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Le département a achevé les opérations d’aménagement sur les parcs de
Villers-Semeuse et de Château-Porcien. Il a engagé des négociations pour céder les parcs aux
établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) concernés.
Compte tenu de la situation financière des opérations en cours, il pourrait être conduit à
financer les pertes ou tout au moins à participer à leur apurement.
8. LE BAIL EMPHYTEOTIQUE ADMINISTRATIF CONCLU AVEC BATIMUR
Le département a conclu en 2010 un bail emphytéotique administratif (BEA) avec la
société Batimur, filiale de la Caisse d’Epargne, pour la mise à disposition et l’entretien de
27 casernes de gendarmerie et 175 garages destinés à l’usage personnel des militaires. Le bail
a une durée de quarante ans. Il est prévu d’y adjoindre quatre nouvelles casernes.
8.1. Contexte, objet et enjeux du contrat
Le contexte
Les collectivités territoriales et leurs établissements publics sont historiquement impliqués
dans les questions immobilières de la gendarmerie nationale (GN). Cela ne relève pas de leurs
compétences obligatoires.
Le bail emphytéotique administratif (BEA), institué par l'article 3 de la loi n° 2002-1094 du
29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) permet
notamment aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération
intercommunale de mettre à disposition un terrain au profit d'un opérateur qui assure le
financement et la construction/rénovation/extension de l'ouvrage et son entretien en contrepartie
d'un loyer financier versé. Ce dispositif faisait l’objet d’incitations des pouvoirs publics. Il est
codifié à l’article L. 1311-4-1 du CGCT et a été reconduit jusqu’au 31 décembre 2017.
En février 2008, à partir du constat que le parc vieillit (casernes construites entre 1950 et
1990), ce qui entraine la hausse des charges d’entretien et un besoin croissant de rénovation que
les services ne peuvent assurer, le choix est fait de recourir au BEA. Aucune étude préalable du
besoin et du coût financier n’est réalisée et aucune autre solution n’est étudiée.
Objet et enjeux du contrat
Par contrat du 28 septembre 2010, le département donne à bail, pour une durée de
quarante ans, ses 27 casernes, dont la gendarmerie demeure locataire, en vue du financement
et la réalisation de travaux de rénovation, de gros entretien, voire d’amélioration et d’extension.
En contrepartie, l’emphytéote s’oblige dans la tranche ferme à :19
- la remise en état des casernes dans les quatre premières années du bail ;
- la réalisation des travaux à sa charge et la vérification de la réalisation des travaux à la
charge du locataire ;
- la perception des loyers ;
- au paiement au département d’un loyer annuel qui sera capitalisé en un seul versement
(« canon »).
Au titre de la tranche complémentaire, Batimur s’engage à réaliser les travaux
d’amélioration souhaités par la gendarmerie nationale. Les augmentations de loyer consécutives
seront fixées par France Domaine. Au titre de la tranche conditionnelle, l’emphytéote s’oblige à
réaliser les travaux d’extension nécessaires, dont les actualisations de loyers, par voie d’avenant,
seront aussi fixées par France Domaine.
19
Article 1 du contrat.
Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes
CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST
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En outre, quatre nouvelles casernes, en cours de construction à la signature du contrat,
font l’objet d’une autre tranche conditionnelle. Elles pourront être incluses au contrat par avenant
conclu dans un délai de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur du bail.
Si le BEA est constitutif de droits réels au profit de l’emphytéote, les conventions de
location des casernes subsistent et l’emphytéote ne peut les résilier. Le montage contractuel se
compose principalement du BEA et des conventions de location des immeubles et garages entre
le département et la Gendarmerie nationale, cédées par voie d’avenant à l’emphytéote.
En annexe 10 du bail, le plan d’investissement des quatre premières années précise :
- le contenu des travaux au titre de chaque tranche du contrat, dont les montants sont
indiqués à l’annexe 19 ;
- le contenu des travaux des trois programmes de réhabilitation des immeubles, selon
qu’elle soit légère, moyenne ou étendue ;
- pour chaque caserne, la réhabilitation proposée par l’emphytéote.
A ce stade, les travaux de rénovation initiale sont évalués à 11 M€. Les travaux
d’amélioration génèreront une révision des loyers de 6 %. Le taux de révision lié aux travaux
d’extension sera déterminé après réalisation de ceux-ci.
Le contrat stipule le montant des investissements pour chaque tranche et chaque caserne
(annexe 19). Au titre des tranches 1 et 2, il s’élève à 16,4 M€ TTC.
Tableau 6 : Le montant des investissements initiaux (en m€/TTC)
Tranche Investissement
1 - INV 11 088
Commissions et frais 561
2 - INV 4 646
Commissions et frais 58
Total 16 353
Canon 1 15 500
Total 31 853
Source : CRC, à partir de l’annexe 20 au contrat
Leur financement est assuré par un emprunt souscrit pour 33 ans, à trimestrialité
constante à compter de la 4ème
année et au taux fixe de 5,40 %. L’équilibre financier a été calculé
principalement sur une évolution prévisionnelle annuelle de 2,6 % de l’indice du coût de la
construction (ICC).
A partir de cette prévision, le contrat stipule, dans son article 13.1, qu’un compte
d’ajustement enregistre les recettes réelles et les dépenses prévues en exécution. Au terme du
bail, le département recevra le solde créditeur ou versera à l’emphytéote le solde débiteur. Dans
les deux cas, pendant le bail, son montant ne pourra excéder 20 % du total des investissements
initiaux, soit +/- 6,4 M€. Un avenant pourrait alors être conclu, en cas de dépassement de ce
seuil, allongeant ou raccourcissant la durée de financement dans la limite de la durée du bail.
Les prix des contrats de rénovation et de maintenance sont forfaitaires et actualisés en
fonction de l’évolution de l’ICC.
Si les rapports annuels d’activité prévus à l’article 14.2 du contrat sont élaborés, le
contenu des rapports relatifs aux années 2011 à 2014 ne respecte pas complètement les
dispositions contractuelles. Ainsi, le responsable des affaires immobilières du groupement
départemental de gendarmerie ne les vise pas. L’activité de l’agent technique mis à disposition,
Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes
CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST
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chargé de l’entretien courant des locaux, n’y est pas relatée. Elle n’a été détaillée que
ponctuellement, en août 2013.
Le département ne demande pas d’explications et de justificatifs de certains frais,
notamment l’actualisation du coût des frais de gestion de l’emphytéote (article 13.1 du BEA). Ce
dernier n’en donne pas. La chambre prend note de l’engagement du département à suivre les
sommes imputées au compte d’ajustement.
Le rapport annuel 2014 mentionne que les loyers des garages sont encaissés par Sotram,
locateur d’ouvrage au sens de l’article 1779 du code civil. Leur reversement à Batimur
(soit 117 m€ depuis le 1er
octobre 2010) en mai 2016 a été tardif. Alors que le président du conseil
départemental considère que cela n’a pas eu d’incidence financière, la chambre rappelle que sur
le montant du solde débiteur du compte d’ajustement, en application de l’article 3.3.1 de la
convention de crédit entre Batimur et la banque qui finance le projet, des intérêts sont facturés
au taux T4M + 1 %. Toute somme perçue avec retard par l’emphytéote, alors que le solde du
compte d’ajustement est débiteur, engendre un coût financier supporté par le département au
terme du contrat.
Par ailleurs, en l’état actuel de la réglementation concernant la tenue du bilan et
l’annexe IV des états financiers, il n’existe pas d’obligation d’information concernant ce type de
contrat. Dans un effort de transparence, cependant, le département fournit en annexe de son
compte administratif une information sur le BEA. Il utilise le cadre de l’annexe C3-engagement
hors bilan-état des contrats de partenariat public-privé. Il y indique divers éléments (date de
signature, type de prestation, durée et échéance du contrat, et montant prévu au titre du contrat).
Au titre de l’information financière, les montants de 10,3 M€ et de 4,3 M€ sont indiqués. Ces
éléments ne sont pas suffisants. Bien qu’il n’existe pas d’obligation réglementaire, la valorisation
du contrat et le montant des prestations prévues pourraient, par exemple, être détaillés.
Le BEA représente un investissement de près de 32 M€. Long, coûteux et complexe, il
nécessitait une parfaite maîtrise des aspects juridiques et financiers.
8.2. Un contrat juridiquement fragile
A la date de lancement de la procédure, aucune disposition législative ou réglementaire
ne précisait les règles de passation d’un tel contrat. Toutefois, la collectivité a recouru à une mise
en concurrence.
Le 29 février 2008 (décision n° 2008-02-159), la commission permanente a autorisé le
Président à lancer la procédure. Le 3 septembre, l’avis d’appel public à concurrence est publié
au journal officiel de l’Union européenne (JOUE) et au bulletin officiel des annonces des marchés
publics (BOAMP). Un avis est également publié dans « Le Moniteur des travaux publics et du
bâtiment ».
Sur les quatre sociétés ayant retiré initialement le dossier de consultation, seuls deux
candidats déposent une offre. En novembre 2008, leurs propositions sont examinées par la
commission d’ouverture des plis.
Les deux critères de jugement des offres étaient les suivants, par ordre décroissant
d’importance : la proposition financière (le canon) et les modalités de gestion et d'entretien des
casernes et des garages.
Fin novembre 2008, un premier rapport d’analyse des offres, succinct et descriptif, est
établi. Il ne traite pas des éléments essentiels à la détermination du coût financier, qui, d’ailleurs
n’étaient pas demandés dans le dossier de consultation.
En décembre 2008, la négociation s’engage avec les deux candidats. Fin janvier 2009, le
département décide de retenir Vinci qui n’en est informé qu’en mai.
Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes
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Jusqu’à l’été 2010, la négociation se poursuit sur les conditions du canon et des travaux
de rénovation et d’entretien des casernes. Les termes du contrat sont alors arrêtés. Des
modifications substantielles au projet sont apportées :
- l’emphytéote n’est plus Vinci, mais la société Batimur, filiale du groupe Banque
Populaire-Caisses d’Epargne (BPCE). Vinci intervient au travers de sa filiale Sotram,
laquelle conclut un contrat de rénovation et de maintenance avec Batimur. Le
département n’y est pas attrait. Vinci n’a pas de lien contractuel avec la collectivité ;
- les contrats de location conclus entre le département et la Gendarmerie seront modifiés
par avenants afin que les loyers soient désormais versés à l’emphytéote ;
- le financement des investissements est fixé au taux fixe de 5,40 %, sa durée à 33 ans et
les commissions à 624 m€ ;
- le canon s’élève désormais à 30 M€, soit 15,5 M€ pour les 27 casernes en activité et
14,5 M€ pour les quatre futures à construire. Il n’est plus prévu de canon à la fin du
financement.
En juillet 2010, la commission permanente donne son accord au projet modifié. Elle
autorise le président à signer ce contrat avec Batimur (décision n° 2010.07.193).
Or, la société n’avait pas fait acte de candidature dans les délais et formes prescrits. Dans
son offre, Vinci envisageait de créer, avec ses partenaires financiers, une société de projet. Elle
devait être l’emphytéote. Ce type de montage est notamment celui adopté pour les partenariats
publics privés (PPP) : les associés sont les membres du groupement d’entreprises qui ont
présenté leur candidature.
Vinci avait également précisé que « la société de projet pourra être remplacée par
l’établissement bancaire ou une de ses filiales contractant directement en tant qu’emphytéote,
avec mandat de représentation confié à Vinci construction France ». Ce montage a été retenu.
Cependant, aucun mandat de représentation de l’emphytéote par Vinci n’a été annexé au contrat.
Dans son arrêt n° 108691 du 10 octobre 1994 Ville de Toulouse le Conseil d’Etat a
considéré : « que, si aucun texte législatif ou réglementaire ne limite le pouvoir qui appartient à
l'administration communale de choisir librement le titulaire d'une concession de travaux ou
d'exploitation d'ouvrage public, le principe du libre-choix du concessionnaire ne fait pas obstacle
à ce que l'autorité concédante organise, pour la sélection de son co-contractant, une procédure
dont elle définit les modalités ; que, dans ce cas, ladite autorité est tenue de respecter les règles
qu'elle a elle-même instituées (…) ».
Dans la mesure où Vinci a présenté sa candidature seul, l’emphytéote ne pouvait être
que lui ou la société de projet constituée avec son partenaire financier. Nonobstant le respect des
obligations de transparence et d’impartialité, que le département s’est lui-même imposé, le
contrat a été irrégulièrement signé.
Par ailleurs, le juge administratif a jugé que, si « un bien immobilier appartenant à une
collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code
rural, en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de
service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa
compétence (…), il résulte de ces dispositions, notamment de la référence qu'elles comportent
au bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural, que le législateur n'a entendu viser
que les contrats dans lesquels le preneur a la charge de réaliser, sur le bien immobilier qu'il est
ainsi autorisé à occuper, des investissements qui reviendront à la collectivité en fin de bail, et non
de permettre la conclusion, dans le cadre de ce régime, de contrats par lesquels la collectivité
confie à un tiers une mission de gestion courante d'un bien lui appartenant (…). S'il résulte des
dispositions insérées à l'article L. 1311-2 du CGCT par l'article 96 de la loi du 14 mars 2011 qu'un
bail emphytéotique peut également être conclu en vue de la restauration, de la réparation, de
l'entretien-maintenance ou de la mise en valeur d'un bien immobilier appartenant à une collectivité
Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes
CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST
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territoriale, il ne résulte ni de ce dernier article ni d'aucune autre disposition de cette loi qu'elle
comporterait un effet rétroactif » 20
.
Si depuis la loi du 14 mars 2011, un BEA pour la rénovation et l’entretien de bâtiments
peut être conclu, cela n’était pas possible à la date de sa signature. Le contrat n’était donc pas
conforme à la réglementation.
Cette irrégularité a conduit la Gendarmerie à verser ses loyers au département jusqu’en
avril 2013. A cette date, les parties ont souhaité sécuriser le contrat par un « avenant de
ratification aux baux d’immeubles au profit de l’Etat ».
8.3. Un contrat financièrement désavantageux pour le département
8.3.1. Le montant du canon
Avec le BEA, la collectivité ne supporte plus pendant quarante ans la gestion directe et
les charges d’entretien des casernes de gendarmerie. Il obtient le versement d’un canon
emphytéotique. Son montant est à la fois un étalon des enjeux financiers et un élément de choix.
Il est fonction des loyers encaissés sur le patrimoine cédé à bail, des charges
d’exploitation, des échéances de crédit, des dépenses de rénovation et d’entretien projetées sur
la durée du contrat et de la rémunération de l’emphytéote. Ces éléments génèrent des flux
financiers (encaissement et de décaissement) pour ce dernier. Leur solde est généralement
positif. Il convient de l’actualiser à un taux X, afin d’évaluer le canon. Plus ce taux d’intérêt est
faible, plus le canon est élevé. Au dépôt de son offre, Vinci propose pour la tranche ferme,
10,5 M€.
Les deux candidats ont proposé un taux d’actualisation de 5,50 % pour la détermination
des conditions financières (compris une marge de 85 points de base). Or, en octobre 2008, les
taux du marché interbancaire amorcent une baisse21
. Il y a donc une marge d’appréciation du
montant de la soulte.
En décembre 2008, le département a fait appel à un cabinet de conseil pour analyser les
éléments financiers des offres. Celui-ci fournit deux évaluations du canon, à 12,3 M€ (taux
d’intérêt de 4,85 %) et à 13,9 M€ (taux d’intérêt de 4,35 %) et identifie plusieurs points
d’amélioration et des manques.
Le conseil, à partir des commentaires du soumissionnaire, a évalué la rémunération de
l’emphytéote à 0,9 M€. Il suggère de demander à Vinci les grilles financières, afin de disposer
d’éléments de négociation. Il relève que, par simplification, l’entreprise a retenu un revenu annuel
net des charges constant, sans tenir compte par exemple de la progressivité des charges de
maintenance.
Pour le cabinet, il manque des tableaux des flux financiers sur la durée du contrat,
données pourtant indispensables pour apprécier l’équilibre financier du contrat.
Si le département s’attache à la détermination globale du canon, il n’a pas cherché à
utiliser les leviers suggérés par son conseil pour améliorer les conditions financières du contrat.
Dans les offres de janvier 2009, les candidats proposaient des canons de 24,2 M€ pour
l’un et 28,5 M€ pour l’autre. Le département attendait 33,9 M€, correspondant à un taux
d’actualisation de 4,5 %.
Dans la négociation, Vinci évoque la crise de liquidité pour justifier le niveau de ses
conditions financières. Elle avance ses difficultés à trouver un établissement susceptible de
20
Source : jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 octobre 2010, confirmé par un arrêt de la Cour d’appel administrative
de Lyon du 07 juillet 2011, par une décision du Conseil d’Etat du 19 novembre 2013 (décision n° 352488).
21
Entre le 1/10 (dépôt de l’offre de Vinci) et le 31/12, l’EURIBOR 3 mois a chuté de 173 points de base. En fin d’année,
il s’établit à 3,56 %.
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financer des projets à 40 ans. Elle va d’ailleurs changer à trois reprises de partenaires. Vinci
propose aussi d’abaisser à 30 ans la durée du contrat d’emprunt, pour s’ajuster au marché.
Le département exige un montant de canon supérieur à 28,5 M€ pour les deux tranches,
en considérant qu’il obtiendrait des conditions financières bien meilleures sur trente ans
(- 115 points de base). Au surplus, le contrat proposé le conduirait à supporter le risque financier
de fermeture de caserne.
Pour asseoir ses prétentions, le département recourt à nouveau en novembre 2009 à
deux autres conseils. Leur appui va porter tant sur les aspects juridiques que financiers.
Comme l’avait remarqué le précédent conseil, ils relèvent que l’offre de Vinci ne précise
pas la méthode de détermination des canons, de décomposition du coût du financement et des
commissions facturées. Il considère d’une part, que le prix demandé (taux fixe de 6 %, soit une
marge prêteur très élevée d’environ 2 %, et des commissions de 400 000 €) ne se justifie pas au
regard du faible transfert de risque sur l’emphytéote. D’autre part, il relève que l’indexation des
charges (maintenance, entretien…) sur l’indice du coût de la construction (ICC) et leur définition
sont défavorables au département. En effet, via le compte d’ajustement, la collectivité supporte
toute charge nouvelle « non récupérable s’imposant à l’emphytéote ». Or, ce compte est projeté
sur la durée du contrat par la société comme étant structurellement déficitaire pendant les trente
premières années (durée du financement). Aussi, si le bail s’interrompait, le département serait
redevable de 5,8 M€ (au titre des tranches 1 (rénovation) et 2 (amélioration)). Il ne pourrait ni le
discuter ni s’y opposer, en raison de son acceptation initiale de la cession de la créance au
prêteur.
Par ailleurs, le conseil explique que le second canon, envisagé alors au terme de
l’amortissement du financement bancaire (30 ans), modifie de facto la durée du contrat, fixée à
40 ans. En effet, en cas de désaccord des parties sur son montant, le département ne pouvait
que résilier le bail, sauf à laisser l’emphytéote percevoir les loyers sans aucune contrepartie.
Enfin, il suggère de renégocier les conditions de rupture du contrat de financement.
En décembre 2009, Vinci communique la méthode d’évaluation du coût des travaux de
rénovation des casernes. La société classe les immeubles en quatre catégories en fonction de
leur état, selon un référentiel basé sur son expérience de gestion des casernes. Or, faute d’avoir
procédé en amont à une estimation du coût des travaux de rénovation des casernes, la collectivité
s’est trouvée dans l’incapacité d’apprécier la pertinence de la méthode utilisée par Vinci.
Ce dernier demeure imprécis sur la méthode de détermination des canons, sur la
décomposition du coût du financement et sur les commissions facturées.
Au début de l’été 2010, le montant des canons est arrêté à 30 M€, soit 15,5 M€ pour les
27 casernes existantes et 14,5 M€ pour les quatre futures à construire. Il n’est plus prévu de
canon à la fin du financement. Il est inférieur de près de 4 M€ à celui attendu par le département.
Si la conclusion du BEA a permis de limiter l’encours de sa dette propre, le coût du
financement bancaire accordé à l’emphytéote, supérieur à celui qu’aurait obtenu la collectivité, a
réduit le montant du canon.
8.3.2. Le risque financier n’a pas été maîtrisé
A l’observation du tableau de l’amortissement général des deux premières tranches, le
solde du compte d’ajustement est débiteur pendant 35 ans, jusqu’en 2045. Aussi, en cas de
rupture anticipée, le département est durablement exposé à une charge supplémentaire. Au
surplus, il supporte le risque d’une évolution défavorable de l’ICC. En effet, s’il augmente moins
que prévu, les loyers perçus sont moindres, les recettes du compte d’ajustement diminuent et la
compensation de la collectivité augmente.
Or, à la signature du contrat, l’ICC a depuis le début des négociations perdu 5,4 %. Sa
valeur était fin 2008 de 1594. Au 1er
trimestre 2010, elle est de 1 508, alors que le contrat prévoyait
1 634, en tenant compte d’un taux d’évolution annuelle de 2,6 %. Le contexte de crise
Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes
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économique aurait dû conduire la collectivité à renégocier ces conditions et à exiger une
actualisation. La simulation n’a pas pris en compte une perte moyenne de recettes annuelles de
103 m€. L’équilibre financier repose donc sur une hypothèse manifestement erronée.
Le risque pèse également sur le coût des travaux. Le contrat prévoit une actualisation de
1,1 M€ pour les deux tranches. Or, au premier trimestre 2014, l’évolution de l’ICC depuis
octobre 2008 était limitée à 3,3 %, soit un surcoût provisoire, dans l’attente de l’achèvement des
travaux de la tranche 2, de près de 0,7 M€.
En outre, le département, par décision de la commission permanente, a consenti une
cession de créance (article 13.2) au prêteur en garantie des crédits accordés à l’emphytéote. Dès
lors, en application de l’article L. 313-29 du code monétaire et financier, il ne peut plus opposer
au cessionnaire une exception fondée sur ses rapports avec Batimur.
Enfin, la collectivité supporte les risques du propriétaire liés à l’évolution de la législation
et des conditions d’assurance, qui, compte tenu de la durée du contrat, ne sont pas négligeables.
Depuis la signature du bail, l’emphytéote a réalisé dans les délais les travaux de la tranche
1 de 15 casernes. Faute d’accord de la gendarmerie sur la tranche 2 complémentaire, certains
travaux prévus dans la première tranche n’ont pas été réalisés. Le montant des travaux
d’amélioration, toutes casernes confondues, était estimé dans le contrat à 4,3 M€ TTC. Or, pour
la première partie (7 casernes), le coût validé par la gendarmerie est en très nette hausse,
1,4 M€ TTC, conduisant à une majoration des loyers de 83 400 €. Ces travaux ont été exécutés
en 2015.
Avec le recul de quatre exercices, le solde du compte d’ajustement n’a pas suivi la
prévision initiale. Ainsi, au 31 décembre 2014, il était débiteur de 1,3 M€, alors qu’il avait été
prévu qu’il le soit à hauteur de 440 m€. L’emphytéote impute cet écart principalement aux
impayés de loyer (515 m€, y compris ceux des garages non reversés par Sotram) et les
différences entre les révisions de loyer octroyées et celles prévues (- 568 m€).
A l’issue des premières années d’exécution du contrat, force est de constater que son
équilibre financier n’est pas assuré. Cela illustre le défaut de maîtrise du risque financier par le
département.
8.3.3. Le défaut de maîtrise de l’environnement institutionnel
Lors du renouvellement de baux, la circulaire du 28 janvier 1993 relative aux conditions
de prise à bail par l’Etat des locaux édifiés par les collectivités territoriales et destinés aux unités
de gendarmerie départementale prévoit qu’ « à l’issue du bail initial (…), le loyer [est] alors estimé
par le service des domaines en fonction de la valeur locative réelle des locaux, sans toutefois
pouvoir excéder celui qui résulterait de l’actualisation du loyer initial en fonction de l’évolution de
l’indice du coût de la construction publié par l’INSEE intervenue pendant la période considérée ».
L’article 5.2 du contrat stipule que les conventions de location peuvent être modifiées par
avenant, notamment pour fixer les augmentations de loyer consécutives aux révisions triennales
et à la réalisation de travaux d’amélioration ou d’extension. Par ailleurs, l’emphytéote et la
gendarmerie peuvent être amenés à négocier les termes du renouvellement d’une convention
arrivée à échéance.
Dans les cas des casernes d’Asfeld (échéance au 1er
septembre 2010) et de Givet
(échéance au 1er
novembre 2012), un désaccord est apparu entre l’emphytéote et France
Domaine à propos du calcul de la réévaluation des loyers. Considérant que le niveau des loyers
n’a pas évolué au cours des neuf années précédentes, l’emphytéote propose un nouveau loyer
annuel de 211 716 € pour Givet (soit une hausse de 45 %) et de 69 884 € pour Asfeld (soit une
hausse de 36 %). Cependant, l’application de la circulaire précitée conduit à une hausse
maximale des loyers de 39 % pour la première (soit 201 708 €) et de 34 % pour la seconde
(soit 68 668 €).
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France Domaine propose des évolutions très inférieures. A Givet, le loyer augmenterait
de 14,6 % (soit de 131 739 € à 151 m€), et à Asfeld de seulement 2,9 % (soit de 51 023 à
52 500 €). En décembre 2014, Batimur refuse définitivement l’actualisation et les loyers proposés
au motif qu’ils ne correspondent pas à la valeur locative réelle de ces bâtiments. La situation est
bloquée depuis et la gendarmerie continue d’occuper les bâtiments aux conditions des anciens
baux.
D’autres difficultés et retards importants sont aussi apparus. Ainsi, les baux des casernes
de Signy-L’abbaye et Château Porcien, échus respectivement en juin et octobre 2011, n’ont été
renouvelés qu’en 2014.
Sur le plan financier, même si l’actualisation est rétroactive, ces retards sont
préjudiciables.
Tableau 7 : Evolution des loyers de neuf casernes (en €)
Casernes Loyer initial Loyer estimé Loyer révisé Écart en %
CARIGNAN 58 152 68 800 73 559 6,9
CHÂTEAU PORCIEN 5 822 7 784 7 046 - 9,5
FLIZE 24 812 33 328 31 531 - 5,4
FUMAY 31 316 44 400 39 307 - 11,5
MONTHOIS 35 935 46 596 46 725 0,3
POIX TERRON 21 418 28 768 27 217 - 5,4
RUMIGNY 24 062 30 656 30 437 - 0,7
SIGNY L'ABBAYE 40 894 54 300 48 105 - 11,4
BUZANCY 31 168 39 900 44 300 11,0
TOTAL 273 579 354 532 348 227 - 1,8
Source : CRC, d’après les informations du rapport annuel 2014 et de l’annexe 19 au bail
La révision est globalement inférieure de près de 2 % aux loyers estimés initialement par
l’emphytéote. Selon les casernes, les loyers révisés varient par rapport aux estimés entre plus
ou moins 11 %.
Par ailleurs, l’emphytéote subit des retards dans le paiement des loyers. A titre
d’illustration, ceux du second semestre 2012 de cinq casernes (0,4 M€) n’ont été encaissés qu’en
octobre 2014.
Au final, les conditions de renouvellement des baux des casernes appellent plusieurs
observations :
- conséquence de l’insécurité juridique du contrat initial, le versement des loyers au
département jusqu’en 2013 a constitué un obstacle à leur actualisation, générant ainsi
des pertes financières ;
- de même, les divergences entre les loyers estimés par l’emphytéote et proposés par
France Domaine ont entrainé des retards et donc des pertes financières, en impayés de
loyers et en absence d’actualisation. Dans son rapport annuel 2014, Batimur estimait le
montant des impayés de loyers à 252 000 € ;
- enfin, si les loyers relèvent des relations contractuelles entre l’emphytéote et son locataire,
le département supporte en fin de compte les risques de dérapages financiers, liés aux
retards et défauts d’actualisation qui menacent l’équilibre du contrat.
Le dispositif de révision des loyers ne peut conduire qu’à cette situation. D’un côté, le
locataire bénéficie des conditions particulièrement favorables de la circulaire du 28 janvier 1993.
Son loyer stagne pendant neuf ans après livraison de la caserne, au-delà des révisions triennales
sont effectuées. L’administration encadre, maîtrise et impose le niveau de sa réévaluation. De
l’autre, le bailleur (emphytéote) prévoit des loyers assurant la profitabilité de l’opération. Au final,
Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes
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le conflit se règle au détriment du département, qui assumera les pertes avant le terme du contrat,
en cas de déséquilibre important du compte d’ajustement et/ou de résiliation anticipée, ou à son
terme.
8.3.4. Les fermetures et ouvertures des casernes
L’évolution de l’implantation des unités de gendarmerie a des incidences financières sur
le contrat. Or les casernes de Margut, Novion-Porcien et Rimogne ont été fermées en 2016.
Si ces locaux ne sont pas réaffectés, le contrat prévoit la signature d’un avenant
(article 5.2) afin de s’adapter au nouveau périmètre. Une indemnité de résiliation partielle est due
à l’emphytéote. Au cas d’espèce, Batimur l’a évaluée à la demande du département à 2,2 M€.
Pour la chambre, en appliquant la formule contractuelle, elle pourrait atteindre 2,4 M€ environ.
Elle recommande de provisionner ce risque.
Par ailleurs, concomitamment à la mise en place du BEA, la Gendarmerie Nationale a
demandé la construction de quatre nouvelles casernes : Renwez, Rethel, Rocroi et Signy-le-Petit.
Trois casernes sont déjà occupées. La caserne de Rocroi a été inaugurée en octobre 2016.
Le coût total provisoire de leur construction s’élève à 17,8 M€ TTC. L’Etat a apporté son
concours à la hauteur de 18 % du montant des coûts-plafonds en vigueur à la date de demande,
soit 2 M€. Au 1er
août 2015, le montant encaissé est de 1,8 M€. Leur coût net représente, pour le
département, l’équivalent de 10 % des dépenses d’équipement brut réalisées entre 2012 et 2015.
La charge nette annuelle correspond à environ 6 % des dépenses réelles de fonctionnement.
En contrepartie de l’aide, le bailleur a l’obligation de consentir un loyer annuel, non
révisable pendant neuf ans et règlementairement fixé à 6 % du coût des travaux plafonnés. En
décembre 2015, il est estimé à 735 m€. Dans l’annexe 20 au bail, il avait été estimé à 888 m€.
La baisse s’explique, d’après le département, par « la diminution du nombre d’unités logement
construites, suite aux décisions de la Gendarmerie Nationale. »
Au terme de la tranche conditionnelle n° 4, ces casernes ont vocation à entrer dans le
périmètre du bail. Son article 1 précise que l’affermissement de cette tranche est envisagé dans
un délai de cinq ans à compter de son entrée en vigueur. Ce délai est aujourd’hui dépassé.
Parallèlement, en application de l’article 12, le département devait recevoir un second canon dont
l’estimation était en 2010 de 14,5 M€. Au mois de mars 2016, l’avenant n’était pas conclu. En
effet, les négociations entre Batimur et France Domaine bloquent sur les loyers d’Asfeld et Givet.
Le premier soumet l'affermissement de la tranche n° 4 à la condition d’obtenir des loyers annuels
conformes à ses demandes. Aussi, la collectivité est contrainte d’assurer en direct l’entretien et
la maintenance, tout en percevant les loyers de la Gendarmerie Nationale. Elle ne perçoit pas le
canon. Le département ne peut contraindre l’emphytéote à prendre en charge les nouvelles
casernes.
La chambre constate que le montant voté au budget primitif 2016 de la recette du second
canon n’est plus que de 9,7 M€, soit pratiquement 5 M€ de moins que prévu.
En définitive, alors que la loi ne lui confie pas la compétence obligatoire de construire et
gérer un parc de casernes, le département, en recourant au BEA, a privilégié l’encaissement
d’une recette exceptionnelle (le canon), dont il n’a pas su optimiser le montant, malgré les
conseils dont il s’était entouré. Selon l’ordonnateur, ce montage avait pour objectif « de se
recentrer sur ses propres compétences et responsabilités en matière de bâtiments
départementaux, principalement les collèges. » A partir des informations dont dispose la chambre
aujourd’hui, cette situation est susceptible de se reproduire avec le second canon.
Or, ce contrat est un engagement de long terme (40 ans) dont le département n’a pas
maîtrisé les aspects juridiques et financiers. Le BEA ne transfère aucun risque à l’emphytéote.
Au regard du coût des commissions et frais, des conditions de financement et de l’hypothèse
économique retenue (évolution de l’ICC), la chambre doute de la pertinence économique de ce
contrat.
Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes
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34/52
9. LES RESSOURCES HUMAINES
9.1. Les effectifs
9.1.1. L’évolution des effectifs au cours de la période 2010-2014
9.1.1.1. L’état des emplois au 31 décembre
Les effectifs titulaires et stagiaires du département des Ardennes22
ont continûment
augmenté de 2010 à 2014, passant de 1 669 à 1 730 agents (+ 3,5 %). Toutefois, le nombre
d’agents titulaires de catégorie C diminue de 35, passant de 829 à 794 (- 4,3 %). Cette baisse
des effectifs de la catégorie C s’explique par la fermeture de collèges, la vente des campings
départementaux, la restructuration du laboratoire départemental et le non-remplacement d’agents
d’exploitation de voirie partis en retraite.
Si l’augmentation des effectifs titulaires reste limitée (+ 14, soit + 1,1 %), celle des effectifs
contractuels est beaucoup plus forte (+ 31, soit + 45 %).
Globalement, la progression des effectifs est expliquée par le département par une
croissance des besoins dans le secteur social, afin de faire face aux obligations réglementaires
faites aux départements en matière d’accueil de l’enfance en danger. La collectivité a ainsi créé
une soixantaine de postes pour la Maison Départementale de l’Enfance et une dizaine de postes
de travailleurs sociaux dans les services d’accueil en milieu ouvert.
Selon les services du département, l’écart entre personnels titulaires et contractuels
s’explique par le recrutement d’assistants socio-éducatifs qui s’opère essentiellement par la voie
contractuelle, la collectivité s’engageant à les accompagner pour réussir le concours
correspondant.
Au sein du département des Ardennes, les agents en temps partiel représentaient, en
2014, environ 17 % de l’effectif total. Ces 237 agents à temps partiel représentaient 188,8
équivalents temps plein (ETP), soit un temps partiel moyen de 80 %.
Les agents travaillant à temps partiel sont en très grande majorité des femmes. Elles
représentent entre 93 et 95 % des agents à temps partiel, selon la quotité de temps de travail
considérée.
Depuis 2010, les agents de catégorie B et C représentent de 80 % à 89 % des agents à
temps partiel.
Tableau 8 : Répartition des effectifs par fonction
Fonction 2010 2011 2012 2013 2014
0 Services généraux 170 171 175 169 168
2 Enseignement 320 320 322 314 312
3 Culture, vie sociale, jeunesse sports et loisirs 79 79 73 74 73
5 Action sociale 448 471 483 507 540
6 Réseaux et infrastructures 299 295 288 286 272
7 Aménagement et environnement 36 34 35 34 32
8 Transports 8 8 8 8 8
9 Développement 7 5 4 6 6
Total 1367 1383 1388 1398 1411
Source : Département des Ardennes
22
Tableau des effectifs en annexe 2.
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Le département a concentré ses recrutements sur l’action sociale (cf. explications supra),
avec une augmentation des effectifs dédiés de + 20,5 % sur la période contrôlée, les autres
fonctions voient leurs effectifs rester stables, voire diminuer, notamment les réseaux et
infrastructures (- 9 % de 2010 à 2014).
9.1.1.2. La féminisation des effectifs
Si le taux de féminisation globale des effectifs de la collectivité s’établit à 70,4 % en 2014
- taux supérieur de près de 10 points au taux moyen de féminisation des agents des départements
français23
- les femmes représentent 95,6 % des assistants familiaux. Dans le même temps,
100 % des agents affectés à l’entretien de la voirie sont des hommes.
Sur les 77 postes relevant de l’encadrement, occupés par des agents de catégories A
ou B, qu’il s’agisse de postes d’encadrement de premier niveau, intermédiaire, de direction ou de
direction générale, 45 sont occupés par des femmes, soit 58,4 %.
Si la direction générale est paritaire, avec une directrice générale des services assistée
d’un directeur général adjoint, les neuf postes de direction rattachés à la direction générale sont
occupés par huit hommes et une seule femme, soit un taux de féminisation de 11 %.
Les bilans sociaux fournis (2009, 2011 et 2013) ne présentent pas explicitement la
problématique de l’égalité entre les femmes et les hommes.
L’article D. 3311-9 du CGCT dispose, qu’ à compter du 1er
janvier 2016, le président du
conseil départemental présente à l’assemblée délibérante un rapport annuel sur la situation en
matière d'égalité entre les femmes et les hommes dans le département24
.
Ce rapport doit faire état de la politique de ressources humaines du département en
matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il doit également comporter
un bilan des actions menées et des ressources mobilisées en matière d'égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes et en décrire les orientations pluriannuelles. Ce bilan et ces
orientations concernent notamment les rémunérations et les parcours professionnels, la
promotion de la parité dans le cadre des actions de formation, la mixité dans les filières et les
cadres d'emplois, l'articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, la prévention de toutes
les violences faites aux agents sur leur lieu de travail et la lutte contre toute forme de harcèlement.
Dans le cadre du débat relatif aux orientations budgétaires 2016, le département a
présenté à l’assemblée délibérante un premier rapport sur la situation en matière d’égalité entre
les femmes et les hommes dans le département. Ce rapport marque une première étape dans la
définition et le porté à connaissance d’une stratégie départementale de promotion de l’égalité
entre les femmes et les hommes.
23
Taux moyen national pour les départements 60,7 % (source DGCL « Les collectivités locales en chiffres 2014 »,
chapitre 8).
24 Au-delà de sa portée interne en matière de ressources humaines, ce rapport présentera les politiques menées par le département
sur son territoire en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, fixera des orientations pluriannuelles et des programmes
de nature à favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes et comportera un bilan des actions conduites à cette fin dans la
conception, la mise en œuvre et l'évaluation des politiques publiques du département. Il présentera notamment le suivi de la mise
en œuvre de la clause d'égalité dans les marchés publics. Il pourra comporter également une analyse de la situation économique et
sociale en matière d'inégalités entre les femmes et les hommes dans le département, à partir d'un diagnostic fondé sur les
interventions relevant de sa compétence et sur les données des bénéficiaires de ses politiques. Enfin, ce rapport recensera les
ressources mobilisées à cet effet.
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9.1.1.3. Les flux annuels d’entrée et de sortie
Tableau 9 : Typologie des flux annuels d’entrée et de sortie
2010 2011 2012 2013 2014 Evolution
Flux de sortie
Départ à la retraite 40 52 26 38 56 16
Mutation 8 17 6 7 4 - 4
Disponibilité, congé parental 4 0 3 6 7 3
Départ en détachement 3 2 2 4 3 0
Fin de détachement 3 7 2 1 1 - 2
Démission 4 2 3 3 9 5
Fin de contrat 2 0 2 0 9 7
Décès 3 1 3 6 2 - 1
Licenciement 0 0 0 0 0 0
Autres cas [1] 0 0 0 0 0 0
Total sorties 67 81 47 65 91 24
Flux d’entrée
Concours 4 11 4 9 2 - 2
Recrutement direct [2] 10 20 12 19 22 12
Recrutement de contractuels 22 51 26 27 60 38
Mutation 6 14 6 10 10 4
Réintégration [3] 0 0 0 0 0
Détachement 4 1 4 10 10 6
Autres cas [4] 0 0 0 0 0 0
Total entrées 46 97 52 75 104 58
Solde entrées – sorties =
- 21 16 5 10 13 34Evolution des effectifs au
31 décembre
Source : Département des Ardennes
[1] Décharge de service pour exercice de mandats syndicaux, congé formation, départ en congé de fin d’activité, etc.
[2] Les recrutements directs sans concours permettent l’accès aux premiers grades des corps de la catégorie C (adjoint
administratif, adjoint technique, adjoint d’animation, etc.).
[3] Réintégration après mise en disponibilité ou détachement.
[4] Réintégration après décharge de service pour exercice de mandats syndicaux, congé formation, départ en congé de fin
d’activité, etc.
Le flux de sortie est principalement marqué par l’importance des départs à la retraite
(56 départs sur 91 sorties en 2014, soit 61 %) et la progression du non-renouvellement de contrat
comme élément de régulation des effectifs.
Le flux d’entrées est nettement marqué par un recours aux recrutements directs et au
recrutement de contractuels (79 % des entrées en 2014), principalement dans le domaine social,
au détriment des recrutements de lauréats de concours qui ont atteint au maximum 11 % des
recrutements en 2011.
9.1.1.4. La politique de recrutement
La politique de recrutement du département des Ardennes n’est formalisée par aucune
délibération et la collectivité ne dispose pas de schéma pluriannuel de recrutement.
Les décisions de création ou de suppression d’emploi ne sont abordées que dans le cadre
du vote du budget principal par l’assemblée délibérante. Le rapport relatif à une création de poste
contient le détail des missions à accomplir par l’agent ainsi que le coût financier du poste à créer.
Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes
CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST
37/52
Les suppressions de postes sont votées par l’assemblée délibérante, après avis du comité
technique.
Ce constat d’absence de cadrage général est à nuancer par les obligations imposées par
la direction des ressources humaines à chaque service souhaitant créer un poste : fourniture
d’une fiche de poste détaillée, explication des raisons du recrutement, éléments quantitatifs
relatifs à la charge prévisible de travail. En outre, des propositions d’indicateurs relatifs à la
mesure de la performance doivent être transmises par le service recruteur.
Enfin, au sein du service demandeur, avant chaque recrutement, des alternatives à
celui-ci doivent obligatoirement avoir été envisagées, telles qu’une réorganisation du service, un
recours aux heures supplémentaires ou une révision du temps partiel d’autres agents.
La mobilité interne concerne peu d’agents, même si la direction des ressources humaines
indique l’encourager. Il n’existe pas de procédure réservée de recrutement en cas de vacance de
poste, les candidatures internes étant étudiées au même titre que les candidatures extérieures,
ce qui peut constituer un frein à la mobilité interne au même niveau de responsabilité ou en
progression de carrière.
En conclusion, la chambre relève que l’élaboration d’une stratégie pluriannuelle de
recrutement, formalisée par une délibération de l’assemblée départementale, permettrait au
département d’aller vers une formalisation préalable d’objectifs chiffrés de gestion des
compétences et de maitrise de la masse salariale.
9.1.1.5. Le remplacement des départs à la retraite
Selon une évaluation prospective de la direction des ressources humaines du
département, 140 départs en retraite pourraient intervenir entre 2015 et 2020. Sur cette base, un
« cadre de réflexion » a été proposé au comité de direction avec comme principale proposition
de ne remplacer a priori que les départs intervenants dans le secteur des politiques sociales.
En outre, la collectivité ne dispose pas d’outils internes lui permettant d’anticiper les dates
de départs possibles en retraite, ses agents n’étant pas tenus de s’engager sur ce point.
9.1.2. L’externalisation de services
Deux politiques publiques ont été concernées par l’externalisation au cours de la période
de contrôle : l’entretien des locaux hors collèges et une partie de la politique sociale et d’insertion,
à savoir l’accompagnement social et professionnel des bénéficiaires du revenu de solidarité
active (RSA) ainsi que la réalisation des diagnostics avant orientation pour ces mêmes
personnes.
L’externalisation des prestations d’entretien ménager a été décidée suite à des vacances
de postes, afin d’éviter notamment des situations de travail isolé pour certains agents de la
collectivité ou le maintien d’horaires de travail décalés. La mise en place de ces marchés publics
a permis le non-remplacement de 21 agents, partis en retraite ou en congé longue maladie
statutaire.
La mise en œuvre des mesures d’accompagnement social personnalisé (MASP) des
bénéficiaires du RSA a fait l’objet de marchés publics et des conventions avec des partenaires
extérieurs, au premier rang desquels figurent les missions locales, ont été signées suite à appel
à projets, pour l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, l’externalisation de ces missions
ayant coïncidé avec leur mise en œuvre.
9.1.3. Les perspectives
Dans un contexte difficile, marqué notamment par le gel puis la diminution des dotations
de l’Etat, le département des Ardennes a limité l’évolution de sa masse salariale et de ses
effectifs.
Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes
CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST
38/52
Toutefois, aucune stratégie globale et conceptualisée, permettant de hiérarchiser les
différentes mesures conduisant à une réduction de la masse salariale, n’a été décidée. De même,
il n’existe pas de plan d’action pluriannuel dédié aux ressources humaines mais une succession
de plans sectoriels, à portée annuelle, tels que le plan de prévention des risques professionnels,
le plan de formation ou le plan handicap.
La collectivité départementale n’a pas davantage mis en place une gestion prévisionnelle
des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC). Pour l’heure, seul un répertoire des
métiers a été réalisé, sans que cette démarche aboutisse à l’élaboration d’un référentiel de
compétences faisant apparaitre les compétences disponibles et leur adéquation avec le besoin
de la collectivité.
Toutefois, un suivi des effectifs existe. En effet, la réduction de l’effectif permanent est la
principale solution privilégiée par le département des Ardennes afin de contenir l’évolution de sa
masse salariale. La démarche repose sur les départs naturels non remplacés (retraite, mutations,
détachements, disponibilités), la direction des solidarités étant la seule à être assurée du maintien
quantitatif a priori de ses effectifs.
L’assemblée départementale a délibéré sur une limitation des avancements de grade et
d’échelon pour contenir la progression du glissement vieillesse technicité (GVT). Une réduction
des avancements de grade d’un tiers est même envisagée.
Enfin, la collectivité entend limiter, voire supprimer, le remplacement de certains congés
statutaires en faisant, par exemple, du non-remplacement des congés maternité un principe de
portée générale.
En conclusion, s’il est possible de constater que l’ordonnateur entend mener une politique
volontaire d’encadrement de sa masse salariale, celle-ci reste mise en œuvre sans cohérence
d’ensemble. Outre la mise en place d’un répertoire des métiers, la chambre l’invite à se doter
d’un schéma directeur des ressources humaines lui permettant de conceptualiser et d’expliciter
ses choix en la matière et de tracer des perspectives d’évolution organisationnelle, en mettant
notamment en correspondance un besoin de compétences exprimé par la collectivité et le capital
de compétences des agents en poste, pour la mise en œuvre des politiques publiques
départementales.

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Chambre Régionale des comptes sur le BEA dans les Ardennes

  • 1. Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST 25/52 Le département a achevé les opérations d’aménagement sur les parcs de Villers-Semeuse et de Château-Porcien. Il a engagé des négociations pour céder les parcs aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) concernés. Compte tenu de la situation financière des opérations en cours, il pourrait être conduit à financer les pertes ou tout au moins à participer à leur apurement. 8. LE BAIL EMPHYTEOTIQUE ADMINISTRATIF CONCLU AVEC BATIMUR Le département a conclu en 2010 un bail emphytéotique administratif (BEA) avec la société Batimur, filiale de la Caisse d’Epargne, pour la mise à disposition et l’entretien de 27 casernes de gendarmerie et 175 garages destinés à l’usage personnel des militaires. Le bail a une durée de quarante ans. Il est prévu d’y adjoindre quatre nouvelles casernes. 8.1. Contexte, objet et enjeux du contrat Le contexte Les collectivités territoriales et leurs établissements publics sont historiquement impliqués dans les questions immobilières de la gendarmerie nationale (GN). Cela ne relève pas de leurs compétences obligatoires. Le bail emphytéotique administratif (BEA), institué par l'article 3 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) permet notamment aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale de mettre à disposition un terrain au profit d'un opérateur qui assure le financement et la construction/rénovation/extension de l'ouvrage et son entretien en contrepartie d'un loyer financier versé. Ce dispositif faisait l’objet d’incitations des pouvoirs publics. Il est codifié à l’article L. 1311-4-1 du CGCT et a été reconduit jusqu’au 31 décembre 2017. En février 2008, à partir du constat que le parc vieillit (casernes construites entre 1950 et 1990), ce qui entraine la hausse des charges d’entretien et un besoin croissant de rénovation que les services ne peuvent assurer, le choix est fait de recourir au BEA. Aucune étude préalable du besoin et du coût financier n’est réalisée et aucune autre solution n’est étudiée. Objet et enjeux du contrat Par contrat du 28 septembre 2010, le département donne à bail, pour une durée de quarante ans, ses 27 casernes, dont la gendarmerie demeure locataire, en vue du financement et la réalisation de travaux de rénovation, de gros entretien, voire d’amélioration et d’extension. En contrepartie, l’emphytéote s’oblige dans la tranche ferme à :19 - la remise en état des casernes dans les quatre premières années du bail ; - la réalisation des travaux à sa charge et la vérification de la réalisation des travaux à la charge du locataire ; - la perception des loyers ; - au paiement au département d’un loyer annuel qui sera capitalisé en un seul versement (« canon »). Au titre de la tranche complémentaire, Batimur s’engage à réaliser les travaux d’amélioration souhaités par la gendarmerie nationale. Les augmentations de loyer consécutives seront fixées par France Domaine. Au titre de la tranche conditionnelle, l’emphytéote s’oblige à réaliser les travaux d’extension nécessaires, dont les actualisations de loyers, par voie d’avenant, seront aussi fixées par France Domaine. 19 Article 1 du contrat.
  • 2. Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST 26/52 En outre, quatre nouvelles casernes, en cours de construction à la signature du contrat, font l’objet d’une autre tranche conditionnelle. Elles pourront être incluses au contrat par avenant conclu dans un délai de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur du bail. Si le BEA est constitutif de droits réels au profit de l’emphytéote, les conventions de location des casernes subsistent et l’emphytéote ne peut les résilier. Le montage contractuel se compose principalement du BEA et des conventions de location des immeubles et garages entre le département et la Gendarmerie nationale, cédées par voie d’avenant à l’emphytéote. En annexe 10 du bail, le plan d’investissement des quatre premières années précise : - le contenu des travaux au titre de chaque tranche du contrat, dont les montants sont indiqués à l’annexe 19 ; - le contenu des travaux des trois programmes de réhabilitation des immeubles, selon qu’elle soit légère, moyenne ou étendue ; - pour chaque caserne, la réhabilitation proposée par l’emphytéote. A ce stade, les travaux de rénovation initiale sont évalués à 11 M€. Les travaux d’amélioration génèreront une révision des loyers de 6 %. Le taux de révision lié aux travaux d’extension sera déterminé après réalisation de ceux-ci. Le contrat stipule le montant des investissements pour chaque tranche et chaque caserne (annexe 19). Au titre des tranches 1 et 2, il s’élève à 16,4 M€ TTC. Tableau 6 : Le montant des investissements initiaux (en m€/TTC) Tranche Investissement 1 - INV 11 088 Commissions et frais 561 2 - INV 4 646 Commissions et frais 58 Total 16 353 Canon 1 15 500 Total 31 853 Source : CRC, à partir de l’annexe 20 au contrat Leur financement est assuré par un emprunt souscrit pour 33 ans, à trimestrialité constante à compter de la 4ème année et au taux fixe de 5,40 %. L’équilibre financier a été calculé principalement sur une évolution prévisionnelle annuelle de 2,6 % de l’indice du coût de la construction (ICC). A partir de cette prévision, le contrat stipule, dans son article 13.1, qu’un compte d’ajustement enregistre les recettes réelles et les dépenses prévues en exécution. Au terme du bail, le département recevra le solde créditeur ou versera à l’emphytéote le solde débiteur. Dans les deux cas, pendant le bail, son montant ne pourra excéder 20 % du total des investissements initiaux, soit +/- 6,4 M€. Un avenant pourrait alors être conclu, en cas de dépassement de ce seuil, allongeant ou raccourcissant la durée de financement dans la limite de la durée du bail. Les prix des contrats de rénovation et de maintenance sont forfaitaires et actualisés en fonction de l’évolution de l’ICC. Si les rapports annuels d’activité prévus à l’article 14.2 du contrat sont élaborés, le contenu des rapports relatifs aux années 2011 à 2014 ne respecte pas complètement les dispositions contractuelles. Ainsi, le responsable des affaires immobilières du groupement départemental de gendarmerie ne les vise pas. L’activité de l’agent technique mis à disposition,
  • 3. Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST 27/52 chargé de l’entretien courant des locaux, n’y est pas relatée. Elle n’a été détaillée que ponctuellement, en août 2013. Le département ne demande pas d’explications et de justificatifs de certains frais, notamment l’actualisation du coût des frais de gestion de l’emphytéote (article 13.1 du BEA). Ce dernier n’en donne pas. La chambre prend note de l’engagement du département à suivre les sommes imputées au compte d’ajustement. Le rapport annuel 2014 mentionne que les loyers des garages sont encaissés par Sotram, locateur d’ouvrage au sens de l’article 1779 du code civil. Leur reversement à Batimur (soit 117 m€ depuis le 1er octobre 2010) en mai 2016 a été tardif. Alors que le président du conseil départemental considère que cela n’a pas eu d’incidence financière, la chambre rappelle que sur le montant du solde débiteur du compte d’ajustement, en application de l’article 3.3.1 de la convention de crédit entre Batimur et la banque qui finance le projet, des intérêts sont facturés au taux T4M + 1 %. Toute somme perçue avec retard par l’emphytéote, alors que le solde du compte d’ajustement est débiteur, engendre un coût financier supporté par le département au terme du contrat. Par ailleurs, en l’état actuel de la réglementation concernant la tenue du bilan et l’annexe IV des états financiers, il n’existe pas d’obligation d’information concernant ce type de contrat. Dans un effort de transparence, cependant, le département fournit en annexe de son compte administratif une information sur le BEA. Il utilise le cadre de l’annexe C3-engagement hors bilan-état des contrats de partenariat public-privé. Il y indique divers éléments (date de signature, type de prestation, durée et échéance du contrat, et montant prévu au titre du contrat). Au titre de l’information financière, les montants de 10,3 M€ et de 4,3 M€ sont indiqués. Ces éléments ne sont pas suffisants. Bien qu’il n’existe pas d’obligation réglementaire, la valorisation du contrat et le montant des prestations prévues pourraient, par exemple, être détaillés. Le BEA représente un investissement de près de 32 M€. Long, coûteux et complexe, il nécessitait une parfaite maîtrise des aspects juridiques et financiers. 8.2. Un contrat juridiquement fragile A la date de lancement de la procédure, aucune disposition législative ou réglementaire ne précisait les règles de passation d’un tel contrat. Toutefois, la collectivité a recouru à une mise en concurrence. Le 29 février 2008 (décision n° 2008-02-159), la commission permanente a autorisé le Président à lancer la procédure. Le 3 septembre, l’avis d’appel public à concurrence est publié au journal officiel de l’Union européenne (JOUE) et au bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP). Un avis est également publié dans « Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment ». Sur les quatre sociétés ayant retiré initialement le dossier de consultation, seuls deux candidats déposent une offre. En novembre 2008, leurs propositions sont examinées par la commission d’ouverture des plis. Les deux critères de jugement des offres étaient les suivants, par ordre décroissant d’importance : la proposition financière (le canon) et les modalités de gestion et d'entretien des casernes et des garages. Fin novembre 2008, un premier rapport d’analyse des offres, succinct et descriptif, est établi. Il ne traite pas des éléments essentiels à la détermination du coût financier, qui, d’ailleurs n’étaient pas demandés dans le dossier de consultation. En décembre 2008, la négociation s’engage avec les deux candidats. Fin janvier 2009, le département décide de retenir Vinci qui n’en est informé qu’en mai.
  • 4. Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST 28/52 Jusqu’à l’été 2010, la négociation se poursuit sur les conditions du canon et des travaux de rénovation et d’entretien des casernes. Les termes du contrat sont alors arrêtés. Des modifications substantielles au projet sont apportées : - l’emphytéote n’est plus Vinci, mais la société Batimur, filiale du groupe Banque Populaire-Caisses d’Epargne (BPCE). Vinci intervient au travers de sa filiale Sotram, laquelle conclut un contrat de rénovation et de maintenance avec Batimur. Le département n’y est pas attrait. Vinci n’a pas de lien contractuel avec la collectivité ; - les contrats de location conclus entre le département et la Gendarmerie seront modifiés par avenants afin que les loyers soient désormais versés à l’emphytéote ; - le financement des investissements est fixé au taux fixe de 5,40 %, sa durée à 33 ans et les commissions à 624 m€ ; - le canon s’élève désormais à 30 M€, soit 15,5 M€ pour les 27 casernes en activité et 14,5 M€ pour les quatre futures à construire. Il n’est plus prévu de canon à la fin du financement. En juillet 2010, la commission permanente donne son accord au projet modifié. Elle autorise le président à signer ce contrat avec Batimur (décision n° 2010.07.193). Or, la société n’avait pas fait acte de candidature dans les délais et formes prescrits. Dans son offre, Vinci envisageait de créer, avec ses partenaires financiers, une société de projet. Elle devait être l’emphytéote. Ce type de montage est notamment celui adopté pour les partenariats publics privés (PPP) : les associés sont les membres du groupement d’entreprises qui ont présenté leur candidature. Vinci avait également précisé que « la société de projet pourra être remplacée par l’établissement bancaire ou une de ses filiales contractant directement en tant qu’emphytéote, avec mandat de représentation confié à Vinci construction France ». Ce montage a été retenu. Cependant, aucun mandat de représentation de l’emphytéote par Vinci n’a été annexé au contrat. Dans son arrêt n° 108691 du 10 octobre 1994 Ville de Toulouse le Conseil d’Etat a considéré : « que, si aucun texte législatif ou réglementaire ne limite le pouvoir qui appartient à l'administration communale de choisir librement le titulaire d'une concession de travaux ou d'exploitation d'ouvrage public, le principe du libre-choix du concessionnaire ne fait pas obstacle à ce que l'autorité concédante organise, pour la sélection de son co-contractant, une procédure dont elle définit les modalités ; que, dans ce cas, ladite autorité est tenue de respecter les règles qu'elle a elle-même instituées (…) ». Dans la mesure où Vinci a présenté sa candidature seul, l’emphytéote ne pouvait être que lui ou la société de projet constituée avec son partenaire financier. Nonobstant le respect des obligations de transparence et d’impartialité, que le département s’est lui-même imposé, le contrat a été irrégulièrement signé. Par ailleurs, le juge administratif a jugé que, si « un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural, en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence (…), il résulte de ces dispositions, notamment de la référence qu'elles comportent au bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural, que le législateur n'a entendu viser que les contrats dans lesquels le preneur a la charge de réaliser, sur le bien immobilier qu'il est ainsi autorisé à occuper, des investissements qui reviendront à la collectivité en fin de bail, et non de permettre la conclusion, dans le cadre de ce régime, de contrats par lesquels la collectivité confie à un tiers une mission de gestion courante d'un bien lui appartenant (…). S'il résulte des dispositions insérées à l'article L. 1311-2 du CGCT par l'article 96 de la loi du 14 mars 2011 qu'un bail emphytéotique peut également être conclu en vue de la restauration, de la réparation, de l'entretien-maintenance ou de la mise en valeur d'un bien immobilier appartenant à une collectivité
  • 5. Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST 29/52 territoriale, il ne résulte ni de ce dernier article ni d'aucune autre disposition de cette loi qu'elle comporterait un effet rétroactif » 20 . Si depuis la loi du 14 mars 2011, un BEA pour la rénovation et l’entretien de bâtiments peut être conclu, cela n’était pas possible à la date de sa signature. Le contrat n’était donc pas conforme à la réglementation. Cette irrégularité a conduit la Gendarmerie à verser ses loyers au département jusqu’en avril 2013. A cette date, les parties ont souhaité sécuriser le contrat par un « avenant de ratification aux baux d’immeubles au profit de l’Etat ». 8.3. Un contrat financièrement désavantageux pour le département 8.3.1. Le montant du canon Avec le BEA, la collectivité ne supporte plus pendant quarante ans la gestion directe et les charges d’entretien des casernes de gendarmerie. Il obtient le versement d’un canon emphytéotique. Son montant est à la fois un étalon des enjeux financiers et un élément de choix. Il est fonction des loyers encaissés sur le patrimoine cédé à bail, des charges d’exploitation, des échéances de crédit, des dépenses de rénovation et d’entretien projetées sur la durée du contrat et de la rémunération de l’emphytéote. Ces éléments génèrent des flux financiers (encaissement et de décaissement) pour ce dernier. Leur solde est généralement positif. Il convient de l’actualiser à un taux X, afin d’évaluer le canon. Plus ce taux d’intérêt est faible, plus le canon est élevé. Au dépôt de son offre, Vinci propose pour la tranche ferme, 10,5 M€. Les deux candidats ont proposé un taux d’actualisation de 5,50 % pour la détermination des conditions financières (compris une marge de 85 points de base). Or, en octobre 2008, les taux du marché interbancaire amorcent une baisse21 . Il y a donc une marge d’appréciation du montant de la soulte. En décembre 2008, le département a fait appel à un cabinet de conseil pour analyser les éléments financiers des offres. Celui-ci fournit deux évaluations du canon, à 12,3 M€ (taux d’intérêt de 4,85 %) et à 13,9 M€ (taux d’intérêt de 4,35 %) et identifie plusieurs points d’amélioration et des manques. Le conseil, à partir des commentaires du soumissionnaire, a évalué la rémunération de l’emphytéote à 0,9 M€. Il suggère de demander à Vinci les grilles financières, afin de disposer d’éléments de négociation. Il relève que, par simplification, l’entreprise a retenu un revenu annuel net des charges constant, sans tenir compte par exemple de la progressivité des charges de maintenance. Pour le cabinet, il manque des tableaux des flux financiers sur la durée du contrat, données pourtant indispensables pour apprécier l’équilibre financier du contrat. Si le département s’attache à la détermination globale du canon, il n’a pas cherché à utiliser les leviers suggérés par son conseil pour améliorer les conditions financières du contrat. Dans les offres de janvier 2009, les candidats proposaient des canons de 24,2 M€ pour l’un et 28,5 M€ pour l’autre. Le département attendait 33,9 M€, correspondant à un taux d’actualisation de 4,5 %. Dans la négociation, Vinci évoque la crise de liquidité pour justifier le niveau de ses conditions financières. Elle avance ses difficultés à trouver un établissement susceptible de 20 Source : jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 octobre 2010, confirmé par un arrêt de la Cour d’appel administrative de Lyon du 07 juillet 2011, par une décision du Conseil d’Etat du 19 novembre 2013 (décision n° 352488). 21 Entre le 1/10 (dépôt de l’offre de Vinci) et le 31/12, l’EURIBOR 3 mois a chuté de 173 points de base. En fin d’année, il s’établit à 3,56 %.
  • 6. Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST 30/52 financer des projets à 40 ans. Elle va d’ailleurs changer à trois reprises de partenaires. Vinci propose aussi d’abaisser à 30 ans la durée du contrat d’emprunt, pour s’ajuster au marché. Le département exige un montant de canon supérieur à 28,5 M€ pour les deux tranches, en considérant qu’il obtiendrait des conditions financières bien meilleures sur trente ans (- 115 points de base). Au surplus, le contrat proposé le conduirait à supporter le risque financier de fermeture de caserne. Pour asseoir ses prétentions, le département recourt à nouveau en novembre 2009 à deux autres conseils. Leur appui va porter tant sur les aspects juridiques que financiers. Comme l’avait remarqué le précédent conseil, ils relèvent que l’offre de Vinci ne précise pas la méthode de détermination des canons, de décomposition du coût du financement et des commissions facturées. Il considère d’une part, que le prix demandé (taux fixe de 6 %, soit une marge prêteur très élevée d’environ 2 %, et des commissions de 400 000 €) ne se justifie pas au regard du faible transfert de risque sur l’emphytéote. D’autre part, il relève que l’indexation des charges (maintenance, entretien…) sur l’indice du coût de la construction (ICC) et leur définition sont défavorables au département. En effet, via le compte d’ajustement, la collectivité supporte toute charge nouvelle « non récupérable s’imposant à l’emphytéote ». Or, ce compte est projeté sur la durée du contrat par la société comme étant structurellement déficitaire pendant les trente premières années (durée du financement). Aussi, si le bail s’interrompait, le département serait redevable de 5,8 M€ (au titre des tranches 1 (rénovation) et 2 (amélioration)). Il ne pourrait ni le discuter ni s’y opposer, en raison de son acceptation initiale de la cession de la créance au prêteur. Par ailleurs, le conseil explique que le second canon, envisagé alors au terme de l’amortissement du financement bancaire (30 ans), modifie de facto la durée du contrat, fixée à 40 ans. En effet, en cas de désaccord des parties sur son montant, le département ne pouvait que résilier le bail, sauf à laisser l’emphytéote percevoir les loyers sans aucune contrepartie. Enfin, il suggère de renégocier les conditions de rupture du contrat de financement. En décembre 2009, Vinci communique la méthode d’évaluation du coût des travaux de rénovation des casernes. La société classe les immeubles en quatre catégories en fonction de leur état, selon un référentiel basé sur son expérience de gestion des casernes. Or, faute d’avoir procédé en amont à une estimation du coût des travaux de rénovation des casernes, la collectivité s’est trouvée dans l’incapacité d’apprécier la pertinence de la méthode utilisée par Vinci. Ce dernier demeure imprécis sur la méthode de détermination des canons, sur la décomposition du coût du financement et sur les commissions facturées. Au début de l’été 2010, le montant des canons est arrêté à 30 M€, soit 15,5 M€ pour les 27 casernes existantes et 14,5 M€ pour les quatre futures à construire. Il n’est plus prévu de canon à la fin du financement. Il est inférieur de près de 4 M€ à celui attendu par le département. Si la conclusion du BEA a permis de limiter l’encours de sa dette propre, le coût du financement bancaire accordé à l’emphytéote, supérieur à celui qu’aurait obtenu la collectivité, a réduit le montant du canon. 8.3.2. Le risque financier n’a pas été maîtrisé A l’observation du tableau de l’amortissement général des deux premières tranches, le solde du compte d’ajustement est débiteur pendant 35 ans, jusqu’en 2045. Aussi, en cas de rupture anticipée, le département est durablement exposé à une charge supplémentaire. Au surplus, il supporte le risque d’une évolution défavorable de l’ICC. En effet, s’il augmente moins que prévu, les loyers perçus sont moindres, les recettes du compte d’ajustement diminuent et la compensation de la collectivité augmente. Or, à la signature du contrat, l’ICC a depuis le début des négociations perdu 5,4 %. Sa valeur était fin 2008 de 1594. Au 1er trimestre 2010, elle est de 1 508, alors que le contrat prévoyait 1 634, en tenant compte d’un taux d’évolution annuelle de 2,6 %. Le contexte de crise
  • 7. Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST 31/52 économique aurait dû conduire la collectivité à renégocier ces conditions et à exiger une actualisation. La simulation n’a pas pris en compte une perte moyenne de recettes annuelles de 103 m€. L’équilibre financier repose donc sur une hypothèse manifestement erronée. Le risque pèse également sur le coût des travaux. Le contrat prévoit une actualisation de 1,1 M€ pour les deux tranches. Or, au premier trimestre 2014, l’évolution de l’ICC depuis octobre 2008 était limitée à 3,3 %, soit un surcoût provisoire, dans l’attente de l’achèvement des travaux de la tranche 2, de près de 0,7 M€. En outre, le département, par décision de la commission permanente, a consenti une cession de créance (article 13.2) au prêteur en garantie des crédits accordés à l’emphytéote. Dès lors, en application de l’article L. 313-29 du code monétaire et financier, il ne peut plus opposer au cessionnaire une exception fondée sur ses rapports avec Batimur. Enfin, la collectivité supporte les risques du propriétaire liés à l’évolution de la législation et des conditions d’assurance, qui, compte tenu de la durée du contrat, ne sont pas négligeables. Depuis la signature du bail, l’emphytéote a réalisé dans les délais les travaux de la tranche 1 de 15 casernes. Faute d’accord de la gendarmerie sur la tranche 2 complémentaire, certains travaux prévus dans la première tranche n’ont pas été réalisés. Le montant des travaux d’amélioration, toutes casernes confondues, était estimé dans le contrat à 4,3 M€ TTC. Or, pour la première partie (7 casernes), le coût validé par la gendarmerie est en très nette hausse, 1,4 M€ TTC, conduisant à une majoration des loyers de 83 400 €. Ces travaux ont été exécutés en 2015. Avec le recul de quatre exercices, le solde du compte d’ajustement n’a pas suivi la prévision initiale. Ainsi, au 31 décembre 2014, il était débiteur de 1,3 M€, alors qu’il avait été prévu qu’il le soit à hauteur de 440 m€. L’emphytéote impute cet écart principalement aux impayés de loyer (515 m€, y compris ceux des garages non reversés par Sotram) et les différences entre les révisions de loyer octroyées et celles prévues (- 568 m€). A l’issue des premières années d’exécution du contrat, force est de constater que son équilibre financier n’est pas assuré. Cela illustre le défaut de maîtrise du risque financier par le département. 8.3.3. Le défaut de maîtrise de l’environnement institutionnel Lors du renouvellement de baux, la circulaire du 28 janvier 1993 relative aux conditions de prise à bail par l’Etat des locaux édifiés par les collectivités territoriales et destinés aux unités de gendarmerie départementale prévoit qu’ « à l’issue du bail initial (…), le loyer [est] alors estimé par le service des domaines en fonction de la valeur locative réelle des locaux, sans toutefois pouvoir excéder celui qui résulterait de l’actualisation du loyer initial en fonction de l’évolution de l’indice du coût de la construction publié par l’INSEE intervenue pendant la période considérée ». L’article 5.2 du contrat stipule que les conventions de location peuvent être modifiées par avenant, notamment pour fixer les augmentations de loyer consécutives aux révisions triennales et à la réalisation de travaux d’amélioration ou d’extension. Par ailleurs, l’emphytéote et la gendarmerie peuvent être amenés à négocier les termes du renouvellement d’une convention arrivée à échéance. Dans les cas des casernes d’Asfeld (échéance au 1er septembre 2010) et de Givet (échéance au 1er novembre 2012), un désaccord est apparu entre l’emphytéote et France Domaine à propos du calcul de la réévaluation des loyers. Considérant que le niveau des loyers n’a pas évolué au cours des neuf années précédentes, l’emphytéote propose un nouveau loyer annuel de 211 716 € pour Givet (soit une hausse de 45 %) et de 69 884 € pour Asfeld (soit une hausse de 36 %). Cependant, l’application de la circulaire précitée conduit à une hausse maximale des loyers de 39 % pour la première (soit 201 708 €) et de 34 % pour la seconde (soit 68 668 €).
  • 8. Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST 32/52 France Domaine propose des évolutions très inférieures. A Givet, le loyer augmenterait de 14,6 % (soit de 131 739 € à 151 m€), et à Asfeld de seulement 2,9 % (soit de 51 023 à 52 500 €). En décembre 2014, Batimur refuse définitivement l’actualisation et les loyers proposés au motif qu’ils ne correspondent pas à la valeur locative réelle de ces bâtiments. La situation est bloquée depuis et la gendarmerie continue d’occuper les bâtiments aux conditions des anciens baux. D’autres difficultés et retards importants sont aussi apparus. Ainsi, les baux des casernes de Signy-L’abbaye et Château Porcien, échus respectivement en juin et octobre 2011, n’ont été renouvelés qu’en 2014. Sur le plan financier, même si l’actualisation est rétroactive, ces retards sont préjudiciables. Tableau 7 : Evolution des loyers de neuf casernes (en €) Casernes Loyer initial Loyer estimé Loyer révisé Écart en % CARIGNAN 58 152 68 800 73 559 6,9 CHÂTEAU PORCIEN 5 822 7 784 7 046 - 9,5 FLIZE 24 812 33 328 31 531 - 5,4 FUMAY 31 316 44 400 39 307 - 11,5 MONTHOIS 35 935 46 596 46 725 0,3 POIX TERRON 21 418 28 768 27 217 - 5,4 RUMIGNY 24 062 30 656 30 437 - 0,7 SIGNY L'ABBAYE 40 894 54 300 48 105 - 11,4 BUZANCY 31 168 39 900 44 300 11,0 TOTAL 273 579 354 532 348 227 - 1,8 Source : CRC, d’après les informations du rapport annuel 2014 et de l’annexe 19 au bail La révision est globalement inférieure de près de 2 % aux loyers estimés initialement par l’emphytéote. Selon les casernes, les loyers révisés varient par rapport aux estimés entre plus ou moins 11 %. Par ailleurs, l’emphytéote subit des retards dans le paiement des loyers. A titre d’illustration, ceux du second semestre 2012 de cinq casernes (0,4 M€) n’ont été encaissés qu’en octobre 2014. Au final, les conditions de renouvellement des baux des casernes appellent plusieurs observations : - conséquence de l’insécurité juridique du contrat initial, le versement des loyers au département jusqu’en 2013 a constitué un obstacle à leur actualisation, générant ainsi des pertes financières ; - de même, les divergences entre les loyers estimés par l’emphytéote et proposés par France Domaine ont entrainé des retards et donc des pertes financières, en impayés de loyers et en absence d’actualisation. Dans son rapport annuel 2014, Batimur estimait le montant des impayés de loyers à 252 000 € ; - enfin, si les loyers relèvent des relations contractuelles entre l’emphytéote et son locataire, le département supporte en fin de compte les risques de dérapages financiers, liés aux retards et défauts d’actualisation qui menacent l’équilibre du contrat. Le dispositif de révision des loyers ne peut conduire qu’à cette situation. D’un côté, le locataire bénéficie des conditions particulièrement favorables de la circulaire du 28 janvier 1993. Son loyer stagne pendant neuf ans après livraison de la caserne, au-delà des révisions triennales sont effectuées. L’administration encadre, maîtrise et impose le niveau de sa réévaluation. De l’autre, le bailleur (emphytéote) prévoit des loyers assurant la profitabilité de l’opération. Au final,
  • 9. Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST 33/52 le conflit se règle au détriment du département, qui assumera les pertes avant le terme du contrat, en cas de déséquilibre important du compte d’ajustement et/ou de résiliation anticipée, ou à son terme. 8.3.4. Les fermetures et ouvertures des casernes L’évolution de l’implantation des unités de gendarmerie a des incidences financières sur le contrat. Or les casernes de Margut, Novion-Porcien et Rimogne ont été fermées en 2016. Si ces locaux ne sont pas réaffectés, le contrat prévoit la signature d’un avenant (article 5.2) afin de s’adapter au nouveau périmètre. Une indemnité de résiliation partielle est due à l’emphytéote. Au cas d’espèce, Batimur l’a évaluée à la demande du département à 2,2 M€. Pour la chambre, en appliquant la formule contractuelle, elle pourrait atteindre 2,4 M€ environ. Elle recommande de provisionner ce risque. Par ailleurs, concomitamment à la mise en place du BEA, la Gendarmerie Nationale a demandé la construction de quatre nouvelles casernes : Renwez, Rethel, Rocroi et Signy-le-Petit. Trois casernes sont déjà occupées. La caserne de Rocroi a été inaugurée en octobre 2016. Le coût total provisoire de leur construction s’élève à 17,8 M€ TTC. L’Etat a apporté son concours à la hauteur de 18 % du montant des coûts-plafonds en vigueur à la date de demande, soit 2 M€. Au 1er août 2015, le montant encaissé est de 1,8 M€. Leur coût net représente, pour le département, l’équivalent de 10 % des dépenses d’équipement brut réalisées entre 2012 et 2015. La charge nette annuelle correspond à environ 6 % des dépenses réelles de fonctionnement. En contrepartie de l’aide, le bailleur a l’obligation de consentir un loyer annuel, non révisable pendant neuf ans et règlementairement fixé à 6 % du coût des travaux plafonnés. En décembre 2015, il est estimé à 735 m€. Dans l’annexe 20 au bail, il avait été estimé à 888 m€. La baisse s’explique, d’après le département, par « la diminution du nombre d’unités logement construites, suite aux décisions de la Gendarmerie Nationale. » Au terme de la tranche conditionnelle n° 4, ces casernes ont vocation à entrer dans le périmètre du bail. Son article 1 précise que l’affermissement de cette tranche est envisagé dans un délai de cinq ans à compter de son entrée en vigueur. Ce délai est aujourd’hui dépassé. Parallèlement, en application de l’article 12, le département devait recevoir un second canon dont l’estimation était en 2010 de 14,5 M€. Au mois de mars 2016, l’avenant n’était pas conclu. En effet, les négociations entre Batimur et France Domaine bloquent sur les loyers d’Asfeld et Givet. Le premier soumet l'affermissement de la tranche n° 4 à la condition d’obtenir des loyers annuels conformes à ses demandes. Aussi, la collectivité est contrainte d’assurer en direct l’entretien et la maintenance, tout en percevant les loyers de la Gendarmerie Nationale. Elle ne perçoit pas le canon. Le département ne peut contraindre l’emphytéote à prendre en charge les nouvelles casernes. La chambre constate que le montant voté au budget primitif 2016 de la recette du second canon n’est plus que de 9,7 M€, soit pratiquement 5 M€ de moins que prévu. En définitive, alors que la loi ne lui confie pas la compétence obligatoire de construire et gérer un parc de casernes, le département, en recourant au BEA, a privilégié l’encaissement d’une recette exceptionnelle (le canon), dont il n’a pas su optimiser le montant, malgré les conseils dont il s’était entouré. Selon l’ordonnateur, ce montage avait pour objectif « de se recentrer sur ses propres compétences et responsabilités en matière de bâtiments départementaux, principalement les collèges. » A partir des informations dont dispose la chambre aujourd’hui, cette situation est susceptible de se reproduire avec le second canon. Or, ce contrat est un engagement de long terme (40 ans) dont le département n’a pas maîtrisé les aspects juridiques et financiers. Le BEA ne transfère aucun risque à l’emphytéote. Au regard du coût des commissions et frais, des conditions de financement et de l’hypothèse économique retenue (évolution de l’ICC), la chambre doute de la pertinence économique de ce contrat.
  • 10. Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST 34/52 9. LES RESSOURCES HUMAINES 9.1. Les effectifs 9.1.1. L’évolution des effectifs au cours de la période 2010-2014 9.1.1.1. L’état des emplois au 31 décembre Les effectifs titulaires et stagiaires du département des Ardennes22 ont continûment augmenté de 2010 à 2014, passant de 1 669 à 1 730 agents (+ 3,5 %). Toutefois, le nombre d’agents titulaires de catégorie C diminue de 35, passant de 829 à 794 (- 4,3 %). Cette baisse des effectifs de la catégorie C s’explique par la fermeture de collèges, la vente des campings départementaux, la restructuration du laboratoire départemental et le non-remplacement d’agents d’exploitation de voirie partis en retraite. Si l’augmentation des effectifs titulaires reste limitée (+ 14, soit + 1,1 %), celle des effectifs contractuels est beaucoup plus forte (+ 31, soit + 45 %). Globalement, la progression des effectifs est expliquée par le département par une croissance des besoins dans le secteur social, afin de faire face aux obligations réglementaires faites aux départements en matière d’accueil de l’enfance en danger. La collectivité a ainsi créé une soixantaine de postes pour la Maison Départementale de l’Enfance et une dizaine de postes de travailleurs sociaux dans les services d’accueil en milieu ouvert. Selon les services du département, l’écart entre personnels titulaires et contractuels s’explique par le recrutement d’assistants socio-éducatifs qui s’opère essentiellement par la voie contractuelle, la collectivité s’engageant à les accompagner pour réussir le concours correspondant. Au sein du département des Ardennes, les agents en temps partiel représentaient, en 2014, environ 17 % de l’effectif total. Ces 237 agents à temps partiel représentaient 188,8 équivalents temps plein (ETP), soit un temps partiel moyen de 80 %. Les agents travaillant à temps partiel sont en très grande majorité des femmes. Elles représentent entre 93 et 95 % des agents à temps partiel, selon la quotité de temps de travail considérée. Depuis 2010, les agents de catégorie B et C représentent de 80 % à 89 % des agents à temps partiel. Tableau 8 : Répartition des effectifs par fonction Fonction 2010 2011 2012 2013 2014 0 Services généraux 170 171 175 169 168 2 Enseignement 320 320 322 314 312 3 Culture, vie sociale, jeunesse sports et loisirs 79 79 73 74 73 5 Action sociale 448 471 483 507 540 6 Réseaux et infrastructures 299 295 288 286 272 7 Aménagement et environnement 36 34 35 34 32 8 Transports 8 8 8 8 8 9 Développement 7 5 4 6 6 Total 1367 1383 1388 1398 1411 Source : Département des Ardennes 22 Tableau des effectifs en annexe 2.
  • 11. Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST 35/52 Le département a concentré ses recrutements sur l’action sociale (cf. explications supra), avec une augmentation des effectifs dédiés de + 20,5 % sur la période contrôlée, les autres fonctions voient leurs effectifs rester stables, voire diminuer, notamment les réseaux et infrastructures (- 9 % de 2010 à 2014). 9.1.1.2. La féminisation des effectifs Si le taux de féminisation globale des effectifs de la collectivité s’établit à 70,4 % en 2014 - taux supérieur de près de 10 points au taux moyen de féminisation des agents des départements français23 - les femmes représentent 95,6 % des assistants familiaux. Dans le même temps, 100 % des agents affectés à l’entretien de la voirie sont des hommes. Sur les 77 postes relevant de l’encadrement, occupés par des agents de catégories A ou B, qu’il s’agisse de postes d’encadrement de premier niveau, intermédiaire, de direction ou de direction générale, 45 sont occupés par des femmes, soit 58,4 %. Si la direction générale est paritaire, avec une directrice générale des services assistée d’un directeur général adjoint, les neuf postes de direction rattachés à la direction générale sont occupés par huit hommes et une seule femme, soit un taux de féminisation de 11 %. Les bilans sociaux fournis (2009, 2011 et 2013) ne présentent pas explicitement la problématique de l’égalité entre les femmes et les hommes. L’article D. 3311-9 du CGCT dispose, qu’ à compter du 1er janvier 2016, le président du conseil départemental présente à l’assemblée délibérante un rapport annuel sur la situation en matière d'égalité entre les femmes et les hommes dans le département24 . Ce rapport doit faire état de la politique de ressources humaines du département en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il doit également comporter un bilan des actions menées et des ressources mobilisées en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et en décrire les orientations pluriannuelles. Ce bilan et ces orientations concernent notamment les rémunérations et les parcours professionnels, la promotion de la parité dans le cadre des actions de formation, la mixité dans les filières et les cadres d'emplois, l'articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, la prévention de toutes les violences faites aux agents sur leur lieu de travail et la lutte contre toute forme de harcèlement. Dans le cadre du débat relatif aux orientations budgétaires 2016, le département a présenté à l’assemblée délibérante un premier rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes dans le département. Ce rapport marque une première étape dans la définition et le porté à connaissance d’une stratégie départementale de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. 23 Taux moyen national pour les départements 60,7 % (source DGCL « Les collectivités locales en chiffres 2014 », chapitre 8). 24 Au-delà de sa portée interne en matière de ressources humaines, ce rapport présentera les politiques menées par le département sur son territoire en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, fixera des orientations pluriannuelles et des programmes de nature à favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes et comportera un bilan des actions conduites à cette fin dans la conception, la mise en œuvre et l'évaluation des politiques publiques du département. Il présentera notamment le suivi de la mise en œuvre de la clause d'égalité dans les marchés publics. Il pourra comporter également une analyse de la situation économique et sociale en matière d'inégalités entre les femmes et les hommes dans le département, à partir d'un diagnostic fondé sur les interventions relevant de sa compétence et sur les données des bénéficiaires de ses politiques. Enfin, ce rapport recensera les ressources mobilisées à cet effet.
  • 12. Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST 36/52 9.1.1.3. Les flux annuels d’entrée et de sortie Tableau 9 : Typologie des flux annuels d’entrée et de sortie 2010 2011 2012 2013 2014 Evolution Flux de sortie Départ à la retraite 40 52 26 38 56 16 Mutation 8 17 6 7 4 - 4 Disponibilité, congé parental 4 0 3 6 7 3 Départ en détachement 3 2 2 4 3 0 Fin de détachement 3 7 2 1 1 - 2 Démission 4 2 3 3 9 5 Fin de contrat 2 0 2 0 9 7 Décès 3 1 3 6 2 - 1 Licenciement 0 0 0 0 0 0 Autres cas [1] 0 0 0 0 0 0 Total sorties 67 81 47 65 91 24 Flux d’entrée Concours 4 11 4 9 2 - 2 Recrutement direct [2] 10 20 12 19 22 12 Recrutement de contractuels 22 51 26 27 60 38 Mutation 6 14 6 10 10 4 Réintégration [3] 0 0 0 0 0 Détachement 4 1 4 10 10 6 Autres cas [4] 0 0 0 0 0 0 Total entrées 46 97 52 75 104 58 Solde entrées – sorties = - 21 16 5 10 13 34Evolution des effectifs au 31 décembre Source : Département des Ardennes [1] Décharge de service pour exercice de mandats syndicaux, congé formation, départ en congé de fin d’activité, etc. [2] Les recrutements directs sans concours permettent l’accès aux premiers grades des corps de la catégorie C (adjoint administratif, adjoint technique, adjoint d’animation, etc.). [3] Réintégration après mise en disponibilité ou détachement. [4] Réintégration après décharge de service pour exercice de mandats syndicaux, congé formation, départ en congé de fin d’activité, etc. Le flux de sortie est principalement marqué par l’importance des départs à la retraite (56 départs sur 91 sorties en 2014, soit 61 %) et la progression du non-renouvellement de contrat comme élément de régulation des effectifs. Le flux d’entrées est nettement marqué par un recours aux recrutements directs et au recrutement de contractuels (79 % des entrées en 2014), principalement dans le domaine social, au détriment des recrutements de lauréats de concours qui ont atteint au maximum 11 % des recrutements en 2011. 9.1.1.4. La politique de recrutement La politique de recrutement du département des Ardennes n’est formalisée par aucune délibération et la collectivité ne dispose pas de schéma pluriannuel de recrutement. Les décisions de création ou de suppression d’emploi ne sont abordées que dans le cadre du vote du budget principal par l’assemblée délibérante. Le rapport relatif à une création de poste contient le détail des missions à accomplir par l’agent ainsi que le coût financier du poste à créer.
  • 13. Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST 37/52 Les suppressions de postes sont votées par l’assemblée délibérante, après avis du comité technique. Ce constat d’absence de cadrage général est à nuancer par les obligations imposées par la direction des ressources humaines à chaque service souhaitant créer un poste : fourniture d’une fiche de poste détaillée, explication des raisons du recrutement, éléments quantitatifs relatifs à la charge prévisible de travail. En outre, des propositions d’indicateurs relatifs à la mesure de la performance doivent être transmises par le service recruteur. Enfin, au sein du service demandeur, avant chaque recrutement, des alternatives à celui-ci doivent obligatoirement avoir été envisagées, telles qu’une réorganisation du service, un recours aux heures supplémentaires ou une révision du temps partiel d’autres agents. La mobilité interne concerne peu d’agents, même si la direction des ressources humaines indique l’encourager. Il n’existe pas de procédure réservée de recrutement en cas de vacance de poste, les candidatures internes étant étudiées au même titre que les candidatures extérieures, ce qui peut constituer un frein à la mobilité interne au même niveau de responsabilité ou en progression de carrière. En conclusion, la chambre relève que l’élaboration d’une stratégie pluriannuelle de recrutement, formalisée par une délibération de l’assemblée départementale, permettrait au département d’aller vers une formalisation préalable d’objectifs chiffrés de gestion des compétences et de maitrise de la masse salariale. 9.1.1.5. Le remplacement des départs à la retraite Selon une évaluation prospective de la direction des ressources humaines du département, 140 départs en retraite pourraient intervenir entre 2015 et 2020. Sur cette base, un « cadre de réflexion » a été proposé au comité de direction avec comme principale proposition de ne remplacer a priori que les départs intervenants dans le secteur des politiques sociales. En outre, la collectivité ne dispose pas d’outils internes lui permettant d’anticiper les dates de départs possibles en retraite, ses agents n’étant pas tenus de s’engager sur ce point. 9.1.2. L’externalisation de services Deux politiques publiques ont été concernées par l’externalisation au cours de la période de contrôle : l’entretien des locaux hors collèges et une partie de la politique sociale et d’insertion, à savoir l’accompagnement social et professionnel des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ainsi que la réalisation des diagnostics avant orientation pour ces mêmes personnes. L’externalisation des prestations d’entretien ménager a été décidée suite à des vacances de postes, afin d’éviter notamment des situations de travail isolé pour certains agents de la collectivité ou le maintien d’horaires de travail décalés. La mise en place de ces marchés publics a permis le non-remplacement de 21 agents, partis en retraite ou en congé longue maladie statutaire. La mise en œuvre des mesures d’accompagnement social personnalisé (MASP) des bénéficiaires du RSA a fait l’objet de marchés publics et des conventions avec des partenaires extérieurs, au premier rang desquels figurent les missions locales, ont été signées suite à appel à projets, pour l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, l’externalisation de ces missions ayant coïncidé avec leur mise en œuvre. 9.1.3. Les perspectives Dans un contexte difficile, marqué notamment par le gel puis la diminution des dotations de l’Etat, le département des Ardennes a limité l’évolution de sa masse salariale et de ses effectifs.
  • 14. Rapport d’observations définitives / ROD Département des Ardennes CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES GRAND EST 38/52 Toutefois, aucune stratégie globale et conceptualisée, permettant de hiérarchiser les différentes mesures conduisant à une réduction de la masse salariale, n’a été décidée. De même, il n’existe pas de plan d’action pluriannuel dédié aux ressources humaines mais une succession de plans sectoriels, à portée annuelle, tels que le plan de prévention des risques professionnels, le plan de formation ou le plan handicap. La collectivité départementale n’a pas davantage mis en place une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC). Pour l’heure, seul un répertoire des métiers a été réalisé, sans que cette démarche aboutisse à l’élaboration d’un référentiel de compétences faisant apparaitre les compétences disponibles et leur adéquation avec le besoin de la collectivité. Toutefois, un suivi des effectifs existe. En effet, la réduction de l’effectif permanent est la principale solution privilégiée par le département des Ardennes afin de contenir l’évolution de sa masse salariale. La démarche repose sur les départs naturels non remplacés (retraite, mutations, détachements, disponibilités), la direction des solidarités étant la seule à être assurée du maintien quantitatif a priori de ses effectifs. L’assemblée départementale a délibéré sur une limitation des avancements de grade et d’échelon pour contenir la progression du glissement vieillesse technicité (GVT). Une réduction des avancements de grade d’un tiers est même envisagée. Enfin, la collectivité entend limiter, voire supprimer, le remplacement de certains congés statutaires en faisant, par exemple, du non-remplacement des congés maternité un principe de portée générale. En conclusion, s’il est possible de constater que l’ordonnateur entend mener une politique volontaire d’encadrement de sa masse salariale, celle-ci reste mise en œuvre sans cohérence d’ensemble. Outre la mise en place d’un répertoire des métiers, la chambre l’invite à se doter d’un schéma directeur des ressources humaines lui permettant de conceptualiser et d’expliciter ses choix en la matière et de tracer des perspectives d’évolution organisationnelle, en mettant notamment en correspondance un besoin de compétences exprimé par la collectivité et le capital de compétences des agents en poste, pour la mise en œuvre des politiques publiques départementales.