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PATENTED
©Santakam
LOBBYS AGRICOLES: ENJEUX ET
CONTROVERSES
3,50€
Décryptage: L’avenir de
l’alimentation mondiale, vu par
les lobbys
Enquête sur les AMAP:
Sont-ils des concurrents
potenciels?
A la découverte du Corporate European Observatory...
Focus:
Paragua: le soja fait débat
Article
Les lobbys. Ces fameux groupes secrets, présents un peu partout
dans le monde et pourtant très peu ou mal connus. Des groupes
secrets aux véritables entreprises, élaircissements sur le mythe du
lobbying…
Un mot anglais
comme point de
départ.
A l’origine, le terme
de lobby désigne un
hall d’entrée, un es-
pace où tout le monde
est susceptible de se
croiser et donc propice
aux discussions. En
1830, en Angleterre, on
employait le terme de
lobby pour désigner les
couloirs de la Chambre
des communes, un
des deux organes qui
constituent le Par-
lement. Entre deux
séances, les membres
de groupes de pression
pouvaient venir discu-
ter avec les parlemen-
taires, et donner leur
avis voire même les in-
cours d’adoption.
Aujourd’hui, le terme
de lobby est passé
dans le langage com-
mun comme un syno-
nyme de « groupe de
pression », selon le
dictionnaire Larousse.
Et en ce qui concerne
le groupe de pression,
comme suit : « un or-
gane de défense d’in-
térêts ou de valeurs,
qui essaie par divers
moyens (campagnes,
action directe, pres-
la décision politique
dans un sens qui lui
soit favorable. »
-
tion énoncée, l’objectif
des entreprises de lob-
bying devient évident :
faire passer l’intérêt de
particuliers, de groupes
de personnes ou des
entreprises comme un
intérêt général. Pour
cela, il faut avant tout
lui donner un cadre lé-
gislatif, autrement dit,
faire voter une loi qui
sied aux intérêts de
ceux qui ont fait appel à
l’entreprise de lobbying.
Evidemment, qui dit
voter une loi dit entrer
dans la sphère poli-
tique. Les députés sont
donc la cible privilé-
giée des lobbyistes, qui
peuvent aussi en fonc-
accéder directement à
des ministres parfois
très haut placés…
Carnet d’adresses
Mais comment de
simples entreprises
parviennent-elles à
faire voter une loi ? La
réponse tient en deux
mots : les contacts. Car
un carnet d’adresses
bien rempli est essen-
tiel dans le milieu du
lobbying. Les relations
sociales sont au cœur
de ce type d’entre-
prise. Vie privée/vie
publique, la fron-
tière est mince
dans ce milieu
où pour obtenir
ce que l’on veut,
il faut savoir sé-
duire. Emails, pe-
tits-déjeuners ou
diners « d’affaire
», amendements
déjà rédigés, pro-
messes de sou-
tien politique ou
dit corruption?
Lobbyisme,
démocratie et
corruption, où est
la limite ?
Si le lobbying a une si
mauvaise image, c’est
que pas très loin, plane
le spectre de la corrup-
tion. Beaucoup voient
en effet ces entreprises
d’un très mauvais œil,
les accusant d’ache-
ter certains politiques
pour répondre aux exi-
gences de leurs clients,
parfois très puissants et
dont le soutien pour les
politiques peut s’avérer
décisif. Bien au-delà, il
est légitime de s’inter-
roger sur la compati-
bilité du lobbying dans
des pays qui prône la
démocratie. Car dans
des pays où l’intérêt du
peuple est censé pri-
mer sur l’intérêt du par-
ticulier, le lobbying, qui
fait passer l’intérêt d’un
petit groupe de per-
sonne avant tout, a-t-il
sa place ?
2 3
LES LOBBYS EXPLIQUES
SOMMAIRE
Les lobbys expliqués...p.2
La PAC: «objectif
souveraineté» ... p.3
Décryptage «De
l’avenir de l’alimention
modiale, vu par les
lobbys».............p.4-5
Des lobbys au
quotidien...p.6
Interview: Rencontre avec
Kokopelli...p.7
Enquête: «AMAP,
le concurrent
inattendu»....p.8-9
Focus: «Le soja, or noir
du Paraguay»....p.10-11
C.E.O, bête noire des
lobbyistes.....P.12
PATENTED
10, rue Alexandre Parodi 75010
Directeur de la publication: Michel
BALDI
Directeur de la rédaction: Michel
BALDI
LA P.A.C: «OBJECTIF
SOUVERAINETÉ»
Alors que l’Europe aspire à devenir une superpuissance, capable de rivaliser sur tous les domaines
avec la Chine et les Etats-Unis, la question agricole devient de plus en plus essentielle. Car pour
faire partie des grands, et éviter des pressions économiques internationales aux conséquences
démesurées, un pays, et à plus grande échelle une communauté, doit être capable d’assurer
l’alimentation de sa population. C’est dans cet état d’esprit que la PAC a vu le jour et n’a depuis
cessé de se développer pour tenter de répondre aux nouveaux besoins européens.
I
nstaurée en 1957 par le Traité
de Rome, la Politique Agricole
Commune est une des leçons
tirées de la Seconde Guerre
Mondiale. Après les restrictions
et pénuries alimentaires pendant
la période d’occupation, les diri-
geants des pays européen décide
d’assurer leur propre souveraine-
té alimentaire. Mise réellement
en place en 1962, la PAC s’est
donnée pour mission principale
d’accroitre la productivité agricole
européenne. Pour cela, elle s’est
-
tre la productivité de l’agriculture,
stabiliser les marchés, offrir un
niveau de vie équitable à la po-
pulation agricole, assurer des prix
raisonnables aux consomma-
teurs et garantir la sécurité des
approvisionnements. Entre 1962
et 1984, la politique de la PAC a
donc tourné autour de la question
Deux stratégies ont été menées
de front : la première portait sur
agriculteurs, et la deuxième,
plus structurelle a notamment
favorisé le gel des terres, les
aides à la reconversion et aux
investissements.
Une stratégie qui a visi-
blement portée ses fruits,
puisqu’en 1984 l’Europe at-
-
taire, et est même excéden-
taire. Mais cette réussite sera
notamment sur la gestion des
stocks d’excédents.
1984, l’Europe doit désormais
apprendre à gérer ses stocks.
Car s’ils apparaissent comme un
point positif à première vue, la
gestion des stocks nécessite une
C’est en 1993 que la réforme
MacSharry entre en vigueur. Dé-
sormais, les aides allouées aux
agriculteurs ne seront plus ver-
sées en fonction des prix mais
aussi en fonction des aides di-
rectes, qui sont calculées sur des
des exploitations et aussi leur
rendement moyen. Plus concrè-
tement, cette réforme s’est donc
traduite par une forte diminution
des prix de soutien adjugés aux
agriculteurs.
Cette première réforme sera
suivie en 2000 par l’Accord de
comme « une révision à mi-par-
cours ». La PAC recentre son ac-
tion, en se concentrant sur deux
piliers essentiels : l’agriculture et
le développement durable. Ce
deuxième aspect devient vite
primordial, alors que la question
de l’avenir alimentaire européen
prend une importance nouvelle.
Un nouveau budget de 40,5 mil-
liards d’euros par an est voté et
la politique de soutien aux prix
agricoles est remplacée par une
politique de soutien aux revenus
agricoles. Calculées uniquement
à partir des revenus, les aides al-
louées aux agriculteurs diminuent
à nouveau. Par la suite, la PAC
accordera une importance crois-
sante à la dimension écologique
et à la préservation de l’environ-
nement.
Europe 2020 : le programme
français
Le 26 Juin 2013, le Parlement
européen, la Commission et les
-
tique agricole commune pour la
période 2014-2020. Aujourd’hui
première puissance agricole de
l’UE, la France compte bien le
rester, et prévoit un budget agri-
cole de 64 milliards d’euros pour
la période 2014-2020. Cette ré-
forme se caractérisera notam-
ment par un soutien important
aux éleveurs et à l’agriculture de
montagne, une augmentation de
100 millions d’euros pour l’enve-
loppe consacrée à l’installation
des jeunes agriculteurs, et une
priorité renforcée sur la question
des pratiques environnementales
et de l’agriculture biologique.
Pour la France comme pour
l’Union Européenne, il s’agit donc
de rester compétitif sur le marché
agricole, face à des puissances
comme la Chine par exemple.
©Santakam
Article
44 5
Décryptage Décryptage
DE L’AVENIR DE L’ALIMENTATION
MONDIALE, VU PAR LES LOBBYS
La question de la surpopulation est de plus en plus fréquemment posée et une autre question
la suit de près : comment nourrir l’ensemble de la planète ? Pour apporter des réponses, deux
et confédération agricoles. De l’intérêt de chacun, dépend l’avenir de l’alimentation mondiale…
A
lors que la ques-
tion de la surpo-
pulation est de
plus en plus souvent po-
sée, un enjeu demeure:
comment nourrir les ha-
bitants de la Terre ?
Au niveau européen,
c’est à Bruxelles que se
joue cette partie. Des
lobbystes purement
agricoles comme ceux
de la Confédération
Paysanne affrontent
ceux des multinatio-
nales de l’agroalimen-
taire. Intérêts d’un seul,
intérêts d’un groupe...
Lobbys agricoles,
lobbys de
l’agroalimentaire :
ce qui les oppose
Parmi les acteurs de
cette lutte, la Confé-
dération Paysanne est
sans doute l’un des plus
importants. Et concer-
nant l’avenir de l’ali-
mentation mondiale,
son avis est très clair :
la Confédération pay-
sanne se positionne en
faveur d’une souverai-
neté nationale alimen-
taire, qui permettrait
selon elle de résoudre
en grande partie la
question de l’avenir de
l’alimentation mondiale.
Sur leur site, la Confé-
-
veraineté alimentaire
comme un « droit des
populations, de leurs
Etats ou Unions à dé-
-
cole et alimentaire, sans
dumping vis-à-vis des
pays tiers. », le dum-
ping étant synonyme de
concurrence déloyale.
Cette souveraineté ali-
mentaire passe par la
priorité donnée à la pro-
duction agricole locale
pour nourrir la popula-
tion, le droit des agri-
culteurs de choisir et
produire les aliments de
leur choix, ainsi que le
droit des états à se pro-
téger des importations à
trop bas prix, qui favo-
riseraient la production
extérieure au détriment
de la production locale.
Face à la Confédéra-
tion Paysanne, les mul-
tinationales comptent
elles aussi dans leurs
rangs des lobbystes,
redoutablement armés,
grâce à leurs ressources
avec les plus hauts diri-
geants. Le cas Monsan-
to est sans doute le plus
parlant, avec la relation
entre les Bush père et
l’ANIA, Association Na-
tionale des Industries
Alimentaires est l’une
des associations de dé-
fense des entreprises
de l’agroalimentaire. A
sa tête, Jean-Philippe
Girard, chercheur en
biologie cellulaire et fon-
dateur de l’entreprise
lui-même comme un «
homme de réseaux ».
Dès son investiture, il
a clairement établi les
objectifs de son man-
dat. Il s’agit pour lui de
« mettre en place les
leviers nécessaires à
la croissance, à l’em-
ploi et à la restauration
des marges de l’indus-
trie alimentaire». Mais
derrière ces termes
soigneusement choisis,
en quoi consiste réelle-
ment le rôle de l’ANIA ?
Pour connaitre leurs po-
sitions et leurs objectifs,
prenons comme point
de départ la révision de
la loi de modernisation
de l’économie (LME),
dite Loi Hamon, soute-
nue par Stéphane Le
Foll, ministre de l’agri-
culture en Mars der-
nier. Cette loi a comme
objectifs le réquilibrage
des relations produc-
teurs/distributeurs, une
transparence accrue
avec des clauses puni-
tives en cas de trompe-
rie alimentaire, et sur-
tout, une réorientation
de la PAC en faveur des
petits éleveurs. Face à
cette modernisation en
cours, l’ANIA, soutenue
par la Fédération Na-
tionale des Syndicats
d’Exploitants Agricoles
(FNSEA) et par la Coop
de France est mon-
tée au créneau. Pour
Jean-Philippe Girard, la
LME n’a fait qu’aggraver
les déséquilibres entre
les entreprises du sec-
teur de l’agroalimentaire
et les entreprises de
distributions. Dans un
communiqué du mois
de Novembre, il désigne
cette loi comme « […] le
fossoyeur, depuis son
entrée en vigueur, des
entreprises agroalimen-
taires». Il en réclame
donc l’abrogation et la
négociation sur la base
des tarifs de vente des
fournisseurs unique-
ment. Les dirigeants de
l’ANIA, de la FNSEA et
de la Coop ont d’aileurs
été reçus à Bercy, où ils
ont fait valoir leurs po-
sitions. L’ANIA défend
donc les intérêts des 13
entreprises de l’agroa-
limentaire françaises,
qui traitent directement
avec sept grandes en-
treprises de distribution.
Une vision productiviste
des entreprises qu’elle
représente. Des intérêts
qui divergent radicale-
ment de ceux défendus
par la Confédération
Paysanne…
A intérêts
divergents, résultats
différents
Avec des intérêts aus-
si opposés, les solu-
tions proposées pour
résoudre la question de
l’alimentation mondiale
sont évidemment diffé-
rente.
Les lobbys agricoles
comme la Confédéra-
tion Paysanne ont re-
cours à des techniques
locales et nationales,
qui privilégient les pe-
tits agriculteurs et non
les entreprises. En
Septembre dernier, les
membres de la Confé-
dération se sont réunis
sous le slogan « Des
fermes, pas des usines
! ». Sur leur site, ils mi-
litent en faveur d’une
politique agricole, ba-
sée sur la garantie de
prix rémunérateurs
couvrant les frais de
production agricoles et
des prix équitables pour
les consommateurs, le
maintien des fermes
-
ments favorisant l’ins-
tallation de nouvelles
structures fermières
ainsi que le développe-
ment d’une agriculture
verte et durable et le dé-
veloppemet de la culture
de protéines locales,
pour favoriser l’indé-
pendance des fermes et
à long terme la souve-
raineté nationale. Ces
mesures sont résumées
en une phrase, mise en
exergue sur leur site «
La mission de l’agricul-
ture est de nourrir les
hommes et non de pro-
duire des agro-carbu-
rants ! ».
Face à eux, les as-
sociations comme la
FNSEA ou l’ANIA dé-
fendent l’innovation et
la recherche dans les
secteurs agroalimen-
taires. Elles regrettent
notamment que seu-
lement 0,5% du chiffre
d’affaire des entreprises
françaises soit consacré
à cette recherche, ar-
guant que deux innova-
tions sur trois seraient
-
nement. Elles militent
pour une augmentation
du nombre de brevets
dans le secteur de l’ali-
mentation et des bois-
sons, qui n’en compte
que 2%, selon les
chiffres du Ministère de
l’Agroalimentaire. Dans
ce sens, l’ANIA a pour
partenaire des instituts
et centre de recherches
publiques comme l’IN-
RA, mais aussi privés.
haut et fort, l’ANIA va
donc dans le sens de
la culture des OGM et
hybrides, qui permet-
traient aux entreprises
de l’agroalimentaire dé-
tentrice des brevets et
techniques de produc-
tion de contrôler l’avenir
de la production alimen-
taire mondiale.
Deux partis antago-
nistes, deux solutions
pour l’avenir de l’ali-
mentation mondiale.
D’un côté, les agricul-
teurs « traditionnels
», qui voient dans la
souveraineté nationale
alimentaire une solu-
écologique. De l’autre,
des entreprises multina-
tionales, qui souhaitent
contrôler les moyens
de productions, tout
en engrangeant des
En France, la lutte fait
rage. Contrairement à
certains pays comme
les Etats-Unis, les lob-
bys agricoles ont en-
négligeable au sein des
commissions politiques.
La culture française,
très liée à l’agriculture
n’y est sans doute pas
pour rien. Mais à l’heure
le maitre-mot, l’avenir
s’annonce plus déli-
cat…
© Mathieu Eisinger
L’importance de la libre circulation et reproduction des semences libres de droits pour
l’avenir de l’alimentation mondiale, vu par Ananda Guillet, directeur de Kokopelli
«C’est primordial dans la mesure où sans cela, nous allons droit vers une uniformisation des variétés,
ce qui aurait des conséquences inimaginables sur les êtres vivants, humains comme végétaux, pour qui
la diversité est essentielle.
Et c’est sans compter l’aspect économique de la chose. Lorsqu’un agriculteur utilise des OGM ou même
des hybrides, il est entièrement dépendant de l’entreprise: la semence est patentée, donc il doit la ra-
cheter cahque année, avec en plus toute une panoplie d’engrais de synthèse, de produits chimiques, de
pesticides… La multinationale a tout à y gagner. Si on va plus loin, cette mainmise des industrie sur la
reproduction des semences a même des conséquences sur l’avenir de l’agriculture biologique. En réalité
depuis 60ans, on a tué les sols, ils n’ont plus de nutriments. Ça serait un champ de polystyrène que ça
serait pareil… Même si tout le monde se réveillait demain en voulant passer à l’agriculture bio, on ne
pourrait pas. Il faut être réaliste.
-
sentent les OMG et les hybrides comme une solution mais c’est faux. Il faut savoir qu’entre une tomate
naturelle et une tomate hybride la différence est énorme : la tomate hybride, qui est gorgée de produits
chimiques et d’eau n’a plus rien à voir avec une vraie tomate. Il n’y a plus de nutriments, de ce qui fait
une tomate. Quand on la mange, on mange de l’eau.»
Jade TOUSSAY
6
DES LOBBYS DANS LE
QUOTIDIEN
L’action des lobbys est quasiment impossible à voir pour le consommateur. Rares sont ceux
qui connaissent véritablement l’impact des entreprises de lobbying de l’agroalimentaire
sur des produits qu’ils consomment pourtant au quotidien. Mais derrière les propagandes
“gouvernementales” et les “décisions de l’Assemblée”, les lobbyistes ne sont peut-être pas si
loin…
“Pour votre santé, évitez les ali-
ments trop gras, trop salés, trop
sucrés”. Une phrase anodine
apparue sur les chaines de télé-
vision en 2006, suite à la cam-
pagne de l’OMS contre l’obési-
té. Sauf que cette phrase est en
réalité le fruit d’un ardent travail
de lobbyisme des entreprises
agroalimentaires, contre l’AFS-
SA, l’Agence Française de Sécu-
rité Saniraire de l’Alimentation. A
l’origine, l’idée émise en 2004 en-
visageait la suppression pure et
simple des publicités alimentaires
pour les enfants, méthode qui a
déjà fait ses preuves au Qué-
bec et en Suède. Huit ans plus
tard en France, rien n’a pourtant
changé, si ce n’est l’apparition de
ces fameuses phrases d’avertis-
sement. Comment en arrive-t-on
de la suppression de publicités à
un spot publiciatire aux effets très
contestés?
“Mangez au moins cinq
fruits et légumes par jour”
Suite à la demande formulée
par l’AFSSA, l’ANIA, la princi-
pale association de l’agroalimen-
taire, avait immédiatement réagi “
Vous aurez des problèmes avec
vos chaînes de télé préférées.
Laissez-nous en paix, on vous
renverra la balle.” Le message
est clair. Le ministre de la San-
alors opté pour l’adoption de ces
bandeaux préventifs, sans céder
complètement à la pression de
l’agroalimentaire: à compter de
Janvier 2006, ces messages pré-
ventifs devaient obligatoirement
être présents dans les publicités
alimentaires, sous peine pour les
annonceurs de devoir verser une
taxe à l’Institut National de Pré-
vention et d’Education à la Santé
(INPES), correspondant à 1,5%
des sommes investies dans la dif-
fusion des spots. Malgré des ré-
actions virulentes de l’ANIA, cette
dernière mesure fut respectée.
Mais ce n’est pas là la seule ba-
taille entre lobbyistes et profes-
sionnels de la santé...
Des feux tricolores aux
tableaux nutritionnels…
-
tités de sucre ou de graisse sont
contenues dans les aliments.
De petits tableaux nutritionnels
sont pourtant censés aider les
concommateurs. Mais qui y com-
prend quelque chose?
En Angleterre, le système des
Feux Tricolores a résolu le pro-
blème. Le procédé est simple: à
côté de chaque ingrédient utili-
son grammage, et surtout, un
petit rond vert, orange ou rouge.
L’idée? Quand la quantité est trop
importante et peut nuire à la san-
té, le feu est rouge. A l’inverse, si
la quantité est faible, il sera vert.
Qu’en est-il en France et dans le
reste de l’Europe? C’est la Cor-
porate Europe Observatory, une
ONG basée à Bruxelles où elle dé-
nonce les actions des entreprises
de lobbying, qui éclaire l’affaire.
En Juin 2010, elle publie un rap-
port “Feu rouge pour l’information
des consommateurs”, qui dévoile
les manoeuvres des groupes de
pression, responsables selon elle
du rejet des Feux Tricolores par
la Comission Européenne. Parmi
les arguments avancés par les
lobbyistes, une étude en faveur
de la mise en place des tableaux,
réalisée par l’European Food In-
formation Council, un institut en
parmi lesquels Nestlé et Co-
ca-Cola et dont la directrice est
Joséphine Wills, ex-directrice en
chef du lobby du groupe Mars…
total, les lobbysites auront dépen-
sé un milliards d’euros dans cette
affaire. Une somme dérisoire, par
rapport à ce qu’ils aauraien pu
perdre avec ces faleux Feux Tri-
colores...
ne vous concernait pas, vous voi-
là prévenus. Au quotidien, dans
l’agriculture comme ailleurs, une
décision n’est jamais prise à la
légère. Et derrière chacune, des
acteurs y jouent leurs intérêts.
©Mondelex2013
7
Interview
ANANDA GUILLET «KOKOPELLI NE
FAIT PAS DANS LA DEMI-MESURE»
Comment travaillez-
vous ?
Nous sommes très
actifs sur le web
mais nous sommes
essentiellement sur le
terrain, en distribuant
le plus de semences
libres et reproductibles
possibles à nos
adhérents.
Plus techniquement,
nous avons deux modes
de distributions. Au
niveau de la France,
nous commercialisons
les semences. Cette
gamme « Boutique
» est produite par
des producteurs
professionnels. En
France, on compte
environ 9000 adhérents,
pas forcément du milieu
militant.
Pour les pays les plus
pauvres, nous avons
une gamme «Collections
et dons», produite par
nos adhérents. Ce
sont eux qui parrainent
certaines variétés, en
récoltent la semence
et nous la renvoient.
Nous l’envoyons après
par le biais de notre
compagnie «Semences
sans frontières», à
la demande d’ONG
ou d’associations
européennes. Nous
sommes obligés de
cibler des organisations
reconnues car les
coûts engagés sont
importants, il faut donc
s’assurer que c’est une
action sur le long terme.
En moyenne, 350 colis,
de 1,5kg à 3kg partent
tous les ans avec de la
documentation pour que
les communautés qui
les reçoivent puissent
devenir autonomes.
Quelle est votre
position vis-à-vis de
vos opposants mais
aussi des associations
similaires?
Nous nous battons ef-
fectivement contre la
mainmise de l’industrie
de la pétrochimie parce
que pour nous les se-
mences libres et repro-
ductibles doivent appar-
tenir au domaine public
et ne peuvent pas être
soumises à une législa-
tion quelconque. Pour
l’Etat, Kokopelli est sur
liste rouge, à abattre
parce que nous sommes
les seuls en Europe à
aller jusque devant les
tribunaux pour notre tra-
vail. C’est vraiment du
militantiseme.
Après nous n’avons
jamais vraiment été
confronté directement
à des lobbyistes. On
se doute que lorsque
nous sommes attaqués
il y a quelques grands
groupes derrière mais
ça reste une supposi-
tion.
Pour les autres asso-
ciations comme «Se-
mons la biodiversité»,
il n’y a pas vraiment de
comparaison possible.
Kokopelli refuse la de-
mi-mesure, alors q’eux
cherchent des compro-
mis. Notre position est
beaucoup plus radicale.
Trois textes de loi
autour de la protection
des entreprises
de semences sont
actuellement étudiés.
Votre position?
Si ces lois visent à
entraver le travail de
Kokopelli, nous ne les
respecterons pas. Nous
sommes de toute fa-
çon déjà dans l’illégalité
aux yeux du gouverne-
ment. Depuis des an-
nées, nous subissons
des pressions de ce
type. C’est une aberra-
tion quand on sait que
les semences que nous
distribuons ne sont pas
inscrites au catalogue
GNIS (ndlr : Groupement
National Interprofessionnel
des Semences dont le ca-
talogue).
Peut-on parler d’une
volonté mondiale de
changer l’agriculture ?
Oui bien sûr, en France
et même en Europe,
c’est un sujet dont on
parle de plus en plus. Les
gens ont envie d’avoir
de beaux légumes, de
bonnes semences qu’ils
peuvent après replanter.
Il y a une véritable prise
de conscience sur la
nécessité de conserver
ces vraies variétés.
Et dans les pays
pauvres, les gens ont
tout simplement. En
Inde, les agriculteurs se
suicidaient en buvant
du Roundup. C’est très
volonté de changer les
méthodes. Aujourd’hui
au Costa Rica, plus de
80% des communautés
de communes qui
refusent les OGM. C’est
un exploit unique. Ça
révèle un mouvement,
une révolte mondiale.
continue à militer en faveur de la libre circulation des semences libres de droit et reproductibles.
En France mais aussi dans le monde, Kokopelli plante, récolte et redistribue, offrant à tout un
chacun une possibilité d’indépendance alimentaire.
Propos recueuillis par Jade
Tousssay
©Nestlé
Article
9
Enquête
AMAP: LA REVANCHE DU
CONCURRENT INATTENDU ?C’est un fait, les entreprises de l’agroalimentaire pèsent lourd dans la balance économique
mondiale. Bien souvent, elles édiectent les règles, et ne laissent que peux de chances aux
petits producteurs. Pourtant, depuis plusieurs années, un mouvement de résistance se
développe. Les AMAP, Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne se multiplient,
portées par des producteurs et des consommateurs las de se plier aux lois du marché
agroalimentaire. Enquête sur ces nouveaux modes de produtcion et de distributions.
U
ne AMAP nait de la ren-
contre entre un produc-
teur désireux de vendre
ses produits sans passer par le
schéma classique de la grande
distribution et des consomma-
teurs soucieux de la qualité de
leurs aliments mais aussi qui sou-
haitent participer au développe-
ment d’une agriculture plus saine
et mieux répartie. Le système de
l’AMAP établit une relation directe
entre l’agriculteur et le consom-
mateur, sans passer par le biais
d’intermédiaire comme c’est tou-
jours le cas dans la grande dis-
tribution. Il n’y a pas de nombre
minimal de consommateurs pour
démarrer une AMAP. Le CSA
(Agriculture Soutenue par la
Communauté) conseille à mini-
ma une vingtaine de personne,
mais ces chiffres restent indica-
tifs et certaines AMAP ont démar-
ré avec en tout et pour tout
six personnes. De même, il
-
male d’exploitation requise.
Le CSA conseille là aussi
un minimum d’un hectare
dans le cadre d’une exploi-
tation agricole, mais en réa-
lité, ce sont les agriculteurs
et les consommateurs qui
décident de se lancer dans
l’aventure, peu importe la
-
té. Une fois le groupe for-
mé, les membres prennent
contact avec les réseaux
régionaux, qui les aident à
-
sant un cadre juridique.
Car si les AMAP se pré-
sentent comme asso-
ciation, elles sont toute-
fois soumises à la loi 1901
et considérées comme des
intermédiaires commerciaux, et
de ce fait lucratives et soumises
aux impôts commerciaux. Cette
la colère des agriculteurs des
AMAP. Toutefois, en Aout 2013,
le ministre de l’Agriculture Ste-
-
ture lucrative des AMAP et donc
leur imposition, lorsque les re-
venus engrangés le permettent.
cadre juridique strict réglemente
l’organisation des AMAP et les
relations entre les membres de
l’AMAP. Des contrats sont signés
entre lesAMAP et les agriculteurs,
mais aussi entre les consom-
d’établir par contrat la périodicité
des « paniers » de produit, leur
contenu et leur coût. On distingue
deux temps de distributions : Au-
tomne/Hiver et Printemps/Eté.
Chaque semaine, un lieu et une
horaire sont choisis de façon à
satisfaire le plus grand nombre
de consommateurs, qui peuvent
venir récupérer leur panier, dont
fonction de la saison et des dé-
sirs de chacun. Toutefois, agricul-
teurs et consommateurs restent
conscients de la variabilité des
contenus en fonction des récoltes
et des aléas climatiques.
Pour faire partie d’une AMAP, le
consommateur doit prendre un
abonnement annuel ou trimes-
triel, dont les coûts peuvent varier
de 260 à 550€ pour une période
de 22 semaines par exemples.
Toutefois, pour rester acces-
sible au plus grand nombre, les
moyens de paiement sont mul-
tiples : les agriculteurs peuvent
proposer jusqu’à un règlement
en 6 fois, ainsi que divers amé-
nagement comme des réductions
en échange d’aide journalière à
la ferme. Les consommateurs ne
sont pas que de simples clients
des AMAP. En tant qu’asso-
ciation, tous les membres sont
considérés comme acteurs, à des
degrés différents. Les consom-
mateurs prennent donc part aux
discussions des producteurs sur
la façon de produire et de récolter
les produits.
AMAP/Grande distribution,
la faiblesse des uns fait la
force des autres
Après les scandales qui ont fait
trembler certaines entreprises de
l’agroalimentaire, les consom-
mateurs se montrent de plus en
©SébastienBonnefoy
8
Enquête
des produits qui leur sont pro-
posés. Et c’est notamment sur
ce point que les AMAP se diffé-
rencient des grandes surfaces,
et séduisent les français. En ef-
fet, contrairement aux produits
achetés en grande surface et
en provenance des quatre coins
du globe, les consommateurs
des produits issus des AMAP
savent exactement comment ont
été cultivés les fruits et légumes
qu’ils retrouvent dans leurs as-
siettes. Les AMAP privilégient en
effet un circuit « court », c’est-à-
dire une relation directe et privi-
légiée entre le producteur et le
consommateur. Ce circuit sans
intermédiaire garantit la transpa-
rence, et permet aux consomma-
teurs de contrôler la qualité du
produit. Il est aussi avantageux
pour les agriculteurs qui peuvent
ainsi tenir compte des demandes,
suggestions et récriminations
des consommateurs et qui donc
peuvent plus facilement adapter
leurs produits à la demande.
Un autre des avantages des
AMAP est bien entendu lié à la
-
tant les intermédiaires entre la
production et la vente, les AMAP
peuvent se permettre de propo-
ser des prix de vente légèrement
inférieurs à ceux des produits de
grande surface. Mais surtout, les
clients AMAP apprécient de sa-
voir où va leur argent et pourquoi.
Cette transparence des coûts
rassure, surtout dans un contexte
de crise où les différences entre
les classes sociales sont exacer-
bées.
Les AMAP, un concurrent
sérieux pour la grande
distribution?
Mais comment réagissent les
entreprises de l’agrolaimentaire,
toujours si réactives lorsqu’il
s’agit de préserver leur écono-
mie? En réalité, elles ne se sou-
cient que peu que de ce phéno-
mène qui, bien qu’en plein essor
rassemble aujourd’hui que 200
000 personnes, un chiffre déri-
soire alors que 60% des fruits
et légumes sont encore achetés
en grande surface. Les AMAP,
qui ont étonné dans un premier
temps, reste un phénomène mi-
noritair mais qui pourrait se dé-
velopper au cours des années à
venir.
Une révolte donc, encore à l’état
embryonnaire mais qui dans
le contexte social actuel pour-
rait se développer. André BOU-
CHUT, syndicaliste et membre
de la Confédération Paysanne,
n’envisage pas pour l’instant une
extension des AMAP en tant que
concurrent sérieux de l’agroali-
mentaire, en raison notamment
du choix des circuits courts, qui
s’ils fonctionnent sur une pe-
-
cilement applicable à l’échelle
nationale. Mais face à la toute
puissance des industries agroa-
limentaires, les AMAP rendent
compte d’une volonté nouvelle
de changement, à la fois des mo-
des de consommation mais aussi
des modes de production et de
distribution. Et alors que l’avenir
alimentaire mondial est en sus-
pens, les AMAP pourraient éven-
tuellement être une solution envi-
sageable…
Les AMAP, solution pour l’avenir de l’alimentation mondiale ?
En 1998, lors du colloque de Rambouillet, la Fadear (Fédération Associative pour le Dévelop-
pement de l’Emploi Agricole et Rural) a mis en place la Charte de l’Agriculture Paysanne. Cette
-
jectif d’offrir des perspectives d’avenir aux agriculteurs, mais aussi qui peuvent aussi être vus
comme autant de solutions pour la question de l’avenir de la population mondiale….
-
céder au métier et d’en vivre
Principe n°2 : être solidaire des paysans des autres régions d’Europe et du monde
Principe n°3 : respecter la nature
Principe n°4 : valoriser les ressources abondantes et économiser les ressources rares
Principe n°5 : rechercher la transparence dans les actes d’achat, de production, de transforma-
tion et de vente des produits agricoles
Principe n°6 : assurer la bonne qualité gustative et sanitaire des produits
Principe n°7 : viser le maximum d’autonomie dans le fonctionnement des exploitations
Principe n°8 : rechercher les partenariats avec d’autres acteurs du monde rural
Principe n°9 : maintenir la biodiversité des populations animales élevées et des variétés végé-
tales cultivées
Principe n°10 : raisonner toujours à long terme et de manière globale
Jade TOUSSAY
11
10
LE SOJA, OR NOIR DU
PARAGUAY
Sixième exportateur mondial de soja, quatrième pour la production mondiale et premier pour la
production moyenne de soja par habitant, en une dizaine d’année, le Paraguay est devenu l’un
dédiées uniquement à la culture du soja a doublé, atteignant les deux millions d’hectares. Pourtant
aujourd’hui, le Paraguay est en plein dilemme. Alors que l’économie autour de ce marché est
vus dans la terre fertile du Paraguay un investissement en or, et les Campesinos, ses paysans
qui refusent l’exploitation de leur terre et la suprématie du soja. Pour chacun de ces acteurs, les
enjeux sont considérables…
A
-
guayen, les petits paysans
regroupés sous la bande-
role des « Campesinos » et les
géants industriels sud-américains
du soja. Pour l’un, la terre est le
seul moyen de survie, pour l’autre
-
s’affrontent et se disent prêts à
prendre les armes pour défendre
leurs opinions mais surtout leurs
intérêts.
Paysans locaux, géants
industriel, l’éternel combat
d’exception. Ici comme partout
dans le monde, la lutte entre les
industries de l’agroalimentaire
et les paysans fait rage. Les
Campesinos, un mouvement
de résistance populaire des pe-
OGM, lutte contre l’exploitation à
outrance de leurs terres par les
industries du soja. Pour ces pay-
sans aux revenus plus que mo-
destes, l’agriculture est l’unique
moyen de survie. Mais depuis
plusieurs années, ils voient leur
principale source de revenus leur
échapper. En cause, les groupes
industriels sud américains du
soja, parmi lesquels l’AAPRE-
SID (Association Argentine des
Grands Producteurs de Sojas) ré-
putée proche du groupe Monsan-
to. Mécanisation du travail, ra-
chat des terres agricoles, mais
aussi utilisation de glyphosate,
un herbicide surpuissant… Les
industries n’ont pas lésiné sur les
moyens d’exploitation. Et ce, au
détriment des paysans locaux…
1996. L’industrie du soja pa-
raguayenne prend un tournant.
Les forêts sont rasées, pour lais-
ser place à d’immenses champs
fertiles, que les industriels dé-
dient au soja. Mais loin d’être
une source d’emploi pour les lo-
caux, le développement de cette
culture est synonyme de déclin et
de mort. Mécanisation de l’agri-
culture, rachat des terres pay-
sannes par des exploitants bré-
siliens et argentins, mais aussi
et surtout, intoxication de la terre
et des rivières au glyphosate, un
désherbant puissant auxquels
seuls les OGM peuvent résister.
Le parallèle avec le RoundUp
de Monsanto est évident. Et les
conséquences sont toujours les
mêmes : stérilisation des sols,
diffusion dans l’air des particules
toxiques et intoxication de la po-
pulation, qui a déjà causé la mort
d’un jeune de 11 ans en 2003. A
l’époque, ce drame avait provo-
qué la colère des paysans, qui
s’étaient pour la première fois
ouvertement révoltés. A la tête de
ce mouvement de révolte, Anto-
nia Cabreira. Pour ce paysan qui
défend la biodiversité et le retour
à des techniques de cultures tra-
ditionnelles, la lutte contre l’in-
dustrie du soja est similaire à une
guerre entre les colons brésiliens
et les habitants de la région. Mais
au Paraguay comme au Mexique
et aux Etats-Unis, l’industrie des
semenciers est loin d’être inquié-
tée…
Parmi les défenseurs des exploi-
tations de soja, on trouve sans
surprise des bio-technologistes
et des biochimistes, mais aus-
si des exploitants, pour qui l’ex-
ploitation de soja transgénique
représente une porte d’accès
vers un meilleur niveau de vie.
La plupart ces exploitant est
d’origine brésilienne et a immi-
gré au Paraguay attiré par le
marché du soja. Mais se lan-
a un coût. Il faut compter en
moyenne 50 000$ par an, en
semences et produits dérivés.
Un risque à prendre pour les
exploitants, qui vont souvent
jusqu’à s’endetter et risquent
de tout perdre si la récolte est
mauvaise… ou si les Campesi-
nos s’en mêlent.
Car le mouvement de résis-
tance d’Antonia Cabreira est de
plus en plus actif. Sitting, occupa-
tion illégale de champs, blocage
des tracteurs…Aujourd’hui, les
deux clans se disent armés, et
prêts à en découdre, si le gouver-
nement n’intervient pas…
Entre développement
sociale…
Le glyphosate, tout comme le
RoundUp est loin d’être sans
conséquence sur l’environne-
ment. A cela s’ajoute l’impor-
tante déforestation menée par le
gouvernement et les entreprises
sud-américaine pour agran-
dir les champs exploitables. Un
lourd tribut, donc, à la fois envi-
ronnemental mais aussi culturel,
puisque les ruraux quittent leurs
villages pour se rendre en ville,
où ils tombent souvent dans la
mendicité ou la prostitution. Pour
le gouvernement cependant, dif-
-
sance nationale a augmenté de
13% en Aout dernier, c’est en
grande partie grâce au marché
du soja. Elu en Aout dernier, le
président Horacio Cartès a fait de
la lutte contre la pauvreté une de
ses promesses de campagnes.
Mais celui qui s’est présenté
comme un « businessman » est
aussi le président du conglomérat
Grupo Cartes, qui possède une
vingtaine d’entreprise dans les
secteurs bancaires…et agroali-
Pour les paraguayens, c’est
donc une véritable guerre civile
côtés, l’exaspération monte. Le
Paraguay, pays où un tiers de la
population est considérée comme
démuni et où 20% de la popula-
tion vit sous le seuil de pauvre-
té, est confronté au même choix
qu’un pays comme les Etats-
Unis. Et sa récente exclusion du
Mercosur dont il est pourtant un
des fondateurs n’a fait qu’attiser
les tensions…
©Mercopress
Focus Focus
©OlmaCalvo
Jade TOUSSAY
Contre-pied
CORPORATE EUROPEAN OBSERVATORY,
LA BÊTE NOIRE DES LOBBYISTES
la majeur partie des décisions politiques européennes, une organisation non-gouvernementale
Révéler les dessous de la politique et de l’économie européenne…
12
A
Bruxelles, où se nouent
et se dénouent les intri-
gues de la politique eu-
ropéenne, une organisation non
gouvernementale a décidé de
ans, le Corporate European Ob-
servatory (CEO) travaille à dévoi-
des lobbys et des entreprises,
qui participent selon elle à exa-
cerber les différences sociales
et nuisent à la préservation de
l’environnement. Pour faire face
à des lobbys et entreprises sur-
puissants, l’organisation a décidé
de jouer la carte de la transpa-
rence. Dans cet objectif, CEO a
mis en ligne ses comptes, avec
les dépenses annuelles mais
aussi les montants des subven-
tions versées par des fondations
comme Adessium, Isvara, ou In-
vestigation Agency, qui toutes se
mobilisent pour dévoiler les dé-
rives de la société néo-capitaliste
actuelle. En 2012, l’ONG a donc
récolté 660 930€, pour des dé-
penses s’élevant à 656 634€, soit
-
rence des budgets, mais aussi
indépendance vis-à-vis de l’UE
et des gouvernements des états-
membres, dont CEO ne perçoit
aucune subvention.
de chercheurs indépendants im-
plantés un peu partout en Europe
et dans le monde, mais aussi une
équipe purement administrative,
composé d’un éditeur, d’adminis-
de presse et un conseil consulta-
tif où chaque membre est respon-
sable d’un pays ou d’une région
du monde .
Sous forme de rapports visibles
sur leur site, CEO rend compte
des dysfonctionnements de la po-
litique européenne. Parmi leurs
thèmes de prédilection, le com-
et l’énergie mais aussi l’agro-ali-
mentaire et la EFSA…
“Shame on the bee-killers !”
Roundup pour Monsanto, néo-
nicotinoïde pour Syngenta, Bayer
et BASF ! Cet insecticide hau-
tement toxique est notamment
l’un des principaux responsables
dans la disparition de 20 à 50%
des effectifs des ruches chaque
année. Parmi les autres causes
de cette disparition, les change-
ments climatiques, mais aussi la
disparition de la biodiversité au
-
lon les normes des entreprises
de l’agroalimentaire. En parte-
nariat avec Public Eye Award,
une association qui pointe du
doigt toutes les pratiques com-
merciales irresponsables, CEO
a publié le 26 novembre dernier
un rapport intitulé « Shame on
the bee-killers ! ». L’ONG y dé-
nonce la lourde stratégie mise
en place par les entreprises et
leurs lobbys pour préserver leur
marché de nouvelles législations
et politiques… Syngenta, Bayer
et BASF sont même allés de-
vant la justice pour poursuivre la
Commission Européenne suite à
l’interdiction de commercialiser
leurs produits en Europe. Les
abeilles, pollinisateurs naturels,
sont essentiels à l’environnement
et jouent notamment un rôle cru-
cial dans la chaine de produc-
tions des matières premières
alimentaires. Selon le rapport de
CEO, leur disparition entrainerait
immanquablement une hausse
des coûts de production et donc
de l’alimentaire. «Si l’abeille dis-
paraissait de la surface du globe,
l’homme n’aurait plus que quatre
années à vivre », disait Einstein.
Il n’y a plus qu’à espérer qu’Eins-
tein se soit trompé…
Scandale de la viande de che-
val, excréments dans les plats
le monde de l’agroalimentaire a
été durement secoué. Suite à ces
scandales, l’Autorité Européenne
de Sécurité des Aliments a déci-
dé de durcir sa politique et de re-
dorer son image… en apparence
! Car un rapport du CEO, datant
d’Octobre dernier révèle bien
autre chose. Selon une étude
menée et publiée par le CEO,
209 seraient concernés par un
les entreprises de l’agroalimen-
taire. Quand est-il de leur neu-
tralité supposée, lorsqu’ils sont
rémunérés à la fois par la EFSA
et par les entrepises de l’agroli-
mentaire? Car on le sait bien,
on ne crache pas sur la main qui
nous fait vivre...

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"Patented" - Lobbys agricoles: enjeux et controverses

  • 1. PATENTED ©Santakam LOBBYS AGRICOLES: ENJEUX ET CONTROVERSES 3,50€ Décryptage: L’avenir de l’alimentation mondiale, vu par les lobbys Enquête sur les AMAP: Sont-ils des concurrents potenciels? A la découverte du Corporate European Observatory... Focus: Paragua: le soja fait débat
  • 2. Article Les lobbys. Ces fameux groupes secrets, présents un peu partout dans le monde et pourtant très peu ou mal connus. Des groupes secrets aux véritables entreprises, élaircissements sur le mythe du lobbying… Un mot anglais comme point de départ. A l’origine, le terme de lobby désigne un hall d’entrée, un es- pace où tout le monde est susceptible de se croiser et donc propice aux discussions. En 1830, en Angleterre, on employait le terme de lobby pour désigner les couloirs de la Chambre des communes, un des deux organes qui constituent le Par- lement. Entre deux séances, les membres de groupes de pression pouvaient venir discu- ter avec les parlemen- taires, et donner leur avis voire même les in- cours d’adoption. Aujourd’hui, le terme de lobby est passé dans le langage com- mun comme un syno- nyme de « groupe de pression », selon le dictionnaire Larousse. Et en ce qui concerne le groupe de pression, comme suit : « un or- gane de défense d’in- térêts ou de valeurs, qui essaie par divers moyens (campagnes, action directe, pres- la décision politique dans un sens qui lui soit favorable. » - tion énoncée, l’objectif des entreprises de lob- bying devient évident : faire passer l’intérêt de particuliers, de groupes de personnes ou des entreprises comme un intérêt général. Pour cela, il faut avant tout lui donner un cadre lé- gislatif, autrement dit, faire voter une loi qui sied aux intérêts de ceux qui ont fait appel à l’entreprise de lobbying. Evidemment, qui dit voter une loi dit entrer dans la sphère poli- tique. Les députés sont donc la cible privilé- giée des lobbyistes, qui peuvent aussi en fonc- accéder directement à des ministres parfois très haut placés… Carnet d’adresses Mais comment de simples entreprises parviennent-elles à faire voter une loi ? La réponse tient en deux mots : les contacts. Car un carnet d’adresses bien rempli est essen- tiel dans le milieu du lobbying. Les relations sociales sont au cœur de ce type d’entre- prise. Vie privée/vie publique, la fron- tière est mince dans ce milieu où pour obtenir ce que l’on veut, il faut savoir sé- duire. Emails, pe- tits-déjeuners ou diners « d’affaire », amendements déjà rédigés, pro- messes de sou- tien politique ou dit corruption? Lobbyisme, démocratie et corruption, où est la limite ? Si le lobbying a une si mauvaise image, c’est que pas très loin, plane le spectre de la corrup- tion. Beaucoup voient en effet ces entreprises d’un très mauvais œil, les accusant d’ache- ter certains politiques pour répondre aux exi- gences de leurs clients, parfois très puissants et dont le soutien pour les politiques peut s’avérer décisif. Bien au-delà, il est légitime de s’inter- roger sur la compati- bilité du lobbying dans des pays qui prône la démocratie. Car dans des pays où l’intérêt du peuple est censé pri- mer sur l’intérêt du par- ticulier, le lobbying, qui fait passer l’intérêt d’un petit groupe de per- sonne avant tout, a-t-il sa place ? 2 3 LES LOBBYS EXPLIQUES SOMMAIRE Les lobbys expliqués...p.2 La PAC: «objectif souveraineté» ... p.3 Décryptage «De l’avenir de l’alimention modiale, vu par les lobbys».............p.4-5 Des lobbys au quotidien...p.6 Interview: Rencontre avec Kokopelli...p.7 Enquête: «AMAP, le concurrent inattendu»....p.8-9 Focus: «Le soja, or noir du Paraguay»....p.10-11 C.E.O, bête noire des lobbyistes.....P.12 PATENTED 10, rue Alexandre Parodi 75010 Directeur de la publication: Michel BALDI Directeur de la rédaction: Michel BALDI LA P.A.C: «OBJECTIF SOUVERAINETÉ» Alors que l’Europe aspire à devenir une superpuissance, capable de rivaliser sur tous les domaines avec la Chine et les Etats-Unis, la question agricole devient de plus en plus essentielle. Car pour faire partie des grands, et éviter des pressions économiques internationales aux conséquences démesurées, un pays, et à plus grande échelle une communauté, doit être capable d’assurer l’alimentation de sa population. C’est dans cet état d’esprit que la PAC a vu le jour et n’a depuis cessé de se développer pour tenter de répondre aux nouveaux besoins européens. I nstaurée en 1957 par le Traité de Rome, la Politique Agricole Commune est une des leçons tirées de la Seconde Guerre Mondiale. Après les restrictions et pénuries alimentaires pendant la période d’occupation, les diri- geants des pays européen décide d’assurer leur propre souveraine- té alimentaire. Mise réellement en place en 1962, la PAC s’est donnée pour mission principale d’accroitre la productivité agricole européenne. Pour cela, elle s’est - tre la productivité de l’agriculture, stabiliser les marchés, offrir un niveau de vie équitable à la po- pulation agricole, assurer des prix raisonnables aux consomma- teurs et garantir la sécurité des approvisionnements. Entre 1962 et 1984, la politique de la PAC a donc tourné autour de la question Deux stratégies ont été menées de front : la première portait sur agriculteurs, et la deuxième, plus structurelle a notamment favorisé le gel des terres, les aides à la reconversion et aux investissements. Une stratégie qui a visi- blement portée ses fruits, puisqu’en 1984 l’Europe at- - taire, et est même excéden- taire. Mais cette réussite sera notamment sur la gestion des stocks d’excédents. 1984, l’Europe doit désormais apprendre à gérer ses stocks. Car s’ils apparaissent comme un point positif à première vue, la gestion des stocks nécessite une C’est en 1993 que la réforme MacSharry entre en vigueur. Dé- sormais, les aides allouées aux agriculteurs ne seront plus ver- sées en fonction des prix mais aussi en fonction des aides di- rectes, qui sont calculées sur des des exploitations et aussi leur rendement moyen. Plus concrè- tement, cette réforme s’est donc traduite par une forte diminution des prix de soutien adjugés aux agriculteurs. Cette première réforme sera suivie en 2000 par l’Accord de comme « une révision à mi-par- cours ». La PAC recentre son ac- tion, en se concentrant sur deux piliers essentiels : l’agriculture et le développement durable. Ce deuxième aspect devient vite primordial, alors que la question de l’avenir alimentaire européen prend une importance nouvelle. Un nouveau budget de 40,5 mil- liards d’euros par an est voté et la politique de soutien aux prix agricoles est remplacée par une politique de soutien aux revenus agricoles. Calculées uniquement à partir des revenus, les aides al- louées aux agriculteurs diminuent à nouveau. Par la suite, la PAC accordera une importance crois- sante à la dimension écologique et à la préservation de l’environ- nement. Europe 2020 : le programme français Le 26 Juin 2013, le Parlement européen, la Commission et les - tique agricole commune pour la période 2014-2020. Aujourd’hui première puissance agricole de l’UE, la France compte bien le rester, et prévoit un budget agri- cole de 64 milliards d’euros pour la période 2014-2020. Cette ré- forme se caractérisera notam- ment par un soutien important aux éleveurs et à l’agriculture de montagne, une augmentation de 100 millions d’euros pour l’enve- loppe consacrée à l’installation des jeunes agriculteurs, et une priorité renforcée sur la question des pratiques environnementales et de l’agriculture biologique. Pour la France comme pour l’Union Européenne, il s’agit donc de rester compétitif sur le marché agricole, face à des puissances comme la Chine par exemple. ©Santakam Article
  • 3. 44 5 Décryptage Décryptage DE L’AVENIR DE L’ALIMENTATION MONDIALE, VU PAR LES LOBBYS La question de la surpopulation est de plus en plus fréquemment posée et une autre question la suit de près : comment nourrir l’ensemble de la planète ? Pour apporter des réponses, deux et confédération agricoles. De l’intérêt de chacun, dépend l’avenir de l’alimentation mondiale… A lors que la ques- tion de la surpo- pulation est de plus en plus souvent po- sée, un enjeu demeure: comment nourrir les ha- bitants de la Terre ? Au niveau européen, c’est à Bruxelles que se joue cette partie. Des lobbystes purement agricoles comme ceux de la Confédération Paysanne affrontent ceux des multinatio- nales de l’agroalimen- taire. Intérêts d’un seul, intérêts d’un groupe... Lobbys agricoles, lobbys de l’agroalimentaire : ce qui les oppose Parmi les acteurs de cette lutte, la Confé- dération Paysanne est sans doute l’un des plus importants. Et concer- nant l’avenir de l’ali- mentation mondiale, son avis est très clair : la Confédération pay- sanne se positionne en faveur d’une souverai- neté nationale alimen- taire, qui permettrait selon elle de résoudre en grande partie la question de l’avenir de l’alimentation mondiale. Sur leur site, la Confé- - veraineté alimentaire comme un « droit des populations, de leurs Etats ou Unions à dé- - cole et alimentaire, sans dumping vis-à-vis des pays tiers. », le dum- ping étant synonyme de concurrence déloyale. Cette souveraineté ali- mentaire passe par la priorité donnée à la pro- duction agricole locale pour nourrir la popula- tion, le droit des agri- culteurs de choisir et produire les aliments de leur choix, ainsi que le droit des états à se pro- téger des importations à trop bas prix, qui favo- riseraient la production extérieure au détriment de la production locale. Face à la Confédéra- tion Paysanne, les mul- tinationales comptent elles aussi dans leurs rangs des lobbystes, redoutablement armés, grâce à leurs ressources avec les plus hauts diri- geants. Le cas Monsan- to est sans doute le plus parlant, avec la relation entre les Bush père et l’ANIA, Association Na- tionale des Industries Alimentaires est l’une des associations de dé- fense des entreprises de l’agroalimentaire. A sa tête, Jean-Philippe Girard, chercheur en biologie cellulaire et fon- dateur de l’entreprise lui-même comme un « homme de réseaux ». Dès son investiture, il a clairement établi les objectifs de son man- dat. Il s’agit pour lui de « mettre en place les leviers nécessaires à la croissance, à l’em- ploi et à la restauration des marges de l’indus- trie alimentaire». Mais derrière ces termes soigneusement choisis, en quoi consiste réelle- ment le rôle de l’ANIA ? Pour connaitre leurs po- sitions et leurs objectifs, prenons comme point de départ la révision de la loi de modernisation de l’économie (LME), dite Loi Hamon, soute- nue par Stéphane Le Foll, ministre de l’agri- culture en Mars der- nier. Cette loi a comme objectifs le réquilibrage des relations produc- teurs/distributeurs, une transparence accrue avec des clauses puni- tives en cas de trompe- rie alimentaire, et sur- tout, une réorientation de la PAC en faveur des petits éleveurs. Face à cette modernisation en cours, l’ANIA, soutenue par la Fédération Na- tionale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) et par la Coop de France est mon- tée au créneau. Pour Jean-Philippe Girard, la LME n’a fait qu’aggraver les déséquilibres entre les entreprises du sec- teur de l’agroalimentaire et les entreprises de distributions. Dans un communiqué du mois de Novembre, il désigne cette loi comme « […] le fossoyeur, depuis son entrée en vigueur, des entreprises agroalimen- taires». Il en réclame donc l’abrogation et la négociation sur la base des tarifs de vente des fournisseurs unique- ment. Les dirigeants de l’ANIA, de la FNSEA et de la Coop ont d’aileurs été reçus à Bercy, où ils ont fait valoir leurs po- sitions. L’ANIA défend donc les intérêts des 13 entreprises de l’agroa- limentaire françaises, qui traitent directement avec sept grandes en- treprises de distribution. Une vision productiviste des entreprises qu’elle représente. Des intérêts qui divergent radicale- ment de ceux défendus par la Confédération Paysanne… A intérêts divergents, résultats différents Avec des intérêts aus- si opposés, les solu- tions proposées pour résoudre la question de l’alimentation mondiale sont évidemment diffé- rente. Les lobbys agricoles comme la Confédéra- tion Paysanne ont re- cours à des techniques locales et nationales, qui privilégient les pe- tits agriculteurs et non les entreprises. En Septembre dernier, les membres de la Confé- dération se sont réunis sous le slogan « Des fermes, pas des usines ! ». Sur leur site, ils mi- litent en faveur d’une politique agricole, ba- sée sur la garantie de prix rémunérateurs couvrant les frais de production agricoles et des prix équitables pour les consommateurs, le maintien des fermes - ments favorisant l’ins- tallation de nouvelles structures fermières ainsi que le développe- ment d’une agriculture verte et durable et le dé- veloppemet de la culture de protéines locales, pour favoriser l’indé- pendance des fermes et à long terme la souve- raineté nationale. Ces mesures sont résumées en une phrase, mise en exergue sur leur site « La mission de l’agricul- ture est de nourrir les hommes et non de pro- duire des agro-carbu- rants ! ». Face à eux, les as- sociations comme la FNSEA ou l’ANIA dé- fendent l’innovation et la recherche dans les secteurs agroalimen- taires. Elles regrettent notamment que seu- lement 0,5% du chiffre d’affaire des entreprises françaises soit consacré à cette recherche, ar- guant que deux innova- tions sur trois seraient - nement. Elles militent pour une augmentation du nombre de brevets dans le secteur de l’ali- mentation et des bois- sons, qui n’en compte que 2%, selon les chiffres du Ministère de l’Agroalimentaire. Dans ce sens, l’ANIA a pour partenaire des instituts et centre de recherches publiques comme l’IN- RA, mais aussi privés. haut et fort, l’ANIA va donc dans le sens de la culture des OGM et hybrides, qui permet- traient aux entreprises de l’agroalimentaire dé- tentrice des brevets et techniques de produc- tion de contrôler l’avenir de la production alimen- taire mondiale. Deux partis antago- nistes, deux solutions pour l’avenir de l’ali- mentation mondiale. D’un côté, les agricul- teurs « traditionnels », qui voient dans la souveraineté nationale alimentaire une solu- écologique. De l’autre, des entreprises multina- tionales, qui souhaitent contrôler les moyens de productions, tout en engrangeant des En France, la lutte fait rage. Contrairement à certains pays comme les Etats-Unis, les lob- bys agricoles ont en- négligeable au sein des commissions politiques. La culture française, très liée à l’agriculture n’y est sans doute pas pour rien. Mais à l’heure le maitre-mot, l’avenir s’annonce plus déli- cat… © Mathieu Eisinger L’importance de la libre circulation et reproduction des semences libres de droits pour l’avenir de l’alimentation mondiale, vu par Ananda Guillet, directeur de Kokopelli «C’est primordial dans la mesure où sans cela, nous allons droit vers une uniformisation des variétés, ce qui aurait des conséquences inimaginables sur les êtres vivants, humains comme végétaux, pour qui la diversité est essentielle. Et c’est sans compter l’aspect économique de la chose. Lorsqu’un agriculteur utilise des OGM ou même des hybrides, il est entièrement dépendant de l’entreprise: la semence est patentée, donc il doit la ra- cheter cahque année, avec en plus toute une panoplie d’engrais de synthèse, de produits chimiques, de pesticides… La multinationale a tout à y gagner. Si on va plus loin, cette mainmise des industrie sur la reproduction des semences a même des conséquences sur l’avenir de l’agriculture biologique. En réalité depuis 60ans, on a tué les sols, ils n’ont plus de nutriments. Ça serait un champ de polystyrène que ça serait pareil… Même si tout le monde se réveillait demain en voulant passer à l’agriculture bio, on ne pourrait pas. Il faut être réaliste. - sentent les OMG et les hybrides comme une solution mais c’est faux. Il faut savoir qu’entre une tomate naturelle et une tomate hybride la différence est énorme : la tomate hybride, qui est gorgée de produits chimiques et d’eau n’a plus rien à voir avec une vraie tomate. Il n’y a plus de nutriments, de ce qui fait une tomate. Quand on la mange, on mange de l’eau.» Jade TOUSSAY
  • 4. 6 DES LOBBYS DANS LE QUOTIDIEN L’action des lobbys est quasiment impossible à voir pour le consommateur. Rares sont ceux qui connaissent véritablement l’impact des entreprises de lobbying de l’agroalimentaire sur des produits qu’ils consomment pourtant au quotidien. Mais derrière les propagandes “gouvernementales” et les “décisions de l’Assemblée”, les lobbyistes ne sont peut-être pas si loin… “Pour votre santé, évitez les ali- ments trop gras, trop salés, trop sucrés”. Une phrase anodine apparue sur les chaines de télé- vision en 2006, suite à la cam- pagne de l’OMS contre l’obési- té. Sauf que cette phrase est en réalité le fruit d’un ardent travail de lobbyisme des entreprises agroalimentaires, contre l’AFS- SA, l’Agence Française de Sécu- rité Saniraire de l’Alimentation. A l’origine, l’idée émise en 2004 en- visageait la suppression pure et simple des publicités alimentaires pour les enfants, méthode qui a déjà fait ses preuves au Qué- bec et en Suède. Huit ans plus tard en France, rien n’a pourtant changé, si ce n’est l’apparition de ces fameuses phrases d’avertis- sement. Comment en arrive-t-on de la suppression de publicités à un spot publiciatire aux effets très contestés? “Mangez au moins cinq fruits et légumes par jour” Suite à la demande formulée par l’AFSSA, l’ANIA, la princi- pale association de l’agroalimen- taire, avait immédiatement réagi “ Vous aurez des problèmes avec vos chaînes de télé préférées. Laissez-nous en paix, on vous renverra la balle.” Le message est clair. Le ministre de la San- alors opté pour l’adoption de ces bandeaux préventifs, sans céder complètement à la pression de l’agroalimentaire: à compter de Janvier 2006, ces messages pré- ventifs devaient obligatoirement être présents dans les publicités alimentaires, sous peine pour les annonceurs de devoir verser une taxe à l’Institut National de Pré- vention et d’Education à la Santé (INPES), correspondant à 1,5% des sommes investies dans la dif- fusion des spots. Malgré des ré- actions virulentes de l’ANIA, cette dernière mesure fut respectée. Mais ce n’est pas là la seule ba- taille entre lobbyistes et profes- sionnels de la santé... Des feux tricolores aux tableaux nutritionnels… - tités de sucre ou de graisse sont contenues dans les aliments. De petits tableaux nutritionnels sont pourtant censés aider les concommateurs. Mais qui y com- prend quelque chose? En Angleterre, le système des Feux Tricolores a résolu le pro- blème. Le procédé est simple: à côté de chaque ingrédient utili- son grammage, et surtout, un petit rond vert, orange ou rouge. L’idée? Quand la quantité est trop importante et peut nuire à la san- té, le feu est rouge. A l’inverse, si la quantité est faible, il sera vert. Qu’en est-il en France et dans le reste de l’Europe? C’est la Cor- porate Europe Observatory, une ONG basée à Bruxelles où elle dé- nonce les actions des entreprises de lobbying, qui éclaire l’affaire. En Juin 2010, elle publie un rap- port “Feu rouge pour l’information des consommateurs”, qui dévoile les manoeuvres des groupes de pression, responsables selon elle du rejet des Feux Tricolores par la Comission Européenne. Parmi les arguments avancés par les lobbyistes, une étude en faveur de la mise en place des tableaux, réalisée par l’European Food In- formation Council, un institut en parmi lesquels Nestlé et Co- ca-Cola et dont la directrice est Joséphine Wills, ex-directrice en chef du lobby du groupe Mars… total, les lobbysites auront dépen- sé un milliards d’euros dans cette affaire. Une somme dérisoire, par rapport à ce qu’ils aauraien pu perdre avec ces faleux Feux Tri- colores... ne vous concernait pas, vous voi- là prévenus. Au quotidien, dans l’agriculture comme ailleurs, une décision n’est jamais prise à la légère. Et derrière chacune, des acteurs y jouent leurs intérêts. ©Mondelex2013 7 Interview ANANDA GUILLET «KOKOPELLI NE FAIT PAS DANS LA DEMI-MESURE» Comment travaillez- vous ? Nous sommes très actifs sur le web mais nous sommes essentiellement sur le terrain, en distribuant le plus de semences libres et reproductibles possibles à nos adhérents. Plus techniquement, nous avons deux modes de distributions. Au niveau de la France, nous commercialisons les semences. Cette gamme « Boutique » est produite par des producteurs professionnels. En France, on compte environ 9000 adhérents, pas forcément du milieu militant. Pour les pays les plus pauvres, nous avons une gamme «Collections et dons», produite par nos adhérents. Ce sont eux qui parrainent certaines variétés, en récoltent la semence et nous la renvoient. Nous l’envoyons après par le biais de notre compagnie «Semences sans frontières», à la demande d’ONG ou d’associations européennes. Nous sommes obligés de cibler des organisations reconnues car les coûts engagés sont importants, il faut donc s’assurer que c’est une action sur le long terme. En moyenne, 350 colis, de 1,5kg à 3kg partent tous les ans avec de la documentation pour que les communautés qui les reçoivent puissent devenir autonomes. Quelle est votre position vis-à-vis de vos opposants mais aussi des associations similaires? Nous nous battons ef- fectivement contre la mainmise de l’industrie de la pétrochimie parce que pour nous les se- mences libres et repro- ductibles doivent appar- tenir au domaine public et ne peuvent pas être soumises à une législa- tion quelconque. Pour l’Etat, Kokopelli est sur liste rouge, à abattre parce que nous sommes les seuls en Europe à aller jusque devant les tribunaux pour notre tra- vail. C’est vraiment du militantiseme. Après nous n’avons jamais vraiment été confronté directement à des lobbyistes. On se doute que lorsque nous sommes attaqués il y a quelques grands groupes derrière mais ça reste une supposi- tion. Pour les autres asso- ciations comme «Se- mons la biodiversité», il n’y a pas vraiment de comparaison possible. Kokopelli refuse la de- mi-mesure, alors q’eux cherchent des compro- mis. Notre position est beaucoup plus radicale. Trois textes de loi autour de la protection des entreprises de semences sont actuellement étudiés. Votre position? Si ces lois visent à entraver le travail de Kokopelli, nous ne les respecterons pas. Nous sommes de toute fa- çon déjà dans l’illégalité aux yeux du gouverne- ment. Depuis des an- nées, nous subissons des pressions de ce type. C’est une aberra- tion quand on sait que les semences que nous distribuons ne sont pas inscrites au catalogue GNIS (ndlr : Groupement National Interprofessionnel des Semences dont le ca- talogue). Peut-on parler d’une volonté mondiale de changer l’agriculture ? Oui bien sûr, en France et même en Europe, c’est un sujet dont on parle de plus en plus. Les gens ont envie d’avoir de beaux légumes, de bonnes semences qu’ils peuvent après replanter. Il y a une véritable prise de conscience sur la nécessité de conserver ces vraies variétés. Et dans les pays pauvres, les gens ont tout simplement. En Inde, les agriculteurs se suicidaient en buvant du Roundup. C’est très volonté de changer les méthodes. Aujourd’hui au Costa Rica, plus de 80% des communautés de communes qui refusent les OGM. C’est un exploit unique. Ça révèle un mouvement, une révolte mondiale. continue à militer en faveur de la libre circulation des semences libres de droit et reproductibles. En France mais aussi dans le monde, Kokopelli plante, récolte et redistribue, offrant à tout un chacun une possibilité d’indépendance alimentaire. Propos recueuillis par Jade Tousssay ©Nestlé Article
  • 5. 9 Enquête AMAP: LA REVANCHE DU CONCURRENT INATTENDU ?C’est un fait, les entreprises de l’agroalimentaire pèsent lourd dans la balance économique mondiale. Bien souvent, elles édiectent les règles, et ne laissent que peux de chances aux petits producteurs. Pourtant, depuis plusieurs années, un mouvement de résistance se développe. Les AMAP, Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne se multiplient, portées par des producteurs et des consommateurs las de se plier aux lois du marché agroalimentaire. Enquête sur ces nouveaux modes de produtcion et de distributions. U ne AMAP nait de la ren- contre entre un produc- teur désireux de vendre ses produits sans passer par le schéma classique de la grande distribution et des consomma- teurs soucieux de la qualité de leurs aliments mais aussi qui sou- haitent participer au développe- ment d’une agriculture plus saine et mieux répartie. Le système de l’AMAP établit une relation directe entre l’agriculteur et le consom- mateur, sans passer par le biais d’intermédiaire comme c’est tou- jours le cas dans la grande dis- tribution. Il n’y a pas de nombre minimal de consommateurs pour démarrer une AMAP. Le CSA (Agriculture Soutenue par la Communauté) conseille à mini- ma une vingtaine de personne, mais ces chiffres restent indica- tifs et certaines AMAP ont démar- ré avec en tout et pour tout six personnes. De même, il - male d’exploitation requise. Le CSA conseille là aussi un minimum d’un hectare dans le cadre d’une exploi- tation agricole, mais en réa- lité, ce sont les agriculteurs et les consommateurs qui décident de se lancer dans l’aventure, peu importe la - té. Une fois le groupe for- mé, les membres prennent contact avec les réseaux régionaux, qui les aident à - sant un cadre juridique. Car si les AMAP se pré- sentent comme asso- ciation, elles sont toute- fois soumises à la loi 1901 et considérées comme des intermédiaires commerciaux, et de ce fait lucratives et soumises aux impôts commerciaux. Cette la colère des agriculteurs des AMAP. Toutefois, en Aout 2013, le ministre de l’Agriculture Ste- - ture lucrative des AMAP et donc leur imposition, lorsque les re- venus engrangés le permettent. cadre juridique strict réglemente l’organisation des AMAP et les relations entre les membres de l’AMAP. Des contrats sont signés entre lesAMAP et les agriculteurs, mais aussi entre les consom- d’établir par contrat la périodicité des « paniers » de produit, leur contenu et leur coût. On distingue deux temps de distributions : Au- tomne/Hiver et Printemps/Eté. Chaque semaine, un lieu et une horaire sont choisis de façon à satisfaire le plus grand nombre de consommateurs, qui peuvent venir récupérer leur panier, dont fonction de la saison et des dé- sirs de chacun. Toutefois, agricul- teurs et consommateurs restent conscients de la variabilité des contenus en fonction des récoltes et des aléas climatiques. Pour faire partie d’une AMAP, le consommateur doit prendre un abonnement annuel ou trimes- triel, dont les coûts peuvent varier de 260 à 550€ pour une période de 22 semaines par exemples. Toutefois, pour rester acces- sible au plus grand nombre, les moyens de paiement sont mul- tiples : les agriculteurs peuvent proposer jusqu’à un règlement en 6 fois, ainsi que divers amé- nagement comme des réductions en échange d’aide journalière à la ferme. Les consommateurs ne sont pas que de simples clients des AMAP. En tant qu’asso- ciation, tous les membres sont considérés comme acteurs, à des degrés différents. Les consom- mateurs prennent donc part aux discussions des producteurs sur la façon de produire et de récolter les produits. AMAP/Grande distribution, la faiblesse des uns fait la force des autres Après les scandales qui ont fait trembler certaines entreprises de l’agroalimentaire, les consom- mateurs se montrent de plus en ©SébastienBonnefoy 8 Enquête des produits qui leur sont pro- posés. Et c’est notamment sur ce point que les AMAP se diffé- rencient des grandes surfaces, et séduisent les français. En ef- fet, contrairement aux produits achetés en grande surface et en provenance des quatre coins du globe, les consommateurs des produits issus des AMAP savent exactement comment ont été cultivés les fruits et légumes qu’ils retrouvent dans leurs as- siettes. Les AMAP privilégient en effet un circuit « court », c’est-à- dire une relation directe et privi- légiée entre le producteur et le consommateur. Ce circuit sans intermédiaire garantit la transpa- rence, et permet aux consomma- teurs de contrôler la qualité du produit. Il est aussi avantageux pour les agriculteurs qui peuvent ainsi tenir compte des demandes, suggestions et récriminations des consommateurs et qui donc peuvent plus facilement adapter leurs produits à la demande. Un autre des avantages des AMAP est bien entendu lié à la - tant les intermédiaires entre la production et la vente, les AMAP peuvent se permettre de propo- ser des prix de vente légèrement inférieurs à ceux des produits de grande surface. Mais surtout, les clients AMAP apprécient de sa- voir où va leur argent et pourquoi. Cette transparence des coûts rassure, surtout dans un contexte de crise où les différences entre les classes sociales sont exacer- bées. Les AMAP, un concurrent sérieux pour la grande distribution? Mais comment réagissent les entreprises de l’agrolaimentaire, toujours si réactives lorsqu’il s’agit de préserver leur écono- mie? En réalité, elles ne se sou- cient que peu que de ce phéno- mène qui, bien qu’en plein essor rassemble aujourd’hui que 200 000 personnes, un chiffre déri- soire alors que 60% des fruits et légumes sont encore achetés en grande surface. Les AMAP, qui ont étonné dans un premier temps, reste un phénomène mi- noritair mais qui pourrait se dé- velopper au cours des années à venir. Une révolte donc, encore à l’état embryonnaire mais qui dans le contexte social actuel pour- rait se développer. André BOU- CHUT, syndicaliste et membre de la Confédération Paysanne, n’envisage pas pour l’instant une extension des AMAP en tant que concurrent sérieux de l’agroali- mentaire, en raison notamment du choix des circuits courts, qui s’ils fonctionnent sur une pe- - cilement applicable à l’échelle nationale. Mais face à la toute puissance des industries agroa- limentaires, les AMAP rendent compte d’une volonté nouvelle de changement, à la fois des mo- des de consommation mais aussi des modes de production et de distribution. Et alors que l’avenir alimentaire mondial est en sus- pens, les AMAP pourraient éven- tuellement être une solution envi- sageable… Les AMAP, solution pour l’avenir de l’alimentation mondiale ? En 1998, lors du colloque de Rambouillet, la Fadear (Fédération Associative pour le Dévelop- pement de l’Emploi Agricole et Rural) a mis en place la Charte de l’Agriculture Paysanne. Cette - jectif d’offrir des perspectives d’avenir aux agriculteurs, mais aussi qui peuvent aussi être vus comme autant de solutions pour la question de l’avenir de la population mondiale…. - céder au métier et d’en vivre Principe n°2 : être solidaire des paysans des autres régions d’Europe et du monde Principe n°3 : respecter la nature Principe n°4 : valoriser les ressources abondantes et économiser les ressources rares Principe n°5 : rechercher la transparence dans les actes d’achat, de production, de transforma- tion et de vente des produits agricoles Principe n°6 : assurer la bonne qualité gustative et sanitaire des produits Principe n°7 : viser le maximum d’autonomie dans le fonctionnement des exploitations Principe n°8 : rechercher les partenariats avec d’autres acteurs du monde rural Principe n°9 : maintenir la biodiversité des populations animales élevées et des variétés végé- tales cultivées Principe n°10 : raisonner toujours à long terme et de manière globale Jade TOUSSAY
  • 6. 11 10 LE SOJA, OR NOIR DU PARAGUAY Sixième exportateur mondial de soja, quatrième pour la production mondiale et premier pour la production moyenne de soja par habitant, en une dizaine d’année, le Paraguay est devenu l’un dédiées uniquement à la culture du soja a doublé, atteignant les deux millions d’hectares. Pourtant aujourd’hui, le Paraguay est en plein dilemme. Alors que l’économie autour de ce marché est vus dans la terre fertile du Paraguay un investissement en or, et les Campesinos, ses paysans qui refusent l’exploitation de leur terre et la suprématie du soja. Pour chacun de ces acteurs, les enjeux sont considérables… A - guayen, les petits paysans regroupés sous la bande- role des « Campesinos » et les géants industriels sud-américains du soja. Pour l’un, la terre est le seul moyen de survie, pour l’autre - s’affrontent et se disent prêts à prendre les armes pour défendre leurs opinions mais surtout leurs intérêts. Paysans locaux, géants industriel, l’éternel combat d’exception. Ici comme partout dans le monde, la lutte entre les industries de l’agroalimentaire et les paysans fait rage. Les Campesinos, un mouvement de résistance populaire des pe- OGM, lutte contre l’exploitation à outrance de leurs terres par les industries du soja. Pour ces pay- sans aux revenus plus que mo- destes, l’agriculture est l’unique moyen de survie. Mais depuis plusieurs années, ils voient leur principale source de revenus leur échapper. En cause, les groupes industriels sud américains du soja, parmi lesquels l’AAPRE- SID (Association Argentine des Grands Producteurs de Sojas) ré- putée proche du groupe Monsan- to. Mécanisation du travail, ra- chat des terres agricoles, mais aussi utilisation de glyphosate, un herbicide surpuissant… Les industries n’ont pas lésiné sur les moyens d’exploitation. Et ce, au détriment des paysans locaux… 1996. L’industrie du soja pa- raguayenne prend un tournant. Les forêts sont rasées, pour lais- ser place à d’immenses champs fertiles, que les industriels dé- dient au soja. Mais loin d’être une source d’emploi pour les lo- caux, le développement de cette culture est synonyme de déclin et de mort. Mécanisation de l’agri- culture, rachat des terres pay- sannes par des exploitants bré- siliens et argentins, mais aussi et surtout, intoxication de la terre et des rivières au glyphosate, un désherbant puissant auxquels seuls les OGM peuvent résister. Le parallèle avec le RoundUp de Monsanto est évident. Et les conséquences sont toujours les mêmes : stérilisation des sols, diffusion dans l’air des particules toxiques et intoxication de la po- pulation, qui a déjà causé la mort d’un jeune de 11 ans en 2003. A l’époque, ce drame avait provo- qué la colère des paysans, qui s’étaient pour la première fois ouvertement révoltés. A la tête de ce mouvement de révolte, Anto- nia Cabreira. Pour ce paysan qui défend la biodiversité et le retour à des techniques de cultures tra- ditionnelles, la lutte contre l’in- dustrie du soja est similaire à une guerre entre les colons brésiliens et les habitants de la région. Mais au Paraguay comme au Mexique et aux Etats-Unis, l’industrie des semenciers est loin d’être inquié- tée… Parmi les défenseurs des exploi- tations de soja, on trouve sans surprise des bio-technologistes et des biochimistes, mais aus- si des exploitants, pour qui l’ex- ploitation de soja transgénique représente une porte d’accès vers un meilleur niveau de vie. La plupart ces exploitant est d’origine brésilienne et a immi- gré au Paraguay attiré par le marché du soja. Mais se lan- a un coût. Il faut compter en moyenne 50 000$ par an, en semences et produits dérivés. Un risque à prendre pour les exploitants, qui vont souvent jusqu’à s’endetter et risquent de tout perdre si la récolte est mauvaise… ou si les Campesi- nos s’en mêlent. Car le mouvement de résis- tance d’Antonia Cabreira est de plus en plus actif. Sitting, occupa- tion illégale de champs, blocage des tracteurs…Aujourd’hui, les deux clans se disent armés, et prêts à en découdre, si le gouver- nement n’intervient pas… Entre développement sociale… Le glyphosate, tout comme le RoundUp est loin d’être sans conséquence sur l’environne- ment. A cela s’ajoute l’impor- tante déforestation menée par le gouvernement et les entreprises sud-américaine pour agran- dir les champs exploitables. Un lourd tribut, donc, à la fois envi- ronnemental mais aussi culturel, puisque les ruraux quittent leurs villages pour se rendre en ville, où ils tombent souvent dans la mendicité ou la prostitution. Pour le gouvernement cependant, dif- - sance nationale a augmenté de 13% en Aout dernier, c’est en grande partie grâce au marché du soja. Elu en Aout dernier, le président Horacio Cartès a fait de la lutte contre la pauvreté une de ses promesses de campagnes. Mais celui qui s’est présenté comme un « businessman » est aussi le président du conglomérat Grupo Cartes, qui possède une vingtaine d’entreprise dans les secteurs bancaires…et agroali- Pour les paraguayens, c’est donc une véritable guerre civile côtés, l’exaspération monte. Le Paraguay, pays où un tiers de la population est considérée comme démuni et où 20% de la popula- tion vit sous le seuil de pauvre- té, est confronté au même choix qu’un pays comme les Etats- Unis. Et sa récente exclusion du Mercosur dont il est pourtant un des fondateurs n’a fait qu’attiser les tensions… ©Mercopress Focus Focus ©OlmaCalvo Jade TOUSSAY
  • 7. Contre-pied CORPORATE EUROPEAN OBSERVATORY, LA BÊTE NOIRE DES LOBBYISTES la majeur partie des décisions politiques européennes, une organisation non-gouvernementale Révéler les dessous de la politique et de l’économie européenne… 12 A Bruxelles, où se nouent et se dénouent les intri- gues de la politique eu- ropéenne, une organisation non gouvernementale a décidé de ans, le Corporate European Ob- servatory (CEO) travaille à dévoi- des lobbys et des entreprises, qui participent selon elle à exa- cerber les différences sociales et nuisent à la préservation de l’environnement. Pour faire face à des lobbys et entreprises sur- puissants, l’organisation a décidé de jouer la carte de la transpa- rence. Dans cet objectif, CEO a mis en ligne ses comptes, avec les dépenses annuelles mais aussi les montants des subven- tions versées par des fondations comme Adessium, Isvara, ou In- vestigation Agency, qui toutes se mobilisent pour dévoiler les dé- rives de la société néo-capitaliste actuelle. En 2012, l’ONG a donc récolté 660 930€, pour des dé- penses s’élevant à 656 634€, soit - rence des budgets, mais aussi indépendance vis-à-vis de l’UE et des gouvernements des états- membres, dont CEO ne perçoit aucune subvention. de chercheurs indépendants im- plantés un peu partout en Europe et dans le monde, mais aussi une équipe purement administrative, composé d’un éditeur, d’adminis- de presse et un conseil consulta- tif où chaque membre est respon- sable d’un pays ou d’une région du monde . Sous forme de rapports visibles sur leur site, CEO rend compte des dysfonctionnements de la po- litique européenne. Parmi leurs thèmes de prédilection, le com- et l’énergie mais aussi l’agro-ali- mentaire et la EFSA… “Shame on the bee-killers !” Roundup pour Monsanto, néo- nicotinoïde pour Syngenta, Bayer et BASF ! Cet insecticide hau- tement toxique est notamment l’un des principaux responsables dans la disparition de 20 à 50% des effectifs des ruches chaque année. Parmi les autres causes de cette disparition, les change- ments climatiques, mais aussi la disparition de la biodiversité au - lon les normes des entreprises de l’agroalimentaire. En parte- nariat avec Public Eye Award, une association qui pointe du doigt toutes les pratiques com- merciales irresponsables, CEO a publié le 26 novembre dernier un rapport intitulé « Shame on the bee-killers ! ». L’ONG y dé- nonce la lourde stratégie mise en place par les entreprises et leurs lobbys pour préserver leur marché de nouvelles législations et politiques… Syngenta, Bayer et BASF sont même allés de- vant la justice pour poursuivre la Commission Européenne suite à l’interdiction de commercialiser leurs produits en Europe. Les abeilles, pollinisateurs naturels, sont essentiels à l’environnement et jouent notamment un rôle cru- cial dans la chaine de produc- tions des matières premières alimentaires. Selon le rapport de CEO, leur disparition entrainerait immanquablement une hausse des coûts de production et donc de l’alimentaire. «Si l’abeille dis- paraissait de la surface du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre », disait Einstein. Il n’y a plus qu’à espérer qu’Eins- tein se soit trompé… Scandale de la viande de che- val, excréments dans les plats le monde de l’agroalimentaire a été durement secoué. Suite à ces scandales, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments a déci- dé de durcir sa politique et de re- dorer son image… en apparence ! Car un rapport du CEO, datant d’Octobre dernier révèle bien autre chose. Selon une étude menée et publiée par le CEO, 209 seraient concernés par un les entreprises de l’agroalimen- taire. Quand est-il de leur neu- tralité supposée, lorsqu’ils sont rémunérés à la fois par la EFSA et par les entrepises de l’agroli- mentaire? Car on le sait bien, on ne crache pas sur la main qui nous fait vivre...