LA MONTÉE DE L'ÉDUCATION DANS LE MONDE DE LA PRÉHISTOIRE À L'ÈRE CONTEMPORAIN...
Manuel d’introduction à l’histoire du mouvement ouvrier en Belgique, des origines à la première guerre mondiale
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Manuel d’introduction à l’histoire du mouvement ouvrier en Belgique,
des origines à la première guerre mondiale
Arnaud Staquet
2017
PTB École pour les dirigeants de groupe de base
1. Préhistoire du mouvement ouvrier
La loi « Le Chapelier » de 1791 interdit toute réunion de gens de métier, patrons comme
ouvriers, ainsi que toute association et coalition. En matière de salaire, la loi prévoit que le
patron est cru sur son affirmation. Celle-ci détruit les corporations d'Ancien Régime et avec
elles les compagnonnages.
En 1802, le livret ouvrier, véritable permis de travail laissé à l'appréciation unique du patron,
est rendu obligatoire. Il permet de stigmatiser les « agitateurs ».
En 1810 : articles 414, 415 et 416 du code pénal interdisant les coalitions (ouvrières).
Remplacés en 1866 par l'article 310 du code pénal, limitant le droit de grève.
Misère et analphabétisme (plus de 70% du budget des ménages est consacré à
l'alimentation, les ouvriers des grandes entreprises sont majoritairement analphabètes :
l'école c'est pour les riches)
Exploitation au travail (livret ouvrier, journées de travail de 12 à 16 heures, truck-system et
salaire aux pièces, discipline carcérale dans les ateliers, embauche à la journée, pas de
congé)
Absence de droits politiques et sociaux (pas de sécurité sociale, pas de droit de vote, aucun
service public).
Suffrage censitaire (1830 – 1893 : soit l’essentiel du XIXe siècle), soit 30.000 à 130.000
électeurs, puis 1.300.000 en 1893 avec le suffrage universel tempéré par le vote plural (les
riches et les diplômés de l’université avait droit à une voix supplémentaire ; les femmes ne
votent pas, il faudra attendre 1948 pour ça).
L'Etat est du côté des patrons : en Belgique, la répression est sanglante et systématique. A la
moindre manifestation, les autorités appellent l'armée. Les officiers font tirer la troupe juste
après la première sommation. Il y a des morts pour chaque action ouvrière de quelque
importance. Ceci ne prit fin que dans les années 90, grâce à l'action des Jeunes Gardes
Socialistes dans les casernes de conscrits ; ensuite l’Etat bourgeois développa le corps de
gendarmerie.
Malgré toute cette brutalité, les premières sociétés de maintien de prix ré-émergent dans les
métiers artisanaux dés les années 40. Les caisses mutuelles pouvaient servir à l'occasion de
caisses de grève. Tout ceci se passe en périphérie du cœur de la classe ouvrière : les
masses industrielles wallonnes (mines, sidérurgie, verreries) restent, avant la première
Internationale, à l’écart de toute forme d’organisation.
1849 : Première grève organisée des ouvriers de tout le secteur textile à Gand.
1857 : Premier syndicat d’ouvriers de fabrique des tisserands et des fileurs de Gand.
1867 : Première fédération syndicale (celle des typographes belges).
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L'Association Internationale des Travailleurs est créée à Londres en 1864, dissoute en
1876.
En 1866, une première section s'ouvre à Bruxelles. En 1870, il y a déjà 50 sections dans
tous le pays et environ 70 000 travailleurs affiliés (surtout dans les bassins wallons). De
grandes grèves victorieuses se déclenchent en 1868-1869 pour des augmentations de
salaires.
Elle va favoriser la lutte pour la hausse générale des salaires, la suppression du livret
ouvrier. Elle permet aux ouvriers de prendre conscience à travers la lutte pour leur
émancipation économique, qu'ils forment une classe.
Mais elle est minée par l'action dissolvante des anarchistes et la répression acharnée de
l'État bourgeois.
18 mars - 28 mai 1871 : la Commune de Paris. Première expérience de révolution
prolétarienne.
En septembre 1871 : à Londres, l'AIT décide de promouvoir la création de partis politiques
ouvriers dans chaque pays.
2. Le Parti Ouvrier Belge
1877 : Création des partis socialistes flamands et brabançons.
1880 : Début de la coopérative Vooruit créée par E. Anseele à Gand.
1885 : Fondation du parti ouvrier belge à Bruxelles par 102 délégués.
1886 : Grands soulèvements à caractère insurrectionnel dans le Borinage, grève à Liège.
1892-93 : Grève générale pour le S.U. (200 000 participants), le mouvement ouvrier belge
oblige un parlement dominé par la droite de concéder le suffrage universel (tempéré par le
vote plural).
1894 : Rédaction et adoption de la charte de Quaregnon
1898 : création de la Commission syndicale du POB (à ce moment elle compte 50 000
membres).
1902: Grève générale (300 000 participants), le conseil général fait tout pour y mettre fin au
plus vite (il n'a soutenu le mot d'ordre de grève générale que 5 jours). La direction du POB
fait un choix tactique réformiste : elle préfère préserver l’alliance au parlement avec les
libéraux contre le parti catholique .
1910 (février) : congrès du POB qui voit triompher le président du parti E. Vandervelde,
E. Anseele et L. Bertrand, partisans du ministérialisme (en vue d’une éventuelle victoire
électorale sur le parti catholique, ils envisagent la formation d’un gouvernement de coalition
avec les libéraux. Ils emportent deux tiers des voix contre un tiers seulement à la tendance
marxiste dirigée par Louis De Brouckère, rédacteur en chef du journal Le Peuple. La
direction du POB fait ici un choix stratégique réformiste.
Louis De Brouckère, Le mouvement ouvrier en Belgique, 1911, l'extrait suivant est tiré de la
polémique dans Le Peuple en 1909 sur la question du ministérialisme, Notre tactique :
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« J'ai la ferme conviction que leur triomphe [des réformes démocratiques et sociales] sera
beaucoup plus assuré, car toute l'histoire du dernier demi-siècle de luttes est là pour prouver
que les concessions faites au prolétariat dépendent beaucoup plus de la force de son
organisation , de son énergie, de l'ardeur qu'il met à lutter, que de la forme de gouvernement
qui lui est opposée. »
Au début du 20e
siècle, le POB compte 180 000 affiliés pour 500 000 voix environ aux
élections (sur 1.300.000 électeurs).
Bilan des points négatifs et positifs de l'apport du POB au mouvement ouvrier en Belgique :
- La peur des masses et des manifestations spontanées du mouvement ouvrier vient du
développement d’une aristocratie ouvrière (fort influencée par les idées de Proudhon) au
sein des piliers (bureaucrates des coopératives, permanents syndicaux)
- Après 1894 : rôle croissant de la fraction parlementaire dans le conseil général du parti.
Débat sur le ministérialisme entre 1909 et 1911 : victoire des réformistes
- Voir les textes du 8e
congrès du PTB, pages 44 à 46 : « Très vite, il y eut une très grande
aversion pour le débat de fond et la théorie socialiste. Seul ce qui est direct m’intéresse,
déclarait le dirigeant Anseele. Il s’adaptait aux événements du jour » sans réfléchir au long
terme (à la stratégie)
- A partir de 1910, le POB se fixe comme objectif stratégique de concilier le socialisme
avec le capitalisme (= objectif réformiste), et non plus de remplacer le capitalisme par le
socialisme (= objectif révolutionnaire)
+ Le POB a permis d’organiser, de mobiliser et, dans une moindre mesure, de conscientiser
les larges masses ouvrières
+ Il a permis le développement de grandes organisations syndicales
+ Il a contribué en partie à la diffusion et la conquête de grandes revendications sociales et
démocratiques (journée des 8 heures, index, droits syndicaux, S.U., etc.)
3. La Première Guerre mondiale (1914-1918)
La IIe
Internationale est créée à Paris en 1889.
Elle se sépare des anarchistes à Londres en 1896 et progression du réformisme en son sein
après la mort d'Engels en 1895.
Elle compta compte jusqu'à 4 millions de membres.
Elle joua un grand rôle dans la diffusion du marxisme en Belgique, qui permit l'éclosion de la
tendance anti-ministérialiste dirigée par De Brouckère en 1909, puis à partir de 1911 des
groupes Lutte de classes de Nicolas Coulon à Liège et L'Exploité de Joseph Jacquemotte à
Bruxelles.
Elle popularisa auprès des ouvriers d'Europe la lutte pour la diminution du temps de travail,
les droits syndicaux et les avancées démocratiques tel le suffrage universel.
Sous la pression des révolutionnaires dirigés par Lénine, elle prit plusieurs résolutions
contre la guerre qui approchait (mais aussi pour dénoncer le colonialisme) :
« En 1907, la résolution passée à Stuttgart sur cette question disait : « Si une guerre
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menace, il est du devoir de la classe ouvrière et de ses représentants parlementaires dans
les pays concernés de concentrer tous ses efforts à empêcher cette guerre, en utilisant les
moyens appropriés, lesquels, naturellement, varient et apparaissent en fonction du degré
d’intensité de la lutte des classes et de l’agitation politique générale. Si la guerre devait
quand même éclater, il est de leur devoir d’intervenir pour y mettre promptement un terme et
tenter de toutes leurs forces d’utiliser la crise économique et politique provoquée par la
guerre pour activer politiquement les masses populaires et hâter la chute du pouvoir de la
classe capitaliste. ».
Cette résolution fut adoptée à l’unanimité et elle fut confirmée, puis adoptée à nouveau, lors
des Congrès de Copenhague en 1910 et de Bâle en 1912.» (Extrait d'Harpal Brar dans
Études Marxistes n°71 Histoire et signification de l'Internationale communiste, 2005, pp. 35
et 36).
Entre 1880 et 1914, les puissances européennes se disputent le contrôle des colonies
jusqu’à la première guerre mondiale (1914-1918) qui fit 10 millions de morts. La plupart des
partis socialistes font le choix stratégique de voter les crédits de guerre. En faisant cela, ils
sacrifient donc des millions de travailleurs, contre l’entrée dans des gouvernements d’union
nationale. Or cette guerre ne fut rien d’autre qu’une gigantesque boucherie pour le repartage
du monde entre grandes entreprises capitalistes.
En 1914, lorsque Vandervelde entre au gouvernement d'« union sacrée » contre les
allemands, suivi par deux ministres socialistes en 1918, on peut dire que le POB a
définitivement tourné le dos à la révolution.
4. Le parti communiste
Octobre 1917 en Russie : révolution prolétarienne dirigée par les bolcheviks.
La IIIe
Internationale ou Komintern est fondée à Moscou en 1919 ; nouvelle capitale de la
patrie du socialisme et des travailleurs, l'U.R.S.S.
Lors de son deuxième congrès, elle adopte les 21 conditions d'admission, proposées par
Lénine : « Celles-ci incluaient la rupture avec le réformisme, le social-pacifisme et le
centrisme, le strict contrôle des groupes parlementaires et la nécessité de voir la presse du
parti subordonnée au parti, une activité consistante au sein des organisations de masse, le
soutien des mouvements de libération nationale, le soutien inconditionnel de toute république
soviétique contre des forces contre-révolutionnaires, le centralisme démocratique et une
discipline de fer dans l’organisation, la combinaison du travail légal et illégal, la propagande
et l’agitation parmi les forces armées, le travail dans les zones rurales, les purges
périodiques parmi les membres et l’acceptation de la nature contraignante des décisions du
Komintern » (Extrait d'Harpal Brar dans Etudes Marxistes n°71 Histoire et signification de
l'Internationale communiste, 2005, p. 43).
Le Parti Communiste Belge naît en septembre 1921, il a à peine 500 membres et est le
résultat de la fusion de deux petits groupes :
Celui de Joseph Jacquemotte : les Amis de l'Exploité exclus du POB un an plus tôt. Ils sont
fortement influencés par les idées et les pratiques réformistes du POB.
Et celui, plus petit encore, de War Van Overstraeten. C'est un groupe gauchiste, contre les
syndicats et contre la participation aux élections.
Néanmoins, ce petit parti, aidé par le Komintern, sera bien implanté dans la classe ouvrière à
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partir des années trente et se montrera exemplaire pendant la guerre de résistance à
l'occupant nazi. Ce qui lui vaudra d'excellents mais éphémères scores électoraux après la
libération.
En 1928, le PCB compte 1000 membres (élections 1929 : 1,9 %). Il grimpe jusqu'à 3200 fin
1932 (élections de 1932 : 2,8 %). Aux élections de 1936, il passe à 6 % et en 1938, il compte
8500 membres. 10 000 membres à la Libération, mais 100 000 en 1946 ! Aux élections de
1946, le PCB engrange 12,7 %, mais dans le contexte de guerre froide, il retombe en
dessous des 5 % dés 1950 : 1,9 % en 1958.
Synthèse des conquêtes du mouvement ouvrier belge
1883 : fin du livret ouvrier
1889 : Limitation du travail des femmes et des enfants
1893 : Après une grève très dure menée par le POB (13 ouvriers y trouvent la mort) loi sur le
suffrage universel tempéré par le vote plural
1896 : Règlement d’atelier obligatoire
1900 : Loi sur les contrats de travail
1919 : Suffrage universel pour les hommes de plus de 21 ans (les femmes ne votent pas
encore, il faudra attendre 1948) ; impôt progressif sur le revenu ; abrogation de l'article 310
du code pénal
1920 : Création du fonds national de crise et subvention des caisses de chômage
1921 : Loi sur la journée des 8 heures et la semaine des 48 heures ; premier essai
d'indexation des salaires
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Bibliographie sommaire :
- 8e
congrès du PTB, Un parti de principes, Un parti souple, Un parti de travailleurs,
Bruxelles, mars 2008.
- « Le parti communiste de Belgique (1921-1944) », Cahiers Marxistes, hors série, actes
de la journée d'étude le 28 avril 1979.
-« Histoire et signification de l’Internationale communiste, de la fondation à la
dissolution », Études Marxistes, n° 71, Bruxelles, juillet-septembre 2005 : voir l’article
synthétique de Harpal Brar sur l’histoire des trois Internationales.
- Le mouvement ouvrier en Belgique, 1830-1940, CARHOP, EVO, 6 fardes, Bruxelles,
1984-1985 : voir les fardes 1, 2, 3 et 5.
- Abendroth, Wolfgang, Histoire du mouvement ouvrier en Europe, La Découverte, Paris,
2002 (réed.) : ne lire que la partie sur le XIXème jusqu’avant 1914.
- Deruette, Serge et Merckx, Kris, La vie en rose, Réalités de l’histoire du parti socialiste
en Belgique, EPO, Anvers, 1999 : attention, il s’agit d’un pamphlet polémique contre le PS.
- Joye, Pierre et Lewin, Rosine, L’Église et le mouvement ouvrier en Belgique, Fondation
Jacquemotte, Bruxelles, 1967 : les pages 50 à 172.
- Liebman, Marcel, Les socialistes belges 1885-1914, La révolte et l’organisation, EVO
(collection ‘Histoire du mouvement ouvrier en Belgique’, vol.3), Bruxelles, 1979 : Tout !
C’est excellent.
- Michielsen, Leo, Geschiedenis van de Europese arbeidersbeweging, Frans Masereel
Fonds, 3 delen, Brussel, 1976-1980 : Tout ! C’est excellent, mais les parties qui nous
intéressent spécifiquement sont les chapitres X et XI.
- Steinberg, Maxime (dir.), Henri De Man et Louis De Brouckère, Le mouvement ouvrier en
Belgique (1911), Fondation Jacquemotte, Bruxelles, 1965 : Lire le texte de De Brouckère.
- Witte, Els et Craeybeckx, Jan, La Belgique politique de 1830 à nos jours, Les tensions
d’une démocratie bourgeoise, Anvers-Bruxelles, 1987 : ne lire que la première partie écrite
par Els Witte.