3. Sommaire
Histoire 60 ans après
4 26
Expositions, conférences, théâtre, cinéma, cérémo-
4
Rennes dans la drôle de guerre
nies commémoratives et hommages divers.... Comme
8
Le quotidien de l’Occupation
elle l’avait fait en 1984 et 1994, Rennes a célébré
12
Résistance et répression
le 60e anniversaire de sa libération par un intense
16
Rennes sous les bombes
travail de mémoire qui a mobilisé toutes les géné-
20
4 août 1944 : Rennes libérée rations de Rennais. Rappel de la chronologie de ces
24
Reconstruire événements qui ont couru de fin 2003 à mi- 2005.
— —
2
4. Édito
Le 4 août 1944, chacun le sait et s’en souvient,
la 4e Division blindée américaine, commandée par le
général Wood, entrait dans Rennes et libérait la ville,
après quatre années d’occupation et d’horreur.
Cette grande date, il nous faut, sans cesse et sans cesse,
la rappeler. Nous revient
alors cette phrase de Victor
Hugo : “Quand la nuit
essaie de revenir, il faut
allumer les grandes dates
comme on allume des
flambeaux”, non point
pour figer ce temps comme un monument de marbre ou
de bronze, mais pour faire vivre la mémoire, sentinelle
de l’esprit, face à l’oubli.
En hommage à toutes celles et tous ceux qui ont permis
à notre pays d’être libre et de vivre, la Ville de Rennes
– citée, faut-il le rappeler, à
l’Ordre de l’Armée – commé-
more cet anniversaire. Le
soixantième est, bien évi-
demment, marqué d’un sceau
particulier : les manifesta-
tions organisées, de par leur
richesse, leur diversité et leur authenticité, ont traduit
Annexes l’intérêt que la Ville de Rennes porte à cet indispensable
34 travail individuel et collectif de mémoire, laquelle prend
Discours d’Edmond Hervé forme de contrat de vigilance entre les générations.
34
le 4 août 2004
La présente publication, promise et attendue, donne, à
36
Conférences de l’Hôtel de ville ce soixantième anniversaire, la place qui lui revient.
Site internet
39
www.liberation.rennes.fr Edmond HERVE Jeannine HUON
maire de Rennes adjointe au maire
président de Rennes Métropole chargée des Relations extérieures,
Relations publiques
3
— —
6. Été 1939. Au bord de la Vilaine, Rennes, diri-
Septembre 1939. Suite à la
gée par l’entrepreneur François Château, vit tran-
mobilisation, les fantassins de l’armée
française, en route pour le front, quillement sa vie de ville de 100 000 habitants,
remontent la rue Gambetta. capitale administrative de la Bretagne. Mais dès la
mobilisation générale, puis la déclaration de guerre,
la cité, par sa situation de carrefour ferroviaire, son
aérodrome, sa fonction militaire (hôtel de com-
mandement de la Circonscription militaire de
défense, Arsenal) vit de près la « drôle de guerre ».
C’est bien sûr le départ des troupes pour le front,
avec des défilés qui sortent de la caserne du
Colombier sous les yeux émus des familles. C'est
aussi l’hébergement, tout autour de Rennes, de
soldats britanniques ou polonais. Puis un peu plus
tard, l’arrivée de premiers réfugiés du Nord, dont
l’Ille-et-Vilaine est département d’accueil. Mais ils
viendront aussi de la région parisienne à partir
de mai-juin 1940, quand la poussée allemande
provoquera la débâcle. Ils seront alors bientôt
140 000, de passage ou à résidence. La solidarité
se met en place : fin mai 1940, 17 000 repas sont
servis par jour.
Rennes se prépare à une guerre qui la touchera
directement, contrairement à celle de 1914-1918
où les champs de bataille avaient épargné une
bonne partie de la France. Le 31 octobre 1939, la
municipalité met en place « Un comité national
de secours de guerre ». Avec l'organisation de la
Défense passive, la ville est partagée en 132 îlots.
En juin 1940, quand les événements se précipitent
(invasion allemande, déplacement du gouverne-
ment à Bordeaux), Rennes est un temps au cœur
d’un débat stratégique militaire : faut-il créer un
réduit breton pour contrecarrer l’avancée alle-
mande ? Le Général de Gaulle, (alors sous-secrétaire
d’État à la Défense dans le gouvernement Reynaud)
vient deux fois à Rennes, les 12 et 15 juin, pour
5
— —
7. 1 Rennes dans
la drôle de guerre
étudier cette question posée trop tardivement. Le 17 juin, Pétain
succède à Reynaud et demande l’armistice. Le 18, de Gaulle est à
Londres pour lancer son appel à la résistance.
Rennes entre en guerre de façon brutale et tragique le 17 juin
1940 avec le bombardement allemand de la plaine de Baud. Quatre
trains sont touchés : un de munitions, un de réfugiés, un de sol-
dats français rapatriés du Nord et enfin un de soldats britan-
niques. Le bilan du carnage est lourd : environ 2 000 morts. Le
lendemain, Rennes est occupée.
Septembre 1939.
Le 41 régiment d’infanterie
e
défile devant la caserne
du Colombier.
6
— —
8. 17 juin 1940. Le bombardement de la plaine de Baud
vu d’un balcon de l’avenue Aristide-Briand.
■17témoignage: d’un secouriste ■À Pontchaillou,
juin 1940
l’accueil des réfugiés
le
Le sergent François Limeul, membre de la 5 e compagnie du De mai à juillet 1940, l’écrivain Georges Duhamel est
42 e régiment régional de la Défense passive a participé durant alors jeune médecin. Il sert à Pontchaillou, où se déverse
la guerre aux sauvetages de tous les bombardements le flot des réfugiés et des blessés de guerre. Il raconte
sur Rennes. Mais il «n’a jamais vécu une journée plus terrible et ces moments dans « Lieux d’asile », un livre censuré par
plus poignante que celle du 17 juin 1940 ». Témoignage. l’Occupant. Extrait.
« Une formidable explosion, dont les effets se firent sentir à « Nous avons d’abord reçu les reliquats, les débris des
plusieurs km, secoua la ville. Je me rendis immédiatement, hôpitaux submergés par la bataille, là-bas, sous le ciel du
conformément aux ordres, vers la plaine Saint-Hélier. Les nord ; ceux qui venaient de subir une opération délicate et
destructions et les incendies augmentaient à mesure que nous qui attendaient, immobiles dans un appareil rigide, que les
approchions du sinistre. Mais je n’osais entrer dans la fournaise, tissus finissent par renaître et se recoller, ceux qui
des wagons de munitions explosant sans arrêt, et qui semblaient pleuraient à la pensée qu’on pouvait déplacer d’un
interdire tout secours aux blessés allongés sur le ballast et dans centimètre les poids de fer qui tiraient leur jambe brisée,
la prairie de la ferme du général Lefort. ceux qui demandaient, le soir, un coussin supplémentaire
À ma grande stupéfaction, j’ai vu le lieutenant Lebastard, des pour passer sans trop d’angoisse les longues heures de la
Sapeurs-Pompiers, sortant seul des flammes, portant un blessé nuit, celles qui venaient d’enfanter douloureusement et
dans ses bras et marchant tranquillement sous des avalanches de dont on disputait l’existence, heure par heure, à l’infection,
portières de wagons et de ferrailles. Il m’a entraîné avec quatre les vieillards qui escomptaient une survie improbable avec
brancardiers, portant lui-même un brancard sur les épaules. leur sonde de caoutchouc enfoncée dans le bas-ventre, ceux
Sur place, il a rassemblé les bonnes volontés et organisé les secours, qui perdaient leurs excréments par une boutonnière du
encourageant sans cesse les hommes par les paroles que je flanc et qu’il fallait changer de pansement au moins deux
n’oublierai jamais : « Quand on fait cela, on est protégé ». À ceux fois par jour, les tuberculeux aux os cariés, emprisonnés
qui n’en pouvaient plus, de fatigue et de peur, il demandait un peu dans de lourds corsets de plâtre, les agonisants qui ne
de courage […] Une centaine de femmes, d’enfants et de soldats savaient même plus parler, même plus se plaindre…
ont dû la vie au lieutenant Lebastard […] » Sont venus ensuite les blessés de cette guerre… »
7
— —
9. 2 Le quotidien
de l’Occupation
Dès le 18 juin 1940, Rennes vit à l’heure allemande et
sous le régime de Vichy. L’hôtel Richelot, rue Martenot devient la
Kreiskommandantur (commandement régional), le péristyle sud
de la mairie abrite la Platzkommandantur et l’ancienne faculté des
lettres de la place Hoche la Feldkommandantur. Près de 30 000
prisonniers de guerre français attendent leur départ pour
l’Allemagne tandis que les soldats des territoires d’outre-mer sont
confinés dans les casernes Margueritte, du Colombier, au parc des
sports, route de Lorient, et dans le camp de la Marne, bd Jean-
Mermoz.
Juin 1940. Arrivée des soldats allemands place de la Mission.
— —
8
11. 2 Le quotidien
de l’Occupation
Privés de libertés (couvre-feu de 23 h
à 5 h du matin, presse aux ordres, zone
côtière interdite, introduction des aus-
weiss-laisser-passer, interdiction des messes de minuit pour le Noël
40 etc.), les citoyens sont vite préoccupés par le problème majeur
de l’époque : le ravitaillement dont le QG se trouve au Palais Saint-
Georges. Les cartes de rationnement font leur apparition, la disette
aussi, en 1941. Les règlements du gouvernement de Vichy contri-
buent à aggraver la pénurie (et le marché noir), à laquelle s’ajou-
tent les sévères réquisitions de l’occupant. Dès 1940, les 9/10e des
stocks de l’Économique sont confisqués par les Allemands. Les
Rennais qui ont des contacts avec les agriculteurs s’en tirent mieux.
En janvier 1942, le préfet tire la sonnette d’alarme : « les légumes
ont presque disparu, la viande est rare, et le cidre manque ». Ceci
dans un département très agricole. Le 18 février 1944, les bou-
langeries sont fermées les jeudi, dimanche et lundi, en raison de
la pénurie de pain.
Jusqu’en 1943, la vie scolaire se déroule tant bien que mal. En
1941, l’œuvre des cantines scolaires ouvre 14 lieux pour accueillir,
L’ancienne Caisse d’Épargne,
le midi, les enfants des écoles privées et publiques. Mais après les rue Martenot, investie par
la Kreiskommandantur,
premiers bombardements alliés de mars et mai 1943, très meur-
l’Intendance allemande.
triers, la population scolaire de Rennes est évacuée dans les cam-
pagnes. 15 000 enfants, de 3 à 14 ans, sont répartis sur une
vingtaine de communes. Même repli pour les trois établissements
secondaires rennais. Direction La Guerche pour le lycée de jeunes
filles. Le Collège Moderne s’éclate sur Champeaux et Le Theil.
Enfin le lycée des garçons est disloqué en cinq parties : Tresboeuf,
Lalleu, Thourie, Louvigné-de-Bais et Janzé.
Cinémas et théâtre continuent à vivre sous l’Occupation mais sous
liberté surveillée. Quant aux transports, ils sont essentiellement
assurés par la bicyclette, instrument roi de l’époque. Pour l’ali-
mentation en eau, gaz, électricité, tout ira en s’aggravant…
1o
— —
12. ■Les lieux allemands à Rennes
Le site www.liberation.rennes.fr propose de retrouver
sur une carte les sites de la présence allemande à Rennes.
En voici quelques exemples.
Kreiskommandantur (direction régionale) : hôtel Richelot,
rue Martenot.
Platzkommandantur : commandement local de Rennes, péristyle
sud de la mairie de Rennes.
Feldkommandantur (commandement départemental) :
place Hoche, ancienne faculté des lettres.
SD (services de sécurité allemands) : cité des étudiants,
rue Jules-Ferry.
Bureau de la gestapo : rue de Fougères, hôtel de Caradeuc,
angle rue Desfossés.
Orpo (police spéciale) : 8, bd Volney.
Un dépôt de matériel avait été aménagé dans le couvent
des Jacobins et un service sanitaire à l’Hôtel-Dieu.
Sans oublier la Kriegsmarine route de Lorient, l’occupation
de l’aérodrome de Rennes-Saint-Jacques-de-la-Lande.
Il faudrait énumérer aussi les sites dédiés à la Luftwaffe
et les nombreuses réquisitions de logements ou de chambres
chez les particuliers.
Et puis aussi noter la présence sur la fin de l’Occupation de
■Les tracas quotidien d’une ménagère ce qu’on appellera longtemps le Bois des Allemands (aujourd’hui,
le parc des Hautes-Ourmes). En mai 1944, les Allemands
réquisitionnent cette propriété privée pour en faire un cimetière
Dans un mémoire de maîtrise dirigé par Jacqueline régional pouvant accueillir jusqu'à 380 tombes. La première
Sainclivier, Marie-Claude Le Gouenan traite des problèmes inhumation a lieu le 20 juin 1944. Il y en aura 190 jusqu’au
de ravitaillement sous l’Occupation. Nous en extrayons le premier août, ainsi que 173 exhumations et transferts, du cimetière
témoignage d’une Rennaise, Mme Guittier. de l’Est notamment. En 1961, toutes les dépouilles auront été
« Pour avoir nos rations, je me rappelle avoir attendu près transférées au Mont d'Huisnes (ossuaire allemand en Normandie).
d’une heure et demi devant la porte de mon boucher. Du jour
■Quelques menus de cantine
au lendemain, les files d’attente sont devenues le lot
quotidien de toutes les ménagères ». Les rations se réduisent,
de 60 grammes de viande par jour à 100 grammes par
semaine en octobre 1941… « Certes, cette mesure assurait
Semaine du 15 au 20 décembre 1941.
un minimum, mais la ration était si infime qu’on avait
Lundi : soupe aux légumes, légumes de la soupe avec rillettes de porc.
l’impression d’être complètement privé de viande ». Le
Mardi : soupe aux légumes, légumes de la soupe avec rillettes de porc.
poisson ? Mêmes files d’attente et raréfaction. « Que les
Mercredi : pot-au-feu, viandes et légumes.
rations de viande soient diminuées, tout le monde l’acceptait
Jeudi : pot-au-feu, ragoût de bœuf aux pommes de terre.
plus ou moins bien, mais qu’il n’y ait plus de poisson en
Vendredi : bouillon au Kub, riz au gras.
Bretagne, c’était un peu fort ! ». Et pour l’épicerie ? « Du
Samedi : soupe aux légumes, pâtes au fromage.
sucre, on n’en avait jamais assez, alors on utilisait de la
Semaine du 27 avril au 2 mai 1942.
saccharine. Ce n’était peut-être pas aussi bon, mais on ne
Lundi : bouillon de haricots au vermicelle, haricots au gras, chocolat.
faisait pas les difficiles ». Quant à l’huile, Mme Guittier
Mardi : pot-au-feu, viande et légumes.
trouve la parade à la pénurie : « je faisais fondre la graisse de
Mercredi : bouillon de pot-au-feu, miroton de bœuf.
la viande pour assaisonner mes salades ». Les œufs sont rares
Jeudi : soupe de légumes, ragoût de bœuf.
également : « mon épicier me répondait toujours qu’il n’en
Vendredi : soupe aux légumes, bœuf vinaigrette.
avait pas. On pouvait quand même avoir de temps en temps
Samedi : soupe aux légumes, bœuf miroton.
des conserves d’œufs mais des œufs frais, c’était impossible
pour les gens comme moi qui n’avions pas la chance d’avoir Sources : « Parenthèses, anecdotes exhumées des archives municipales,
des amis agriculteurs ». Rennes 39-45 », Germain Gérard.
11
— —
14. Si la majorité des Rennais est à l’image
du pays, attentiste, au tout début de l’occupation
11 mai 1941. allemande et du gouvernement Pétain, des actes
Manifestation silencieuse individuels ou de petits groupes isolés montrent
des Rennais, rue Le
une certaine résistance. Il y a d’abord, dès le
Bastard, à l’occasion de la
17 juin, avant l’appel du 18, ces deux jeunes
fête de Jeanne d’Arc.
apprentis rennais, Bernard Lucas et Roger
Leprince, qui rejoignent Londres.
Graffitis dans les urinoirs, affiches allemandes
lacérées…, tous ces faits sont rigoureusement
consignés par le commissaire de police dans ses
rapports au préfet. Le 17 septembre 1940, Marcel
Brossier, accusé d’avoir saboté un câble télépho-
nique, est le premier fusillé de la Résistance à
Rennes.
Un embryon de réseau se constitue autour du rece-
veur municipal Simon (en lien avec le groupe
Maurel de Montfort) mais il faut attendre 1941,
avec la publication d’un journal “La Bretagne
enchaînée” pour voir émerger une Résistance orga-
nisée qui s’enhardit publiquement avec une mani-
festation devant le cimetière de l’Est, un an près
le carnage de la plaine de Baud.
1942 est l’année de la radicalisation de part et
d’autre. La Gestapo démantèle plusieurs réseaux,
tandis que la Spac du gouvernement de Vichy (ser-
vice de police anticommuniste) est à l’œuvre et
amène des résistants devant la Section spéciale de
la cour d’appel de Rennes. Le cheminot rennais
Guy Courcier y est condamné. Les prisonniers poli-
tiques sont incarcérés à Jacques Cartier et à la
centrale des femmes. De nombreux convois de
déportation vont partir de Rennes. Deux rafles
provoquent, en 1942, l’arrestation de 128 juifs en
Ille-et-Vilaine. 9 entreprises juives rennaises sont
“aryanisées”. L’année se termine tragiquement
pour la Résistance avec l’exécution à la Maltière
13
— —
15. Résistance
3 et
répression
de 25 résistants, proches des communistes, accusés de sabotage.
Ce drame frappe l’opinion et contribue sans doute à un irrémé-
diable retournement, sensible en 1943, cela malgré les bombar-
dements alliés dont va terriblement souffrir la cité rennaise.
Les réseaux de résistance, constitués en Mouvements (Libé-Nord,
avec Honoré Commeurec), Défense de la France de Maurice
Prestaut, FTP du commandant Pétri), se solidifient au fur et à
mesure, où, sur le plan international, le rapport de force change
au profit des Alliés. Deux commerces rennais servent de boîtes
aux lettres et de rendez-vous : le Cheval d’Or de Mme Tanguy et
l’épicerie de Mme Elie. La résistance cheminote s’active. La répres-
sion nazie s’abat sur le réseau Buckmaster, tandis que la police
tue, rue du Pré-Botté, Jean-Claude Camors (réseau Bordeaux-
17 septembre 1940.
Loupiac). Le noyautage de l’administration préfectorale permet
Annonce de la
la “disparition” de 3 000 cartes de travailleurs pour le STO en
condamnation à mort
Allemagne. de Marcel Brossier,
Début 1944, les occupants, sur le qui-vive, accentuent leur premier fusillé de la
Résistance à Rennes.
répression. Ils reçoivent le concours de la Milice et de tous les
partis collaborateurs qui ont pignon sur rue à Rennes. Le 8 juin,
32 résistants, dont 9 Républicains espagnols, sont fusillés au
Colombier. Parmi eux, Maurice Prestaut, chef de Défense de la
France pour la Bretagne. Dans la nuit du 30 juin au 1er juillet, la
Milice assassine Gaëtan Hervé, secrétaire général de la mairie,
Louis Volclair, libraire, Pierre Lemoine, Félix Ollivier, et blesse
Oscar Leroux, adjoint au maire.
À la veille de la Libération, la Résistance ne peut empêcher deux
derniers convois de déportés de partir pour l’Allemagne. Dans l’un
d’eux, Mme Tanguy et sa fille Paulette…
14
— —
16. ■Condamnées-libérées-déportées
Dans une quête historique liée à la déportation de sa
grande tante, le Rennais Yves Boivin a retracé l’histoire
de 245 femmes, jugées et condamnées pour activités
communistes par les Sections spéciales, regroupées à la
Centrale des femmes, et, à peine libérées par les autorités
françaises, remises à l’occupant puis déportées.
Trois convois, numéros 339, 350, 362, au départ de
Rennes, les emmènent à Romainville puis Ravensbrück,
les 5 avril, 2 et 16 mai 1944. Parmi elles, Lise London
et… Raymonde Tillon, la future femme de Charles Tillon.
Dans J’écris ton nom Liberté, elle raconte d’ailleurs une
révolte survenue dans la prison.
Dans cette prison, le 11 novembre 1942, des
surveillantes portant la cocarde tricolore manifestent
à leur façon. Ce geste sera renouvelé les 14 juillet et
11 novembre 1943.
■ L’adieu de Maurice Prestaut
Dans ses souvenirs de Ravensbrück, M me Elie l’épicière
résistante rennaise a raconté les derniers moments de
Maurice Prestaut à la prison, avant qu’il soit fusillé,
comme 31 autres camarades résistants, le 8 juin au
Colombier. Chef régional de Défense de la France, Maurice
Prestaut avait été arrêté le 10 mai 44, rue de
Chateaudun, après avoir tué un milicien et en avoir blessé
un autre.
“ Le 6 juin 44, Maurice, après qu’il se fut un peu remis des
■Un an après la plaine de Baud... actes de torture, avait essayé de me trouver dans une des
cellules, en appelant partout le prophète. Quelle émotion
de retrouver sa voix, une voix de chef qui avait tout de
Un an après le carnage allemand de la plaine de Baud, deux suite fait impression sur nous toutes. Alors, il me disait
rassemblements sont prévus au cimetière de l’Est les 15 et qu’il était condamné à mort pour avoir tué deux miliciens
17 juin 1941 pour marquer ce triste anniversaire. Au-delà du pour se défendre, qu’il ne regrettait rien, seulement d’être
souvenir et de l’hommage, il s’agit de manifester contre l’occupant fusillé au lieu de mourir au combat final, que nous serions
et le régime de Vichy. Le 11 juin, le préfet adresse une circulaire tous sauvés très bientôt et que personnellement, mes
aux maires du département : enfants étaient à l’abri. Il me dit un adieu que je
n’oublierai jamais. Le 8 juin, au matin, nous étions
“L’obéissance stricte au Maréchal reste notre seule chance de salut.
réveillés par la Marseillaise chantée à pleins poumons,
Je vous prie d’inviter de façon insistante la population à s’abstenir de
Mourir pour la Patrie, et l’Internationale. Durant une
tout rassemblement et de toute manifestation d’où pourraient
minute, nous avions cru que les Alliés étaient tout près et
désormais résulter des incidents graves avec les forces d’occupation et
que les FFI commençaient déjà à venir nous délivrer. Hélas,
des mesures sévères de répression auxquelles il me serait impossible
nous avons entendu tourner les moteurs des camions et
de faire obstacle”. En l’absence de réponse du maire de Rennes, le
tout s’est tu. Le lendemain, la prison était triste. Personne
préfet ordonne la fermeture du cimetière de l’Est les 15 et 17 et
ne parlait plus aux fenêtres, ne chantait plus parmi les
réitère ses interdictions. Les Rennais manifestent malgré tout
hommes. Dans presque toutes les cellules, il manquait un
pendant les deux jours. Le préfet décide de suspendre l’inspecteur de
ami, un patriote “.
sûreté de la police municipale de Rennes pour “refus d’obéissance”.
(on peut lire ce texte sur le site www.liberation.rennes.fr)
(In “Parenthèses” de Germain Gérard).
15
— —
17. 4 Rennes
sous les bombes
Déjà terriblement meurtrie par le bombardement
allemand du 17 juin 1940, Rennes va souffrir des bombardements
alliés. Du 18 février 1943 au 9 juillet 1944, treize raids font près
de 655 morts et des dégâts considérables. Lâchées par les for-
teresses volantes américaines, les bombes tombent souvent loin
de leurs cibles (militaires, gare SNCF, ou dépôt de la Kriegsmarine
route de Lorient).
Rennes est victime d’autres bombardements, terrestres ceux-là,
8 mars 1943.
au fur et à mesure que les Américains approchent de Rennes.
Le centre de Rennes
Deux vagues d’obus s’abattent sur la ville le 17 juillet 1944 tuant bombardé par les
Américains : près de
123 personnes dont 98 à l’hôpital psychiatrique Saint-Méen. Le
300 morts.
31 juillet, la plaine de Baud est visée. Le 1er août, nouvelle salve
qui touche le quartier Nord-Est, puis le 2 août à partir de 17 h
et pendant une partie de la nuit. La population restée dans la
cité se terre dans les abris. Les canons sont disposés à Maison-
Blanche, près de Betton, où les forces américaines sont bloquées
par les Allemands. Au total, les bombardements détruisent
500 immeubles et en endommagent près de 4 500. La ville paie
un coût élevé pour la liberté.
— —
16
19. 4 Rennes
sous les bombes
11 mars 1943.
Obsèques des victimes du
bombardement du 8 mars.
■8 mars et 29 mai 1943 : la terreur
Le premier gros bombardement allié frappe Rennes le 8
mars. Objectifs des B17 ou B 24 américains de la 8 e US Air
Force : les voies ferrées et la gare de triage SNCF. 14 h 30 :
385 bombes sont larguées du ciel durant 6 minutes.
Mais celles-ci atteignent surtout le quartier Saint-Hélier et le
champ de foire (actuelle esplanade Charles de Gaulle) où la
fête foraine bat son plein. 274 civils sont tués, 172 sont
blessés. Deux entreprises sont laminées : la brasserie Graff
rue Saint-Hélier et l’Économique. 137 immeubles sont
détruits, 2 568 sont endommagés. Le 11 mars, des obsèques
solennelles sont célébrées à la cathédrale, présidée par Mgr
Roques. Sur la route du cimetière, le convoi s’arrête place de
la mairie (rebaptisée place Pétain) où Pierre Cathala,
secrétaire d’État à l’Économie nationale du gouvernement de
Vichy prend la parole. La propagande allemande se sert du
drame pour monter l’opinion contre les “Anglo-américains”
Nouvelle terreur le 29 mai 1943, à 16 h. Les objectifs du
raid allié (britannique et américain) sont militaires et visent
particulièrement le dépôt de la Kriegsmarine route de
Lorient. Mais les unités alliées, désorganisées par une
attaque de la Luftwaffe sur la Manche, loupent leurs cibles.
Le quartier Nord-Saint-Martin est l’épicentre du séisme qui
dure de 5 à 6 minutes Le bilan est lourd : 195 morts,
188 blessés, 300 immeubles détruits, 1 700 endommagés.
450 bombes ont été larguées. À l’issue de ce
bombardement, décision est prise de faire évacuer la
population scolaire de Rennes dans la campagne.
18
— —
20. ■L’Économique détruit... ■La vague post-débarquement
La société “ L’Économique “, société de Après le Débarquement, les opérations aériennes alliées s’intensifient. Objectif :
distribution alimentaire du département, va couper toutes les liaisons notamment ferroviaires pour empêcher les
payer un lourd tribut à la guerre. Dès le début Allemands de renforcer le front normand. Après Fougères (le centre-ville
de l’Occupation, elle subit les réquisitions détruit à 80 %), Rennes est visé. Le 9 juin, entre 3 h et 4 h du matin, un raid
allemandes (9/10e de ses stocks). Le 8 mars fait 107 tués. Le 12 juin, nouveau bombardement entre 12 h 30 et 13 h 30.
1943, l’épicerie est au cœur du cyclone, rue Mgr L’hospice de Pontchaillou est touché : 70 morts. Le 18 juin : un
Duchesne, en plein quartier Saint-Hélier. Située bombardement affecte, vers 10 h, le quartier Alma-pont de Châtillon-rue de La
près de la voie ferrée, l’entreprise est détruite. Motte-Picquet. Puis à partir de 15h 30, quatre autres alertes ont lieu pendant
Les membres de la Défense passive vont retirer trois heures. Des bombes tombent sur Saint-Laurent et l’hippodrome. Le 5
des gravats, situés dans les caves qui servaient juillet, des avions surgissent au-dessus de la plaine de Baud, larguant
d’abris, les corps calcinés de 71 employés. quelques bombes et mitraillant. Le 9 juillet, vers 9 h, un nouveau
Chaque année, une cérémonie commémorant bombardement plaine de Baud ne fait pas de victimes. Le cimetière de l’Est
cette tragédie a lieu au cimetière de l’Est. est touché.
19
— —
22. Le 4 août 1944, au milieu de la matinée,
les premiers véhicules des libérateurs américains,
éléments de la 4e DB du général Wood, surgissent
place de la mairie de Rennes. Petit à petit, la foule
grossit. La liesse s’installe. Rennes est libérée.
Mais que de tensions avant ce moment tant espéré.
Il y a bien sûr les bombardements alliés qui
meurtrissent la ville, remplissent les abris
tout en rappelant l’imminence de la Libération.
Il y a aussi la répression des occupants et de leurs
complices de la Milice française, particulièrement
depuis le Débarquement de Normandie, le 6 juin.
Ainsi, dès le 7 juin, 12 personnalités dont Yves
Milon le futur maire de Rennes, sont prises en
otage et internées dans la “fameuse baraque 14”
du camp Margueritte. Le 8 juin, 32 patriotes sont
fusillés au Colombier. La Résistance prépare la
Libération mais prend des risques. Le 14 juillet,
quatre patriotes sont tués par les Allemands à
Vern-sur-Seiche.
Et puis enfin et surtout la marche des Américains
bloquée depuis le 2 août à Maison-Blanche, à
Betton, aux portes de Rennes, par la DCA alle-
mande. La bataille fait rage et des victimes de part
et d’autre. Le verrou allemand finit par sauter dans
la nuit du 3 au 4 août et les soldats du général
Wood font leur entrée dans la ville.
4 août 1944. Rue d’Orléans, les Rennaises
accueillent les libérateurs américains.
21 —
—
23. 5 4 août 1944 :
Rennes libérée !
4 août 1944.
Jean Marin, la “Voix de la
France libre” à Londres,
est porté en triomphe
quai Lamartine.
En mairie et en préfecture, tout est en place pour accueillir les
libérateurs. Depuis la veille, le “ménage” a été fait, avec les
démissions du préfet et du maire pétainiste Patay, qui avait suc-
cédé à François Château, finalement révoqué par Vichy. Cette
transition, suivie de l’affirmation de l’autorité française, avait
été préparée par le comité départemental de libération présidée
par Ernest Kérambrun. Le 19 mai, Victor Le Gorgeu, le nouveau
préfet, était arrivé clandestinement à Rennes. C’est lui qui, le 4 août
au matin, accueille les libérateurs avec Yves Milon .
Les réjouissances commencent alors sur la place de la mairie.
Mais deux ombres ternissent ce tableau. Tout d’abord, les
Allemands ont fait sauter un grand nombre de ponts avant de
s’enfuir. Heureusement, grâce au sang-froid de deux Rennais, le
pont Legraverend et surtout un central téléphonique n’explo-
sent pas comme prévu. Seconde ombre : le départ, dans la nuit,
d’un ultime convoi de déportés, appelé le “train de Langeais”.
22
— —
24. ■ La bataille de Maison-Blanche ■Lefailli sauter la Tour
château de
a
Le premier août 1944, une partie des forces américaines de la 4 e
DB du général Wood fonce vers Rennes, sur la route d’Antrain. C’est un épisode peu connu de la Libération de Rennes.
Mais en début d’après-midi, elle est stoppée à Maison-Blanche, Un vieil hôtel rennais, le château de la Tour, alors situé
en Betton, par la Flak, la DCA allemande. En quelques minutes, tout près de la chapelle Saint-Yves, entre la rue Saint-
les canons de 88 mm allemands détruisent une dizaine de chars Yves et le quai Duguay-Trouin, avait été transformé par
américains et plusieurs véhicules blindés. Une cinquantaine de les Allemands en central téléphonique et de radio. Juste
soldats américains est tuée. La bataille va durer trois jours, à avant de quitter Rennes, ceux-ci avaient bourré les lieux
Maison-Blanche mais aussi à Saint-Laurent. d’explosifs. S’ils avaient fonctionné, les dégâts humains et
6 000 obus vont être tirés. L’aviation alliée pilonne les positions matériels auraient été considérables. Mais le sang-froid de
allemandes. deux riverains du quartier, François Mahuas et Pierre
Parthenay, empêcha le drame. Tous deux observaient le
Le 3 août dans l’après-midi, les Allemands commencent à céder
comportement des Allemands cette nuit-là. En les voyant
le terrain. Leurs pertes sont aussi importantes : 60 tués, 130
subitement s’enfuir du château, ils comprirent le danger.
blessés. Pendant ce temps, la 4e DB de Wood contourne Rennes par
Arrivés sur place, ils constatèrent qu’un feu avait
l’Ouest et libère Bain-de-Bretagne. Dans la nuit du 3 au 4 août, le
démarré. Membre de la Défense passive, François Mahuas
verrou allemand de Maison-Blanche saute définitivement.
alla vite quérir un extincteur dans l’ancienne chapelle et
La voie est libre pour les libérateurs qui filent vers Rennes. arriva à maîtriser le sinistre.
■ Un jour de liesse
Le vendredi matin 4 août, les Américains entrent dans une ville vidée d’une partie de sa population.
Les bombardements des jours précédents ont poussé les forces américaines et a été accueilli par Victor Le Gorgeu,
Rennais vers la campagne. Mais très vite, le peuple rennais commissaire de la République.
retrouve sa ville et la place de la mairie, à l’arrivée des jeeps Les groupes de résistance, qui ont préparé la Libération par
et blindés alliés. Au fil de la journée, la foule grandit et la des sabotages, s’affichent avec les brassards FFI. Doyen de
liesse s’installe. Les libérateurs américains sont fêtés par la la faculté des sciences, Yves Milon est installé à la tête de la
population. On danse en farandole devant le Théâtre. En face, Délégation spéciale (autorité communale provisoire) et
dans les locaux de la mairie, le nouveau pouvoir, installé la deviendra peu après maire de Rennes. Juché sur une
veille, accueille les militaires. Le balcon de l’hôtel de ville est camionnette américaine, il s’adresse à la foule. Jean Marin, la
orné de drapeaux français et américains. Le colonel de “voix de la France” à Londres, est porté en triomphe sur les
Chevigné, commandant la Xe région, est entré en ville avant les quais.
23
— —
25. 6 Reconstruire
Quand Rennes commence à se relever de la guerre, celle-
ci continue encore. Et la vie quotidienne, une fois l’euphorie de
la Libération passée, reste difficile. Au niveau du ravitaillement,
les cartes de rationnement existeront encore jusqu’en 1949. En
juillet 1945, près de 20 000 ménagères manifesteront à Rennes.
L’inégalité avec la région parisienne est dénoncée. La question
du logement est tout aussi cruciale. Près de 500 immeubles ont
été détruits, plus de 4 000 ont été endommagés. Il faudra plus
d’une dizaine d’années pour faire oublier les stigmates de la
guerre.
Les lendemains de guerre, c’est aussi l’épuration judiciaire.
Rennes est le siège de la chambre civique et de la cour de jus-
tice. La première va juger 1 046 personnes, la seconde 474.
Et puis au printemps 1945, c’est le début du retour des dépor-
tés des camps de concentration, pour ceux qui ont la chance de
revenir. Après le 8 mai, la gare de Rennes livre son flot de pri-
sonniers de guerre. Un comité d’accueil les attend place du
Sur le chantier de construction
Champ de Mars. Pour des soins médicaux, pour un accompa-
des maisons Castors, dans
gnement moral. Puis c’est la dernière “ vague “ de retours de les années cinquante, dans
déportés. le quartier Sud-Gare.
Bientôt se greffera aussi un autre problème, celui des prison-
niers de guerre allemands. Au premier juin 1945, leur nombre
avoisinera les 65 000. Ils sont regroupés dans trois camps ren-
nais : camps de la Marne et de Verdun et un secteur santé à la
Prévalaye. Par ailleurs, 700 internés administratifs seront placés
au camp Margueritte.
Il faudra du temps, beaucoup de temps, pour oublier les années
noires. La page commence à être tournée vraiment au milieu des
années 50.
— —
24
26. ■ Panser les plaies ■La réconciliation franco-allemande
En 1945, après le retour des prisonniers de guerre français, Il faut attendre le milieu des années 50 pour voir s’amorcer les
des déportés survivants (269 d’Ille-et-Vilaine rentrent au premiers échanges franco-allemands, de type universitaire. Les
pays sur les 606 déportés), il faut faire le deuil de tous les étudiants de médecine rennais vont ainsi se lier avec leurs
disparus et puis faire justice. homologues de Kiel. Puis des liens se tissent avec Erlangen
qui aboutissent au jumelage de 1964. Depuis, l’amitié entre
Après l’épuration sauvage (quelques cas de tonte de femmes à
les deux cités ne s’est jamais démentie. Elle a contribué à
Rennes), vient le temps de l’épuration judiciaire. “À la date
l’essor de l’esprit européen.
du 12 mars 1946, écrit Jacqueline Sainclivier dans la
“Bretagne de 1939 à nos jours” (éditions Ouest-France), les
■Construire des logements
chambres civiques du ressort du commissariat de la République
de Rennes ont instruit 2 261 dossiers dont 14 % ont entraîné
un acquittement, 21,36 % une peine d’indignité nationale”. La
cour de justice de Rennes a prononcé sur les 267 cas Outre le problème du ravitaillement, celui du logement est
traités à cette même date, 34 peines de mort, 16 peines crucial au lendemain de la guerre. Selon une étude, “45 % des
de travaux forcés à perpétuité et 89 peines d’éligibilité. logements rennais disposent de l’eau courante, 69 % du gaz”.
Les deux instances ont une activité qui rayonne sur la Et encore cela est-il valable pour les habitants qui ont trouvé
Bretagne. Enfin, dernier aspect de la guerre et non des de quoi se loger. Devant la pénurie, on s’organise. C’est le cas
moindres finalement, le traitement des prisonniers de guerre
du mouvement des Castors, lancé en 1946. Il faudra attendre
allemands. Deux camps et le site de la Prévalaye ont hébergé
toutefois 1953 pour qu’une antenne rennaise se lance. C’est
jusqu’à 65 000 soldats de l’armée défaite, dans des conditions
alors l’édification du fameux village dans le sud-gare. Toute
que l’on connaît au lendemain de la Libération (difficultés de
une aventure d’auto-construction de 170 maisons relatée par
ravitaillement) etc.
l’un de ses acteurs, Henri Leborgne dans son livre “Les Castors
rennais, une aventure humaine de solidarité et de fraternité”.
25
— —
27. 1944 - 2004
60 ans après,
Rennes se souvient
Chronologie des manifestations qui ont marqué, pendant l’année 2004
et même un peu au-delà, la célébration du 60e anniversaire
de la libération de Rennes. Un intense travail de mémoire qui a mobilisé
toutes les générations de Rennais.
2003 seront jusqu’à 65 000) après la guerre. La soirée s’ap-
puie sur l’important travail de recherches d’un groupe
Jean-Claude Camors de l’Université du temps libre de Rennes, animé par
12 octobre. Dans la rue du quartier Saint-Martin Maxime Le Poulichet, et est illustrée par la projection
qui porte son nom, associations patriotiques, Office d’un documentaire de la chaîne allemande ZDF.
des anciens combattants et Ville de Rennes rendent
Cimetière de l’Est
hommage au résistant Jean-Claude Camors, assassiné
par la police, rue du Pré-Botté. Jean-Claude Camors 8 mars. Au cimetière de l’Est, comme tous les ans,
animait le réseau Bordeaux-Loupiac (récupération commémoration du bombardement qui détruisit l’É-
d’aviateurs alliés). conomique et tua 71 employés.
1 Fusillés Espagnols
30 décembre. Le 30 décembre 1942, 25 patriotes sont 17 et 18 avril. La Maison de quartier Francisco-
fusillés par les Allemands, sur le stand de tir de La Ferrer accueille l’exposition “La contribución de los
Maltière en Saint-Jacques-de-la-Lande. Chaque année republicanos españoles de 1935 a 1945”, mise sur
à cette date, une commémoration leur rend hommage. pied par le Centre culturel espagnol de Rennes. Une
vingtaine de panneaux raconte l’exode des
Républicains et leur engagement dans la Résistance.
2004
Théâtre
Prisonniers allemands 20 avril. La compagnie professionnelle de théâtre
11 février. Conférence-débat, à l’Esat de Cesson- Patrick Cosnet présente pour la première fois à
Sévigné, sur la question des prisonniers allemands Rennes sa pièce “Deux vies bouleversées”. Celle-ci
incarcérés pendant quelques années à Rennes (ils retrace la déportation de jeunes juives à Auschwitz.
26
— —
28. 1
2 3
L’une, Etty Hillesum, hollandaise, est écrivain et durant la première guerre mondiale ont été repeintes.
bénévole dans un camp de transit pour les juifs ; la Tout comme les 690 noms des jeunes tués lors de la
seconde, Anita Lasker, allemande, est violoncelliste. seconde guerre mondiale et durant les campagnes
Etty Hillesum mourra à Auschwitz. Anita survivra d’Indochine et d’Algérie. Ils bénéficient désormais
grâce à la musique car elle appartiendra à l’orchestre d’un nouvel éclairage qui met également en lumière
féminin du camp. La pièce est jouée dans plusieurs la toile de 26 m de long de l’artiste Camille Godet.
collèges les 22, 23 et 30 avril, avec débats en pré-
2-3 Bornes
sence de Violette Jacquet, déportée à Auschwitz,
violoniste, membre du même orchestre qu’Anita 13 mai. À partir de 1946, pour marquer l’itinéraire
Lasker. Ces représentations ont été permises par un de la IIIe armée de Patton, appelée voie de la
partenariat Cie Cosnet-Ville de Rennes-Cercle Paul Liberté, de Cherbourg à Bastogne, des bornes de
Bert-Fédération des œuvres laïques- rectorat d’aca- 600 kg en pierre blanche ont été posées tout au
démie et office national des anciens combattants. long du chemin. Ce 13 mai 2004, des délégations
d’élèves de 3e de sept collèges rennais (Hautes-
Déportation Ourmes, La Motte-Brûlon, Saint-Vincent, Zola,
27 avril. À l’occasion de la Journée nationale de la Saint-Hélier, Le Landry, Laennec-Robidou) ont
déportation, cérémonie en présence de nombreux “parrainé” ces bornes, au cours d’une brève céré-
jeunes devant le Mémorial du Colombier. monie sur le site. Devant la borne des Hautes-
Ourmes, en présence Jeannine Huon et Mireille
Capitulation Massot, élues municipales, le général Keller, prési-
8 mai. C’est dans un Panthéon rénové qu’a lieu la dent du Souvenir Français a expliqué aux jeunes
commémoration du 59e anniversaire de la capitulation présents que ces “bornes sont là pour rappeler au
nazie. Les lettres, inscrites dans le marbre, des 936 passant les souffrances du peuple opprimé et le cou-
noms des enfants de Rennes morts pour la Patrie rage de ses libérateurs”.
27
— —
29. 1944 - 2004
60 ans après,
Rennes se souvient
5
6
4
Concours 4 Train
19 mai. Remise des prix aux lauréats du concours sco- 4 juin. Accueil en gare de Rennes du Train de la
laire de la Résistance et de la déportation, à Saint- France Libre, proposé par la Fondation de la France
Malo, avec représentation de “Deux vies bouleversées”. Libre. Cette exposition itinérante est aussi le théâtre
d’expositions et d’échanges avec des historiens et
Tanguy-Prigent des acteurs de l’époque.
25 mai. Conférence, à l’Hôtel de ville, sur “François
Prisons
Tanguy-Prigent, paysan-résistant-ministre” par
Christian Bougeard, professeur d’histoire contemporaine 4 juin. Double cérémonie devant les prisons rennaises
à l’Université de Bretagne occidentale (voir annexes). où les résistants ont été détenus : la centrale péni-
tentiaire des femmes (245 femmes communistes de
Willy Brandt la France y seront gardées avant d’être déportées) et
1er juin. Conférence, à l’Hôtel de ville, sur l’ex-chan- la maison d’arrêt Jacques-Cartier, aussi lieu de tor-
celier allemand social-démocrate dont Mme Véronika tures. Devant chacun des établissements, un dépôt de
Isenberg, son ancienne conseillère, évoque l’action gerbe a été effectué par les autorités pénitentiaires.
d’homme d’État (voir annexes).
5-6 Mémoire
Cheminots 4 juin. Place Bir-Hakeim, hommage aux résistants
3 juin. Évocation de la résistance cheminote à du quartier sud-gare, en présence des scolaires du
l’auditorium du lycée Sainte-Geneviève, avec une quartier qui ont participé à un travail de mémoire.
table ronde animée par Yves Rannou réunissant Cette initiative, due au conseil de quartier, en lien
des témoins de l’époque. Les échanges avaient été avec le comité de pilotage des cérémonies du 60e
précédés par la projection du film “La bataille du anniversaire piloté par Jeannine Huon, est notam-
rail”. ment marquée par l’érection d’un mur symbolique
28
— —
30. 8
7 9
composé de 38 plaques de noms de résistants, Quico, ancien guérillero. Puis l’historien et écrivain
déportés ou victimes de la seconde guerre mondiale. espagnol Francisco Espinosa donne, avec la participa-
Des poèmes ou textes ont été lus par des élèves. Guy tion de Gabrielle Garcia, une conférence sur le thème :
Faisant a rendu hommage à la mémoire de son com- “La Mémoire rétablie des Républicains espagnols”.
pagnon de déportation Pascal Lafaye. Cette émou-
vante cérémonie s’est terminée par un bal populaire Du 8 au 18 juin, le péristyle sud de la mairie
dans la maison de quartier. accueille une exposition sur le thème : “De Rennes
à Saint-Malo, les Républicains espagnols”. Premières
7 Débarquement victimes de l’occupant nazi, prisonniers et déportés,
6 juin. Un dépôt de gerbes au monument aux morts beaucoup d’entre eux ont payé au prix fort, leur
marque le 60e anniversaire du D Day. À noter que ce engagement pour la libération de la France.
fameux 6 juin 1944, devait se tenir, dans un hôtel
9 Veillée
rennais, une réunion au sommet des autorités mili-
taires allemandes du grand Ouest, censée évoquer les 8 juin. Veillée du 60e anniversaire de la Libération,
parades possibles à un débarquement en Normandie... halle Martenot, en présence de 130 personnes. Si
Ce Kriegspiel fut évidemment annulé en urgence ! la grande foule n’était pas au rendez-vous, en
revanche, beaucoup de paroles ont surgi sur ces
8 Espagnols années troublées et troublantes. Cette soirée a été
7 et 8 juin. Évocation, à la Maison Internationale de permis par un partenariat Ouest-France, France-
Rennes (Mir), du rôle des réfugiés Républicains espa- Bleu-Armorique, Ville de Rennes, TV-Rennes,
gnols dans la Résistance. Une table ronde réunit Julian Mémorial de Caen. Les deux intervenants étaient
Antonio Ramirez, ancien directeur de “Radio Paris” en Emmanuel Thiebot, du Mémorial, et Christian
espagnol, Dolorès Cabra, présidente de l’association Bougeard, professeur d’histoire contemporaine à
“Archivos de guerra y exilio”, Francisco Martinez dit l’Université de Bretagne occidentale. Ce même jour,
29
— —
31. 1944 - 2004
60 ans après,
Rennes se souvient
10
11 12
Ouest-France lançait à Rennes, rue du Pré-Botté, participé à un “Parcours de mémoire” sur la Voie de
son hors-série “L’Ille-et-Vilaine en guerre”. la Liberté, avec le concours de l’Usep (union sportive
de l’enseignement du premier degré). Les écoles :
Colombier Mauconseil, Robert Doisneau, Ille, Jules-Ferry, Jean-
8 juin. Commémoration de l’exécution de 32 Zay, Pablo Picasso, Louise Michel et Jules Isaac.
patriotes caserne du Colombier. Parmi ces 32 fusillés,
“Train de la Reconnaissance”
neuf Républicains espagnols dont Pedro Flores, auteur
d’un attentat dans un cinéma et Maurice Prestaut, Du 25 juin au 31 août. Grâce à Joël David (Ville de
chef régional du mouvement Défense de la France. Rennes), une exposition raconte, durant tout l’été
Une importante délégation espagnole est représentée. à l’Institut franco-américain, l’histoire étonnante du
“Train de la reconnaissance”. En 1947, un train de
10 Femmes l’amitié comportant 700 wagons remplis de vête-
17 juin. Conférence, à l’Hôtel de ville, sur “Le rôle ments et de médicaments quitte les États-Unis pour
des femmes en Bretagne durant la seconde guerre l’Europe. Son contenu est le fruit d’une collecte
mondiale : vie quotidienne, résistances” par organisée au titre de la solidarité à l’égard d’une
Jacqueline Sainclivier, professeur d’histoire contem- population éprouvée par la guerre. En retour, pour
poraine à l’Université de Rennes-2 (voir annexes). manifester sa reconnaissance envers ses libérateurs,
la France envoie un train de 48 wagons (un par État
11 Appel des USA) remplis de cadeaux faits par les habitants.
18 juin. Commémoration de l’Appel du général de Au nom de la Ville de Rennes, le maire Yves Milon
Gaulle. offre une borne de la Liberté remplie de terre de
Rennes. Le 14 janvier 1949, le train installé sur le
Parcours Magellan (navire charbonnier) quitte Le Havre.
18 juin. Plusieurs écoles élémentaires rennaises ont 200 000 personnes l’accueillent à New-York.
3o
— —
32. 14
13 15
Film 13-14 Tony Vaccaro
Du 26 juin au 29 août. Le musée de Bretagne dif- Du 12 juillet au 31 août. Tony Vaccaro était à la
fuse tous les jours un documentaire d’archives sur fois GI et photographe. Incorporé dans la IIIe armée
“La Libération de Rennes”. de Patton, Tony Vaccaro a pris des milliers de clichés
de la guerre, depuis le débarquement jusqu’à la capi-
12 “Cicatrices de guerre” tulation allemande, outre-Rhin. La photo embléma-
Du 25 juin au 31 août. Des photos de Rennes tou- tique d’un soldat américain à genoux embrassant
chée par la guerre, entre1940 et 1944, montrées sur une petite fille, c’est lui. La scène s’est passée à
les lieux mêmes de ces “cicatrices de guerre” : Saint Briac. Elle a fait le tour du monde. Pendant
avenue Janvier, les quais, la Gare, le Colombier, l’été, 80 de ses clichés sont présentés dans la gale-
square de Kergus, lycée Émile-Zola, place Pasteur, rie du Parlement de Bretagne, grâce à la complicité
passerelle et place Saint-Germain, place de la d’Éric Beaty, de l’Institut franco-américain. Des
République et place de la Mission. Exposition réali- photos édifiantes tirées de son livre “Shots of war”.
sée par la Ville de Rennes.
15-16-17-18 Libération
Quartiers d’été 4 août. Trois temps forts marquent la commémo-
Juillet. Présentation d’un documentaire réalisée par ration du 60e anniversaire de la Libération de
des jeunes Rennais sur la Libération et la Résistance. Rennes, honoré de la présence de deux vétérans.
D’abord un défilé d’une vingtaine de véhicules
Cinéma d’époque, de Maison-Blanche à la place de la
Juillet-août. Dans le cadre de “Mon été au ciné”, mairie de Rennes, grâce au concours de l’associa-
projection du “Dictateur” de Charlie Chaplin (250 tion Groupe de conservation de véhicules mili-
spectateurs) au parc de Maurepas et d’ “Effroyables taires. Puis la cérémonie officielle place de la
jardins” de Jean Becker au Thabor (800 spectateurs). mairie, avec prise d’armes, évocation du 4 août
31
— —
33. 1944 - 2004
60 ans après,
Rennes se souvient
16
17 18
1944 par les enfants des centres de loisirs, puis Maryvonne Prévot, docteur en histoire, de l’univer-
lâcher de ballons. À l’issue de cette cérémonie, sité de Lille (voir annexes).
Edmond Hervé rappelle dans son allocution que
Honoré Commeurec
“célébrer la Libération, c’est rendre hommage à
toutes celles et tous ceux qui ont fait acte de résis- 5 octobre. Conférence, à l’Hôtel de ville, sur “Honoré
tance au nazisme”. D’abord en Allemagne. Le maire Commeurec, Charles Foulon et les combats des Droits
de Rennes rend hommage aux grands absents de de l’homme”, par Charles-Louis Foulon, docteur en
cette journée : Jean Marin et Lucien Rose, décédé histoire, de l’Institut d’études politiques de Paris
un mois plus tôt. L’après-midi, au Thabor, l’en- (voir annexes).
semble musical de la Région Terre Nord-Ouest et
De Gaulle
l’harmonie municipale donnent l’aubade, malgré la
pluie. En soirée, le traditionnel bal de la Liberté, 9 novembre. Dévoilement d’une plaque au 10, rue
aux couleurs des années 44, animé par l’orchestre de Robien. La maison abrita, durant ses études,
de Gil Eckenschwiller, clôt cette journée intense Geneviève Anthonioz-de-Gaulle, résistante et dépor-
en émotions. tée. Elle fut aussi le lieu d’interrogatoire de la police
allemande (SD) et la résidence du maire de Rennes
Provence de la Libération, Yves Milon.
15 août. Un dépôt de gerbes au monument aux morts
Strasbourg
commémore le 60e anniversaire du Débarquement en
Provence. 23 novembre. Un dépôt de gerbes au monument
aux morts marque le 60e anniversaire de la libéra-
Alain Savary tion de la capitale alsacienne par la Division Leclerc.
23 septembre. Conférence, à l’Hôtel de ville, sur
“Alain Savary : itinéraire d’un Français libre”, par
32
— —
34. 21
19
20 22
Héritage sage de paix et d’espérance. À noter l’émouvant
30 novembre. Conférence, à l’Hôtel de ville, sur témoignage de Simone Alizon qui, avec sa sœur
“L’héritage de la Résistance dans la France d’au- Marie, s’est engagée dans la Résistance. Ces deux filles
jourd’hui “ par Stéphane Hessel, ambassadeur de d’hôteliers rennais furent déportées à Auschwitz.
France (voir annexes). Marie n’en reviendra pas. Simone Alizon a publié un
livre sur cette période : “L’exercice de vivre” (Stock).
Un hommage lui est rendu le 7 mai 2005 à Rennes.
2005
21-22 Fin
Théâtre 8 mai. 60e anniversaire de la fin de la guerre en
11 mars. Dans le cadre de “Quartiers en scène”, Europe. Comme le veut la tradition, le 8 mai est
nouvelle représentation, à la maison de quartier commémoré, place de la mairie à Rennes, par un
de Villejean, de “Deux vies bouleversées” (voir plus défilé, remise de décorations, puis discours à l’Hôtel
haut), et débat avec Guy Le Corre, Guy Faisant et de ville. Simone Alizon, à qui on a rendu hommage
Violette Jacquet. la veille, dans une rue qui porte son nom ainsi que
celui de la sœur, dédicace son ouvrage.
19-20 Témoignages
Espagnols
12 avril. Trois cents lycéens rennais assistent, à
l’Hôtel de ville, à une table ronde sur la résistance et Automne. Parution du livre “La mémoire retrouvée
la déportation, réunissant : Simone Alizon, Jean des Républicains espagnols, paroles d’exilés en Ille-
Torrès, juif de Gironde, déporté “Papon” et rescapé et-Vilaine”, cosigné par les Rennaises Gabrielle Garcia
d’Auschwitz, Guy Faisant, résistant et déporté rennais et Isabelle Matas. Avec le soutien de plusieur parte-
et Pierre Demalvilain, jeune résistant malouin. Durant naires dont la Ville de Rennes et le Centre culturel
deux heures, ces quatre témoins font passer un mes- espagnol de Rennes et sa commission “Mémoires”.
33
— —
35. Annexe 1
Discours d’Edmond Hervé,
maire de Rennes
4 août 2004
lors de la réception Notre première pensée va aux personnes qui y ont fait le
sacrifice de leur vie, qui ont été blessées, qui y ont laissé
en l’honneur du
une part de leur jeunesse. Notre reconnaissance leur est
60e anniversaire de la due, ainsi qu’à leur famille.
libération de la ville Nous aurons ce matin une pensée particulière pour notre
ami Lucien Rose qui nous a quittés : aux siens, nous redi-
sons notre affection. Le 26 juillet, nous l’avons conduit à
sa dernière demeure, dans le petit cimetière de Laissaud,
en Savoie. La Résistance fut sa lumière et son identité :
la Ville de Rennes lui rendra un hommage officiel à la ren-
trée. Comme tous ses camarades, il a su nous dire ce que
fut la Libération.
À Rennes, comme ailleurs, nous gardons de ce jour des
images de fête, celles d’un peuple en liesse. Ces images
sont vraies, mais ne laissons pas croire que la Libération
fut une promenade : le temps qu’il fallut à nos libérateurs
pour arriver à Rennes en est la preuve, les combats de
Maison Blanche l’illustrent. Il fallut près de deux mois aux
hommes de Patton et de Wood pour arriver ici : Coutances
ne fut libérée que le 28 juillet, la meurtrière percée
d’Avranches ne réussit que le 30 juillet, après la fameuse
opération Cobra. Tout comme il fallut plusieurs semaines
au 25e Corps d’Armée allemand, stationné en Bretagne,
pour rejoindre Saint-Lô et la Normandie. La Libération ce
fut la guerre, la violence et du temps : la poche de Lorient,
tout comme Royan, ne fut libérée qu’au printemps 1945.
C’est à ce moment-là que les prisonniers revinrent. Au
temps de la Libération succéda celui de la reconstruction
avec sa part d’enthousiasme, mais aussi de restriction et
de traumatisme.
Célébrer la libération de Rennes c’est également rendre
hommage à toutes celles et à tous ceux qui se sont mobi-
lisés pour la victoire. Ils ont été nombreux, venant de
divers continents. Monsieur le Consul des États-Unis, je
vous ai souvent dit la gratitude du peuple français pour
le peuple américain : voyez dans cette période que nous
commémorons la source d’une indéfectible amitié. Nous
sommes heureux de retrouver Terry Matthews-Desaint et
sa délégation représentant le maire et la Ville de
Rochester. Je salue à nouveau John Kellas et Melving
Gehring, vétérans de l’armée américaine. Madame le Maire
34
— —
36. d’Exeter, nous nous réjouissons de votre présence : la d’Allemands ont été incarcérés dans les prisons nazies[4].
France n’oublie pas que pendant toutes ces années dra- - En 1933, on estime que 60 000 communistes allemands
matiques, Londres a accueilli le général de Gaulle et la auraient été emprisonnés, 2 000 auraient été exécutés.
France Libre. Vous avez hébergé de nombreux compa- - 2 000 militants du Parti populaire bavarois se retrou-
triotes, bretons notamment. Vous avez été la terre de vèrent en prison ou à Dachau (qui compta en 1944,
départ du Jour J et les vôtres ont toujours fait preuve 300 prêtres catholiques allemands et autrichiens).
d’une grande vaillance. - En novembre 1938, 30 000 juifs furent envoyés en camps
et, suite à l’attentat du 20 juillet 1944, on estime que les
Célébrer la libération de Rennes et de notre pays c’est éga- SS et la Gestapo arrêtèrent entre 5 000 et 7 000 per-
lement rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui sonnes.
ont fait acte de résistance au nazisme. Nous le devons au - En 1935, la France accueille 35 000 émigrés et exilés
nom de l’égalité et de l’objectivité en nous rappelant que allemands.
l’Histoire n’est jamais définitivement écrite. Pendant long- Le nazisme ce n’est pas simplement une idéologie : c’est
temps, trop longtemps et encore de nos jours lorsque également une pratique et, à oublier celle-ci, on court le
nous évoquons la Résistance, nous oublions la part que grand danger de voir la première triompher dans les
nombre d’Allemands y ont prise. Pour courageuse qu’elle esprits. Malgré les arrestations, les précautions, il y a
soit, veillons à ne pas la limiter à la tentative d’attentat toujours eu des personnes, des réseaux qui réussirent à
contre Hitler le 20 juillet 1944. Les résistances à Hitler, vivre : l’esprit de démocratie, de justice, ne fut jamais
différentes de la Résistance française, se manifestèrent anéanti.
dès le 30 janvier 1933 lorsque l’auteur de “Mein Kampf” C’est cet esprit qui nourrit l’Europe que nous voulons.
fut nommé chancelier. C’est cet esprit que j’ai trouvé lors de mes premières ren-
contres avec Dietmar Hahlweg, bourgmestre d’Erlangen,
Les tout premiers résistants allemands sont politiques ville d’Allemagne avec laquelle Rennes est jumelée. C’est
(communistes, sociaux-démocrates, indépendants de avec des hommes de sa culture et de son idéal que la
gauche), syndicalistes... Il y eut des résistants authen- réconciliation des peuples, des villes et des personnes a
tiques dans les autres milieux, chrétiens, conservateurs, pu se faire. Je le revois encore, il y a plus de 20 ans, pré-
militaires, ouvriers, intellectuels. Il faut se représenter ce sent devant le monument du Colombier participant à la
qu’est le régime nazi pour comprendre la particularité, la cérémonie commémorative de la Libération des camps. Il
diversité de ces résistances, qu’elles soient passives, idéo- y a quelques jours, il m’écrivait une très belle lettre pour
logiques ou actives. Nous avons affaire à un régime tota- se réjouir des manifestations organisées pour célébrer le
litaire, violent, à une dictature avec le peuple. Alors que 60e anniversaire du Débarquement. Preuve qu’il y a tou-
la Résistance est sans le peuple[1]. Il lui a fallu durer 12 jours, par-delà les frontières, des hommes et des femmes,
ans, sans soutien extérieur, être vécue dans la division, qui pensent et agissent pour l’humanité.
comme un antipatriotisme. L’émigration commença dès Fidèles à la Libération, nous devons être citoyens actifs
l’arrivée d’Hitler. Elle se poursuivit jusqu’en 1939. de la France, mais également de l’Europe et du monde.
Si l’histoire des idées a son importance, la connaissance
des faits a ses exigences : [1] La “SA”, milice terroriste d’État, a compté jusqu’à 3 millions
- Avant l’arrivée du premier français à Dachau[2], d’adhérents, les SS étaient 200 000 en 1933.
100 000 Allemands y avaient séjourné. [2] Le 22 mars 1933 deux camps de concentration sont créés :
- De 1934 à 1944, 100 000 Allemands furent condamnés Dachau et Oranienburg.
à mort pour des raisons politiques ou assimilables et exé- [3] Cf Joseph Rovan “Histoire de l’Allemagne” Seuil 1999, p.688.
cutés[3]. [4] Barbara Koehn “La résistance Allemande contre Hitler” 1933-
- Barbara Koehn estime qu’entre 750 000 et 1,2 million 1945 PUF 2003.
35
— —
37. Annexe 2
Conférences
de l’Hôtel de Ville
La Ville de Rennes a 25 mai 2004
François Tanguy-Prigent
organisé, à l’occasion du
60e anniversaire de la par Christian Bougeard, historien
Libération, un cycle de
Étonnant parcours que l’ascension d’un petit paysan du
conférences consacré aux
Trégor finistérien, devenu ministre de l’Agriculture du
“combattants de la liberté général de Gaulle en septembre 1944. Authentique
impliqués dans paysan, Tanguy-Prigent s’affirma comme militant socia-
la République”. liste SFIO et militant agricole et coopératif dans les
années 1930. À 25 ans, il devint le plus jeune conseiller
Voici la synthèse de ces général de France, puis en 1936, le plus jeune député. En
six exposés dont on peut juillet 1940, il fut l’un des quatre-vingts parlementaires
retrouver l’intégralité sur refusant les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Maire de
le site internet Saint-Jean-du-Doigt, il entra rapidement en résistance
en jetant les bases en Bretagne du mouvement Libération-
www.liberation.rennes.fr .
Nord, puis de Résistance paysanne.
Après la guerre, au gouvernement, il s’efforça d’amorcer
la reconstruction et la modernisation de l’agriculture fran-
çaise et d’y faire des réformes sociales (en faisant voter
notamment, le statut du fermage et du métayage), dans
une conjoncture de pénuries et de rationnement. Il devint
l’une des principales personnalités socialistes de la
Quatrième République, soutenant Guy Mollet dans sa poli-
tique algérienne, jusqu’à la rupture provoquée par les
conditions du retour au pouvoir du général de Gaulle,
après le 13 mai 1958. Tanguy-Prigent rejoignit le PSA à
la fin 1959, puis devint l’un des principaux dirigeants et
le seul député du PSU de 1962 à 1967. Il mourut en 1970.
La conférence de C. Bougeard n’a pu être mise en ligne sur
le site internet, mais on peut lire l’ouvrage qu’il lui a consa-
cré : “ Tanguy-Prigent, paysan ministre, Presses universi-
taire de Rennes, 2002. “
1 er juin 2004
Willy Brandt
par Veronika Isenberg, ancienne collaboratrice
du chancelier
Dès l’âge de 20 ans, Willy Brandt a été l’homme du refus
du nazisme. Elevé par un grand-père syndicaliste et socia-
liste très combatif, il devint, à 16 ans, membre du SPD,
le parti social-démocrate allemand, avant de rejoindre
une petite formation d’extrême gauche, le SAP (parti
socialiste ouvrier). Devant le danger d’arrestation, il pré-
féra s’exiler en Norvège où il devint un relais très impor-
36
— —