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735 la crise du 16 mai 1877 r mouradian
1. La crise du 16 mai 1877
Introduction :
Depuis la fin du Second Empire en 1870, la République nouvellement proclamée peine à
« accoucher » d'elle même. Ses acteurs ont des intérêts profondément divergents, ce qui ne laisse que peu de
place à la mise en place d'organes stables qui permettraient d'assoir le système républicain. Un contexte qui
va donner lieu à la première crise de la IIIe République : la crise du 16 mai 1877. Crise dont la particularité
est qu'elle est la première crise de nature seulement parlementaire et électorale, et donc qu'elle est la première
« entièrement pacifique ». Cette crise institutionnelle est, dans les faits, l'acte de naissance de la IIIe
République.
I) Crise institutionnelle.
A) Compromis de 1875
La IIIe République devient le régime définitif de la France sur de trop nombreuses ambiguïtés :
l'Amendement Wallon est en partie voté par non républicains. L'alliance gauche/droite constitue l'essentiel du
compromis de 1875 : les Orléanistes, devant le « refus » de mourir de Chambord, se replient sur la
constitution républicaine conservatrice afin de créer une République par défaut et encadrée en prévision de la
victoire républicaine aux législatives de 1876. Quant à Gambetta, à la tête des républicains, il doit faire des
concessions afin de permettre le vote de l'amendement : partisan de l'Union des Républiques ( l'extrême
gauche), il accepte l'alliance avec les orléanistes de centre-droit. Ainsi certaines lois constitutionnelles sont
révisées et laissent l'opportunité au président Mac-Mahon d'imposer une interprétation orléaniste de la
Constitution de 1875, faisant du président un chef d'État semblable à un souverain constitutionnel.
B) Dualité du pouvoir
Les lois constitutionnelles de 1875 donnent ainsi lieu à une ambiguïté du système républicain quant à
la prépondérance d’un des pouvoirs, entre le législatif et l’exécutif. Tous deux suivant la règle démocratique,
les parlementaires comme le président de la République sont élus au suffrage universel pour 7 ans chacun (loi
du septennat de 1873). Ce qui pose un problème vis-à-vis de la légitimité des deux pouvoirs : lequel prime
sur l'autre? Ainsi la dualité du pouvoir empêche l'efficacité optimale du système républicain, et le paralyse
partiellement alors qu'il est nécessaire pour lui de s'accomplir.
C) Elections de 1876 : une Chambre républicaine et un président légitimiste
Les élections législatives du 5 mars 1876 accentuent cette dualité du pouvoir et pousse un peu plus la
République dans son impasse constitutionnelle et fonctionnelle. La majorité de la Chambre des Représentants
revient à la gauche républicaine avec à sa tête Gambetta, alors que le Sénat reste aux mains des monarchistes
et du côté du président légitimiste. Mac-Mahon se voit obligé de nommer un président du conseil
républicain : Jules Dufaure, qu'il remplace 10 jours plus tard par Jules Simon (républicain modéré). Ces
changements qui suivent les élections de 1876 accentuent la dualité du pouvoir qui s'opère et l'instabilité qui
en résulte, c'est-à-dire la fragilité du système républicain qui comporte encore des opposants au sein même de
son gouvernement.
II) Victoire républicaine et nouvelle lecture des institutions.
A) « Se soumettre ou se démettre »
Le désaveu du second président du Conseil républicain Jules Simon par Mac-Mahon le 16 mai 1877,
après le vote de deux lois républicaines par l’Assemblée Nationale en l’absence de Simon et contre l’avis du
président, est perçue par les républicains comme un « coup d'État parlementaire ». S’en suivent un vote de
défiance envers le gouvernement d’Albert de Broglie et en réponse à ce vote la dissolution de l’Assemblée.
Mac-Mahon espère ainsi retrouver une majorité conservatrice et tenter de rétablir la monarchie. Dans la
campagne législative qui s’en suit, Gambetta prononce une phrase le 15 août qui formule les enjeux de la
campagne pour le président de la République : « Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, il
faudra se soumettre ou se démettre ».
2. B) La victoire de 1877
Mac-Mahon met en action, dans la campagne électorale, une énergie et une influence personnelles
considérables, il bénéficie notamment du soutient des catholiques depuis la chute de la Papauté avec
l'indépendance de l'Italie. La question religieuse est particulière dans cette campagne, puisqu'on assiste au
discours anticlérical de Gambetta (4 mai) visant non pas la religion elle-même, mais les actions politiques à
prétexte religieux et vice-versa (catholicisme vs Cléricalisme). Ce discours crée néanmoins de lourdes
tensions en France, qui « médite » alors la place à donner à l'Église dans la France moderne. Ce qui
n'empêche pas, les 14 et 28 octobre, les républicains de remporter les élections législatives. C'est un tournant
républicain majeur dans l'histoire de la consolidation de la IIIe République : cette victoire identifie
indirectement et durablement la gauche républicaine à la légitimité populaire, donc au gouvernement de la
IIIe République. Elle lui fait perdre sa connotation guerrière et révolutionnaire, les républicains ne sont plus
des « rouges ».
C) L’exécutif inférieur au législatif
Mac-Mahon doit, après sa défaite, accepter le changement d'interprétation : « la constitution de 1875 a
fondé une république parlementaire en établissant mon irresponsabilité, tandis qu'elle a institué la
responsabilité solidaire et individuelle des ministres ». Cette déclaration établit la supériorité du
législatif sur l'exécutif, par diverses lois et barrières au pouvoir présidentiel, par exemple la
prévention renforcée du droit de dissolution de l'Assemblée.
III) Postérité.
A) Démission de Mac-Mahon en 1879
A la suite des législatives de 1877, on assiste à la « conquête républicaine » des pouvoirs au sein de la
République, fondée entre autre sur le refus de l'ordre et de la vision monarchiste de la république que
représente Mac-Mahon. En effet, seule la gauche est désormais associée à la défense de la démocratie
libérale. Après la victoire des républicains au Sénat le 5 janvier 1879, Mac-Mahon est sans soutient
parlementaire et n'a donc plus guère le choix, il doit démissionner le 30 janvier.
B) Élection de Jules Grévy
Élection symbolique : c'est la première fois que la République est authentiquement et entièrement
contrôlée par des républicains. Jules Grévy renonce totalement à exercer les prérogatives dont les lois
constitutionnelles de 1875 le dotent pourtant. Le basculement du Sénat rend totalement impossible la
dissolution, et la pratique des institutions de Grévy fait du président une simple figure influente mais
dépourvue de pouvoirs réels. C'est la fin de l'équilibre institutionnel, et l'ancrâge définitif du régime
républicain.
C) L’acte de naissance du parlementarisme
Cette nouvelle « république absolue » (terme d'Odile Rudelle) implique plusieurs faits et notions. On
peut parler de l'interdiction d'une véritable alternance au pouvoir entre les partis, de la création de la
« discipline républicaine », c'est à dire à l'obéissance parfaite des députés aux directives des gouvernements
républicains grâce au Comité, et du fait que le gouvernement de ce régime parlementaire soit responsable
devant le parlement. C'est la naissance du parlementarisme moniste en France, à la place du parlementarisme
dualiste d'essence orléaniste : deux pouvoirs égaux s'affrontant, avec une action personnelle du chef de l'État,
dirigée éventuellement contre son propre ministère. Ce nouveau parlementarisme n'est pas authentique,
puisqu'il ne possède pas la contrepartie à la responsabilité ministérielle qui lui est nécessaire.
Conclusion :
La crise du 16 mai 1877 donne donc aux lois constitutionnelles de 1875 leur interprétation définitive.
Si la date du 16 mai s'apparente dans les mémoires aux coups d'État de Napoléon 1er et de Napoléon le Petit,
le dualisme prôné par Mac-Mahon, c'est à dire un gouvernement responsable devant le parlement et le
président en même temps avec un pouvoir fort et personnalisé du chef de l'État, ne saurait être qualifié ainsi.
La constitution de la IIIe République s'inspire en effet largement de la tradition orléaniste. Cependant la
disparition de la dissolution et l'effacement du président, consécutifs à la crise du 16 mai, font dévier la
pratique institutionnelle depuis l'orléanisme vers la tradition révolutionnaire, où la chambre est la pièce
3. maîtresse du jeu politique, et où les ministères sont soumis à ses mouvements d'humeur, puisque la
dissolution ne peut plus les protéger. En ce sens, la crise du 16 mai 1877 marque le début effectif du
basculement du régime depuis le parlementarisme rationalisé vers le parlementarisme absolu.