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La Commune de Paris, le premier État socialiste
Il y a 140 ans, du 18 mars au 28 mai 1871
Frans De Maegd
Etudes Maxistes Nr. 94, 2011
Comment tout a commencé
Le 18 mars, après un bref soulèvement, la Garde nationale prend le pouvoir à Paris. Le
soulèvement et la victoire des Parisiens sont le résultat de la capitulation du gouvernement
français lors de la guerre francoprussienne de 1870-1871. Ils résultent également de la lutte
livrée par la classe ouvrière en France dans toutes les révolutions et révoltes qui ont suivi la
grande Révolution française de 1789. Dans tous ces événements, le peuple avait assumé les «
sales besognes » pour la bourgeoisie ou pour des fractions de celle-ci mais, par la suite, il
n’avait eu pour récompense qu’un surcroît d’oppression et d’exploitation et ce, dans un pays
où le capitalisme et son industrialisation étaient en pleine ascension.
Napoléon III1
avait déclaré la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870. Il craignait que la France
ne perdît son influence sur le continent ouesteuropéen si la Prusse, dirigée par Bismarck, était
en mesure de réunir en une seule nation plusieurs États et petits États allemands. Napoléon III
espérait une victoire rapide, mais le 2 décembre à Sedan, il subit une défaite et est fait
prisonnier. À Paris, un soulèvement éclate aussitôt et la République est proclamée le 4
septembre. Le gouvernement bourgeois promet de défendre la patrie. Quand, dès le 18
septembre, les troupes allemandes assiègent Paris, ce même gouvernement est obligé d’armer
les travailleurs parisiens et de constituer une Garde
Le 2 décembre 1851, alors qu’il est président de la République française, Louis Napoléon
Bonaparte (1808-1873), neveu de l’empereur Napoléon Ier
, commet un coup d’État militaire.
Un an plus tard, il instaure le Second Empire et se proclame lui-même empereur sous le nom
de Napoléon III. Sous sa dictature, le capitalisme et l’industrialisation de la France
connaîtront un grand essor.
nationale2
. Malgré la faim et le froid, celle-ci, appuyée par la population, tient bon contre les
Allemands et organise trois contre-attaques à partir de la ville. Toutes trois échouent
cependant en raison d’une mauvaise approche.
Mais, à partir de février 1871, le gouvernement prépare la capitulation, d’autant que la
bourgeoisie craint beaucoup les travailleurs armés. Le 1er
mars, l’Assemblée approuve la
capitulation. L’accord de paix constitue une sévère humiliation pour la France. Elle perd,
entre autres, ses provinces d’Alsace et de Lorraine et elle doit payer à l’Allemagne une
indemnité de guerre de 5 milliards de francs or, soit plus du double du budget annuel de
l’État. La colère suscitée par autant de lâcheté et une telle trahison est grande dans la
population de Paris. C’est pourquoi les Parisiens n’acceptent pas la capitulation et entendent
poursuivre la lutte contre l’Allemagne.
Mais le gouvernement a prévu la chose et a déjà pris en février un certain nombre de mesures
politiques. Le paiement des membres de la Garde nationale — 1,50 franc par jour — a été
supprimé dès le 15 février. Cette mesure a eu des retombées sociales catastrophiques. Il y
2
avait un chômage massif et la solde de 1,50 franc par jour avait permis de survivre durant le
siège de Paris. Le nombre de membres de la Garde nationale, quelque 180 000 hommes
durant le siège, n’a pas tardé à redescendre à 100 000 hommes armés. Dans l’espoir de faire
cesser l’agitation, les clubs politiques sont fermés et six journaux de gauche interdits.
Après la capitulation, le gouvernement prend des mesures antisociales afin de faire payer
l’impôt de guerre et de démoraliser le peuple. L’ajournement du paiement des retards de loyer
depuis juillet 1870 et du paiement des dettes (ceci concerne surtout les classes moyennes) est
annulé le 10 mars.
Mais le principal objectif du gouvernement est de désarmer les travailleurs de Paris. Celui qui
a les armes détient le pouvoir ou peut s’en emparer. À la mi-février, la majorité de la Garde
nationale se libère du contrôle du gouvernement bourgeois. À ce moment, environ deux tiers
des bataillons ont rassemblé leurs forces. Le 15 mars, les membres de la Garde nationale
élisent un Comité central. Ce Comité central forme en essence « un État dans l’État ». Il doit
être éliminé, estime la bourgeoisie.
À l’origine, la Garde nationale constituait le pouvoir armé de la bourgeoisie de Paris. Mais,
lors de la proclamation de la IIIe
République, en septembre 1870, les travailleurs parisiens
furent admis dans ses rangs. Des 254 bataillons, la grande majorité était des bataillons de
travailleurs. Au début de la Commune, les bataillons bourgeois quittèrent Paris. Après la
chute de la Commune, la Garde nationale fut complètement dissoute.
La naissance d’un État ouvrier
À l’aube du 18 mars, les troupes gouvernementales essaient d’emporter les canons de la
Garde nationale sur la butte Montmartre3
. Grâce à l’intervention du peuple, cette tentative
échoue. Les troupes gouvernementales du 88e
régiment fraternisent avec le peuple et fusillent
séance tenante le général Lecomte, qui commande leur régiment. Le général Clément Thomas
subit le même sort. Dès lors, les choses vont très vite. Le soir de cette journée historique du 18
mars 1871, le peuple est maître de la ville et les représentants du gouvernement ainsi qu’une
partie de la bourgeoisie se sont enfuis pour se réfugier à Versailles4
.
Pour donner à la Commune de Paris un caractère légal, le Comité central organise des
élections démocratiques5
le 26 mars. 90 membres de la Commune sont élus, mais seuls 70
siègeront. À la direction de la Commune siégeaient 25 ouvriers. Les ouvriers n’étaient donc
pas majoritaires. On peut quand même parler d’un gouvernement ouvrier. Les mesures
politiques et sociales de la Commune le montrent clairement.
Le principal objectif de la Commune réside dans la destruction de l’appareil d’État existant. «
La Commune dut reconnaître d’emblée que la classe ouvrière, une fois au pouvoir, ne pouvait
continuer à se servir de l’ancien appareil d’État ; pour ne pas perdre à nouveau la domination
qu’elle venait à peine de conquérir, cette classe ouvrière devait […] éliminer la vieille
machine d’oppression jusqu’alors employée contre elle-même6
», écrivait Friedrich Engels.
Dans son « Adresse du Conseil général de l’Association internationale des travailleurs7
sur la
guerre civile en France » (le 30 mai 1871), Marx explique pourquoi « la classe ouvrière ne
peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l’État et de la faire fonctionner
pour son propre compte8
». Durant la seconde moitié du 19e
siècle, l’appareil d’État bourgeois
est devenu un appareil bureaucratique et militaire de la classe dirigeante contre le prolétariat.
3
La république parlementaire9
elle-même est une dictature de la bourgeoisie contre la classe
ouvrière.
Au lieu d’une démocratie parlementaire, la Commune opte pour un type d’État absolument
nouveau. L’une des premières mesures consiste en la suppression de l’armée existante, qui est
remplacée par la milice populaire de la Garde nationale. Le peuple armé assure le pouvoir de
la classe ouvrière et défend celle-ci.
La Commune devient l’organe du pouvoir à Paris. « La Commune fut composée des
conseillers municipaux10
, élus au suffrage universel dans les divers arrondissements de la
ville. Ils étaient responsables et révocables à tout moment. La majorité de ses membres était
naturellement des ouvriers ou des représentants reconnus de la classe ouvrière. La Commune
devait être non pas un organisme parlementaire, mais un corps agissant, exécutif et législatif à
la fois. Au lieu de continuer d’être l’instrument du gouvernement central, la police fut
immédiatement dépouillée de ses attributs politiques11
et transformée en un instrument de la
Commune, responsable et à tout instant révocable. Il en fut de même pour les fonctionnaires
de toutes les autres branches de l’administration. Depuis les membres de la Commune
jusqu’au bas de l’échelle, la fonction publique devait être assurée pour des salaires
d’ouvriers12
. » En supprimant les deux postes de dépenses les plus élevées de l’ancien État, à
savoir l’armée et la bureaucratie et en donnant tout le pouvoir au peuple, la Commune se mue
en gouvernement bon marché. Bien des tâches exécutées naguère par des fonctionnaires sont
désormais prises en main par les travailleurs, généralement dans leur temps libre.
La Commune proclame la séparation de l’Église et de l’État. Elle entreprend la « tâche de
briser l’outil spirituel de l’oppression, le “pouvoir des prêtres” ; elle décréta la dissolution et
l’expropriation de toutes les Églises13
».
La Commune a également un caractère internationaliste. Leo Frankel14
, un Hongrois, devient
commissaire du travail, et les généraux polonais15
Dombrowski16
et Wroblewski17
dirigent la
défense militaire de Paris. La colonne Vendôme18
, symbole du chauvinisme et de
l’impérialisme français, est renversée en pleine euphorie le 16 mai.
La Commune espérait que les autres villes de France allaient suivre son exemple et que, dans
toutes les communes (et villages) du pays, on allait fonder également des Communes. Les
tentatives de proclamer la Commune à Lyon, Marseille, Saint-Étienne, Narbonne, Toulouse et
Limoges furent anéanties au bout de quelques jours.
Après l’énumération de toutes les caractéristiques politiques de la Commune, Marx conclut :
« Son véritable secret, le voici : c’était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière,
le résultat de la lutte de la classe des producteurs contre la classe des appropriateurs, la forme
politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l’émancipation économique du Travail19
. »
Les mesures sociales de la Commune
La Commune et ses commissions20
ont également pris nombre de mesures sociales
importantes au profit des travailleurs et de la classe moyenne qui avait soutenu la Commune à
ses débuts. Une partie de ces mesures ont été inspirées en premier lieu par les besoins sociaux
du second siège21
et de la guerre civile, mais l’intention était certainement de maintenir ces
mesures après la victoire (impossible). Une partie des mesures prises sont toutefois restées
4
lettre morte en raison du manque de temps et de moyens. Quoi qu’il en soit, la classe ouvrière
en Europe devra encore lutter des dizaines d’années pour arracher une partie de ces
réalisations sociales. Même aujourd’hui, certaines de ces mesures ne sont toujours pas
devenues une réalité. Jugez-en vous-mêmes :
 la prolongation du délai de paiement des loyers et des dettes. Il est interdit de jeter les
gens à la rue ;
 les procès et l’aide juridique sont gratuits ; les actes notariaux doivent pouvoir être
accessibles gratuitement ; les huissiers sont des fonctionnaires de l’État ;
 la pension des veuves et des orphelins des victimes de guerre ; il a également été prévu
d’étendre cette pension à toutes les veuves et orphelins ;
 la suppression de la différence entre enfants légitimes et illégitimes22
;
 la création de banques alimentaires et de cantines pour les nécessiteux ;
 la suppression des jeux de hasard et de la prostitution de rue ;
 la reconversion des monts-de-piété en banques de crédit à bon marché est envisagée ;
la vente des biens et objets non réclamés est interdite; ceux qui avaient mis en gage
des biens pour moins de 20 francs pouvaient les récupérer gratuitement ;
 grâce au contrôle sévère de la commission de l’Approvisionnement, ce dernier
s’effectuait de façon assez fluide et la vie ne devenait pas plus chère ;
 des discussions ont été entamées à propos du paiement de congés pour les travailleurs
et d’allocations familiales ;
 la guillotine a été brûlée le 6 avril par la Garde nationale (c’étaient presque toujours
des petites gens qu’on retrouvait sous le couperet).
Les mesures de la Commune concernant l’enseignement, l’emploi et la culture requièrent un
surcroît d’attention.
L’enseignement est obligatoire et gratuit. Il se mue en enseignement laïque (l’Église
catholique avait encore en mains plus de la moitié des écoles). On consacre également une
très grande attention à la création d’écoles professionnelles, même pour les filles. Enseignants
et enseignantes perçoivent le même traitement.
Les ateliers abandonnés sont reconvertis en coopératives à gestion ouvrière. La Commune
néglige toutefois d’exproprier les grands ateliers et les entreprises. Les contrats à durée
indéterminée sont encouragés et un salaire minimal est imposé. Une bourse est prévue pour
les demandeurs d’emploi et les employeurs. Les amendes dans les entreprises sont
supprimées, de même que le travail de nuit (pour les boulangers). Les coopératives ont la
priorité dans l’acquisition des commandes de la Commune (par exemple, habillement,
chaussures…)
L’art et la culture, sous la direction de Gustave Courbet23
, doivent servir le peuple.
L’académisme bourgeois et conservateur est renié. Des écoles artistiques sont créées pour le
peuple. Les musées sont ouverts au peuple. L’accès en est désormais gratuit.
Il convient de ne pas sous-estimer le rôle des femmes durant la Commune. Elles n’ont pas le
droit de vote, ce qui ne les empêche nullement d’être particulièrement actives. Sans le soutien
et les encouragements des femmes, les hommes n’auraient pas tenu le coup très longtemps.
Les femmes peuvent s’organiser dans divers clubs, tels le Comité des femmes et l’Union des
femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. La femme la plus célèbre de la
5
Commune fut certainement l’anarchiste Louise Michel24
. Les femmes sont actives durant les
combats sur les barricades, comme infirmières ou cantinières, et elles chargent les fusils des
hommes. Certaines prennent même les armes, comme les Amazones de la Seine. La
participation des femmes à la Commune et à la résistance armée subit les quolibets de la
bourgeoisie et de sa presse. Des femmes en pantalon font l’objet de nombreuses caricatures25
.
Les erreurs et défauts de la Commune
L’enthousiasme de Marx à propos de la Commune ne l’aveugle pas au point de ne pas en voir
les erreurs et les défauts, lesquels en accélérèrent la chute. Le 12 avril 1871 (pendant la
Commune, donc), Karl Marx écrit à son ami Kugelmann : « L’histoire ne connaît pas encore
d’exemple aussi grand ! S’ils [les communards] succombent, seule leur “bonté d’âme” en sera
la cause. Il eût fallu marcher aussitôt sur Versailles […]. Par scrupule de conscience, on laissa
passer le moment favorable. On ne voulut pas commencer la guerre civile, comme si ce
[méchant] avorton26
de Thiers ne l’avait pas déjà commencée, en tentant de désarmer Paris27
.
»
Les Parisiens commirent également l’erreur de ne pas arrêter immédiatement, le 18 mars, les
représentants du gouvernement et les hauts fonctionnaires. Ce n’est qu’après que le
gouvernement eut consolidé ses forces militaires, que quelques milliers de communards se
rendirent à Versailles, où ils se firent tailler en pièces. L’initiative était venue bien trop tard.
Marx voit en outre chez les Parisiens une « Deuxième faute : le Comité central résilia trop tôt
ses fonctions pour faire place à la Commune28
». Les Parisiens n’ont pas compris que le
principal problème, après la prise du pouvoir à Paris, consistait à battre militairement le
gouvernement et la bourgeoisie, à remporter la victoire au cours d’une guerre civile étendue à
toute la France. Laisser la direction de la Commune (jusqu’à la victoire dans la guerre civile)
aux mains du Comité central de la Garde nationale n’aurait pas été du militarisme. La Garde
nationale était composée de 100 000 ouvriers et travailleurs qui avaient élu démocratiquement
leurs officiers et le Comité central. En outre, ces mêmes officiers et membres du Comité
central pouvaient être révoqués. La Commune s’attendait toutefois à ce que toute la France
suivît pacifiquement son exemple et que le gouvernement bourgeois, découragé après sa
défaite, disparût de la scène politique. Toute révolution est une guerre à la vie et à la mort. La
vieille classe réactionnaire ne se laisse pas facilement battre et compte bien riposter tôt ou
tard.
Dans la destruction du capitalisme, on ne peut non plus s’attendre à ce que la bourgeoisie
renonce à la lutte et qu’elle laisse aller son para-dis à vau-l’eau29
. La Commune néglige de
nationaliser la banque de France. Cette banque prête environ 20 millions à la
Commune30
mais, en même temps, elle prête également 250 millions à la contre-révolution à
Versailles.
La Commune se livre également à très peu de répression. Le 22 mars, une manifestation du
parti bourgeois de l’Ordre est autorisée, jusqu’au moment où l’on s’aperçoit qu’il s’agit d’une
provocation armée. Les premières semaines, les journaux bourgeois, comme Le Figaro,
peuvent continuer à paraître à Paris. Dans ces journaux, on mène l’agitation contre la
Commune et le journal lui-même donne librement des détails sur les travaux de défense
effectués dans la capitale. Lorsque, dès le début de l’attaque contre Paris, les troupes de
Versailles fusillent systématiquement et séance tenante les communards faits prisonniers, la
6
Commune prend à son tour quelques dizaines d’otages (dont l’évêque de Paris, des prêtres,
des moines, des espions, etc.) et menace d’exécuter deux de ces otages pour chaque
communard fusillé. Mais elle ne met pas sa menace31
à exécution, tandis que Versailles tue
allègrement des Parisiens.
La Commune fait preuve d’une grande incompétence sur le plan militaire. Elle n’est pas en
mesure de placer la défense de la ville sous un commandement militaire central. Des généraux
pourtant très compétents laissent tout en plan parce que bien des offi ciers de la Garde
nationale mettent en question bon nombre de leurs ordres, veulent d’abord consulter leurs
propres effectifs et n’aiment guère aller se battre en dehors des limites de leur quartier… Le
nombre de membres disponibles de la Garde nationale baisse, passant de plus de 100 000 à
quelque 30 000 ou 40 000, qui doivent s’employer contre les 110 000 hommes des troupes
gouvernementales.
La Commune néglige la surveillance et la défense des forts et des murailles32
. Le 21 mai,
lorsque les troupes de Versailles pénètrent dans la ville par la porte de Saint-Cloud, dans le
sud de Paris, c’est-à-dire dans le secteur des arrondissements fortunés, elles ne se heurtent à
aucune résistance. Les sentinelles participent à une fête au parc des Tuileries, au centre de la
ville. Ce n’est que lorsque les troupes gouvernementales ont pénétré profondément à
l’intérieur de la ville que la Commune organise la résistance. Mais, au lieu de disposer ses
meilleures forces aux endroits stratégiques de Paris, le dirigeant de la Commune, Delescluse,
ordonne après quelques jours que chacun défende son propre quartier et que « tout militarisme
» soit expressément proscrit.
La Commune fait preuve d’une grande unité, d’un sens de l’initiative et de l’efficacité quand
il s’agit de prendre des mesures sociales et démocratiques, mais elle pèche par de trop
nombreux manquements une fois qu’il s’agit de mener à bien sa tâche principale, la défense
militaire et l’extension de la révolte.
Dans la Commune siègent un grand nombre de courants divers qui se sont combattus dans le
passé. Durant la Commune ils se sont unis, mais ils restent en désaccord sur des points
cruciaux. Les blanquistes33
misent sur une dictature révolutionnaire, les proudhoniens34
ne
veulent pas entendre parler de politique ni de lutte des classes et les néo-jacobins rêvent de
ressusciter l’époque glorieuse de Robespierre. Il y a aussi quelques membres de
l’Internationale, mais eux-mêmes ne sont pas toujours d’accord entre eux non plus. Il manque
une véritable pointure de chef. Blanqui aurait pu être ce dirigeant, mais il est toujours en
prison. Afin de conférer à l’ensemble un peu de direction et d’autorité, un Comité de salut
public est constitué, mais lui aussi s’avère plutôt impuissant.
Marx ne reproche pas aux Communards ce manque de « communisme » : « La classe ouvrière
n’espérait pas des miracles de la Commune. Elle n’a pas d’utopies toutes faites à introduire
par décret du peuple. Elle sait que pour réaliser sa propre émancipation, et avec elle cette
forme de vie plus haute à laquelle tend irrésistiblement la société actuelle de par son propre
développement économique, elle aura à passer par de longues luttes, par toute une série de
processus historiques, qui transformeront complètement les circonstances et les hommes. Elle
n’a pas à réaliser d’idéal, mais seulement à libérer les éléments de la société nouvelle que
porte dans ses flancs la vieille société bourgeoise qui s’effondre35
. »
La Commune, signe avant-coureur de nouvelles révolutions prolétariennes
7
Engels qualifie la Commune de Paris de « dictature du prolétariat36
». Certes, elle l’était, mais
uniquement dans une phase embryonnaire. Lénine insiste sur le fait qu’en 1871, le socialisme
ne peut vaincre en France : « Pour qu’une révolution sociale puisse triompher, deux
conditions au moins sont nécessaires : des forces productives hautement développées et un
prolétariat bien préparé. Mais en 1871 ces deux conditions faisaient défaut. Le capitalisme
français était encore peu développé et la France était surtout un pays de petite bourgeoisie
(artisans, paysans, boutiquiers, etc.) Par ailleurs, il n’existait pas de parti ouvrier ; la classe
ouvrière n’avait ni préparation ni long entraînement et dans sa masse elle n’avait même pas
une idée très claire de ses tâches et des moyens de les réaliser. Il n’y avait ni sérieuse
organisation politique du prolétariat ni syndicats ou associations coopératives de masse…37
»
Au cours de la Semaine sanglante, du 21 au 28 mai 1871, les troupes de Versailles
reconquièrent Paris. Lénine écrit : « Près de 30 000 Parisiens furent massacrés par la
soldatesque déchaînée, près de 45 000 furent arrêtés dont beaucoup devaient être exécutés par
la suite ; des milliers furent envoyés au bagne ou déportés. Au total, Paris perdit environ 100
000 de ses fils et parmi eux les meilleurs ouvriers de toutes les professions. La bourgeoise
était contente. “Maintenant, c’en est fait du socialisme, et pour longtemps !”, disait son chef,
le nabot sanguinaire Thiers, après le bain de sang qu’avec ses généraux il venait d’offrir au
prolétariat parisien38
. »
Mais il ajoute aussitôt : « Mais ces corbeaux bourgeois croassaient à tort. Quelque six ans
après l’écrasement de la Commune, alors que nombre de ses combattants croupissaient encore
au bagne ou languissaient en exil, le mouvement ouvrier renaissait déjà en France. La
nouvelle génération socialiste, enrichie par l’expérience de six années et nullement
découragée par sa défaite, releva le drapeau tombé des mains des combattants de la Commune
et le porta en avant avec assurance et intrépidité aux cris de “Vive la révolution sociale ! Vive
la Commune !” Et, quelques années plus tard, le nouveau parti ouvrier et l’agitation qu’il avait
déclenchée dans tout le pays obligeaient les classes dominantes à remettre en liberté les
communards restés aux mains du gouvernement39
. »
Lénine : « Le souvenir des combattants de la Commune n’est pas seulement vénéré par les
ouvriers français, il l’est par le prolétariat du monde entier. Car la Commune lutte non point
pour quelque objectif local ou étroitement national, mais pour l’affranchissement de toute
l’humanité laborieuse, de tous les humiliés, de tous les offensés. […] Le tableau de sa vie et
de sa mort, l’image du gouvernement ouvrier qui prit et garda pendant plus de deux mois la
capitale du monde, le spectacle de la lutte héroïque du prolétariat et de ses souffrances après
la défaite, tout cela a enflammé l’esprit de millions d’ouvriers, fait renaître leurs espoirs et
gagné leur sympathie au socialisme. Le grondement des canons de Paris a tiré de leur profond
sommeil les couches les plus arriérées du prolétariat et donné partout une impulsion nouvelle
à la propagande révolutionnaire socialiste. C’est pourquoi l’œuvre de la Commune n’est pas
morte ; elle vit jusqu’à présent en chacun de nous. La cause de la Commune est celle de la
révolution sociale, celle de l’émancipation politique et économique totale des travailleurs,
celle du prolétariat de l’univers. Et en ce sens elle est immortelle40
. »
Lénine étudiera avec la plus grande minutie la doctrine de Marx et Engels sur l’État et la
résumera dans son ouvrage L’État et la révolution, rédigé durant l’été 1917 — à la veille de la
révolution d’Octobre. Dans cet ouvrage, il attache beaucoup d’attention à la Commune de
Paris. Il tiendra compte des leçons positives et négatives de la Commune pour réaliser le
pouvoir des soviets.
8
Aujourd’hui, les remarques suivantes de Lénine semblent d’une importance vitale pour la
préparation de la révolution socialiste en Belgique et en Europe : « La Commune a appris au
prolétariat européen à poser concrètement les problèmes de la révolution socialiste41
. »
« Se souvenant des enseignements de la Commune, le prolétariat savait qu’il ne doit pas
négliger les moyens de lutte pacifiques — ces derniers servent ses intérêts quotidiens et sont
indispensables en période de préparation de la révolution —, mais qu’il ne doit jamais oublier
non plus que dans certaines circonstances la lutte de classe se transforme en lutte armée et en
guerre civile ; il est des moments où les intérêts du prolétariat exigent l’extermination
implacable de ses ennemis dans des combats déclarés42
. »
18 mars 2011.
Frans De Maegd (fransdemaegd(at)hotmail.com) a étudié l’histoire de l’art à l’Université de
Gand. Depuis vingt-cinq ans, il donne des formations sur la théorie marxiste de l’État. Il est le
responsable des promenades et excursions organisées par l’Institut d’études marxistes et a
plusieurs fois accompagné des voyages à Paris sur les traces des révolutions de 1789 et 1871.
Notes
1
Le 2 dcembre 1851, alors quil est prsident de la Rpublique franaise, Louis Napolon Bonaparte (1808-1873),
neveu de lempereur Napolon Ier
, commet un coup dtat militaire. Un an plus tard, il instaure le Second Empire et
se proclame lui-mme empereur sous le nom de Napolon III. Sous sa dictature, le capitalisme et lindustrialisation
de la France connatront un grand essor.
2
l’origine, la Garde nationale constituait le pouvoir arm de la bourgeoisie de Paris. Mais, lors de la proclamation
de la IIIe
Rpublique, en septembre 1870, les travailleurs parisiens furent admis dans ses rangs. Des 254
bataillons, la grande majorit tait des bataillons de travailleurs. Au dbut de la Commune, les bataillons bourgeois
quittrent Paris. Aprs la chute de la Commune, la Garde nationale fut compltement dissoute.
3
Ou se trouve aujourdhui la cathdrale du Sacr-Cur.
4
Aprs la capitulation, le Parlement, cest--dire lAssemble, navait pas quitt Bordeaux pour Paris, mais bien pour
Versailles, en raison des troubles dans la capitale.
5
Dmocratique, pour lpoque du moins, car les femmes navaient pas le droit de vote et ntaient pas non plus
ligibles. Il faudra attendre le 20e
sicle avant que le mouvement ouvrier et le mouvement dmocratique puissent
obtenir le suffrage fminin.
6
Friedrich Engels (1891), Introduction La guerre civile en France de Karl Marx (de 1871), dans Marx, Engels,
Lnine, Sur la Commune de Paris, ditions du Progrs, Moscou, 1971, p. 18.
7
LInternationale (Association internationale des travailleurs, plus connue sous le nom de Ire
Internationale) fut
fonde Londres le 28 septembre 1864. Elle fut dissoute en 1872 en raison de la scission des anarchistes. En 1889,
la IIe
Internationale fut fonde Paris, linitiative dEngels. En 1919, Lnine fonda la IIIe
Internationale en raison de
lallgeance de la IIe
Internationale la bourgeoisie.
8
Karl Marx, Adresse du Conseil gnral de lAssociation internationale des travailleurs sur la guerre civile en
France (1871), III, dans Marx, Engels, Lnine, Sur la Commune de Paris, ditions du Progrs, Moscou, 1971, p. 56.
Nombreuses ditions sous le titre La guerre civile en France.
9
9
Aprs la chute du Second Empire, le Parlement et le gouvernement de la IIIe
Rpublique sont venus au pouvoir
dmocratiquement, aprs des lections. Mieux encore, la capitulation fut elle-mme approuve par la majorit de la
population (surtout paysanne) en raison de la propagande dfaitiste des dtenteurs du pouvoir.
10
Ils taient 90. Le nombre de conseillers de la Commune qui y participeront baissera rapidement, car, ds les
premiers revers, les reprsentants des quartiers riches quitteront la direction de la Commune.
11
Marx entend par attributs politiques de la police les tches politiques assumes par la police dans lespionnage et
le contrle de la population et, avant tout, des forces de lopposition.
12
Cest Marx qui souligne. Karl Marx, op.cit., p. 60.
13
Ibidem, p. 60.
14
Leo Frankel (1844-1896), orfvre. Reprsentant de la section hongroise de lInternationale.
15
Au 19e
sicle, outre les Franais, les Polonais taient le peuple le plus rvolutionnaire dEurope. Marx et
lInternationale clbraient chaque anniversaire des divers soulvements polonais.
16
Jaroslav Dombrowski (1836-1871), dmocrate rvolutionnaire polonais, avait particip au mouvement polonais de
libration nationale dans les annes 1860. Devenu en mai 1871 commandant en chef de la Commune, il fut tu sur
les barricades.
17
Walery Wroblewski (1836-1908), dmocrate rvolutionnaire polonais. Stait enfui de Pologne en compagnie de
Dombrowski aprs le soulvement de 1863.
18
Cette colonne de pierre orne de bas-reliefs en bronze clbrait la victoire de lempereur Napolon Ier
Austerlitz.
Aprs la Commune, le peintre Gustave Courbet fut dclar responsable de sa destruction et il fut oblig den payer la
restauration.
19
Karl Marx, op.cit., pp. 63-64.
20
Il y avait dix commissions (Arme, Affaires trangres, Scurit, Justice, Finances, Enseignement, Assistance
publique, Approvisionnement, Travaux publics et Emploi), chacune sous la direction dun commissaire.
21
partir de la fin mars, le gouvernement franais Versailles entoura et isola le sud de Paris du reste du pays, alors
quau nord, les troupes allemandes avaient coup la capitale du monde extrieur.
22
Environ un tiers des ouvriers et ouvrires ntaient pas maris du fait que la vie tait si incertaine et si brve. En
outre, le mariage tait encore en grande partie religieux et les proltaires dtestaient les conventions bourgeoises.
23
Gustave Courbet (1819-1877) fut le principal peintre raliste du 19e
sicle.
24
Louise Michel (1830-1905) tait institutrice lorigine. Au cours de la Semaine sanglante, elle se bat sur les
barricades. Faite prisonnire, elle est condamne la dportation perptuit en Nouvelle-Caldonie, o elle soutient la
rvolte des Canaques. Elle revient en France aprs lamnistie de 1880. Elle sengage en faveur de la reconnaissance
de la Commune et rdige ses souvenirs de cette priode.
25
Mme de la part des hommes de la Commune, elles ne pouvaient pas toujours compter sur la comprhension et
le soutien. Le chauvinisme masculin ne disparat pas automatiquement avec la perce du socialisme.
26
Marx se moque de la petite taille du chef du gouvernement, Adolphe Thiers. Dans la lettre, pour mchant, il
avait crit mischievous en anglais.
10
27
Karl Marx, Marx Ludwig Kugelmann ( Hanovre) , 12 avril 1871, dans Marx, Engels, Lnine, Sur la Commune
de Paris, ditions du Progrs, Moscou, 1971, p. 282.
28
Ibidem, pp. 282-283.
29
La dfaite de la Commune le prouve. Mais le jeune tat sovitique a d lui aussi mener durant quatre ans au moins
une terrible guerre civile afin de prendre le dessus.
30
La politique financire de la Commune fut exemplaire. Aprs la chute de la Commune, on ne dcouvrit aucune
fraude, aucun dtournement, aucune trace de corruption. Outre les impts de la municipalit et les taxes indirectes
(quelle navait pas encore le pouvoir dabolir), elle eut besoin dun emprunt pour pouvoir faire la guerre. La
Commune dpensa 42 millions dont les trois quarts allrent la dfense militaire.
31
Mais la non-application de cette mesure rend peu crdibles toutes les menaces de la Commune.
32
L o se dressaient les murailles de Paris se trouve aujourdhui le boulevard qui fait le tour de la capitale, avec ses
nombreuses portes (les anciennes portes de la ville).
33
Louis Auguste Blanqui (1805-1881) combattit en son temps pour les ides nouvelles, tels le suffrage universel,
lgalit des hommes et des femmes, la suppression du travail des enfants. Il croyait que la rvolution devait tre le
fait dun petit nombre de personnes, tablissant par la force une dictature temporaire , au cours de laquelle devaient
tre poses les bases dun nouvel ordre social. Plus tard, ces personnes cderaient le pouvoir au peuple. Il doit son
surnom, lEnferm , au fait quil a pass la plus grande partie de son existence 33 ans en prison.
34
Disciples du sociologue et conomiste franais Proudhon (1809-1865). Idologue du socialisme petit-bourgeois.
Lun des fondateurs de lanarchisme pacifique.
35
Karl Marx, Adresse du Conseil gnral , op.cit., p. 65.
36
Friedrich Engels (1891), Introduction La guerre civile en France de Karl Marx, op.cit., p. 20.
37
V. I. Lnine, la mmoire de la Commune , article paru dans Rabotchaa Gazta, nos
4-5, 15 (28) avril 1911, dans
Marx, Engels, Lnine, Sur la Commune de Paris, ditions du Progrs, Moscou, 1971, p. 317. Aussi uvres, tome 17,
p. 137.
38
Ibid, pp. 318-319 ; uvres, tome 17, pp. 138-139.
39
Le 11 juillet 1880, il y eut une amnistie gnrale pour tous les communards condamns.
40
Ibid., p. 319 ; uvres, tome 17, pp. 139-140.
41
V. I. Lnine, Les enseignements de la Commune , article paru dans la Zagranitchnaa Gazta no
2, 23 mars
1908, dans Marx, Engels, Lnine, Sur la Commune de Paris, ditions du Progrs, Moscou, 1971, p. 313.
Aussi uvres, tome 13, p. 501.
42
Ibid., p. 314 ; uvres, tome 13, p. 502.

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  • 1. 1 La Commune de Paris, le premier État socialiste Il y a 140 ans, du 18 mars au 28 mai 1871 Frans De Maegd Etudes Maxistes Nr. 94, 2011 Comment tout a commencé Le 18 mars, après un bref soulèvement, la Garde nationale prend le pouvoir à Paris. Le soulèvement et la victoire des Parisiens sont le résultat de la capitulation du gouvernement français lors de la guerre francoprussienne de 1870-1871. Ils résultent également de la lutte livrée par la classe ouvrière en France dans toutes les révolutions et révoltes qui ont suivi la grande Révolution française de 1789. Dans tous ces événements, le peuple avait assumé les « sales besognes » pour la bourgeoisie ou pour des fractions de celle-ci mais, par la suite, il n’avait eu pour récompense qu’un surcroît d’oppression et d’exploitation et ce, dans un pays où le capitalisme et son industrialisation étaient en pleine ascension. Napoléon III1 avait déclaré la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870. Il craignait que la France ne perdît son influence sur le continent ouesteuropéen si la Prusse, dirigée par Bismarck, était en mesure de réunir en une seule nation plusieurs États et petits États allemands. Napoléon III espérait une victoire rapide, mais le 2 décembre à Sedan, il subit une défaite et est fait prisonnier. À Paris, un soulèvement éclate aussitôt et la République est proclamée le 4 septembre. Le gouvernement bourgeois promet de défendre la patrie. Quand, dès le 18 septembre, les troupes allemandes assiègent Paris, ce même gouvernement est obligé d’armer les travailleurs parisiens et de constituer une Garde Le 2 décembre 1851, alors qu’il est président de la République française, Louis Napoléon Bonaparte (1808-1873), neveu de l’empereur Napoléon Ier , commet un coup d’État militaire. Un an plus tard, il instaure le Second Empire et se proclame lui-même empereur sous le nom de Napoléon III. Sous sa dictature, le capitalisme et l’industrialisation de la France connaîtront un grand essor. nationale2 . Malgré la faim et le froid, celle-ci, appuyée par la population, tient bon contre les Allemands et organise trois contre-attaques à partir de la ville. Toutes trois échouent cependant en raison d’une mauvaise approche. Mais, à partir de février 1871, le gouvernement prépare la capitulation, d’autant que la bourgeoisie craint beaucoup les travailleurs armés. Le 1er mars, l’Assemblée approuve la capitulation. L’accord de paix constitue une sévère humiliation pour la France. Elle perd, entre autres, ses provinces d’Alsace et de Lorraine et elle doit payer à l’Allemagne une indemnité de guerre de 5 milliards de francs or, soit plus du double du budget annuel de l’État. La colère suscitée par autant de lâcheté et une telle trahison est grande dans la population de Paris. C’est pourquoi les Parisiens n’acceptent pas la capitulation et entendent poursuivre la lutte contre l’Allemagne. Mais le gouvernement a prévu la chose et a déjà pris en février un certain nombre de mesures politiques. Le paiement des membres de la Garde nationale — 1,50 franc par jour — a été supprimé dès le 15 février. Cette mesure a eu des retombées sociales catastrophiques. Il y
  • 2. 2 avait un chômage massif et la solde de 1,50 franc par jour avait permis de survivre durant le siège de Paris. Le nombre de membres de la Garde nationale, quelque 180 000 hommes durant le siège, n’a pas tardé à redescendre à 100 000 hommes armés. Dans l’espoir de faire cesser l’agitation, les clubs politiques sont fermés et six journaux de gauche interdits. Après la capitulation, le gouvernement prend des mesures antisociales afin de faire payer l’impôt de guerre et de démoraliser le peuple. L’ajournement du paiement des retards de loyer depuis juillet 1870 et du paiement des dettes (ceci concerne surtout les classes moyennes) est annulé le 10 mars. Mais le principal objectif du gouvernement est de désarmer les travailleurs de Paris. Celui qui a les armes détient le pouvoir ou peut s’en emparer. À la mi-février, la majorité de la Garde nationale se libère du contrôle du gouvernement bourgeois. À ce moment, environ deux tiers des bataillons ont rassemblé leurs forces. Le 15 mars, les membres de la Garde nationale élisent un Comité central. Ce Comité central forme en essence « un État dans l’État ». Il doit être éliminé, estime la bourgeoisie. À l’origine, la Garde nationale constituait le pouvoir armé de la bourgeoisie de Paris. Mais, lors de la proclamation de la IIIe République, en septembre 1870, les travailleurs parisiens furent admis dans ses rangs. Des 254 bataillons, la grande majorité était des bataillons de travailleurs. Au début de la Commune, les bataillons bourgeois quittèrent Paris. Après la chute de la Commune, la Garde nationale fut complètement dissoute. La naissance d’un État ouvrier À l’aube du 18 mars, les troupes gouvernementales essaient d’emporter les canons de la Garde nationale sur la butte Montmartre3 . Grâce à l’intervention du peuple, cette tentative échoue. Les troupes gouvernementales du 88e régiment fraternisent avec le peuple et fusillent séance tenante le général Lecomte, qui commande leur régiment. Le général Clément Thomas subit le même sort. Dès lors, les choses vont très vite. Le soir de cette journée historique du 18 mars 1871, le peuple est maître de la ville et les représentants du gouvernement ainsi qu’une partie de la bourgeoisie se sont enfuis pour se réfugier à Versailles4 . Pour donner à la Commune de Paris un caractère légal, le Comité central organise des élections démocratiques5 le 26 mars. 90 membres de la Commune sont élus, mais seuls 70 siègeront. À la direction de la Commune siégeaient 25 ouvriers. Les ouvriers n’étaient donc pas majoritaires. On peut quand même parler d’un gouvernement ouvrier. Les mesures politiques et sociales de la Commune le montrent clairement. Le principal objectif de la Commune réside dans la destruction de l’appareil d’État existant. « La Commune dut reconnaître d’emblée que la classe ouvrière, une fois au pouvoir, ne pouvait continuer à se servir de l’ancien appareil d’État ; pour ne pas perdre à nouveau la domination qu’elle venait à peine de conquérir, cette classe ouvrière devait […] éliminer la vieille machine d’oppression jusqu’alors employée contre elle-même6 », écrivait Friedrich Engels. Dans son « Adresse du Conseil général de l’Association internationale des travailleurs7 sur la guerre civile en France » (le 30 mai 1871), Marx explique pourquoi « la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l’État et de la faire fonctionner pour son propre compte8 ». Durant la seconde moitié du 19e siècle, l’appareil d’État bourgeois est devenu un appareil bureaucratique et militaire de la classe dirigeante contre le prolétariat.
  • 3. 3 La république parlementaire9 elle-même est une dictature de la bourgeoisie contre la classe ouvrière. Au lieu d’une démocratie parlementaire, la Commune opte pour un type d’État absolument nouveau. L’une des premières mesures consiste en la suppression de l’armée existante, qui est remplacée par la milice populaire de la Garde nationale. Le peuple armé assure le pouvoir de la classe ouvrière et défend celle-ci. La Commune devient l’organe du pouvoir à Paris. « La Commune fut composée des conseillers municipaux10 , élus au suffrage universel dans les divers arrondissements de la ville. Ils étaient responsables et révocables à tout moment. La majorité de ses membres était naturellement des ouvriers ou des représentants reconnus de la classe ouvrière. La Commune devait être non pas un organisme parlementaire, mais un corps agissant, exécutif et législatif à la fois. Au lieu de continuer d’être l’instrument du gouvernement central, la police fut immédiatement dépouillée de ses attributs politiques11 et transformée en un instrument de la Commune, responsable et à tout instant révocable. Il en fut de même pour les fonctionnaires de toutes les autres branches de l’administration. Depuis les membres de la Commune jusqu’au bas de l’échelle, la fonction publique devait être assurée pour des salaires d’ouvriers12 . » En supprimant les deux postes de dépenses les plus élevées de l’ancien État, à savoir l’armée et la bureaucratie et en donnant tout le pouvoir au peuple, la Commune se mue en gouvernement bon marché. Bien des tâches exécutées naguère par des fonctionnaires sont désormais prises en main par les travailleurs, généralement dans leur temps libre. La Commune proclame la séparation de l’Église et de l’État. Elle entreprend la « tâche de briser l’outil spirituel de l’oppression, le “pouvoir des prêtres” ; elle décréta la dissolution et l’expropriation de toutes les Églises13 ». La Commune a également un caractère internationaliste. Leo Frankel14 , un Hongrois, devient commissaire du travail, et les généraux polonais15 Dombrowski16 et Wroblewski17 dirigent la défense militaire de Paris. La colonne Vendôme18 , symbole du chauvinisme et de l’impérialisme français, est renversée en pleine euphorie le 16 mai. La Commune espérait que les autres villes de France allaient suivre son exemple et que, dans toutes les communes (et villages) du pays, on allait fonder également des Communes. Les tentatives de proclamer la Commune à Lyon, Marseille, Saint-Étienne, Narbonne, Toulouse et Limoges furent anéanties au bout de quelques jours. Après l’énumération de toutes les caractéristiques politiques de la Commune, Marx conclut : « Son véritable secret, le voici : c’était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte de la classe des producteurs contre la classe des appropriateurs, la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l’émancipation économique du Travail19 . » Les mesures sociales de la Commune La Commune et ses commissions20 ont également pris nombre de mesures sociales importantes au profit des travailleurs et de la classe moyenne qui avait soutenu la Commune à ses débuts. Une partie de ces mesures ont été inspirées en premier lieu par les besoins sociaux du second siège21 et de la guerre civile, mais l’intention était certainement de maintenir ces mesures après la victoire (impossible). Une partie des mesures prises sont toutefois restées
  • 4. 4 lettre morte en raison du manque de temps et de moyens. Quoi qu’il en soit, la classe ouvrière en Europe devra encore lutter des dizaines d’années pour arracher une partie de ces réalisations sociales. Même aujourd’hui, certaines de ces mesures ne sont toujours pas devenues une réalité. Jugez-en vous-mêmes :  la prolongation du délai de paiement des loyers et des dettes. Il est interdit de jeter les gens à la rue ;  les procès et l’aide juridique sont gratuits ; les actes notariaux doivent pouvoir être accessibles gratuitement ; les huissiers sont des fonctionnaires de l’État ;  la pension des veuves et des orphelins des victimes de guerre ; il a également été prévu d’étendre cette pension à toutes les veuves et orphelins ;  la suppression de la différence entre enfants légitimes et illégitimes22 ;  la création de banques alimentaires et de cantines pour les nécessiteux ;  la suppression des jeux de hasard et de la prostitution de rue ;  la reconversion des monts-de-piété en banques de crédit à bon marché est envisagée ; la vente des biens et objets non réclamés est interdite; ceux qui avaient mis en gage des biens pour moins de 20 francs pouvaient les récupérer gratuitement ;  grâce au contrôle sévère de la commission de l’Approvisionnement, ce dernier s’effectuait de façon assez fluide et la vie ne devenait pas plus chère ;  des discussions ont été entamées à propos du paiement de congés pour les travailleurs et d’allocations familiales ;  la guillotine a été brûlée le 6 avril par la Garde nationale (c’étaient presque toujours des petites gens qu’on retrouvait sous le couperet). Les mesures de la Commune concernant l’enseignement, l’emploi et la culture requièrent un surcroît d’attention. L’enseignement est obligatoire et gratuit. Il se mue en enseignement laïque (l’Église catholique avait encore en mains plus de la moitié des écoles). On consacre également une très grande attention à la création d’écoles professionnelles, même pour les filles. Enseignants et enseignantes perçoivent le même traitement. Les ateliers abandonnés sont reconvertis en coopératives à gestion ouvrière. La Commune néglige toutefois d’exproprier les grands ateliers et les entreprises. Les contrats à durée indéterminée sont encouragés et un salaire minimal est imposé. Une bourse est prévue pour les demandeurs d’emploi et les employeurs. Les amendes dans les entreprises sont supprimées, de même que le travail de nuit (pour les boulangers). Les coopératives ont la priorité dans l’acquisition des commandes de la Commune (par exemple, habillement, chaussures…) L’art et la culture, sous la direction de Gustave Courbet23 , doivent servir le peuple. L’académisme bourgeois et conservateur est renié. Des écoles artistiques sont créées pour le peuple. Les musées sont ouverts au peuple. L’accès en est désormais gratuit. Il convient de ne pas sous-estimer le rôle des femmes durant la Commune. Elles n’ont pas le droit de vote, ce qui ne les empêche nullement d’être particulièrement actives. Sans le soutien et les encouragements des femmes, les hommes n’auraient pas tenu le coup très longtemps. Les femmes peuvent s’organiser dans divers clubs, tels le Comité des femmes et l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. La femme la plus célèbre de la
  • 5. 5 Commune fut certainement l’anarchiste Louise Michel24 . Les femmes sont actives durant les combats sur les barricades, comme infirmières ou cantinières, et elles chargent les fusils des hommes. Certaines prennent même les armes, comme les Amazones de la Seine. La participation des femmes à la Commune et à la résistance armée subit les quolibets de la bourgeoisie et de sa presse. Des femmes en pantalon font l’objet de nombreuses caricatures25 . Les erreurs et défauts de la Commune L’enthousiasme de Marx à propos de la Commune ne l’aveugle pas au point de ne pas en voir les erreurs et les défauts, lesquels en accélérèrent la chute. Le 12 avril 1871 (pendant la Commune, donc), Karl Marx écrit à son ami Kugelmann : « L’histoire ne connaît pas encore d’exemple aussi grand ! S’ils [les communards] succombent, seule leur “bonté d’âme” en sera la cause. Il eût fallu marcher aussitôt sur Versailles […]. Par scrupule de conscience, on laissa passer le moment favorable. On ne voulut pas commencer la guerre civile, comme si ce [méchant] avorton26 de Thiers ne l’avait pas déjà commencée, en tentant de désarmer Paris27 . » Les Parisiens commirent également l’erreur de ne pas arrêter immédiatement, le 18 mars, les représentants du gouvernement et les hauts fonctionnaires. Ce n’est qu’après que le gouvernement eut consolidé ses forces militaires, que quelques milliers de communards se rendirent à Versailles, où ils se firent tailler en pièces. L’initiative était venue bien trop tard. Marx voit en outre chez les Parisiens une « Deuxième faute : le Comité central résilia trop tôt ses fonctions pour faire place à la Commune28 ». Les Parisiens n’ont pas compris que le principal problème, après la prise du pouvoir à Paris, consistait à battre militairement le gouvernement et la bourgeoisie, à remporter la victoire au cours d’une guerre civile étendue à toute la France. Laisser la direction de la Commune (jusqu’à la victoire dans la guerre civile) aux mains du Comité central de la Garde nationale n’aurait pas été du militarisme. La Garde nationale était composée de 100 000 ouvriers et travailleurs qui avaient élu démocratiquement leurs officiers et le Comité central. En outre, ces mêmes officiers et membres du Comité central pouvaient être révoqués. La Commune s’attendait toutefois à ce que toute la France suivît pacifiquement son exemple et que le gouvernement bourgeois, découragé après sa défaite, disparût de la scène politique. Toute révolution est une guerre à la vie et à la mort. La vieille classe réactionnaire ne se laisse pas facilement battre et compte bien riposter tôt ou tard. Dans la destruction du capitalisme, on ne peut non plus s’attendre à ce que la bourgeoisie renonce à la lutte et qu’elle laisse aller son para-dis à vau-l’eau29 . La Commune néglige de nationaliser la banque de France. Cette banque prête environ 20 millions à la Commune30 mais, en même temps, elle prête également 250 millions à la contre-révolution à Versailles. La Commune se livre également à très peu de répression. Le 22 mars, une manifestation du parti bourgeois de l’Ordre est autorisée, jusqu’au moment où l’on s’aperçoit qu’il s’agit d’une provocation armée. Les premières semaines, les journaux bourgeois, comme Le Figaro, peuvent continuer à paraître à Paris. Dans ces journaux, on mène l’agitation contre la Commune et le journal lui-même donne librement des détails sur les travaux de défense effectués dans la capitale. Lorsque, dès le début de l’attaque contre Paris, les troupes de Versailles fusillent systématiquement et séance tenante les communards faits prisonniers, la
  • 6. 6 Commune prend à son tour quelques dizaines d’otages (dont l’évêque de Paris, des prêtres, des moines, des espions, etc.) et menace d’exécuter deux de ces otages pour chaque communard fusillé. Mais elle ne met pas sa menace31 à exécution, tandis que Versailles tue allègrement des Parisiens. La Commune fait preuve d’une grande incompétence sur le plan militaire. Elle n’est pas en mesure de placer la défense de la ville sous un commandement militaire central. Des généraux pourtant très compétents laissent tout en plan parce que bien des offi ciers de la Garde nationale mettent en question bon nombre de leurs ordres, veulent d’abord consulter leurs propres effectifs et n’aiment guère aller se battre en dehors des limites de leur quartier… Le nombre de membres disponibles de la Garde nationale baisse, passant de plus de 100 000 à quelque 30 000 ou 40 000, qui doivent s’employer contre les 110 000 hommes des troupes gouvernementales. La Commune néglige la surveillance et la défense des forts et des murailles32 . Le 21 mai, lorsque les troupes de Versailles pénètrent dans la ville par la porte de Saint-Cloud, dans le sud de Paris, c’est-à-dire dans le secteur des arrondissements fortunés, elles ne se heurtent à aucune résistance. Les sentinelles participent à une fête au parc des Tuileries, au centre de la ville. Ce n’est que lorsque les troupes gouvernementales ont pénétré profondément à l’intérieur de la ville que la Commune organise la résistance. Mais, au lieu de disposer ses meilleures forces aux endroits stratégiques de Paris, le dirigeant de la Commune, Delescluse, ordonne après quelques jours que chacun défende son propre quartier et que « tout militarisme » soit expressément proscrit. La Commune fait preuve d’une grande unité, d’un sens de l’initiative et de l’efficacité quand il s’agit de prendre des mesures sociales et démocratiques, mais elle pèche par de trop nombreux manquements une fois qu’il s’agit de mener à bien sa tâche principale, la défense militaire et l’extension de la révolte. Dans la Commune siègent un grand nombre de courants divers qui se sont combattus dans le passé. Durant la Commune ils se sont unis, mais ils restent en désaccord sur des points cruciaux. Les blanquistes33 misent sur une dictature révolutionnaire, les proudhoniens34 ne veulent pas entendre parler de politique ni de lutte des classes et les néo-jacobins rêvent de ressusciter l’époque glorieuse de Robespierre. Il y a aussi quelques membres de l’Internationale, mais eux-mêmes ne sont pas toujours d’accord entre eux non plus. Il manque une véritable pointure de chef. Blanqui aurait pu être ce dirigeant, mais il est toujours en prison. Afin de conférer à l’ensemble un peu de direction et d’autorité, un Comité de salut public est constitué, mais lui aussi s’avère plutôt impuissant. Marx ne reproche pas aux Communards ce manque de « communisme » : « La classe ouvrière n’espérait pas des miracles de la Commune. Elle n’a pas d’utopies toutes faites à introduire par décret du peuple. Elle sait que pour réaliser sa propre émancipation, et avec elle cette forme de vie plus haute à laquelle tend irrésistiblement la société actuelle de par son propre développement économique, elle aura à passer par de longues luttes, par toute une série de processus historiques, qui transformeront complètement les circonstances et les hommes. Elle n’a pas à réaliser d’idéal, mais seulement à libérer les éléments de la société nouvelle que porte dans ses flancs la vieille société bourgeoise qui s’effondre35 . » La Commune, signe avant-coureur de nouvelles révolutions prolétariennes
  • 7. 7 Engels qualifie la Commune de Paris de « dictature du prolétariat36 ». Certes, elle l’était, mais uniquement dans une phase embryonnaire. Lénine insiste sur le fait qu’en 1871, le socialisme ne peut vaincre en France : « Pour qu’une révolution sociale puisse triompher, deux conditions au moins sont nécessaires : des forces productives hautement développées et un prolétariat bien préparé. Mais en 1871 ces deux conditions faisaient défaut. Le capitalisme français était encore peu développé et la France était surtout un pays de petite bourgeoisie (artisans, paysans, boutiquiers, etc.) Par ailleurs, il n’existait pas de parti ouvrier ; la classe ouvrière n’avait ni préparation ni long entraînement et dans sa masse elle n’avait même pas une idée très claire de ses tâches et des moyens de les réaliser. Il n’y avait ni sérieuse organisation politique du prolétariat ni syndicats ou associations coopératives de masse…37 » Au cours de la Semaine sanglante, du 21 au 28 mai 1871, les troupes de Versailles reconquièrent Paris. Lénine écrit : « Près de 30 000 Parisiens furent massacrés par la soldatesque déchaînée, près de 45 000 furent arrêtés dont beaucoup devaient être exécutés par la suite ; des milliers furent envoyés au bagne ou déportés. Au total, Paris perdit environ 100 000 de ses fils et parmi eux les meilleurs ouvriers de toutes les professions. La bourgeoise était contente. “Maintenant, c’en est fait du socialisme, et pour longtemps !”, disait son chef, le nabot sanguinaire Thiers, après le bain de sang qu’avec ses généraux il venait d’offrir au prolétariat parisien38 . » Mais il ajoute aussitôt : « Mais ces corbeaux bourgeois croassaient à tort. Quelque six ans après l’écrasement de la Commune, alors que nombre de ses combattants croupissaient encore au bagne ou languissaient en exil, le mouvement ouvrier renaissait déjà en France. La nouvelle génération socialiste, enrichie par l’expérience de six années et nullement découragée par sa défaite, releva le drapeau tombé des mains des combattants de la Commune et le porta en avant avec assurance et intrépidité aux cris de “Vive la révolution sociale ! Vive la Commune !” Et, quelques années plus tard, le nouveau parti ouvrier et l’agitation qu’il avait déclenchée dans tout le pays obligeaient les classes dominantes à remettre en liberté les communards restés aux mains du gouvernement39 . » Lénine : « Le souvenir des combattants de la Commune n’est pas seulement vénéré par les ouvriers français, il l’est par le prolétariat du monde entier. Car la Commune lutte non point pour quelque objectif local ou étroitement national, mais pour l’affranchissement de toute l’humanité laborieuse, de tous les humiliés, de tous les offensés. […] Le tableau de sa vie et de sa mort, l’image du gouvernement ouvrier qui prit et garda pendant plus de deux mois la capitale du monde, le spectacle de la lutte héroïque du prolétariat et de ses souffrances après la défaite, tout cela a enflammé l’esprit de millions d’ouvriers, fait renaître leurs espoirs et gagné leur sympathie au socialisme. Le grondement des canons de Paris a tiré de leur profond sommeil les couches les plus arriérées du prolétariat et donné partout une impulsion nouvelle à la propagande révolutionnaire socialiste. C’est pourquoi l’œuvre de la Commune n’est pas morte ; elle vit jusqu’à présent en chacun de nous. La cause de la Commune est celle de la révolution sociale, celle de l’émancipation politique et économique totale des travailleurs, celle du prolétariat de l’univers. Et en ce sens elle est immortelle40 . » Lénine étudiera avec la plus grande minutie la doctrine de Marx et Engels sur l’État et la résumera dans son ouvrage L’État et la révolution, rédigé durant l’été 1917 — à la veille de la révolution d’Octobre. Dans cet ouvrage, il attache beaucoup d’attention à la Commune de Paris. Il tiendra compte des leçons positives et négatives de la Commune pour réaliser le pouvoir des soviets.
  • 8. 8 Aujourd’hui, les remarques suivantes de Lénine semblent d’une importance vitale pour la préparation de la révolution socialiste en Belgique et en Europe : « La Commune a appris au prolétariat européen à poser concrètement les problèmes de la révolution socialiste41 . » « Se souvenant des enseignements de la Commune, le prolétariat savait qu’il ne doit pas négliger les moyens de lutte pacifiques — ces derniers servent ses intérêts quotidiens et sont indispensables en période de préparation de la révolution —, mais qu’il ne doit jamais oublier non plus que dans certaines circonstances la lutte de classe se transforme en lutte armée et en guerre civile ; il est des moments où les intérêts du prolétariat exigent l’extermination implacable de ses ennemis dans des combats déclarés42 . » 18 mars 2011. Frans De Maegd (fransdemaegd(at)hotmail.com) a étudié l’histoire de l’art à l’Université de Gand. Depuis vingt-cinq ans, il donne des formations sur la théorie marxiste de l’État. Il est le responsable des promenades et excursions organisées par l’Institut d’études marxistes et a plusieurs fois accompagné des voyages à Paris sur les traces des révolutions de 1789 et 1871. Notes 1 Le 2 dcembre 1851, alors quil est prsident de la Rpublique franaise, Louis Napolon Bonaparte (1808-1873), neveu de lempereur Napolon Ier , commet un coup dtat militaire. Un an plus tard, il instaure le Second Empire et se proclame lui-mme empereur sous le nom de Napolon III. Sous sa dictature, le capitalisme et lindustrialisation de la France connatront un grand essor. 2 l’origine, la Garde nationale constituait le pouvoir arm de la bourgeoisie de Paris. Mais, lors de la proclamation de la IIIe Rpublique, en septembre 1870, les travailleurs parisiens furent admis dans ses rangs. Des 254 bataillons, la grande majorit tait des bataillons de travailleurs. Au dbut de la Commune, les bataillons bourgeois quittrent Paris. Aprs la chute de la Commune, la Garde nationale fut compltement dissoute. 3 Ou se trouve aujourdhui la cathdrale du Sacr-Cur. 4 Aprs la capitulation, le Parlement, cest--dire lAssemble, navait pas quitt Bordeaux pour Paris, mais bien pour Versailles, en raison des troubles dans la capitale. 5 Dmocratique, pour lpoque du moins, car les femmes navaient pas le droit de vote et ntaient pas non plus ligibles. Il faudra attendre le 20e sicle avant que le mouvement ouvrier et le mouvement dmocratique puissent obtenir le suffrage fminin. 6 Friedrich Engels (1891), Introduction La guerre civile en France de Karl Marx (de 1871), dans Marx, Engels, Lnine, Sur la Commune de Paris, ditions du Progrs, Moscou, 1971, p. 18. 7 LInternationale (Association internationale des travailleurs, plus connue sous le nom de Ire Internationale) fut fonde Londres le 28 septembre 1864. Elle fut dissoute en 1872 en raison de la scission des anarchistes. En 1889, la IIe Internationale fut fonde Paris, linitiative dEngels. En 1919, Lnine fonda la IIIe Internationale en raison de lallgeance de la IIe Internationale la bourgeoisie. 8 Karl Marx, Adresse du Conseil gnral de lAssociation internationale des travailleurs sur la guerre civile en France (1871), III, dans Marx, Engels, Lnine, Sur la Commune de Paris, ditions du Progrs, Moscou, 1971, p. 56. Nombreuses ditions sous le titre La guerre civile en France.
  • 9. 9 9 Aprs la chute du Second Empire, le Parlement et le gouvernement de la IIIe Rpublique sont venus au pouvoir dmocratiquement, aprs des lections. Mieux encore, la capitulation fut elle-mme approuve par la majorit de la population (surtout paysanne) en raison de la propagande dfaitiste des dtenteurs du pouvoir. 10 Ils taient 90. Le nombre de conseillers de la Commune qui y participeront baissera rapidement, car, ds les premiers revers, les reprsentants des quartiers riches quitteront la direction de la Commune. 11 Marx entend par attributs politiques de la police les tches politiques assumes par la police dans lespionnage et le contrle de la population et, avant tout, des forces de lopposition. 12 Cest Marx qui souligne. Karl Marx, op.cit., p. 60. 13 Ibidem, p. 60. 14 Leo Frankel (1844-1896), orfvre. Reprsentant de la section hongroise de lInternationale. 15 Au 19e sicle, outre les Franais, les Polonais taient le peuple le plus rvolutionnaire dEurope. Marx et lInternationale clbraient chaque anniversaire des divers soulvements polonais. 16 Jaroslav Dombrowski (1836-1871), dmocrate rvolutionnaire polonais, avait particip au mouvement polonais de libration nationale dans les annes 1860. Devenu en mai 1871 commandant en chef de la Commune, il fut tu sur les barricades. 17 Walery Wroblewski (1836-1908), dmocrate rvolutionnaire polonais. Stait enfui de Pologne en compagnie de Dombrowski aprs le soulvement de 1863. 18 Cette colonne de pierre orne de bas-reliefs en bronze clbrait la victoire de lempereur Napolon Ier Austerlitz. Aprs la Commune, le peintre Gustave Courbet fut dclar responsable de sa destruction et il fut oblig den payer la restauration. 19 Karl Marx, op.cit., pp. 63-64. 20 Il y avait dix commissions (Arme, Affaires trangres, Scurit, Justice, Finances, Enseignement, Assistance publique, Approvisionnement, Travaux publics et Emploi), chacune sous la direction dun commissaire. 21 partir de la fin mars, le gouvernement franais Versailles entoura et isola le sud de Paris du reste du pays, alors quau nord, les troupes allemandes avaient coup la capitale du monde extrieur. 22 Environ un tiers des ouvriers et ouvrires ntaient pas maris du fait que la vie tait si incertaine et si brve. En outre, le mariage tait encore en grande partie religieux et les proltaires dtestaient les conventions bourgeoises. 23 Gustave Courbet (1819-1877) fut le principal peintre raliste du 19e sicle. 24 Louise Michel (1830-1905) tait institutrice lorigine. Au cours de la Semaine sanglante, elle se bat sur les barricades. Faite prisonnire, elle est condamne la dportation perptuit en Nouvelle-Caldonie, o elle soutient la rvolte des Canaques. Elle revient en France aprs lamnistie de 1880. Elle sengage en faveur de la reconnaissance de la Commune et rdige ses souvenirs de cette priode. 25 Mme de la part des hommes de la Commune, elles ne pouvaient pas toujours compter sur la comprhension et le soutien. Le chauvinisme masculin ne disparat pas automatiquement avec la perce du socialisme. 26 Marx se moque de la petite taille du chef du gouvernement, Adolphe Thiers. Dans la lettre, pour mchant, il avait crit mischievous en anglais.
  • 10. 10 27 Karl Marx, Marx Ludwig Kugelmann ( Hanovre) , 12 avril 1871, dans Marx, Engels, Lnine, Sur la Commune de Paris, ditions du Progrs, Moscou, 1971, p. 282. 28 Ibidem, pp. 282-283. 29 La dfaite de la Commune le prouve. Mais le jeune tat sovitique a d lui aussi mener durant quatre ans au moins une terrible guerre civile afin de prendre le dessus. 30 La politique financire de la Commune fut exemplaire. Aprs la chute de la Commune, on ne dcouvrit aucune fraude, aucun dtournement, aucune trace de corruption. Outre les impts de la municipalit et les taxes indirectes (quelle navait pas encore le pouvoir dabolir), elle eut besoin dun emprunt pour pouvoir faire la guerre. La Commune dpensa 42 millions dont les trois quarts allrent la dfense militaire. 31 Mais la non-application de cette mesure rend peu crdibles toutes les menaces de la Commune. 32 L o se dressaient les murailles de Paris se trouve aujourdhui le boulevard qui fait le tour de la capitale, avec ses nombreuses portes (les anciennes portes de la ville). 33 Louis Auguste Blanqui (1805-1881) combattit en son temps pour les ides nouvelles, tels le suffrage universel, lgalit des hommes et des femmes, la suppression du travail des enfants. Il croyait que la rvolution devait tre le fait dun petit nombre de personnes, tablissant par la force une dictature temporaire , au cours de laquelle devaient tre poses les bases dun nouvel ordre social. Plus tard, ces personnes cderaient le pouvoir au peuple. Il doit son surnom, lEnferm , au fait quil a pass la plus grande partie de son existence 33 ans en prison. 34 Disciples du sociologue et conomiste franais Proudhon (1809-1865). Idologue du socialisme petit-bourgeois. Lun des fondateurs de lanarchisme pacifique. 35 Karl Marx, Adresse du Conseil gnral , op.cit., p. 65. 36 Friedrich Engels (1891), Introduction La guerre civile en France de Karl Marx, op.cit., p. 20. 37 V. I. Lnine, la mmoire de la Commune , article paru dans Rabotchaa Gazta, nos 4-5, 15 (28) avril 1911, dans Marx, Engels, Lnine, Sur la Commune de Paris, ditions du Progrs, Moscou, 1971, p. 317. Aussi uvres, tome 17, p. 137. 38 Ibid, pp. 318-319 ; uvres, tome 17, pp. 138-139. 39 Le 11 juillet 1880, il y eut une amnistie gnrale pour tous les communards condamns. 40 Ibid., p. 319 ; uvres, tome 17, pp. 139-140. 41 V. I. Lnine, Les enseignements de la Commune , article paru dans la Zagranitchnaa Gazta no 2, 23 mars 1908, dans Marx, Engels, Lnine, Sur la Commune de Paris, ditions du Progrs, Moscou, 1971, p. 313. Aussi uvres, tome 13, p. 501. 42 Ibid., p. 314 ; uvres, tome 13, p. 502.