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Revue française de
psychanalyse (Paris)
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque Sigmund Freud
Société psychanalytique de Paris. Revue française de psychanalyse (Paris). 1927.

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TABLE

DES
DU

MATIÈRES

TOME

XXV

N° 1

AU

XXIIe

RAPPORTS
INTERNATIONAL

CONGRÈS

(Edimbourg,

DE

juillet

PSYCHANALYSE

1961)
PAGES

D. W. WINNICOTT.
P. GREENACRE. —
nourrisson

—

La

théorie de la relation parent-nourrisson
..
considérations
sur la relation
Quelques
parent-

27
ARTICLES

F. PASCHE. — Freud
S. VIDERMAN. — De

7

ORIGINAUX

et l'orthodoxie
judéo-chrétienne
l'instinct
de mort
PSYCHANALYSE

LEVITT
O. RUBENSTEIN, Morton
dans l'apprentissage
et distorsion
Les Livres
Les Revues
Livres
reçus par la rédaction
Informations
Ben

55
89

APPLIQUÉE
et M. L. FALICK.
du moi

— Déficiences
131
149
155
167
173

N° 2
MÉMOIRES

ORIGINAUX

BARANDE. — Du temps d'un silence : approche technique,
transférentielle
et psychodynamique
C. STEIN. — La castration
comme négation
de la féminité

R.

PROBLÈMES
L. BOLK. — Le problème
Les Livres
Les Revues
Revue des Revues
Institut
de Psychanalyse

contre177
221

ANTHROPOLOGIQUES
de la genèse

humaine

243
281
283
295
301
REVUE

1036

DE

FRANÇAISE

PSYCHANALYSE

N° 3
PROBLÈMES
DE

LA

CURE

DES

TECHNIQUES
NÉVROSES
OBSESSIONNELLES

S. NACHT. — Problèmes
de la cure des névroses obsestechniques
sionnelles
C. J. LUQUET. — La structure
obsessionnelle
R. HELD. — De la singularité
de la structure
obsessionnelle
aux nécessités techniques
impliquées
par cette singularité
MÉMOIRES

305
309
319

ORIGINAUX

Sami Mahmoud
ALI. — Le corps et ses métamorphoses
(contribution
à l'étude
de la dépersonnalisation)
R. HENNY. — De quelques
et psychothérapiques
aspects structuraux
de l'adolescence
Les Livres
Les Revues
Livres
à la Rédaction
parvenus
— Rapport
Institut
moral pour l'année
de Psychanalyse.
1960 ....
— Compte
Société
de Paris.
rendu
des activités
psychanalytique
scientifiques
1960
Melanie
Klein
(1881-1960)

333
379
405
407
423
425
428
431

Nos 4-5-6
XXIe

CONGRÈS

DE

INTERNATIONAL
(Copenhague,

juillet

1959)

PSYCHANALYSE
(1)

de Psychanalyse
du XXIe Congrès international
Rapport
affectifs
M. SCHUR. — Phylogenèse
et ontogenèse
des phénomènes
des structures
et le phénomène
d'automatisme
de la formation

439
et
de

répétition
du moi : quelques observaM. JAMES. — Le développement
prématuré
tions sur les troubles
des trois premiers
mois de la vie
entre le début des identifications
S. RITVO et A. J. SOLNIT. — Rapport
du moi et la formation
du surmoi
A. BONNARD. — La signification
fondamentale
de la langue
COLLOQUE
I.
II.
III.

SUR

PSYCHANALYSE

W. TIDD. — Introduction
des
et l'évolution
J. BOWLBY. — L'éthologie
I. C. KAUFMAN. — Quelques
implications
et
l'étude
du comportement
des animaux
et de
de l'instinct,
de l'énergie
conception

577
591
601

ÉTHOLOGIE
.'

C.

BERES. — Perception,
et réalité
imagination
et état conscient
J. AUFREITER. — Psychanalyse

D.

ET

551

relations

objectales..
tirées de
théoriques
faciliter
la
pouvant
la pulsion

615
623

633
651
669

de la Revue internationale
de Psychanalyse qui nous a
(1) Nous remercions la rédaction
du XXIe Congrès internaautorisés à publier la traduction
française des rapports scientifiques
tional de Psychanalyse
1960.
parus in : The Int. J. of Psycho-An., vol. XXI, july-october
TABLE

DES

MATIÈRES

1037

PAGES

KATAN. — Rêve et psychose : leur rapport avec les processus
cinatoires
de la sécurité
J. SANDLER. — L'arrière-plan
de la faculté de travail
E. JAQUES. — Les troubles
M.

« LA

SUR LE RAPPORT
DISCUSSION
DE SAUSSURE
DE RAYMOND
DU PLAISIR
MÉTAPSYCHOLOGIE

—

hallu-

681
701
711

» (1)

I. M. KANZER et L. EIDELBERG. — Description
structurale
du plaisir
II. D. BRUNSWICK. — Le point de vue physiologique
— Intervention
dans la discussion
III. R. DIATKINE.
(2)
— Sur l'unité
de base
M. LITTLE.
S. NACHT et S. VIDERMAN. — Du monde pré-objectal
dans la relation
transférentielle
(2)
considérations
sur le contre-transfert
A. REICH. — Nouvelles
M. BÉNASSY. — Fantasme
et réalité dans le transfert
(2)
et rôle structurant
de
M. FAIN et P. MARTY. — Aspects fonctionnels
au cours des traitements
l'investissement
homosexuel
psychanalytiques d'adultes
(2)
le contre-transfert
M. A. ZELIGS. — Le rôle du silence dans le transfert,
et dans le processus psychanalytique
A. PETO. — De l'effet désintégrant
transitoire
des interprétations...
et ses phases diverses
R. GREENSON. — L'empathie
de valeur en psychanalyse
N. NIELSEN. — Les jugements
de la personnalité
M. M. R. KHAN. — Aspects cliniques
schizoïde
:
affects et technique
M. BONAPARTE. — Vitalisme
et psychosomatique
(2)
SUR
COLLOQUE
DE L'APPAREIL

SUR

LES

749
764
765
778

778
779
791
807
815
825
841

LES

MALADIES
DIGESTIF

I. A. GARMA. — Les images inconscientes
dans la genèse de l'ulcère
peptique
II. M.
SPERLING. — Vie fantasmatique
inconsciente
et relations
dans la colite ulcéreuse
objectales
III.
S. Z. ORGEL. — Régression orale au cours de la psychanalyse
de
malades atteints
d'ulcère
IV. W. HOJER-PEDERSEN. — États névrotiques
chez les malades atteints
d'un ulcère du duodénum
— Affections
V. B. MITTELMANN.
et
psychosomatiques,
psychose
action thérapeutique
H. A. ROSENFELD. — De la toxicomanie
COLLOQUE

733
741
747

ÉTATS

I. E. ZETZEL. — Introduction
II. S. NACHT et P.-C. RACAMIER. — Étude
III.
confusion
W. C. SCOTT. — Dépression,

843
853
863
875
881
885

DÉPRESSIFS

psychanalytique
et polyvalence

(2)...

n° 6, 1958, pp. 649-674.
(1) In : Revue française de Psychanalyse, t. XXII,
en langue française ont déjà fait l'objet d'une publication
(2) Les participations
de Psychanal., t. XXIII,
n° 5, septembre-octobre
1959. (N.d.R.)

901
911
913

in : Rev. fr.
REVUE

1038

FRANÇAISE

DE

PSYCHANALYSE

PAGES

et latentes
G. BYCHOWSKI. — Structure
des dépressions chroniques
chez le schizophrène
M. KLEIN. — Note sur la dépression
...
H. ROSENFELD. — Note sur le facteur
précipitant

927
937
941

de l'amertume
J. ALEXANDER. — Psychologie
des états d'âme chez Soren Kierkegaard
E. WEIGERT. — L'alternance
B. JOSEPH. — Quelques
de la personnalité
caractéristiques
psychopathique
— Approche
d'un
du traitement
A. H. WILLIAMS.
psychanalytique
assassin

945
959

IV.
V.
VI.

COLLOQUE

SUR

LA

RELATION

969
979

D'OBJET

PSYCHOTIQUE
I. S. LEBOVICI.
II.
III.
IV.

—

Considérations

sur

la relation

d'objet

psycho993

tique (1)
R. DIATKINE.

— Réflexions
sur la genèse de la relation
d'objet
chez le jeune enfant (1)
psychotique
et « relation
M. S. MAHLER. — Dé-différenciation
perceptuelle
» psychotique
objectale
et restauration
des relations d'objet
D. S. de SOUZA. — Disparition
chez une petite fille schizophrène

C. W. TIDD. — L'emploi
mation
médicale
(1) Voir

des concepts

psychanalytiques

993
995
1007

dans la for1017

note 2, de la page précédente.

Le gérant

: Serge LEBOVICI.
REVUE
DE

FRANÇAISE

PSYCHANALYSE

INSTITUT DE PSYCHANALY
187, Rue Saint-Jacques
PARIS -5°
REVUE

FRANÇAISE
DE

PSYOIANAL
TOME

XXV

N° 1
JANVIER-FÉVRIER

PRESSES

UNIVERSITAIRES

108, BOULEVARD

1961

DE

SAINT-GERMAIN,
1961

FRANCE
PARIS
TOUS

DROITS

RÉSERVÉS
Publication
XXIIe

en français des rapports
CONGRÈS
INTERNATIONAL
(Edimbourg,

30 juillet-3

du Symposium du
DE PSYCHANALYSE
août 1961)

sur

LA

DE

LA

THÉORIE
RELATION
PARENT-ENFANT

1

PREMIER RAPPORT
LA

THÉORIE

DE LA

RELATION

PARENT-NOURRISSON

par D. W. WINNICOTT
(Londres)

DEUXIÈME RAPPORT
CONSIDÉRATIONS
QUELQUES
SUR LA RELATION
PARENT-NOURRISSON
par PHYLLIS GREENACRE
(New York)

(1) Les rapports du Dr WINNICOTT et du Dr GKEENACRE sur le même sujet feront l'objet
d'une discussion au XXIIe
de Psychanalyse. Il a été convenu avec les
Congrès international
auteurs et en accord avec le Comité d'Organisation
de ce Congrès, de publier ces rapports dans
la Revue française de Psychanalyse, pour permettre aux congressistes de langue française d'en
connaissance en vue de la discussion qui suivra son exposé.
prendre dès maintenant
La théorie
de la relation parent-nourrisson(
par D. W. WINNICOTT

1)

(Londres)

Le meilleur moyen de mettre en évidence l'idée principale de ce
travail est peut-être de comparer l'étude de l'enfance à celle du transfert
psychanalytique
(2).
Je tiens à insister sur le fait que mon propos concerne la première
enfance et non la psychanalyse principalement.
La raison pour laquelle
il faut bien en tenir compte touche au coeur du sujet. Si ce travail ne constitue pas un apport positif, il ne pourra alors qu'ajouter à la confusion
actuelle quant à l'importance
relative des influences personnelles et du
milieu sur le développement de l'individu.
Nous savons qu'en psychanalyse, il n'y a pas de traumatisme qui soit
hors de portée de l'omnipotence
Tout arrive finalement
de l'individu.
sous le contrôle du Moi et se relie ainsi à des processus secondaires.
Le psychanalyste n'est d'aucune aide au patient en lui disant : « Votre
mère n'était pas assez bonne... Votre père vous a séduite... Votre tante
ne se produisent
en analyse
vous a abandonné. » Les modifications
s'introduisent
dans le matériel
que lorsque les facteurs traumatiques
analytique à la façon du patient, et dans son omnipotence. Les interprétations qui provoquent des altérations sont celles qui sont données
en termes de projection. Il en est de même pour les facteurs bénins, qui
mènent à la satisfaction. Tout doit être interprété en fonction de l'amour
et de l'ambivalence du patient. L'analyste sait qu'il peut avoir à attendre
longtemps pour être en mesure de faire exactement ce type de travail.

de J. MASSOUBRE.
(1) Traduction
(2) J'ai étudié ce sujet sous un angle clinique
primitif
[8].

plus détaillé

dans Le développement émotionnel
8

REVUE

FRANÇAISE

DE

PSYCHANALYSE

Dans l'enfance

cependant, il arrive au nourrisson des choses, bonnes
et mauvaises, qui sont totalement en dehors de sa portée. La première
enfance est en fait la période au cours de laquelle se forme la capacité
de rassembler des facteurs externes dans le champ de puissance du
nourrisson. Les soins maternels, par leur support du Moi, permettent
au nourrisson de vivre et de se développer bien qu'il ne soit pas encore
capable de maîtriser ce qu'il y a de bon et de mauvais dans son environnement ou de s'en sentir responsable.
On ne peut estimer que les événements de ces stades précoces sont
perdus à la suite de ce que nous appelons les mécanismes de répression,
et les analystes ne peuvent donc pas s'attendre à les voir réapparaître
à la suite d'un travail qui amoindrit
les forces de répression. Freud
tentait peut-être de tenir compte de ces phénomènes quand il employait
l'expression de répression primaire, mais cela reste ouvert à la discussion.
Il est à peu près certain que beaucoup des auteurs psychanalytiques
ont
considéré comme admis les problèmes étudiés ici (1).
Pour en revenir à la psychanalyse, j'ai dit que l'analyste est prêt à
attendre jusqu'à ce que le patient soit capable de présenter les facteurs
de milieu en des termes qui permettent de les interpréter
comme des
Dans les cas bien choisis, ce résultat est atteint grâce à la
projections.
capacité que le patient redécouvre, de faire confiance à l'analyste et à la
situation
Parfois, l'analyste doit attendre très longprofessionnelle.
temps ; et dans les cas mal choisis pour une psychanalyse classique, il
est vraisemblable que le fait que l'analyste est digne de confiance est le
car c'est une
plus important
(plus important
que les interprétations),
chose que le patient n'a pas vécue en recevant les soins maternels dans
son enfance ; s'il doit être capable d'en tirer profit, il faudra qu'il en
trouve l'occasion pour la première fois dans le comportement
de son
analyste. Il semble que ceci pourrait être la base d'une recherche sur ce
qu'un psychanalyste peut faire dans le traitement de la schizophrénie
et des autres psychoses.
Dans les cas limites, l'analyste n'attend pas toujours en vain ; avec
le temps, le patient devient capable d'utiliser les interprétations
psychanalytiques des traumatismes originaux comme des projections. Il peut
même arriver qu'il soit capable d'accepter ce qu'il y a de bon dans son
environnement
comme la projection des éléments continus, stables et
simples qui dérivent de son potentiel originel.

(1) J'ai décrit certains aspects de ce problème
[16].

chez une patiente

en état de profonde

régression
LA THÉORIE

DE LA RELATION

PARENT-NOURRISSON

9

Le paradoxe est que tout ce qui est bon et mauvais dans l'environMais malgré
nement du nourrisson n'est pas en fait une projection.
cela il est nécessaire pour que le nourrisson se développe bien, que
Nous
toutes les choses stables lui paraissent être des projections.
et le principe de plaisir, et il est
trouvons ici en action l'omnipotence
certain qu'ils sont actifs dans la période de l'enfance précoce ; on peut
ajouter à cette observation que la reconnaissance d'un vrai « Non-Moi »
est une question d'intellect ; elle dépend de l'extrême sophistication et
de la maturité de l'individu.

Dans les travaux de Freud, la plupart de ses idées concernant l'enfance viennent de l'étude d'adultes en analyse. Il y a des observations
de l'enfance (matériel de la bobine [5]) et il y a l'analyse du petit Hans [3].
Il semblerait à première vue qu'une grande partie de la théorie psychanalytique concerne les premières années et l'enfance, mais dans un
certain sens, on peut dire que Freud a négligé l'enfance en tant qu'état
en soi. On peut le constater dans une note de Deux principes du fonctionnement mental (Formulations on the Two Principles of Mental Functioning [4], p. 200) ; il y montre bien qu'il sait qu'il prend pour établis
les faits mêmes qu'il étudie dans ce travail. Dans ce texte, il décrit le
développement
qui va du principe de plaisir au principe de réalité,
selon sa façon habituelle de reconstruire l'enfance de ses patients adultes.
Voici le texte de cette note :
On peut légitimement
objecter qu'une organisation qui est l'esclave du
principe de plaisir et qui ne tient pas compte de la réalité extérieure, est incapable de se maintenir en vie pendant le temps même le plus court, si bien qu'elle
n'aurait pas pu se former du tout. L'emploi d'une fiction de ce genre est cependant justifié par la considération suivante : le bébé, si seulement l'on compte
aussi les soins maternels, réalise en fait, à peu près, un tel système psychique.

Freud reconnaissait pleinement par là l'importance de la fonction des
soins maternels et on peut supposer que s'il n'a pas développé ce sujet,
c'est simplement qu'il ne se sentait pas prêt à analyser ses implications.
La note se poursuit ainsi :
Il hallucine probablement
la satisfaction de ses besoins internes, il trahit
son déplaisir (résultat de l'accroissement de la stimulation et du retard de la
satisfaction), par la décharge motrice consistant à crier et à se débattre et il
éprouve alors la satisfaction hallucinatoire. Plus tard, devenu enfant, il apprend
à user intentionnellement
de ces modes de décharge en tant que moyen
d'expression. Comme les soins donnés au bébé sont les prototypes des soins
ultérieurs donnés à l'enfant, la suprématie du principe de plaisir ne peut en
réalité cesser qu'avec le détachement psychique complet d'avec les parents.
10

REVUE FRANÇAISE

DE PSYCHANALYSE

Les mots : « Si seulement l'on compte aussi les soins maternels »,
ont une grande importance dans le contexte de ce travail. Le nourrisson
et les soins maternels forment une unité (1). Il est certain que si l'on veut
étudier la théorie des relations parent-nourrisson, on doit prendre une
décision à ce sujet, car il concerne la signification exacte du mot dépendance. Il ne suffit pas de reconnaître l'importance du milieu. S'il doit y
avoir une discussion de la théorie de la relation parent-nourrisson, les
participants se trouveront divisés si certains n'admettent pas qu'aux
stades précoces, le nourrisson et les soins maternels appartiennent l'un
à l'autre et ne peuvent être démêlés. Ces deux choses, le nourrisson et
les soins maternels, se démêlent et se dissocient au cours d'une évolution
heureuse ; et la santé mentale, qui signifie tant de choses, signifie dans
une certaine mesure la séparation des soins maternels de quelque chose
que nous appelons alors le nourrisson ou les débuts d'un enfant en
évolution. Les mots de Freud à la fin de la note recouvrent cette idée :
« La suprématie du principe de plaisir ne peut en réalité cesser qu'avec
le détachement psychique complet d'avec les parents. » (Je discuterai
de la partie centrale de cette note plus loin et je suggérerai que les mots
de Freud sont ici inadéquats et induisent en erreur à certains points de
vue, si l'on considère qu'ils se réfèrent au stade le plus précoce) (cf. p. 18).
LE MOT

« NOURRISSON

» (infant,

EN ANGLAIS)

J'emploierai dans ce travail le mot nourrisson pour désigner le très
jeune enfant. Il est nécessaire de le spécifier car dans les travaux de
Freud, le mot enfant (infant) semble parfois inclure l'enfant jusqu'à
l'âge de la résolution du complexe d'OEdipe. En fait le mot nourrisson
(infant) implique l'absence de langage (infant) et il n'est pas inutile
de considérer cette époque comme la phase qui précède la représentation
par le mot et l'usage des symboles. En conséquence, il s'agit d'une phase
où le nourrisson dépend des soins maternels qui sont basés sur l'empathie de la mère plutôt que sur sa compréhension de ce qui pourrait être
exprimé verbalement.
Il s'agit essentiellement d'une période où le Moi se développe et
dont l'intégration est l'aspect principal. Les forces du Ça réclament de
l'attention. Au début, elles sont extérieures au nourrisson. Au cours d'un
(1) J'ai dit un jour : « Cette chose qu'on appelle un nourrisson n'existe pas. » J'entendais
naturellement par là que partout où l'on trouve un nourrisson, on trouve des soins maternels
et que sans soins maternels, il n'y aurait pas de nourrisson. (Cela se passait lors de la discussion
à une réunion scientifique de la Société psychanalytique britannique, autour de 1940.) Etais-je
influencé, sans le savoir par cette note de Freud ?
LA

THÉORIE

DE

LA

RELATION

PARENT-NOURRISSON

II

développement normal, le Ça se met au service du Moi qui le domine de
sorte que les satisfactions du Ça deviennent des renforcements du Moi.
Mais ceci est l'évolution normale, et au cours de la première enfance, il
peut y avoir beaucoup de variantes dues à un échec relatif de cette réalisation. En cas de mauvaise évolution, peu de résultats dé cette sorte
sont atteints, ou bien ils sont atteints puis perdus. Dans la psychose
infantile (schizophrénie) le Ça reste relativement ou totalement « extérieur » au Moi et les satisfactions du Ça restent physiques et ont comme
effet de menacer la structure du Moi jusqu'à ce que s'organisent des
défenses de qualité psychotique (1).
Je défends ici l'opinion que la raison principale pour laquelle, au
cours de son développement, le nourrisson devient habituellement
capable de dominer le Ça et le Moi de l'inclure, est le fait que, par les
soins maternels, le Moi de la mère renforce celui del'enfant et le rend ainsi
puissant et stable. Reste à étudier comment ceci se passe et aussi
comment le Moi de l'enfant peut se libérer du support du Moi de sa
mère afin d'arriver à se détacher mentalement d'elle, c'est-à-dire à
réaliser une différenciation et à être un soi personnel séparé.
Pour pouvoir examiner la relation parent-enfant, il est nécessaire
de tenter d'abord un bref exposé de la théorie du développement émotionnel du nourrisson.
HISTORIQUE

Au cours de l'évolution de la théorie psychanalytique, les premières
hypothèses concernèrent les mécanismes de défense du Ça et du Moi.
On considérait que le Ça arrivait en scène très tôt et une des principales
données de la psychologie clinique est la découverte et la description
par Freud de la sexualité prégénitale, grâce à ses observations sur les
éléments régressifs des fantasmes génitaux, des jeux et des rêves.
Les mécanismes de défense du Moi furent peu à peu formulés (2).
On considérait qu'ils s'organisaient en relation avec l'angoisse due à la
de cette hypothèse destinée' à la compréhension
(1) J'ai essayé de montrer l'application
des psychoses dans mon article : Psychose et soins du nourrisson [13].
sur les mécanismes de défense qui ont suivi celui d'Anna FREUD (Le Moi
(2) Les travaux
et les mécanismes de défense [1] ), sont parvenus par un chemin différent à une réévaluation
significative du rôle du maternage
et son premier développement.
dans les soins au nourrisson
A. FREUD [2] a réaffirmé ses vues actuelles sur ce sujet. Willi HOPFER également a fait des observations pertinentes
dans ce domaine du développement
dans ce
[7]. Cependant, mon intention
travail est de montrer non seulement l'importance
cruciale du rôle du milieu parental pour le
du nourrisson pendant les premiers mois, mais aussi la façon dont ceci prend
développement
une signification
clinique spéciale dans notre travail avec certains types de malades à troubles
caractériels
et affectifs.
12

REVUE

FRANÇAISE

DE

PSYCHANALYSE

tension des instincts

ou à la perte de l'objet. Cette partie de la théorie
présuppose que le Soi est séparé, le Moi structuré et
psychanalytique
peut-être, un schéma corporel personnel. Au niveau qui nous intéresse
dans ce travail, on ne peut encore envisager un tel état
principalement
de choses. La discussion se centre précisément sur l'établissement de cet
état de choses, c'est-à-dire
du Moi qui rend possible
la structuration
l'existence de l'angoisse à partir de la tension des instincts ou de la perte
de l'objet. A ce stade précoce, l'angoisse n'est pas une angoisse de castration ou de séparation, elle concerne bien d'autres choses et est en fait,
une angoisse d'annihilation
(cf. l'aphanisis de Jones).
Dans la théorie psychanalytique,
les mécanismes de défense sont
et
liés en grande partie à l'idée de l'enfant qui a de l'indépendance,
une organisation
les
de défense bien personnelle. A cette frontière,
recherches de Klein complètent
en clarifiant
la théorie freudienne
le jeu entre les angoisses primitives
et les mécanismes de défense. Ce
travail

de Klein concerne la première enfance et attire l'attention
sur
des pulsions agressives et destructrices qui sont plus prol'importance
fondément enracinées que celles qui sont une réaction à la frustration
et sont en relation avec la haine et la colère ; il y a également dans le
travail de Klein une dissection
des premières défenses contre les
aux premiers stades
angoisses primitives,
angoisses qui appartiennent
de l'organisation
mentale (scission, projection, introjection).
Ce que décrit le travail de Melanie Klein appartient clairement à la
vie du nourrisson dans ses phases les plus précoces et à la période de
Melanie Klein a bien montré
dépendance dont s'occupe ce travail-ci.
à cette période
de l'environnement
qu'elle reconnaissait l'importance
et de diverses façons à tous les stades (1). Je pense donc que son travail
et celui de ses collaborateurs laissent la porte ouverte à de plus amples
développements du thème de l'entière dépendance, thème qui apparaît
dans la phrase de Freud : «... le nourrisson, si seulement l'on compte
aussi les soins maternels. » Il n'y a rien dans le travail de Klein qui
contredit l'idée de dépendance absolue, mais il me semble n'y avoir
aucune référence spécifique à un stade où le nourrisson n'existe qu'à
cause des soins maternels avec lesquels il forme une unité.
Ce qui m'amène à faire remarquer ici la différence entre l'acceptation
par l'analyste de la réalité de la dépendance, et son travail sur elle dans
le transfert (2).
(1) J'ai exposé en détails dans deux articles
Klein dans ce domaine [14, 19].
voir [15].
(2) Pour un exemple clinique,

comment

je comprends

le travail

de Melanie
LA

THÉORIE

DE

LA

RELATION

PARENT-NOURRISSON

13

Il semble qu'en étudiant les défenses du Moi on se trouve ramené aux
manifestations prégénitales du Ça, alors que l'étude de la psychologie
du Moi ramène à la dépendance, à l'unité nourrisson-soins maternels.
Une moitié de la théorie des relations nourrisson-parent
concerne
le nourrisson et est l'étude de son évolution de la dépendance absolue
à l'indépendance
en passant par une dépendance relative, et parallèlement, de son évolution du principe de plaisir au principe de réalité,
de l'auto-érotisme
aux relations d'objet. L'autre moitié de cette théorie
concerne les soins maternels, c'est-à-dire les qualités et modifications
de la mère qui répondent aux besoins spécifiques du nourrisson vers
lequel elle est orientée.
a)

LE NOURRISSON

Le mot clé de ce chapitre est dépendance. Les nourrissons humains ne
peuvent commencer à Être que dans certaines conditions. Celles-ci sont
étudiées plus loin au chapitre B, mais font partie de la psychologie du nourrisson. En effet les bébés commencent à Être différemment selon qu'elles
sont favorables ou non. En même temps, elles ne déterminent pas le potentiel. Celui-ci est hérité et il est légitime d'étudier séparément ce potentiel
originel, toujours à condition de ne pas oublier que le potentiel originel d'un
nourrisson ne peut devenir un nourrisson s'il n'est pas lié à des soins maternels.
Le potentiel hérité comporte une tendance à la croissance et au
On peut dater grossièrement tous les stades de la
développement.
croissance émotionnelle. On peut supposer que tous les stades du développement ont une date chez chaque enfant. Et cependant, non seulement ces dates varient d'un enfant à l'autre, mais aussi, même si on pouvait
les connaître à l'avance chez un enfant donné, on ne pourrait les employer
à prédire le développement réel de l'enfant à cause de l'autre facteur, les
soins maternels. Si on pouvait utiliser de telles dates à faire des prédictions, ce serait en se basant sur la supposition de soins maternels adéquats dans tous les aspects importants (ceci, de toute évidence, ne
signifie pas uniquement adéquat au sens physique ; la signification de
soins adéquats ou non dans ce contexte sera discutée plus loin).
Le potentiel

hérité et son destin

Il nous faut maintenant tenter de décrire brièvement ce qu'il advient
du potentiel originel, si celui-ci doit se développer en un nourrisson
puis en un enfant tendant à une existence indépendante. Étant donné
la complexité du sujet, une telle description ne peut se faire qu'en
supposant des soins maternels adéquats, c'est-à-dire des soins parentaux.
14

REVUE

FRANÇAISE

On peut classer grossièrement
stades qui se recouvrent :
a)
b)
c)

DE

PSYCHANALYSE

les soins parentaux

satisfaisants en trois

Soutien (1);
Vie ensemble de la mère et de l'enfant. Ici le nourrisson ne connaît
pas la fonction du père (qui s'occupe du milieu pour la mère) ;
Vie ensemble du père, de la mère et de l'enfant.

du mot soutien s'étend ici non seulement au fait que la
L'emploi
mère porte réellement physiquement le nourrisson, mais aussi aux soins
totaux du milieu, antérieurs au concept de vie avec. En d'autres termes,
cette notion de soutien se réfère à une relation spatiale à trois dimensions, à laquelle s'ajoute progressivement le temps. Ceci débute avant les
expériences instinctuelles qui, à un moment donné, vont déterminer les
relations d'objet, et se superpose à ces expériences. Ce concept inclut le
maniement d'expériences inhérentes à l'existence, telles que l'accomplissement (et donc le non-accomplissement) de processus qui, de l'extérieur,
peuvent paraître purement physiologiques, mais qui appartiennent à la
psychologie du nourrisson et se situent dans un champ psychologique
et l'empathie de la
complexe, champ déterminé par la compréhension
mère (je discute plus amplement ce concept de soutien, un peu plus loin).
La notion de vie avec implique des relations d'objet et l'émergence
du nourrisson de l'état où il était fusionné à la mère, ou la perception
des objets comme extérieurs à soi.
Ce travail s'intéresse spécialement à l'époque du « soutien » des soins
maternels, et aux événements complexes du développement psychologique du nourrisson qui sont liés à cette phase. Il ne faut cependant pas
oublier que la séparation d'une phase de l'autre est artificielle et surtoutune
question de commodité, adoptée dans le but d'une définition plus claire.
Le développement du nourrisson pendant

la période de soutien

On peut énumérer les caractéristiques du développement
risson pendant cette phase. C'est à cette époque que
— les processus primaires ;
— l'identification
primaire ;
— l'auto-érotisme
;
— le narcissisme
primaire ;
sont des réalités vivantes.

du nour-

(1) Le mot anglais est holding, gérondif du verbe to hold, tenir, c'est-à-dire soutenir, porter
dans ses bras, etc. l,'auteur
explique lui-même un peu plus loin ce qu'il entend par là. Nous
emploierons en français le mot « soutien », qui nous semble se rapprocher de l'idée de l'auteur.
LA

THÉORIE

DE

LA

RELATION

PARENT-NOURRISSON

15

A cette période, le Moi passe d'un état non intégré à une intégration
structurée et ainsi le nourrisson devient capable d'expérimenter
l'anLe mot désintégration
se met à
goisse associée à la désintégration.
du
prendre une signification qu'il n'avait pas avant que l'intégration
Moi devienne un fait. A cette phase, dans un développement normal,
le nourrisson retient la capacité de vivre à nouveau des états non intéde soins maternels sûrs
grés, mais cela dépend de la continuité
ou de l'édification
par le nourrisson de souvenirs des soins maternels
qu'il commence peu à peu à percevoir comme tels. Le résultat de progrès
normaux dans son développement
pendant cette période est que le
nourrisson atteint ce qu'on pourrait appeler un « état d'unité ». Il devient
une personne, un individu de son propre chef.
L'existence
du nourrisson
est associée à cette
psychosomatique
réalisation et elle commence à avoir une allure personnelle ; j'ai appelé
cela l'installation
de la psyché dans le soma (1). La base de cette installation est constituée par le lien entre les expériences motrices, sensorielles
et fonctionnelles et le nouvel état du nourrisson : être une personne. Dans
la suite du développement
apparaît ce qu'on pourrait
appeler une
membrane de délimitation
qui, dans une certaine mesure (dans les cas
normaux), se confond avec la surface de la peau et qui se situe entre le
« Moi » et le « non-Moi » du nourrisson. Ainsi le nourrisson en vient à
avoir un intérieur et un extérieur et un schéma corporel. C'est ainsi que
la fonction de prendre en soi et de rejeter prend une signification ; bien
plus, postuler une réalité psychique interne ou personnelle pour l'enfant
devient plein de signification (2).
D'autres processus débutent pendant cette période de soutien ; le
plus important est l'éveil de l'intelligence et le début d'un esprit, distinct
de la psyché. De là découle toute l'histoire des processus secondaires et
du fonctionnement
et de l'organisation
d'un contenu
symbolique,
psychique personnel qui forme une base pour les relations de la vie et
des rêves.
Au même moment commence chez le nourrisson la jonction de deux
racines du comportement impulsif. Le mot « fusion » indique le processus positif par lequel les éléments diffus du mouvement et de l'érotisme musculaire fusionnent
avec le fonctionnement
orgastique des
zones érogènes (dans le développement normal). Ce concept est mieux
connu comme étant le processus inverse de la désintrication,
défense
à ce sujet.
(1) Voir dans [11], ce que j'ai dit auparavant
(2) C'est ici que l'on peut appliquer de façon appropriée les connaissances sur les fantasmes
dont l'enseignement
de Mélante Klein nous a appris la richesse et la complexité.
primitifs
16

REVUE

FRANÇAISE

DE

PSYCHANALYSE

compliquée où l'agression se sépare de l'expérience érotique après une
période où avait été réalisé un certain degré de fusion. Tous ces développements dépendent de la qualité du soutien offert par le milieu, et si elle
n'est pas suffisante, ces stades ne peuvent être atteints, ou s'ils sont
atteints, ils ne peuvent s'affermir.
La dépendance
Pendant la période de soutien, le nourrisson est dépendant au maximum. On peut classer la dépendance ainsi :
1) Dépendance absolue. — Ici le nourrisson n'a aucun moyen de
connaître les soins maternels qui sont surtout une question de prophylaxie. Il ne peut acquérir la maîtrise sur ce qui est bien ou mal fait
mais est seulement dans une position où il peut profiter ou souffrir.
2) Dépendance relative. — Le nourrisson peut se rendre compte de
son besoin des détails des soins maternels et peut de plus en plus les
relier à des impulsions personnelles et alors plus tard, dans un traitement psychanalytique, il pourra reproduire celles-ci dans le traitement.
3) Vers l'indépendance. — Le nourrisson développe les moyens de
se passer des soins. Ceci est rendu possible par l'accumulation des
souvenirs de soins, la projection des besoins personnels, et l'introjection du détail des soins, en même temps que se développe la confiance
dans l'environnement. Il faut ajouter ici l'élément de compréhension
intellectuelle avec ses innombrables implications.
Isolement de l'individu
Un autre phénomène à prendre en considération à cette époque est le
fait que le germe de la personnalité est caché. Examinons le concept
d'un vrai Soi central. On pourrait dire que ce Soi central est le potentiel
originel qui expérimente de façon continue le fait d'être et d'acquérir,
à sa façon et à sa vitesse propres, une réalité psychique personnelle ainsi
qu'un schéma corporel personnel (1). Il semble nécessaire d'admettre
l'idée de l'isolement de ce Soi central comme une caractéristique de
l'état normal. Toute menace dirigée vers cet isolement du vrai Soi constitue une angoisse majeure à ce stade précoce et les défenses de la
première enfance semblent apparaître à la suite d'échecs de la part de la
mère (ou des soins maternels) à écarter les heurts qui pourraient troubler
cet isolement.
(1) J'ai étudié dans un autre article [20] un aspect différent
ment, tel que nous le voyons chez l'adulte normal.

de cette phase du développe-
LA

THÉORIE

DE

LA

RELATION

PARENT-NOURRISSON

17

C'est l'organisation
du Moi qui peut faire face à ces heurts qui se
ressemblent dans l'omnipotence
du nourrisson et sont ressentis comme
des projections
(1). Mais ces attaques peuvent aussi traverser cette
défense malgré le support du Moi que constituent les soins maternels.
Alors le noyau central du Moi est touché et c'est là la vraie nature de
L'individu
normal devient rapidement
invull'angoisse psychotique.
nérable à ce point de vue et si des facteurs externes le heurtent, il se
de degré et de qualité de la
une modification
produit
simplement
retraite du Soi central. La meilleure défense à cet égard est l'organisation
et les relations d'objet
d'un faux Soi. Les satisfactions instinctuelles
elles-mêmes constituent une menace pour la continuité
de l'individu.
satisExemple. — Un enfant nourri au sein est en train d'obtenir
faction. Le fait en soi n'indique pas si cette expérience du Ça est acceptée
par le Moi ou si au contraire il souffre du traumatisme d'une séduction,
d'une menace pour la continuité
personnelle de son Moi ou d'une
menace constituée par une expérience du Ça qui n'est pas acceptée
voulu pour réagir.
par le Moi et à laquelle le Moi n'a pas l'équipement
les relations d'objet peuvent se développer sur la
Normalement,
dans ce que plus tard
base d'un compromis
qui implique l'individu
alors qu'une relation directe
on appellerait tricherie et malhonnêteté,
n'est possible que sur la base d'une régression à un état de fusion avec
la mère.
L'annihilation

(2)

A ce stade précoce de la relation parent-enfant,
l'angoisse est liée
et il est nécessaire d'expliquer la signification
à la menace d'annihilation
de ce mot.
A cette phase, caractérisée par l'existence essentielle d'un environnement qui soutient, le « potentiel originel » devient « un sentiment
continu d'existence ». L'opposé d'exister est réagir, et réagir interrompt
l'existence et annihile. Les deux alternatives sont : existence ou annihilation. La fonction principale du milieu qui soutient est donc de réduire
au maximum les heurts auxquels le nourrisson doit réagir avec, comme
de l'existence personnelle. Dans des conditions
résultat, l'annihilation
établit un sentiment d'existence continu et
favorables, le nourrisson
» dans un sens descriptif et dynamique
et non dans sa
ici le mot « projections
(1) J'utilise
des mécanismes
totale.
La fonction
psychiques
primitifs
signification
métapsychologique
tels que l'introjection,
la projection,
la scission, sort des limites de ce travail.
(2) J'ai décrit dans un précédent article les variétés cliniques de ce type d'angoisse d'un point
de vue légèrement différent.
PSYCHANALYSE

2
18

REVUE

FRANÇAISE

DE

PSYCHANALYSE

de
commence alors à développer les sophistications
qui permettent
A ce stade, le
rassembler les heurts dans le domaine de l'omnipotence.
mot mort n'a aucune application
possible, ce qui rend l'expression
instinct de mort inacceptable pour décrire les racines de la destructivité. La mort n'a aucune signification
jusqu'à l'arrivée de la haine et
du concept de la personne humaine totale. Lorsque l'enfant peut haïr
une personne humaine totale, la mort a alors une signification et, immédiatement après, suit ce qu'on pourrait appeler la mutilation ; l'enfant
maintient
en vie la personne aimée et haïe en la châtrant ou en la
mutilant autrement au lieu de la tuer. Ces idées font partie d'une phase
plus tardive que celle caractérisée par la dépendance envers l'environnement et son soutien.
Nouvel

examen de la note de Freud

Arrivé à ce point, il faut nous tourner à nouveau vers la note de
Freud citée plus haut. Il écrit : « Il (le bébé) hallucine probablement la
satisfaction de ses besoins internes ; il trahit son déplaisir, résultat de
l'accroissement de la stimulation et du retard de la satisfaction, par une
décharge motrice consistant à pleurer et à se débattre, et il éprouve
» La théorie esquissée dans cette
alors la satisfaction hallucinatoire.
partie de la note ne parvient pas à répondre aux conditions de la phase
la plus précoce. Déjà par ces mots, Freud se réfère aux relations d'objet
et la validité de ce passage n'est acquise qu'en admettant les aspects
les plus précoces des soins maternels, ceux que je décris ici dans la
phase de soutien. D'autre part, cette phrase de Freud répond exactement aux exigences de la phase suivante qui se caractérise par une
relation entre le nourrisson et sa mère dominée par les relations d'objet
et les satisfactions instinctuelles
ou des zones érogènes ; ceci, quand le
développement évolue normalement.
b)

LES SOINS MATERNELS

tenter de décrire certains aspects des soins
Je vais maintenant
dans
maternels, et spécialement le soutien. Ce concept est important
cet article, et il mérite d'amples développements.
L'emploi de ce mot
est destiné à introduire
le développement
du thème de la phrase de
Freud : «... la considération suivante : le bébé, si seulement l'on compte
aussi les soins maternels, réalise en fait à peu près un tel système
du
mental. » Je me réfère à l'état de la relation mère-nourrisson
début, quand l'enfant n'a pas encore séparé un Soi des soins mater-
LA

THÉORIE

DE

LA

RELATION

PARENT-NOURRISSON

19

nels dont il dépend de façon absolue, dans un sens psychologique (1).
A ce stade, l'enfant a besoin, et en fait reçoit du milieu des apports
dont les caractéristiques sont :
— ils répondent aux besoins
A ce moment, la physiophysiologiques.
logie et la psychologie ne sont pas encore distinctes ou commencent
seulement à le devenir;
et
— ils sont dignes de confiance. Mais non
Ils le sont
mécaniquement.
d'une façon qui implique l'empathie
de la mère.
Le soutien
a)
b)

c)

d)

Protège contre les dangers physiologiques
; et
Tient compte de la sensitivité
de la peau (toucher,
température)
— de la sensitivité
auditive ;
— de la sensitivité
visuelle ;
— de la sensitivité
à la chute (action de la pesanteur)
;
— ainsi que du fait
de quoi
que l'enfant
ignore l'existence
d'autre que le Soi ;

:

que ce soit

Inclut

la routine des soins de jour et de nuit, soins qui ne sont pas les mêmes
et il n'y a pas deux
pour deux bébés car ils font partie du nourrisson
nourrissons
semblables ;
dus à la croissance et au dévejour après jour aux changements
S'adapte
et psychologiques.
loppement,
physiques

Il faut noter qu'on peut aider à mieux faire les mères qui ont en elles
le désir de donner des soins suffisants, en s'occupant d'elles d'une façon
qui reconnaît la nature essentielle de leur tâche. Mais ce n'est pas
simplement en les instruisant qu'on rendra plus aptes les mères qui n'ont
pas la capacité d'assurer des soins suffisamment bons.
Le soutien comporte spécialement le fait physique de porter le
nourrisson, ce qui est une forme d'amour. C'est peut-être la seule façon
par laquelle une mère peut montrer son amour au nourrisson. Il y a
celles qui savent, et celles qui ne savent pas tenir un enfant, et ces
dernières provoquent
rapidement chez le bébé un sentiment d'insécurité et des pleurs de détresse.
Tout cela mène à l'établissement
des premières relations d'objet
du nourrisson et de ses premières expériences de gratification
instinctuelle (2), comprend cet établissement et coexiste avec lui.
et de la gratification
(1) Rappel : pour être certain de séparer cela des relations d'objet
il me faut, de façon artificielle,
limiter
mon attention
aux besoins corporels de
instinctuelle,
type général. Un patient m'a dit : « Une bonne séance d'analyse dans laquelle la bonne inter»
prétation est donnée au bon moment est une bonne nourriture.
(2) Pour une plus ample discussion de cet aspect des processus de développement,
voir
mon article
[12].
20

REVUE

FRANÇAISE

DE

PSYCHANALYSE

Ce serait une erreur de situer la gratification
instinctuelle
(nourriture, etc.), ou les relations d'objet (relation avec le sein) avant l'organisation du Moi (j'entends le Moi du nourrisson renforcé par le Moi
La base de la satisfaction instinctuelle
et des relations
maternel).
d'objet est constituée par le maniement et les soins du nourrisson,
qu'on considère trop facilement comme allant de soi quand tout va
bien.
La santé mentale de l'individu,
c'est-à-dire libre de psychose ou
enclin à la psychose (schizophrénie), s'établit à partir des soins maternels
des
qu'on note à peine quand ils sont bons et qui sont la continuation
de la période prénatale. Cet apport du milieu
apports physiologiques
est aussi la continuation
de la vie des tissus et de la bonne santé des
diverses fonctions qui (pour le nourrisson),
fournissent
au Moi un
la
support silencieux mais vital. C'est ainsi que la schizophrénie,
à une psychose plus tardive
psychose infantile ou une prédisposition
sont liées à la carence des appels du milieu. Cela ne veut pas dire cependant qu'on ne peut décrire un tel échec en termes de distorsion du Moi
et de défenses contre les angoisses primitives, c'est-à-dire en fonction de
l'individu.
On voit donc que le travail de Klein sur les mécanismes de
défense par scission, sur la projection,
etc., constitue
l'introjection,
une tentative pour décrire les effets de cet échec des apports du milieu,
en fonction
de l'individu.
Ce travail sur les mécanismes primitifs
et c'est la reconstruction
du
qu'une partie de l'histoire
n'explique
milieu et de ses échecs qui pourra éclairer l'autre partie. Cette autre
partie ne peut pas apparaître dans le transfert car le patient ne connaît
pas les soins maternels, ni dans leurs bons ni dans leurs mauvais aspects,
tels qu'ils furent au cours de sa première enfance.
Étude d'un détail des soins maternels
Je voudrais donner un exemple pour illustrer la subtilité des soins
maternels. Un nourrisson est fusionné avec sa mère, et tant qu'il en est
ainsi, plus la mère comprend exactement les besoins de son enfant,
mieux cela vaut. Un changement apparaît cependant avec la fin de cette
fusion, qui n'est pas nécessairement graduelle. Dès que, du point de vue
du nourrisson, lui et sa mère sont séparés, on peut noter une tendance
chez celle-ci à changer d'attitude. C'est comme si elle réalisait alors que
le nourrisson ne s'attend plus à une compréhension
presque magique
de ses besoins. La mère semble savoir que son bébé a une nouvelle
capacité, celle de donner un signal qui la guidera pour comprendre ses
besoins. On pourrait dire que si à ce moment elle savait trop bien ce
LA THÉORIE

DE LA RELATION

PARENT-NOURRISSON

21

dont son nourrisson a besoin, ce serait magique et cela ne constituerait
pas la base possible d'une relation d'objet. Nous en venons ici aux
mots de Freud : « Il (le nourrisson) hallucine probablement la satisfaction
de ses besoins internes ; il trahit son déplaisir (résultat de l'accroissement de la stimulation et du retard de la satisfaction) par la décharge
motrice consistant à crier et à se débattre et il éprouve alors la satis» En d'autres termes, à la fin de la fusion, quand
faction hallucinatoire.
le nourrisson s'est séparé du milieu, un fait important est qu'il a à donner
un signal (1). Cette subtilité apparaît clairement dans le transfert, dans
le travail psychanalytique.
Sauf lorsque le patient a régressé à son
enfance la plus précoce et à l'état de fusion, il est très important que
l'analyste ne connaisse les réponses que dans la mesure où le patient lui
en fournit les éléments. Il les réunit et fait les interprétations
et il arrive
souvent que les patients ne donnent pas ces éléments, s'assurant ainsi
du pouvoir de
que l'analyste ne pourra rien faire. Cette limitation
l'analyste est importante pour le malade, tout comme est important le
exacte, donnée
pouvoir de l'analyste représenté par une interprétation
au bon moment, et qui se base sur les indices et la coopération inconsciente du malade qui fournit le matériel nécessaire à l'élaborer et la
justifier. C'est ainsi que l'analyste débutant fait parfois de meilleures
analyses que quelques années plus tard, quand il connaît toutes les
réponses. Quand il a eu plusieurs patients, il commence à trouver
ennuyeux d'aller aussi lentement que son malade et il se met à donner
des interprétations
basées, non sur le matériel fourni ce jour-là par son
patient, mais sur ses connaissances accumulées ou sur le groupe d'idées
auquel il adhère à ce moment-là. Ce qui n'est d'aucune utilité pour le
et lui exprimer son
patient. Il peut trouver l'analyste très brillant
correcte est un traumatisme
admiration, mais à la fin, l'interprétation
que le patient doit rejeter parce que ce n'est pas la sienne. Il se plaint
c'est-à-dire que l'analyste
de ce que l'analyste essaye de l'hypnotiser,
encourage une importante régression vers la dépendance en le poussant
à un état de fusion avec lui.
La même chose peut s'observer chez les mères ; celles qui ont eu
plusieurs enfants commencent à tellement exceller dans la technique
du maternage qu'elles font toujours la bonne chose au bon moment,
et alors, le nourrisson qui a commencé à se séparer de sa mère n'a pas le
moyen d'acquérir la maîtrise de toutes les bonnes choses qui se passent.
tous ces petits signes qui
Le geste créateur, le cri, la protestation,
(1) Cf. La théorie plus tardive de Freud sur l'angoisse, signal pour le Moi [6].
22

REVUE

FRANÇAISE

DE

PSYCHANALYSE

devraient provoquer ce que fait la mère, tout cela manque parce qu'elle
a déjà satisfait le besoin comme si le bébé était toujours fusionné avec
elle et elle avec lui. De cette façon, la mère en étant apparemment une
bonne mère, fait quelque chose de pire que de châtrer son enfant ; elle
le laisse devant une alternative : ou bien être dans un état permanent
de régression et de fusion avec elle, ou bien échafauder un rejet total
d'elle, même si elle paraît bien adaptée.
Nous voyons donc que dans la façon de s'occuper des nourrissons
il y a une distinction subtile entre la compréhension maternelle des
besoins du nourrisson basée sur l'empathie, et son évolution vers une
compréhension basée sur quelque chose chez le bébé ou le jeune enfant
qui indique un besoin. Ceci est particulièrement difficile pour les mères
parce que les enfants oscillent d'un état à l'autre ; à un moment, ils sont
fusionnés avec leur mère et réclament de l'empathie, alors que la minute
suivante, ils sont séparés d'elle, et si elle connaît alors leurs besoins à
l'avance, elle est dangereuse, une sorcière. Il est très curieux de voir
comme des mères peu instruites s'adaptent de façon satisfaisante à ces
modifications de leur enfant en cours de développement, sans avoir la
moindre connaissance théorique. Ce détail se retrouve dans le travail
psychanalytique avec les cas limites et dans tous les cas, à certains
moments de grande importance où le transfert est à son plus haut point.
Absence de connaissancedes soins maternels satisfaisants
Dans le domaine des soins maternels du type du soutien, il est un
axiome : lorsque tout va bien, le nourrisson n'a aucun moyen de
connaître ce qui lui est convenablement fourni et ce dont il est préservé.
D'autre part c'est quand les choses ne vont pas bien que le nourrisson
devient conscient, non pas de la carence des soins maternels, mais des
résultats de cet échec, quels qu'ils soient, c'est-à-dire que le nourrisson
devient conscient d'une réaction à un heurt. Le résultat de soins
maternels satisfaisants est l'élaboration chez le nourrisson d'un sentiment continu d'exister qui est la base de la force du Moi ; tandis que
chaque carence de soins maternels résulte en une interruption de ce
sentiment causée par les réactions aux conséquences de cette carence, et
il s'ensuit un affaiblissement du Moi (1). De telles interruptions constice sont cet affaiblissement
(1) Dans les cas caractériels,
du Moi et les diverses tentatives
de l'individu
pour le résoudre qui se présentent à l'attention
et cependant il est
immédiate,
nécessaire d'avoir
une vue claire de l'étiologie
pour pouvoir séparer l'aspect défensif de ce
système de son origine dans la carence du milieu. Je me suis référé à un aspect spécifique de
ceci en diagnostiquant
la tendance antisociale comme le problème de base derrière le syndrome
de la délinquance
[17].
LA THÉORIE

DE LA RELATION

PARENT-NOURRISSON

23

tuent une annihilation
et s'associent évidemment avec une souffrance
de qualité et d'intensité psychotiques. Dans les cas extrêmes, le nourrisson n'existe que sur la base d'une succession de réactions aux heurts
et de rétablissements après ces réactions. Ceci contraste avec le sentiment
continu d'exister qui est ma conception de la force du Moi.
c)

LES

CHANGEMENTS

CHEZ

LA MÈRE

Il importe à ce sujet d'étudier les modifications
qui surviennent
chez les femmes qui vont avoir un bébé ou qui viennent d'en avoir un.
Au départ, ces modifications sont surtout physiologiques, et commencent
avec le fait physique de porter un bébé dans son sein. Cependant
l'expression « instincts maternels » ne suffirait pas à les définir. En
les femmes changent leur orientation
envers ellesfait, normalement
mêmes et le monde, mais si profondément
enracinés dans le physiologique que soient ces changements, ils peuvent être déformés par la
mauvaise santé mentale de la femme. Il faut donc envisager ces changements en termes psychologiques bien qu'il puisse y avoir des facteurs
endocriniens,
influençables
par la thérapeutique.
Les changements physiologiques
préparent certainement la femme
aux modifications
ultérieures, plus subtiles.
psychologiques
Peu après la conception,
ou dès que celle-ci est soupçonnée, la
femme commence à se modifier dans son orientation et à s'intéresser
aux changements qui ont lieu en elle. Son propre corps l'encourage
de diverses façons à s'occuper d'elle-même (1). La mère transfère une
partie de son sentiment de soi au bébé qui croît en elle. La chose
est que prend corps un état de choses qui mérite d'être
importante
décrit et dont la théorie demande à être élaborée.
L'analyste placé devant les besoins d'une patiente qui revit dans le
transfert ces premiers stades, subit de semblables changements d'orientation et, au contraire de la mère, il doit être conscient de la sensibilité
et à la dépendance
qui se développe en lui en réponse à l'immaturité
de la malade. On pourrait considérer ceci comme une extension de la
description donnée par Freud de l'analyste en état volontaire d'attention.
Ce n'est pas ici le lieu de décrire ces changements d'orientation
chez une femme qui va être mère ou vient de l'être et j'ai tenté ailleurs
cette description
en langage populaire sans termes techniques (21).
Il existe une psychopathologie
de ces changements, et les anomalies
extrêmes intéressent ceux qui étudient la psychologie des démences
(1) Pour une étude plus détaillée de ce point, cf. « Préoccupation maternelle primaire » (18).
24

REVUE

FRANÇAISE

DE

PSYCHANALYSE

puerpérales. Il est certain que de nombreuses variations de qualité ne
constituent
pas une anomalie. C'est le degré de déformation
qui la
constitue.
En général les mères s'identifient
d'une façon ou d'une autre au
bébé qui croît en elles, et arrivent ainsi à une connaissance très puissante des besoins du bébé. Il s'agit d'une identification
projective.
Cette identification
au bébé dure pendant un certain temps après la
naissance puis perd peu à peu sa signification.
l'orientation
D'ordinaire,
spéciale de la mère envers son enfant se
poursuit au delà de la naissance. La mère, qui n'est pas perturbée à
ce point de vue, est prête à abandonner son identification
au nourrisson
lorsque celui-ci a besoin de devenir un être séparé. Il peut arriver
qu'une mère donne de bons soins au début, mais échoue à compléter
de
le processus parce qu'elle est incapable de le laisser se terminer,
sorte qu'elle tend à rester mêlée à son enfant et à différer le moment
où le nourrisson se sépare d'elle. Il est de toute façon difficile pour
une mère de se séparer de son nourrisson à la vitesse requise par les
besoins de ce dernier (1).
Ce qu'il importe ici à mon avis, c'est que la mère, grâce à son
identification
à son enfant, sait comment le nourrisson se sent et peut
ainsi lui fournir à peu près exactement ce dont il a besoin en matière
de « soutien » et de façon plus générale, de l'apport d'un milieu. Sans
une telle identification,
j'estime qu'elle ne pourrait procurer ce dont
un nourrisson a besoin au début, c'est-à-dire une adaptation vivante
aux besoins du nourrisson. Le principal est le soutien physique qui est
la base de tous les aspects plus complexes du soutien et de l'apport
d'un milieu en général.
Il est vrai qu'une mère peut avoir un bébé très différent
d'elle
de sorte qu'elle peut se tromper.
Le bébé peut être plus rapide ou
plus lent qu'elle, etc. Dans ce cas, il peut y avoir des moments où
ce qu'elle sent être nécessaire au bébé n'est en fait pas exact. Il semble
cependant que d'habitude les mères, quand elles ne sont pas troublées
par des difficultés psychiques ou par des stress actuels dus au milieu,
tendent dans l'ensemble à savoir de façon assez précise ce dont leurs
nourrissons ont besoin et elles aiment le leur fournir. C'est cela l'essence
des soins maternels.
Grâce aux soins qu'il reçoit de sa mère, le nourrisson peut avoir

(1) J'ai présenté dans un article précédent le matériel d'un cas pour illustrer
en clinique et qui se relie à ce groupe d'idées (9).
problème que l'on rencontre

un type

de
LA THÉORIE

DE LA RELATION

PARENT-NOURRISSON

25

une existence personnelle et commencer à construire ce qu'on pourrait
appeler un sentiment d'existence continu. Sur la base de ce sentiment,
le potentiel originel se réalise peu à peu en un nourrisson individuel.
Si les soins maternels ne sont pas suffisamment bons, le nourrisson ne
vient pas alors réellement
à l'existence,
car il n'a pas de sentiment
d'existence continu ; à la place sa personnalité s'édifie sur des réactions
aux heurts du milieu.
Tout ceci est important
pour l'analyste. En effet, ce n'est pas tant
directe du nourrisson
grâce à l'observation
que grâce à l'étude du
transfert dans la situation analytique; que l'on peut comprendre plus
clairement ce qui se passe pendant les premières années. Ce travail
sur la dépendance infantile
découle de l'étude des phénomènes de
transfert et de contre-transfert
qui sont le lot du psychanalyste qui
s'intéresse aux cas limites. A mon avis cet intérêt constitue une extension
légitime de la psychanalyse, la seule altération réelle se trouvant dans
le diagnostic de la maladie du patient dont l'étiologie remonte au delà
du complexe d'OEdipe et comporte une déformation
à l'époque de la
dépendance absolue.
Freud put découvrir la sexualité infantile parce qu'il la reconstruisit
à partir de son travail analytique avec des patients psychonévrotiques.
Si nous étendons son travail pour couvrir le traitement des cas limites
psychotiques, nous pourrons reconstruire la dynamique de la première
enfance et de la dépendance infantile,
et des soins maternels qui répondent à cette dépendance.

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DE PSYCHANALYSE

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ID. (1952), Psychoses and Child
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ID. (1954), The depressive Position in Normal
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et repli,
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Psa., nos 1-2, 1955.
ID. (1954), Metapsychological
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within
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the psycho-analytical
Set-Up.
ID. (1956), The antisocial
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ID. (1956), Primary
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Preoccupation.
Tous

ces travaux
se trouvent
dans Collected Papers : Through
to psycho-analysis.
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1958.
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[20]

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1958.
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VI, sept-oct.
Verlag,
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1958, et Psyche, Ernst Klett
Stuttgard,
1958.
Tavistock
PubliWINNICOTT (D. W.), (1949), The Child and the Family,
cations,
Londres,
1957.
Quelques
sur la relation

considérations
parent-nourrisson

par PHYLLIS GREENACRE,

M.D.

(New

York)

(1)*

INTRODUCTION

Le Dr Winnicott
une
et moi-même avons été chargés d'introduire
discussion sur le thème très étendu de La théorie de la relation parentnourrisson au Congrès international
de 1961. Si j'ai bien compris,
l'intention
du Comité qui a élaboré le programme n'est pas tellement
que ces exposés donnent un résumé de la théorie généralement admise
de la relation parent-nourrisson
dans les premières années, mais bien
plutôt qu'ils traitent des questions que les auteurs ont plus spécialement
étudiées et sur lesquelles ils ont développé des points de vue plus larges,
plus complets ou même divergents des théories déjà largement admises.
C'est pour cela que j'ai intitulé cet article Quelques considérations sur la
relation parent-nourrisson.
Ce sujet est un sujet plaisant, car il m'offre
de consolider et de clarifier des idées sur
l'occasion, et l'obligation,
certains problèmes du développement
infantile qui m'ont préoccupée
tout au long de mes années de travail psychanalytique.
Il me faut d'abord
mieux définir mon sujet. Le terme enfant
(infant)
(2) est employé de diverses façons. D'un point de vue légal,
un enfant est une personne qui n'a pas atteint l'âge de la maturité,
généralement fixé à 21 ans dans nos contrées (3). Cette limite s'appuie
de New York et Département
de Psychiatrie
de l'École de Médecine de l'Uni(1) Hôpital
versité Cornell, New York.
* Traduction
de J. MASSOUBRE.
définit dans ce paragraphe
a diverses traductions
(2) Le mot anglais infant que l'auteur
possibles en français : nourrisson, enfant, etc., suivant le contexte.
(N.d.T.)
de la maturité
et de l'enfance coïncide en fait très étroitement
(3) Cette définition
avec les
mesures de la croissance linéaire du squelette chez l'homme. De même, la fin de l'enfance fixée
à 18 ans chez la femme est aussi en accord avec les statistiques
sur la croissance biologique.
28

REVUE

FRANÇAISE

DE

PSYCHANALYSE

sur l'idée qu'à ce moment, la croissance physique est terminée et que
s'est développée la capacité mentale d'une entière
parallèlement,
individuelle.
En pédiatrie et en médecine générale, le
responsabilité
mot nourrisson (infant) s'emploie souvent pour l'enfant qui ne marche
pas encore. Ensuite, il passe au stade de « château-branlant
», ce qui
amène approximativement
à la fin de la première année, ou des premiers
18 mois. Dans certains groupes d'éducateurs, un jeune enfant (infant)
est un enfant qui ne va pas encore à l'école ou qui fréquente le jardin
d'enfants. La distinction correspond ici à la période oedipienne dont la
fin voit l'enfant tendre encore un peu plus vers l'indépendance
et
élargir le domaine de ses activités hors du cercle de la maison et de la
famille. En psychanalyse, quand nous parlons d'une névrose infantile,
nous incluons généralement la période oedipienne. Dans le cas présent,
le Comité du Programme du Congrès a désigné comme période à
étudier les deux premières années de la vie. Ceci correspond à l'époque
où l'enfant apprend à marcher et à parler et où débute la pensée par
de cette période est d'autant plus
processus secondaires. L'intérêt
et les premiers stades du
grand qu'elle comprend le commencement
du Moi.
développement
Il me paraît évident et significatif ici que, quelle que soit la façon
dont on définit le mot « enfant », ses limites semblent toujours marquées
dans la maturation
par des acquisitions
qui amènent une certaine
indépendance vis-à-vis de la mère ou des deux parents. Aussi vais-je
consacrer ce travail à l'étude des stades importants
des fonctions,
formes et structures corporelles, lors de la maturation
physique (1),
leur interaction
et leur
avec la relation parent-nourrisson
j'étudierai
effet sur le développement
Dans son livre
psychique du nourrisson.
La psychologie du Moi et le problème de l'adaptation
[21], Hartmann
montre clairement et de façon répétée l'influence des processus et des
sur le développement
du Moi, et,
étapes biologiques de maturation
en liaison avec la fonction du Moi, sur l'adaptation
à la réalité de la
personnalité totale tout au long de la vie.
Il est très tentant de citer de larges extraits de ce livre qui présente
(1) On a employé dans des sens divers les mots croissance, développement et maturation. En
en volume ou en poids, le développement
général, le mot croissance est lié à une augmentation
peut inclure cette notion mais met surtout l'accent sur un accroissement dans l'élaboration
de la structure et/ou du fonctionnement
en
; alors que maturation concerne le développement
direction d'un état fonctionnel
Comme ces mots sont employés dans des sens qui se
optimum.
à la confusion. Je les employerai
superposent, vouloir les utiliser avec discrimination
ajouterait
donc indistinctement,
suivant en cela la décision de H. V. MEREDITH lorsqu'elle
fit une revue
de la littérature
en 1945 [32].
QUELQUES

CONSIDÉRATIONS

SUR

LA

RELATION

PARENT-NOURRISSON

29

une discussion riche en suggestions, de l'inter-relation
intrinsèque entre
les facteurs biologiques et les découvertes et théories psychanalytiques.
Bien qu'Hartmann
estime que l'étude des processus de croissance
biologique n'appartient
pas, à proprement
parler, au domaine de la
psychanalyse, il déclare qu'il faut cependant s'y intéresser si l'on veut
la signification
de la psychanalyse pour l'éducation,
la
comprendre
sociologie et l'hygiène mentale, domaines difficiles à délimiter et définir.
Ainsi qu'il le signale (p. 4), dès 1936 Anna Freud dans Le Moi et les
mécanismes de défense [4] (p. 4), a défini la tâche de la psychanalyse comme
la nécessité d'arriver « à la connaissance aussi approfondie que possible
des trois instances dont l'ensemble constitue, d'après nous, la personnalité psychique,
d'étudier
leurs rapports mutuels ainsi que leurs
relations avec le monde extérieur » (1). Se basant sur ceci, Hartmann
ajoute : 1° Qu'il est toutefois possible qu'on puisse attendre de la
psychanalyse qu'elle fournisse ou devienne une psychologie générale
du développement ; 2° Que s'il en est un jour ainsi, cette psychologie
devra inclure l'étude et l'appréciation
de domaines extérieurs aux
névroses dont nous nous occupons habituellement.
Il pense que c'est
une anticipation
de cette sorte que Freud poursuivait
pendant les
à la
premières années de son travail, quand il se référait continuellement
substructure
et physiologique
des phénomènes psycholobiologique
giques et cela a pu être le cas à nouveau quand il a écrit : Analyse
terminable et interminable (1937) [7]. « Après tout, dit Hartmann,
le
développement mental n'est pas simplement le résultat de la lutte avec
les pulsions instinctuelles,
les objets d'amour, le surmoi, etc. Nous
avons des raisons de penser que ce développement
est servi par des
processus qui fonctionnent
depuis le début de la vie... La mémoire,
les associations, etc., sont des fonctions qui ne peuvent pas dériver de
la relation du Moi aux pulsions instinctuelles
ou aux objets d'amour ;
elles sont plutôt des conditions préalables à l'idée que nous nous faisons
de ces relations et de leur développement » (p. 15).
Il est possible que la tendance rigide à restreindre le champ de la
psychanalyse à la métapsychologie et à son étude des fonctions mentales
établies ait été renforcée par le fait que la psychanalyse s'est développée
surtout comme une méthode thérapeutique
s'occupant essentiellement
de conditions pathologiques ; la théorie a été fortement influencée par
les investigations cliniques. Mais c'est surtout la nécessité de maintenir
le traitement
à l'écart des autres thérapies qui est
psychanalytique
(1) C'est moi qui souligne.
3°

REVUE

FRANÇAISE

DE

PSYCHANALYSE

essentielle à ce point de vue et la théorie a pu abonder dans ce sens.
Récemment en vue de protéger la psychanalyse, il a fallu réaffirmer des
frontières strictes, à la suite même de sa popularité car celle-ci comportait le danger de sa dilution ou de sa dégradation par des personnes qui,
dans notre domaine propre ou dans des domaines adjacents, l'adoptent
avec enthousiasme mais sans formation psychanalytique
suffisante et
qui par conséquent, travaillent parfois sans une discrimination suffisante.
De toute façon, l'intérêt
pour les problèmes du développement
trouve inévitablement
sa place si la psychanalyse doit
biologique
développer un jour une théorie psychologique générale ; or ceci semblé
probable si l'on tient compte de l'expansion de l'intérêt pour la science
de la psychanalyse elle-même ainsi que de sa croissance inhérente
dans ses applications cliniques. Pour parler de façon plus spécifique,
on ne peut plus émettre l'objection
que « tous ces problèmes sortent
du domaine de la psychanalyse... si nous avons sérieusement l'intention
de développer la psychologie du Moi commencée par Freud et si nous
désirons étudier les fonctions du Moi qu'on ne peut faire dériver des
Ces fonctions
font partie du domaine du
pulsions instinctuelles.
développement du Moi autonome. Il est évident que ces processus,
le développement
et les fonctions
somatique et mental, influencent
du Moi qui les utilise... qu'ils constituent une des racines (1) du Moi »
(Hartmann,

p. 101).
BUT

DE

CE TRAVAIL

dans ce travail mon opinion sur l'effet
J'ai l'intention
d'indiquer
chez le nourrisson
des forces de la maturation
et des
réciproque
influences parentales, et surtout maternelles, pendant les deux premières
années. Je mettrai l'accent spécialement sur le développement du Moi.
D'un point de vue phénoménologique,
j'ai été longtemps impressionnée par l'apparition
chez le jeune enfant de certains stades, on
pourrait dire de certains noeuds, de capacité et de lutte pour une activité
indépendante. Et même, ces stades semblaient être en liaison étroite
dans le temps avec des stades de maturation
physique : périodes où
des réalisations
ou incertaines,
physiques,
jusque-là
impossibles
« marchaient ». Le jeune enfant semblait alors retirer un sentiment de
gratification de la réussite avec un accroissement subséquent d'aisance
(une sorte de confiance physique) qui se remarquait dans sa façon
(1) C'est moi qui souligne.
QUELQUES

CONSIDÉRATIONS

SUR

LA

RELATION

PARENT-NOURRISSON

31

assurée, d'être prêt à le faire de nouveau (1). Quand on emploie le mot
lutte comme je l'ai fait, il peut sembler qu'on implique déjà la direction
autonome d'un Moi développé. Ce dont je veux parler ici est certainement aux frontières du développement
du Moi, mais me paraît être
d'une poussée de la maturation
d'une part à agir et à
l'expression
des
progresser d'une certaine façon, en accord avec le développement
structures innées de la croissance, et d'autre part à former les fonctions
corporelles des expansions du Moi autonome.
Il est très facile de se tromper dans l'interprétation
de telles observations à cause des éléments subjectifs de l'observateur.
Medawar a
écrit : « Chacun reconnaît qu'il y a en fait de profondes ressemblances
entre le comportement des hommes et des animaux, mais ces similitudes
éveillent des pensées entièrement
différentes chez les biologistes et
chez les profanes. Quand les profanes voient des souris nourrir et chérir
leur jeune, leur première pensée est : « Comme elles sont semblables
aux êtres humains, après tout ! » Le biologiste (en tout cas quand il
est à son travail) pense : « Comme les hommes sont semblables aux
souris après tout ! » [31]. » J'ai toujours ressenti la nécessité d'être
prudente devant les extrapolations à partir des observations du comportement animal et devant les interprétations
basées sur la ressemblance
au comportement
humain. Si j'utilise un point de vue biologique, c'est
donc plutôt dans un effort pour comprendre les stades et problèmes du
développement de l'homme sous l'angle des principes généraux de la
biologie — spécialement ceux de la croissance et de la maturation.
de façon systématique
Personnellement,
je n'ai jamais pratiqué
l'observation directe de jeunes enfants ; beaucoup de mes observations
ont été occasionnelles et comprenaient
une relation personnelle. Mais
le travail des autres (psychologues et pédiatres),
j'ai essayé d'utiliser
surtout sur les stades de maturation physique et de comportement dans
l'enfance. J'ai complété ces données par le travail de psychanalystes,
surtout de ceux aux intérêts cliniques et théoriques très étendus. En
premier lieu, mon intérêt fut stimulé par Les trois essais sur la théorie
de la sexualité (1910) [8] de Freud, travail dans lequel il a clairement vu
se base sur les stades de la croissance
libidinal
que le développement
physique ; plus tard, il a constamment insisté sur les éléments constitutionnels
des pulsions instinctuelles
et de leur
qui sont à l'origine
intensité.

(1) Ceci rappelle l'opinion de Hartmann
que le plaisir
est essentiel pour l'acceptation
de la réalité.

des fonctions

du Moi en développement
32

REVUE

FRANÇAISE

CARACTERISTIQUES

DE

PSYCHANALYSE

DE

LA

CROISSANCE

La croissance biologique a certaines caractéristiques générales qui
sont importantes
si nous voulons comprendre
l'inter-relation
des
progrès mentaux et physiques chez le nourrisson :
1° Son évolution a un haut degré d'autonomie ;
2° Elle a tendance à progresser selon une direction céphalo-caudale
sauf de rares exceptions et variations ;
est jeune, plus la vitesse de croissance est
3° Plus l'organisme
grande (taille, poids et différenciation
progressive) ;
4° Le développement des fonctions antagonistes des systèmes neuromoteurs (la capacité musculaire d'extension et de flexion) est entremêlé ; ceci se manifeste dans le balancement périodique de la domination de chacun des systèmes ou fonctions, avec une modulation
de l'activité qui en résulte ;
progressive et avec l'intégration
5° La croissance est sujette à des fluctuations
progressives qui
aboutissent à des conditions
et des réponses plus stables ; j'ai déjà
fait allusion à ceci en parlant de la tendance à atteindre des stades ou
noeuds, avant de se diriger dans une autre direction de développement ;
6° Elle se fait le plus souvent selon un principe d'individualisation
c'est-à-dire que le développement
comporte toujours une réponse de
l'organisme entier et la croissance de chacune de ses parties ou systèmes
ne dépasse pas beaucoup les limites de l'ensemble. Cette réponse de
le caracl'organisme entier n'exclut pas, sur une base constitutionnelle,
tère unique de l'individu
dans des détails spécifiques [12] (1).
de l'individu
n'est cependant pas
L'organisation
homéostatique
aussi stable et efficace qu'elle le sera plus tard. Le principe de vie
semble prendre plus de force après les grands accroissements et fluctuations du développement.
Le taux de mortalité de la période néonatale (2 à 4 premières semaines) est extrêmement élevé et est sans doute
dû à l'incapacité du nouveau-né de s'adapter promptement à l'expérience
de la naissance, et spécialement au changement de milieu. Après les
un rôle
deux premières années de la vie, le Moi joue certainement
des divers aspects d'une
dans la synthèse et l'intégration
important
expérience donnée, quelle que soit sa nature (Nunberg) [34] [35]. Mais
à l'intégration,
cette tendance de l'organisme
qui est liée plus tard,
sans doute de façon organique, au principe homéostatique, existe à un
(1) GESELL (A.), « L'ontogenèse du comportement
chologie de l'enfant de CARMICHAEL.

infantile

» ; chap. VI du Manuel

de psy-
QUELQUES

CONSIDÉRATIONS

SUR

LA

RELATION

PARENT-NOURRISSON

33

certain degré même avant et pendant le premier développement du Moi,
alors que l'expérience ne contient à aucun degré appréciable, une vraie
relation d'objet.
Il n'y a sans doute pas de stade où le caractère autonome des processus de maturation est plus clair que pendant la vie intra-utérine
où
ils sont cependant couplés à une dépendance essentielle de l'embryon
ou du foetus à la mère, pour sa vie même. En effet, sans cette complète
enveloppe protectrice maternelle et sans la nourriture reçue passivement,
le très jeune embryon ne pourrait pas croître en taille et en complexité
à cause de l'inévitable
et exorbitant besoin de subsistance, simplement
pour maintenir la chaleur du corps, étant donné la proportion relativement élevée de surface corporelle par rapport au volume [31] (1).
Les idées concernant l'influence
maternelle sur l'enfant avant sa
naissance ont beaucoup varié ; il y a eu d'une part les vieilles croyances
superstitieuses suivant lesquelles les attitudes et les expériences spécifiques de la mère pendant la grossesse marquent l'enfant et, d'autre
part, le concept lui aussi dérivé des fantasmes, d'une vie intra-utérine
Nos
complètement
exempte de toute influence maternelle troublante.
connaissances sur ce sujet sont encore incomplètes.
Mais il semble
significatif
qu'en général, des troubles graves chez la mère peuvent,
selon leur nature, affecter la nutrition et la taille du foetus ou provoquer
une réactivité plus élevée à certains stimuli. Mais autrement, il n'y a
d'ordinaire
pas d'interférence avec les schémas de croissance du foetus.
Il est cependant évident qu'il y a des époques de la vie intra-utérine
où l'accélération
du développement
de la taille et les changements
de forme sont relativement plus grands que ce qui se passera après la
naissance. Et il y a des périodes de plus grande vulnérabilité
où les
facteurs externes peuvent avoir un effet catastrophique
(2). Mais en
général, ce sont des stimuli endogènes plutôt qu'exogènes qui déterminent nettement le développement de la taille et de la forme. Gilbert
décrit les anomalies du développement
en termes de troubles de la
croissance à des stades critiques [14]. Il peut être intéressant aussi, à
propos de schéma autonome de la croissance, de savoir que l'évolution
du poids des prématurés après la naissance se conforme à celle des
foetus de mêmes taille et âge, plutôt qu'à celle des nourrissons nés à
(1) MEDAWAR (P. B.), Le caractère unique de l'individu,
chap. V.
(2) « Le premier trimestre de la grossesse... alors que l'organogenèse progresse rapidement,
est une période de grande sensibilité à l'influence
des maladies maternelles,
notamment
la
rubéole. Le second trimestre
(4, 5, 6e mois) est beaucoup plus sûr alors que le troisième trimestre est à nouveau un peu plus dangereux » [Traité de pédiatrie de NELSON, p. 27).
PSYCHANALYSE

3
34

REVUE

FRANÇAISE

DE

PSYCHANALYSE

terme

et qui ont le même âge, par rapport à la date de naissance
(Scammon, 1922) [37].
La tendance de la maturation à s'étendre dans une direction céphalocaudale a beaucoup d'importance
pour l'étude des premiers déterminants du développement du Moi. En effet, cela signifie qu'à un âge
précoce, la maturation des sens (olfaction, vision, ouïe) et de l'activité
de la bouche est relativement
neuro-musculaire
plus avancée que celle
qui concerne les mouvements des mains et des pieds et même du tronc.
De même, la convergence des yeux apparaît avant les mouvements
contrôlés des mains et des avant-bras qu'elle aide à progresser. Au début,
les bras et les jambes ont tendance à réagir comme des touts, et les
à l'action viennent principalement
de l'épaule et de la
impulsions
ceinture pelvienne. Quand la maturité avance, la mobilité se manifeste
au coude et au poignet ainsi qu'au genou et à la cheville. Vers 4 mois,
les coudes et les doigts participent aux mouvements de préhension avec
de plus en plus d'efficacité jusqu'à ce que, vers 9 ou 10 mois, ils atteignent la même efficacité que l'épaule (Halverson)
[20]. Mais à 4 mois,
les muscles oculaires ont déjà atteint un degré appréciable de converdes mouvements
contrôlés de l'avant-bras
gence. Le développement
et des mains est donc nettement en retard sur celui des mouvements
visuels et de la convergence. Encore plus frappante est la disparité dans
le temps du développement
du contrôle aux deux extrémités du tube
digestif. Les mouvements de la bouche sont bien développés dès la
anal n'est atteint que
naissance, alors que le contrôle du sphincter
plusieurs mois plus tard. Ceci est un tel truisme analytique que l'on
en tant que partie du schéma des
pourrait
négliger ses implications
sur la signification
de la
Je reviendrai
séquences de développement.
direction céphalo-caudale de la maturation
le dévequand j'étudierai
loppement du Moi corporel.
LE

MOI

CORPOREL

Les travaux de Hoffer [27] [28] [29], sur le développement
du Moi
corporel offrent un excellent point de départ pour cette discussion.
Il se base sur la conception mise en avant par Hartmann,
Kris et
Loewenstein
[23] selon laquelle et le Moi et le Ça viennent d'un état
de Freud pour qui le Moi
indifférencié,
plutôt que sur la formulation
se différencie du Ça (1927) [9] et pour qui le premier pas le plus fondamental qui conduit à la différenciation
du Moi « concerne la capacité
du nourrisson

de distinguer

entre le soi et le monde

qui l'entoure

».
QUELQUES

CONSIDÉRATIONS

SUR

LA

RELATION

PARENT-NOURRISSON

35

Hoffer

entreprend l'examen des diverses façons par lesquelles le soi
corporel peut se séparer de « l'autre » (n'importe
quoi dans le monde
extérieur).
Freud avait parlé de perceptions internes, plus fondamentales
et
plus élémentaires que les perceptions extérieures auxquelles le nourrisson
de la réponse du corps à lui-même et aux
répond aussi, c'est-à-dire
organes internes, par des états variables de tension et de détente. Il
semble alors que ces derniers pourraient fournir le point central d'une
vague conscience corporelle. S'il est exact que les états corporels qui
donnent naissance à ces perceptions ne sont en aucune façon complètement chaotiques mais plutôt sont déjà unis de quelque façon par les
schémas internes du développement
cette quasi-orgaontogénétique,
nisation en elle-même pourrait contribuer à fournir un noyau à l'image
à son début ; et alors le problème de la séparation
corporelle primitive
se centrerait surtout sur la surface du corps (1) et sur la connaissance
des fonctions qui participent aux perceptions de contact
principalement
de diverses intensités (2).
Le toucher a certainement une grande importance
dans la délimitation du soi par rapport au non-soi du corps, par rapport à l'environnement. C'est par lui que sont connues les perceptions de différences
de température,
de texture, d'humidité
et beaucoup d'autres changements subtils dans les sensations et les pressions kinesthésiques vibratoires ; ce sont ces différences qui s'organisent peu à peu en un sentiment
de degrés de séparation ou d'unicité.
Hoffer dit que l'importance
du Moi corporel, repose
spéciale du toucher, pour le développement
sur le fait que toucher son propre corps provoque deux sensations de
même qualité ; au fur et à mesure où ces surfaces à réponses sensorielles
fait un grand
semblables s'unifient ou se rassemblent, le nourrisson
(1) J'ai eu l'idée que la naissance elle-même est le premier agent qui prépare la conscience
de la séparation ; ceci se fait par la pression considérable exercée sur la surface corporelle et par
la stimulation
de cette surface pendant la naissance et surtout par les changements de pression
au cours du passage du nourrisson de la vie intramurale
à la vie
et de conditions
thermiques
extramurale
[16].
(2) Il est intéressant à ce sujet de noter que l'épaisseur du tissu sous-cutané croît rapidement
pendant les neuf premiers mois alors que la croissance générale du corps ralentit. Après quoi cette
épaisseur diminue de telle sorte qu'à 5 ans, elle est à peu près la moitié de ce qu'elle était à
9 mois (Manuel de pédiatrie de NELSON, p. 15) [33]. Il est possible que ceci soit en partie une
réponse au besoin de conserver sa chaleur pendant une période où la croissance, quoique ralentie,
avec les conditions
du milieu. On retrouve une augmentation
est toujours hors de proportion
semblable du tissu sous-cutané à,la prépuberté
et une nouvelle diminution
quand la croissance
En liaison avec cette adaptation
générale ralentit.
réciproque des divers moyens de croissance,
il faut noter que cette première augmentation
après la naissance des tissus sous-cutanés
locomotrice
diminue à un moment où l'activité
(se traîner, essayer de marcher,
périphérique
est définitivement
entrée dans une nouvelle phase.
jeux musculaires),
36

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FRANÇAISE

DE

PSYCHANALYSE

de son corps par rapport au monde
pas en avant dans la délimitation
extérieur. Mais je voudrais ajouter que le toucher peut aussi être un puissant support du contraire, c'est-à-dire encourager un sentiment d'unité
avec l'autre, le non-soi, si « l'autre » est le corps chaud de la mère ou
de la nourrice, ou s'en rapproche. La différence de température,
texture,
odeur, élasticité, est alors relativement faible (comparée par exemple
aux mêmes qualités d'un objet inanimé), et l'enfant y est déjà habitué.
décrit par Winnicott
L'objet transitionnel
[41] est un témoignage
de ce besoin de contact avec le corps de la mère qui s'exprime de façon
si touchante dans la préférence marquée du nourrisson pour un objet
durable, doux, souple, chaud au toucher, mais surtout dans la demande
qu'il reste saturé d'odeurs corporelles. Quoique l'odeur confortable et
choisi vienne en fait du propre corps
familière de l'objet transitionnel
du nourrisson, le fait de le presser d'habitude contre la figure, tout près
du nez, indique
combien c'est un substitut
du sein
probablement
maternel ou du tendre cou de la mère. Il est virtuellement
impossible
au nourrisson
une partie de son propre corps comme
d'employer
une aussi bonne simulation
du sein. Ses tentatives
avec ses doigts
et ses orteils ne peuvent être complètement
satisfaisantes, à cause du
manque de douceur des doigts et à cause de leur différence de configuration par rapport aux courbes et aux creux du corps maternel.
Quant à la vision, il me semble qu'elle est non pas accessoire, mais
à l'établissement
de la confluence des diverses surfaces
indispensable
du corps et à la prise de conscience de la délimitation
de soi par rapport
au non-soi. Toucher et absorber par les yeux (vision) les différentes
parties du corps aide à se faire une idée d'ensemble du corps, à en dessiner une image centrale qui dépasse le niveau de la simple connaissance sensorielle immédiate.
En plus, la perception visuelle convergente (possible très tôt, selon
le principe de la maturation céphalo-caudale),
qui diffère des contacts
corporels réciproques entre les diverses parties du corps par le toucher
du
cutané, permet une sorte de point de départ du développement
Moi à un niveau mental (1). C'est une fonction d'auto-observation
qui
prend de l'importance
quand elle se combine à l'auto-perception
par le
toucher, et le contrôle, afin de former une image du soi corporel et de la
séparer des autres objets, animés ou non.
(1) GESELL écrit : « Les yeux montrent le chemin de la conquête et de la manipulation
de
l'espace. Le bébé prend possession du monde physique par la vue longtemps avant de pouvoir
s'en saisir manuellement.
Il peut remarquer une bille de 7 mm de diamètre 20 semaines avant
de pouvoir la prendre avec ses doigts » (Ontogenèse du comportement de l'enfant)
[12].
QUELQUES

Hoffer

CONSIDÉRATIONS

SUR

LA

RELATION

PARENT-NOURRISSON

37

retrace

ensuite l'intégration
de l'activité
cheiro-orale
qui
apparaît et gagne en capacité de direction et de contrôle, au cours des
troisième et quatrième mois (10 à 16 semaines). Il considère que :
du plaisir ; 2) Le fonctionnement probable de la mémoire
1) L'apparition
qu'on peut voir dans l'emploi régulier de schémas définis de suçage
du doigt ou de la main ; 3) L'existence possible de l'épreuve de la réalité
par le rejet des autres objets offerts ; et 4) La maîtrise considérable que
peut exercer le nourrisson sur la satisfaction de son besoin en suçant
un doigt — tous ces développements indiquent nettement les débuts
du Moi. Je suis entièrement d'accord avec tout ceci mais cependant,
à la vision dans
je donnerais une place beaucoup plus importante
l'établissement
de ce contrôle organisé.
Il est certain que l'influence pénétrante et puissante de la vision
est très tôt apparente, dès que le nourrisson commence à indiquer un
choix par les mouvements de la tête (Spitz) [39]. Le non est un refus
parce qu'en tournant la tête de côté, le nourrisson dispose de l'objet
stimulant gênant en l'écartant de sa vue ; tandis que le oui, par son
mouvement de haut en bas, permet à l'objet de rester dans le centre de
la vision, et de s'affirmer à nouveau. Le non semble donc lié à un échec
de l'hallucination
négative qui en s'extériorisant,
gagne une force
secondaire de communication.
Mais c'est dans une large mesure la
bilatéralité des yeux qui détermine le contraste entre l'affirmation
et la
négation.
LA

LE

MATURATION,
ET

LE

PLAISIR

DÉBUT

DE

DU

FONCTIONNEMENT

L'AGRESSION

de
me semble depuis longtemps qu'il faut chercher l'origine
l'agression ainsi que du plaisir libidinal dans les premiers processus de
maturation. Peut-être même l'agression et la satisfaction corporelle sontelles par moment des aspects superposés de la croissance même, c'est-àdire la satisfaction à la période qui précède le début du Moi ou l'instauration à un degré appréciable d'une relation d'objet. A cette période
et les premières semaines après la
(spécialement la vie intra-utérine
Il

naissance), l'activité physique de l'organisme consiste principalement
dans la multiplication
des éléments cellulaires et dans leur différenciation et organisation en divers systèmes d'organes. Même l'activité des
divers organes est généralement très en-dessous de ce qui se développera pendant l'enfance. Pendant que les divers systèmes se perfectionnent, le degré de croissance en volume, poids et complexité d'orga-
38

REVUE

FRANÇAISE

DE

PSYCHANALYSE

nisation

est stupéfiant. Si cela devait continuer sans s'affaiblir après le
de la grossesse, une fois que l'organogenèse
est
premier trimestre
terminée, toute autre vie serait bientôt expulsée. Mais, paradoxalement,
une telle croissance ne peut exister que quand l'organisme est dans un
état relativement
sans défense et qu'il a pour but essentiel de croître
plutôt que de fonctionner.
Après le troisième mois de la vie foetale, un
fonctionnement
actif indépendant
commence à apparaître.
La mère
sent des mouvements des extrémités du foetus, comme des coups de
pied, des poussées (1). Le développement, dans le sens d'accroissement,
diminue alors, bien qu'il soit toujours prodigieux,
si on le compare à
ce qu'il sera à l'époque post-natale, quand ces mouvements de coups
de pied seront utilisés pour ramper, ou pour les premières tentatives
de marche ou lorsque plus tard, les coups de pied seront une marque
d'hostilité dirigée contre l'objet.
Il faut poser ici la question d'un plaisir rudimentaire tiré du fonctionnement de même que son corollaire, la manière dont plus tard, cela
mène au plaisir du Moi à fonctionner,
ou s'y rattache. J'ai déjà parlé
de l'opinion de Hartmann selon laquelle le plaisir tiré des fonctions du
Moi en développement
est essentiel pour l'acceptation
de la réalité ;
et de la conception de Hoffer pour qui l'apparition
du plaisir tiré du
fonctionnement
des mouvements cheiro-oraux
est un des critères du
début de la formation
du Moi (à un niveau mental). J'ai mentionné
d'une gratification infantile lors d'une réussite, par exemple
l'apparition
le début de la marche. Toutes ces références concernent le comportement au début ou aux premiers stades du développement
psychologique du Moi.
Dans les périodes pré- et post-natales, il ne peut cependant y avoir
Dans le premier
qu'une forme de base du narcissisme, très primitive.
travail de Freud sur le narcissisme [10], il parle de la « libido narcissique
du foetus » et à nouveau du « complément libidinal à l'égoïsme de l'instinct de conservation,
de toute créature vivante ». Dans le
attribut
chapitre sur « L'analyse de l'angoisse », dans Le problème de l'angoisse [11]
il exprime l'opinion qu'à la naissance le foetus ne peut pas ressentir autre
chose qu'un trouble grossier de l'économie de sa libido narcissique qui
(1) Le coeur du foetus commence à battre le premier mois. Corner expose ceci d'une façon
très imagée : «... les mois qui précèdent la naissance sont à leur façon la partie la plus fertile
en événements et nous la passons très rapidement.
Au début, le corps consiste en une cellule ;
au moment de la naissance, il en a deux cents billions... Vous aviez les débuts d'un cerveau avant
d'avoir des mains, et vos bras avant vos jambes ; vous avez développé vos muscles et vos nerfs
et vous avez commencé à vous battre. » « Nous mêmes avant la naissance », chap. I, L'embryon,
germe et archive, Goerge W. CORNER [3].
QUELQUES

CONSIDÉRATIONS

SUR

LA

RELATION

PARENT-NOURRISSON

39

vient de « la pression de grandes quantités d'excitation
provoquant de
nouvelles sensations de déplaisir : de nombreux organes renforcent un
investissement en leur faveur comme si c'était le prélude à l'investissement objectai qui va bientôt commencer » (pp. 96-97, 102) (1).
Avec toutes ces opinions à l'esprit, on peut se demander si on ne
peut décrire cette forme précoce du narcissisme comme l'investissement
libidinal de la croissance, avant qu'une vie indépendante ne soit possible.
La question suivante est alors de savoir si le concept de déplaisir n'a
pas sa contrepartie dans une forme plus précoce de plaisir : un prélude,
peut-être guère plus qu'un stade de repos relatif, d'aisance avec une
tension diminuée, un léger plateau dans le développement
comme on
peut sans doute en supposer vers le 3e ou le 4e mois de la grossesse,
avant le début d'une nouvelle phase ou d'une nouvelle forme d'activité.
Il ne faut pas oublier cependant que la diminution
de la tension est due
non pas à un arrêt de l'activité mais bien plutôt à un assouplissement de
la performance ou de l'activité récemment acquise. Il me semble que
dans la première enfance, on voit de telles périodes, autour du 4e ou
du 5e mois, ou de nouveau vers le 15e ou le 16e mois, en relation avec
des réussites fonctionnelles spécifiques. A ces stades ou points de développements
plus généraux, il y a un léger sentiment de bien-être,
et d'engrenage, des activités en inter-relation,
avec en
d'ajustement
même temps, un adoucissement temporaire de l'urgence des anciennes
pressions. A ce moment, de nouvelles tendances de la maturation
peuvent être ressenties comme une stimulation
plaisante plutôt que
vécues encore comme des accumulations
de tension inconfortables.
Il semble qu'alors, une partie fondamentale
du schéma a surgi des
processus entremêlés et sans fin de la croissance.
de
Quels sont donc les stades antécédents dans le développement
l'agression ? Mais tout d'abord comment la définir ou la décrire ?
On s'accorde d'habitude à reconnaître qu'il y a deux groupes de tendances instinctuelles
: sexuelles et agressives. D'un point de vue bioau service de
logique, on peut considérer qu'elles sont respectivement
Mais du point de vue de l'adaptation
indivil'espèce et de l'individu.
duelle à la vie, il est évident qu'on ne peut les réduire à ces seuls termes.
Il me semble d'autre part utile de ne pas négliger complètement
les
des débuts biologiques de l'activité même quand on essaye
implications

(1) Dans des articles
à l'angoisse, Ire Partie,
foetal [16] [17].

anciens sur L'économie biologique de la naissance et La prédisposition
j'ai étudié les implications
théoriques de ce concept de narcissisme
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  • 1. Revue française de psychanalyse (Paris) Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque Sigmund Freud
  • 2. Société psychanalytique de Paris. Revue française de psychanalyse (Paris). 1927. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter reutilisation@bnf.fr.
  • 3.
  • 4.
  • 5. TABLE DES DU MATIÈRES TOME XXV N° 1 AU XXIIe RAPPORTS INTERNATIONAL CONGRÈS (Edimbourg, DE juillet PSYCHANALYSE 1961) PAGES D. W. WINNICOTT. P. GREENACRE. — nourrisson — La théorie de la relation parent-nourrisson .. considérations sur la relation Quelques parent- 27 ARTICLES F. PASCHE. — Freud S. VIDERMAN. — De 7 ORIGINAUX et l'orthodoxie judéo-chrétienne l'instinct de mort PSYCHANALYSE LEVITT O. RUBENSTEIN, Morton dans l'apprentissage et distorsion Les Livres Les Revues Livres reçus par la rédaction Informations Ben 55 89 APPLIQUÉE et M. L. FALICK. du moi — Déficiences 131 149 155 167 173 N° 2 MÉMOIRES ORIGINAUX BARANDE. — Du temps d'un silence : approche technique, transférentielle et psychodynamique C. STEIN. — La castration comme négation de la féminité R. PROBLÈMES L. BOLK. — Le problème Les Livres Les Revues Revue des Revues Institut de Psychanalyse contre177 221 ANTHROPOLOGIQUES de la genèse humaine 243 281 283 295 301
  • 6. REVUE 1036 DE FRANÇAISE PSYCHANALYSE N° 3 PROBLÈMES DE LA CURE DES TECHNIQUES NÉVROSES OBSESSIONNELLES S. NACHT. — Problèmes de la cure des névroses obsestechniques sionnelles C. J. LUQUET. — La structure obsessionnelle R. HELD. — De la singularité de la structure obsessionnelle aux nécessités techniques impliquées par cette singularité MÉMOIRES 305 309 319 ORIGINAUX Sami Mahmoud ALI. — Le corps et ses métamorphoses (contribution à l'étude de la dépersonnalisation) R. HENNY. — De quelques et psychothérapiques aspects structuraux de l'adolescence Les Livres Les Revues Livres à la Rédaction parvenus — Rapport Institut moral pour l'année de Psychanalyse. 1960 .... — Compte Société de Paris. rendu des activités psychanalytique scientifiques 1960 Melanie Klein (1881-1960) 333 379 405 407 423 425 428 431 Nos 4-5-6 XXIe CONGRÈS DE INTERNATIONAL (Copenhague, juillet 1959) PSYCHANALYSE (1) de Psychanalyse du XXIe Congrès international Rapport affectifs M. SCHUR. — Phylogenèse et ontogenèse des phénomènes des structures et le phénomène d'automatisme de la formation 439 et de répétition du moi : quelques observaM. JAMES. — Le développement prématuré tions sur les troubles des trois premiers mois de la vie entre le début des identifications S. RITVO et A. J. SOLNIT. — Rapport du moi et la formation du surmoi A. BONNARD. — La signification fondamentale de la langue COLLOQUE I. II. III. SUR PSYCHANALYSE W. TIDD. — Introduction des et l'évolution J. BOWLBY. — L'éthologie I. C. KAUFMAN. — Quelques implications et l'étude du comportement des animaux et de de l'instinct, de l'énergie conception 577 591 601 ÉTHOLOGIE .' C. BERES. — Perception, et réalité imagination et état conscient J. AUFREITER. — Psychanalyse D. ET 551 relations objectales.. tirées de théoriques faciliter la pouvant la pulsion 615 623 633 651 669 de la Revue internationale de Psychanalyse qui nous a (1) Nous remercions la rédaction du XXIe Congrès internaautorisés à publier la traduction française des rapports scientifiques tional de Psychanalyse 1960. parus in : The Int. J. of Psycho-An., vol. XXI, july-october
  • 7. TABLE DES MATIÈRES 1037 PAGES KATAN. — Rêve et psychose : leur rapport avec les processus cinatoires de la sécurité J. SANDLER. — L'arrière-plan de la faculté de travail E. JAQUES. — Les troubles M. « LA SUR LE RAPPORT DISCUSSION DE SAUSSURE DE RAYMOND DU PLAISIR MÉTAPSYCHOLOGIE — hallu- 681 701 711 » (1) I. M. KANZER et L. EIDELBERG. — Description structurale du plaisir II. D. BRUNSWICK. — Le point de vue physiologique — Intervention dans la discussion III. R. DIATKINE. (2) — Sur l'unité de base M. LITTLE. S. NACHT et S. VIDERMAN. — Du monde pré-objectal dans la relation transférentielle (2) considérations sur le contre-transfert A. REICH. — Nouvelles M. BÉNASSY. — Fantasme et réalité dans le transfert (2) et rôle structurant de M. FAIN et P. MARTY. — Aspects fonctionnels au cours des traitements l'investissement homosexuel psychanalytiques d'adultes (2) le contre-transfert M. A. ZELIGS. — Le rôle du silence dans le transfert, et dans le processus psychanalytique A. PETO. — De l'effet désintégrant transitoire des interprétations... et ses phases diverses R. GREENSON. — L'empathie de valeur en psychanalyse N. NIELSEN. — Les jugements de la personnalité M. M. R. KHAN. — Aspects cliniques schizoïde : affects et technique M. BONAPARTE. — Vitalisme et psychosomatique (2) SUR COLLOQUE DE L'APPAREIL SUR LES 749 764 765 778 778 779 791 807 815 825 841 LES MALADIES DIGESTIF I. A. GARMA. — Les images inconscientes dans la genèse de l'ulcère peptique II. M. SPERLING. — Vie fantasmatique inconsciente et relations dans la colite ulcéreuse objectales III. S. Z. ORGEL. — Régression orale au cours de la psychanalyse de malades atteints d'ulcère IV. W. HOJER-PEDERSEN. — États névrotiques chez les malades atteints d'un ulcère du duodénum — Affections V. B. MITTELMANN. et psychosomatiques, psychose action thérapeutique H. A. ROSENFELD. — De la toxicomanie COLLOQUE 733 741 747 ÉTATS I. E. ZETZEL. — Introduction II. S. NACHT et P.-C. RACAMIER. — Étude III. confusion W. C. SCOTT. — Dépression, 843 853 863 875 881 885 DÉPRESSIFS psychanalytique et polyvalence (2)... n° 6, 1958, pp. 649-674. (1) In : Revue française de Psychanalyse, t. XXII, en langue française ont déjà fait l'objet d'une publication (2) Les participations de Psychanal., t. XXIII, n° 5, septembre-octobre 1959. (N.d.R.) 901 911 913 in : Rev. fr.
  • 8. REVUE 1038 FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE PAGES et latentes G. BYCHOWSKI. — Structure des dépressions chroniques chez le schizophrène M. KLEIN. — Note sur la dépression ... H. ROSENFELD. — Note sur le facteur précipitant 927 937 941 de l'amertume J. ALEXANDER. — Psychologie des états d'âme chez Soren Kierkegaard E. WEIGERT. — L'alternance B. JOSEPH. — Quelques de la personnalité caractéristiques psychopathique — Approche d'un du traitement A. H. WILLIAMS. psychanalytique assassin 945 959 IV. V. VI. COLLOQUE SUR LA RELATION 969 979 D'OBJET PSYCHOTIQUE I. S. LEBOVICI. II. III. IV. — Considérations sur la relation d'objet psycho993 tique (1) R. DIATKINE. — Réflexions sur la genèse de la relation d'objet chez le jeune enfant (1) psychotique et « relation M. S. MAHLER. — Dé-différenciation perceptuelle » psychotique objectale et restauration des relations d'objet D. S. de SOUZA. — Disparition chez une petite fille schizophrène C. W. TIDD. — L'emploi mation médicale (1) Voir des concepts psychanalytiques 993 995 1007 dans la for1017 note 2, de la page précédente. Le gérant : Serge LEBOVICI.
  • 10.
  • 13. Publication XXIIe en français des rapports CONGRÈS INTERNATIONAL (Edimbourg, 30 juillet-3 du Symposium du DE PSYCHANALYSE août 1961) sur LA DE LA THÉORIE RELATION PARENT-ENFANT 1 PREMIER RAPPORT LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON par D. W. WINNICOTT (Londres) DEUXIÈME RAPPORT CONSIDÉRATIONS QUELQUES SUR LA RELATION PARENT-NOURRISSON par PHYLLIS GREENACRE (New York) (1) Les rapports du Dr WINNICOTT et du Dr GKEENACRE sur le même sujet feront l'objet d'une discussion au XXIIe de Psychanalyse. Il a été convenu avec les Congrès international auteurs et en accord avec le Comité d'Organisation de ce Congrès, de publier ces rapports dans la Revue française de Psychanalyse, pour permettre aux congressistes de langue française d'en connaissance en vue de la discussion qui suivra son exposé. prendre dès maintenant
  • 14.
  • 15. La théorie de la relation parent-nourrisson( par D. W. WINNICOTT 1) (Londres) Le meilleur moyen de mettre en évidence l'idée principale de ce travail est peut-être de comparer l'étude de l'enfance à celle du transfert psychanalytique (2). Je tiens à insister sur le fait que mon propos concerne la première enfance et non la psychanalyse principalement. La raison pour laquelle il faut bien en tenir compte touche au coeur du sujet. Si ce travail ne constitue pas un apport positif, il ne pourra alors qu'ajouter à la confusion actuelle quant à l'importance relative des influences personnelles et du milieu sur le développement de l'individu. Nous savons qu'en psychanalyse, il n'y a pas de traumatisme qui soit hors de portée de l'omnipotence Tout arrive finalement de l'individu. sous le contrôle du Moi et se relie ainsi à des processus secondaires. Le psychanalyste n'est d'aucune aide au patient en lui disant : « Votre mère n'était pas assez bonne... Votre père vous a séduite... Votre tante ne se produisent en analyse vous a abandonné. » Les modifications s'introduisent dans le matériel que lorsque les facteurs traumatiques analytique à la façon du patient, et dans son omnipotence. Les interprétations qui provoquent des altérations sont celles qui sont données en termes de projection. Il en est de même pour les facteurs bénins, qui mènent à la satisfaction. Tout doit être interprété en fonction de l'amour et de l'ambivalence du patient. L'analyste sait qu'il peut avoir à attendre longtemps pour être en mesure de faire exactement ce type de travail. de J. MASSOUBRE. (1) Traduction (2) J'ai étudié ce sujet sous un angle clinique primitif [8]. plus détaillé dans Le développement émotionnel
  • 16. 8 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE Dans l'enfance cependant, il arrive au nourrisson des choses, bonnes et mauvaises, qui sont totalement en dehors de sa portée. La première enfance est en fait la période au cours de laquelle se forme la capacité de rassembler des facteurs externes dans le champ de puissance du nourrisson. Les soins maternels, par leur support du Moi, permettent au nourrisson de vivre et de se développer bien qu'il ne soit pas encore capable de maîtriser ce qu'il y a de bon et de mauvais dans son environnement ou de s'en sentir responsable. On ne peut estimer que les événements de ces stades précoces sont perdus à la suite de ce que nous appelons les mécanismes de répression, et les analystes ne peuvent donc pas s'attendre à les voir réapparaître à la suite d'un travail qui amoindrit les forces de répression. Freud tentait peut-être de tenir compte de ces phénomènes quand il employait l'expression de répression primaire, mais cela reste ouvert à la discussion. Il est à peu près certain que beaucoup des auteurs psychanalytiques ont considéré comme admis les problèmes étudiés ici (1). Pour en revenir à la psychanalyse, j'ai dit que l'analyste est prêt à attendre jusqu'à ce que le patient soit capable de présenter les facteurs de milieu en des termes qui permettent de les interpréter comme des Dans les cas bien choisis, ce résultat est atteint grâce à la projections. capacité que le patient redécouvre, de faire confiance à l'analyste et à la situation Parfois, l'analyste doit attendre très longprofessionnelle. temps ; et dans les cas mal choisis pour une psychanalyse classique, il est vraisemblable que le fait que l'analyste est digne de confiance est le car c'est une plus important (plus important que les interprétations), chose que le patient n'a pas vécue en recevant les soins maternels dans son enfance ; s'il doit être capable d'en tirer profit, il faudra qu'il en trouve l'occasion pour la première fois dans le comportement de son analyste. Il semble que ceci pourrait être la base d'une recherche sur ce qu'un psychanalyste peut faire dans le traitement de la schizophrénie et des autres psychoses. Dans les cas limites, l'analyste n'attend pas toujours en vain ; avec le temps, le patient devient capable d'utiliser les interprétations psychanalytiques des traumatismes originaux comme des projections. Il peut même arriver qu'il soit capable d'accepter ce qu'il y a de bon dans son environnement comme la projection des éléments continus, stables et simples qui dérivent de son potentiel originel. (1) J'ai décrit certains aspects de ce problème [16]. chez une patiente en état de profonde régression
  • 17. LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON 9 Le paradoxe est que tout ce qui est bon et mauvais dans l'environMais malgré nement du nourrisson n'est pas en fait une projection. cela il est nécessaire pour que le nourrisson se développe bien, que Nous toutes les choses stables lui paraissent être des projections. et le principe de plaisir, et il est trouvons ici en action l'omnipotence certain qu'ils sont actifs dans la période de l'enfance précoce ; on peut ajouter à cette observation que la reconnaissance d'un vrai « Non-Moi » est une question d'intellect ; elle dépend de l'extrême sophistication et de la maturité de l'individu. Dans les travaux de Freud, la plupart de ses idées concernant l'enfance viennent de l'étude d'adultes en analyse. Il y a des observations de l'enfance (matériel de la bobine [5]) et il y a l'analyse du petit Hans [3]. Il semblerait à première vue qu'une grande partie de la théorie psychanalytique concerne les premières années et l'enfance, mais dans un certain sens, on peut dire que Freud a négligé l'enfance en tant qu'état en soi. On peut le constater dans une note de Deux principes du fonctionnement mental (Formulations on the Two Principles of Mental Functioning [4], p. 200) ; il y montre bien qu'il sait qu'il prend pour établis les faits mêmes qu'il étudie dans ce travail. Dans ce texte, il décrit le développement qui va du principe de plaisir au principe de réalité, selon sa façon habituelle de reconstruire l'enfance de ses patients adultes. Voici le texte de cette note : On peut légitimement objecter qu'une organisation qui est l'esclave du principe de plaisir et qui ne tient pas compte de la réalité extérieure, est incapable de se maintenir en vie pendant le temps même le plus court, si bien qu'elle n'aurait pas pu se former du tout. L'emploi d'une fiction de ce genre est cependant justifié par la considération suivante : le bébé, si seulement l'on compte aussi les soins maternels, réalise en fait, à peu près, un tel système psychique. Freud reconnaissait pleinement par là l'importance de la fonction des soins maternels et on peut supposer que s'il n'a pas développé ce sujet, c'est simplement qu'il ne se sentait pas prêt à analyser ses implications. La note se poursuit ainsi : Il hallucine probablement la satisfaction de ses besoins internes, il trahit son déplaisir (résultat de l'accroissement de la stimulation et du retard de la satisfaction), par la décharge motrice consistant à crier et à se débattre et il éprouve alors la satisfaction hallucinatoire. Plus tard, devenu enfant, il apprend à user intentionnellement de ces modes de décharge en tant que moyen d'expression. Comme les soins donnés au bébé sont les prototypes des soins ultérieurs donnés à l'enfant, la suprématie du principe de plaisir ne peut en réalité cesser qu'avec le détachement psychique complet d'avec les parents.
  • 18. 10 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE Les mots : « Si seulement l'on compte aussi les soins maternels », ont une grande importance dans le contexte de ce travail. Le nourrisson et les soins maternels forment une unité (1). Il est certain que si l'on veut étudier la théorie des relations parent-nourrisson, on doit prendre une décision à ce sujet, car il concerne la signification exacte du mot dépendance. Il ne suffit pas de reconnaître l'importance du milieu. S'il doit y avoir une discussion de la théorie de la relation parent-nourrisson, les participants se trouveront divisés si certains n'admettent pas qu'aux stades précoces, le nourrisson et les soins maternels appartiennent l'un à l'autre et ne peuvent être démêlés. Ces deux choses, le nourrisson et les soins maternels, se démêlent et se dissocient au cours d'une évolution heureuse ; et la santé mentale, qui signifie tant de choses, signifie dans une certaine mesure la séparation des soins maternels de quelque chose que nous appelons alors le nourrisson ou les débuts d'un enfant en évolution. Les mots de Freud à la fin de la note recouvrent cette idée : « La suprématie du principe de plaisir ne peut en réalité cesser qu'avec le détachement psychique complet d'avec les parents. » (Je discuterai de la partie centrale de cette note plus loin et je suggérerai que les mots de Freud sont ici inadéquats et induisent en erreur à certains points de vue, si l'on considère qu'ils se réfèrent au stade le plus précoce) (cf. p. 18). LE MOT « NOURRISSON » (infant, EN ANGLAIS) J'emploierai dans ce travail le mot nourrisson pour désigner le très jeune enfant. Il est nécessaire de le spécifier car dans les travaux de Freud, le mot enfant (infant) semble parfois inclure l'enfant jusqu'à l'âge de la résolution du complexe d'OEdipe. En fait le mot nourrisson (infant) implique l'absence de langage (infant) et il n'est pas inutile de considérer cette époque comme la phase qui précède la représentation par le mot et l'usage des symboles. En conséquence, il s'agit d'une phase où le nourrisson dépend des soins maternels qui sont basés sur l'empathie de la mère plutôt que sur sa compréhension de ce qui pourrait être exprimé verbalement. Il s'agit essentiellement d'une période où le Moi se développe et dont l'intégration est l'aspect principal. Les forces du Ça réclament de l'attention. Au début, elles sont extérieures au nourrisson. Au cours d'un (1) J'ai dit un jour : « Cette chose qu'on appelle un nourrisson n'existe pas. » J'entendais naturellement par là que partout où l'on trouve un nourrisson, on trouve des soins maternels et que sans soins maternels, il n'y aurait pas de nourrisson. (Cela se passait lors de la discussion à une réunion scientifique de la Société psychanalytique britannique, autour de 1940.) Etais-je influencé, sans le savoir par cette note de Freud ?
  • 19. LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON II développement normal, le Ça se met au service du Moi qui le domine de sorte que les satisfactions du Ça deviennent des renforcements du Moi. Mais ceci est l'évolution normale, et au cours de la première enfance, il peut y avoir beaucoup de variantes dues à un échec relatif de cette réalisation. En cas de mauvaise évolution, peu de résultats dé cette sorte sont atteints, ou bien ils sont atteints puis perdus. Dans la psychose infantile (schizophrénie) le Ça reste relativement ou totalement « extérieur » au Moi et les satisfactions du Ça restent physiques et ont comme effet de menacer la structure du Moi jusqu'à ce que s'organisent des défenses de qualité psychotique (1). Je défends ici l'opinion que la raison principale pour laquelle, au cours de son développement, le nourrisson devient habituellement capable de dominer le Ça et le Moi de l'inclure, est le fait que, par les soins maternels, le Moi de la mère renforce celui del'enfant et le rend ainsi puissant et stable. Reste à étudier comment ceci se passe et aussi comment le Moi de l'enfant peut se libérer du support du Moi de sa mère afin d'arriver à se détacher mentalement d'elle, c'est-à-dire à réaliser une différenciation et à être un soi personnel séparé. Pour pouvoir examiner la relation parent-enfant, il est nécessaire de tenter d'abord un bref exposé de la théorie du développement émotionnel du nourrisson. HISTORIQUE Au cours de l'évolution de la théorie psychanalytique, les premières hypothèses concernèrent les mécanismes de défense du Ça et du Moi. On considérait que le Ça arrivait en scène très tôt et une des principales données de la psychologie clinique est la découverte et la description par Freud de la sexualité prégénitale, grâce à ses observations sur les éléments régressifs des fantasmes génitaux, des jeux et des rêves. Les mécanismes de défense du Moi furent peu à peu formulés (2). On considérait qu'ils s'organisaient en relation avec l'angoisse due à la de cette hypothèse destinée' à la compréhension (1) J'ai essayé de montrer l'application des psychoses dans mon article : Psychose et soins du nourrisson [13]. sur les mécanismes de défense qui ont suivi celui d'Anna FREUD (Le Moi (2) Les travaux et les mécanismes de défense [1] ), sont parvenus par un chemin différent à une réévaluation significative du rôle du maternage et son premier développement. dans les soins au nourrisson A. FREUD [2] a réaffirmé ses vues actuelles sur ce sujet. Willi HOPFER également a fait des observations pertinentes dans ce domaine du développement dans ce [7]. Cependant, mon intention travail est de montrer non seulement l'importance cruciale du rôle du milieu parental pour le du nourrisson pendant les premiers mois, mais aussi la façon dont ceci prend développement une signification clinique spéciale dans notre travail avec certains types de malades à troubles caractériels et affectifs.
  • 20. 12 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE tension des instincts ou à la perte de l'objet. Cette partie de la théorie présuppose que le Soi est séparé, le Moi structuré et psychanalytique peut-être, un schéma corporel personnel. Au niveau qui nous intéresse dans ce travail, on ne peut encore envisager un tel état principalement de choses. La discussion se centre précisément sur l'établissement de cet état de choses, c'est-à-dire du Moi qui rend possible la structuration l'existence de l'angoisse à partir de la tension des instincts ou de la perte de l'objet. A ce stade précoce, l'angoisse n'est pas une angoisse de castration ou de séparation, elle concerne bien d'autres choses et est en fait, une angoisse d'annihilation (cf. l'aphanisis de Jones). Dans la théorie psychanalytique, les mécanismes de défense sont et liés en grande partie à l'idée de l'enfant qui a de l'indépendance, une organisation les de défense bien personnelle. A cette frontière, recherches de Klein complètent en clarifiant la théorie freudienne le jeu entre les angoisses primitives et les mécanismes de défense. Ce travail de Klein concerne la première enfance et attire l'attention sur des pulsions agressives et destructrices qui sont plus prol'importance fondément enracinées que celles qui sont une réaction à la frustration et sont en relation avec la haine et la colère ; il y a également dans le travail de Klein une dissection des premières défenses contre les aux premiers stades angoisses primitives, angoisses qui appartiennent de l'organisation mentale (scission, projection, introjection). Ce que décrit le travail de Melanie Klein appartient clairement à la vie du nourrisson dans ses phases les plus précoces et à la période de Melanie Klein a bien montré dépendance dont s'occupe ce travail-ci. à cette période de l'environnement qu'elle reconnaissait l'importance et de diverses façons à tous les stades (1). Je pense donc que son travail et celui de ses collaborateurs laissent la porte ouverte à de plus amples développements du thème de l'entière dépendance, thème qui apparaît dans la phrase de Freud : «... le nourrisson, si seulement l'on compte aussi les soins maternels. » Il n'y a rien dans le travail de Klein qui contredit l'idée de dépendance absolue, mais il me semble n'y avoir aucune référence spécifique à un stade où le nourrisson n'existe qu'à cause des soins maternels avec lesquels il forme une unité. Ce qui m'amène à faire remarquer ici la différence entre l'acceptation par l'analyste de la réalité de la dépendance, et son travail sur elle dans le transfert (2). (1) J'ai exposé en détails dans deux articles Klein dans ce domaine [14, 19]. voir [15]. (2) Pour un exemple clinique, comment je comprends le travail de Melanie
  • 21. LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON 13 Il semble qu'en étudiant les défenses du Moi on se trouve ramené aux manifestations prégénitales du Ça, alors que l'étude de la psychologie du Moi ramène à la dépendance, à l'unité nourrisson-soins maternels. Une moitié de la théorie des relations nourrisson-parent concerne le nourrisson et est l'étude de son évolution de la dépendance absolue à l'indépendance en passant par une dépendance relative, et parallèlement, de son évolution du principe de plaisir au principe de réalité, de l'auto-érotisme aux relations d'objet. L'autre moitié de cette théorie concerne les soins maternels, c'est-à-dire les qualités et modifications de la mère qui répondent aux besoins spécifiques du nourrisson vers lequel elle est orientée. a) LE NOURRISSON Le mot clé de ce chapitre est dépendance. Les nourrissons humains ne peuvent commencer à Être que dans certaines conditions. Celles-ci sont étudiées plus loin au chapitre B, mais font partie de la psychologie du nourrisson. En effet les bébés commencent à Être différemment selon qu'elles sont favorables ou non. En même temps, elles ne déterminent pas le potentiel. Celui-ci est hérité et il est légitime d'étudier séparément ce potentiel originel, toujours à condition de ne pas oublier que le potentiel originel d'un nourrisson ne peut devenir un nourrisson s'il n'est pas lié à des soins maternels. Le potentiel hérité comporte une tendance à la croissance et au On peut dater grossièrement tous les stades de la développement. croissance émotionnelle. On peut supposer que tous les stades du développement ont une date chez chaque enfant. Et cependant, non seulement ces dates varient d'un enfant à l'autre, mais aussi, même si on pouvait les connaître à l'avance chez un enfant donné, on ne pourrait les employer à prédire le développement réel de l'enfant à cause de l'autre facteur, les soins maternels. Si on pouvait utiliser de telles dates à faire des prédictions, ce serait en se basant sur la supposition de soins maternels adéquats dans tous les aspects importants (ceci, de toute évidence, ne signifie pas uniquement adéquat au sens physique ; la signification de soins adéquats ou non dans ce contexte sera discutée plus loin). Le potentiel hérité et son destin Il nous faut maintenant tenter de décrire brièvement ce qu'il advient du potentiel originel, si celui-ci doit se développer en un nourrisson puis en un enfant tendant à une existence indépendante. Étant donné la complexité du sujet, une telle description ne peut se faire qu'en supposant des soins maternels adéquats, c'est-à-dire des soins parentaux.
  • 22. 14 REVUE FRANÇAISE On peut classer grossièrement stades qui se recouvrent : a) b) c) DE PSYCHANALYSE les soins parentaux satisfaisants en trois Soutien (1); Vie ensemble de la mère et de l'enfant. Ici le nourrisson ne connaît pas la fonction du père (qui s'occupe du milieu pour la mère) ; Vie ensemble du père, de la mère et de l'enfant. du mot soutien s'étend ici non seulement au fait que la L'emploi mère porte réellement physiquement le nourrisson, mais aussi aux soins totaux du milieu, antérieurs au concept de vie avec. En d'autres termes, cette notion de soutien se réfère à une relation spatiale à trois dimensions, à laquelle s'ajoute progressivement le temps. Ceci débute avant les expériences instinctuelles qui, à un moment donné, vont déterminer les relations d'objet, et se superpose à ces expériences. Ce concept inclut le maniement d'expériences inhérentes à l'existence, telles que l'accomplissement (et donc le non-accomplissement) de processus qui, de l'extérieur, peuvent paraître purement physiologiques, mais qui appartiennent à la psychologie du nourrisson et se situent dans un champ psychologique et l'empathie de la complexe, champ déterminé par la compréhension mère (je discute plus amplement ce concept de soutien, un peu plus loin). La notion de vie avec implique des relations d'objet et l'émergence du nourrisson de l'état où il était fusionné à la mère, ou la perception des objets comme extérieurs à soi. Ce travail s'intéresse spécialement à l'époque du « soutien » des soins maternels, et aux événements complexes du développement psychologique du nourrisson qui sont liés à cette phase. Il ne faut cependant pas oublier que la séparation d'une phase de l'autre est artificielle et surtoutune question de commodité, adoptée dans le but d'une définition plus claire. Le développement du nourrisson pendant la période de soutien On peut énumérer les caractéristiques du développement risson pendant cette phase. C'est à cette époque que — les processus primaires ; — l'identification primaire ; — l'auto-érotisme ; — le narcissisme primaire ; sont des réalités vivantes. du nour- (1) Le mot anglais est holding, gérondif du verbe to hold, tenir, c'est-à-dire soutenir, porter dans ses bras, etc. l,'auteur explique lui-même un peu plus loin ce qu'il entend par là. Nous emploierons en français le mot « soutien », qui nous semble se rapprocher de l'idée de l'auteur.
  • 23. LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON 15 A cette période, le Moi passe d'un état non intégré à une intégration structurée et ainsi le nourrisson devient capable d'expérimenter l'anLe mot désintégration se met à goisse associée à la désintégration. du prendre une signification qu'il n'avait pas avant que l'intégration Moi devienne un fait. A cette phase, dans un développement normal, le nourrisson retient la capacité de vivre à nouveau des états non intéde soins maternels sûrs grés, mais cela dépend de la continuité ou de l'édification par le nourrisson de souvenirs des soins maternels qu'il commence peu à peu à percevoir comme tels. Le résultat de progrès normaux dans son développement pendant cette période est que le nourrisson atteint ce qu'on pourrait appeler un « état d'unité ». Il devient une personne, un individu de son propre chef. L'existence du nourrisson est associée à cette psychosomatique réalisation et elle commence à avoir une allure personnelle ; j'ai appelé cela l'installation de la psyché dans le soma (1). La base de cette installation est constituée par le lien entre les expériences motrices, sensorielles et fonctionnelles et le nouvel état du nourrisson : être une personne. Dans la suite du développement apparaît ce qu'on pourrait appeler une membrane de délimitation qui, dans une certaine mesure (dans les cas normaux), se confond avec la surface de la peau et qui se situe entre le « Moi » et le « non-Moi » du nourrisson. Ainsi le nourrisson en vient à avoir un intérieur et un extérieur et un schéma corporel. C'est ainsi que la fonction de prendre en soi et de rejeter prend une signification ; bien plus, postuler une réalité psychique interne ou personnelle pour l'enfant devient plein de signification (2). D'autres processus débutent pendant cette période de soutien ; le plus important est l'éveil de l'intelligence et le début d'un esprit, distinct de la psyché. De là découle toute l'histoire des processus secondaires et du fonctionnement et de l'organisation d'un contenu symbolique, psychique personnel qui forme une base pour les relations de la vie et des rêves. Au même moment commence chez le nourrisson la jonction de deux racines du comportement impulsif. Le mot « fusion » indique le processus positif par lequel les éléments diffus du mouvement et de l'érotisme musculaire fusionnent avec le fonctionnement orgastique des zones érogènes (dans le développement normal). Ce concept est mieux connu comme étant le processus inverse de la désintrication, défense à ce sujet. (1) Voir dans [11], ce que j'ai dit auparavant (2) C'est ici que l'on peut appliquer de façon appropriée les connaissances sur les fantasmes dont l'enseignement de Mélante Klein nous a appris la richesse et la complexité. primitifs
  • 24. 16 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE compliquée où l'agression se sépare de l'expérience érotique après une période où avait été réalisé un certain degré de fusion. Tous ces développements dépendent de la qualité du soutien offert par le milieu, et si elle n'est pas suffisante, ces stades ne peuvent être atteints, ou s'ils sont atteints, ils ne peuvent s'affermir. La dépendance Pendant la période de soutien, le nourrisson est dépendant au maximum. On peut classer la dépendance ainsi : 1) Dépendance absolue. — Ici le nourrisson n'a aucun moyen de connaître les soins maternels qui sont surtout une question de prophylaxie. Il ne peut acquérir la maîtrise sur ce qui est bien ou mal fait mais est seulement dans une position où il peut profiter ou souffrir. 2) Dépendance relative. — Le nourrisson peut se rendre compte de son besoin des détails des soins maternels et peut de plus en plus les relier à des impulsions personnelles et alors plus tard, dans un traitement psychanalytique, il pourra reproduire celles-ci dans le traitement. 3) Vers l'indépendance. — Le nourrisson développe les moyens de se passer des soins. Ceci est rendu possible par l'accumulation des souvenirs de soins, la projection des besoins personnels, et l'introjection du détail des soins, en même temps que se développe la confiance dans l'environnement. Il faut ajouter ici l'élément de compréhension intellectuelle avec ses innombrables implications. Isolement de l'individu Un autre phénomène à prendre en considération à cette époque est le fait que le germe de la personnalité est caché. Examinons le concept d'un vrai Soi central. On pourrait dire que ce Soi central est le potentiel originel qui expérimente de façon continue le fait d'être et d'acquérir, à sa façon et à sa vitesse propres, une réalité psychique personnelle ainsi qu'un schéma corporel personnel (1). Il semble nécessaire d'admettre l'idée de l'isolement de ce Soi central comme une caractéristique de l'état normal. Toute menace dirigée vers cet isolement du vrai Soi constitue une angoisse majeure à ce stade précoce et les défenses de la première enfance semblent apparaître à la suite d'échecs de la part de la mère (ou des soins maternels) à écarter les heurts qui pourraient troubler cet isolement. (1) J'ai étudié dans un autre article [20] un aspect différent ment, tel que nous le voyons chez l'adulte normal. de cette phase du développe-
  • 25. LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON 17 C'est l'organisation du Moi qui peut faire face à ces heurts qui se ressemblent dans l'omnipotence du nourrisson et sont ressentis comme des projections (1). Mais ces attaques peuvent aussi traverser cette défense malgré le support du Moi que constituent les soins maternels. Alors le noyau central du Moi est touché et c'est là la vraie nature de L'individu normal devient rapidement invull'angoisse psychotique. nérable à ce point de vue et si des facteurs externes le heurtent, il se de degré et de qualité de la une modification produit simplement retraite du Soi central. La meilleure défense à cet égard est l'organisation et les relations d'objet d'un faux Soi. Les satisfactions instinctuelles elles-mêmes constituent une menace pour la continuité de l'individu. satisExemple. — Un enfant nourri au sein est en train d'obtenir faction. Le fait en soi n'indique pas si cette expérience du Ça est acceptée par le Moi ou si au contraire il souffre du traumatisme d'une séduction, d'une menace pour la continuité personnelle de son Moi ou d'une menace constituée par une expérience du Ça qui n'est pas acceptée voulu pour réagir. par le Moi et à laquelle le Moi n'a pas l'équipement les relations d'objet peuvent se développer sur la Normalement, dans ce que plus tard base d'un compromis qui implique l'individu alors qu'une relation directe on appellerait tricherie et malhonnêteté, n'est possible que sur la base d'une régression à un état de fusion avec la mère. L'annihilation (2) A ce stade précoce de la relation parent-enfant, l'angoisse est liée et il est nécessaire d'expliquer la signification à la menace d'annihilation de ce mot. A cette phase, caractérisée par l'existence essentielle d'un environnement qui soutient, le « potentiel originel » devient « un sentiment continu d'existence ». L'opposé d'exister est réagir, et réagir interrompt l'existence et annihile. Les deux alternatives sont : existence ou annihilation. La fonction principale du milieu qui soutient est donc de réduire au maximum les heurts auxquels le nourrisson doit réagir avec, comme de l'existence personnelle. Dans des conditions résultat, l'annihilation établit un sentiment d'existence continu et favorables, le nourrisson » dans un sens descriptif et dynamique et non dans sa ici le mot « projections (1) J'utilise des mécanismes totale. La fonction psychiques primitifs signification métapsychologique tels que l'introjection, la projection, la scission, sort des limites de ce travail. (2) J'ai décrit dans un précédent article les variétés cliniques de ce type d'angoisse d'un point de vue légèrement différent. PSYCHANALYSE 2
  • 26. 18 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE de commence alors à développer les sophistications qui permettent A ce stade, le rassembler les heurts dans le domaine de l'omnipotence. mot mort n'a aucune application possible, ce qui rend l'expression instinct de mort inacceptable pour décrire les racines de la destructivité. La mort n'a aucune signification jusqu'à l'arrivée de la haine et du concept de la personne humaine totale. Lorsque l'enfant peut haïr une personne humaine totale, la mort a alors une signification et, immédiatement après, suit ce qu'on pourrait appeler la mutilation ; l'enfant maintient en vie la personne aimée et haïe en la châtrant ou en la mutilant autrement au lieu de la tuer. Ces idées font partie d'une phase plus tardive que celle caractérisée par la dépendance envers l'environnement et son soutien. Nouvel examen de la note de Freud Arrivé à ce point, il faut nous tourner à nouveau vers la note de Freud citée plus haut. Il écrit : « Il (le bébé) hallucine probablement la satisfaction de ses besoins internes ; il trahit son déplaisir, résultat de l'accroissement de la stimulation et du retard de la satisfaction, par une décharge motrice consistant à pleurer et à se débattre, et il éprouve » La théorie esquissée dans cette alors la satisfaction hallucinatoire. partie de la note ne parvient pas à répondre aux conditions de la phase la plus précoce. Déjà par ces mots, Freud se réfère aux relations d'objet et la validité de ce passage n'est acquise qu'en admettant les aspects les plus précoces des soins maternels, ceux que je décris ici dans la phase de soutien. D'autre part, cette phrase de Freud répond exactement aux exigences de la phase suivante qui se caractérise par une relation entre le nourrisson et sa mère dominée par les relations d'objet et les satisfactions instinctuelles ou des zones érogènes ; ceci, quand le développement évolue normalement. b) LES SOINS MATERNELS tenter de décrire certains aspects des soins Je vais maintenant dans maternels, et spécialement le soutien. Ce concept est important cet article, et il mérite d'amples développements. L'emploi de ce mot est destiné à introduire le développement du thème de la phrase de Freud : «... la considération suivante : le bébé, si seulement l'on compte aussi les soins maternels, réalise en fait à peu près un tel système du mental. » Je me réfère à l'état de la relation mère-nourrisson début, quand l'enfant n'a pas encore séparé un Soi des soins mater-
  • 27. LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON 19 nels dont il dépend de façon absolue, dans un sens psychologique (1). A ce stade, l'enfant a besoin, et en fait reçoit du milieu des apports dont les caractéristiques sont : — ils répondent aux besoins A ce moment, la physiophysiologiques. logie et la psychologie ne sont pas encore distinctes ou commencent seulement à le devenir; et — ils sont dignes de confiance. Mais non Ils le sont mécaniquement. d'une façon qui implique l'empathie de la mère. Le soutien a) b) c) d) Protège contre les dangers physiologiques ; et Tient compte de la sensitivité de la peau (toucher, température) — de la sensitivité auditive ; — de la sensitivité visuelle ; — de la sensitivité à la chute (action de la pesanteur) ; — ainsi que du fait de quoi que l'enfant ignore l'existence d'autre que le Soi ; : que ce soit Inclut la routine des soins de jour et de nuit, soins qui ne sont pas les mêmes et il n'y a pas deux pour deux bébés car ils font partie du nourrisson nourrissons semblables ; dus à la croissance et au dévejour après jour aux changements S'adapte et psychologiques. loppement, physiques Il faut noter qu'on peut aider à mieux faire les mères qui ont en elles le désir de donner des soins suffisants, en s'occupant d'elles d'une façon qui reconnaît la nature essentielle de leur tâche. Mais ce n'est pas simplement en les instruisant qu'on rendra plus aptes les mères qui n'ont pas la capacité d'assurer des soins suffisamment bons. Le soutien comporte spécialement le fait physique de porter le nourrisson, ce qui est une forme d'amour. C'est peut-être la seule façon par laquelle une mère peut montrer son amour au nourrisson. Il y a celles qui savent, et celles qui ne savent pas tenir un enfant, et ces dernières provoquent rapidement chez le bébé un sentiment d'insécurité et des pleurs de détresse. Tout cela mène à l'établissement des premières relations d'objet du nourrisson et de ses premières expériences de gratification instinctuelle (2), comprend cet établissement et coexiste avec lui. et de la gratification (1) Rappel : pour être certain de séparer cela des relations d'objet il me faut, de façon artificielle, limiter mon attention aux besoins corporels de instinctuelle, type général. Un patient m'a dit : « Une bonne séance d'analyse dans laquelle la bonne inter» prétation est donnée au bon moment est une bonne nourriture. (2) Pour une plus ample discussion de cet aspect des processus de développement, voir mon article [12].
  • 28. 20 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE Ce serait une erreur de situer la gratification instinctuelle (nourriture, etc.), ou les relations d'objet (relation avec le sein) avant l'organisation du Moi (j'entends le Moi du nourrisson renforcé par le Moi La base de la satisfaction instinctuelle et des relations maternel). d'objet est constituée par le maniement et les soins du nourrisson, qu'on considère trop facilement comme allant de soi quand tout va bien. La santé mentale de l'individu, c'est-à-dire libre de psychose ou enclin à la psychose (schizophrénie), s'établit à partir des soins maternels des qu'on note à peine quand ils sont bons et qui sont la continuation de la période prénatale. Cet apport du milieu apports physiologiques est aussi la continuation de la vie des tissus et de la bonne santé des diverses fonctions qui (pour le nourrisson), fournissent au Moi un la support silencieux mais vital. C'est ainsi que la schizophrénie, à une psychose plus tardive psychose infantile ou une prédisposition sont liées à la carence des appels du milieu. Cela ne veut pas dire cependant qu'on ne peut décrire un tel échec en termes de distorsion du Moi et de défenses contre les angoisses primitives, c'est-à-dire en fonction de l'individu. On voit donc que le travail de Klein sur les mécanismes de défense par scission, sur la projection, etc., constitue l'introjection, une tentative pour décrire les effets de cet échec des apports du milieu, en fonction de l'individu. Ce travail sur les mécanismes primitifs et c'est la reconstruction du qu'une partie de l'histoire n'explique milieu et de ses échecs qui pourra éclairer l'autre partie. Cette autre partie ne peut pas apparaître dans le transfert car le patient ne connaît pas les soins maternels, ni dans leurs bons ni dans leurs mauvais aspects, tels qu'ils furent au cours de sa première enfance. Étude d'un détail des soins maternels Je voudrais donner un exemple pour illustrer la subtilité des soins maternels. Un nourrisson est fusionné avec sa mère, et tant qu'il en est ainsi, plus la mère comprend exactement les besoins de son enfant, mieux cela vaut. Un changement apparaît cependant avec la fin de cette fusion, qui n'est pas nécessairement graduelle. Dès que, du point de vue du nourrisson, lui et sa mère sont séparés, on peut noter une tendance chez celle-ci à changer d'attitude. C'est comme si elle réalisait alors que le nourrisson ne s'attend plus à une compréhension presque magique de ses besoins. La mère semble savoir que son bébé a une nouvelle capacité, celle de donner un signal qui la guidera pour comprendre ses besoins. On pourrait dire que si à ce moment elle savait trop bien ce
  • 29. LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON 21 dont son nourrisson a besoin, ce serait magique et cela ne constituerait pas la base possible d'une relation d'objet. Nous en venons ici aux mots de Freud : « Il (le nourrisson) hallucine probablement la satisfaction de ses besoins internes ; il trahit son déplaisir (résultat de l'accroissement de la stimulation et du retard de la satisfaction) par la décharge motrice consistant à crier et à se débattre et il éprouve alors la satis» En d'autres termes, à la fin de la fusion, quand faction hallucinatoire. le nourrisson s'est séparé du milieu, un fait important est qu'il a à donner un signal (1). Cette subtilité apparaît clairement dans le transfert, dans le travail psychanalytique. Sauf lorsque le patient a régressé à son enfance la plus précoce et à l'état de fusion, il est très important que l'analyste ne connaisse les réponses que dans la mesure où le patient lui en fournit les éléments. Il les réunit et fait les interprétations et il arrive souvent que les patients ne donnent pas ces éléments, s'assurant ainsi du pouvoir de que l'analyste ne pourra rien faire. Cette limitation l'analyste est importante pour le malade, tout comme est important le exacte, donnée pouvoir de l'analyste représenté par une interprétation au bon moment, et qui se base sur les indices et la coopération inconsciente du malade qui fournit le matériel nécessaire à l'élaborer et la justifier. C'est ainsi que l'analyste débutant fait parfois de meilleures analyses que quelques années plus tard, quand il connaît toutes les réponses. Quand il a eu plusieurs patients, il commence à trouver ennuyeux d'aller aussi lentement que son malade et il se met à donner des interprétations basées, non sur le matériel fourni ce jour-là par son patient, mais sur ses connaissances accumulées ou sur le groupe d'idées auquel il adhère à ce moment-là. Ce qui n'est d'aucune utilité pour le et lui exprimer son patient. Il peut trouver l'analyste très brillant correcte est un traumatisme admiration, mais à la fin, l'interprétation que le patient doit rejeter parce que ce n'est pas la sienne. Il se plaint c'est-à-dire que l'analyste de ce que l'analyste essaye de l'hypnotiser, encourage une importante régression vers la dépendance en le poussant à un état de fusion avec lui. La même chose peut s'observer chez les mères ; celles qui ont eu plusieurs enfants commencent à tellement exceller dans la technique du maternage qu'elles font toujours la bonne chose au bon moment, et alors, le nourrisson qui a commencé à se séparer de sa mère n'a pas le moyen d'acquérir la maîtrise de toutes les bonnes choses qui se passent. tous ces petits signes qui Le geste créateur, le cri, la protestation, (1) Cf. La théorie plus tardive de Freud sur l'angoisse, signal pour le Moi [6].
  • 30. 22 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE devraient provoquer ce que fait la mère, tout cela manque parce qu'elle a déjà satisfait le besoin comme si le bébé était toujours fusionné avec elle et elle avec lui. De cette façon, la mère en étant apparemment une bonne mère, fait quelque chose de pire que de châtrer son enfant ; elle le laisse devant une alternative : ou bien être dans un état permanent de régression et de fusion avec elle, ou bien échafauder un rejet total d'elle, même si elle paraît bien adaptée. Nous voyons donc que dans la façon de s'occuper des nourrissons il y a une distinction subtile entre la compréhension maternelle des besoins du nourrisson basée sur l'empathie, et son évolution vers une compréhension basée sur quelque chose chez le bébé ou le jeune enfant qui indique un besoin. Ceci est particulièrement difficile pour les mères parce que les enfants oscillent d'un état à l'autre ; à un moment, ils sont fusionnés avec leur mère et réclament de l'empathie, alors que la minute suivante, ils sont séparés d'elle, et si elle connaît alors leurs besoins à l'avance, elle est dangereuse, une sorcière. Il est très curieux de voir comme des mères peu instruites s'adaptent de façon satisfaisante à ces modifications de leur enfant en cours de développement, sans avoir la moindre connaissance théorique. Ce détail se retrouve dans le travail psychanalytique avec les cas limites et dans tous les cas, à certains moments de grande importance où le transfert est à son plus haut point. Absence de connaissancedes soins maternels satisfaisants Dans le domaine des soins maternels du type du soutien, il est un axiome : lorsque tout va bien, le nourrisson n'a aucun moyen de connaître ce qui lui est convenablement fourni et ce dont il est préservé. D'autre part c'est quand les choses ne vont pas bien que le nourrisson devient conscient, non pas de la carence des soins maternels, mais des résultats de cet échec, quels qu'ils soient, c'est-à-dire que le nourrisson devient conscient d'une réaction à un heurt. Le résultat de soins maternels satisfaisants est l'élaboration chez le nourrisson d'un sentiment continu d'exister qui est la base de la force du Moi ; tandis que chaque carence de soins maternels résulte en une interruption de ce sentiment causée par les réactions aux conséquences de cette carence, et il s'ensuit un affaiblissement du Moi (1). De telles interruptions constice sont cet affaiblissement (1) Dans les cas caractériels, du Moi et les diverses tentatives de l'individu pour le résoudre qui se présentent à l'attention et cependant il est immédiate, nécessaire d'avoir une vue claire de l'étiologie pour pouvoir séparer l'aspect défensif de ce système de son origine dans la carence du milieu. Je me suis référé à un aspect spécifique de ceci en diagnostiquant la tendance antisociale comme le problème de base derrière le syndrome de la délinquance [17].
  • 31. LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON 23 tuent une annihilation et s'associent évidemment avec une souffrance de qualité et d'intensité psychotiques. Dans les cas extrêmes, le nourrisson n'existe que sur la base d'une succession de réactions aux heurts et de rétablissements après ces réactions. Ceci contraste avec le sentiment continu d'exister qui est ma conception de la force du Moi. c) LES CHANGEMENTS CHEZ LA MÈRE Il importe à ce sujet d'étudier les modifications qui surviennent chez les femmes qui vont avoir un bébé ou qui viennent d'en avoir un. Au départ, ces modifications sont surtout physiologiques, et commencent avec le fait physique de porter un bébé dans son sein. Cependant l'expression « instincts maternels » ne suffirait pas à les définir. En les femmes changent leur orientation envers ellesfait, normalement mêmes et le monde, mais si profondément enracinés dans le physiologique que soient ces changements, ils peuvent être déformés par la mauvaise santé mentale de la femme. Il faut donc envisager ces changements en termes psychologiques bien qu'il puisse y avoir des facteurs endocriniens, influençables par la thérapeutique. Les changements physiologiques préparent certainement la femme aux modifications ultérieures, plus subtiles. psychologiques Peu après la conception, ou dès que celle-ci est soupçonnée, la femme commence à se modifier dans son orientation et à s'intéresser aux changements qui ont lieu en elle. Son propre corps l'encourage de diverses façons à s'occuper d'elle-même (1). La mère transfère une partie de son sentiment de soi au bébé qui croît en elle. La chose est que prend corps un état de choses qui mérite d'être importante décrit et dont la théorie demande à être élaborée. L'analyste placé devant les besoins d'une patiente qui revit dans le transfert ces premiers stades, subit de semblables changements d'orientation et, au contraire de la mère, il doit être conscient de la sensibilité et à la dépendance qui se développe en lui en réponse à l'immaturité de la malade. On pourrait considérer ceci comme une extension de la description donnée par Freud de l'analyste en état volontaire d'attention. Ce n'est pas ici le lieu de décrire ces changements d'orientation chez une femme qui va être mère ou vient de l'être et j'ai tenté ailleurs cette description en langage populaire sans termes techniques (21). Il existe une psychopathologie de ces changements, et les anomalies extrêmes intéressent ceux qui étudient la psychologie des démences (1) Pour une étude plus détaillée de ce point, cf. « Préoccupation maternelle primaire » (18).
  • 32. 24 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE puerpérales. Il est certain que de nombreuses variations de qualité ne constituent pas une anomalie. C'est le degré de déformation qui la constitue. En général les mères s'identifient d'une façon ou d'une autre au bébé qui croît en elles, et arrivent ainsi à une connaissance très puissante des besoins du bébé. Il s'agit d'une identification projective. Cette identification au bébé dure pendant un certain temps après la naissance puis perd peu à peu sa signification. l'orientation D'ordinaire, spéciale de la mère envers son enfant se poursuit au delà de la naissance. La mère, qui n'est pas perturbée à ce point de vue, est prête à abandonner son identification au nourrisson lorsque celui-ci a besoin de devenir un être séparé. Il peut arriver qu'une mère donne de bons soins au début, mais échoue à compléter de le processus parce qu'elle est incapable de le laisser se terminer, sorte qu'elle tend à rester mêlée à son enfant et à différer le moment où le nourrisson se sépare d'elle. Il est de toute façon difficile pour une mère de se séparer de son nourrisson à la vitesse requise par les besoins de ce dernier (1). Ce qu'il importe ici à mon avis, c'est que la mère, grâce à son identification à son enfant, sait comment le nourrisson se sent et peut ainsi lui fournir à peu près exactement ce dont il a besoin en matière de « soutien » et de façon plus générale, de l'apport d'un milieu. Sans une telle identification, j'estime qu'elle ne pourrait procurer ce dont un nourrisson a besoin au début, c'est-à-dire une adaptation vivante aux besoins du nourrisson. Le principal est le soutien physique qui est la base de tous les aspects plus complexes du soutien et de l'apport d'un milieu en général. Il est vrai qu'une mère peut avoir un bébé très différent d'elle de sorte qu'elle peut se tromper. Le bébé peut être plus rapide ou plus lent qu'elle, etc. Dans ce cas, il peut y avoir des moments où ce qu'elle sent être nécessaire au bébé n'est en fait pas exact. Il semble cependant que d'habitude les mères, quand elles ne sont pas troublées par des difficultés psychiques ou par des stress actuels dus au milieu, tendent dans l'ensemble à savoir de façon assez précise ce dont leurs nourrissons ont besoin et elles aiment le leur fournir. C'est cela l'essence des soins maternels. Grâce aux soins qu'il reçoit de sa mère, le nourrisson peut avoir (1) J'ai présenté dans un article précédent le matériel d'un cas pour illustrer en clinique et qui se relie à ce groupe d'idées (9). problème que l'on rencontre un type de
  • 33. LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON 25 une existence personnelle et commencer à construire ce qu'on pourrait appeler un sentiment d'existence continu. Sur la base de ce sentiment, le potentiel originel se réalise peu à peu en un nourrisson individuel. Si les soins maternels ne sont pas suffisamment bons, le nourrisson ne vient pas alors réellement à l'existence, car il n'a pas de sentiment d'existence continu ; à la place sa personnalité s'édifie sur des réactions aux heurts du milieu. Tout ceci est important pour l'analyste. En effet, ce n'est pas tant directe du nourrisson grâce à l'observation que grâce à l'étude du transfert dans la situation analytique; que l'on peut comprendre plus clairement ce qui se passe pendant les premières années. Ce travail sur la dépendance infantile découle de l'étude des phénomènes de transfert et de contre-transfert qui sont le lot du psychanalyste qui s'intéresse aux cas limites. A mon avis cet intérêt constitue une extension légitime de la psychanalyse, la seule altération réelle se trouvant dans le diagnostic de la maladie du patient dont l'étiologie remonte au delà du complexe d'OEdipe et comporte une déformation à l'époque de la dépendance absolue. Freud put découvrir la sexualité infantile parce qu'il la reconstruisit à partir de son travail analytique avec des patients psychonévrotiques. Si nous étendons son travail pour couvrir le traitement des cas limites psychotiques, nous pourrons reconstruire la dynamique de la première enfance et de la dépendance infantile, et des soins maternels qui répondent à cette dépendance. BIBLIOGRAPHIE [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] A. FREUD, Le Moi et les mécanismes de défense, Presses Universitaires de France, Paris, 1949. A. FREUD, Some remarks on infant observation. Psychoanalytic study of the child, VIII, London, Imago, 1953. FREUD (S.), The complete psychological works of Sigmund Freud, Standard vol. X, Hogarth Edition, Press, London, 1909. FREUD (S.), Formulations on the two principles The of mental functioning. works of Sigmund Freud, Standard vol XII, complete psychological Edition, Hogarth Press, London, 1911. FREUD (S.), Au delà du principe de plaisir. Essais de psychanalyse, Payot, Paris, 1920. FREUD (S.), Inhibition, et angoisse, Presses Universitaires de symptôme France, 1927. HOFFER (Willi), : practical and research aspects, Williams Psychoanalysis and Wilkins Co., Baltimore. WINNICOTT Primitive Emotional (D. W.) (1945), Development.
  • 34. 26 [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE in respect of Mother's Defence against ID. (1948), Réparation Organized depression. ID. (1949), Birth Memories, Birth Trauma, and Anxiety. ID. (1949), Mind and its relation to the psycho-soma. ID. (1951), Transitional objects and transitional phenomena. Care. ID. (1952), Psychoses and Child Emotional ID. (1954), The depressive Position in Normal Development. ID. (1954), Withdrawal and régression. et repli, R. fr. de Régression Psa., nos 1-2, 1955. ID. (1954), Metapsychological and clinical within aspects of Regression the psycho-analytical Set-Up. ID. (1956), The antisocial Tendency. ID. (1956), Primary Maternai Preoccupation. Tous ces travaux se trouvent dans Collected Papers : Through to psycho-analysis. Tavistock Publications, London, 1958. [19] [20] [21] WINNICOTT (D. W.), and (1956), Psycho-analysis contemporary thought, and the sense Paediatrics of guilt., London, Press, Hogarth Psycho-analysis 1958. WINNICOTT (D. W.), (1957), On the capacity to be alone, Int. J. PsychoXXXIX, VI, sept-oct. Verlag, Analysis, 1958, et Psyche, Ernst Klett Stuttgard, 1958. Tavistock PubliWINNICOTT (D. W.), (1949), The Child and the Family, cations, Londres, 1957.
  • 35. Quelques sur la relation considérations parent-nourrisson par PHYLLIS GREENACRE, M.D. (New York) (1)* INTRODUCTION Le Dr Winnicott une et moi-même avons été chargés d'introduire discussion sur le thème très étendu de La théorie de la relation parentnourrisson au Congrès international de 1961. Si j'ai bien compris, l'intention du Comité qui a élaboré le programme n'est pas tellement que ces exposés donnent un résumé de la théorie généralement admise de la relation parent-nourrisson dans les premières années, mais bien plutôt qu'ils traitent des questions que les auteurs ont plus spécialement étudiées et sur lesquelles ils ont développé des points de vue plus larges, plus complets ou même divergents des théories déjà largement admises. C'est pour cela que j'ai intitulé cet article Quelques considérations sur la relation parent-nourrisson. Ce sujet est un sujet plaisant, car il m'offre de consolider et de clarifier des idées sur l'occasion, et l'obligation, certains problèmes du développement infantile qui m'ont préoccupée tout au long de mes années de travail psychanalytique. Il me faut d'abord mieux définir mon sujet. Le terme enfant (infant) (2) est employé de diverses façons. D'un point de vue légal, un enfant est une personne qui n'a pas atteint l'âge de la maturité, généralement fixé à 21 ans dans nos contrées (3). Cette limite s'appuie de New York et Département de Psychiatrie de l'École de Médecine de l'Uni(1) Hôpital versité Cornell, New York. * Traduction de J. MASSOUBRE. définit dans ce paragraphe a diverses traductions (2) Le mot anglais infant que l'auteur possibles en français : nourrisson, enfant, etc., suivant le contexte. (N.d.T.) de la maturité et de l'enfance coïncide en fait très étroitement (3) Cette définition avec les mesures de la croissance linéaire du squelette chez l'homme. De même, la fin de l'enfance fixée à 18 ans chez la femme est aussi en accord avec les statistiques sur la croissance biologique.
  • 36. 28 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE sur l'idée qu'à ce moment, la croissance physique est terminée et que s'est développée la capacité mentale d'une entière parallèlement, individuelle. En pédiatrie et en médecine générale, le responsabilité mot nourrisson (infant) s'emploie souvent pour l'enfant qui ne marche pas encore. Ensuite, il passe au stade de « château-branlant », ce qui amène approximativement à la fin de la première année, ou des premiers 18 mois. Dans certains groupes d'éducateurs, un jeune enfant (infant) est un enfant qui ne va pas encore à l'école ou qui fréquente le jardin d'enfants. La distinction correspond ici à la période oedipienne dont la fin voit l'enfant tendre encore un peu plus vers l'indépendance et élargir le domaine de ses activités hors du cercle de la maison et de la famille. En psychanalyse, quand nous parlons d'une névrose infantile, nous incluons généralement la période oedipienne. Dans le cas présent, le Comité du Programme du Congrès a désigné comme période à étudier les deux premières années de la vie. Ceci correspond à l'époque où l'enfant apprend à marcher et à parler et où débute la pensée par de cette période est d'autant plus processus secondaires. L'intérêt et les premiers stades du grand qu'elle comprend le commencement du Moi. développement Il me paraît évident et significatif ici que, quelle que soit la façon dont on définit le mot « enfant », ses limites semblent toujours marquées dans la maturation par des acquisitions qui amènent une certaine indépendance vis-à-vis de la mère ou des deux parents. Aussi vais-je consacrer ce travail à l'étude des stades importants des fonctions, formes et structures corporelles, lors de la maturation physique (1), leur interaction et leur avec la relation parent-nourrisson j'étudierai effet sur le développement Dans son livre psychique du nourrisson. La psychologie du Moi et le problème de l'adaptation [21], Hartmann montre clairement et de façon répétée l'influence des processus et des sur le développement du Moi, et, étapes biologiques de maturation en liaison avec la fonction du Moi, sur l'adaptation à la réalité de la personnalité totale tout au long de la vie. Il est très tentant de citer de larges extraits de ce livre qui présente (1) On a employé dans des sens divers les mots croissance, développement et maturation. En en volume ou en poids, le développement général, le mot croissance est lié à une augmentation peut inclure cette notion mais met surtout l'accent sur un accroissement dans l'élaboration de la structure et/ou du fonctionnement en ; alors que maturation concerne le développement direction d'un état fonctionnel Comme ces mots sont employés dans des sens qui se optimum. à la confusion. Je les employerai superposent, vouloir les utiliser avec discrimination ajouterait donc indistinctement, suivant en cela la décision de H. V. MEREDITH lorsqu'elle fit une revue de la littérature en 1945 [32].
  • 37. QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LA RELATION PARENT-NOURRISSON 29 une discussion riche en suggestions, de l'inter-relation intrinsèque entre les facteurs biologiques et les découvertes et théories psychanalytiques. Bien qu'Hartmann estime que l'étude des processus de croissance biologique n'appartient pas, à proprement parler, au domaine de la psychanalyse, il déclare qu'il faut cependant s'y intéresser si l'on veut la signification de la psychanalyse pour l'éducation, la comprendre sociologie et l'hygiène mentale, domaines difficiles à délimiter et définir. Ainsi qu'il le signale (p. 4), dès 1936 Anna Freud dans Le Moi et les mécanismes de défense [4] (p. 4), a défini la tâche de la psychanalyse comme la nécessité d'arriver « à la connaissance aussi approfondie que possible des trois instances dont l'ensemble constitue, d'après nous, la personnalité psychique, d'étudier leurs rapports mutuels ainsi que leurs relations avec le monde extérieur » (1). Se basant sur ceci, Hartmann ajoute : 1° Qu'il est toutefois possible qu'on puisse attendre de la psychanalyse qu'elle fournisse ou devienne une psychologie générale du développement ; 2° Que s'il en est un jour ainsi, cette psychologie devra inclure l'étude et l'appréciation de domaines extérieurs aux névroses dont nous nous occupons habituellement. Il pense que c'est une anticipation de cette sorte que Freud poursuivait pendant les à la premières années de son travail, quand il se référait continuellement substructure et physiologique des phénomènes psycholobiologique giques et cela a pu être le cas à nouveau quand il a écrit : Analyse terminable et interminable (1937) [7]. « Après tout, dit Hartmann, le développement mental n'est pas simplement le résultat de la lutte avec les pulsions instinctuelles, les objets d'amour, le surmoi, etc. Nous avons des raisons de penser que ce développement est servi par des processus qui fonctionnent depuis le début de la vie... La mémoire, les associations, etc., sont des fonctions qui ne peuvent pas dériver de la relation du Moi aux pulsions instinctuelles ou aux objets d'amour ; elles sont plutôt des conditions préalables à l'idée que nous nous faisons de ces relations et de leur développement » (p. 15). Il est possible que la tendance rigide à restreindre le champ de la psychanalyse à la métapsychologie et à son étude des fonctions mentales établies ait été renforcée par le fait que la psychanalyse s'est développée surtout comme une méthode thérapeutique s'occupant essentiellement de conditions pathologiques ; la théorie a été fortement influencée par les investigations cliniques. Mais c'est surtout la nécessité de maintenir le traitement à l'écart des autres thérapies qui est psychanalytique (1) C'est moi qui souligne.
  • 38. 3° REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE essentielle à ce point de vue et la théorie a pu abonder dans ce sens. Récemment en vue de protéger la psychanalyse, il a fallu réaffirmer des frontières strictes, à la suite même de sa popularité car celle-ci comportait le danger de sa dilution ou de sa dégradation par des personnes qui, dans notre domaine propre ou dans des domaines adjacents, l'adoptent avec enthousiasme mais sans formation psychanalytique suffisante et qui par conséquent, travaillent parfois sans une discrimination suffisante. De toute façon, l'intérêt pour les problèmes du développement trouve inévitablement sa place si la psychanalyse doit biologique développer un jour une théorie psychologique générale ; or ceci semblé probable si l'on tient compte de l'expansion de l'intérêt pour la science de la psychanalyse elle-même ainsi que de sa croissance inhérente dans ses applications cliniques. Pour parler de façon plus spécifique, on ne peut plus émettre l'objection que « tous ces problèmes sortent du domaine de la psychanalyse... si nous avons sérieusement l'intention de développer la psychologie du Moi commencée par Freud et si nous désirons étudier les fonctions du Moi qu'on ne peut faire dériver des Ces fonctions font partie du domaine du pulsions instinctuelles. développement du Moi autonome. Il est évident que ces processus, le développement et les fonctions somatique et mental, influencent du Moi qui les utilise... qu'ils constituent une des racines (1) du Moi » (Hartmann, p. 101). BUT DE CE TRAVAIL dans ce travail mon opinion sur l'effet J'ai l'intention d'indiquer chez le nourrisson des forces de la maturation et des réciproque influences parentales, et surtout maternelles, pendant les deux premières années. Je mettrai l'accent spécialement sur le développement du Moi. D'un point de vue phénoménologique, j'ai été longtemps impressionnée par l'apparition chez le jeune enfant de certains stades, on pourrait dire de certains noeuds, de capacité et de lutte pour une activité indépendante. Et même, ces stades semblaient être en liaison étroite dans le temps avec des stades de maturation physique : périodes où des réalisations ou incertaines, physiques, jusque-là impossibles « marchaient ». Le jeune enfant semblait alors retirer un sentiment de gratification de la réussite avec un accroissement subséquent d'aisance (une sorte de confiance physique) qui se remarquait dans sa façon (1) C'est moi qui souligne.
  • 39. QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LA RELATION PARENT-NOURRISSON 31 assurée, d'être prêt à le faire de nouveau (1). Quand on emploie le mot lutte comme je l'ai fait, il peut sembler qu'on implique déjà la direction autonome d'un Moi développé. Ce dont je veux parler ici est certainement aux frontières du développement du Moi, mais me paraît être d'une poussée de la maturation d'une part à agir et à l'expression des progresser d'une certaine façon, en accord avec le développement structures innées de la croissance, et d'autre part à former les fonctions corporelles des expansions du Moi autonome. Il est très facile de se tromper dans l'interprétation de telles observations à cause des éléments subjectifs de l'observateur. Medawar a écrit : « Chacun reconnaît qu'il y a en fait de profondes ressemblances entre le comportement des hommes et des animaux, mais ces similitudes éveillent des pensées entièrement différentes chez les biologistes et chez les profanes. Quand les profanes voient des souris nourrir et chérir leur jeune, leur première pensée est : « Comme elles sont semblables aux êtres humains, après tout ! » Le biologiste (en tout cas quand il est à son travail) pense : « Comme les hommes sont semblables aux souris après tout ! » [31]. » J'ai toujours ressenti la nécessité d'être prudente devant les extrapolations à partir des observations du comportement animal et devant les interprétations basées sur la ressemblance au comportement humain. Si j'utilise un point de vue biologique, c'est donc plutôt dans un effort pour comprendre les stades et problèmes du développement de l'homme sous l'angle des principes généraux de la biologie — spécialement ceux de la croissance et de la maturation. de façon systématique Personnellement, je n'ai jamais pratiqué l'observation directe de jeunes enfants ; beaucoup de mes observations ont été occasionnelles et comprenaient une relation personnelle. Mais le travail des autres (psychologues et pédiatres), j'ai essayé d'utiliser surtout sur les stades de maturation physique et de comportement dans l'enfance. J'ai complété ces données par le travail de psychanalystes, surtout de ceux aux intérêts cliniques et théoriques très étendus. En premier lieu, mon intérêt fut stimulé par Les trois essais sur la théorie de la sexualité (1910) [8] de Freud, travail dans lequel il a clairement vu se base sur les stades de la croissance libidinal que le développement physique ; plus tard, il a constamment insisté sur les éléments constitutionnels des pulsions instinctuelles et de leur qui sont à l'origine intensité. (1) Ceci rappelle l'opinion de Hartmann que le plaisir est essentiel pour l'acceptation de la réalité. des fonctions du Moi en développement
  • 40. 32 REVUE FRANÇAISE CARACTERISTIQUES DE PSYCHANALYSE DE LA CROISSANCE La croissance biologique a certaines caractéristiques générales qui sont importantes si nous voulons comprendre l'inter-relation des progrès mentaux et physiques chez le nourrisson : 1° Son évolution a un haut degré d'autonomie ; 2° Elle a tendance à progresser selon une direction céphalo-caudale sauf de rares exceptions et variations ; est jeune, plus la vitesse de croissance est 3° Plus l'organisme grande (taille, poids et différenciation progressive) ; 4° Le développement des fonctions antagonistes des systèmes neuromoteurs (la capacité musculaire d'extension et de flexion) est entremêlé ; ceci se manifeste dans le balancement périodique de la domination de chacun des systèmes ou fonctions, avec une modulation de l'activité qui en résulte ; progressive et avec l'intégration 5° La croissance est sujette à des fluctuations progressives qui aboutissent à des conditions et des réponses plus stables ; j'ai déjà fait allusion à ceci en parlant de la tendance à atteindre des stades ou noeuds, avant de se diriger dans une autre direction de développement ; 6° Elle se fait le plus souvent selon un principe d'individualisation c'est-à-dire que le développement comporte toujours une réponse de l'organisme entier et la croissance de chacune de ses parties ou systèmes ne dépasse pas beaucoup les limites de l'ensemble. Cette réponse de le caracl'organisme entier n'exclut pas, sur une base constitutionnelle, tère unique de l'individu dans des détails spécifiques [12] (1). de l'individu n'est cependant pas L'organisation homéostatique aussi stable et efficace qu'elle le sera plus tard. Le principe de vie semble prendre plus de force après les grands accroissements et fluctuations du développement. Le taux de mortalité de la période néonatale (2 à 4 premières semaines) est extrêmement élevé et est sans doute dû à l'incapacité du nouveau-né de s'adapter promptement à l'expérience de la naissance, et spécialement au changement de milieu. Après les un rôle deux premières années de la vie, le Moi joue certainement des divers aspects d'une dans la synthèse et l'intégration important expérience donnée, quelle que soit sa nature (Nunberg) [34] [35]. Mais à l'intégration, cette tendance de l'organisme qui est liée plus tard, sans doute de façon organique, au principe homéostatique, existe à un (1) GESELL (A.), « L'ontogenèse du comportement chologie de l'enfant de CARMICHAEL. infantile » ; chap. VI du Manuel de psy-
  • 41. QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LA RELATION PARENT-NOURRISSON 33 certain degré même avant et pendant le premier développement du Moi, alors que l'expérience ne contient à aucun degré appréciable, une vraie relation d'objet. Il n'y a sans doute pas de stade où le caractère autonome des processus de maturation est plus clair que pendant la vie intra-utérine où ils sont cependant couplés à une dépendance essentielle de l'embryon ou du foetus à la mère, pour sa vie même. En effet, sans cette complète enveloppe protectrice maternelle et sans la nourriture reçue passivement, le très jeune embryon ne pourrait pas croître en taille et en complexité à cause de l'inévitable et exorbitant besoin de subsistance, simplement pour maintenir la chaleur du corps, étant donné la proportion relativement élevée de surface corporelle par rapport au volume [31] (1). Les idées concernant l'influence maternelle sur l'enfant avant sa naissance ont beaucoup varié ; il y a eu d'une part les vieilles croyances superstitieuses suivant lesquelles les attitudes et les expériences spécifiques de la mère pendant la grossesse marquent l'enfant et, d'autre part, le concept lui aussi dérivé des fantasmes, d'une vie intra-utérine Nos complètement exempte de toute influence maternelle troublante. connaissances sur ce sujet sont encore incomplètes. Mais il semble significatif qu'en général, des troubles graves chez la mère peuvent, selon leur nature, affecter la nutrition et la taille du foetus ou provoquer une réactivité plus élevée à certains stimuli. Mais autrement, il n'y a d'ordinaire pas d'interférence avec les schémas de croissance du foetus. Il est cependant évident qu'il y a des époques de la vie intra-utérine où l'accélération du développement de la taille et les changements de forme sont relativement plus grands que ce qui se passera après la naissance. Et il y a des périodes de plus grande vulnérabilité où les facteurs externes peuvent avoir un effet catastrophique (2). Mais en général, ce sont des stimuli endogènes plutôt qu'exogènes qui déterminent nettement le développement de la taille et de la forme. Gilbert décrit les anomalies du développement en termes de troubles de la croissance à des stades critiques [14]. Il peut être intéressant aussi, à propos de schéma autonome de la croissance, de savoir que l'évolution du poids des prématurés après la naissance se conforme à celle des foetus de mêmes taille et âge, plutôt qu'à celle des nourrissons nés à (1) MEDAWAR (P. B.), Le caractère unique de l'individu, chap. V. (2) « Le premier trimestre de la grossesse... alors que l'organogenèse progresse rapidement, est une période de grande sensibilité à l'influence des maladies maternelles, notamment la rubéole. Le second trimestre (4, 5, 6e mois) est beaucoup plus sûr alors que le troisième trimestre est à nouveau un peu plus dangereux » [Traité de pédiatrie de NELSON, p. 27). PSYCHANALYSE 3
  • 42. 34 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE terme et qui ont le même âge, par rapport à la date de naissance (Scammon, 1922) [37]. La tendance de la maturation à s'étendre dans une direction céphalocaudale a beaucoup d'importance pour l'étude des premiers déterminants du développement du Moi. En effet, cela signifie qu'à un âge précoce, la maturation des sens (olfaction, vision, ouïe) et de l'activité de la bouche est relativement neuro-musculaire plus avancée que celle qui concerne les mouvements des mains et des pieds et même du tronc. De même, la convergence des yeux apparaît avant les mouvements contrôlés des mains et des avant-bras qu'elle aide à progresser. Au début, les bras et les jambes ont tendance à réagir comme des touts, et les à l'action viennent principalement de l'épaule et de la impulsions ceinture pelvienne. Quand la maturité avance, la mobilité se manifeste au coude et au poignet ainsi qu'au genou et à la cheville. Vers 4 mois, les coudes et les doigts participent aux mouvements de préhension avec de plus en plus d'efficacité jusqu'à ce que, vers 9 ou 10 mois, ils atteignent la même efficacité que l'épaule (Halverson) [20]. Mais à 4 mois, les muscles oculaires ont déjà atteint un degré appréciable de converdes mouvements contrôlés de l'avant-bras gence. Le développement et des mains est donc nettement en retard sur celui des mouvements visuels et de la convergence. Encore plus frappante est la disparité dans le temps du développement du contrôle aux deux extrémités du tube digestif. Les mouvements de la bouche sont bien développés dès la anal n'est atteint que naissance, alors que le contrôle du sphincter plusieurs mois plus tard. Ceci est un tel truisme analytique que l'on en tant que partie du schéma des pourrait négliger ses implications sur la signification de la Je reviendrai séquences de développement. direction céphalo-caudale de la maturation le dévequand j'étudierai loppement du Moi corporel. LE MOI CORPOREL Les travaux de Hoffer [27] [28] [29], sur le développement du Moi corporel offrent un excellent point de départ pour cette discussion. Il se base sur la conception mise en avant par Hartmann, Kris et Loewenstein [23] selon laquelle et le Moi et le Ça viennent d'un état de Freud pour qui le Moi indifférencié, plutôt que sur la formulation se différencie du Ça (1927) [9] et pour qui le premier pas le plus fondamental qui conduit à la différenciation du Moi « concerne la capacité du nourrisson de distinguer entre le soi et le monde qui l'entoure ».
  • 43. QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LA RELATION PARENT-NOURRISSON 35 Hoffer entreprend l'examen des diverses façons par lesquelles le soi corporel peut se séparer de « l'autre » (n'importe quoi dans le monde extérieur). Freud avait parlé de perceptions internes, plus fondamentales et plus élémentaires que les perceptions extérieures auxquelles le nourrisson de la réponse du corps à lui-même et aux répond aussi, c'est-à-dire organes internes, par des états variables de tension et de détente. Il semble alors que ces derniers pourraient fournir le point central d'une vague conscience corporelle. S'il est exact que les états corporels qui donnent naissance à ces perceptions ne sont en aucune façon complètement chaotiques mais plutôt sont déjà unis de quelque façon par les schémas internes du développement cette quasi-orgaontogénétique, nisation en elle-même pourrait contribuer à fournir un noyau à l'image à son début ; et alors le problème de la séparation corporelle primitive se centrerait surtout sur la surface du corps (1) et sur la connaissance des fonctions qui participent aux perceptions de contact principalement de diverses intensités (2). Le toucher a certainement une grande importance dans la délimitation du soi par rapport au non-soi du corps, par rapport à l'environnement. C'est par lui que sont connues les perceptions de différences de température, de texture, d'humidité et beaucoup d'autres changements subtils dans les sensations et les pressions kinesthésiques vibratoires ; ce sont ces différences qui s'organisent peu à peu en un sentiment de degrés de séparation ou d'unicité. Hoffer dit que l'importance du Moi corporel, repose spéciale du toucher, pour le développement sur le fait que toucher son propre corps provoque deux sensations de même qualité ; au fur et à mesure où ces surfaces à réponses sensorielles fait un grand semblables s'unifient ou se rassemblent, le nourrisson (1) J'ai eu l'idée que la naissance elle-même est le premier agent qui prépare la conscience de la séparation ; ceci se fait par la pression considérable exercée sur la surface corporelle et par la stimulation de cette surface pendant la naissance et surtout par les changements de pression au cours du passage du nourrisson de la vie intramurale à la vie et de conditions thermiques extramurale [16]. (2) Il est intéressant à ce sujet de noter que l'épaisseur du tissu sous-cutané croît rapidement pendant les neuf premiers mois alors que la croissance générale du corps ralentit. Après quoi cette épaisseur diminue de telle sorte qu'à 5 ans, elle est à peu près la moitié de ce qu'elle était à 9 mois (Manuel de pédiatrie de NELSON, p. 15) [33]. Il est possible que ceci soit en partie une réponse au besoin de conserver sa chaleur pendant une période où la croissance, quoique ralentie, avec les conditions du milieu. On retrouve une augmentation est toujours hors de proportion semblable du tissu sous-cutané à,la prépuberté et une nouvelle diminution quand la croissance En liaison avec cette adaptation générale ralentit. réciproque des divers moyens de croissance, il faut noter que cette première augmentation après la naissance des tissus sous-cutanés locomotrice diminue à un moment où l'activité (se traîner, essayer de marcher, périphérique est définitivement entrée dans une nouvelle phase. jeux musculaires),
  • 44. 36 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE de son corps par rapport au monde pas en avant dans la délimitation extérieur. Mais je voudrais ajouter que le toucher peut aussi être un puissant support du contraire, c'est-à-dire encourager un sentiment d'unité avec l'autre, le non-soi, si « l'autre » est le corps chaud de la mère ou de la nourrice, ou s'en rapproche. La différence de température, texture, odeur, élasticité, est alors relativement faible (comparée par exemple aux mêmes qualités d'un objet inanimé), et l'enfant y est déjà habitué. décrit par Winnicott L'objet transitionnel [41] est un témoignage de ce besoin de contact avec le corps de la mère qui s'exprime de façon si touchante dans la préférence marquée du nourrisson pour un objet durable, doux, souple, chaud au toucher, mais surtout dans la demande qu'il reste saturé d'odeurs corporelles. Quoique l'odeur confortable et choisi vienne en fait du propre corps familière de l'objet transitionnel du nourrisson, le fait de le presser d'habitude contre la figure, tout près du nez, indique combien c'est un substitut du sein probablement maternel ou du tendre cou de la mère. Il est virtuellement impossible au nourrisson une partie de son propre corps comme d'employer une aussi bonne simulation du sein. Ses tentatives avec ses doigts et ses orteils ne peuvent être complètement satisfaisantes, à cause du manque de douceur des doigts et à cause de leur différence de configuration par rapport aux courbes et aux creux du corps maternel. Quant à la vision, il me semble qu'elle est non pas accessoire, mais à l'établissement de la confluence des diverses surfaces indispensable du corps et à la prise de conscience de la délimitation de soi par rapport au non-soi. Toucher et absorber par les yeux (vision) les différentes parties du corps aide à se faire une idée d'ensemble du corps, à en dessiner une image centrale qui dépasse le niveau de la simple connaissance sensorielle immédiate. En plus, la perception visuelle convergente (possible très tôt, selon le principe de la maturation céphalo-caudale), qui diffère des contacts corporels réciproques entre les diverses parties du corps par le toucher du cutané, permet une sorte de point de départ du développement Moi à un niveau mental (1). C'est une fonction d'auto-observation qui prend de l'importance quand elle se combine à l'auto-perception par le toucher, et le contrôle, afin de former une image du soi corporel et de la séparer des autres objets, animés ou non. (1) GESELL écrit : « Les yeux montrent le chemin de la conquête et de la manipulation de l'espace. Le bébé prend possession du monde physique par la vue longtemps avant de pouvoir s'en saisir manuellement. Il peut remarquer une bille de 7 mm de diamètre 20 semaines avant de pouvoir la prendre avec ses doigts » (Ontogenèse du comportement de l'enfant) [12].
  • 45. QUELQUES Hoffer CONSIDÉRATIONS SUR LA RELATION PARENT-NOURRISSON 37 retrace ensuite l'intégration de l'activité cheiro-orale qui apparaît et gagne en capacité de direction et de contrôle, au cours des troisième et quatrième mois (10 à 16 semaines). Il considère que : du plaisir ; 2) Le fonctionnement probable de la mémoire 1) L'apparition qu'on peut voir dans l'emploi régulier de schémas définis de suçage du doigt ou de la main ; 3) L'existence possible de l'épreuve de la réalité par le rejet des autres objets offerts ; et 4) La maîtrise considérable que peut exercer le nourrisson sur la satisfaction de son besoin en suçant un doigt — tous ces développements indiquent nettement les débuts du Moi. Je suis entièrement d'accord avec tout ceci mais cependant, à la vision dans je donnerais une place beaucoup plus importante l'établissement de ce contrôle organisé. Il est certain que l'influence pénétrante et puissante de la vision est très tôt apparente, dès que le nourrisson commence à indiquer un choix par les mouvements de la tête (Spitz) [39]. Le non est un refus parce qu'en tournant la tête de côté, le nourrisson dispose de l'objet stimulant gênant en l'écartant de sa vue ; tandis que le oui, par son mouvement de haut en bas, permet à l'objet de rester dans le centre de la vision, et de s'affirmer à nouveau. Le non semble donc lié à un échec de l'hallucination négative qui en s'extériorisant, gagne une force secondaire de communication. Mais c'est dans une large mesure la bilatéralité des yeux qui détermine le contraste entre l'affirmation et la négation. LA LE MATURATION, ET LE PLAISIR DÉBUT DE DU FONCTIONNEMENT L'AGRESSION de me semble depuis longtemps qu'il faut chercher l'origine l'agression ainsi que du plaisir libidinal dans les premiers processus de maturation. Peut-être même l'agression et la satisfaction corporelle sontelles par moment des aspects superposés de la croissance même, c'est-àdire la satisfaction à la période qui précède le début du Moi ou l'instauration à un degré appréciable d'une relation d'objet. A cette période et les premières semaines après la (spécialement la vie intra-utérine Il naissance), l'activité physique de l'organisme consiste principalement dans la multiplication des éléments cellulaires et dans leur différenciation et organisation en divers systèmes d'organes. Même l'activité des divers organes est généralement très en-dessous de ce qui se développera pendant l'enfance. Pendant que les divers systèmes se perfectionnent, le degré de croissance en volume, poids et complexité d'orga-
  • 46. 38 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE nisation est stupéfiant. Si cela devait continuer sans s'affaiblir après le de la grossesse, une fois que l'organogenèse est premier trimestre terminée, toute autre vie serait bientôt expulsée. Mais, paradoxalement, une telle croissance ne peut exister que quand l'organisme est dans un état relativement sans défense et qu'il a pour but essentiel de croître plutôt que de fonctionner. Après le troisième mois de la vie foetale, un fonctionnement actif indépendant commence à apparaître. La mère sent des mouvements des extrémités du foetus, comme des coups de pied, des poussées (1). Le développement, dans le sens d'accroissement, diminue alors, bien qu'il soit toujours prodigieux, si on le compare à ce qu'il sera à l'époque post-natale, quand ces mouvements de coups de pied seront utilisés pour ramper, ou pour les premières tentatives de marche ou lorsque plus tard, les coups de pied seront une marque d'hostilité dirigée contre l'objet. Il faut poser ici la question d'un plaisir rudimentaire tiré du fonctionnement de même que son corollaire, la manière dont plus tard, cela mène au plaisir du Moi à fonctionner, ou s'y rattache. J'ai déjà parlé de l'opinion de Hartmann selon laquelle le plaisir tiré des fonctions du Moi en développement est essentiel pour l'acceptation de la réalité ; et de la conception de Hoffer pour qui l'apparition du plaisir tiré du fonctionnement des mouvements cheiro-oraux est un des critères du début de la formation du Moi (à un niveau mental). J'ai mentionné d'une gratification infantile lors d'une réussite, par exemple l'apparition le début de la marche. Toutes ces références concernent le comportement au début ou aux premiers stades du développement psychologique du Moi. Dans les périodes pré- et post-natales, il ne peut cependant y avoir Dans le premier qu'une forme de base du narcissisme, très primitive. travail de Freud sur le narcissisme [10], il parle de la « libido narcissique du foetus » et à nouveau du « complément libidinal à l'égoïsme de l'instinct de conservation, de toute créature vivante ». Dans le attribut chapitre sur « L'analyse de l'angoisse », dans Le problème de l'angoisse [11] il exprime l'opinion qu'à la naissance le foetus ne peut pas ressentir autre chose qu'un trouble grossier de l'économie de sa libido narcissique qui (1) Le coeur du foetus commence à battre le premier mois. Corner expose ceci d'une façon très imagée : «... les mois qui précèdent la naissance sont à leur façon la partie la plus fertile en événements et nous la passons très rapidement. Au début, le corps consiste en une cellule ; au moment de la naissance, il en a deux cents billions... Vous aviez les débuts d'un cerveau avant d'avoir des mains, et vos bras avant vos jambes ; vous avez développé vos muscles et vos nerfs et vous avez commencé à vous battre. » « Nous mêmes avant la naissance », chap. I, L'embryon, germe et archive, Goerge W. CORNER [3].
  • 47. QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LA RELATION PARENT-NOURRISSON 39 vient de « la pression de grandes quantités d'excitation provoquant de nouvelles sensations de déplaisir : de nombreux organes renforcent un investissement en leur faveur comme si c'était le prélude à l'investissement objectai qui va bientôt commencer » (pp. 96-97, 102) (1). Avec toutes ces opinions à l'esprit, on peut se demander si on ne peut décrire cette forme précoce du narcissisme comme l'investissement libidinal de la croissance, avant qu'une vie indépendante ne soit possible. La question suivante est alors de savoir si le concept de déplaisir n'a pas sa contrepartie dans une forme plus précoce de plaisir : un prélude, peut-être guère plus qu'un stade de repos relatif, d'aisance avec une tension diminuée, un léger plateau dans le développement comme on peut sans doute en supposer vers le 3e ou le 4e mois de la grossesse, avant le début d'une nouvelle phase ou d'une nouvelle forme d'activité. Il ne faut pas oublier cependant que la diminution de la tension est due non pas à un arrêt de l'activité mais bien plutôt à un assouplissement de la performance ou de l'activité récemment acquise. Il me semble que dans la première enfance, on voit de telles périodes, autour du 4e ou du 5e mois, ou de nouveau vers le 15e ou le 16e mois, en relation avec des réussites fonctionnelles spécifiques. A ces stades ou points de développements plus généraux, il y a un léger sentiment de bien-être, et d'engrenage, des activités en inter-relation, avec en d'ajustement même temps, un adoucissement temporaire de l'urgence des anciennes pressions. A ce moment, de nouvelles tendances de la maturation peuvent être ressenties comme une stimulation plaisante plutôt que vécues encore comme des accumulations de tension inconfortables. Il semble qu'alors, une partie fondamentale du schéma a surgi des processus entremêlés et sans fin de la croissance. de Quels sont donc les stades antécédents dans le développement l'agression ? Mais tout d'abord comment la définir ou la décrire ? On s'accorde d'habitude à reconnaître qu'il y a deux groupes de tendances instinctuelles : sexuelles et agressives. D'un point de vue bioau service de logique, on peut considérer qu'elles sont respectivement Mais du point de vue de l'adaptation indivil'espèce et de l'individu. duelle à la vie, il est évident qu'on ne peut les réduire à ces seuls termes. Il me semble d'autre part utile de ne pas négliger complètement les des débuts biologiques de l'activité même quand on essaye implications (1) Dans des articles à l'angoisse, Ire Partie, foetal [16] [17]. anciens sur L'économie biologique de la naissance et La prédisposition j'ai étudié les implications théoriques de ce concept de narcissisme