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FAITS-DIVERS

De l’or rose au GSM : le "système Goulamaly"
Clicanoo.com

publi le 3 juin 1998

00h00

L’affaire Goulamaly révélée le 16 avril dernier par le Journal de l’île, connaît de rapides
développements. Les enquêteurs sont passés des crevettes corrompues d’Armement des
Mascareignes, à l’évasion fiscale industrielle, puis au "système Goulamaly" : une toile d’araignée
financière aux imbrications opaques, du GSM aux peintures, en passant par l’immobilier et les
pipangailleries animées financées par la Région et le Département.
Le 20 avril dernier, l’ouverture d’une enquête préliminaire était ordonnée par le procureur Bernard Legras, sur la base
des actes de corruption et de détournements de fonds mis en lumière quatre jours plus tôt par le Journal de l’île. Ces
faits, pour s’être déroulés à Madagascar, sont graves car ils touchent Armement des Mascareignes, une société
française dont le siège social est basé à la Réunion. ARMAS, qui participe à l’exploitation du quota de langoustes
pêchées dans le grand Sud par la SAPMER, est par ailleurs propriétaire d’une importante flottille de bateaux spécialisés
dans la pêche au camaron, et exploite cet outil industriel en le "louant" à fonds perdus - pas pour tout le monde - à ses
deux filiales malgaches, Pêcheries du Mélaky et les Pêcheries du Ménabé, (basées à Morondava et Maintirano) dont
Abdéali Goulamaly est le P.D.G. Denis Proto, directeur général d’ARMAS, apparaît sur une cassette vidéo, en train de
corrompre des officiels malgaches sur ordre de son patron. C’est pour s’assurer le parfait dévouement de ces
personnalités administratives et politiques que Denis Proto, en phase avec Abdéali Goulamaly, a immortalisé les
bénéficiaires des versements de fonds. Des pots-de-vin liés à l’activité peu licite des pêcheries, qui pouvaient
s’affranchir des quotas de prises qui leur étaient alloués, tenter d’éliminer la concurrence, frauder Etat malgache et fisc
français. Toute une stratégie de corruption au long cours qui ne peut se limiter aux seuls protagonistes de la vidéo que
sont Gilbert François, directeur général des pêches sous le régime d’Albert Zafy, premier président de la IVe
République, et Fulgence Fanony, ex-ministre de l’Education, "mandataire financier" occulte du président Zafy. Les
dialogues enregistrés trahissent des faits répétés de corruption touchant aussi bien la pêche, l’aquaculture, que des
marchés d’hydrocarbures. En sus d’Albert Zafy, bénéficiaire politique évident des financements illicites d’ARMAS, des
rapports privilégiés ont été entretenus avec le pasteur Andrianamanjato, président de l’Assemblée nationale et chef de
l’opposition, dont l’un des fils, Ny Hasina, aura été continuellement ministre des Télécommunications sous Zafy et
Ratsiraka...
[CRAIGNANT POUR SA SÉCURITÉ]
La brigade des recherches départementale de la gendarmerie nationale étant chargée de l’enquête, à la Réunion,
Abdéali Goulamaly est placé en garde à vue dès le 29 avril. A l’issue de 19 heures d’interrogatoire, le P.D.G. d’ARMAS,
transféré au palais de justice de Champ-Fleuri, est présenté au juge d’instruction Niel, spécialiste des affaires
financières, mis en examen pour faux et usage de faux, corruption active, abus de biens sociaux. Au cours de sa garde
à vue, Abdéali Goulamaly reconnaît pour 4,7 millions de francs de pots-de-vin, versés entre avril 94 et décembre 1996,
par l’intermédiaire de Denis Proto. Remis en liberté mais placé sous contrôle judiciaire, Abdéali Goulamaly doit encore
s’acquitter d’une caution d’1,5 MF.
[UN JEU DE PISTE ALLÉCHANT]
Le 7 mai dernier, Denis Proto est placé en garde à vue dès son retour de métropole. Suite à la révélation de l’affaire,
l’ancien directeur commercial de Kanal Océan Indien n’avait pas regagné Madagascar, craignant pour sa sécurité,
préférant séjourner à Marseille en attendant des jours meilleurs. Proto a "spontanément" reconnu les faits qui lui étaient
reprochés. Confirmé point par point les déclarations antérieures de son patron. Sur le fond, à en croire les deux
corrupteurs, les versements avoués n’avaient d’autre finalité que la conservation des licences de pêche chèrement
acquises par ARMAS pour le compte des Pêcheries, ses filiales. Dans l’absolu, les deux hommes se déclarent victimes
du système et admettent un peu vite, peut-être, les 4,7 MF de pots-de vin dont a été délestée la société ARMAS. La
crise d’honnêteté d’Abdéali Goulamaly et de son second peut s’expliquer aisément. Il s’agit pour l’homme d’affaires
réunionnais, de limiter les dégâts à ce qui paraît d’ores et déjà irrécupérable. A savoir les informations concernant la
branche "crevettes", momentanément privée de licences de pêche, en dépit d’efforts continus développés auprès du
régime de Didier Ratsiraka par Denis Proto jusqu’en 1997. Au cours de cette année, le directeur d’ARMAS disposait de
4,5 MF de liquidités, "d’épices" comme dirait Me Haggai (avocat de M. Goulamaly), pour "récupérer" les licences des
Pêcheries auprès du ministère ad hoc, voire de la présidence de la République. Fin 97, Abdéali Goulamaly manifestait
sa volonté de vendre au moins la flotte de Maintirano. Depuis peu il n’en est plus question, les Pêcheries du Mélaky ont
retrouvé leurs licences et se sont engagées à investir dans des installations de conditionnement basées à Maintirano.
Malheureusement pour lui, les contrôles fiscaux opérés à la Réunion avant que l’affaire n’éclate, et dont dispose le
parquet, révèlent une série de passerelles entre les diverses entreprises du groupe Goulamaly, tant à la Réunion qu’à
Madagascar. De fait, l’enquête, loin de se limiter aux odorantes affaires de crevettes, s’oriente sur tout autre chose.
C’est tout un réseau qui est patiemment mis au jour, réseau qui fait apparaître, au gré des prises de participation et des
financements croisés, un jeu de piste alléchant. Le cas de la téléphonie sans fil est indicatif, en la matière. On retrouve
en effet une participation de la Société réunionnaise du radiotéléphone dans le capital de la Société malgache de
mobiles. Et un mouvement de fonds alternatif y est rattaché qui, en bonne logique, s’explique mal. Dans ce contexte il
est peu probable que les enquêteurs ne soient pas amenés à "interviewer" de nouveau M. Goulamaly. Voilà qui devrait
exciter un peu plus encore les défenseurs désintéressés de l’entrepreneur portois que sont le PCR et Témoignages.

[GROS PLAN EVASION FISCALE ET CREVETTES BALADEUSES ARMAS : 40 MF dans la nature Chez Goulamaly, la
main droite se méfie de la main gauche, la seconde lorgnant sur ce que tient la première... Ce n’est plus de la gestion
mais de la prestidigitation ! A ce petit jeu s’évaporent des millions de francs, sous le regard énamouré des grands
argentiers de la Caisse française de développement. ]
En 1986, suite au dépôt de bilan d’Armement des Mascareignes qu’il rachète pour une poignée de figues, 2,8 MF,
Abdéali Goulamaly met la main sur 35% des prises de langoustes opérées par l’Austral, dans le grand Sud, au profit du
Groupement d’armateurs des pêches australes. Une bonne affaire en ce sens que Goulamaly a pu, des années durant,
amortir progressivement le fonds de commerce ainsi capté pour se protéger d’une éventuelle liquidation judiciaire, tout
en voyant ARMAS prospérer à nouveau. Un élément de minoration d’actif à ajouter à nombre de provisions sur clients
douteux qui l’étaient elles-mêmes. Ainsi, en 1993, après avoir pris le contrôle total des pêcheries du Mélaky et du
Ménabé, de fait filiales à 100% d’ARMAS, Abdéali Goulamaly qui est tout à la fois P.D.G. d’Armement des Mascarei
gnes, du Mélaky et du Ménabé s’arrange pour que la société réunionnaise finance à elle seule les équipements mis en
uvre par ses filiales : bateaux et infrastructures au sol. C’est par la grâce de provisions "bidon" constituées par ARMAS à

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l’encontre de ses filiales, sur des créances supposément douteuses, que d’importantes sommes ont quitté les comptes
de la société réunionnaise pour aller s’ajouter aux bénéfices déjà importants des sociétés malgaches ; lesquelles étaient
parallèlement soutenues, en 1993, 94 et 95, par des financements de la Caisse française de développement. L’influence
économique de la France n’est-elle pas en jeu dans la grande bataille de la crevette rose ? Ironie d’un tel montage,
ARMAS finance à fonds perdus des sociétés qui hériteront en fin de compte des bateaux qu’elles auront virtuellement
loués selon les subtilités d’un système de "chart party " amélioré qui s’apparente beaucoup à du détournement d’actifs.
Goulamaly, P.D.G. d’ARMAS, met en doute la solvabilité de sociétés filiales à 100% d’ARMAS, dont il est là encore le
P.D.G. Donc, chez Goulamaly, la main droite se méfie de la main gauche... Ce n’est plus de la gestion mais de la
prestidigitation, voire du jeu de bonneteau ! Et ces manipulations ne concernent pas seulement les sociétés malgaches.
Abdéali Goulamaly n’hésite pas à s’en aller jouer au Mozambique où la CFD lui a gentiment accordé - via l’Etat - 15 MF
de subventions qui ont abouti dans les caisses de la société Aquapesca. Laquelle devait réaliser des modules
d’aquaculture. Société de droit mozambicain, Aquapesca compte parmi ses actionnaires la filiale de la CFD, Proparco,
(10%), l’inévitable Armement des Mascareignes (60%) et l’Etat mozambicain (30%). Depuis 1993 Aquapesca ne paraît
pas avoir beaucoup produit, mais ARMAS a supporté certaines de ses erreurs d’investissement, nombre de voyages à
Maputo et de visites à la Réunion d’autorités mozambicaines. Si l’on ajoute à toutes ces subtilités que sont les
minorations d’actifs, provisions bidons pour créances doublement douteuses, argent de la corruption, frais
généreusement accordés aux cadres de la maison, dettes annulées et autres plaisanteries - comme le voyage sur Paris
de la demoiselle Véronique Andriambelo, amie très chère du pasteur Andriamanjato - il n’y a rien d’étonnant à ce que
les enquêteurs estiment que 40 MF se soient évaporés entre la Réunion, Madagascar et le Mozambique de 1994 à nos
jours. Ce qui laisse augurer d’un sacré redressement fiscal ! Faudra en pêcher des langoustes et des crevettes pour
payer tout ça !

[L’affaire Goulamaly et la presse malgache] L’opinion publique malgache a pris les premiers échos de l’affaire
Goulamaly comme la confirmation de ce qu’elle pensait déjà savoir, du moins formellement. Si aux premiers jours de
l’affaire le quotidien Midi Madagascar s’est hasardé à publier quelque compte rendu de l’histoire et des faits, en éludant
soigneusement les noms des personnalités concernée, la campagne électorale liée aux législatives a rapidement placé
l’information et le scandale sous l’éteignoir. Les initiés ont constaté que les candidats liés à l’UNDD de Rakotovahiny,
dont Fulgence Fanony (candidat sur la circonscription de Mananara), avaient soigneusement évité de se présenter sous
cette étiquette. Les scandales liés à l’or rose et au trafic de vanille ayant usé le crédit dont disposait ce parti... Au
lendemain de l’élection, les divers magazines d’information de la Grande île, notamment "Demain dans les media"
(DMD), ou "Jureco" (LMJ), n’ont pas manqué de faire référence à "l’affaire" en la replaçant dans le contexte délétère de
la IIIe République qui a conduit à la chute d’Albert Zafy. Dans les échos de "Jureco", on pouvait lire sous le titre "Armas :
des scènes de corruption filmées", un résumé complet mais relativement allusif de l’affaire en question. L’entourage de
l’ex-président Albert Zafy était néanmoins cité. Quant à la conclusion, elle valait son pesant d’or par son tour
"laconique", dans le sens classique du terme : "Bref, ce journal (Ndlr : le Journal de l’île), dans son exclusif fait état de
toutes les arnaques en matière de licences de pêche à Madagascar...". Le magazine "DMD", dans la chronique politicoimpertinente tenue par Honoré Razafintsalama, "Lettre des salons", revient à deux reprises sur "l’affaire". Dans l’édition
du 21 mai dernier, il est écrit : "Une importante frange de la population a été ébranlée par l’affaire Goulamaly qui a
prouvé par a+b, grâce à la séquence d’un film sur la manière dont un ministre de la troisième République bis avait
touché des liasses de billets de banque de la part d’opérateurs réunionnais désirant obtenir un permis de pêche
crevettière, que le "fahamarinana" - cette notion intraduisible de justice, d’équité et de droiture - tant galvaudée sous
l’ère républicaine précédente n’était qu’un leurre et que certains responsables au niveau suprême étaient bien partie
prenante dans cette corruption active..." S’agissant de Zafy, toujours, le même Honoré Razafintsalama, poursuivait une
semaine plus tard : "Même bien élu dans sa circonscription, cet homme risque de ne pas faire long feu (...) il faudrait
qu’il comprenne une bonne fois pour toutes qu’il ne détient pas seul le langage de la vérité surtout après une certaine
"affaire Goulamaly" toute récente dont l’île sur a été le théâtre..."

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De l’or rose au gsm le système goulamaly

  • 1. http://archives.clicanoo.re/spip.php?page=imprimer&id_artic... FAITS-DIVERS De l’or rose au GSM : le "système Goulamaly" Clicanoo.com publi le 3 juin 1998 00h00 L’affaire Goulamaly révélée le 16 avril dernier par le Journal de l’île, connaît de rapides développements. Les enquêteurs sont passés des crevettes corrompues d’Armement des Mascareignes, à l’évasion fiscale industrielle, puis au "système Goulamaly" : une toile d’araignée financière aux imbrications opaques, du GSM aux peintures, en passant par l’immobilier et les pipangailleries animées financées par la Région et le Département. Le 20 avril dernier, l’ouverture d’une enquête préliminaire était ordonnée par le procureur Bernard Legras, sur la base des actes de corruption et de détournements de fonds mis en lumière quatre jours plus tôt par le Journal de l’île. Ces faits, pour s’être déroulés à Madagascar, sont graves car ils touchent Armement des Mascareignes, une société française dont le siège social est basé à la Réunion. ARMAS, qui participe à l’exploitation du quota de langoustes pêchées dans le grand Sud par la SAPMER, est par ailleurs propriétaire d’une importante flottille de bateaux spécialisés dans la pêche au camaron, et exploite cet outil industriel en le "louant" à fonds perdus - pas pour tout le monde - à ses deux filiales malgaches, Pêcheries du Mélaky et les Pêcheries du Ménabé, (basées à Morondava et Maintirano) dont Abdéali Goulamaly est le P.D.G. Denis Proto, directeur général d’ARMAS, apparaît sur une cassette vidéo, en train de corrompre des officiels malgaches sur ordre de son patron. C’est pour s’assurer le parfait dévouement de ces personnalités administratives et politiques que Denis Proto, en phase avec Abdéali Goulamaly, a immortalisé les bénéficiaires des versements de fonds. Des pots-de-vin liés à l’activité peu licite des pêcheries, qui pouvaient s’affranchir des quotas de prises qui leur étaient alloués, tenter d’éliminer la concurrence, frauder Etat malgache et fisc français. Toute une stratégie de corruption au long cours qui ne peut se limiter aux seuls protagonistes de la vidéo que sont Gilbert François, directeur général des pêches sous le régime d’Albert Zafy, premier président de la IVe République, et Fulgence Fanony, ex-ministre de l’Education, "mandataire financier" occulte du président Zafy. Les dialogues enregistrés trahissent des faits répétés de corruption touchant aussi bien la pêche, l’aquaculture, que des marchés d’hydrocarbures. En sus d’Albert Zafy, bénéficiaire politique évident des financements illicites d’ARMAS, des rapports privilégiés ont été entretenus avec le pasteur Andrianamanjato, président de l’Assemblée nationale et chef de l’opposition, dont l’un des fils, Ny Hasina, aura été continuellement ministre des Télécommunications sous Zafy et Ratsiraka... [CRAIGNANT POUR SA SÉCURITÉ] La brigade des recherches départementale de la gendarmerie nationale étant chargée de l’enquête, à la Réunion, Abdéali Goulamaly est placé en garde à vue dès le 29 avril. A l’issue de 19 heures d’interrogatoire, le P.D.G. d’ARMAS, transféré au palais de justice de Champ-Fleuri, est présenté au juge d’instruction Niel, spécialiste des affaires financières, mis en examen pour faux et usage de faux, corruption active, abus de biens sociaux. Au cours de sa garde à vue, Abdéali Goulamaly reconnaît pour 4,7 millions de francs de pots-de-vin, versés entre avril 94 et décembre 1996, par l’intermédiaire de Denis Proto. Remis en liberté mais placé sous contrôle judiciaire, Abdéali Goulamaly doit encore s’acquitter d’une caution d’1,5 MF. [UN JEU DE PISTE ALLÉCHANT] Le 7 mai dernier, Denis Proto est placé en garde à vue dès son retour de métropole. Suite à la révélation de l’affaire, l’ancien directeur commercial de Kanal Océan Indien n’avait pas regagné Madagascar, craignant pour sa sécurité, préférant séjourner à Marseille en attendant des jours meilleurs. Proto a "spontanément" reconnu les faits qui lui étaient reprochés. Confirmé point par point les déclarations antérieures de son patron. Sur le fond, à en croire les deux corrupteurs, les versements avoués n’avaient d’autre finalité que la conservation des licences de pêche chèrement acquises par ARMAS pour le compte des Pêcheries, ses filiales. Dans l’absolu, les deux hommes se déclarent victimes du système et admettent un peu vite, peut-être, les 4,7 MF de pots-de vin dont a été délestée la société ARMAS. La crise d’honnêteté d’Abdéali Goulamaly et de son second peut s’expliquer aisément. Il s’agit pour l’homme d’affaires réunionnais, de limiter les dégâts à ce qui paraît d’ores et déjà irrécupérable. A savoir les informations concernant la branche "crevettes", momentanément privée de licences de pêche, en dépit d’efforts continus développés auprès du régime de Didier Ratsiraka par Denis Proto jusqu’en 1997. Au cours de cette année, le directeur d’ARMAS disposait de 4,5 MF de liquidités, "d’épices" comme dirait Me Haggai (avocat de M. Goulamaly), pour "récupérer" les licences des Pêcheries auprès du ministère ad hoc, voire de la présidence de la République. Fin 97, Abdéali Goulamaly manifestait sa volonté de vendre au moins la flotte de Maintirano. Depuis peu il n’en est plus question, les Pêcheries du Mélaky ont retrouvé leurs licences et se sont engagées à investir dans des installations de conditionnement basées à Maintirano. Malheureusement pour lui, les contrôles fiscaux opérés à la Réunion avant que l’affaire n’éclate, et dont dispose le parquet, révèlent une série de passerelles entre les diverses entreprises du groupe Goulamaly, tant à la Réunion qu’à Madagascar. De fait, l’enquête, loin de se limiter aux odorantes affaires de crevettes, s’oriente sur tout autre chose. C’est tout un réseau qui est patiemment mis au jour, réseau qui fait apparaître, au gré des prises de participation et des financements croisés, un jeu de piste alléchant. Le cas de la téléphonie sans fil est indicatif, en la matière. On retrouve en effet une participation de la Société réunionnaise du radiotéléphone dans le capital de la Société malgache de mobiles. Et un mouvement de fonds alternatif y est rattaché qui, en bonne logique, s’explique mal. Dans ce contexte il est peu probable que les enquêteurs ne soient pas amenés à "interviewer" de nouveau M. Goulamaly. Voilà qui devrait exciter un peu plus encore les défenseurs désintéressés de l’entrepreneur portois que sont le PCR et Témoignages. [GROS PLAN EVASION FISCALE ET CREVETTES BALADEUSES ARMAS : 40 MF dans la nature Chez Goulamaly, la main droite se méfie de la main gauche, la seconde lorgnant sur ce que tient la première... Ce n’est plus de la gestion mais de la prestidigitation ! A ce petit jeu s’évaporent des millions de francs, sous le regard énamouré des grands argentiers de la Caisse française de développement. ] En 1986, suite au dépôt de bilan d’Armement des Mascareignes qu’il rachète pour une poignée de figues, 2,8 MF, Abdéali Goulamaly met la main sur 35% des prises de langoustes opérées par l’Austral, dans le grand Sud, au profit du Groupement d’armateurs des pêches australes. Une bonne affaire en ce sens que Goulamaly a pu, des années durant, amortir progressivement le fonds de commerce ainsi capté pour se protéger d’une éventuelle liquidation judiciaire, tout en voyant ARMAS prospérer à nouveau. Un élément de minoration d’actif à ajouter à nombre de provisions sur clients douteux qui l’étaient elles-mêmes. Ainsi, en 1993, après avoir pris le contrôle total des pêcheries du Mélaky et du Ménabé, de fait filiales à 100% d’ARMAS, Abdéali Goulamaly qui est tout à la fois P.D.G. d’Armement des Mascarei gnes, du Mélaky et du Ménabé s’arrange pour que la société réunionnaise finance à elle seule les équipements mis en uvre par ses filiales : bateaux et infrastructures au sol. C’est par la grâce de provisions "bidon" constituées par ARMAS à 1 sur 2 22/11/2013 20:29
  • 2. http://archives.clicanoo.re/spip.php?page=imprimer&id_artic... l’encontre de ses filiales, sur des créances supposément douteuses, que d’importantes sommes ont quitté les comptes de la société réunionnaise pour aller s’ajouter aux bénéfices déjà importants des sociétés malgaches ; lesquelles étaient parallèlement soutenues, en 1993, 94 et 95, par des financements de la Caisse française de développement. L’influence économique de la France n’est-elle pas en jeu dans la grande bataille de la crevette rose ? Ironie d’un tel montage, ARMAS finance à fonds perdus des sociétés qui hériteront en fin de compte des bateaux qu’elles auront virtuellement loués selon les subtilités d’un système de "chart party " amélioré qui s’apparente beaucoup à du détournement d’actifs. Goulamaly, P.D.G. d’ARMAS, met en doute la solvabilité de sociétés filiales à 100% d’ARMAS, dont il est là encore le P.D.G. Donc, chez Goulamaly, la main droite se méfie de la main gauche... Ce n’est plus de la gestion mais de la prestidigitation, voire du jeu de bonneteau ! Et ces manipulations ne concernent pas seulement les sociétés malgaches. Abdéali Goulamaly n’hésite pas à s’en aller jouer au Mozambique où la CFD lui a gentiment accordé - via l’Etat - 15 MF de subventions qui ont abouti dans les caisses de la société Aquapesca. Laquelle devait réaliser des modules d’aquaculture. Société de droit mozambicain, Aquapesca compte parmi ses actionnaires la filiale de la CFD, Proparco, (10%), l’inévitable Armement des Mascareignes (60%) et l’Etat mozambicain (30%). Depuis 1993 Aquapesca ne paraît pas avoir beaucoup produit, mais ARMAS a supporté certaines de ses erreurs d’investissement, nombre de voyages à Maputo et de visites à la Réunion d’autorités mozambicaines. Si l’on ajoute à toutes ces subtilités que sont les minorations d’actifs, provisions bidons pour créances doublement douteuses, argent de la corruption, frais généreusement accordés aux cadres de la maison, dettes annulées et autres plaisanteries - comme le voyage sur Paris de la demoiselle Véronique Andriambelo, amie très chère du pasteur Andriamanjato - il n’y a rien d’étonnant à ce que les enquêteurs estiment que 40 MF se soient évaporés entre la Réunion, Madagascar et le Mozambique de 1994 à nos jours. Ce qui laisse augurer d’un sacré redressement fiscal ! Faudra en pêcher des langoustes et des crevettes pour payer tout ça ! [L’affaire Goulamaly et la presse malgache] L’opinion publique malgache a pris les premiers échos de l’affaire Goulamaly comme la confirmation de ce qu’elle pensait déjà savoir, du moins formellement. Si aux premiers jours de l’affaire le quotidien Midi Madagascar s’est hasardé à publier quelque compte rendu de l’histoire et des faits, en éludant soigneusement les noms des personnalités concernée, la campagne électorale liée aux législatives a rapidement placé l’information et le scandale sous l’éteignoir. Les initiés ont constaté que les candidats liés à l’UNDD de Rakotovahiny, dont Fulgence Fanony (candidat sur la circonscription de Mananara), avaient soigneusement évité de se présenter sous cette étiquette. Les scandales liés à l’or rose et au trafic de vanille ayant usé le crédit dont disposait ce parti... Au lendemain de l’élection, les divers magazines d’information de la Grande île, notamment "Demain dans les media" (DMD), ou "Jureco" (LMJ), n’ont pas manqué de faire référence à "l’affaire" en la replaçant dans le contexte délétère de la IIIe République qui a conduit à la chute d’Albert Zafy. Dans les échos de "Jureco", on pouvait lire sous le titre "Armas : des scènes de corruption filmées", un résumé complet mais relativement allusif de l’affaire en question. L’entourage de l’ex-président Albert Zafy était néanmoins cité. Quant à la conclusion, elle valait son pesant d’or par son tour "laconique", dans le sens classique du terme : "Bref, ce journal (Ndlr : le Journal de l’île), dans son exclusif fait état de toutes les arnaques en matière de licences de pêche à Madagascar...". Le magazine "DMD", dans la chronique politicoimpertinente tenue par Honoré Razafintsalama, "Lettre des salons", revient à deux reprises sur "l’affaire". Dans l’édition du 21 mai dernier, il est écrit : "Une importante frange de la population a été ébranlée par l’affaire Goulamaly qui a prouvé par a+b, grâce à la séquence d’un film sur la manière dont un ministre de la troisième République bis avait touché des liasses de billets de banque de la part d’opérateurs réunionnais désirant obtenir un permis de pêche crevettière, que le "fahamarinana" - cette notion intraduisible de justice, d’équité et de droiture - tant galvaudée sous l’ère républicaine précédente n’était qu’un leurre et que certains responsables au niveau suprême étaient bien partie prenante dans cette corruption active..." S’agissant de Zafy, toujours, le même Honoré Razafintsalama, poursuivait une semaine plus tard : "Même bien élu dans sa circonscription, cet homme risque de ne pas faire long feu (...) il faudrait qu’il comprenne une bonne fois pour toutes qu’il ne détient pas seul le langage de la vérité surtout après une certaine "affaire Goulamaly" toute récente dont l’île sur a été le théâtre..." 2 sur 2 22/11/2013 20:29