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FAITS-DIVERS
Ouverture d’une enquête préliminaire
Clicanoo.com
publi le 21 avril 1998
00h00
Le procureur Legras, du parquet de Saint-Denis, a ordonné hier l’ouverture d’une enquête
préliminaire ayant pour base les faits délictueux - révélés jeudi dernier par le Journal de l’île commis à Madagascar par les responsables de la société Armement des Mascareignes. C’est la
brigade des recherches départementale de la gendarmerie nationale qui est chargée des
investigations.
Comme on pouvait s’y attendre, les errements du directeur d’ARMAS, Denis Proto, salarié d’Abdéali Goulamaly, ont
suscité la curiosité du parquet de Saint-Denis, qui, au vu des éléments publiés par le Journal de l’île, a décidé d’y aller
voir de plus près. Pour ce faire le procureur Bernard Legras a ordonné l’ouverture d’une enquête préliminaire et ce sont
les gendarmes de la BRD qui vont officier en ce sens. On peut donc s’attendre à des perquisitions dans les entreprises
concernées, et à l’audition des protagonistes de cette affaire. Les faits mis en cause, sur lesquels s’interroge Bernard
Legras, sont assez graves en ce sens qu’ils concernent une société française qui travaille tant à la Réunion qu’à
Madagascar dans le domaine de la pêche.
IMPORTANTES SOMMES EN LIQUIDE
C’est apparemment pour se concilier tout à la fois facilités d’action et totale impunité au regard des contrôles de
l’administration de la pêche et des ressources halieutiques malgaches, que Denis Proto, directeur d’ARMAS mais aussi
des deux filiales malgaches de la société, les Pêcheries du Mélaky et les Pêcheries du Ménabé, (basées à Morondava
et Maintirano), a procédé à la corruption de personnalités politiques et administratives jouant un rôle éminent dans la
grande île. A savoir Gilbert François, qui du temps d’Albert Zafy, premier président de la IVe république, était directeur
général des pêches, et à ce titre collaborateur direct des divers ministres des pêches, mais aussi Fulgence Fanony,
ex-ministre de l’Education, proche du président Zafy au nom duquel, ou pour le compte duquel il affirme jouer les
"mandataires financiers", sans oublier ses intérêts familiaux. Pour s’assurer une collaboration durable de ses
"partenaires", Denis Proto est allé jusqu’à filmer les remises de fonds, enregistrant conversations et négociations à l’insu
des protagonistes malgaches. Ce travail d’enregistrement a été réalisé grâce aux moyens d’une société réunionnaise
d’enquête et de filatures "Investig’action" encore nommée "Sécurité-Investigation-Conseil", dont le principal intervenant
s’est transporté sur les lieux de l’action, dans les bureaux directoriaux d’ARMAS et de la SOMEREX, à Antananarivo,
courant juillet 95. Les documents ainsi recueillis permettaient de fait la constitution d’un dossier pouvant être utilisé à
l’encontre des "corrompus", pour garantir leur "fidélité" et leur souplesse à l’avenir, via un chantage implicite. De tels
documents assuraient encore l’impunité relative des auteurs réunionnais des actes de corruption, vis-à-vis du pouvoir de
l’époque. Par ailleurs, il apparaît que les versements d’importantes sommes en liquide servaient à l’obtention de facilités
commerciales, voire de marchés, ou d’autorisations d’activité dans des secteurs tels que la pêche ou l’aquaculture, mais
encore dans des accords informels touchant aux carburants, par exemple...
FALSIFICATIONS DE BILANS
Autre aspect du contexte mis en place par l’intermédiaire du versement de ces pots-de-vin, la possibilité de nuire aux
concurrents, en suscitant ennuis et difficultés d’ordre administratif à tel ou tel bateau. Un petit jeu toxique apparemment
pratiqué par d’autres sociétés de pêche baignant dans les mêmes eaux troubles. Au vu du résultat des investigations
opérées par la BRD au sein des entreprises concernées, qu’elles dépendent d’Abdéali Goulamaly ou de Jean-François
Seiler, le parquet ordonnera, ou pas, l’ouverture d’une information judiciaire. Quant à la qualification des faits visés par
l’enquête, on peut avancer les notions de falsifications de bilans et de comptes, voire même d’abus de biens sociaux.
Les faits de corruption pouvant, le cas échéant, être compris dans les abus de biens sociaux. Le PDG d’ARMAS,
Abdéali Goulamaly a quitté vendredi dernier la Réunion pour la métropole. Mais le directeur administratif et financier de
la société ARMAS, Mohamed Taki Husseinali, plus connu sous le diminutif de Taki, sera sans doute en état de répondre
à la curiosité des enquêteurs. Philippe Leclaire
Des crevettes en or Sur le fond, les manuvres et pratiques répréhensibles dont s’est rendu coupable Denis Proto, pour
le compte d’Abdéali Goulamaly, n’ont d’autre finalité que de s’assurer l’accès au "filon" que constitue le stock de
crevettes sauvages qui vit et se reproduit dans les eaux de la côte ouest de Madagascar. Un stock exploité et
surexploité sans scrupule, dont le renouvellement lui-même est aujourd’hui mis en cause. La ressource en tant que telle
est menacée, le pillage des eaux malgaches doublement préjudiciable à l’Etat et aux populations. En effet, grâce à la
corruption des responsables chargés du contrôle des quantités et qualité des prises, les sociétés qui piratent les zones
de pêche prélèvent en toute impunité des quantités incontrôlables de crevettes et évitent de s’acquitter des impôts et
taxes qui découlent de leur activité réelle. Autant de recettes qui échappent à l’Etat malgache et ne peuvent servir au
développement du pays et au financement des services publics. En second lieu, c’est la population malgache qui est
atteinte dans la gestion de son patrimoine national, dans celle des richesses qui devraient être transmises à la postérité.
Comment la France pourrait-elle légitimement lutter contre les excès des palangriers-pirates du grand Sud, si dans le
même temps elle tolérait que certains de ses ressortissants agissent de même dans les eaux des pays riverains de
l’océan Indien ?
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