
L’effort d’éducation à la citoyenneté permettant une compréhension simultanée des
enjeux de coopération et de contribution globale de chacun à un développement collectif
durablement harmonieux semble une priorité évidente.
Ainsi, il est très encourageant de découvrir que malgré les résistances rencontrées, des
chercheurs poursuivent de manière remarquable le travail sur les pédagogies
coopératives, notamment à travers l’Institut Coopératif de l’Ecole Moderne, (Go, 2010)
et que des programmes comme l’animation des Coopératives Jeunesse de Services, au
Québec, permettent une découverte précoce et concrète de la conduite coopérative de
projets.
S’intéresser au transport
Dans la même logique, les coopératives ont sans doute à investir ou réinvestir le secteur
des transports, notamment du transport maritime, dont l'abaissement des coûts a
renforcé la domination des multinationales, facilité la délocalisation des productions et
la spécialisation mortifère de nombreuses économies. Même si le défi semble de taille
dans les secteurs à forte concentration capitalistique, l’évolution des pratiques de
consommateurs (favorables aux circuits courts comme à l’auto partage) ouvre de
nouvelles portes.
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Soutenir les investissements coopératifs dans les énergies renouvelables
Au-delà de l’intérêt de substituer des énergies renouvelables aux énergies fossiles, l’enjeu
de la gestion coopérative de leur production et de leur distribution est majeur. Là encore,
des expériences coopératives innovantes et pionnières ouvrent la voie. Enercoop est
ainsi en France :
« le seul fournisseur d'électricité à s'approvisionner directement et à 100 % auprès
de producteurs d'énergie renouvelable (solaire, éolien, hydraulique et biogaz). Ses
bénéfices sont réinvestis dans les énergies renouvelables. Il est également le seul
fournisseur d'électricité sous forme coopérative » (Enercoop, 2012).
Conclusion : répondre à la recherche de sens
Il n’est pas besoin de la RSE pour percevoir la crise du management, et l’attente par de
nombreuses personnes d’un autre rapport au travail et à la consommation. C’est ainsi
que la SCOP Coopérative d’Activités et d’Emploi COOPANAME a construit son projet,
résumé par sa Présidente Anne Chonik Tardivel : « construire ensemble une entreprise
commune, un outil d’émancipation que nous gérons démocratiquement, dont la seule
ambition est de permettre à chacun de vivre dignement de ce qu’il sait faire, avec qui il
veut, au rythme qu’il choisit » (Coopaname, 2011).
C'est sur cette question du travail, du sens du travail et des conditions de travail, que se
dessine peut-être à nouveau, 150 ans après la première révolution industrielle, le levier
d'adhésion le plus fort au mouvement coopératif. De nombreux producteurs, jeunes et
vieux, opérateurs ou cadres interrogent les coopératives. Ils constatent souvent que le
salariat reste un contrat de subordination, mais de moins en moins une garantie de
sécurité, que l’entrepreneuriat en dehors d’une communauté solidaire est de plus en plus
risqué. Ils expriment donc leur aspiration à une véritable responsabilité, c'est-à-dire
d’abord à une liberté. On peut lire ce besoin de Respect, Solidarité et capacité
d’Entreprendre utilement, dans l’intérêt pour la RSE. Cependant, ces chercheurs de sens
découvrent, s’ils y prêtent vraiment attention, que la porte de la RSE ouvre sur la
nécessité d’un autre rapport à l’autre, au temps, à l’argent, à la propriété. Ils peuvent
apprendre que des expériences, souvent difficiles, mais concrètes ont été menées pour
construire des échanges moins violents, plus équilibrés, plus durables, plus réciproques.
Il est donc d’abord du pouvoir et de la responsabilité des coopératives de défendre et
d’étendre ces espaces précieux de projets, pour les y accueillir.
L’étonnant pouvoir des coopératives ...519...
14. 34-Gouil_Mise en page 1 12-09-05 14:36 Page520
Note
1
Observatoire du Management Alternatif AMO, hébergé par HEC Paris.
Bibliographie
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BERHAULT, G. (2008). Développement durable 2.0, l’Internet peut-il sauver la planète ? La Tour d’Aigues, Édition
de l’Aube.
BLANC, J. (2008). « Responsabilité Sociale des entreprises de l’économie sociale et solidaire : des relations
complexes », Économie et Sociétés, Tome XLII, N°1, p. 55-82
BOURGEOIS, D. et H. GOUIL (2002). Concilier rentabilité et emploi local dans un contexte de mondialisation,
étude réalisée pour la DIGITIP-Ministère de l’Économie, des Finances et de l’industrie.
CAPRON, M. et F. QUAIREL-LANOIZELÉE (2005). Mythes et réalités de l’entreprise responsable, Paris, La Découverte.
CARIOU, Y., S. FOURNIE et F. WALLET (2006). « Le bilan sociétal : un outil de management pour renforcer l’ancrage
territorial et la responsabilité sociale des coopératives agricoles », Revue Développement Durable et
Territoires, Dossier 5, www.developpementdurable.revues.org/1626
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tous » dit « Rapport Brundtland ».
COOPANAME (2011). Rapport d’activité 2011- faire société,www.coopaname.coop/UPLOAD/media/file/-
48_RA2011-Coopaname-diffusion-web.pdf
CORNU, J. M. (2004). La coopération, nouvelles approches, version 1.2 disponible sur Internet
CRÉDIT AGRICOLE NORMANDIE SEINE (2011). Le bon sens à de l’avenir, Rapport annuel.
ECG (2002). European Association of Cooperative Groups, www.ecg.coop
ENERCOOP (2012). Site Web, www.enercoop.fr/
GO, N. (2010). Pratiquer la Philosophie dès l'école primaire. Pourquoi ? Comment ?, Paris, Hachette éducation.
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www.entreprises.coop/semaine/UPLOAD/media/file/166_LGNC%20358%20ok.pdf
HENAFF, M. (2002). Le prix de la vérité, Paris, Seuil.
LAUFER, R. et C. PARADEISE (1982). Le Prince Bureaucrate, Paris, Flammarion.
LEFEBVRE, G. (2012). État des lieux : groupe « dynamique humaine », Crédit Agricole Normandie Seine.
LORDON, F. (2006). L’intérêt souverain, Paris, La Découverte.
RAHNEMA, M. (2003). Quand la misère chasse la pauvreté, France, Fayard/ Actes Sud
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VILLETTE, M. (2003). « L’entreprise peut-elle devenir un vecteur de développement durable ? », Le Monde,
31 mars.
...520... L’étonnant pouvoir des coopératives
15. 34-Gouil_Mise en page 1 12-09-05 14:36 Page521
Résumé
Les points de rencontre entre RSE et principes coopératifs ne concernent rien de moins que la propriété
de l'entreprise, sa transmission d'une génération à l'autre, et sa gestion solidaire et participative.
Aussi, les coopérateurs peuvent considérer le succès du concept de RSE à la fois comme une menace
et une opportunité. Opportunité de reconnaissance de la pertinence des engagements coopératifs,
mais menace de leur banalisation. Opportunité d'être stimulés dans la mesure de leur performance
globale. Mais crainte parfois du résultat. Pourtant, les ravages d’un capitalisme surpuissant sont
comme une marée noire qui déborde le frêle barrage flottant de la RSE, comme la capacité de
régulation démocratique des états. Dans ce contexte, la responsabilité sociétale des entreprises
coopératives ne peut se réduire à une question de marketing. Elle renvoie à leur vocation historique
de démocratisation de l'économie et aux choix stratégiques des leviers d’actions pour réaliser cette
ambition.
Summary
Corporate social responsibility (CSR) and cooperative principles converge on business ownership, the
transfer of ownership between generations, and its communal and participative management.
Cooperators may therefore see the rise of CSR both an opportunity and a threat: an opportunity to
promote the importance of cooperative commitments, but also the threat that they may be trivialized.
While the opportunity to have their overall performance assessed can be motivating, it can also be
daunting. Yet, the devastation caused by crushing capitalism is like an oil spill that the fragile CSR
boom cannot contain, and that threatens states’ capacity for democratic regulation. In this context,
cooperatives’ responsibility to society cannot be reduced to a matter of marketing. This responsibility
is entrenched in their traditional mission of democratizing the economy and their strategic choices
of levers to achieve this ambitious goal.
Resumen
La Responsabilidad Social Corporativa (RSC) y los principios cooperativos convergen sobre la
propiedad de la empresa, su transferencia de generación en generación y su gestión solidaria y
participativa. Los cooperativistas pueden considerar el éxito del concepto de RSC no sólo como una
oportunidad sino también como una amenaza. Oportunidad de que se reconozca la pertinencia de
los compromisos cooperativos pero amenaza de que sean trivializados. Oportunidad de verse
estimulados en la medida de su resultado global pero también, a veces, temor de ese resultado. Sin
embargo, los estragos de un capitalismo aplastante son como una marea negra que sumerge las
frágiles barreras de contención de la RSC así como a la capacidad de regulación democrática de los
estados. En este contexto, la responsabilidad social de las empresas cooperativas no puede limitarse
a un problema de marketing. Remite a su vocación histórica de democratizar la economía y a sus
elecciones estratégicas de los modos de acción para concretar ese objetivo.
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