1. Les clés de la réindustrialisation
Quatrièm
nquête sur la réind
e volet de notre e mis à des entreprises d’adapter leur ême
tion a per tique et m
aute-Marne,
ustrialisation. En H ncienne
a 4o/t6n
va io I
le goût de l’innova à l’outillage automobile, à l’aéronau ie a de l’avenir. Inn
tradition coutelière icales. À la campagne aussi, l’industr
aux prothèses méd
Nogent n’a plus le
couteau sous la gorge
Le lancement d’un pôle
technologique et de Nogentech, un
Toujours fier de ses couteaux,
club de 50 entreprises innovantes, a Nogent ne cesse pourtant
redynamisé l’économie de ce qui fut d’innover dans des secteurs
de pointe.
l’un des premiers départements
industriels de France.
Par Gilles GRANDPIERRE
C’ EST une histoire sensu, l’activité n’emploie plus
qui remonte à la désormais qu’une centaine de
nuit des temps. Aux personnes, la plupart artisans,
Celtes, plus exacte- dans tout le département. Et
ment. La profusion pourtant, les entreprises héritiè- sance à Nogentech, un industrielle de Nogentech ont
de fer dans le sous-sol haut- res peu ou prou de leurs lointai- club de 50 entreprises fait le plein à 85 %. Un projet
marnais a longtemps été un nes et parfois très anciennes innovantes haut-marnai- d’extension à 200 hectares est
filon qu’on pensait inépuisable. devancières en font encore tra- ses dont une trentaine dans les cartons. Le siège du
Fin XIXe, le département est vailler plusieurs milliers. installées à Nogent pôle technologique lui-même,
alors l’une des toutes premières Par quel prodige ? La recon- même. Au total, 2 700 labellisé « Pôle d’excellence
régions industrielles de France. version d’abord, l’innovation salariés (dont 1 500 à rural », s’est installé dans
Ses forges et fonderies tiennent surtout. « Les couteliers tradi- Nogent) pour un chiffre 2 500 m2 de bâtiments, à la fois
le haut du pavé. Parmi toutes, tionnels qui n’ont pas vu que le d’affaire cumulé de laboratoire, centre de forma-
une tradition s’impose, la cou- couteau n’était plus un objet 400 M€. tion et pépinière d’entreprises.
tellerie, qui employa jusqu’à d’exception ont périclité. Et plus Peu à peu, Nogentech a L’apport de matière grise et la
6 000 personnes au tournant encore quand ils ont préféré pro- construit des partena- vitalité de sa zone industrielle
du siècle et tailla la réputation téger jalousement leur savoir- riats. D’abord avec le ont donné un coup de fouet à la
de Nogent. Mais insensible- faire plutôt que de le faire monde sont produites dans ce mais la dynamique est désormais CRITT (transfert de technolo- paisible cité nogentaise.
ment, le déclin avait déjà com- savoir », résume Jean-Loïc Carré, département, que les parapets du sur les rails ». gies) de Charleville, qui dispose « Avec ses 4 500 habitants, elle
mencé. le très dynamique directeur du Pont de Millau y ont été fabri- Dans les grandes lignes, le d’une antenne locale de 10 per- fonctionne comme une ville de
La découverte du procédé pôle technologique de Haute- qués, de même que les vilebre- pôle technologique, qui a béné- sonnes. Avec l’université tech- 10 000 personnes. Un lotissement
Bessemer, capable de produire Champagne et de Nogentech, quins qui équipent beaucoup ficié des confortables fonds nologique de Troyes (UTT) s’est construit, le supermarché
de l’acier de haute qualité à par- qui en est l’émanation. d’automobiles, allemandes d’accompagnement générés par ensuite, qui met à disposition local a doublé de taille », assure
tir de fonte brute, a peu à peu Le pôle a désormais 10 ans. notamment », explique M. Carré, le laboratoire nucléaire de Bure, des entreprises une vingtaine M. Carré, qui voit dans Nogen-
déplacé les hauts lieux de la Son principe : rassembler les qui dit avoir voulu « redonner entre Meuse et Haute-Marne, se d’apprentis ingénieurs en alter- tech « la parfaite symbiose entre
métallurgie vers la Lorraine. entreprises haut-marnaises leur fierté aux veut une plate- nance. « La finalité est de leur un projet industriel et le déve-
L’hémorragie démographique
suivra. De 270 000 habitants en
autour de trois axes d’excel-
lence, la sous-traitance auto-
entrepreneurs
locaux et rompre
Le plein en dix ans forme d’échan-
ges, d’informa-
offrir des services de haute tech-
nologie auxquels elles ne pour-
loppement d’un bassin de vie. Le
comble, c’est que beaucoup de
1850, la Haute-Marne n’en mobile, le traitement de sur- avec le sentiment de résignation tion, de formation parfois. « Nous raient accéder car la plupart de personnes, y compris dans le
compte plus aujourd’hui que face et les dispositifs médicaux et d’isolement qui dominait n’avons rien à vendre mais fonc- ces sociétés sont des PME », com- département, croient encore
180 000. L’inexorable déconfi- (instruments chirurgicaux, pro- autrefois. Les acteurs économi- tionnons comme une interface de mente Jean-Loïc Carré. qu’on fabrique des ciseaux en
ture de la coutellerie a accom- thèses). « On sait peu que 20 % ques, collectivités en tête, ont services aux entreprises ». Locale- Dix ans après son lancement, Haute-Marne alors que ce n’est
pagné le mouvement. Stricto des prothèses de hanche dans le sans doute réagi tardivement ment, la structure a donné nais- les 46 hectares de la zone quasiment plus le cas ! ».
La championne de la prothèse
C’est une illustration éclatante des dans la fabrication beaucoup plus 2008, est également devenue un
bienfaits de la reconversion indus- sophistiquée d’implants orthopédi- groupe de cinq entreprises : outre le
trielle conjuguée au goût de l’innova- ques et d’ancillaires. C’est site nogentais, HMP spécialisée dans
tion. Quand Bernard Marle a repris aujourd’hui l’essentiel de son acti- le polissage à Sarrey et trois autres
en 1978 l’entreprise éponyme fondée vité. sites à Saint-Étienne et Alès.
par son père Maurice, quatorze ans La signature d’un contrat de colla- Les effectifs aussi ont grandi. De 94
plus tôt, la petite société nogentaise boration avec le CRITT de Charleville personnes en 1991, Marle en emploie
était spécialisée dans l’estampage de en 1984 a servi de détonateur. Le aujourd’hui 167 (210 avec HMP) et
ciseaux, de couteaux, d’outillages à matériau traditionnel a fait place au 400 pour l’ensemble du groupe. Sur-
main. La tradition titane, deux fois plus tout, la particularité de l’entreprise
haut-marnaise dans
toute sa splendeur.
Hanche, épaule léger et résistant.
Hérité de l’ancienne
est de travailler à 90 % à l’export, dont
60 % vers l’Europe. Et qu’importe que
En prenant les et genou pratique coutelière, le Nogent soit située au cœur de la
rênes, le coup de process reste identi- Haute-Marne, autant dire loin de tout.
génie du fils est d’avoir que (estampage, usinage, polissage), « Nos performances ne sont pas liées à
Plus léger, le titane pris conscience que ce même s’il réclame davantage de pré- un positionnement géographique mais
s’est imposé comme savoir faire-là n’aurait cision et de maîtrise technique. En à notre expertise », résume Delphine
le matériau idéal qu’un temps. Le hasard bref, une bonne pincée de technolo- Descorne-Jeanny, la directrice des
pour les prothèses d’une rencontre avec gie dans un bain de tradition. opérations de l’entreprise. Le fonds
orthopédiques.
un chirurgien nancéien Dix-huit ans après, Marle S.A. fabri- d’investissement américain Carlyle
l’a convaincu que l’ave- que chaque année 450 000 implants, n’a pas vu dans cet isolement un obs-
nir du couteau était dans le bis- ce qui en fait le leader européen de la tacle au rachat du groupe en 2009.
touri ! Façon de parler car, en réalité, prothèse de hanche et d’épaule, acces- L’innovation l’a emporté. Et
l’entreprise familiale s’est délibéré- soirement de genou. La société, qui a qu’importe que Marle soit quasiment
ment lancée au début des années 80 déménagé de Odival à Nogent en à la campagne.
www.lunion.presse.fr Jeudi 23 février 2012