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ET LA VILLE DEVIENT FANTASTIQUE 
Recueil de nouvelles 
La Quatrième JUPITER 
& 
La Quatrième MERCURE 
COLLÈGE TEXEIRA DA MOTTA 
Collection FRISSON 
2014
Cher lecteur, 
Sache que, dans mon monde, la ville est fantastique, peuplée de créatures 
et de frayeurs nocturnes. Après de telles épreuves, le projet PO² (architecture 
et urbanisme) m'a sauvé de l'ennui et m'a inspiré des histoires dramatiques. 
Ma vie s'est désintégrée en sept événements traumatisants comparables aux 
sept vies d’un chat noir et furtif. Les sept miaous stridents ont déchiré la nuit 
et, du fond de mon jardin, une ombre m'a transporté dans une ville 
souterraine, à Venise et jusqu'aux catacombes... La peur me terrifiait de soir 
en soir, en soir... dans un cercle vicieux. Paralysé par le doute et 
l'incompréhension, aucune solution ne s'offrait à moi, c'était l'impasse. J'étais 
cloué au lit et la peur me hantait, me pétrifiait, m'anéantissait. J'ai cru y rester, 
happé par la mort, tour à tour diabolique et bienveillante. 
L’imagination peut jouer de mauvais tours. Prends bien garde ! Il pourrait 
en être de même pour toi... Après avoir lu ce recueil de nouvelles, tu ne 
sortiras pas indemne.
LE MASQUE DE VENISE 
Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans le quartier de San Polo, au bord du Canal 
Grande à Venise. Entre le 22 février et le 14 mars se déroule le Carnaval annuel 
traditionnel. L'année où je décidai d’assister à l'événement, le défilé se préparait et on 
aménageait la scène qui accueillerait les lauréats du concours de déguisement. Je 
résidais alors à Venise pour suivre mes études d'arts. Je profitais de l'occasion pour visiter 
la cité des Doges, et observais avec émerveillement tout ce qui m'entourait. La liesse était 
à son comble, je me promenais dans le quartier qui résonnait d’éclats de rires et de voix. 
Un groupe d'hommes riait à gorge déployée et se pavanait en direction d’un restaurant. Je 
les y suivis. Là, un disque-jockey réservait un accueil chaleureux et festif, des guirlandes 
lumineuses égayaient cette ambiance vénitienne. 
À l’arrière du bâtiment, j’aperçus un groupe constitué d'une douzaine d'individus, 
affublés d’habits bigarrés et cachés derrière des masques. Ils ouvrirent une porte et 
entrèrent dans une pièce réservée au personnel. Ils en ressortirent vêtus d’un costume 
sombre au large col de velours et chargé de petites pierres factices. Des gants blancs et 
un chapeau bicorne verdâtre bordé d'or achevaient l’accoutrement. Ils revinrent sur leur 
pas, dans ma direction, et soudain je fus comme cloué au sol, comme si un aimant 
m'attirait vers le centre de la Terre et m'empêchait de bouger. Ils sortirent de 
l’établissement. Je pus à nouveau bouger et je les suivis. Je n’arrive toujours pas à 
expliquer pourquoi. Ils tournèrent dans une ruelle sombre et déserte. J'eus à peine le 
temps de faire un tour sur moi-même, croyant qu’ils m’avaient semé, que je fus encerclé 
par leurs ombres inquiétantes. Mon sang se glaça dans mes veines. Je les entendis 
réciter une sorte d'incantation qui me mit presque immédiatement dans un état critique. La 
tête me tourna, je sentis une énergie obscure serpenter dans mon corps. La bête remonta 
lentement vers mon cerveau. Je sentis mon corps m'abandonner, il ne me restait que mon 
âme tourmentée. J'étais debout au centre d'un cercle inhumain et je voyais si flou que je 
ne distinguais que des formes confuses et un décor déformé. Lorsque je pus enfin 
reprendre mes esprits, je réalisai qu'il n'y avait plus personne ; mes jambes devinrent alors 
comme du coton et la pression était telle dans ma tête que je m’écroulai. 
Je me réveillai, étalé sur le sol, sans force. Je portais sur le visage un masque que je ne 
pouvais ôter. Pendant plusieurs minutes, toute tentative resta infructueuse. Comment 
accepter de vivre avec ce fardeau ? Chaque jour, je tentais de le retirer, en vain. Le 
quatrième jour, désemparé, j'allai dans ma salle de bain, je mis de l'eau chaude sur mon 
visage sans y croire et le masque se détacha. Enfin, un sentiment de liberté ! Mais quand
je me regardai dans la glace, je constatai que j’avais pâli, sans doute parce que j’avais été 
privé de soleil. Mais ce qui me parut le plus inquiétant et le plus étrange était que je ne 
pouvais bouger aucun trait de mon visage. Ma peau était comme figée dans la cire. Il 
fallait que je dépasse ma peur et que je règle ce problème. 
Ce soir-là, je retournai au Carnaval à la recherche de ces personnes masquées qui 
m’avaient impressionné, au sens littéral du terme. Je croisai une vieille dame dont le 
regard s’obscurcit à la seule vue de mon visage. On aurait dit que je la terrifiais. Elle 
s'arrêta net devant moi, bégayant sans cesse ''ce visage, ce visage...'', puis je l'interrompis, 
surpris moi-même par cet air intrigué qu’elle avait. Elle savait quelque chose à propos de 
ce masque. Elle m'invita chez elle. On entra dans une veille maison. Elle me proposa du 
thé servi dans un vieux service en porcelaine. Elle s’assit à mes côtés et elle commença à 
me raconter l'histoire du ''masque de Venise'' non sans m’avoir demandé au préalable de 
lui dire ce qui m'était arrivé. Par la suite, elle m'avoua qu’il s’agissait d’une malédiction et 
que si je voulais retrouver mon visage, il faudrait attendre le Carnaval de l'année suivante 
et de faire subir à un étranger le même sort que moi. Je lui demandai s'il fallait réciter le 
sortilège. Elle me répondit que oui et m’apprit la formule. 
Je menai une vie morne pendant cette année qui me sembla interminable. Je restai 
aussi inexpressif qu’inquiet. Le premier jour du Carnaval arriva enfin. J’achetai un masque 
noir en plastique froid et me dirigeai, la peur au ventre, vers le restaurant maudit. Sur le 
chemin, un homme me demanda sa route. Sans avoir compris où il voulait se rendre, je lui 
proposai de le mener à bon port. Une seule idée me trottait dans la tête : comment le 
convaincre de porter le masque ? Je n’avais pas le choix et tous les moyens étaient bons 
pour arriver à mes fins. Étais-je aussi devenu insensible au sort des autres ! L’infortuné me 
suivit presque aveuglément dans une impasse sombre et déserte. Ressentait-il lui aussi la 
peur en marchant dans cette impasse ? Peu m’importait, j’allais retrouver figure humaine.
MORSURE ET CATACOMBES 
Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville par un soir de pleine lune, dans les 
catacombes de Paris. Le ciel était noir, sans étoiles comme si l'horloge du temps était 
restée figée. Je rentrais de soirée avec quelques amis quand l'un d'entre eux eut la 
brillante idée d'aller visiter les catacombes. Je n'étais pas très emballé par la proposition, 
mais je ne voulais pas passer pour une mauviette. Nous en prîmes alors le chemin. Si 
j'avais su ce qu'il se passerait cette nuit-là ! J'aurais préféré éprouver de la honte que de 
vivre cet incident traumatisant. Je ne pensais pas que les catacombes pouvaient être si 
effrayantes. Nous pénétrâmes clandestinement dans ce lieu public qui avait fermé ses 
portes depuis plusieurs heures déjà. Peu importe où l'on posait les yeux, on n'apercevait 
que des ossements blanchâtres dans les moindres recoins. Vision improbable dans un 
site touristique où, d’ordinaire, seuls les pierres et les vestiges du passé s’offraient à la 
vue des curieux. Je m'isolai, l'espace d'un instant pour cacher aux autres la peur qui 
m’envahissait, mais quand je revins, plus l'ombre d'un rat ! Dans quel pétrin m'étais-je 
encore fourré ? Il fallait absolument que je trouve une sortie, mais c’était peine perdue. Je 
longeais les allées sales, étroites et mal éclairées. Épuisé par cette recherche acharnée, 
je m'affalai sur le sol poussiéreux et je finis par sombrer malgré moi dans un sommeil 
étrange. 
Soudain, un cri d'horreur. Ce cri inhumain, bestial me ramena à la réalité. Je me 
relevais péniblement quand un courant d'air glacial me frappa dans le dos. Une patte, oui, 
une patte, agrippa mon épaule et transperça de ses griffes acérées ma chair tendre. La 
douleur était insoutenable et la respiration de la Chose résonnait dans ma tête. Je me 
retournai pour essayer de me dégager mais plus rien. Seul le silence pesant des 
catacombes régnait en maître. Je déambulais, diminué aussi bien physiquement que 
moralement. C'est alors que j’aperçus un gardien de nuit. J'avais enfin trouvé de l'aide 
pour pouvoir m'échapper ! Mais lui aussi avait l'air perturbé par je ne sais quoi. Je me 
rapprochai et lui demandai de l'aide : 
- S'il vous plaît, aidez-moi ! J'ai besoin d'un médecin ! 
- Vous saignez énormément, que vous est-il arrivé ? me demanda-t-il, inquiet. 
- Une bête m'a mordu ! Ça avait la force d'un ours et les crocs d'un loup. 
- Un loup, vous dites ! Mais ce soir, c'est la pleine lune, n’est-ce pas ? ajouta-t-il, d’un 
ton moqueur. 
- Quelle importance ? Aidez-moi s'il vous plaît ! suppliai-je. 
Les yeux du gardien semblaient sortir de leurs orbites, l'expression de son visage se
décomposait comme s'il avait croisé un fantôme. 
- Courez ! s’écria-t-il, courez avant qu'elle arrive ! 
- Elle ? 
À cet instant, je vis quelque chose d'horrible, d'inhumain. Le gardien se transformait en 
bête. Ses paroles ne ressemblaient plus qu'à des hurlements, ses mains devenaient des 
pattes. Ses vêtements se déchiraient tellement son corps se développait démesurément. Il 
se transformait en loup-garou. Je ne pouvais pas rester là à regarder ce spectacle 
terrifiant, il fallait que je m'en aille. J'avais l'impression que la douleur provoquée par ma 
blessure avait disparu tant la terreur était immense. Je courus tellement vite que je ne sus 
pas dans quel couloir je m'engouffrais. 
Mes poumons n'en pouvaient plus. Ils étaient sans doute trop petits pour contenir tout 
l’air dont j’avais besoin pour rester conscient. Je m’arrêtai, hors d’haleine. Je n'en crus pas 
mes yeux ! Devant moi, je reconnus, grâce à ses vêtements, un de mes compagnons 
d’infortune qui s'était transformé en un monstre terrifiant ! Était-ce la réalité ou mon esprit 
me jouait-il des tours ? Cependant, je ne tentai même pas d’aider mon ami qui n’était 
même plus l’ombre de lui-même. Il fallait que cet enfer s’arrête. Déterminé, je m'engageai 
dans un passage sombre. Un bruit ! mais je restai sur mes gardes. Avec effroi, je 
découvris une meute de ce qui semblait être des loups. Impossible de les dénombrer avec 
exactitude. Leurs grognements agressifs parvinrent jusqu’à moi mais, inexplicablement, je 
comprenais ce qu’ils signifiaient : 
- Où est-il ? Cela fait 3 jours qu'on n’a pas mangé ! 
- On le trouvera ! Espérons-le sinon il faudra que l'on sorte. 
- Vous sentez cette odeur ? 
Ils m'avaient repéré ! Déjà l'un d'eux se dirigeait vers ma cachette. Instinctivement, je 
pris mes jambes à mon cou. La meute me poursuivit pendant de longues minutes qui me 
paraissaient être des heures, mais je finis par les semer. Une porte enfin ! Avec l’énergie 
du désespoir, je la poussai et tombai de tout mon poids sur le béton glacé. Le bruit de la 
lourde porte qui se referma derrière moi sonna comme un cri de victoire. Le cauchemar 
était fini. 
Je levai les yeux vers le ciel et distinguai ma bande de copains qui s’amusaient de ma 
chute sans doute ridicule à leurs yeux. Je leur souris, confus, et constatai, inquiet, que 
Paul n’était pas là. « Il doit chercher la sortie comme toi ! » lança Thierry en riant. Je me 
relevai tant bien que mal. Mes muscles étaient tétanisés, tout mon être semblait flotter. 
J’avais sans doute perdu tout sens de la réalité dans cet endroit surréaliste et la peur ne 
m’avait certainement pas aidé à rester rationnel. Mais tout était rentré dans l’ordre. Je 
portai alors ma main sur ma blessure. Je ne ressentais aucune douleur mais la plaie était
déjà cicatrisée. L’étrangeté de mon état ne s’arrêtait pas là. Je pris une longue inspiration 
et l’odeur de chair fraîche qui se dégageait du groupe de mes amis excita mes narines.
LA VENGEANCE DU REVENANT 
Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville. Ce soir-là, on donnait une fête en 
l’honneur de l’anniversaire d’un de mes amis dans le parc dans lequel on avait l’habitude 
de se retrouver depuis notre tendre enfance. Après avoir bien profité des retrouvailles, je 
ne me sentis pas très bien. Je décidai alors de m'écarter du groupe. 
J'entendis des gémissements de douleur un peu plus loin. Je m'approchai et vis un 
jeune homme à terre. Je me penchai sur lui pour lui porter secours et je commençai à 
l'examiner. Mais je constatai avec effroi que je ne pouvais plus rien faire. Il était mort ! 
Plusieurs entailles recouvraient son corps, elles étaient sûrement la cause du décès. Le 
pauvre homme s'était fait poignarder. Au bord du dégoût, je détournai la tête une fraction 
de seconde mais le corps sans vie avait disparu. Je pris mes jambes à mon cou, en 
espérant qu'un jour je pourrais oublier cette histoire. Mais pour soulager ma conscience, je 
pris la décision, sans prendre le temps d’en informer mes amis, d'aller en parler à la 
police. Je me précipitai au commissariat où un agent, après avoir compris la situation et en 
voyant mon affolement, m'expliqua que l’auteur des faits s'était présenté de lui-même et 
qu’il était déjà sous les verrous. Il poursuivit en me disant que le problème était qu’il n’y 
avait aucun cadavre. Le gardien du parc, dépêché sur les lieux, était formel. Le policier, 
convaincu de ma bonne foi, alla jusqu’à me montrer une photographie du présumé 
meurtrier. Je remarquai, ébahi, que l’homme et moi nous ressemblions énormément. Le 
policier, quant à lui, ne fit pourtant pas le rapprochement. Perplexe, je rentrai chez moi. 
Le lendemain, je retournai en cours et passai une journée ordinaire bien que des 
images du pauvre homme ensanglanté me hantaient. Je donnais le change. La sonnerie 
de la fin des cours retentit et le soleil commençait à se coucher. Je marchais sur l’avenue 
principale du quartier. L’endroit était anormalement calme et déserte. Mon coeur se mit à 
battre de plus en plus vite dès lors que je sentis une présence se rapprocher de moi. Je 
me retournai mais tout était vide. Lorsque je tournai la tête pour continuer ma route, le 
cadavre de l'autre soir se tenait debout, là, devant moi. Il était décharné par endroits mais 
bien vivant ! Il essaya de me sauter dessus et j'esquivai de peu son attaque. Il répliqua, je 
réussis encore à l'éviter. Après plusieurs assauts, il me blessa superficiellement. Je 
m'enfuis, sans doute par instinct de survie. J’entrai enfin chez moi après une course folle à 
travers les rues étroites de la ville. J’évitai de justesse une voiture mal garée, une 
poubelle, un chat errant. J’entrai enfin chez moi. Pensant qu'il était parti, je rouvris la porte 
pour me convaincre que tout cela n’était que le fruit de mon imagination. Soudain, un pied
se glissa dans l’entrebâillement de la porte. Il était de retour et réussit à pénétrer dans la 
maison. Je courus dans ma chambre puis sautai par ma fenêtre pour atterrir dans la 
ruelle. Je m'arrêtai. Une main se posa sur ma nuque. Je me sentis piégé dans le gouffre 
de la mort. 
Tous les espoirs de raconter mon histoire se sont envolés quand il m’a ôté injustement 
la vie. Le médecin légiste a conclu à une mort naturelle ! Mais, vous, médium, me donnez 
aujourd’hui la chance de dire la vérité, de m'exprimer, moi, l’ombre tuée par une ombre.
MARQUÉ À VIE 
Moi, Avi, j’ai ressenti la peur en marchant dans la ville, hier à l’heure du dîner, pour me 
rendre au restaurant. Tout en avançant, je fixe le balancement de mon porte-clés et j’en suis 
presque hypnotisé. En poussant la porte, je constate que rien n’a changé depuis la dernière fois 
que je suis venu ; cette fois où une histoire folle et encore plus terrifiante m’est arrivée. C’était il 
y a un an. Comme hier, aux environs de vingt heures, je me dirigeais vers cet établissement 
dans lequel ma vision du monde changea à jamais. Une peur inexplicable m’envahit quand 
j’entrai dans ce lieu fatidique, provoquant une sorte de vertige incontrôlable. 
Après avoir retrouvé mes esprits, je m’installai à une table et j’appelai le serveur lorsqu’un 
ami d’enfance que je n’avais pas vu depuis plus de vingt ans m’aborda, posant sur moi un 
regard étrange : il louchait. Au fil de la soirée, Marc et moi nous remémorions notre passé à 
l’école primaire, les copains et les cours de M. Arnaud qui aimait nous parler de sa passion, la 
plongée, et nous faire rêver. C’est à cet instant qu’il m’offrit un porte-clés en forme de trèfle, 
« symbole de notre amitié » me dit-il. Pour ma part, j’étais heureux de l’avoir retrouvé et je 
voulus immortaliser ce moment en prenant une photo à tirage instantané. Quand je regardai le 
résultat, Marc n’y apparaissait nulle part ! Intrigué, je posai ma main sur son épaule, elle ne 
rencontra aucune résistance ; ma main avait traversé son épaule. 
Affolé, horrifié, je quittai précipitamment le restaurant tel une proie pourchassée. Je 
m’arrêtai net sur le trottoir. J’étais figé. Une statue de pierre. J’avais le souffle coupé, incapable 
de faire le moindre mouvement ni même de raisonner. Cependant, je sentis que Marc 
s’approchait de moi d’un pas hésitant. Il parvint à m’apaiser, et je ne sais toujours pas 
comment. Je réussis à poser mon regard sur son visage. Il était étrangement pâle. Malgré moi, 
nous nous dirigeâmes vers le pont, côte à côte, comme inséparables. Il me parlait 
interminablement. Envoûté par cette voix grave et monocorde, je ne remarquai pas cette flaque 
d’huile sur le sol. Je glissai brutalement et basculai, sans aucune véritable explication, de l’autre 
côté de la barrière de sécurité comme un parachutiste en chute libre. Marc sauta, sans se 
retenir à quoi que ce fût, m’agrippa par le poignet et m’évita la chute fatale. Après m’avoir 
remonté sans éprouver la moindre difficulté, il m’observa et j’en fis de même. Son regard était 
vide, son teint blêmissait à vue d’oeil, je sentais grandir la peur en moi mais aussi une certaine 
angoisse dans les yeux de Marc. Tout devint noir autour de moi excepté cet être mystérieux. 
J’eus l’impression de quitter la surface du globe pendant un instant, de ne plus appartenir au 
monde des vivants. Après quelques secondes d’un silence presque funeste, Marc me dit d’une
voix d’outre-tombe : « Je ne suis plus de ce monde. » Ces paroles eurent l’effet d’un séisme. Je 
tombai dans les pommes. 
Je me réveillai chez moi avec une migraine atroce qui brouillait les souvenirs de la veille. 
Pourquoi me sentais-je si mal ? Je me levai et allai avec difficulté à la cuisine pour tenter 
d’avaler quelque chose. Mon sac, posé sur la table, était grand ouvert. Je trouvai la photo. Je 
reconnus le restaurant que je fréquentais régulièrement mais je figurais seul sur le cliché ! Drôle 
d’idée. Je tentai de me rappeler cette soirée, sans succès. Je quittai presque aussitôt mon 
appartement pour retourner au restaurant. Une fois sur place, j’interrogeai le serveur qui 
m’accueillit cordialement comme à son habitude. Je lui demandai assez vite si j’étais venu seul, 
la veille. Le serveur me fixa d’un regard intrigué. Il me répondit, un peu gêné, qu’il n’avait vu 
personne mais que j’avais effectivement parlé tout seul pendant un long moment. Il avait 
supposé que j’étais au téléphone. N’obtenant pas de réponse convaincante, je pris congé et 
ressortis du restaurant. 
Je me remis à marcher, sans but. Absorbé par un flot de questions, je ne me rendis 
compte, seulement plusieurs minutes plus tard, que j’étais arrivé au pont qui reliait le quartier 
commerçant au quartier résidentiel dans lequel j’habitais. Soudain, une image vint frapper mon 
esprit mais elle restait indistincte. Juste une forme humaine, un homme au visage livide et au 
regard hagard... Déconcerté, je tournai les yeux sur l’eau qui coulait régulièrement sous le 
pont. Je mis les mains dans les poches de mon jeans et je sentis quelque chose du bout des 
doigts. Je sortis l’objet : un porte-clés qui portait l’inscription « Marc & Avi ».
L’IMPASSE 
Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville. Je rentrais chez moi après être allée 
au cinéma avec un groupe d’amis. Nous habitions tous dans le même immeuble situé à 
quelques centaines de mètres seulement du multiplexe. Le quartier avait toujours été 
dynamique et accueillant. Tout le monde se connaissait et prenait le temps de discuter et 
d’échanger les dernières nouvelles sur la vie des uns et des autres à la terrasse des cafés 
qui donnaient sur la rue principale. En cette fin d’après-midi, nous marchions donc en 
donnant chacun notre avis sur le film d’horreur. Il faisait déjà nuit, nous avions un peu froid 
et les images fortes que nous venions de voir rajoutaient au frisson que je ressentais pour 
ma part. 
Lorsque nous arrivâmes devant notre immeuble, nous remarquâmes une porte à 
laquelle nous n’avions jamais prêté attention. À travers cette porte, nous aperçûmes 
l'intérieur de notre immeuble, alors nous l’ouvrîmes. À peine entrés, la porte se referma 
derrière nous et nous fûmes dans le noir le plus total. Après quelques minutes de 
recherche sans prononcer aucun mot, je réussis à distinguer une faible lumière. J'avançai 
à tâtons et dans un silence de mort. Quelques instants plus tard, je remarquai que j'étais 
seule dans une impasse ! Où étaient passés mes quatre acolytes ? 
J'hésitai à avancer. Mais ma curiosité prit assez vite le dessus pour laisser place 
presque aussitôt à une sorte de panique. Je tombai sur une deuxième porte où je pus lire 
avec difficulté une pancarte éclairée par le halo de lumière de mon téléphone portable qui 
ne détectait aucun réseau. L’angoisse me saisissait de plus en plus. Je me trouvais donc 
dans le « Labyrinthe de la peur ». Je poussai la porte, guidée par une force que je ne 
pouvais pas contrôler. Je me retrouvai alors dans une espèce de forêt dense mais je ne 
sentais aucune odeur de sève, de feuille ou de quoi que ce soit qui aurait pu stimuler un 
promeneur dans un tel décor. Je me dis que cela ne servait à rien de rester là à ne rien 
faire mais j’étais, en même temps, perplexe face à ce qui m’arrivait. Je continuais mon 
chemin en essayant de réfléchir à ce que ces mots pouvaient bien dire et à ma solitude 
dans un lieu si insolite. J'avais peur, très peur même. 
Minute après minute, je croyais de plus en plus que je ne sortirais jamais de ce fichu 
labyrinthe, glauque et silencieux. J'entendis un craquement ! J'étais pourtant seule ! Je me 
mis à courir. Qu'est ce que cela pouvait être ? Une branche sèche qui cède sous le poids 
d’un pied ? d’une patte ? Des os que broie la mâchoire monstrueuse d’une bête sauvage ? 
« Je ne sortirai jamais d'ici vivante ! » C'est ce qui revenait en boucle dans mon esprit 
torturé. Soudain, je me cognai violemment contre une porte, la troisième. J’étais tellement
sonnée que je perdis connaissance. À mon réveil plutôt douloureux, j’avais l’impression 
que tout le sang de mon corps cherchait à sortir par mon front. Je ne savais plus très bien 
où je me trouvais. Je me relevai alors tant bien que mal dans une pénombre qui ne me 
rassura pas. La peur devint terreur quand un murmure venu de nulle part, si ce n’est de 
cette pièce noire et macabre, me susurra ces paroles « Prends garde aux fausses 
apparences ». Je me retrouvai encore devant cette porte, la troisième. Les événements 
me revenaient en tête de manière foudroyante. Je ne pouvais aller dans un endroit pire 
que celui qui s’offrait à mes yeux. L’écriteau mentionnait cette fois « Ombres et serpents 
mortels ». Je savais qu’il était impossible de faire demi-tour. Je pénétrai quand même, 
paralysée par la peur de ce que j’allais rencontrer. Et là, comme par magie, j’étais plantée 
devant mon immeuble avec tous mes amis. Nous étions tous étonnés de nous revoir. Le 
soleil se levait... Comment cela était-il possible ? Nous croyions tous n'y avoir passé que 
quelques minutes ! Et à quel moment précisément nous étions-nous perdus de vue ? Des 
questions surgissaient et s’accumulaient comme des fusées éclairantes. Mais nous 
restions pourtant dans le flou. La seule certitude était que chacun avait vécu ses peurs les 
plus sombres et avait entendu une voix lui murmurer qu’il fallait prendre garde aux 
apparences. 
Mais alors... mes peurs à moi les avais-je toutes vues ? Une forêt sombre emplie de 
bruits suspects ! Ces ombres et ces serpents mortels qui m’étaient apparus sous les traits 
de mes amis devant chez moi ! Idioties ! À quoi bon chercher une explication ? Un 
nouveau jour commençait et nous devions nous préparer pour aller en cours sans avoir 
dormi. Nous devions reprendre le cours d’une vie dans laquelle tout nous paraissait 
normal. Tous, sans nous concerter, nous jetâmes un coup d’oeil vers la porte maudite. Elle 
avait disparu.
LE CERCLE DE LA PEUR 
Moi, j’ai ressenti la peur en marchant dans la ville, un soir, en rentrant du travail. Il ne 
me restait que quelques mètres à faire avant d’arriver chez moi lorsque je passai devant la 
petite épicerie de quartier qui regorgeait de clients habituellement. Mais ce soir-là, pas 
âme qui vive ; elle était déserte et même la commerçante que je saluais et avec qui 
j’échangeais quelques banalités était absente. J’étais intrigué d’autant que la boutique 
était grande ouverte, toute lumière allumée. J’atteignis l’entrée de mon immeuble ; j’allais 
retrouver ma femme et ma petite Julia qui enchantaient ma vie chaque jour. 
Mais un silence de mort régnait au rez-de-chaussée. Je commençai à monter l’escalier 
tout comme l’angoisse montait en moi. Au premier étage, je constatai que toutes les 
portes étaient ouvertes pendant que j’avançais à tâtons. Les minuteurs des couloirs ne 
fonctionnaient plus, seule la lumière qui provenait de l’extérieur éclairait à peine mes 
gestes. Je parvins enfin au deuxième pallier. Enfin chez moi ! Mais le calme était loin 
d’être revenu. Cette fois-ci, toutes les portes s’ouvrirent et se refermèrent dans un rythme 
infernal à partir du moment où je posai le pied sur la dernière marche. Plus j’approchais de 
mon appartement, plus j’avais l’impression que le sang ne circulait plus dans mon corps. 
Ce fut l’effet d’une bombe lorsque je compris que la seule porte qui restait close et 
silencieuse était la mienne. J’ouvris la porte, la peur au ventre, et une lumière blanche 
irradiante m’aveugla. Quelques secondes plus tard, je pus enfin ouvrir les yeux alors 
accoutumés à la luminosité ambiante. Tout était sens dessus dessous ! Interdit, je me 
demandai si je vivais un rêve ou la réalité. Sans le pressentir, je perdis conscience et 
sombrai dans le noir le plus complet. 
Je m’éveillai presque aussitôt – enfin à mon sens – en plein milieu de la ville, cerné par 
les bâtiments publics aux allures austères et les habitations aux volets fermés et 
infranchissables. Pourtant j’entendais une vague musique qui semblait être jouée devant 
un public en délire étant donné le bruit des applaudissements qui accompagnait le son des 
instruments. J’eus l’impression d’être un pantin dans un film d’animation surréaliste. Je me 
laissai guider. La scène me stupéfia : guitares, accordéons, batterie, violons, trompettes 
jouaient de concert... mais aucun musicien. Mon hésitation entre rêve et réalité grandissait 
et une question vint subitement frapper mon esprit : où étaient passées ma femme et ma 
fille ! Je me demandais si je ne devenais pas fou. Au moment où je secouai la tête pour 
tenter de recouvrer la raison, l’orchestre se volatilisa, comme par magie. Encore une fois 
saisi d’étonnement, je cherchai des yeux un élément familier dans le décor. J’aperçus
l’entrée principale du centre commercial dans lequel nous venions une fois par semaine, 
ma petite famille et moi. À l’intérieur, dans le grand hall, toujours personne. Je marchais 
complètement au hasard lorsque je me retrouvai face à la grande horloge qui indiquait une 
heure, une heure du matin. Furtivement, j’entrevis une ombre filer sur ma droite. La terreur 
me glaça le sang et me laissa pour mort, étalé sur le sol. 
À mon réveil, je me dis en mon for intérieur que toute cette histoire était impossible. Un 
vertige me prit tout à coup et pendant plusieurs minutes j’étais conscient mais vraiment 
perdu, déconnecté de la réalité voire anéanti. Je réalisai que j’étais allongé dans un lit tout 
blanc et très inconfortable. Je remarquai un groupe de femmes, toutes vêtues de la même 
manière qui s’affairait autour d’un autre lit semblable au mien. La porte se referma derrière 
une des infirmières et je distinguai une affichette qui ressemblait aux habituelles consignes 
de sécurité que l’on peut lire dans des lieux publics et qui mentionnait le nom de 
l’établissement « Hôpital psychiatrique Saint Bernard ». J’essayai de retrouver mes esprits 
mais seules des questions sans réponse me tourmentaient. Pourquoi étais-je là ? Que 
m’était-il arrivé ? Étais-je devenu fou ? Finalement, désemparé, j’acceptai mon sort mais 
mon corps visiblement pas. Mes yeux se révulsèrent, je fus pris de convulsions. Je sentis 
un liquide froid s’écouler rapidement dans tous mes membres mais, paradoxalement, mes 
muscles se détendirent lentement jusqu’à ce je ne les sente plus et que je sombre dans le 
coma. 
Deux ans plus tard, je pus enfin regagner mon foyer. L’équipe médicale avait jugé que 
j’étais prêt. Ce soir-là, ma femme Laetitia et ma fille Julia étaient toutes les deux assises à 
mes côtés. Comme chaque dimanche depuis mon retour, nous regardions la télévision. En 
zappant, je m’arrêtai sur la chaîne dédiée aux informations, attiré par l’histoire d’un 
homme qui racontait un épisode étrange de sa vie. Il commença ainsi : « Moi, j’ai ressenti 
la peur en marchant dans la ville... »
MYSTÈRE PARALLÈLE 
Moi, j'ai ressenti la peur dans une rue du Bronx. Tout ce que vous voyez n'est pas ce 
que vous croyez. Je vais vous raconter mon histoire. Je m'appelle James Walter, j'habite 
avec mon père dans une maison du centre-ville de New York. Mon père est policier et ne 
veut jamais me laisser seul. Plusieurs mystères planent au-dessus de la ville, tous liés aux 
enquêtes criminelles non résolues. De simples rumeurs peuvent devenir des légendes 
urbaines et celle qui m’a toujours fasciné... l'homme-poisson. De mémoire, personne n'en 
avait jamais vu, jusqu'à ce fameux soir. 
J'attendais mon père dans la voiture pendant qu'il faisait une course. La lune brillait 
dans le ciel comme un oeil qui vous surveillerait. Soudain, j'entendis un bruit sourd à 
l’arrière de la voiture. Je commençais à m'inquiéter de ne pas voir mon père revenir et 
surtout de voir le brouillard devenir plus dense autour de la voiture. Je descendis et jetai 
un oeil à l’arrière mais ne vis rien de suspect. Brusquement, mon père me prit la main et 
m'ordonna de retourner dans le véhicule. Je m'exécutai sans broncher. Paniqué mais 
muet, mon père démarra en trombe, mais pour quelle raison ? Une fois rentrés à la 
maison, mon père barricada toutes les issues. À bout de souffle, il s'affala dans le canapé 
et prit la parole, hésitant : « J'ai vu un mutant, un homme, un poisson, je ne sais pas. Il 
était couvert d'écailles vertes. Un énorme aileron bougeait au gré du vent, de gros yeux 
globuleux rouge sang m’ont fixé. Des mains et pieds palmés, des griffes aiguisées comme 
des couteaux rouillés ont effleuré mon visage. Mais le plus affreux ! Aucun crâne mais un 
cerveau en ébullition. » L'histoire de mon père me laissa sans voix, incrédule. Pourquoi 
m'avait-il raconté cela alors qu’il m'éduquait de manière stricte et rationnelle. Aurait-il 
halluciné ? J'espérais que son imagination ne lui jouait pas de mauvais tours. 
Cherchant à se rassurer, mon père prit la décision d'aller au commissariat et m'ordonna 
de l'y accompagner car selon lui nous n'étions en sécurité nulle part. Sur le chemin, le 
moteur de la voiture s'arrêta net. Papa descendit, apeuré, même s’il essayait de ne rien 
laisser paraître. Il ouvrit le capot pour tenter de réparer la panne mais il poussa un cri 
d'effroi lorsqu'il découvrit qu'une immonde substance visqueuse recouvrait toute la 
mécanique. Je sortis à mon tour de la voiture quand soudain une main écailleuse jaillit de 
la brume déjà opaque à cette heure-là. Elle entraîna violemment mon père en arrière qui 
disparut comme dans un courant d'air. Terrorisé et pétrifié, je perdis connaissance. À mon 
réveil mon idée fixe était de retrouver mon père sans pour autant me poser davantage de 
questions au risque de perdre trop de temps. La brume s'était dissipée et l'on distinguait
sur le sol des traces fluorescentes qui menaient à une bouche d'égout. J'étais mortifié à 
l'idée de rencontrer cette créature. Mes jambes en coton et mes yeux brouillés par la 
sueur étaient inefficaces mais je parvins quand même à soulever la lourde plaque. Plus je 
descendais l'échelle, plus j'avais l'impression qu'elle se rallongeait. Une fois en bas, à bout 
de force, je crus reconnaître les maisons de mon quartier malgré une lumière faible et 
diffuse. Mais c'était impossible ! Le magasin du fleuriste exposait des fleurs qui se fanaient 
sous mes yeux, devant la maison du boucher surplombant sa boutique j'aperçus une 
silhouette qui pouvait être la sienne. Mon sang se glaça dans mes veines au moment où 
une deuxième ombre le suivit : était-ce sa fille ? Je devais me rendre à l'évidence cette 
ville souterraine était la copie de la nôtre mais elle était monochrome, peinte en gris 
anthracite et peuplée de monstres aquatiques effrayants. Une horrible pensée me vint à 
l'esprit : et si mon père était devenu un des leurs ! Je m'élançai à corps perdu à travers la 
ville en quête de ma maison-clone. Ma crainte s'avéra exacte. Mon père était couvert 
d'écailles vertes ! Étendu sur le sol, il dormait comme si la métamorphose l'avait 
entièrement vidé de toute énergie. Soudain, la créature ouvrit les yeux et me fixa. Il n'y 
avait plus rien d'humain dans ce regard, il n'y avait plus rien d'humain dans ce corps. Je 
tentai de m'enfuir mais il se mit à ma poursuite. Je courus vers l'échelle et commençai à 
grimper lorsqu'il enfonça ses griffes dans ma jambe. Je sentis le venin couler dans mes 
veines, je restai pétrifié. La terreur tétanisait mes membres. Tout cela n’était qu’un 
cauchemar, forcément ! J’allais me réveiller ! Maintenant ! Un sursaut de lucidité me fit 
gravir les deux échelons qui menaient à la sortie. Je parvins, plein de rage, à soulever la 
lourde plaque. 
Je regardai en bas. Ce qui restait de mon père n’était plus qu’un énorme tas d’écailles 
poisseux qui glissait lamentablement dès qu’il essayait de monter à l’échelle. Et ce regard ! 
Était-il possible qu’il exprime encore ce qu’un père ressent en regardant son fils dans une 
telle détresse ? Un incroyable désir de le sauver m’assaillit mais, en même temps, je 
luttais pour ne pas me métamorphoser à mon tour car je sentais que le venin envahissait 
mon corps tout entier. Une autre question surgit alors que je posais lourdement le genou 
sur l’asphalte. Si ce monde souterrain envahissait le nôtre ? À la lumière du soleil, je 
m'évanouis.
Cher lecteur, 
Entre dans un autre univers, celui que nous avons imaginé, celui où règnent l’étrange, le 
surnaturel, le doute et l’angoisse. 
Encore une fois, tu seras frappé à sept reprises. Comme les Sept péchés capitaux ou les 
Sept merveilles du monde, nos histoires chercheront à laisser une empreinte dans ton 
imagination. 
Demande-toi si, au détour d’une ruelle, au pied d’un immeuble ou bien encore dans 
l’intimité de ta maison, une aventure extraordinaire n’est pas sur le point de te surprendre. 
Entre dans notre ville. Viens sur notre planète, la Planète Phantasia qu’on appelle aussi 
Mercure, en l’honneur du dieu messager, en l’honneur du dieu des voyages... 
Prêt pour le décollage ? Alors place au fantastique !
Une vie de mensonge 
Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville de Lemsa. Nous avions emménagé, 
ma mère, ma soeur Lili et moi, dans cette ville étrange où les gens étaient taciturnes. Mais 
ils pouvaient vous dévisager pendant de longues minutes sans que vous puissiez vous 
dérober à leur regard presque hypnotisant. L’arrivée dans cette ville était donc loin d’être 
une partie de plaisir d’autant que c’était à la suite du décès de mon père, divorcé de ma 
mère depuis près de cinq ans, que nous avions dû accepter l’héritage de la maison 
familiale ou plutôt du manoir car mon père était le fils d’un richissime homme d’affaires. 
Notre vie newyorkaise nous manquait déjà mais pas notre père que nous n’avions pas vu 
pendant trois ans et qui s’était moqué de notre sort. Lili et moi nourrissions le désir de 
rentrer chez nous mais nous n’en parlions pas à maman. Nous menions une vie monotone 
dans la maison et angoissante à l’extérieur. 
Ce soir-là ressembla d’abord à tous ceux que nous avions vécus depuis trois mois. La 
nuit était tombée et nous allions nous coucher. J’essayai de m’endormir dans ce lit 
inconfortable, dans cette chambre trop grande et glacée. J’entendais les grincements et 
les craquements de cette vieille maison et je n’étais décidément pas rassurée. Soudain, on 
frappa à la porte et mon coeur se mit à battre si fort que j’eus l’impression que ma poitrine 
allait exploser. Je me cachai sous la couette. Je restai ainsi jusqu’à ce je me décide enfin 
à sortir la tête. Là, un sursaut irrépressible et un cri étouffé. Ma soeur Lili était debout 
devant moi. Le temps que je me redresse et elle était à la porte contre laquelle elle se 
tapait violemment la tête. J’étais pétrifiée et abasourdie. Je criai son nom, non, je le hurlai 
comme si sa démence me contaminait. Tout à coup, elle s’arrêta. Je ne voyais que son 
profil, à contre-jour qui plus est ; la seule lumière tamisée venait du plafonnier du couloir. 
Je perçus pourtant un changement : ses traits grimaçants et presque inhumains s’étaient 
un peu radoucis. Elle tourna la tête brusquement, me fixa d’un regard apeuré et fondit en 
larmes en se jetant dans mes bras. Il s’écoula un temps qui me parut infini avant de 
retrouver, toutes les deux, nos esprits. Je la raccompagnai dans son lit. En passant devant 
la fenêtre de sa chambre, je crus voir une ombre funeste. J’aidai Lili, secouée de sanglots, 
à se recoucher. Je parvins à l’apaiser mais ne cherchai pas à savoir ce qui lui était passé 
par la tête. J’étais intriguée par le fait qu’aucune partie de son visage ne portait les 
marques du choc qu’il venait de subir. Une autre pensée me vint alors, fulgurante. 
Qu’avais-je vu quelques secondes plus tôt ? Cette ombre furtive était-elle le fruit de mon 
imagination déjà mise à rude épreuve, ou pas ? J’allai à la fenêtre mais je ne vis rien si ce 
n’est la lune, pleine, ronde et brillante dans cette nuit noire.
Je me rallongeai dans mon lit et tentai de me rendormir en vain. Je me résignai à aller 
vérifier que tout allait bien pour ma soeur et à descendre me rafraîchir un peu mais, dans 
le lit de Lili... personne ! Mon sang ne fit qu’un tour. Je dévalai l’escalier qui menait au 
salon, et là, stupeur ! la porte d’entrée était entrouverte. Je me précipitai dehors et je vis 
ma soeur assise sur la balançoire. Elle ne répondit à aucun de mes appels désespérés. 
J’allai vers elle, la peur au ventre. Je lui touchai l’épaule pour la ramener encore une fois à 
la réalité. Elle cessa de se balancer. L’horreur que je vis alors me hantera sans doute 
jusqu’à la fin de mes jours ! Dans ses yeux injectés de sang, il était impossible de voir ni 
pupille ni iris. Sa bouche ensanglantée défigurait ma jeune soeur méconnaissable. Son 
visage était tailladé et se transforma en une plaie immonde lorsqu’elle hurla de toutes ses 
forces. J’eus l’impression que mes tympans cédaient sous la puissance du cri inhumain 
qu’avait poussé ma soeur. Ma soeur, ce monstre ? Impossible ! Ma mère était sortie ce 
soir-là et aucun de nos voisins ne montra signe de vie ou ne me prêta main forte ! J’étais 
désespérément seule mais tout ça était-il bien réel ? La créature marchait vers la ville. Ce 
n’était plus ma soeur, j’en étais convaincue même si la situation m’échappait totalement et 
que je n’étais sûre de rien. Je la suivis pourtant. 
Nous arrivâmes au centre-ville et elle disparut sous mes yeux. J’eus le souffle coupé. 
Je ne voyais plus que des visages sombres qui m’épiaient depuis les fenêtres des 
habitations qui me cernaient. C’était bien la sensation que j’avais : j’étais prise au piège. 
Je ne pouvais pas croire que cette scène était la réalité mais je pressentais que quelque 
chose allait arriver. Il fallait que quelque chose arrive pour mettre fin à ce cauchemar ! Je 
fis un tour sur moi-même et je reconnus Lili plantée devant la porte d’un restaurant. Au 
moment où j’allai avancer pour la rejoindre une dizaine de mains me saisirent de tous les 
côtés. Sous le coup de la terreur, je perdis connaissance. Quand je recouvrai mes esprits, 
j’étais assise sur une chaise maintenue par des liens qui m’avaient déjà entaillé les 
poignets et les chevilles. J’avais dû me débattre longtemps pour souffrir de telles 
blessures mais je n’avais aucun souvenir ! J’avais de plus en plus l’impression d’être le 
personnage d’un thriller, de ne plus avoir aucun pouvoir sur ma vie, d’être à la merci de cet 
être monstrueux qui avait pris possession de ma petite soeur. Elle tournait autour de moi, 
l’air menaçant. Elle ouvrit la bouche comme pour laisser échapper un souffle ou un soupir. 
Sans bouger les lèvres, comme une marionnette manipulée par un ventriloque, elle dit 
avec une voix qui n’était pas la sienne : « Vous m’avez abandonné ! Vous n’avez pas 
compris mon amour ! Vous pensiez que je ne vous aimais pas mais c’est vous qui n’avez 
pas su m’aimer ! » Plus la voix parlait alors que je gardais les yeux clos, plus elle devenait 
familière. C’était celle de mon père ! la voix de mon père mort ! Je lui répondis. Je
n’éprouvai pas une peur terrifiante mais plutôt une profonde tristesse mêlée à une 
rancoeur qui m’avait hantée toutes ces années. 
- Tu es parti ! Maman nous a dit que tu ne voulais plus nous voir, que ta vie avec 
nous ne t’intéressait plus ! criai-je la gorge nouée. 
- Comment as-tu pu le croire ? Crois-tu que ce soit possible de renier sa famille, ses 
enfants ? répliqua mon père d’une voix si puissante que je crus sentir les murs de toute la 
ville trembler. 
- Comment ne pas croire en sa propre mère ? 
- Comment as-tu pu laisser ta petite soeur y croire et ne pas voir que ta mère pouvait 
mentir pour me faire du mal ! J’en suis mort de chagrin ! 
- Je suis tellement désolée ! J’aurais dû essayer de te contacter, essayer de 
convaincre maman de nous laisser te voir mais je t’en voulais aussi de ne pas te battre 
plus que ça pour nous. Mais aujourd’hui pourquoi te manifester ainsi ? Pourquoi Lili ? 
Regarde l’état dans lequel elle est ! 
- Lili est la seule qui, au fond d’elle-même, ne me rejette pas. Toi, tu ne m’as pas 
laissé le bénéfice du doute. Tu ne m’as pas laissé le temps et à présent je n’en ai plus ! 
Des larmes de sang coulaient le long des joues de ma soeur. Elle me fixait de ses yeux 
rouges. « Je t’aime, Papa ! » hurlai-je. C’était la première fois de ma vie que je disais je 
t’aime à mon père et je le dis avec une sincérité qui me surprit moi-même. À ce moment 
précis, Lili s’arrêta devant moi. Depuis le début de cette scène morbide, elle tournait 
autour de la chaise comme une machine. Les yeux de Lili s’éclaircirent subitement et 
retrouvèrent leur belle couleur bleue. Ses cheveux redevinrent d’un beau blond doré et sa 
bouche rose et fine comme celle d’une poupée me sourit. Toute la noirceur qui avait pris 
possession du corps de ma soeur et de la pièce s’évapora. Une sorte de lumière puissante 
illumina la pièce et s’éteignit aussitôt. Ma soeur me prit la main et se rapprocha de moi. Je 
la serrai dans mes bras. J’étais enveloppée avec elle dans la douce chaleur de ce 
restaurant pourtant vide et plongé dans la pénombre. Nous sortîmes. La lumière du soleil 
nous aveugla autant qu’elle nous réchauffa. Le jour était déjà si avancé ? Incroyable ! Mes 
yeux découvrirent une rue animée, accueillante, vivante en somme. Les passants, fort 
avenants, nous saluèrent chaleureusement et nous demandèrent comment nous allions. 
Comment tout dans cette ville avait pu se métamorphoser à ce point ? Était-ce moi qui 
avais eu une vision fausse de la réalité ? Le retour de mon père mort avait certainement 
bouleversé l’ordre des choses et aujourd’hui, à plus de quatre-vingt-dix ans, je ne parviens 
toujours pas à le rétablir et j’hésite à me dire que ma vie a été belle mais une chose est 
sûre, elle me semble trop longue.
Le pacte 
Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville, dans un parc déserté depuis peu car 
des rumeurs le disaient trop mystérieux. À l’âge de quinze ans, j’avais l’habitude de rentrer 
de l’école à pieds, accompagné par les élèves de mon lycée. Ce jour-là, je dus rentrer plus 
rapidement qu’à l’accoutumée car j’avais traîné trop longtemps avec les copains. Je pris 
donc la décision de passer par le parc pour gagner du temps. À l’intérieur, les lampadaires 
éclairaient très faiblement les grandes allées sans vie. Je ne pouvais plus faire demi-tour 
car les grilles infranchissables étaient déjà fermées. 
J’avançais, avec prudence et une certaine angoisse, le long des petits sentiers jonchés 
de feuilles et de mauvaises herbes. Une fontaine majestueuse trônait au centre du jardin 
principal et soudain l’eau se mit à jaillir abondamment dans cette ambiance glauque. Je 
fus fasciné par ce spectacle presque magique. Je restai là quelques minutes mais une 
sorte de force m’attira vers la sortie du parc. Je continuai mon chemin et parvins à l’aire de 
jeux. Je ressentis comme un vertige et fis alors une pause en m’asseyant sur le bout de la 
rampe du toboggan. Sur ma droite, les balançoires se mirent à grincer alors qu’il n’y avait 
pas un souffle de vent et les manèges mécaniques se déclenchèrent sans aucune raison 
apparente. Une présence étrange mais envahissante sembla prendre possession du parc 
presque instantanément. Je me rappelle encore m’être évanoui. À mon réveil, j’étais 
allongé dans mon propre lit. Intrigué, j’interrogeai mon père qui m’apprit que le gardien du 
parc m’avait ramené inanimé à la maison vers sept heures du matin, et que, mort 
d’inquiétude, il avait appelé tous les centres médicaux et les postes de police alentour. À 
son tour, il me demanda ce qu’il s’était passé et quand je lui répondis que je ne me 
souvenais de rien excepté d’être passé par le parc et d’avoir eu la frayeur de ma vie, il ne 
me crut pas au début mais vit, assez vite, que j’étais sincère et encore effrayé. 
Le lendemain, je me rendis à la gare pour prendre le train qui me conduirait chez mes 
grands-parents. Toute la famille avait convenu depuis plus de trois semaines que je devais 
fêter l’anniversaire de mon grand-père en famille et rester quelques jours là-bas. Pourtant, 
depuis la veille, je me sentais particulièrement mal, comme oppressé par des mains 
froides et lourdes sur ma poitrine. Devant la gare, les immenses horloges, les restaurants 
bondés et la foule de voyageurs m’impressionnèrent. Subitement, de gros nuages 
opaques se formèrent, le ciel devint grisâtre et menaçant, une nuée de corbeaux survola 
la gare. Les aiguilles monstrueuses des horloges se figèrent sur le chiffre neuf, les grilles 
des restaurants environnants s’ouvraient et se refermaient dans un bruit assourdissant et 
là, l’inexplicable se produisit. Les passants furent pétrifiés en un éclair. Plus par terreur
que par prudence, je reculai. Je voulais fuir cet endroit à tout prix. C’est à cet instant 
qu’une main rugueuse se posa sur mon épaule dans un mouvement lent, appuyé et 
contrôlé. Surpris, je me retournai. Devant moi se dressait une statue gigantesque. Je fus 
cloué sur place comme privé de toute conscience mais j’entendis tout de même la voix 
rauque et lente de ce monstre de pierre. Je compris ce qu’elle me dit mais je n’arrivai pas 
à y croire ! La statue me proposait un pacte. Rien de logique, rien de rationnel mais 
comment résister à cette envie foudroyante ? Ma mère était morte à ma naissance et 
même si j’étais paralysé par la peur face à ce spectre, le fantasme de revoir maman, non, 
de la connaître, était plus fort encore ! Comme si la statue lisait dans mes pensées, elle 
me dit qu’elle pouvait exécuter n’importe quelle demande et que même la mort lui 
obéissait. J’étais stupéfait par cette annonce. J’acquiesçai d’un signe de tête et je 
prononçai dans un chuchotement quasi imperceptible le mot maman. Dans un souffle 
époustouflant, la scène s’effaça aussi rapidement qu’elle était apparue. Moi, je restai 
médusé. 
La force de la rafale m’avait forcé à fermer les yeux. Quand je les rouvris, la foule des 
passants s’agitait autour de moi et j’entendis à nouveau les voitures, les clameurs et les 
bruits parasites. J'entendis alors mon nom résonner dans les haut-parleurs situés à 
l'extérieur de la gare. Je traversai le hall interminable et atteignis in extremis la rame que 
je devais prendre. Le train démarra et accéléra assez vite. Je vis défiler les barres 
d’immeubles et les gratte-ciel du quartier d’affaires. Je ressentis un immense soulagement 
de quitter cette ambiance et de m’éloigner de cette scène affreuse que je venais de vivre. 
Trois heures plus tard, après un sommeil réparateur, je serrai mes grands-parents dans 
mes bras, très heureux de les retrouver. Par-dessus l’épaule de mon grand-père maternel, 
j’aperçus la silhouette d’une femme vêtue d’une longue robe de dentelle blanche. Elle 
m’observait. Un frisson me parcourut l’échine. Ce n’était pas de la peur que j’éprouvai 
mais une sorte d’excitation inexplicable, un peu comme une poussée d’adrénaline. J’eus 
envie d’aller vers elle. Cette inconnue m’attirait irrésistiblement. Mais elle disparut comme 
par magie. Le soir même, alors que j'allai m'endormir, je vis la même silhouette, assise au 
pied de mon lit. À nouveau, je n’eus pas peur et je me demandai, pendant une seconde, 
pourquoi. Les événements que j’avais vécus la veille et la rencontre avec la statue 
m’avaient-ils quelque part poussé à admettre l’inconcevable ? Ces questions surgissaient 
alors que je scrutais la dame blanche. Je distinguais mieux son visage même s'il était 
translucide. Translucide ! Alors c’était bien à un fantôme que j’avais affaire ! Je dus 
exprimer quelque chose dans mon regard ou dans les traits de mon visage car elle me 
sourit ; un sourire qui réconforte, qui rassure... Un éclair de lucidité me frappa. Ce sourire,
ce visage, ce regard bienveillant, cette robe blanche... cette femme était ma mère ! Elle 
ressemblait au portrait que mes grands-parents avaient gardé d’elle et qui trônait sur la 
cheminée du salon. Instinctivement, porté par un élan d’amour, je me jetai dans ses bras. 
Le contact qui se produisit alors me marquerait à vie et sans doute au-delà. Je fus happé 
par une tornade puissante et douce à la fois. Je fus propulsé hors de ma chambre, hors de 
moi-même. J’eus l’impression de naître une deuxième fois et de connaître un bonheur 
sans limite. 
Le calme revenu, je sentis la chaleur du soleil sur mon visage. Ma mère avait disparu. 
Pendant les jours qui me restaient à passer chez mes grands-parents, je ressentais 
comme une douleur qui grandissait en moi. J’espérais revoir ma mère mais elle ne 
réapparut jamais. C’était sans doute la nostalgie et le manque d’une mère que la vie 
m’arrachait encore une fois. Vint le jour du retour en ville, du retour chez moi. Je toussais 
depuis quelques jours. Je me sentais très faible. Le train s’arrêta, on annonça le terminus. 
Je posai le pied sur le quai d’arrivée et, juste en face de moi, un panneau lumineux afficha 
« N’oublie pas la rançon ! » Tout ce qui m’entourait devint prodigieusement gigantesque. 
Les immeubles situés autour de la gare semblaient avoir un visage. Leurs yeux me 
fixaient. J’entendis résonner un rire sardonique. Les lettres rouges du panneau se mirent à 
clignoter de manière désordonnée. Je fermai les paupières comme pour zapper la scène 
mais en fait l’évidence me sauta aux yeux. J’avais pactisé avec le diable et je devais à 
présent en payer le prix. Je fus pris d’une quinte de toux douloureuse. Je regardai ma 
main. J’avais craché du sang.
Après la mort 
Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville de Rosewood. À dix heures du soir, 
j'étais chez les parents de Spencer Hastings qui m’avaient invité à dîner. Nous parlions de 
leur fille, infirmière hospitalière depuis une dizaine d’années. Je l’avais rencontrée à 
l’Hôpital Central. Pendant près de quatre mois, après un accident de la route dont j’avais 
été victime, Spencer avait été mon infirmière. Nous ne nous étions plus quittés depuis. 
Aux environs de minuit, alors que nous commencions à nous inquiéter car elle n’était 
toujours pas rentrée, je reçus un appel sur mon téléphone portable. Je décrochai, la gorge 
nouée. Une voix féminine, douce et inquiète à la fois, m’apprit, après avoir vérifié mon 
identité, qu’il fallait passer au plus vite à l’Hôpital Padington, situé à l’extérieur de la ville. 
J’allais demander pour quelle raison mais la voix poursuivit : « Mademoiselle Spencer 
Hastings a été transportée chez nous et nous avons trouvé vos coordonnées dans ses 
effets personnels. Elle n’a malheureusement pas survécu à un accident de voiture. » Je 
restai sans voix, figé. Une vague de désespoir m’envahit subitement et la main qui tenait 
le téléphone tomba lourdement sur ma jambe. Madame Hastings m’interpella aussitôt. Je 
tournai la tête vers elle. Dès qu’elle vit mon regard, elle comprit et poussa le cri le plus 
déchirant que je n’avais jamais entendu. Le père, quant à lui, était toujours assis, 
impassible, comme si le souffle de vie avait quitté son corps. À cet instant, un courant d’air 
glacial parcourut la pièce. Je me levai d’un coup, j’allai précipitamment vers la porte, je me 
retournai pour jeter un dernier regard sur les parents anéantis, je refermai la porte avec le 
peu de forces qui me restait. Je tombai à genoux sur le perron. Les yeux au ciel, je hurlai 
« Pourquoi ? » à plusieurs reprises avant de me diriger vers ma voiture située à quelques 
pâtés de maison. Ce furent les mètres les plus difficiles que j’avais jamais eu à parcourir. 
Je devais me rendre à l’hôpital. Je devais aller identifier formellement le corps de Spencer. 
Je ne pouvais pas y croire ; ma fiancée était morte. La peur de la revoir me saisit au plus 
profond de mon être. 
Quelques heures après avoir reconnu le corps sans vie de Spencer dont la lividité 
avait été accentuée par l’éclairage de la morgue, je rentrai dans notre appartement qui 
ressemblait au visage fantomatique de ma bien-aimée. Soudain, une ombre sortit des 
murs puis se faufila dans la cuisine. J’y allai d’un pas hésitant, mon coeur battant à tout 
rompre. Elle était là, devant moi, vêtue d'une longue robe blanche qui contrastait avec sa 
couleur de peau brune, les bras le long du corps et les mains tremblantes. Elle les leva 
vers moi comme si elle voulait me prendre dans ses bras ! Mais son visage, lui, restait 
inexpressif. Moi, je ne savais que faire. Je ne contrôlais rien. Je m’avançai, réduisant ainsi
la distance qui me séparait d’elle. Soudain, elle disparut dans les premières lueurs du jour. 
Je passais la journée suivante à dormir, le téléphone débranché et les volets fermés. 
Le soir venu, je sortis et, là, je restai bouche bée. Plusieurs ombres flottaient. Impossible 
de les compter car mes yeux et mon esprit étaient brouillés par la frayeur qui ne faisait 
qu’augmenter depuis l’annonce de la terrible nouvelle. Je les suivis sans même l’avoir 
décidé. Je me retrouvai devant le cimetière, de l’autre côté de la ville. Comment étais-je 
arrivé là si vite ? Comment avais-je parcouru presque cinq kilomètres à pied en si peu de 
temps ? Un moment de lucidité me poussa à me poser toutes ces questions. Toutes les 
ombres avaient disparu mais elles réapparurent toutes à la fois autour d’une seule tombe. 
Intrigué, je m’avançai vers cette tombe. Je m’approchai davantage pour lire le nom qui y 
était inscrit : Spencer Hastings ! Un frisson d’horreur traversa tout mon corps qui se durcit 
comme du bois. Je chancelai après avoir vu que mon nom y apparaissait aussi ! Je 
m’essuyai les yeux du revers de la main. Je déchiffrai ma date de naissance mais aussi la 
date de ma propre mort ! Le même jour que celle de Spencer ! Mais je ne trouvai aucune 
année. Le sentiment que j’éprouvai alors est indescriptible. Je parvins quand même à 
courir et rentrai chez moi sans freiner la cadence. À bout de souffle et de force, je 
m’endormis dans un lit glacé. L’image de Spencer souriante et cette date fatidique 
hantèrent mon sommeil étrange. 
Le lendemain, je décidai de sortir du domicile conjugal. J’avais besoin de prendre 
l’air. Les bruits de la vie quotidienne me rassurèrent. C’était lundi et il était huit heures du 
matin. Soudain, je sentis un frôlement dans mon dos. Je me retournai et aperçus un 
enveloppe sur laquelle était inscrit mon prénom. Elle était posée sur le banc de l’arrêt de 
bus du bout de ma rue. Je crus voir une ombre s’éclipser. Mon coeur se mit à battre la 
chamade et je sentis une goutte de sueur perler sur mon front. Je déchirai l’enveloppe en 
tremblant. « Je suis près de toi et je t’attends. Spencer » 
Voilà les mots qui me hantent depuis trois ans et aujourd’hui, c’est l’anniversaire de 
la mort de Spencer.
Dans l’oeil d’un chat 
Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville. Mon petit ami Liam et moi avions 
été invités à une fête organisée par ma meilleure amie, Lisa. Ce soir-là, en rentrant, vers 
onze heures, Liam eut l'idée de se balader dans le parc qui nous était familier car nous 
nous y étions rencontrés quatre ans plus tôt. C'est dans ce cadre romantique que Liam 
avait eu l'intention de m'offrir une surprise – c'est en tout cas ce qu'il m'avouerait plus tard 
– mais nous entendîmes soudain un cri immédiatement suivi de bruits étranges que je 
n'aurais pas pu identifier. Liam n’en fut pas ému mais moi je sentis l’angoisse monter en 
moi comme le mercure grimpe dans un thermomètre. 
J’aperçus un chat démesurément gros, assis sur le muret qui séparait le sentier 
pavé du parcours de santé. L’animal dont la queue se balançait nonchalamment me fixa 
d’une manière étrange. Je ne pus pas soutenir ce regard. Liam ne remarqua rien et 
continua de marcher vers le marchand de glaces mais je n'étais pas rassurée ! Après avoir 
acheté nos cornets, nous nous installâmes sur le banc et je mangeai ma glace presque 
machinalement. C'est alors que les mêmes bruits retentirent mais, cette fois-ci, ils se 
rapprochaient de nous au fur et à mesure et ma peur augmentait en même temps. Je levai 
la tête vers les immeubles d’habitation dont pas un seul n’était éclairé. La lumière avait 
considérablement baissé. Les façades des bâtiments s'assombrissaient et donnaient 
l'impression d'un décor de cimetière, froid et lugubre. Les lampadaires étaient tous éteints; 
seule la lune produisait une lumière blanche qui accentuait les contrastes. Soudain, le 
bruit d'un klaxon me fit sursauter et je portai mon regard au niveau de la rue. Pas un chat ! 
Liam avait disparu ! 
Une véritable panique s’empara de moi. Je bondis au moment même où une 
bourrasque de vent se leva. Mon coeur se mit à battre la chamade. Je pris mes jambes à 
mon cou. Je m'arrêtai net quelques mètres plus loin, bouche bée. Une cinquantaine de 
chats me barrait la route. Leurs yeux révulsés ne reflétaient plus rien de naturel. Je fis 
demi-tour à la recherche d’un lieu pour me cacher. J’étais perdue. Sur ma gauche, une 
vieille maison dont la porte était grande ouverte offrit le refuge idéal. Je m'y engouffrai et 
fermai la porte violemment. Mais que m'arrivait-il ? Où était passé Liam ? Mon imagination 
me jouait-elle des tours ou étais-je devenue complètement folle ? À bout de force, je 
glissai le long de la porte que j’avais refermée et contre laquelle le vent continuait de 
souffler. Les miaulements prolongés et menaçants de la meute s’intensifiaient. Sous le 
coup de la terreur et de la fatigue, je tombai dans un sommeil de plomb après avoir 
entendu résonner la grande horloge de la ville. Il était minuit.
En rouvrant les yeux, la scène qui se déroulait devant moi me saisit d'effroi. J'étais 
dans un appartement lumineux et chaleureux qui ne m’était pas inconnu ! Quelques 
secondes suffirent pour me recentrer un peu et réaliser que j'étais à la fête de Lisa, celle-là 
même qui avait eu lieu quelques heures plus tôt. Liam était à mon bras ou plutôt j’étais 
pendue au bras de Liam, tétanisée. En tournant la tête, qui me parut particulièrement 
lourde, j'aperçus, par la fenêtre, un chat noir. Couché sur le flanc, son regard croisa le 
mien. Son regard vide et blanc était un regard de mort.
Sortie mortelle 
Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville … C'était un soir où je n'avais rien à 
faire et les secondes me paraissaient trop longues. Je me décidai à faire une balade dans 
les ruelles sombres. Il faisait très froid à cause du vent assez violent qui soufflait depuis 
près de deux jours. Je sentais que quelqu’un me suivait, je me retournai. Rien. Les gens 
étaient cloîtrés chez eux. Je continuais ma route vers le centre-ville de Saint Paul. Dans la 
rue, les lumières s'allumaient puis s’éteignaient. Le ciel était sans lune et sans étoiles. Je 
ne m’étais jamais senti aussi seul et aussi effrayé. Cette scène inquiétante était un rêve 
récurrent et j’espérais qu’il ne devienne jamais réalité jusqu’à ce jour maudit. 
Ce matin-là, je pressentis que j'allais passer une bonne journée et j'avais eu raison. Je 
retrouvai de vielles connaissances. Nous avions fixé rendez-vous dans le square situé 
devant la mairie de Saint-Paul avant d’aller nous promener tous ensemble. J’avais passé 
un excellent après-midi à me rappeler les bons vieux souvenirs. Mais ce bonheur ne dura 
pas longtemps car en rentrant chez moi, quelqu'un m'interpella. Je crus que c'était un des 
amis que je venais de quitter mais en me retournant je vis bien que non. Je vis une ombre 
qui ricanait. Cette créature surnaturelle n’était visible que lorsqu'elle en avait envie. Elle 
disparaissait et réapparaissait mais ne faisait aucun mouvement. Elle me fixait. Des 
cornes pointues étaient plantées au sommet de son crâne, des yeux rouges me fixaient et 
des crocs blancs acérés brillaient à la lumière d’un lampadaire qui s’allumait, à l’heure du 
crépuscule. Son regard était si effrayant qu'il pouvait, comme Médusa la gorgone, clouer 
n’importe quel être humain sur place. Le phénomène était grand d'au moins deux mètres 
cinquante. Il était vêtu d'une cape rouge, et portait dans la main gauche une fourche et 
dans la droite un sabre. Sous sa cape, je pus déchiffrer une inscription noire : « la nuit ne 
dort jamais ! ». L’apparition disparut définitivement. Je courus à en perdre haleine pour 
rentrer chez moi. 
J’allumai mon ordinateur, l’esprit tiraillé entre raison et folie. Je me lançai dans des 
recherches sur les démons et autres créatures fantastiques. Je trouvai quelque chose 
d’intéressant lorsque les premières lueurs du jour traversèrent ma fenêtre. D’après la 
légende, la créature, que j’identifiai précisément grâce à différentes représentations, avait 
hanté une ville pendant longtemps puis l’avait détruite en un clin d’oeil. Mais ce n’était 
qu’une légende ! Cela ne pouvait raisonnablement pas être la réalité ! Et pourquoi moi ? 
Le scénario allait-il se reproduire ? Complètement perdu, je décidai d’en parler à mes 
proches. J’eus droit à la réaction à laquelle je m’attendais, sans surprise : « Tu es fou ! Tu 
regardes trop de films. Es-tu sûr que ce n’est pas un ami qui chercherait à te faire une
blague de mauvais goût ? » Je n’avais plus d’espoir et je doutais moi-même de ma raison. 
Alors, j’allai dans un bar et je bus jusqu’à perdre pied... 
Une fois rentré à la maison, je m’endormis et je rêvai de ce démon encore et encore ; il 
me hantait. Il avait un air sournois et prenait un malin plaisir à me terroriser. Son rire 
démoniaque résonnait dans la nuit. C’était un de ces rires qui effraierait n’importe qui. 
Cela se répéta chaque jour jusqu’à cette fameuse nuit où je sortis du bar et m’endormis 
dans la rue, à même le bitume. Quand je me réveillai, je ressentis une sensation étrange... 
J’étais si léger que je crus ne plus exister et planer au-dessus de tout ! Les quelques rares 
passants me croisaient sans me voir et moi-même je ne vis pas mon reflet en passant 
devant les vitrines. 
Les jours passaient et je m'ennuyais. Je sortis alors de chez moi par une nuit sans 
étoile. Un homme portait un énorme bouquet à la main. Il quittait le bâtiment d’affaires que 
l’on venait d’inaugurer et marchait d’un pas pressé vers le parking, sans doute pour 
rejoindre sa voiture. Je le suivis. Il ralentit tout à coup et se retourna. Il ouvrit des yeux de 
terreur en me voyant. Il lâcha son bouquet, serra sa poitrine et tomba, raide mort. Le 
lendemain soir, la même scène se produisit avec un couple d’amoureux qui sortait du 
cinéma. Ce manège se répéta un nombre incalculable de fois. Désormais, la nuit, je piste 
les gens heureux et je les envie. Je me couvre de ma cape pour me protéger du vent trop 
froid et j’erre dans les rues. Je prends un malin plaisir à suivre ces passants mais je 
m’inquiète. J’en croise de moins en moins et j’ai pourtant parcouru, de nuit comme de jour, 
tous les quartiers et toutes les rues de la ville.
La Ville fantôme 
Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans ma ville natale. C’était le début de l’après-midi 
et je suivais le chemin que je prenais fréquemment pour rendre visite à mes parents. 
J’eus, ce jour-là, la désagréable impression de me sentir observé. Tout ce qui m’entourait 
me semblait étrange. Était-ce parce que je venais de me rétablir d’une vilaine pneumonie 
qui m’avait cloué au lit pendant plusieurs jours, privé de sommeil ? Le crépuscule 
apparaissait alors que ma montre affichait quatorze heures. Peu à peu, il me sembla que 
des cratères se dessinaient, noirs et profonds, sur la surface du soleil. Un brouillard épais 
se leva. Les rayons du soleil blanchirent et produisirent ainsi une lumière macabre. Une 
angoisse intense s’empara de moi. 
La nuit était complète à présent et m’isolait davantage dans ce lieu déserté. Le vent se 
mit à souffler si fort que j’eus l’impression d’entendre la mélodie d’un requiem. Je sentis 
mes jambes flancher sous le poids de mon corps. Tout mon être me parut à la fois lourd et 
léger. Mes sens me jouaient des tours ! Et mon esprit ? Je n’étais même plus capable de 
réfléchir. Tout à coup, les murs des bâtiments alentour se mirent à se resserrer comme un 
étau autour de moi tant et si bien que personne n’aurait pu s’échapper. Je crus mourir 
étouffé. Le brouillard se dissipa subitement. On aurait dit qu’il voulait me laisser voir le 
clocher de l’église toute proche trembler dangereusement. J’eus à peine le temps de lever 
davantage les yeux qu’il s’affaissa de tout son long sur moi. Mes muscles tétanisés 
m’empêchèrent de fuir. Je me recroquevillai tel un enfant dans le ventre de sa mère. Je ne 
fus pas écrasé par l’énorme masse de béton, je ne sentis que le souffle dévastateur qui 
me terrassa. Immédiatement après la chute, le vacarme de la cloche qui heurta le sol me 
rendit quasiment sourd. La cloche avait sonné le glas ! C’était ma seule certitude : j’allai 
mourir ou pire encore je venais de mourir ! La terreur s’était incarnée dans chaque 
élément du décor qui avait pris vie dans l’unique but de m’ôter la mienne ! Je devenais 
complètement fou ou alors je rêvais et il fallait que je me réveille ! 
Je me relevai en ouvrant les yeux. Aucune de trace du clocher ni sur le sol ni à son 
emplacement habituel ! Les murs qui m’encerclaient quelques secondes auparavant 
avaient relâché leur étreinte mortelle mais flottaient autour de moi. Je vis se dessiner un 
itinéraire balisé par des feux follets au fur et à mesure que je faisais un pas. Je me forçai à 
garder la tête froide. Je reconnus le chemin. C’est celui qui menait chez mes parents et, 
même s’il prenait un aspect surréaliste, je le suivis en espérant de toutes mes forces qu’il 
me guidait vers une fin heureuse. Soudain, je sentis une chose glaciale autour de mon 
cou. Je compris en la touchant qu’il s’agissait d’une corde. Je me débattis et tirai dessus
violemment. C’était une branche d’arbre qui s’était animée et qui cherchait à m’étrangler. 
J’accélérai mon allure, le coeur battant et les poings serrés. 
La lueur d’un lampadaire éclaira enfin le lieu que je voulais atteindre depuis le début. 
J’arrivai devant la demeure de mes chers parents, leur dernière demeure, en fait. Je 
distinguai leurs deux visages souriants mais flous qui flottaient dans les airs. Je lus, 
gravés dans le marbre, leurs prénoms et le nom qu’il m’avait donné. Je fermai les yeux, 
apaisé et heureux de les retrouver.
Le parcours de l’étrange 
Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville. Je m'en souviens comme si c'était hier. 
Je venais d'acheter un nouvel appartement qui avait été bradé par les anciens propriétaires, 
une affaire ! Il était chaleureux et spacieux. Une magnifique petite terrasse tenait lieu de 
jardin. Mais le plus important sans doute c'était qu'il se trouvait à dix minutes à pieds de 
mon lieu de travail. Je suis boulanger. J'aimais marcher et déambuler dans les rues de ce 
quartier que je connaissais par coeur ; chaque maison, chaque carrefour, chaque bâtiment, 
chaque coin de rue. Je menais une vie ordinaire qui me plaisait. Tous les matins, je me 
levais à trois heures pour assurer l'ouverture de la boulangerie. Mais ce matin-là, rien ne se 
passa comme d'habitude. 
Je fermai ma porte d'entrée à double tour et je descendis l’escalier en sifflotant. Une fois 
dehors, je ressentis une sensation bizarre. Oui, rien n'était plus pareil ! Je crus devenir fou. 
J’avais des hallucinations ou la ville était vivante ! Ce bâtiment flambant neuf, en face, qui 
surprenait les passants habituellement par sa couleur mauve, prenait une dimension 
disproportionnée au fur et à mesure que j'avançais et les façades, soudain décrépites, 
donnaient l’impression que l’immeuble était vétuste. Les vitres des fenêtres passaient d’une 
teinte orangée à un vert criard. Les portes étaient tour à tour ovales puis carrées. Aucun des 
bâtiments que je voyais ne m'était familier, et bien pire, plus rien n’était normal. Le mobilier 
lui aussi prenait des couleurs et des formes différentes. Les bancs peints en rouge vif, les 
lampadaires assez banals d’ordinaire avaient ce matin-là un design très moderne. Mais que 
se passait-il ? J’avais forcément un problème. Je continuais pourtant à avancer en me 
disant que ça allait passer et que je devais manquer de sommeil. Le chien de la vieille dame 
du numéro 13 se métamorphosa en chat sous mes yeux, en quelques secondes ! Sous le 
choc, je m’assis sur la première marche de l’escalier qui menait à la porte d’entrée. J’eus 
l’impression de m’enfoncer dans la matière. Impossible ! Je me relevai d’un bond et me mis 
à hurler. Les poubelles, que les habitants avaient sorties pour le ramassage des ordures, 
grandissaient jusqu'à atteindre cinq mètres et leur couvercle s'ouvraient et se refermaient 
comme une armée de mâchoires monstrueuses. Les voitures garées sur le petit parking 
démarrèrent spontanément au moment où je passai devant elles. Et bien sûr, j’étais 
totalement seul à cette heure très matinale. Il faisait à peine jour et personne pour me porter 
secours ! Alors que je me lamentais sur mon sort d’aliéné, je me rendis compte que j’étais 
devant ma boulangerie. J’avais continué à marcher sans même m’en rendre compte ! Je 
jetai un coup d’oeil affolé autour de moi. Tout était rentré dans l’ordre. Après tout, tout cela
n'était peut-être que le fruit de mon imagination. Je me plongeai dans le travail toute la 
journée. 
Cette dure journée de travail était enfin terminée. Je décidai de rentrer chez moi. Je 
demandai à un collègue s’il pouvait me raccompagner en voiture. Il accepta et, durant tout 
le trajet, je ne pus détacher mes yeux de ce qui se passait à l’extérieur. Rien d’anormal, rien 
de suspect. En descendant de la voiture, je remerciai chaleureusement Dominique. Très 
inquiet à mon sujet, témoin de mon attitude inhabituelle, il me conseilla de me reposer. Dès 
que je refermai la porte de mon appartement, je sentis une forte odeur entêtante. Je ne 
parvins pas à l’identifier d’abord mais je reconnus le gaz. Le fait me surprit car personne 
dans l’immeuble n’en utilisait. Je ressentis la même peur qu’au début de cette journée 
extraordinaire mais elle devint très vite plus intense. Dans mon appartement, tout devint 
effrayant. Le vent soufflait très fort et s’engouffrait dans les petites aérations créant ainsi un 
sifflement strident des plus angoissants. Je regardai par la fenêtre, tremblant et au bord 
asphyxie. Les toits des maisons voisines se fendirent en deux et s’écroulèrent tous en 
même temps. Un vacarme indescriptible emplit mon immeuble comme si des milliers de 
portes claquaient. Les murs de mon salon se mirent à trembler dangereusement. Le double 
vitrage de mes fenêtres ne résista pas et se brisa en mille morceaux. Je me protégeai 
instinctivement le visage et le corps en me recroquevillant, la tête sur les genoux, les bras 
comme seul bouclier. Quand je relevai la tête, ma stupeur fut immense en voyant que tout 
était parfaitement à sa place dans un silence presque religieux ! Sans réfléchir, je me ruai 
dans la rue. Dix chiens surgirent de nulle part et se mirent à aboyer en me voyant. J’étais 
complètement seul dans une rue dévastée et inexplicablement sombre alors qu’il était onze 
heures. Tout cela ne pouvait être que pure folie ! Les panneaux de signalisation furent 
arrachés du sol par une force gigantesque et invisible. Ils volèrent sur plusieurs mètres et 
retombèrent dans un bruit assourdissant. Une fumée noire émana des poubelles renversées. 
Elle enveloppa tout mon champ de vision. Je ne vis plus rien excepté deux petits points 
rouges qui semblaient m’observer depuis la fenêtre de ma chambre. La terreur m’envahit et 
me glaça les sangs, puis plus rien. Le trou noir. 
Une lumière blanche et aveuglante. Des formes indistinctes. Mes yeux me faisaient 
mal mais je reconnus une chambre d’hôpital. J’entendais des voix, des murmures. Je 
sursautai de manière incontrôlable, sortant ainsi d’une torpeur paralysante. L’équipe 
médicale se retourna aussi brusquement que moi je m’étais réveillé. Presque 
immédiatement, un médecin, qui se présenta sous le nom de Dr Moreau, vérifia mes 
réflexes et mes constantes. Je voulus parler mais aucun son ne sortit de ma gorge. J’avais 
envie de hurler. Mon corps se mit à bouger frénétiquement. Je sentis plusieurs mains saisir
mes jambes et mes bras et les maintenir fermement contre le matelas. Le médecin essaya 
de me calmer en me disant que tout allait bien, que tout irait bien. Après qu’ils eurent 
relâché leur étreinte, les infirmiers s’éloignèrent et je regardai le Dr Moreau, cherchant à 
exprimer dans mon regard toute ma détresse. Il se pencha au-dessus de moi. Je ne le 
voyais toujours pas distinctement mais il me dit que j’avais été trouvé inconscient dans 
l’entrebâillement de la porte de mon domicile, une clé dans une main et un téléphone dans 
l’autre. L’appel d’urgence avait été passé depuis cet appareil. Je n’avais aucun souvenir de 
cette scène. Les deux yeux rouges effrayants étaient la seule image qui me revenait. Je fus 
pris, tout à coup, d’une peur panique. Puis je sentis une douleur incroyable dans la poitrine 
et toujours aucun moyen de crier. 
À mon réveil, j’étais dans une autre chambre d’hôpital. Un infirmier s’approcha de moi 
et m’expliqua que je délirais dans une sorte de sommeil incontrôlable depuis plusieurs 
semaines. J’avais prononcé des paroles incompréhensibles. Les médecins avaient décidé 
de me transférer dans le service psychiatrique et ils attendaient mon réveil. Cette fois, je 
restai étrangement calme alors que le mot « psychiatrique » avait été dit. Peut-être que la 
dose de médicaments était massive ou peut-être que j’acceptai la situation. Le problème 
était bien celui-là : j’avais perdu la raison. Je tournai légèrement la tête sur la droite et vis 
qu’un autre patient me regardait avec bienveillance. Après le départ de l’infirmier, je n’eus 
pas le temps de saluer mon compagnon de chambre qu’il me dit : « Je suis ici depuis deux 
ans et vous êtes la quatrième personne qui a eu ces symptômes et qui habite à la même 
adresse que vous. » Je restai perplexe. Il devança ma réaction. « J’ai lu votre dossier, vous 
m’excuserez. » Je gardai les yeux rivés sur son visage ; lui, il me sourit. 
Alors c’était l’explication ! Mon appartement était hanté ! Mais qui pourrait croire cette 
histoire si ce n’est deux fous enfermés dans un asile ? Depuis cette révélation, j’ai passé 
deux ans dans cet endroit et j’avoue que je m’y sens en sécurité car je fais chaque soir des 
rêves terrifiants malgré les médicaments puissants que j’avale quotidiennement. Je meurs, 
broyé par les murs de mon appartement ou brûlé par ce regard de feu qui me guette depuis 
ma chambre. Mon hospitalisation a conduit à la fermeture de ma boulangerie. Sans 
ressources, je vais devoir vendre mon appartement.
TABLE DES MATIÈRES 
Remerciements ...................................................................................................................... p. 2 
Avant-propos des élèves de la Quatrième Jupiter ............................................................. p. 3 
Le Masque de Venise.......................................................................................................... p. 4 
Emmeline BOYER – Julien RANAIVOMBOLA – Dorian TORINIÈRE – Alexandra YOU-SEEN 
Morsure et catacombes ..................................................................................................... p. 6 
Myléna GRONDIN – Bastien FOURMY– Mathieu RIOUL– Jennifer VERBAR 
La Vengeance du revenant ............................................................................................... p. 9 
Nakad ALI – Camille BEY – Camila BRÉZÉ– Laure PAYET 
Marqué à vie ......................................................................................................................... p. 11 
Arthur D’AUDIGIER – Lydia LAKERMANCE – Erwann MYRTHE – Carmelle VIENNE 
L’Impasse ............................................................................................................................. p. 13 
Manon CLAUDE – Pablo RAKOTOARISOA - Sébastien THIBUR – Magalie YU-KUI 
Le Cercle de la peur ........................................................................................................... p. 15 
Giovanni KONDOKI – Evan MAILLOT – Grace MAILLOT – Denise TATEL 
Mystère parallèle ................................................................................................................. p. 17 
Emmanuelle D’EURVEILLIER – Mathieu LEBLANC – Alison LEE CHAO SHIT – Tristan PAUSÉ 
Avant-propos des élèves de la Quatrième Mercure ........................................................... p. 20 
Une vie de mensonge ......................................................................................................... p. 21 
Kyllian FÉLIX – Tachirifa HOUMADI – Mathilde GEORGER – Endrik PAYET 
Le Pacte ................................................................................................................................. p. 24 
Inés AIMARD – Joachim DARENCOURT – Déborah Le PAJOLEC – Loïc SÉRY – Guillaume VRINAT 
Après la mort ........................................................................................................................ p. 27 
Ugo BELHASSEN – Adrien BOUCHET – Oumé ISSOUFALY LAVA – Poubarlen SELLOM-AYA 
Dans l’oeil d’un chat ............................................................................................................ p. 29 
Lionel BENG-THI – Élise CASCADE – Laïkah ISSOP – Judygaëlle TATEL 
Sortie mortelle ........................................................................................................................ p. 31 
Kenjy K’BIDI – Emma LAMBERT – Virginie SAINT ALME – Éléna VERBARD 
La Ville fantôme ..................................................................................................................... p. 33 
Jordan CHARRIER – Nicolas LAKERMANCE – Ludivine LAURET – Benjamin RIVIÈRE – Lucas ULRICI 
Le Parcours de l’étrange ................................................................................................... p. 35 
Loïc BOURDEL – Raphaël KAAMBI – Trécy PHILOMÈNE – Appoline TURPIN 
CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES 
Couverture : création de Christophe FONTAINE et Alexandra YOU-SEE 
page 19 : création de Julien RANAIVOMBOLA

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  • 3.
  • 4. Cher lecteur, Sache que, dans mon monde, la ville est fantastique, peuplée de créatures et de frayeurs nocturnes. Après de telles épreuves, le projet PO² (architecture et urbanisme) m'a sauvé de l'ennui et m'a inspiré des histoires dramatiques. Ma vie s'est désintégrée en sept événements traumatisants comparables aux sept vies d’un chat noir et furtif. Les sept miaous stridents ont déchiré la nuit et, du fond de mon jardin, une ombre m'a transporté dans une ville souterraine, à Venise et jusqu'aux catacombes... La peur me terrifiait de soir en soir, en soir... dans un cercle vicieux. Paralysé par le doute et l'incompréhension, aucune solution ne s'offrait à moi, c'était l'impasse. J'étais cloué au lit et la peur me hantait, me pétrifiait, m'anéantissait. J'ai cru y rester, happé par la mort, tour à tour diabolique et bienveillante. L’imagination peut jouer de mauvais tours. Prends bien garde ! Il pourrait en être de même pour toi... Après avoir lu ce recueil de nouvelles, tu ne sortiras pas indemne.
  • 5. LE MASQUE DE VENISE Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans le quartier de San Polo, au bord du Canal Grande à Venise. Entre le 22 février et le 14 mars se déroule le Carnaval annuel traditionnel. L'année où je décidai d’assister à l'événement, le défilé se préparait et on aménageait la scène qui accueillerait les lauréats du concours de déguisement. Je résidais alors à Venise pour suivre mes études d'arts. Je profitais de l'occasion pour visiter la cité des Doges, et observais avec émerveillement tout ce qui m'entourait. La liesse était à son comble, je me promenais dans le quartier qui résonnait d’éclats de rires et de voix. Un groupe d'hommes riait à gorge déployée et se pavanait en direction d’un restaurant. Je les y suivis. Là, un disque-jockey réservait un accueil chaleureux et festif, des guirlandes lumineuses égayaient cette ambiance vénitienne. À l’arrière du bâtiment, j’aperçus un groupe constitué d'une douzaine d'individus, affublés d’habits bigarrés et cachés derrière des masques. Ils ouvrirent une porte et entrèrent dans une pièce réservée au personnel. Ils en ressortirent vêtus d’un costume sombre au large col de velours et chargé de petites pierres factices. Des gants blancs et un chapeau bicorne verdâtre bordé d'or achevaient l’accoutrement. Ils revinrent sur leur pas, dans ma direction, et soudain je fus comme cloué au sol, comme si un aimant m'attirait vers le centre de la Terre et m'empêchait de bouger. Ils sortirent de l’établissement. Je pus à nouveau bouger et je les suivis. Je n’arrive toujours pas à expliquer pourquoi. Ils tournèrent dans une ruelle sombre et déserte. J'eus à peine le temps de faire un tour sur moi-même, croyant qu’ils m’avaient semé, que je fus encerclé par leurs ombres inquiétantes. Mon sang se glaça dans mes veines. Je les entendis réciter une sorte d'incantation qui me mit presque immédiatement dans un état critique. La tête me tourna, je sentis une énergie obscure serpenter dans mon corps. La bête remonta lentement vers mon cerveau. Je sentis mon corps m'abandonner, il ne me restait que mon âme tourmentée. J'étais debout au centre d'un cercle inhumain et je voyais si flou que je ne distinguais que des formes confuses et un décor déformé. Lorsque je pus enfin reprendre mes esprits, je réalisai qu'il n'y avait plus personne ; mes jambes devinrent alors comme du coton et la pression était telle dans ma tête que je m’écroulai. Je me réveillai, étalé sur le sol, sans force. Je portais sur le visage un masque que je ne pouvais ôter. Pendant plusieurs minutes, toute tentative resta infructueuse. Comment accepter de vivre avec ce fardeau ? Chaque jour, je tentais de le retirer, en vain. Le quatrième jour, désemparé, j'allai dans ma salle de bain, je mis de l'eau chaude sur mon visage sans y croire et le masque se détacha. Enfin, un sentiment de liberté ! Mais quand
  • 6. je me regardai dans la glace, je constatai que j’avais pâli, sans doute parce que j’avais été privé de soleil. Mais ce qui me parut le plus inquiétant et le plus étrange était que je ne pouvais bouger aucun trait de mon visage. Ma peau était comme figée dans la cire. Il fallait que je dépasse ma peur et que je règle ce problème. Ce soir-là, je retournai au Carnaval à la recherche de ces personnes masquées qui m’avaient impressionné, au sens littéral du terme. Je croisai une vieille dame dont le regard s’obscurcit à la seule vue de mon visage. On aurait dit que je la terrifiais. Elle s'arrêta net devant moi, bégayant sans cesse ''ce visage, ce visage...'', puis je l'interrompis, surpris moi-même par cet air intrigué qu’elle avait. Elle savait quelque chose à propos de ce masque. Elle m'invita chez elle. On entra dans une veille maison. Elle me proposa du thé servi dans un vieux service en porcelaine. Elle s’assit à mes côtés et elle commença à me raconter l'histoire du ''masque de Venise'' non sans m’avoir demandé au préalable de lui dire ce qui m'était arrivé. Par la suite, elle m'avoua qu’il s’agissait d’une malédiction et que si je voulais retrouver mon visage, il faudrait attendre le Carnaval de l'année suivante et de faire subir à un étranger le même sort que moi. Je lui demandai s'il fallait réciter le sortilège. Elle me répondit que oui et m’apprit la formule. Je menai une vie morne pendant cette année qui me sembla interminable. Je restai aussi inexpressif qu’inquiet. Le premier jour du Carnaval arriva enfin. J’achetai un masque noir en plastique froid et me dirigeai, la peur au ventre, vers le restaurant maudit. Sur le chemin, un homme me demanda sa route. Sans avoir compris où il voulait se rendre, je lui proposai de le mener à bon port. Une seule idée me trottait dans la tête : comment le convaincre de porter le masque ? Je n’avais pas le choix et tous les moyens étaient bons pour arriver à mes fins. Étais-je aussi devenu insensible au sort des autres ! L’infortuné me suivit presque aveuglément dans une impasse sombre et déserte. Ressentait-il lui aussi la peur en marchant dans cette impasse ? Peu m’importait, j’allais retrouver figure humaine.
  • 7. MORSURE ET CATACOMBES Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville par un soir de pleine lune, dans les catacombes de Paris. Le ciel était noir, sans étoiles comme si l'horloge du temps était restée figée. Je rentrais de soirée avec quelques amis quand l'un d'entre eux eut la brillante idée d'aller visiter les catacombes. Je n'étais pas très emballé par la proposition, mais je ne voulais pas passer pour une mauviette. Nous en prîmes alors le chemin. Si j'avais su ce qu'il se passerait cette nuit-là ! J'aurais préféré éprouver de la honte que de vivre cet incident traumatisant. Je ne pensais pas que les catacombes pouvaient être si effrayantes. Nous pénétrâmes clandestinement dans ce lieu public qui avait fermé ses portes depuis plusieurs heures déjà. Peu importe où l'on posait les yeux, on n'apercevait que des ossements blanchâtres dans les moindres recoins. Vision improbable dans un site touristique où, d’ordinaire, seuls les pierres et les vestiges du passé s’offraient à la vue des curieux. Je m'isolai, l'espace d'un instant pour cacher aux autres la peur qui m’envahissait, mais quand je revins, plus l'ombre d'un rat ! Dans quel pétrin m'étais-je encore fourré ? Il fallait absolument que je trouve une sortie, mais c’était peine perdue. Je longeais les allées sales, étroites et mal éclairées. Épuisé par cette recherche acharnée, je m'affalai sur le sol poussiéreux et je finis par sombrer malgré moi dans un sommeil étrange. Soudain, un cri d'horreur. Ce cri inhumain, bestial me ramena à la réalité. Je me relevais péniblement quand un courant d'air glacial me frappa dans le dos. Une patte, oui, une patte, agrippa mon épaule et transperça de ses griffes acérées ma chair tendre. La douleur était insoutenable et la respiration de la Chose résonnait dans ma tête. Je me retournai pour essayer de me dégager mais plus rien. Seul le silence pesant des catacombes régnait en maître. Je déambulais, diminué aussi bien physiquement que moralement. C'est alors que j’aperçus un gardien de nuit. J'avais enfin trouvé de l'aide pour pouvoir m'échapper ! Mais lui aussi avait l'air perturbé par je ne sais quoi. Je me rapprochai et lui demandai de l'aide : - S'il vous plaît, aidez-moi ! J'ai besoin d'un médecin ! - Vous saignez énormément, que vous est-il arrivé ? me demanda-t-il, inquiet. - Une bête m'a mordu ! Ça avait la force d'un ours et les crocs d'un loup. - Un loup, vous dites ! Mais ce soir, c'est la pleine lune, n’est-ce pas ? ajouta-t-il, d’un ton moqueur. - Quelle importance ? Aidez-moi s'il vous plaît ! suppliai-je. Les yeux du gardien semblaient sortir de leurs orbites, l'expression de son visage se
  • 8. décomposait comme s'il avait croisé un fantôme. - Courez ! s’écria-t-il, courez avant qu'elle arrive ! - Elle ? À cet instant, je vis quelque chose d'horrible, d'inhumain. Le gardien se transformait en bête. Ses paroles ne ressemblaient plus qu'à des hurlements, ses mains devenaient des pattes. Ses vêtements se déchiraient tellement son corps se développait démesurément. Il se transformait en loup-garou. Je ne pouvais pas rester là à regarder ce spectacle terrifiant, il fallait que je m'en aille. J'avais l'impression que la douleur provoquée par ma blessure avait disparu tant la terreur était immense. Je courus tellement vite que je ne sus pas dans quel couloir je m'engouffrais. Mes poumons n'en pouvaient plus. Ils étaient sans doute trop petits pour contenir tout l’air dont j’avais besoin pour rester conscient. Je m’arrêtai, hors d’haleine. Je n'en crus pas mes yeux ! Devant moi, je reconnus, grâce à ses vêtements, un de mes compagnons d’infortune qui s'était transformé en un monstre terrifiant ! Était-ce la réalité ou mon esprit me jouait-il des tours ? Cependant, je ne tentai même pas d’aider mon ami qui n’était même plus l’ombre de lui-même. Il fallait que cet enfer s’arrête. Déterminé, je m'engageai dans un passage sombre. Un bruit ! mais je restai sur mes gardes. Avec effroi, je découvris une meute de ce qui semblait être des loups. Impossible de les dénombrer avec exactitude. Leurs grognements agressifs parvinrent jusqu’à moi mais, inexplicablement, je comprenais ce qu’ils signifiaient : - Où est-il ? Cela fait 3 jours qu'on n’a pas mangé ! - On le trouvera ! Espérons-le sinon il faudra que l'on sorte. - Vous sentez cette odeur ? Ils m'avaient repéré ! Déjà l'un d'eux se dirigeait vers ma cachette. Instinctivement, je pris mes jambes à mon cou. La meute me poursuivit pendant de longues minutes qui me paraissaient être des heures, mais je finis par les semer. Une porte enfin ! Avec l’énergie du désespoir, je la poussai et tombai de tout mon poids sur le béton glacé. Le bruit de la lourde porte qui se referma derrière moi sonna comme un cri de victoire. Le cauchemar était fini. Je levai les yeux vers le ciel et distinguai ma bande de copains qui s’amusaient de ma chute sans doute ridicule à leurs yeux. Je leur souris, confus, et constatai, inquiet, que Paul n’était pas là. « Il doit chercher la sortie comme toi ! » lança Thierry en riant. Je me relevai tant bien que mal. Mes muscles étaient tétanisés, tout mon être semblait flotter. J’avais sans doute perdu tout sens de la réalité dans cet endroit surréaliste et la peur ne m’avait certainement pas aidé à rester rationnel. Mais tout était rentré dans l’ordre. Je portai alors ma main sur ma blessure. Je ne ressentais aucune douleur mais la plaie était
  • 9. déjà cicatrisée. L’étrangeté de mon état ne s’arrêtait pas là. Je pris une longue inspiration et l’odeur de chair fraîche qui se dégageait du groupe de mes amis excita mes narines.
  • 10. LA VENGEANCE DU REVENANT Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville. Ce soir-là, on donnait une fête en l’honneur de l’anniversaire d’un de mes amis dans le parc dans lequel on avait l’habitude de se retrouver depuis notre tendre enfance. Après avoir bien profité des retrouvailles, je ne me sentis pas très bien. Je décidai alors de m'écarter du groupe. J'entendis des gémissements de douleur un peu plus loin. Je m'approchai et vis un jeune homme à terre. Je me penchai sur lui pour lui porter secours et je commençai à l'examiner. Mais je constatai avec effroi que je ne pouvais plus rien faire. Il était mort ! Plusieurs entailles recouvraient son corps, elles étaient sûrement la cause du décès. Le pauvre homme s'était fait poignarder. Au bord du dégoût, je détournai la tête une fraction de seconde mais le corps sans vie avait disparu. Je pris mes jambes à mon cou, en espérant qu'un jour je pourrais oublier cette histoire. Mais pour soulager ma conscience, je pris la décision, sans prendre le temps d’en informer mes amis, d'aller en parler à la police. Je me précipitai au commissariat où un agent, après avoir compris la situation et en voyant mon affolement, m'expliqua que l’auteur des faits s'était présenté de lui-même et qu’il était déjà sous les verrous. Il poursuivit en me disant que le problème était qu’il n’y avait aucun cadavre. Le gardien du parc, dépêché sur les lieux, était formel. Le policier, convaincu de ma bonne foi, alla jusqu’à me montrer une photographie du présumé meurtrier. Je remarquai, ébahi, que l’homme et moi nous ressemblions énormément. Le policier, quant à lui, ne fit pourtant pas le rapprochement. Perplexe, je rentrai chez moi. Le lendemain, je retournai en cours et passai une journée ordinaire bien que des images du pauvre homme ensanglanté me hantaient. Je donnais le change. La sonnerie de la fin des cours retentit et le soleil commençait à se coucher. Je marchais sur l’avenue principale du quartier. L’endroit était anormalement calme et déserte. Mon coeur se mit à battre de plus en plus vite dès lors que je sentis une présence se rapprocher de moi. Je me retournai mais tout était vide. Lorsque je tournai la tête pour continuer ma route, le cadavre de l'autre soir se tenait debout, là, devant moi. Il était décharné par endroits mais bien vivant ! Il essaya de me sauter dessus et j'esquivai de peu son attaque. Il répliqua, je réussis encore à l'éviter. Après plusieurs assauts, il me blessa superficiellement. Je m'enfuis, sans doute par instinct de survie. J’entrai enfin chez moi après une course folle à travers les rues étroites de la ville. J’évitai de justesse une voiture mal garée, une poubelle, un chat errant. J’entrai enfin chez moi. Pensant qu'il était parti, je rouvris la porte pour me convaincre que tout cela n’était que le fruit de mon imagination. Soudain, un pied
  • 11. se glissa dans l’entrebâillement de la porte. Il était de retour et réussit à pénétrer dans la maison. Je courus dans ma chambre puis sautai par ma fenêtre pour atterrir dans la ruelle. Je m'arrêtai. Une main se posa sur ma nuque. Je me sentis piégé dans le gouffre de la mort. Tous les espoirs de raconter mon histoire se sont envolés quand il m’a ôté injustement la vie. Le médecin légiste a conclu à une mort naturelle ! Mais, vous, médium, me donnez aujourd’hui la chance de dire la vérité, de m'exprimer, moi, l’ombre tuée par une ombre.
  • 12. MARQUÉ À VIE Moi, Avi, j’ai ressenti la peur en marchant dans la ville, hier à l’heure du dîner, pour me rendre au restaurant. Tout en avançant, je fixe le balancement de mon porte-clés et j’en suis presque hypnotisé. En poussant la porte, je constate que rien n’a changé depuis la dernière fois que je suis venu ; cette fois où une histoire folle et encore plus terrifiante m’est arrivée. C’était il y a un an. Comme hier, aux environs de vingt heures, je me dirigeais vers cet établissement dans lequel ma vision du monde changea à jamais. Une peur inexplicable m’envahit quand j’entrai dans ce lieu fatidique, provoquant une sorte de vertige incontrôlable. Après avoir retrouvé mes esprits, je m’installai à une table et j’appelai le serveur lorsqu’un ami d’enfance que je n’avais pas vu depuis plus de vingt ans m’aborda, posant sur moi un regard étrange : il louchait. Au fil de la soirée, Marc et moi nous remémorions notre passé à l’école primaire, les copains et les cours de M. Arnaud qui aimait nous parler de sa passion, la plongée, et nous faire rêver. C’est à cet instant qu’il m’offrit un porte-clés en forme de trèfle, « symbole de notre amitié » me dit-il. Pour ma part, j’étais heureux de l’avoir retrouvé et je voulus immortaliser ce moment en prenant une photo à tirage instantané. Quand je regardai le résultat, Marc n’y apparaissait nulle part ! Intrigué, je posai ma main sur son épaule, elle ne rencontra aucune résistance ; ma main avait traversé son épaule. Affolé, horrifié, je quittai précipitamment le restaurant tel une proie pourchassée. Je m’arrêtai net sur le trottoir. J’étais figé. Une statue de pierre. J’avais le souffle coupé, incapable de faire le moindre mouvement ni même de raisonner. Cependant, je sentis que Marc s’approchait de moi d’un pas hésitant. Il parvint à m’apaiser, et je ne sais toujours pas comment. Je réussis à poser mon regard sur son visage. Il était étrangement pâle. Malgré moi, nous nous dirigeâmes vers le pont, côte à côte, comme inséparables. Il me parlait interminablement. Envoûté par cette voix grave et monocorde, je ne remarquai pas cette flaque d’huile sur le sol. Je glissai brutalement et basculai, sans aucune véritable explication, de l’autre côté de la barrière de sécurité comme un parachutiste en chute libre. Marc sauta, sans se retenir à quoi que ce fût, m’agrippa par le poignet et m’évita la chute fatale. Après m’avoir remonté sans éprouver la moindre difficulté, il m’observa et j’en fis de même. Son regard était vide, son teint blêmissait à vue d’oeil, je sentais grandir la peur en moi mais aussi une certaine angoisse dans les yeux de Marc. Tout devint noir autour de moi excepté cet être mystérieux. J’eus l’impression de quitter la surface du globe pendant un instant, de ne plus appartenir au monde des vivants. Après quelques secondes d’un silence presque funeste, Marc me dit d’une
  • 13. voix d’outre-tombe : « Je ne suis plus de ce monde. » Ces paroles eurent l’effet d’un séisme. Je tombai dans les pommes. Je me réveillai chez moi avec une migraine atroce qui brouillait les souvenirs de la veille. Pourquoi me sentais-je si mal ? Je me levai et allai avec difficulté à la cuisine pour tenter d’avaler quelque chose. Mon sac, posé sur la table, était grand ouvert. Je trouvai la photo. Je reconnus le restaurant que je fréquentais régulièrement mais je figurais seul sur le cliché ! Drôle d’idée. Je tentai de me rappeler cette soirée, sans succès. Je quittai presque aussitôt mon appartement pour retourner au restaurant. Une fois sur place, j’interrogeai le serveur qui m’accueillit cordialement comme à son habitude. Je lui demandai assez vite si j’étais venu seul, la veille. Le serveur me fixa d’un regard intrigué. Il me répondit, un peu gêné, qu’il n’avait vu personne mais que j’avais effectivement parlé tout seul pendant un long moment. Il avait supposé que j’étais au téléphone. N’obtenant pas de réponse convaincante, je pris congé et ressortis du restaurant. Je me remis à marcher, sans but. Absorbé par un flot de questions, je ne me rendis compte, seulement plusieurs minutes plus tard, que j’étais arrivé au pont qui reliait le quartier commerçant au quartier résidentiel dans lequel j’habitais. Soudain, une image vint frapper mon esprit mais elle restait indistincte. Juste une forme humaine, un homme au visage livide et au regard hagard... Déconcerté, je tournai les yeux sur l’eau qui coulait régulièrement sous le pont. Je mis les mains dans les poches de mon jeans et je sentis quelque chose du bout des doigts. Je sortis l’objet : un porte-clés qui portait l’inscription « Marc & Avi ».
  • 14. L’IMPASSE Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville. Je rentrais chez moi après être allée au cinéma avec un groupe d’amis. Nous habitions tous dans le même immeuble situé à quelques centaines de mètres seulement du multiplexe. Le quartier avait toujours été dynamique et accueillant. Tout le monde se connaissait et prenait le temps de discuter et d’échanger les dernières nouvelles sur la vie des uns et des autres à la terrasse des cafés qui donnaient sur la rue principale. En cette fin d’après-midi, nous marchions donc en donnant chacun notre avis sur le film d’horreur. Il faisait déjà nuit, nous avions un peu froid et les images fortes que nous venions de voir rajoutaient au frisson que je ressentais pour ma part. Lorsque nous arrivâmes devant notre immeuble, nous remarquâmes une porte à laquelle nous n’avions jamais prêté attention. À travers cette porte, nous aperçûmes l'intérieur de notre immeuble, alors nous l’ouvrîmes. À peine entrés, la porte se referma derrière nous et nous fûmes dans le noir le plus total. Après quelques minutes de recherche sans prononcer aucun mot, je réussis à distinguer une faible lumière. J'avançai à tâtons et dans un silence de mort. Quelques instants plus tard, je remarquai que j'étais seule dans une impasse ! Où étaient passés mes quatre acolytes ? J'hésitai à avancer. Mais ma curiosité prit assez vite le dessus pour laisser place presque aussitôt à une sorte de panique. Je tombai sur une deuxième porte où je pus lire avec difficulté une pancarte éclairée par le halo de lumière de mon téléphone portable qui ne détectait aucun réseau. L’angoisse me saisissait de plus en plus. Je me trouvais donc dans le « Labyrinthe de la peur ». Je poussai la porte, guidée par une force que je ne pouvais pas contrôler. Je me retrouvai alors dans une espèce de forêt dense mais je ne sentais aucune odeur de sève, de feuille ou de quoi que ce soit qui aurait pu stimuler un promeneur dans un tel décor. Je me dis que cela ne servait à rien de rester là à ne rien faire mais j’étais, en même temps, perplexe face à ce qui m’arrivait. Je continuais mon chemin en essayant de réfléchir à ce que ces mots pouvaient bien dire et à ma solitude dans un lieu si insolite. J'avais peur, très peur même. Minute après minute, je croyais de plus en plus que je ne sortirais jamais de ce fichu labyrinthe, glauque et silencieux. J'entendis un craquement ! J'étais pourtant seule ! Je me mis à courir. Qu'est ce que cela pouvait être ? Une branche sèche qui cède sous le poids d’un pied ? d’une patte ? Des os que broie la mâchoire monstrueuse d’une bête sauvage ? « Je ne sortirai jamais d'ici vivante ! » C'est ce qui revenait en boucle dans mon esprit torturé. Soudain, je me cognai violemment contre une porte, la troisième. J’étais tellement
  • 15. sonnée que je perdis connaissance. À mon réveil plutôt douloureux, j’avais l’impression que tout le sang de mon corps cherchait à sortir par mon front. Je ne savais plus très bien où je me trouvais. Je me relevai alors tant bien que mal dans une pénombre qui ne me rassura pas. La peur devint terreur quand un murmure venu de nulle part, si ce n’est de cette pièce noire et macabre, me susurra ces paroles « Prends garde aux fausses apparences ». Je me retrouvai encore devant cette porte, la troisième. Les événements me revenaient en tête de manière foudroyante. Je ne pouvais aller dans un endroit pire que celui qui s’offrait à mes yeux. L’écriteau mentionnait cette fois « Ombres et serpents mortels ». Je savais qu’il était impossible de faire demi-tour. Je pénétrai quand même, paralysée par la peur de ce que j’allais rencontrer. Et là, comme par magie, j’étais plantée devant mon immeuble avec tous mes amis. Nous étions tous étonnés de nous revoir. Le soleil se levait... Comment cela était-il possible ? Nous croyions tous n'y avoir passé que quelques minutes ! Et à quel moment précisément nous étions-nous perdus de vue ? Des questions surgissaient et s’accumulaient comme des fusées éclairantes. Mais nous restions pourtant dans le flou. La seule certitude était que chacun avait vécu ses peurs les plus sombres et avait entendu une voix lui murmurer qu’il fallait prendre garde aux apparences. Mais alors... mes peurs à moi les avais-je toutes vues ? Une forêt sombre emplie de bruits suspects ! Ces ombres et ces serpents mortels qui m’étaient apparus sous les traits de mes amis devant chez moi ! Idioties ! À quoi bon chercher une explication ? Un nouveau jour commençait et nous devions nous préparer pour aller en cours sans avoir dormi. Nous devions reprendre le cours d’une vie dans laquelle tout nous paraissait normal. Tous, sans nous concerter, nous jetâmes un coup d’oeil vers la porte maudite. Elle avait disparu.
  • 16. LE CERCLE DE LA PEUR Moi, j’ai ressenti la peur en marchant dans la ville, un soir, en rentrant du travail. Il ne me restait que quelques mètres à faire avant d’arriver chez moi lorsque je passai devant la petite épicerie de quartier qui regorgeait de clients habituellement. Mais ce soir-là, pas âme qui vive ; elle était déserte et même la commerçante que je saluais et avec qui j’échangeais quelques banalités était absente. J’étais intrigué d’autant que la boutique était grande ouverte, toute lumière allumée. J’atteignis l’entrée de mon immeuble ; j’allais retrouver ma femme et ma petite Julia qui enchantaient ma vie chaque jour. Mais un silence de mort régnait au rez-de-chaussée. Je commençai à monter l’escalier tout comme l’angoisse montait en moi. Au premier étage, je constatai que toutes les portes étaient ouvertes pendant que j’avançais à tâtons. Les minuteurs des couloirs ne fonctionnaient plus, seule la lumière qui provenait de l’extérieur éclairait à peine mes gestes. Je parvins enfin au deuxième pallier. Enfin chez moi ! Mais le calme était loin d’être revenu. Cette fois-ci, toutes les portes s’ouvrirent et se refermèrent dans un rythme infernal à partir du moment où je posai le pied sur la dernière marche. Plus j’approchais de mon appartement, plus j’avais l’impression que le sang ne circulait plus dans mon corps. Ce fut l’effet d’une bombe lorsque je compris que la seule porte qui restait close et silencieuse était la mienne. J’ouvris la porte, la peur au ventre, et une lumière blanche irradiante m’aveugla. Quelques secondes plus tard, je pus enfin ouvrir les yeux alors accoutumés à la luminosité ambiante. Tout était sens dessus dessous ! Interdit, je me demandai si je vivais un rêve ou la réalité. Sans le pressentir, je perdis conscience et sombrai dans le noir le plus complet. Je m’éveillai presque aussitôt – enfin à mon sens – en plein milieu de la ville, cerné par les bâtiments publics aux allures austères et les habitations aux volets fermés et infranchissables. Pourtant j’entendais une vague musique qui semblait être jouée devant un public en délire étant donné le bruit des applaudissements qui accompagnait le son des instruments. J’eus l’impression d’être un pantin dans un film d’animation surréaliste. Je me laissai guider. La scène me stupéfia : guitares, accordéons, batterie, violons, trompettes jouaient de concert... mais aucun musicien. Mon hésitation entre rêve et réalité grandissait et une question vint subitement frapper mon esprit : où étaient passées ma femme et ma fille ! Je me demandais si je ne devenais pas fou. Au moment où je secouai la tête pour tenter de recouvrer la raison, l’orchestre se volatilisa, comme par magie. Encore une fois saisi d’étonnement, je cherchai des yeux un élément familier dans le décor. J’aperçus
  • 17. l’entrée principale du centre commercial dans lequel nous venions une fois par semaine, ma petite famille et moi. À l’intérieur, dans le grand hall, toujours personne. Je marchais complètement au hasard lorsque je me retrouvai face à la grande horloge qui indiquait une heure, une heure du matin. Furtivement, j’entrevis une ombre filer sur ma droite. La terreur me glaça le sang et me laissa pour mort, étalé sur le sol. À mon réveil, je me dis en mon for intérieur que toute cette histoire était impossible. Un vertige me prit tout à coup et pendant plusieurs minutes j’étais conscient mais vraiment perdu, déconnecté de la réalité voire anéanti. Je réalisai que j’étais allongé dans un lit tout blanc et très inconfortable. Je remarquai un groupe de femmes, toutes vêtues de la même manière qui s’affairait autour d’un autre lit semblable au mien. La porte se referma derrière une des infirmières et je distinguai une affichette qui ressemblait aux habituelles consignes de sécurité que l’on peut lire dans des lieux publics et qui mentionnait le nom de l’établissement « Hôpital psychiatrique Saint Bernard ». J’essayai de retrouver mes esprits mais seules des questions sans réponse me tourmentaient. Pourquoi étais-je là ? Que m’était-il arrivé ? Étais-je devenu fou ? Finalement, désemparé, j’acceptai mon sort mais mon corps visiblement pas. Mes yeux se révulsèrent, je fus pris de convulsions. Je sentis un liquide froid s’écouler rapidement dans tous mes membres mais, paradoxalement, mes muscles se détendirent lentement jusqu’à ce je ne les sente plus et que je sombre dans le coma. Deux ans plus tard, je pus enfin regagner mon foyer. L’équipe médicale avait jugé que j’étais prêt. Ce soir-là, ma femme Laetitia et ma fille Julia étaient toutes les deux assises à mes côtés. Comme chaque dimanche depuis mon retour, nous regardions la télévision. En zappant, je m’arrêtai sur la chaîne dédiée aux informations, attiré par l’histoire d’un homme qui racontait un épisode étrange de sa vie. Il commença ainsi : « Moi, j’ai ressenti la peur en marchant dans la ville... »
  • 18. MYSTÈRE PARALLÈLE Moi, j'ai ressenti la peur dans une rue du Bronx. Tout ce que vous voyez n'est pas ce que vous croyez. Je vais vous raconter mon histoire. Je m'appelle James Walter, j'habite avec mon père dans une maison du centre-ville de New York. Mon père est policier et ne veut jamais me laisser seul. Plusieurs mystères planent au-dessus de la ville, tous liés aux enquêtes criminelles non résolues. De simples rumeurs peuvent devenir des légendes urbaines et celle qui m’a toujours fasciné... l'homme-poisson. De mémoire, personne n'en avait jamais vu, jusqu'à ce fameux soir. J'attendais mon père dans la voiture pendant qu'il faisait une course. La lune brillait dans le ciel comme un oeil qui vous surveillerait. Soudain, j'entendis un bruit sourd à l’arrière de la voiture. Je commençais à m'inquiéter de ne pas voir mon père revenir et surtout de voir le brouillard devenir plus dense autour de la voiture. Je descendis et jetai un oeil à l’arrière mais ne vis rien de suspect. Brusquement, mon père me prit la main et m'ordonna de retourner dans le véhicule. Je m'exécutai sans broncher. Paniqué mais muet, mon père démarra en trombe, mais pour quelle raison ? Une fois rentrés à la maison, mon père barricada toutes les issues. À bout de souffle, il s'affala dans le canapé et prit la parole, hésitant : « J'ai vu un mutant, un homme, un poisson, je ne sais pas. Il était couvert d'écailles vertes. Un énorme aileron bougeait au gré du vent, de gros yeux globuleux rouge sang m’ont fixé. Des mains et pieds palmés, des griffes aiguisées comme des couteaux rouillés ont effleuré mon visage. Mais le plus affreux ! Aucun crâne mais un cerveau en ébullition. » L'histoire de mon père me laissa sans voix, incrédule. Pourquoi m'avait-il raconté cela alors qu’il m'éduquait de manière stricte et rationnelle. Aurait-il halluciné ? J'espérais que son imagination ne lui jouait pas de mauvais tours. Cherchant à se rassurer, mon père prit la décision d'aller au commissariat et m'ordonna de l'y accompagner car selon lui nous n'étions en sécurité nulle part. Sur le chemin, le moteur de la voiture s'arrêta net. Papa descendit, apeuré, même s’il essayait de ne rien laisser paraître. Il ouvrit le capot pour tenter de réparer la panne mais il poussa un cri d'effroi lorsqu'il découvrit qu'une immonde substance visqueuse recouvrait toute la mécanique. Je sortis à mon tour de la voiture quand soudain une main écailleuse jaillit de la brume déjà opaque à cette heure-là. Elle entraîna violemment mon père en arrière qui disparut comme dans un courant d'air. Terrorisé et pétrifié, je perdis connaissance. À mon réveil mon idée fixe était de retrouver mon père sans pour autant me poser davantage de questions au risque de perdre trop de temps. La brume s'était dissipée et l'on distinguait
  • 19. sur le sol des traces fluorescentes qui menaient à une bouche d'égout. J'étais mortifié à l'idée de rencontrer cette créature. Mes jambes en coton et mes yeux brouillés par la sueur étaient inefficaces mais je parvins quand même à soulever la lourde plaque. Plus je descendais l'échelle, plus j'avais l'impression qu'elle se rallongeait. Une fois en bas, à bout de force, je crus reconnaître les maisons de mon quartier malgré une lumière faible et diffuse. Mais c'était impossible ! Le magasin du fleuriste exposait des fleurs qui se fanaient sous mes yeux, devant la maison du boucher surplombant sa boutique j'aperçus une silhouette qui pouvait être la sienne. Mon sang se glaça dans mes veines au moment où une deuxième ombre le suivit : était-ce sa fille ? Je devais me rendre à l'évidence cette ville souterraine était la copie de la nôtre mais elle était monochrome, peinte en gris anthracite et peuplée de monstres aquatiques effrayants. Une horrible pensée me vint à l'esprit : et si mon père était devenu un des leurs ! Je m'élançai à corps perdu à travers la ville en quête de ma maison-clone. Ma crainte s'avéra exacte. Mon père était couvert d'écailles vertes ! Étendu sur le sol, il dormait comme si la métamorphose l'avait entièrement vidé de toute énergie. Soudain, la créature ouvrit les yeux et me fixa. Il n'y avait plus rien d'humain dans ce regard, il n'y avait plus rien d'humain dans ce corps. Je tentai de m'enfuir mais il se mit à ma poursuite. Je courus vers l'échelle et commençai à grimper lorsqu'il enfonça ses griffes dans ma jambe. Je sentis le venin couler dans mes veines, je restai pétrifié. La terreur tétanisait mes membres. Tout cela n’était qu’un cauchemar, forcément ! J’allais me réveiller ! Maintenant ! Un sursaut de lucidité me fit gravir les deux échelons qui menaient à la sortie. Je parvins, plein de rage, à soulever la lourde plaque. Je regardai en bas. Ce qui restait de mon père n’était plus qu’un énorme tas d’écailles poisseux qui glissait lamentablement dès qu’il essayait de monter à l’échelle. Et ce regard ! Était-il possible qu’il exprime encore ce qu’un père ressent en regardant son fils dans une telle détresse ? Un incroyable désir de le sauver m’assaillit mais, en même temps, je luttais pour ne pas me métamorphoser à mon tour car je sentais que le venin envahissait mon corps tout entier. Une autre question surgit alors que je posais lourdement le genou sur l’asphalte. Si ce monde souterrain envahissait le nôtre ? À la lumière du soleil, je m'évanouis.
  • 20.
  • 21. Cher lecteur, Entre dans un autre univers, celui que nous avons imaginé, celui où règnent l’étrange, le surnaturel, le doute et l’angoisse. Encore une fois, tu seras frappé à sept reprises. Comme les Sept péchés capitaux ou les Sept merveilles du monde, nos histoires chercheront à laisser une empreinte dans ton imagination. Demande-toi si, au détour d’une ruelle, au pied d’un immeuble ou bien encore dans l’intimité de ta maison, une aventure extraordinaire n’est pas sur le point de te surprendre. Entre dans notre ville. Viens sur notre planète, la Planète Phantasia qu’on appelle aussi Mercure, en l’honneur du dieu messager, en l’honneur du dieu des voyages... Prêt pour le décollage ? Alors place au fantastique !
  • 22. Une vie de mensonge Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville de Lemsa. Nous avions emménagé, ma mère, ma soeur Lili et moi, dans cette ville étrange où les gens étaient taciturnes. Mais ils pouvaient vous dévisager pendant de longues minutes sans que vous puissiez vous dérober à leur regard presque hypnotisant. L’arrivée dans cette ville était donc loin d’être une partie de plaisir d’autant que c’était à la suite du décès de mon père, divorcé de ma mère depuis près de cinq ans, que nous avions dû accepter l’héritage de la maison familiale ou plutôt du manoir car mon père était le fils d’un richissime homme d’affaires. Notre vie newyorkaise nous manquait déjà mais pas notre père que nous n’avions pas vu pendant trois ans et qui s’était moqué de notre sort. Lili et moi nourrissions le désir de rentrer chez nous mais nous n’en parlions pas à maman. Nous menions une vie monotone dans la maison et angoissante à l’extérieur. Ce soir-là ressembla d’abord à tous ceux que nous avions vécus depuis trois mois. La nuit était tombée et nous allions nous coucher. J’essayai de m’endormir dans ce lit inconfortable, dans cette chambre trop grande et glacée. J’entendais les grincements et les craquements de cette vieille maison et je n’étais décidément pas rassurée. Soudain, on frappa à la porte et mon coeur se mit à battre si fort que j’eus l’impression que ma poitrine allait exploser. Je me cachai sous la couette. Je restai ainsi jusqu’à ce je me décide enfin à sortir la tête. Là, un sursaut irrépressible et un cri étouffé. Ma soeur Lili était debout devant moi. Le temps que je me redresse et elle était à la porte contre laquelle elle se tapait violemment la tête. J’étais pétrifiée et abasourdie. Je criai son nom, non, je le hurlai comme si sa démence me contaminait. Tout à coup, elle s’arrêta. Je ne voyais que son profil, à contre-jour qui plus est ; la seule lumière tamisée venait du plafonnier du couloir. Je perçus pourtant un changement : ses traits grimaçants et presque inhumains s’étaient un peu radoucis. Elle tourna la tête brusquement, me fixa d’un regard apeuré et fondit en larmes en se jetant dans mes bras. Il s’écoula un temps qui me parut infini avant de retrouver, toutes les deux, nos esprits. Je la raccompagnai dans son lit. En passant devant la fenêtre de sa chambre, je crus voir une ombre funeste. J’aidai Lili, secouée de sanglots, à se recoucher. Je parvins à l’apaiser mais ne cherchai pas à savoir ce qui lui était passé par la tête. J’étais intriguée par le fait qu’aucune partie de son visage ne portait les marques du choc qu’il venait de subir. Une autre pensée me vint alors, fulgurante. Qu’avais-je vu quelques secondes plus tôt ? Cette ombre furtive était-elle le fruit de mon imagination déjà mise à rude épreuve, ou pas ? J’allai à la fenêtre mais je ne vis rien si ce n’est la lune, pleine, ronde et brillante dans cette nuit noire.
  • 23. Je me rallongeai dans mon lit et tentai de me rendormir en vain. Je me résignai à aller vérifier que tout allait bien pour ma soeur et à descendre me rafraîchir un peu mais, dans le lit de Lili... personne ! Mon sang ne fit qu’un tour. Je dévalai l’escalier qui menait au salon, et là, stupeur ! la porte d’entrée était entrouverte. Je me précipitai dehors et je vis ma soeur assise sur la balançoire. Elle ne répondit à aucun de mes appels désespérés. J’allai vers elle, la peur au ventre. Je lui touchai l’épaule pour la ramener encore une fois à la réalité. Elle cessa de se balancer. L’horreur que je vis alors me hantera sans doute jusqu’à la fin de mes jours ! Dans ses yeux injectés de sang, il était impossible de voir ni pupille ni iris. Sa bouche ensanglantée défigurait ma jeune soeur méconnaissable. Son visage était tailladé et se transforma en une plaie immonde lorsqu’elle hurla de toutes ses forces. J’eus l’impression que mes tympans cédaient sous la puissance du cri inhumain qu’avait poussé ma soeur. Ma soeur, ce monstre ? Impossible ! Ma mère était sortie ce soir-là et aucun de nos voisins ne montra signe de vie ou ne me prêta main forte ! J’étais désespérément seule mais tout ça était-il bien réel ? La créature marchait vers la ville. Ce n’était plus ma soeur, j’en étais convaincue même si la situation m’échappait totalement et que je n’étais sûre de rien. Je la suivis pourtant. Nous arrivâmes au centre-ville et elle disparut sous mes yeux. J’eus le souffle coupé. Je ne voyais plus que des visages sombres qui m’épiaient depuis les fenêtres des habitations qui me cernaient. C’était bien la sensation que j’avais : j’étais prise au piège. Je ne pouvais pas croire que cette scène était la réalité mais je pressentais que quelque chose allait arriver. Il fallait que quelque chose arrive pour mettre fin à ce cauchemar ! Je fis un tour sur moi-même et je reconnus Lili plantée devant la porte d’un restaurant. Au moment où j’allai avancer pour la rejoindre une dizaine de mains me saisirent de tous les côtés. Sous le coup de la terreur, je perdis connaissance. Quand je recouvrai mes esprits, j’étais assise sur une chaise maintenue par des liens qui m’avaient déjà entaillé les poignets et les chevilles. J’avais dû me débattre longtemps pour souffrir de telles blessures mais je n’avais aucun souvenir ! J’avais de plus en plus l’impression d’être le personnage d’un thriller, de ne plus avoir aucun pouvoir sur ma vie, d’être à la merci de cet être monstrueux qui avait pris possession de ma petite soeur. Elle tournait autour de moi, l’air menaçant. Elle ouvrit la bouche comme pour laisser échapper un souffle ou un soupir. Sans bouger les lèvres, comme une marionnette manipulée par un ventriloque, elle dit avec une voix qui n’était pas la sienne : « Vous m’avez abandonné ! Vous n’avez pas compris mon amour ! Vous pensiez que je ne vous aimais pas mais c’est vous qui n’avez pas su m’aimer ! » Plus la voix parlait alors que je gardais les yeux clos, plus elle devenait familière. C’était celle de mon père ! la voix de mon père mort ! Je lui répondis. Je
  • 24. n’éprouvai pas une peur terrifiante mais plutôt une profonde tristesse mêlée à une rancoeur qui m’avait hantée toutes ces années. - Tu es parti ! Maman nous a dit que tu ne voulais plus nous voir, que ta vie avec nous ne t’intéressait plus ! criai-je la gorge nouée. - Comment as-tu pu le croire ? Crois-tu que ce soit possible de renier sa famille, ses enfants ? répliqua mon père d’une voix si puissante que je crus sentir les murs de toute la ville trembler. - Comment ne pas croire en sa propre mère ? - Comment as-tu pu laisser ta petite soeur y croire et ne pas voir que ta mère pouvait mentir pour me faire du mal ! J’en suis mort de chagrin ! - Je suis tellement désolée ! J’aurais dû essayer de te contacter, essayer de convaincre maman de nous laisser te voir mais je t’en voulais aussi de ne pas te battre plus que ça pour nous. Mais aujourd’hui pourquoi te manifester ainsi ? Pourquoi Lili ? Regarde l’état dans lequel elle est ! - Lili est la seule qui, au fond d’elle-même, ne me rejette pas. Toi, tu ne m’as pas laissé le bénéfice du doute. Tu ne m’as pas laissé le temps et à présent je n’en ai plus ! Des larmes de sang coulaient le long des joues de ma soeur. Elle me fixait de ses yeux rouges. « Je t’aime, Papa ! » hurlai-je. C’était la première fois de ma vie que je disais je t’aime à mon père et je le dis avec une sincérité qui me surprit moi-même. À ce moment précis, Lili s’arrêta devant moi. Depuis le début de cette scène morbide, elle tournait autour de la chaise comme une machine. Les yeux de Lili s’éclaircirent subitement et retrouvèrent leur belle couleur bleue. Ses cheveux redevinrent d’un beau blond doré et sa bouche rose et fine comme celle d’une poupée me sourit. Toute la noirceur qui avait pris possession du corps de ma soeur et de la pièce s’évapora. Une sorte de lumière puissante illumina la pièce et s’éteignit aussitôt. Ma soeur me prit la main et se rapprocha de moi. Je la serrai dans mes bras. J’étais enveloppée avec elle dans la douce chaleur de ce restaurant pourtant vide et plongé dans la pénombre. Nous sortîmes. La lumière du soleil nous aveugla autant qu’elle nous réchauffa. Le jour était déjà si avancé ? Incroyable ! Mes yeux découvrirent une rue animée, accueillante, vivante en somme. Les passants, fort avenants, nous saluèrent chaleureusement et nous demandèrent comment nous allions. Comment tout dans cette ville avait pu se métamorphoser à ce point ? Était-ce moi qui avais eu une vision fausse de la réalité ? Le retour de mon père mort avait certainement bouleversé l’ordre des choses et aujourd’hui, à plus de quatre-vingt-dix ans, je ne parviens toujours pas à le rétablir et j’hésite à me dire que ma vie a été belle mais une chose est sûre, elle me semble trop longue.
  • 25. Le pacte Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville, dans un parc déserté depuis peu car des rumeurs le disaient trop mystérieux. À l’âge de quinze ans, j’avais l’habitude de rentrer de l’école à pieds, accompagné par les élèves de mon lycée. Ce jour-là, je dus rentrer plus rapidement qu’à l’accoutumée car j’avais traîné trop longtemps avec les copains. Je pris donc la décision de passer par le parc pour gagner du temps. À l’intérieur, les lampadaires éclairaient très faiblement les grandes allées sans vie. Je ne pouvais plus faire demi-tour car les grilles infranchissables étaient déjà fermées. J’avançais, avec prudence et une certaine angoisse, le long des petits sentiers jonchés de feuilles et de mauvaises herbes. Une fontaine majestueuse trônait au centre du jardin principal et soudain l’eau se mit à jaillir abondamment dans cette ambiance glauque. Je fus fasciné par ce spectacle presque magique. Je restai là quelques minutes mais une sorte de force m’attira vers la sortie du parc. Je continuai mon chemin et parvins à l’aire de jeux. Je ressentis comme un vertige et fis alors une pause en m’asseyant sur le bout de la rampe du toboggan. Sur ma droite, les balançoires se mirent à grincer alors qu’il n’y avait pas un souffle de vent et les manèges mécaniques se déclenchèrent sans aucune raison apparente. Une présence étrange mais envahissante sembla prendre possession du parc presque instantanément. Je me rappelle encore m’être évanoui. À mon réveil, j’étais allongé dans mon propre lit. Intrigué, j’interrogeai mon père qui m’apprit que le gardien du parc m’avait ramené inanimé à la maison vers sept heures du matin, et que, mort d’inquiétude, il avait appelé tous les centres médicaux et les postes de police alentour. À son tour, il me demanda ce qu’il s’était passé et quand je lui répondis que je ne me souvenais de rien excepté d’être passé par le parc et d’avoir eu la frayeur de ma vie, il ne me crut pas au début mais vit, assez vite, que j’étais sincère et encore effrayé. Le lendemain, je me rendis à la gare pour prendre le train qui me conduirait chez mes grands-parents. Toute la famille avait convenu depuis plus de trois semaines que je devais fêter l’anniversaire de mon grand-père en famille et rester quelques jours là-bas. Pourtant, depuis la veille, je me sentais particulièrement mal, comme oppressé par des mains froides et lourdes sur ma poitrine. Devant la gare, les immenses horloges, les restaurants bondés et la foule de voyageurs m’impressionnèrent. Subitement, de gros nuages opaques se formèrent, le ciel devint grisâtre et menaçant, une nuée de corbeaux survola la gare. Les aiguilles monstrueuses des horloges se figèrent sur le chiffre neuf, les grilles des restaurants environnants s’ouvraient et se refermaient dans un bruit assourdissant et là, l’inexplicable se produisit. Les passants furent pétrifiés en un éclair. Plus par terreur
  • 26. que par prudence, je reculai. Je voulais fuir cet endroit à tout prix. C’est à cet instant qu’une main rugueuse se posa sur mon épaule dans un mouvement lent, appuyé et contrôlé. Surpris, je me retournai. Devant moi se dressait une statue gigantesque. Je fus cloué sur place comme privé de toute conscience mais j’entendis tout de même la voix rauque et lente de ce monstre de pierre. Je compris ce qu’elle me dit mais je n’arrivai pas à y croire ! La statue me proposait un pacte. Rien de logique, rien de rationnel mais comment résister à cette envie foudroyante ? Ma mère était morte à ma naissance et même si j’étais paralysé par la peur face à ce spectre, le fantasme de revoir maman, non, de la connaître, était plus fort encore ! Comme si la statue lisait dans mes pensées, elle me dit qu’elle pouvait exécuter n’importe quelle demande et que même la mort lui obéissait. J’étais stupéfait par cette annonce. J’acquiesçai d’un signe de tête et je prononçai dans un chuchotement quasi imperceptible le mot maman. Dans un souffle époustouflant, la scène s’effaça aussi rapidement qu’elle était apparue. Moi, je restai médusé. La force de la rafale m’avait forcé à fermer les yeux. Quand je les rouvris, la foule des passants s’agitait autour de moi et j’entendis à nouveau les voitures, les clameurs et les bruits parasites. J'entendis alors mon nom résonner dans les haut-parleurs situés à l'extérieur de la gare. Je traversai le hall interminable et atteignis in extremis la rame que je devais prendre. Le train démarra et accéléra assez vite. Je vis défiler les barres d’immeubles et les gratte-ciel du quartier d’affaires. Je ressentis un immense soulagement de quitter cette ambiance et de m’éloigner de cette scène affreuse que je venais de vivre. Trois heures plus tard, après un sommeil réparateur, je serrai mes grands-parents dans mes bras, très heureux de les retrouver. Par-dessus l’épaule de mon grand-père maternel, j’aperçus la silhouette d’une femme vêtue d’une longue robe de dentelle blanche. Elle m’observait. Un frisson me parcourut l’échine. Ce n’était pas de la peur que j’éprouvai mais une sorte d’excitation inexplicable, un peu comme une poussée d’adrénaline. J’eus envie d’aller vers elle. Cette inconnue m’attirait irrésistiblement. Mais elle disparut comme par magie. Le soir même, alors que j'allai m'endormir, je vis la même silhouette, assise au pied de mon lit. À nouveau, je n’eus pas peur et je me demandai, pendant une seconde, pourquoi. Les événements que j’avais vécus la veille et la rencontre avec la statue m’avaient-ils quelque part poussé à admettre l’inconcevable ? Ces questions surgissaient alors que je scrutais la dame blanche. Je distinguais mieux son visage même s'il était translucide. Translucide ! Alors c’était bien à un fantôme que j’avais affaire ! Je dus exprimer quelque chose dans mon regard ou dans les traits de mon visage car elle me sourit ; un sourire qui réconforte, qui rassure... Un éclair de lucidité me frappa. Ce sourire,
  • 27. ce visage, ce regard bienveillant, cette robe blanche... cette femme était ma mère ! Elle ressemblait au portrait que mes grands-parents avaient gardé d’elle et qui trônait sur la cheminée du salon. Instinctivement, porté par un élan d’amour, je me jetai dans ses bras. Le contact qui se produisit alors me marquerait à vie et sans doute au-delà. Je fus happé par une tornade puissante et douce à la fois. Je fus propulsé hors de ma chambre, hors de moi-même. J’eus l’impression de naître une deuxième fois et de connaître un bonheur sans limite. Le calme revenu, je sentis la chaleur du soleil sur mon visage. Ma mère avait disparu. Pendant les jours qui me restaient à passer chez mes grands-parents, je ressentais comme une douleur qui grandissait en moi. J’espérais revoir ma mère mais elle ne réapparut jamais. C’était sans doute la nostalgie et le manque d’une mère que la vie m’arrachait encore une fois. Vint le jour du retour en ville, du retour chez moi. Je toussais depuis quelques jours. Je me sentais très faible. Le train s’arrêta, on annonça le terminus. Je posai le pied sur le quai d’arrivée et, juste en face de moi, un panneau lumineux afficha « N’oublie pas la rançon ! » Tout ce qui m’entourait devint prodigieusement gigantesque. Les immeubles situés autour de la gare semblaient avoir un visage. Leurs yeux me fixaient. J’entendis résonner un rire sardonique. Les lettres rouges du panneau se mirent à clignoter de manière désordonnée. Je fermai les paupières comme pour zapper la scène mais en fait l’évidence me sauta aux yeux. J’avais pactisé avec le diable et je devais à présent en payer le prix. Je fus pris d’une quinte de toux douloureuse. Je regardai ma main. J’avais craché du sang.
  • 28. Après la mort Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville de Rosewood. À dix heures du soir, j'étais chez les parents de Spencer Hastings qui m’avaient invité à dîner. Nous parlions de leur fille, infirmière hospitalière depuis une dizaine d’années. Je l’avais rencontrée à l’Hôpital Central. Pendant près de quatre mois, après un accident de la route dont j’avais été victime, Spencer avait été mon infirmière. Nous ne nous étions plus quittés depuis. Aux environs de minuit, alors que nous commencions à nous inquiéter car elle n’était toujours pas rentrée, je reçus un appel sur mon téléphone portable. Je décrochai, la gorge nouée. Une voix féminine, douce et inquiète à la fois, m’apprit, après avoir vérifié mon identité, qu’il fallait passer au plus vite à l’Hôpital Padington, situé à l’extérieur de la ville. J’allais demander pour quelle raison mais la voix poursuivit : « Mademoiselle Spencer Hastings a été transportée chez nous et nous avons trouvé vos coordonnées dans ses effets personnels. Elle n’a malheureusement pas survécu à un accident de voiture. » Je restai sans voix, figé. Une vague de désespoir m’envahit subitement et la main qui tenait le téléphone tomba lourdement sur ma jambe. Madame Hastings m’interpella aussitôt. Je tournai la tête vers elle. Dès qu’elle vit mon regard, elle comprit et poussa le cri le plus déchirant que je n’avais jamais entendu. Le père, quant à lui, était toujours assis, impassible, comme si le souffle de vie avait quitté son corps. À cet instant, un courant d’air glacial parcourut la pièce. Je me levai d’un coup, j’allai précipitamment vers la porte, je me retournai pour jeter un dernier regard sur les parents anéantis, je refermai la porte avec le peu de forces qui me restait. Je tombai à genoux sur le perron. Les yeux au ciel, je hurlai « Pourquoi ? » à plusieurs reprises avant de me diriger vers ma voiture située à quelques pâtés de maison. Ce furent les mètres les plus difficiles que j’avais jamais eu à parcourir. Je devais me rendre à l’hôpital. Je devais aller identifier formellement le corps de Spencer. Je ne pouvais pas y croire ; ma fiancée était morte. La peur de la revoir me saisit au plus profond de mon être. Quelques heures après avoir reconnu le corps sans vie de Spencer dont la lividité avait été accentuée par l’éclairage de la morgue, je rentrai dans notre appartement qui ressemblait au visage fantomatique de ma bien-aimée. Soudain, une ombre sortit des murs puis se faufila dans la cuisine. J’y allai d’un pas hésitant, mon coeur battant à tout rompre. Elle était là, devant moi, vêtue d'une longue robe blanche qui contrastait avec sa couleur de peau brune, les bras le long du corps et les mains tremblantes. Elle les leva vers moi comme si elle voulait me prendre dans ses bras ! Mais son visage, lui, restait inexpressif. Moi, je ne savais que faire. Je ne contrôlais rien. Je m’avançai, réduisant ainsi
  • 29. la distance qui me séparait d’elle. Soudain, elle disparut dans les premières lueurs du jour. Je passais la journée suivante à dormir, le téléphone débranché et les volets fermés. Le soir venu, je sortis et, là, je restai bouche bée. Plusieurs ombres flottaient. Impossible de les compter car mes yeux et mon esprit étaient brouillés par la frayeur qui ne faisait qu’augmenter depuis l’annonce de la terrible nouvelle. Je les suivis sans même l’avoir décidé. Je me retrouvai devant le cimetière, de l’autre côté de la ville. Comment étais-je arrivé là si vite ? Comment avais-je parcouru presque cinq kilomètres à pied en si peu de temps ? Un moment de lucidité me poussa à me poser toutes ces questions. Toutes les ombres avaient disparu mais elles réapparurent toutes à la fois autour d’une seule tombe. Intrigué, je m’avançai vers cette tombe. Je m’approchai davantage pour lire le nom qui y était inscrit : Spencer Hastings ! Un frisson d’horreur traversa tout mon corps qui se durcit comme du bois. Je chancelai après avoir vu que mon nom y apparaissait aussi ! Je m’essuyai les yeux du revers de la main. Je déchiffrai ma date de naissance mais aussi la date de ma propre mort ! Le même jour que celle de Spencer ! Mais je ne trouvai aucune année. Le sentiment que j’éprouvai alors est indescriptible. Je parvins quand même à courir et rentrai chez moi sans freiner la cadence. À bout de souffle et de force, je m’endormis dans un lit glacé. L’image de Spencer souriante et cette date fatidique hantèrent mon sommeil étrange. Le lendemain, je décidai de sortir du domicile conjugal. J’avais besoin de prendre l’air. Les bruits de la vie quotidienne me rassurèrent. C’était lundi et il était huit heures du matin. Soudain, je sentis un frôlement dans mon dos. Je me retournai et aperçus un enveloppe sur laquelle était inscrit mon prénom. Elle était posée sur le banc de l’arrêt de bus du bout de ma rue. Je crus voir une ombre s’éclipser. Mon coeur se mit à battre la chamade et je sentis une goutte de sueur perler sur mon front. Je déchirai l’enveloppe en tremblant. « Je suis près de toi et je t’attends. Spencer » Voilà les mots qui me hantent depuis trois ans et aujourd’hui, c’est l’anniversaire de la mort de Spencer.
  • 30. Dans l’oeil d’un chat Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville. Mon petit ami Liam et moi avions été invités à une fête organisée par ma meilleure amie, Lisa. Ce soir-là, en rentrant, vers onze heures, Liam eut l'idée de se balader dans le parc qui nous était familier car nous nous y étions rencontrés quatre ans plus tôt. C'est dans ce cadre romantique que Liam avait eu l'intention de m'offrir une surprise – c'est en tout cas ce qu'il m'avouerait plus tard – mais nous entendîmes soudain un cri immédiatement suivi de bruits étranges que je n'aurais pas pu identifier. Liam n’en fut pas ému mais moi je sentis l’angoisse monter en moi comme le mercure grimpe dans un thermomètre. J’aperçus un chat démesurément gros, assis sur le muret qui séparait le sentier pavé du parcours de santé. L’animal dont la queue se balançait nonchalamment me fixa d’une manière étrange. Je ne pus pas soutenir ce regard. Liam ne remarqua rien et continua de marcher vers le marchand de glaces mais je n'étais pas rassurée ! Après avoir acheté nos cornets, nous nous installâmes sur le banc et je mangeai ma glace presque machinalement. C'est alors que les mêmes bruits retentirent mais, cette fois-ci, ils se rapprochaient de nous au fur et à mesure et ma peur augmentait en même temps. Je levai la tête vers les immeubles d’habitation dont pas un seul n’était éclairé. La lumière avait considérablement baissé. Les façades des bâtiments s'assombrissaient et donnaient l'impression d'un décor de cimetière, froid et lugubre. Les lampadaires étaient tous éteints; seule la lune produisait une lumière blanche qui accentuait les contrastes. Soudain, le bruit d'un klaxon me fit sursauter et je portai mon regard au niveau de la rue. Pas un chat ! Liam avait disparu ! Une véritable panique s’empara de moi. Je bondis au moment même où une bourrasque de vent se leva. Mon coeur se mit à battre la chamade. Je pris mes jambes à mon cou. Je m'arrêtai net quelques mètres plus loin, bouche bée. Une cinquantaine de chats me barrait la route. Leurs yeux révulsés ne reflétaient plus rien de naturel. Je fis demi-tour à la recherche d’un lieu pour me cacher. J’étais perdue. Sur ma gauche, une vieille maison dont la porte était grande ouverte offrit le refuge idéal. Je m'y engouffrai et fermai la porte violemment. Mais que m'arrivait-il ? Où était passé Liam ? Mon imagination me jouait-elle des tours ou étais-je devenue complètement folle ? À bout de force, je glissai le long de la porte que j’avais refermée et contre laquelle le vent continuait de souffler. Les miaulements prolongés et menaçants de la meute s’intensifiaient. Sous le coup de la terreur et de la fatigue, je tombai dans un sommeil de plomb après avoir entendu résonner la grande horloge de la ville. Il était minuit.
  • 31. En rouvrant les yeux, la scène qui se déroulait devant moi me saisit d'effroi. J'étais dans un appartement lumineux et chaleureux qui ne m’était pas inconnu ! Quelques secondes suffirent pour me recentrer un peu et réaliser que j'étais à la fête de Lisa, celle-là même qui avait eu lieu quelques heures plus tôt. Liam était à mon bras ou plutôt j’étais pendue au bras de Liam, tétanisée. En tournant la tête, qui me parut particulièrement lourde, j'aperçus, par la fenêtre, un chat noir. Couché sur le flanc, son regard croisa le mien. Son regard vide et blanc était un regard de mort.
  • 32. Sortie mortelle Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville … C'était un soir où je n'avais rien à faire et les secondes me paraissaient trop longues. Je me décidai à faire une balade dans les ruelles sombres. Il faisait très froid à cause du vent assez violent qui soufflait depuis près de deux jours. Je sentais que quelqu’un me suivait, je me retournai. Rien. Les gens étaient cloîtrés chez eux. Je continuais ma route vers le centre-ville de Saint Paul. Dans la rue, les lumières s'allumaient puis s’éteignaient. Le ciel était sans lune et sans étoiles. Je ne m’étais jamais senti aussi seul et aussi effrayé. Cette scène inquiétante était un rêve récurrent et j’espérais qu’il ne devienne jamais réalité jusqu’à ce jour maudit. Ce matin-là, je pressentis que j'allais passer une bonne journée et j'avais eu raison. Je retrouvai de vielles connaissances. Nous avions fixé rendez-vous dans le square situé devant la mairie de Saint-Paul avant d’aller nous promener tous ensemble. J’avais passé un excellent après-midi à me rappeler les bons vieux souvenirs. Mais ce bonheur ne dura pas longtemps car en rentrant chez moi, quelqu'un m'interpella. Je crus que c'était un des amis que je venais de quitter mais en me retournant je vis bien que non. Je vis une ombre qui ricanait. Cette créature surnaturelle n’était visible que lorsqu'elle en avait envie. Elle disparaissait et réapparaissait mais ne faisait aucun mouvement. Elle me fixait. Des cornes pointues étaient plantées au sommet de son crâne, des yeux rouges me fixaient et des crocs blancs acérés brillaient à la lumière d’un lampadaire qui s’allumait, à l’heure du crépuscule. Son regard était si effrayant qu'il pouvait, comme Médusa la gorgone, clouer n’importe quel être humain sur place. Le phénomène était grand d'au moins deux mètres cinquante. Il était vêtu d'une cape rouge, et portait dans la main gauche une fourche et dans la droite un sabre. Sous sa cape, je pus déchiffrer une inscription noire : « la nuit ne dort jamais ! ». L’apparition disparut définitivement. Je courus à en perdre haleine pour rentrer chez moi. J’allumai mon ordinateur, l’esprit tiraillé entre raison et folie. Je me lançai dans des recherches sur les démons et autres créatures fantastiques. Je trouvai quelque chose d’intéressant lorsque les premières lueurs du jour traversèrent ma fenêtre. D’après la légende, la créature, que j’identifiai précisément grâce à différentes représentations, avait hanté une ville pendant longtemps puis l’avait détruite en un clin d’oeil. Mais ce n’était qu’une légende ! Cela ne pouvait raisonnablement pas être la réalité ! Et pourquoi moi ? Le scénario allait-il se reproduire ? Complètement perdu, je décidai d’en parler à mes proches. J’eus droit à la réaction à laquelle je m’attendais, sans surprise : « Tu es fou ! Tu regardes trop de films. Es-tu sûr que ce n’est pas un ami qui chercherait à te faire une
  • 33. blague de mauvais goût ? » Je n’avais plus d’espoir et je doutais moi-même de ma raison. Alors, j’allai dans un bar et je bus jusqu’à perdre pied... Une fois rentré à la maison, je m’endormis et je rêvai de ce démon encore et encore ; il me hantait. Il avait un air sournois et prenait un malin plaisir à me terroriser. Son rire démoniaque résonnait dans la nuit. C’était un de ces rires qui effraierait n’importe qui. Cela se répéta chaque jour jusqu’à cette fameuse nuit où je sortis du bar et m’endormis dans la rue, à même le bitume. Quand je me réveillai, je ressentis une sensation étrange... J’étais si léger que je crus ne plus exister et planer au-dessus de tout ! Les quelques rares passants me croisaient sans me voir et moi-même je ne vis pas mon reflet en passant devant les vitrines. Les jours passaient et je m'ennuyais. Je sortis alors de chez moi par une nuit sans étoile. Un homme portait un énorme bouquet à la main. Il quittait le bâtiment d’affaires que l’on venait d’inaugurer et marchait d’un pas pressé vers le parking, sans doute pour rejoindre sa voiture. Je le suivis. Il ralentit tout à coup et se retourna. Il ouvrit des yeux de terreur en me voyant. Il lâcha son bouquet, serra sa poitrine et tomba, raide mort. Le lendemain soir, la même scène se produisit avec un couple d’amoureux qui sortait du cinéma. Ce manège se répéta un nombre incalculable de fois. Désormais, la nuit, je piste les gens heureux et je les envie. Je me couvre de ma cape pour me protéger du vent trop froid et j’erre dans les rues. Je prends un malin plaisir à suivre ces passants mais je m’inquiète. J’en croise de moins en moins et j’ai pourtant parcouru, de nuit comme de jour, tous les quartiers et toutes les rues de la ville.
  • 34. La Ville fantôme Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans ma ville natale. C’était le début de l’après-midi et je suivais le chemin que je prenais fréquemment pour rendre visite à mes parents. J’eus, ce jour-là, la désagréable impression de me sentir observé. Tout ce qui m’entourait me semblait étrange. Était-ce parce que je venais de me rétablir d’une vilaine pneumonie qui m’avait cloué au lit pendant plusieurs jours, privé de sommeil ? Le crépuscule apparaissait alors que ma montre affichait quatorze heures. Peu à peu, il me sembla que des cratères se dessinaient, noirs et profonds, sur la surface du soleil. Un brouillard épais se leva. Les rayons du soleil blanchirent et produisirent ainsi une lumière macabre. Une angoisse intense s’empara de moi. La nuit était complète à présent et m’isolait davantage dans ce lieu déserté. Le vent se mit à souffler si fort que j’eus l’impression d’entendre la mélodie d’un requiem. Je sentis mes jambes flancher sous le poids de mon corps. Tout mon être me parut à la fois lourd et léger. Mes sens me jouaient des tours ! Et mon esprit ? Je n’étais même plus capable de réfléchir. Tout à coup, les murs des bâtiments alentour se mirent à se resserrer comme un étau autour de moi tant et si bien que personne n’aurait pu s’échapper. Je crus mourir étouffé. Le brouillard se dissipa subitement. On aurait dit qu’il voulait me laisser voir le clocher de l’église toute proche trembler dangereusement. J’eus à peine le temps de lever davantage les yeux qu’il s’affaissa de tout son long sur moi. Mes muscles tétanisés m’empêchèrent de fuir. Je me recroquevillai tel un enfant dans le ventre de sa mère. Je ne fus pas écrasé par l’énorme masse de béton, je ne sentis que le souffle dévastateur qui me terrassa. Immédiatement après la chute, le vacarme de la cloche qui heurta le sol me rendit quasiment sourd. La cloche avait sonné le glas ! C’était ma seule certitude : j’allai mourir ou pire encore je venais de mourir ! La terreur s’était incarnée dans chaque élément du décor qui avait pris vie dans l’unique but de m’ôter la mienne ! Je devenais complètement fou ou alors je rêvais et il fallait que je me réveille ! Je me relevai en ouvrant les yeux. Aucune de trace du clocher ni sur le sol ni à son emplacement habituel ! Les murs qui m’encerclaient quelques secondes auparavant avaient relâché leur étreinte mortelle mais flottaient autour de moi. Je vis se dessiner un itinéraire balisé par des feux follets au fur et à mesure que je faisais un pas. Je me forçai à garder la tête froide. Je reconnus le chemin. C’est celui qui menait chez mes parents et, même s’il prenait un aspect surréaliste, je le suivis en espérant de toutes mes forces qu’il me guidait vers une fin heureuse. Soudain, je sentis une chose glaciale autour de mon cou. Je compris en la touchant qu’il s’agissait d’une corde. Je me débattis et tirai dessus
  • 35. violemment. C’était une branche d’arbre qui s’était animée et qui cherchait à m’étrangler. J’accélérai mon allure, le coeur battant et les poings serrés. La lueur d’un lampadaire éclaira enfin le lieu que je voulais atteindre depuis le début. J’arrivai devant la demeure de mes chers parents, leur dernière demeure, en fait. Je distinguai leurs deux visages souriants mais flous qui flottaient dans les airs. Je lus, gravés dans le marbre, leurs prénoms et le nom qu’il m’avait donné. Je fermai les yeux, apaisé et heureux de les retrouver.
  • 36. Le parcours de l’étrange Moi, j'ai ressenti la peur en marchant dans la ville. Je m'en souviens comme si c'était hier. Je venais d'acheter un nouvel appartement qui avait été bradé par les anciens propriétaires, une affaire ! Il était chaleureux et spacieux. Une magnifique petite terrasse tenait lieu de jardin. Mais le plus important sans doute c'était qu'il se trouvait à dix minutes à pieds de mon lieu de travail. Je suis boulanger. J'aimais marcher et déambuler dans les rues de ce quartier que je connaissais par coeur ; chaque maison, chaque carrefour, chaque bâtiment, chaque coin de rue. Je menais une vie ordinaire qui me plaisait. Tous les matins, je me levais à trois heures pour assurer l'ouverture de la boulangerie. Mais ce matin-là, rien ne se passa comme d'habitude. Je fermai ma porte d'entrée à double tour et je descendis l’escalier en sifflotant. Une fois dehors, je ressentis une sensation bizarre. Oui, rien n'était plus pareil ! Je crus devenir fou. J’avais des hallucinations ou la ville était vivante ! Ce bâtiment flambant neuf, en face, qui surprenait les passants habituellement par sa couleur mauve, prenait une dimension disproportionnée au fur et à mesure que j'avançais et les façades, soudain décrépites, donnaient l’impression que l’immeuble était vétuste. Les vitres des fenêtres passaient d’une teinte orangée à un vert criard. Les portes étaient tour à tour ovales puis carrées. Aucun des bâtiments que je voyais ne m'était familier, et bien pire, plus rien n’était normal. Le mobilier lui aussi prenait des couleurs et des formes différentes. Les bancs peints en rouge vif, les lampadaires assez banals d’ordinaire avaient ce matin-là un design très moderne. Mais que se passait-il ? J’avais forcément un problème. Je continuais pourtant à avancer en me disant que ça allait passer et que je devais manquer de sommeil. Le chien de la vieille dame du numéro 13 se métamorphosa en chat sous mes yeux, en quelques secondes ! Sous le choc, je m’assis sur la première marche de l’escalier qui menait à la porte d’entrée. J’eus l’impression de m’enfoncer dans la matière. Impossible ! Je me relevai d’un bond et me mis à hurler. Les poubelles, que les habitants avaient sorties pour le ramassage des ordures, grandissaient jusqu'à atteindre cinq mètres et leur couvercle s'ouvraient et se refermaient comme une armée de mâchoires monstrueuses. Les voitures garées sur le petit parking démarrèrent spontanément au moment où je passai devant elles. Et bien sûr, j’étais totalement seul à cette heure très matinale. Il faisait à peine jour et personne pour me porter secours ! Alors que je me lamentais sur mon sort d’aliéné, je me rendis compte que j’étais devant ma boulangerie. J’avais continué à marcher sans même m’en rendre compte ! Je jetai un coup d’oeil affolé autour de moi. Tout était rentré dans l’ordre. Après tout, tout cela
  • 37. n'était peut-être que le fruit de mon imagination. Je me plongeai dans le travail toute la journée. Cette dure journée de travail était enfin terminée. Je décidai de rentrer chez moi. Je demandai à un collègue s’il pouvait me raccompagner en voiture. Il accepta et, durant tout le trajet, je ne pus détacher mes yeux de ce qui se passait à l’extérieur. Rien d’anormal, rien de suspect. En descendant de la voiture, je remerciai chaleureusement Dominique. Très inquiet à mon sujet, témoin de mon attitude inhabituelle, il me conseilla de me reposer. Dès que je refermai la porte de mon appartement, je sentis une forte odeur entêtante. Je ne parvins pas à l’identifier d’abord mais je reconnus le gaz. Le fait me surprit car personne dans l’immeuble n’en utilisait. Je ressentis la même peur qu’au début de cette journée extraordinaire mais elle devint très vite plus intense. Dans mon appartement, tout devint effrayant. Le vent soufflait très fort et s’engouffrait dans les petites aérations créant ainsi un sifflement strident des plus angoissants. Je regardai par la fenêtre, tremblant et au bord asphyxie. Les toits des maisons voisines se fendirent en deux et s’écroulèrent tous en même temps. Un vacarme indescriptible emplit mon immeuble comme si des milliers de portes claquaient. Les murs de mon salon se mirent à trembler dangereusement. Le double vitrage de mes fenêtres ne résista pas et se brisa en mille morceaux. Je me protégeai instinctivement le visage et le corps en me recroquevillant, la tête sur les genoux, les bras comme seul bouclier. Quand je relevai la tête, ma stupeur fut immense en voyant que tout était parfaitement à sa place dans un silence presque religieux ! Sans réfléchir, je me ruai dans la rue. Dix chiens surgirent de nulle part et se mirent à aboyer en me voyant. J’étais complètement seul dans une rue dévastée et inexplicablement sombre alors qu’il était onze heures. Tout cela ne pouvait être que pure folie ! Les panneaux de signalisation furent arrachés du sol par une force gigantesque et invisible. Ils volèrent sur plusieurs mètres et retombèrent dans un bruit assourdissant. Une fumée noire émana des poubelles renversées. Elle enveloppa tout mon champ de vision. Je ne vis plus rien excepté deux petits points rouges qui semblaient m’observer depuis la fenêtre de ma chambre. La terreur m’envahit et me glaça les sangs, puis plus rien. Le trou noir. Une lumière blanche et aveuglante. Des formes indistinctes. Mes yeux me faisaient mal mais je reconnus une chambre d’hôpital. J’entendais des voix, des murmures. Je sursautai de manière incontrôlable, sortant ainsi d’une torpeur paralysante. L’équipe médicale se retourna aussi brusquement que moi je m’étais réveillé. Presque immédiatement, un médecin, qui se présenta sous le nom de Dr Moreau, vérifia mes réflexes et mes constantes. Je voulus parler mais aucun son ne sortit de ma gorge. J’avais envie de hurler. Mon corps se mit à bouger frénétiquement. Je sentis plusieurs mains saisir
  • 38. mes jambes et mes bras et les maintenir fermement contre le matelas. Le médecin essaya de me calmer en me disant que tout allait bien, que tout irait bien. Après qu’ils eurent relâché leur étreinte, les infirmiers s’éloignèrent et je regardai le Dr Moreau, cherchant à exprimer dans mon regard toute ma détresse. Il se pencha au-dessus de moi. Je ne le voyais toujours pas distinctement mais il me dit que j’avais été trouvé inconscient dans l’entrebâillement de la porte de mon domicile, une clé dans une main et un téléphone dans l’autre. L’appel d’urgence avait été passé depuis cet appareil. Je n’avais aucun souvenir de cette scène. Les deux yeux rouges effrayants étaient la seule image qui me revenait. Je fus pris, tout à coup, d’une peur panique. Puis je sentis une douleur incroyable dans la poitrine et toujours aucun moyen de crier. À mon réveil, j’étais dans une autre chambre d’hôpital. Un infirmier s’approcha de moi et m’expliqua que je délirais dans une sorte de sommeil incontrôlable depuis plusieurs semaines. J’avais prononcé des paroles incompréhensibles. Les médecins avaient décidé de me transférer dans le service psychiatrique et ils attendaient mon réveil. Cette fois, je restai étrangement calme alors que le mot « psychiatrique » avait été dit. Peut-être que la dose de médicaments était massive ou peut-être que j’acceptai la situation. Le problème était bien celui-là : j’avais perdu la raison. Je tournai légèrement la tête sur la droite et vis qu’un autre patient me regardait avec bienveillance. Après le départ de l’infirmier, je n’eus pas le temps de saluer mon compagnon de chambre qu’il me dit : « Je suis ici depuis deux ans et vous êtes la quatrième personne qui a eu ces symptômes et qui habite à la même adresse que vous. » Je restai perplexe. Il devança ma réaction. « J’ai lu votre dossier, vous m’excuserez. » Je gardai les yeux rivés sur son visage ; lui, il me sourit. Alors c’était l’explication ! Mon appartement était hanté ! Mais qui pourrait croire cette histoire si ce n’est deux fous enfermés dans un asile ? Depuis cette révélation, j’ai passé deux ans dans cet endroit et j’avoue que je m’y sens en sécurité car je fais chaque soir des rêves terrifiants malgré les médicaments puissants que j’avale quotidiennement. Je meurs, broyé par les murs de mon appartement ou brûlé par ce regard de feu qui me guette depuis ma chambre. Mon hospitalisation a conduit à la fermeture de ma boulangerie. Sans ressources, je vais devoir vendre mon appartement.
  • 39. TABLE DES MATIÈRES Remerciements ...................................................................................................................... p. 2 Avant-propos des élèves de la Quatrième Jupiter ............................................................. p. 3 Le Masque de Venise.......................................................................................................... p. 4 Emmeline BOYER – Julien RANAIVOMBOLA – Dorian TORINIÈRE – Alexandra YOU-SEEN Morsure et catacombes ..................................................................................................... p. 6 Myléna GRONDIN – Bastien FOURMY– Mathieu RIOUL– Jennifer VERBAR La Vengeance du revenant ............................................................................................... p. 9 Nakad ALI – Camille BEY – Camila BRÉZÉ– Laure PAYET Marqué à vie ......................................................................................................................... p. 11 Arthur D’AUDIGIER – Lydia LAKERMANCE – Erwann MYRTHE – Carmelle VIENNE L’Impasse ............................................................................................................................. p. 13 Manon CLAUDE – Pablo RAKOTOARISOA - Sébastien THIBUR – Magalie YU-KUI Le Cercle de la peur ........................................................................................................... p. 15 Giovanni KONDOKI – Evan MAILLOT – Grace MAILLOT – Denise TATEL Mystère parallèle ................................................................................................................. p. 17 Emmanuelle D’EURVEILLIER – Mathieu LEBLANC – Alison LEE CHAO SHIT – Tristan PAUSÉ Avant-propos des élèves de la Quatrième Mercure ........................................................... p. 20 Une vie de mensonge ......................................................................................................... p. 21 Kyllian FÉLIX – Tachirifa HOUMADI – Mathilde GEORGER – Endrik PAYET Le Pacte ................................................................................................................................. p. 24 Inés AIMARD – Joachim DARENCOURT – Déborah Le PAJOLEC – Loïc SÉRY – Guillaume VRINAT Après la mort ........................................................................................................................ p. 27 Ugo BELHASSEN – Adrien BOUCHET – Oumé ISSOUFALY LAVA – Poubarlen SELLOM-AYA Dans l’oeil d’un chat ............................................................................................................ p. 29 Lionel BENG-THI – Élise CASCADE – Laïkah ISSOP – Judygaëlle TATEL Sortie mortelle ........................................................................................................................ p. 31 Kenjy K’BIDI – Emma LAMBERT – Virginie SAINT ALME – Éléna VERBARD La Ville fantôme ..................................................................................................................... p. 33 Jordan CHARRIER – Nicolas LAKERMANCE – Ludivine LAURET – Benjamin RIVIÈRE – Lucas ULRICI Le Parcours de l’étrange ................................................................................................... p. 35 Loïc BOURDEL – Raphaël KAAMBI – Trécy PHILOMÈNE – Appoline TURPIN CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES Couverture : création de Christophe FONTAINE et Alexandra YOU-SEE page 19 : création de Julien RANAIVOMBOLA