EXTRAIT du roman « Les Couloirs démoniaques » de Jean-Marc Dhainaut
Arosio irene-vercors
1. LE SILENCE DE LA MER
Résumé :
En 1941, en pleine guerre, un jeune soldat allemand, Werner Von Ebrennac, vient
s’installer chez un homme et sa nièce. Son arrivée se fait dans un silence insoutenable
et à travers un malaise fou. Mais « Dieu merci, il a l’air convenable ». C’est un jeune
homme poli qui parle constamment, sans jamais obtenir de réponses, sans jamais même
en attendre. Il semble vivre seul dans un monde de statues.
Le jeune Werner prend l’habitude, durant l’hiver, de venir se chauffer au feu de
foyer, où il égaye son soliloque. Les relations de l’Allemagne et de la France sont
son sujet le plus fréquent. Il parle d’art, de littérature et de musique, parce
qu’il est lui-même musicien. Il exprime son désir de vivre un jour en France pour
pouvoir y apporter quelque chose, mais aussi pour pouvoir y prendre un échange.
Un peu chaque soir, ce sont ses idées que l’on attend dans la maison française.
Et les soirées terminent toujours de la même manière : « je vous souhaite une
bonne nuit ».
Un beau jour, Werner apprend à ses hôtes qu’il ira passer deux semaines de
permission à Paris, où des amis l’attendent. Son retour, il met une semaine
avant d’adresser la parole à ses h0ôtes, Un soir, alors que durant la journée il a
croisé le vieil homme, il descend lourdement voir celui-ci et sa nièce. Il leur
demande d’oublier tout ce qu’il a pu dire durant les six derniers mois et il expose
les plans des Allemands contre la France avant de quitter définitivement la
maison.
L’amour qu’il éprouve pour la jeune femme n’est pas unilatéral. Malgré le silence
obstiné de la nièce, le narrateur- comme le lecteur- comprend par les gestes de celle-
ci l’amour naissant pour Werner, amour qui s’épanouit au fil des visites. Pour se
donner une contenance et pour signifier son indifférence apparente à l’officier, elle
passe ses soirées à tricoter. Si ses yeux ne dévoilent absolument rien (et pour cause !
le lecteur ne les voit pas plus que Werner), ses mains montrent son attention aux
discours de cet homme. Le soir où l’officier arrive tardivement dans la salle à manger,
l’oncle est agacé par le fait que Werner « occupait sa pensée » et la nièce « tricotait
lentement, d’un air très appliqué » avant de tricoter « avec une vivacité mécanique »
quand il descend enfin. Ces trois compléments circonstanciels de manière témoignent
de son agitation intérieure. Cela se confirme lorsque Werner von Ebrennac dit vouloir
vaincre le silence de la France et de la nièce : « Je la voyais légèrement rougir, un pli
peu à peu s’inscrire entre ses sourcils. Ses doigts tiraient un peu trop vivement, trop
sèchement sur l’aiguille, au risque de rompre le fil ». Et le fil se casse net dès qu’elle
écoute l’histoire de la fiancée ; sa « grande application » à enfiler un nouveau fil dans
le chas très petit de l’aiguille donne raison à l’oncle qui remarque le « léger
tremblement des doigts » de sa nièce dont l’âme s’agite « dans cette prison qu’elle
avait elle-même construite » par refus de tout compromis.
2. Après son séjour à Paris, Werner ne vient plus dans la salle à manger et « cette
absence ne laissait pas l’esprit [ de l’oncle comme de la nièce] en repos ». La nièce
pressent qu’il s’est passé un événement à la Kommandantur entre l’oncle et l’officier,
car « Tout au long de la soirée, elle ne cessa de lever les yeux de son ouvrage, à
chaque minute » pour sonder le visage de son oncle ; elle n’obtient aucune réponse et
ses mains dénotent alors son impuissance et sa tristesse : « elle laissa tomber ses
mains, comme fatiguée » et « Elle passa deux doigts lentement sur son front comme
pour chasser une migraine » avant d’aller se coucher. Le silence n’est plus un silence
de connivence entre eux.
The twilight