1. La Conférence de Paris sur les changements climatiques se tiendra du 30 novembre
au 11 décembre et réunira les dirigeants du monde entier. L’UE entend sortir de
la COP21 avec un accord international ambitieux et légalement contraignant. Le
dérèglement climatique étant d’ores et déjà enclenché, les intentions de l’UE sont
louables, néanmoins, sont-elles réalistes ?
L’UE ne peut combattre le réchauffement climatique seule, l’effort doit être
collectif, sur le plan international mais également sur le plan national. A l’issue
de la réunion des ministres européens de l’environnement le 18 septembre, le
directeur général de BUSINESSEUROPE, Markus J. Beyer invitait l’UE à se montrer
plus ferme et à réclamer un effort comparable dans les autres coins du globe afin
que tous les grands producteurs d’émissions de carbone jouent le jeu : « alors
que les ministres européens empruntent la bonne voie dans leur conclusion sur
la question climatique, un message clair appelant les principaux émetteurs hors
de l’UE à faire de même fait défaut ». Mais les dirigeants européens ne doivent
pas se leurrer, la transition énergétique est bel et bien en cours. La situation
d’aujourd’hui n’est pas celle de la décennie passée, même si l’UE reste la
pionnière en la matière, de nombreux pays ont également pris des mesures pour
réduire leurs émissions, c’est notamment le cas de la Chine qui pourrait jouer un
rôle moteur avec la généralisation de son système de tarification du carbone1
.
Lors du sommet annuel des Nations unies au mois de septembre passé, les chefs
d’Etat ont soumis leur nouveau plan climatique, les objectifs de développement
durable et l’après-2015, un programme ambitieux de 17 objectifs que l’humanité
doit poursuivre et atteindre d’ici 2030. Chacune de 17 résolutions est divisée en
sous-objectifs totalisant de la sorte 169 points. Les objectifs du Millénaire pour le
développement adoptés en 2000 arrivent à expiration cette année. Grâce à ces
huit objectifs visant à promouvoir une croissance économique saine et le déve-
loppement social de tous, certains résultats ont été atteints mais ils doivent être
renouvelés, étendus et renforcés grâce au nouveau plan des Nations unies. C’est
un effort commun et partagé qui implique non seulement les gouvernements
mais aussi le secteur associatif, les institutions internationales et le secteur privé.
Il faut, en effet, prendre en compte les acteurs de la société civile, l’industrie
mondiale doit être impliquée pour partager son savoir, son expérience et ses
connaissances sur la question afin d’éclairer les négociations étatiques.
Le sommet des Nations unies représentait une étape important à l’aube de la
Conférence de Paris. Le Président des Etats-Unis, Barack Obama, a appelé à ce
que soit conclu un accord ‘fort’ à Paris. Le Président de la République française,
François Hollande s’est, quant à lui, exprimé en ces termes devant l’Assemblée
générale des Nations unies : « Nous devrons, à Paris, nous poser une seule ques-
tion: l’humanité est-elle capable de prendre la décision de préserver la vie sur la
planète ? Je vais vous le dire ici et pleinement : [si cette décision n’est pas prise à
Paris], ce ne sera pas tard, ce sera trop tard pour le monde ! ».
Combattre le réchauffement climatique est l’un des plus grands défis du 21ème
siècle mais au-delà des déclarations politiques, les négociations climatiques ne
montrent pas de progrès cinglant. Certes, les quelques 195 Etats impliqués dans
les discussions sont conscients de la nécessité de conclure un accord mondial pour
la préservation de la planète mais à l’heure actuelle, l’essence du cadre internatio-
nal en matière de climat se trouve dans l’UN Framework Convention on Climate
Change et dans le Protocole de Kyoto ; or, si l’UE n’adapte pas sa position à la
1 M. Afriat, J. Swartz, “China: an emissions trading case study”, Case study for CDC-Climate research and
IETA, Mars 2015 - www.ieta.org
nouvelle réalité mondiale, Paris pourrait ne conduire qu’à l’adoption d’un texte
général et vague ne prônant aucune mesure concrète.
L’enjeu de Paris c’est également d’amener les Etats à contribuer financièrement
à combattre le réchauffement climatique : la mobilisation de 100 milliards de
dollar par an par les pays développés, de source privée ou publique, à partir de
2020. L’UE joue ici un rôle important et doit saisir l’opportunité d’avancer vers la
création d’un prix mondial du carbone pour accélérer la transition énergétique et
financer le Fonds Vert. La solidarité climatique ne peut être assurée que par une
contribution concrète des Etats et l’importance de leur apport financier traduira le
sérieux de leur engagement.
Comme Christiana Figueres, Executive Secretary of the UN Framework Conven-
tion on Climate Change (UNFCCC), l’a rappelé devant le Parlement Européen : il
ne faut pas s’attendre à un miracle. Le processus de transition est en cours, les
dirigeants mondiaux doivent décider s’ils vont accélérer la transition énergétique
ou la freiner. Après l’échec de la conférence de Copenhague et l’inapplicabilité
du protocole de Kyoto, l’UE doit comprendre que la communauté internationale
ne fonctionne pas comme elle. Un accord juridiquement contraignant n’a aucune
utilité si dans les faits il n’existe aucun moyen de le faire appliquer, c’est le cas du
Protocole de Kyoto. L’objectif est de continuer la transition énergétique vers une
énergie durable pour tous et non pas un protocole de Paris à tout prix.
Un accord pragmatique est d’autant plus important que le réchauffement clima-
tique impacte un grand nombre de domaines. Rappelons que le défi est également
sécuritaire. En effet, les déplacements de population pour raisons climatiques ne
vont cesser d’augmenter. Le Conseil de Sécurité des Nations unies associe aujourd’hui
le débat climatique aux discussions sur le développement et la sécurité. Le dérègle-
ment climatique a, par exemple, joué une part importante dans le déclenchement
de la guerre en Syrie, le pays ayant connu une importante sécheresse entre 2006
et 2009 conduisant à une fragilisation d’un pays d’ores et déjà en crise. Le dépla-
cement des populations vers la ville et la hausse des prix résultant des mauvaises
récoltes ont accru les tensions environnementales et démographiques ainsi que
les mauvaises décisions politiques menées par le gouvernement impopulaire de
Bachar el-Assad.
Les tensions peuvent être évitées et modérées grâce à une diplomatie efficace au-
delà de la coopération internationale, les ententes bilatérales et les anticipations
de mouvements migratoires sont cruciales pour que la paix mondiale puisse être
assurée. La diplomatie climatique occupe un rôle important, elle doit inclure tous
les acteurs et partenaires concernés et doit être intégrée comme instrument de
politique extérieure par tous les Etats.
Christiana Figueres, qui a succédé à Ivo de Boer, est consciente du poids qui repose
sur ses épaules et de la responsabilité qui lui incombe de mener à bien les négo-
ciations – l’échec n’est pas une option – elle vise à ce qu’un terrain d’entente
soit trouvé. Selon la costaricaine, si le climat est l’actuelle pomme de la discorde,
c’est une leçon que la communauté internationale peut tirer des confrontations
que ce thème amène. En effet, le 21ème siècle pourrait amener son lot de défis
planétaires et il faudra que les Etats soient armés pour y faire face.
Le compte à rebours pour décembre est bel et bien enclenché…
Paris 2015 : Un défi planétaire au-delà du discours politique ?
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