3. Vanessa Springora, née le 16 mars
19721, est une éditrice, écrivaine et
réalisatrice française. Vanessa
Springora est élevée par une mère
divorcée. Son père, qu'elle décrit
comme absent dans Le Consentement,
meurt en janvier 2020.
Après une scolarité au collège Jacques-
Prévert, puis au lycée Fénelon, à Paris,
et deux années en classes
préparatoires, Vanessa Springora
obtient un DEA de lettres modernes à
l’université Paris-Sorbonne.
4. Elle est réalisatrice-autrice en 2003 pour l’Institut national de
l’audiovisuel, avant de devenir assistante d'édition au sein des éditions
Julliard en 2006.
Elle en est la directrice depuis décembre 2019.
Elle coordonne parallèlement depuis 2010 la collection « Nouvelles
Mythologies », dirigée par Mazarine Pingeot et Sophie Nordmann, pour
les éditions Robert Laffont.
5. Au milieu des années 80,
élevée par une mère divorcée,
V. comble par la lecture le
vide laissé par un père aux
abonnés absents. À treize ans,
dans un dîner, elle rencontre
G., un écrivain dont elle
ignore la réputation
sulfureuse.
Dès le premier regard, elle est
happée par le charisme de cet
homme de cinquante ans aux
faux airs de bonze, par ses
œillades énamourées et
l’attention qu’il lui porte.
Plus tard, elle reçoit une
lettre où il lui déclare son
besoin « impérieux » de la
revoir. Omniprésent,
passionné, G. parvient à la
rassurer : il l’aime et ne lui
fera aucun mal. Alors qu’elle
vient d’avoir quatorze ans, V.
s’offre à lui corps et âme.
6. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle
dangereusement romanesque. Mais la désillusion est terrible quand V.
comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des
adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs
sont vulnérables.
Derrière les apparences flatteuses de l’homme de lettres, se cache un
prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire. V. tente de
s’arracher à l’emprise qu’il exerce sur elle, tandis qu’il s’apprête à
raconter leur histoire dans un roman.
Après leur rupture, le calvaire continue, car l’écrivain ne cesse de
réactiver la souffrance de V. à coup de publications et de harcèlement.
7. « Depuis tant d’années, mes rêves
sont peuplés de meurtres et de
vengeance. Jusqu’au jour où la
solution se présente enfin, là, sous
mes yeux, comme une évidence :
prendre le chasseur à son propre
piège, l’enfermer dans un livre »,
écrit-elle en préambule de ce récit
libérateur.
Plus de trente ans après les faits,
Vanessa Springora livre ce texte
fulgurant, d’une sidérante lucidité,
écrit dans une langue remarquable.
Elle y dépeint un processus de
manipulation psychique implacable
et l’ambiguïté effrayante dans
laquelle est placée la victime
consentante, amoureuse. Mais au-
delà de son histoire individuelle,
elle questionne aussi les dérives
d’une époque, et la complaisance
d’un milieu aveuglé par le talent et
la célébrité.
8. L'ouvrage obtient un retentissement médiatique international avant
même sa parution, posant la question de la pédophilie, de la
pédocriminalité et s'interrogeant sur le milieu littéraire français des
années 1980. L'ouvrage est supposé avoir autant d'importance dans le
milieu littéraire en France que le témoignage d'Adèle Haenel pour le
cinéma.
À la suite de ces révélations, l'association Innocence en danger demande à
ce que les ouvrages de Gabriel Matzneff soient retirés de la vente, alors
que Vanessa Springora s'est elle-même exprimée contre cette action.
9. Quant à l'écrivaine québécoise Denise Bombardier, qui avait déjà
publiquement réagi contre les agissements à caractère pédophile de
Gabriel Matzneff lors de l'émission de télévision Apostrophes diffusée
en mars 1990, elle salue un « livre remarquable, courageux, d’une
écriture chirurgicale ».
10. Frédéric Beigbeder sur l’affaire Matzneff : «Évidemment, on se
sent morveux»
L’écrivain, juré du prix Renaudot qui avait consacré Gabriel
Matzneff en 2013, apporte son soutien à Vanessa Springora qui
dénonce les agissements pédophiles de l’auteur.
11. Ce livre que personne n’avait vu venir,
mais que beaucoup espéraient, en fait,
dans lequel Vanessa Springora raconte
l’entreprise de prédation sexuelle et
littéraire dont elle a été victime à 14
ans, comme beaucoup d’autres, par
l’écrivain Gabriel Matzneff, qui avait
50 ans à l’époque, a ouvert le débat
autant dans le milieu littéraire que
dans la société française sur une foule
d’idées reçues – et faisandées.
Et c’est justement de littérature dont
j’avais envie de parler avec Vanessa
Springora, qui s’est retrouvée à son
grand étonnement dans un énorme
tourbillon médiatique.
D’ailleurs, au téléphone, elle s’excuse
d’avance de bafouiller, avec un rire
nerveux, en avouant une grande
fatigue, d’autant plus qu’au travers de
tout ça, son père venait de mourir.
12. « Ça, j’en suis persuadée, il y a quelque chose dans la culture française
qui place la littérature au-dessus de tout, et donc au-dessus de la
morale, mais aussi au-dessus des lois. Et c’est là qu’il y a eu une
confusion terrible ».
Vanessa Springora
« Moi, affirme-t-elle, je ne suis pas une représentante des livres de vertu,
je ne suis pas pour que la littérature soit complètement arraisonnée par la
morale. Je sais qu’on a besoin de subversion et, de temps en temps, de
repousser les limites. C’est le travail des artistes de faire ça. Mais ici, on
ne parle pas de morale, on parle de loi, et ses écrits étaient déjà hors la
loi à l’époque, parce qu’ils retraçaient des faits réels. Derrière lesquels il
y a des victimes qu’on peut retrouver, et dont on s’est complètement
fichu pendant des années, qu’on a invisibilisées. Ses éditeurs comme les
journalistes qui relayaient ses livres ne se sont jamais souciés de savoir si
ces jeunes filles ou ces enfants avaient souffert de ces rencontres avec
lui ».
CHANTAL GUY
LA PRESSE