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Aux yeux de ces influenceurs qui se revendiquent « durables », le lobbying est un moyen d’expression légitime mais qui doit être rééquilibré au profit de voix qui pèsent moins dans le processus législatif, comme les ONG. Les lobbyistes grouillent à Bruxelles, et ce n’est pas nouveau. L’ONG Transparency International estime qu’ils sont environ 38 000 à arpenter les rues de la capitale européenne pour influencer les processus législatifs. Parmi eux, on trouve de nouveaux personnages qui veulent accoler les qualificatifs « éthique » ou « durable » à ces pratiques si souvent décriées. « Il est nécessaire de démocratiser le lobbying et de faciliter l’accès des citoyens aux décideurs publics », affirme Alberto Alemanno, professeur à HEC, spécialiste du droit européen. Ce dernier a joint le geste à la parole en créant The Good Lobby, une structure qui veut contrebalancer la domination des grands groupes privés dans l’écosystème de l’influence européenne.
1. 12| économie & entreprise VENDREDI 28 AOÛT 2020
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ABruxelles,deslobbyistes«éthiques»
DesinfluenceursveulentrééquilibrerlerapportdeforceauprofitdesONGnotamment
bruxelles correspondance
L
es lobbyistes grouillent à
Bruxelles, et ce n’est pas
nouveau. L’ONG Transpa
rency International es
time qu’ils sont environ 38000 à
arpenter les rues de la capitale
européenne pour influencer les
processus législatifs. Parmi eux,
on trouve de nouveaux personna
ges qui veulent accoler les qualifi
catifs «éthique» ou «durable» à
ces pratiques si souvent décriées.
«Ilestnécessairededémocratiser
le lobbying et de faciliter l’accès des
citoyensauxdécideurspublics»,af
firme Alberto Alemanno, profes
seur à HEC, spécialiste du droit
européen. Ce dernier a créé The
Good Lobby, une structure qui
veut contrebalancer la domina
tion des grands groupes privés
dans l’écosystème de l’influence
européenne.
Selon Transparency Internatio
nal, 7 % des rendezvous des plus
hauts niveaux de la Commission
Juncker avaient eu lieu avec des
entreprises privées. Pour M. Ale
manno, cette expression d’inté
rêts doit être «rééquilibrée au pro
fit d’organisations sousreprésen
tées». The Good Lobby forme des
associations et des ONG aux fon
damentaux du lobbying et les
met en lien avec des experts qui
proposent leurs services «pro
bono» afin de répondre à une
consultation publique, de struc
turer un argumentaire…
«Les mêmes techniques»
L’objectif de tout bon lobbyiste,
c’est d’avoir un impact. Pour ce
faire, il faut connaître les rouages
de la mécanique décisionnelle
européenne. Joost Mulder est de
ceuxlà. Il a quitté, en 2011, le cabi
net de conseil en affaires publi
ques Kreab pour rallier le «camp
d’en face», avec l’ONG Finance
Watch, avant d’ouvrir son propre
bureau de consultant Better Eu
rope. Ses clients sont des ONG
commeWWF,GlobalWitnessoule
Bureau européen des unions de
consommateurs. Et c’est bien de
lobbying dont il s’agit. «En France,
des ONG font la distinction entre le
lobbyingquiseraitréservéauxinté
rêtsprivésetleplaidoyerducôtéde
l’intérêtpublic.Moijenefaispasde
différence, je fais du lobbying, avec
les mêmes techniques.»
La technique, c’est d’abord le
carnet d’adresses. Savoir qui con
tacter, à quel moment, avec quel
type d’argumentaire. Puis suggé
rer des amendements, entrer
dans le détail des dossiers. «Par
fois,lesONGn’ontpaslapossibilité
d’envoyer les 50 mails qui permet
tront d’obtenir des rendezvous
puis le soutien des deux députés
supplémentaires qui feront la dif
férence», témoigne M. Mulder.
C’est souvent sur des détails très
techniques que se livrent les plus
grandes batailles. Le règlement
sur la publication d’informations
en matière de durabilité dans le
secteur des services financiers,
adopté en novembre 2019, fut
l’objet de l’une de ces luttes de
l’ombre. Joost Mulder et Global
Witness ont ferraillé cinq mois
durant pour que les décideurs in
troduisent une obligation de pu
blier une stratégie de vigilance en
matière d’investissement adres
sée aux grands gestionnaires de
fonds. «Sans notre persévérance, il
n’y aurait pas eu une telle disposi
tion», pense M. Mulder.
Les réalités que couvrent les
mots «éthique» et «durable»
sont élastiques, alors même que
lesgrandsgroupesdeconseil,par
fois empêtrés dans des scandales
– FleishmanHillard, FTI, etc. –
brandissent sans arrêt ces con
cepts.Enfait,chacunyvadesadé
finition.WillemVriesendorpa,lui
aussi, lancé son cabinet d’affaires
publiques durables, Sustainable
PublicAffairs.Ilreprésentedesen
treprises innovantes. «Souvent le
lobbying “classique” des grands
groupes privés cherche à rendre
moins strictes les normes, expli
quetil. J’ai voulu travailler pour
des entreprises progressistes. Elles
réclament des normes plus strictes
qui favorisent l’innovation.»
Il évoque, parmi ses clients, Cor
bion qui «produit du plastique à
«Il est nécessaire
de faciliter l’accès
des citoyens
aux décideurs
publics»
ALBERTO ALEMANNO
professeur à HEC
partirdelacanneàsucre»ouDSM
chemicals qui développe un addi
tif alimentaire pour ruminants
afin de réduire leurs émissions de
méthane. Autant d’entreprises
qui ont intérêt à influencer les lé
gislations dans un sens qui favo
rise ces nouvelles idées, voire pé
nalise les industries plus classi
ques lorsqu’elles sont polluantes.
C’est un peu sur cette ligne que
Joanna Sullivan, l’une des pion
nières de ce lobbying, se situe.
Cette ancienne de Philip Morris,
avec son cabinet Conscience Con
sulting, souhaite créer des allian
ces entre ONG, fondations et en
treprises, tant que ces dernières
«veulent vraiment se battre pour
réduire les émissions de CO2, avec
des objectifs précis».
Ses clients présentent un profil
étonnamment varié, d’Airbus à
WWF. Elle tisse des liens entre
l’IFOAM (Fédération internatio
nale des mouvements d’agricul
ture biologique), des organisa
tions comme le réseau d’action
contre les pesticides (PAN) et l’as
sociation des entreprises de bio
contrôle, afin de pousser la Com
mission européenne à être plus
ambitieuse au sujet de l’exten
siondelapartd’agriculturebiolo
gique. Mais «l’adversaire» ne se
laissepasfaire.Lesindustriespro
ductrices de produits phytosani
taires déploient aussi leurs straté
gies d’influence. «Ce sont souvent
les secteurs les moins vertueux qui
dépensent le plus en lobbying dé
fensif», rappelle Mme Sullivan.
Pour M. Alemanno, c’est ce type
de déséquilibre qui se traduit en
«inégalité politique».
cédric vallet
Le nouveau centre commercial
lillois ouvre sous les critiques
Horssol, à contretemps, et destructeur», pour les écolo
gistes lillois. «55000 m² de béton aux portes de Lille
Sud, secteur saturé et pollué par la proximité avec le pé
riphérique»,dénoncelecomitélilloisdeGénération.s.«Uncon
treexemple parfait de ce que la crise sanitaire nous a appris:
consommer moins, mieux, local, favoriser la production artisa
nale et soutenir les entrepreneurs de notre région», pour la con
seillère municipale d’opposition, Violette Spillebout.
A Lille, l’ouverture d’un centre commercial a rarement suscité
un tel déchaînement de critiques. En ce mardi 25 août, les pro
moteurs de Lillenium se consolent en voyant près de 5000 cu
rieux fouler le sol de ce bâtiment futuriste en béton blanc, des
sinéparl’architecteRudyRicciotti.Inondésdelumièrenaturelle
viauneverrièredeplusde1hectare,les56200m2 decommerces
et de loisirs se veulent une réponse aux besoins des 130000 ha
bitants estimés dans la zone de chalandise. Mais Lillenium
– «une chance pour Lille», tweetait le maire, Martine Aubry (PS),
en2017 – arrive tard. Imaginé il y a près de quinze ans, livré avec
plusieurs années de retard à la suite d’une série d’embûches, et
sauvé en partie grâce aux fonds de
l’Agencenationalepourlarénovation
urbaine et de la Caisse des dépôts,
Lillenium vient s’ajouter aux 11 cen
tres commerciaux de la métropole.
Si,en1994,lemairedelacapitaledes
HautsdeFrance, Pierre Mauroy, était
applaudi pour avoir fait couler le bé
ton en construisant la gare LilleEu
rope et Euralille, l’un des plus grands
centres commerciaux de France,
vingtsix ans plus tard le contexte a
changé. Les centres commerciaux
s’essoufflent,etlapandémieaaggravélacriseducommercephy
sique. «J’avais appréhendé les difficultés liées au changement du
commerce avec l’engrenage des «gilets jaunes», la crise du textile,
les mouvements sociaux, mais c’est compliqué d’intéresser les
gens quand ils n’ont pas faim», confie Raphaël Abitbol, président
de Vicity, promoteur de Lillenium.
Face aux critiques, qui dénoncent un modèle de consomma
tion obsolète et énergivore, Romain Demettre, directeur géné
ral de Vicity, à l’origine de ce projet, répond: «Le circuit court,
c’est aussi de rester en ville comme nous dans ce quartier, et pas
en périphérie. Ici, nous avons investi 230 millions d’euros et l’on a
créé un vrai centre de vie.» Si c’était à refaire? «J’ai eu beaucoup
deleçonsdemoraledepuisdixseptansmaisjepensequelecom
merce physique n’est pas mort car il a besoin de services, à la dif
férence d’Amazon.» Malgré un contexte difficile, deux autres
énormes paquebots commerciaux seront livrés ce moisci en
France: Mon Grand Plaisir sur la zone commerciale des Clayes
sousBois (Yvelines) ce 27 août, et Steel, le 16 septembre à Saint
Etienne (AuvergneRhôneAlpes).
laurie moniez (lille, correspondance)
IMAGINÉ IL Y A PRÈS
DE QUINZE ANS,
LILLENIUM S’AJOUTE
AUX 11 CENTRES
COMMERCIAUX
DE LA MÉTROPOLE
ÉDITION
«Dix petits nègres»
change de nom
en français
Le roman policier d’Agatha
Christie Dix petits nègres, un
des livres les plus lus et ven
dus au monde, change de
nom, amputé du mot «nè
gre» dans sa version fran
çaise, pour «ne pas blesser», a
expliqué l’arrièrepetitfils de
la romancière, James Prichard,
dirigeant de la société pro
priétaire des droits littéraires
et médiatiques des œuvres
d’Agatha Christie, sur RTL,
mercredi 26 août. Le nouveau
titre, qui est sorti mercredi
aux éditions du Masque, est
Ils étaient dix. Le mot «nègre»,
cité 74 fois dans la version ori
ginale du récit, n’apparaît plus
du tout dans la nouvelle édi
tion traduite par Gérard de
Chergé. «L’île du nègre» où se
déroule l’intrigue est devenue
dans la nouvelle version «l’île
du soldat». «Les éditions du
Masque ont opéré ces change
ments à la demande d’Agatha
Christie Limited, afin de s’ali
gner sur les éditions anglaise,
américaine et toutes les autres
traductions internationales»,
a précisé l’éditeur, contacté
par l’AFP.
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