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AeroDefenseNews • 7 mai 2015 • N° 137
InterviewS t r a t é g i e s
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Quel est le rôle des managers de transition
lors de la restructuration d’entreprise et
quel est leur profil ?
La restructuration d’entreprise est une opé-
ration délicate revêtant deux volets princi-
paux : soit on est dans la réduction d’effectifs
liée à des surcapacités et dans ce cas on
met en place des solutions d’anticipation
pour faire en sorte que les salariés aient des
alternatives de reclassement. Soit, c’est la fer-
meture de site, plus fréquente dans le secteur
automobile que dans le secteur aéronautique.
Ce cas est plus complexe à gérer car vous avez
à la fois une pression sur les salariés, une
émotion au niveau du territoire relayée par les
élus locaux, les médias, ou encore l’Etat dès
que l’entité emploie plus de 400 salariés.
Le manager de transition possède des carac-
téristiques particulières : avoir l’expertise du
secteur et la confiance des donneurs d’ordres
car la capacité de l’entreprise à délivrer des
pièces en temps et en heure reste essen-
tielle, même en période de transition. Cette
confiance est indispensable même s’il ne
s’agit pas de fonctions opérationnelles comme
les ressources humaines. Autre point clé, le
manager de transition doit instaurer un climat
de confiance dans l’entreprise et il faut pour
cela qu’il ait eu des expériences positives avec
les organisations syndicales. Nos managers
de transition interviennent avec une logique
de double accompagnement : d’une part tech-
nique et très pointue sur les aspects de rela-
tions sociales, et d’autre part, en coordination
avec les clients, pour un accompagnement
opérationnel.
L’un de vos grands périmètres d’intervention
est l’industrie auto, pourquoi ?
La raison pour laquelle les managers de tran-
sition travaillent plus encore aujourd’hui pour
l’industrie automobile réside dans le fait que,
contrairement au secteur aéronautique, la
crise a été plus violente pour l’automobile :
30.000 emplois ont été perdus au cours des
dix dernières années dans la filière auto en
France !
Le secteur aéronautique est-il difficile à
transformer, a-t-il des spécificités ?
Laissez-moi vous citer l’exemple embléma-
tique de Labinal. La société a été coupée en
deux, une entité pour l’automobile reprise par
Valeo et l’autre pour l’aéronautique, reprise
par le groupe Safran. L’entité chez Valeo a
perdu quasiment tous les emplois en France
dans les années qui ont suivies cette opé-
ration parce que les coûts de main d’œuvre
pour le câblage dans l’automobile n’étaient
pas compétitifs pour rester en Europe. Chez
Safran, cela s’est fait plus en douceur, avec
des développements certes dans des pays dits
low costs mais tout en conservant des emplois
en France. Dans le secteur aéronautique on
est plus dans l’efficience que dans la ferme-
ture de sites. Si on veut maîtriser la chaîne des
fournisseurs de rang 2 et 3, il est indispensable
de penser à une évolution de la filière. Même si
les technologies sont différentes d’une filière
à une autre il y a des synergies à explorer et à
développer par exemple entre les filières auto,
ferroviaire et aéronautique.
C’est-à-dire ?
Il y a déjà un certain nombre d’équipementiers
français qui travaillent pour ces trois filières et
qui rencontrent des difficultés à concilier les
exigences de diminution de coûts imposées
par l’industrie auto et les exigences de qua-
lité et de fiabilité de la supply chain propres
au secteur aéronautique. C’est vrai que les
mentalités et les modes de fonctionnement
sont différents entre ces trois filières, à la
réserve près que si nous voulons conserver en
France certaines technologies clés nous avons
alors intérêt à avoir des fleurons capables
de se diversifier. Prenez l’exemple de Plastic
Omnium qui ne rencontre aucune difficulté à
travailler à la fois pour l’industrie auto et les
collectivités locales, donc c’est possible. Il faut
pour cela avoir la taille critique afin de gérer
les relations avec des donneurs d’ordres dont
les exigences sont croissantes. Prenez le sec-
teur des sièges avion dont on parle actuelle-
ment. Dans l’industrie auto, les usines de siège
fonctionnent en juste-à-temps avec une boucle
logistique de deux ou trois heures seulement
et des séries de 20 à 30 modèles différents…
Et, chez certains équipementiers auto vous
avez des entreprises qui ont entre 600 et 1.000
références. Donc, arrêtons de parler de la spé-
cificité de la filière aéronautique pour ne pas
réformer sa supply chain !
Axel Parkhouse (*)
: « Il y a des synergies à explorer
entre les filières auto, ferroviaire et aéronautique »
*Président du Groupe
Arthur Hunt
« Si nous voulons
conserver en
France certaines
technologies clés
nous avons alors
intérêt à avoir des
fleurons capables
de se diversifier »