1. 26 Les clés de la réindustrialisation
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En quarante ans, près rien ne sera possible : un de six reportages
d’un emploi industriel sur engagement public fort consacrés à des
deux a disparu en France. dans le réaménagement revitalisations réussies
t Les incantations des friches et aux solutions pour
L’engagemen électorales ne suffiront en déshérence, un réseau y parvenir. Car il y en a !
public pas à inverser la vapeur.
Réindustrialiser prendra
de PME conquérantes,
le goût de l’innovation et
Aujourd’hui, focus
sur la Lorraine et
du temps. Surtout, il y la formation des hommes. la renaissance du site
Le regard de faudra quatre conditions Pour rompre avec des anciennes aciéries
notre envoyé spécial clés. Pas les seules la sinistrose ambiante, de Pompey.
Difficile d’y échapper. Evoquer la réindustriali- certes, mais sans elles premier d’une série Par Gilles GRANDPIERRE
sation de la France, c’est d’abord dresser le bilan
des emplois perdus depuis trente ans et le début
des grandes restructurations industrielles. Et
même davantage si l’on date l’origine du mal à la
première crise du pétrole (1974). Inexorable et
spectaculaire déclin.
En 1980, notre pays comptait encore 5,3 millions
d’emplois industriels. Il n’en dénombre plus que
3,4 millions. Depuis 2007, l’hémorragie ne
ralentit pas : – 400 000. En moyenne lissée sur
dix ans, la France perd chaque mois près de
6 000 emplois, quelque chose comme 72 000 par
an et 720 000 depuis l’an 2000.
On peut ainsi poursuivre la longue litanie des
statistiques déprimantes. Les colonnes des gazet-
tes en sont plei-
nes. Si Bercy a
enregistré depuis
6 000
trois ans la créa-
tion de 500 entre-
emplois
prises industriel-
les, dans le même
perdus
temps, 880 autres
rendaient l’âme ! par mois !
Le bilan régional est au diapason. Depuis 2008,
il s’est créé dans la Marne 59 entreprises indus-
trielles mais dans le même temps 158 autres fer-
maient leurs portes. Idem dans les Ardennes
(19 contre 62) et dans l’Aisne (21 contre 57). Entre
1990 et aujourd’hui, la Champagne-Ardenne a
perdu près de 40 000 salariés industriels et près
de 8 000 depuis 2007. Elle en compte encore
87 000. La Picardie, elle, en a vu s’évaporer plus
de 15 000 en dix ans. Champagne-Ardenne et
Picardie ont beau se classer encore aux 4e et
3e rangs des régions industrielles françaises, la
décrue se confirme : – 5 300 postes depuis trois
ans dans les Ardennes, la Marne et l’Aisne.
N’en jetons plus ! Les causes du mal sont
connues : recours croissant à l’externalisation
des emplois vers les services, gains de producti-
vité, fiscalité pesante, baisse des investissements,
délocalisations, concurrence internationale… Un
chiffre résume l’étendue du malaise : en quarante
ans, la part de l’industrie dans le PIB français est
passé de 27 à 13 % (23 % en Allemagne). « Réindus-
trialiser la France sera un processus long, au moins
dix ans », estime un responsable patronal. Raison
de plus pour s’y mettre.
S
Délipapier (506 emplois), la plus grosse entreprise
installée aujourd’hui sur le site de Pompey.
Lorraine
UR les hauteurs de Pont-à-Mousson, les nouveaux en partenariat avec les pouvoirs publics. Nous ne sommes pas dans
bâtiments de l’EPFL sortent de terre. Loin des projec- une logique de valorisation foncière mais d’accompagnement des
teurs, l’établissement public foncier de Lorraine est l’un des fers élus pour les aider à trouver des projets cohérents et financièrement
de lance de la recomposition du paysage économique régional supportables », explique Régis Stenger, directeur des études et
depuis la déconfiture de l’industrie lorraine à l’aube des travaux à l’EPFL, qui s’est d’abord appelé établissement public
années 80. métropole Lorraine (EPML).
new-
En un peu plus de quarante ans, la région a perdu près de En changeant de nom en 1985, le bras armé de la revitalisa-
200 000 emplois industriels : 38 000 dans le textile, 25 000 tion régionale devenait du coup l’acteur principal de la recon-
dans les mines de fer, 40 000 dans les houillères, 100 000 dans version de tous les espaces dégradés. « L’époque de la reconver-
la métallurgie. De Longwy à Épinal, de Forbach à Saint- sion des friches de l’industrie lourde est derrière nous. Depuis 2002,
Dié, la Lorraine s’est donc coltinée quatre crises majeu- nous travaillons aussi sur les friches militaires ou ferroviaires, les
res. À l’instar du Nord-Pas-de-Calais, un traumatisme dents creuses urbaines, les bâtiments publics désaffectés, etc. »
sans précédent. Mais elle n’a pas attendu la récente fer-
meture des aciéries de Gandrange – douloureuse Catalyseur
piqûre de rappel – pour prendre le problème à bras- La compétence géographique de l’EPFL, autrefois concentrée
look
le-corps. sur la Moselle et la Meurthe-et-Moselle, s’est étendue à
Au vrai, c’est d’abord l’État qui, au milieu des années la Meuse et aux Vosges. À la demande des collectivités, l’acqui-
70, a senti le vent tourner en créant les établissements sition foncière se double d’une approche environnementale
publics fonciers. Celui de Lorraine date de 1973. Sa et économique. « Avant de démolir et d’étudier la faisabilité
mission ? Assurer le portage foncier des sites déman- d’un projet, nous devons nous assurer que l’entreprise sur le
telés au service des communes. En bref, une sorte départ nettoie le site en vue d’une dépollution adaptée. On ne
d’interface notariale entre l’industrie défaillante et les dépollue pas de la même manière s’il s’agit d’accueillir une nou-
collectivités. « Il fallait leur donner des perspectives de velle entreprise, de l’habitat ou une salle des fêtes. » Depuis 1973,
reconquête et créer à tout prix de l’activité économique l’EPFL a ainsi traité quelque 7 000 hectares de friches ●●●
www.lunion.presse.fr Lundi 20 février 2012