2. Remerciements
Nous tenons à remercier les 213 personnes qui n ric
E LOWIE, directeur, Green l.f.ant Music Company
ont accepté de répondre à l’enquête entre juillet
n urélio
A MATTERN, chanteur dans le groupe de
et septembre 2011. Par ailleurs, nous remercions
musique Lucy Lucy !
chaleureusement les personnes suivantes qui ont
accepté de répondre à nos questions lors des entretiens n livier
O MAETERLINCK, directeur, Belgian
individuels : Entertainment Association (BEA)
n Julian ALVAREZ, consultant en serious game n atacha
N MALOU, galeriste, Art Temptation
n hibault
T ANDERLIN, directeur marketing, Forest n rédéric
F MESEEUW, conseiller institutionnel, BOZAR
National
n n
A MOONS, chercheuse au CultuurLab, IBBT/SMIT
n Delphine BEKAERT, galeriste, Hoet-Bekaert
n ean-François
J NIVART, Fondateur d’intoPIX
n ernard
B BOON-FALLEUR, président du Réseau des
n e
M Philippe PETERS/Me Patrice VANDERBEEKEN,
arts, Bruxelles
avocats spécialisés dans la propriété intellectuelle,
n ylvie
S BOUFFA, CEO Talking French Flemish, Inc., NautaDutilh
New York
n arie
M POK, coordinatrice Design September et
n ulie
J BRUNEL et Jean-Louis DE RIDDER, président rédactrice en chef à La Libre essentielle Focus
de l’Union des Designers belges (UDB)
n arie-Chantal
M REGOUT, fondatrice, Rue Blanche
n uzana
S CAMPO-GRANDE, conseillère en innovation,
n aren
K RENDERS, directrice, Art Brussels
Fedustria
n avid
D ROULIN, associé, architecte, Art Build
n irginie
V CIVRAIS, directrice, fonds ST’ART Invest
n sabelle
I SCHMITT, directrice des relations
n uc
L COLLIN (BATEM), dessinateur de la BD
Marsupilami institutionnelles ; Dirk VAN SOOM, directeur
opérationnel perceptions et répartitions individuelles ;
n ulie
J CONSTANT, Fair Manager, Affordable Art Fair Saldavor FERREIRA, account manager arts plastiques
n ierre
P COLLIN, administrateur-gérant, cluster TWIST et littérature, SABAM
n enoit
B SIMON, fondateur, Vivanova
n aul
P CORTHOUTS, directeur, Overleg
Kunstenorganisaties n irk
D SNAUWAERT, directeur, centre d’art WIELS
n eorges
G DANTINE, architecte d’intérieur et fondateur n enis
D STEISEL, CEO, Emakina
de RAVIK Design
n nya
E VANDENHENDE, créatrice de mode
n iet
P DE KONINCK, directeur artistique, Studio 100
n ony
R VANDERMEERSCH, directeur, atelier de
n arie-Laure
M DELABY, coordinatrice, iMAL (center for confection Celesta
digital cultures technologies)
n aul
P VAN HAVER (Stromae), auteur-compositeur
n hilippe
P DELABY, dessinateur de la BD Murena
n an
J VAN LOOY, senior researcher, IBBT
n rançois
F DELPIERRE, directeur artistique, et Marc
MEURISSE, CEO, Belle Productions n an
J VAN MOL, Fondateur, Addict Lab
n ik
R DE NOLF, CEO groupe Media Roularta n eert
G VAN DER HASSELT et Katya VAN DER
HASSELT, manager et chanteuse
n rnaud
A DE PARTZ, co-fondateur de Banque dessinée
n annes
H VAN SEVEREN, artiste contemporain
n uc
L DESHAYES, créateur de lingerie de luxe
n armelo
C VIRONE, directeur, bureau d’études SmartBe
n ominique
D DE VILLEGAS, directeur de la maison
Horta n arlo
C VUIJLSTEKE, directeur de projet sur les
industries créatives, Flanders DC
n éborah
D DRION et Cédric LEGEIN, CEO, Cook
Book n livier
O WILLOCX, administrateur-délégué, BECI
n elphine
D DUPONT et Flore VAN RYN,
administratrices, Face to Face design Nous remercions aussi les structures de soutien aux
industries créatives et culturelles qui nous ont aidé dans
n regory
G GOEMAERE, fondateur, AKA music la diffusion de notre enquête en ligne :
n aurent
L GRUMIAUX, directeur, Fishing Cactus n WIST,
T Modo Brussels, WCC-BF, ASBL artistes
n rançoise
F GUERIN et Monika RAHMAN, fondatrices, contemporains, réseau Artistes Belges, Point Contact
Cookie Therapy Culture, WBI (musique, image, architecture, théâtre/
danse, mode/design), l’AEB, l’UDB, Mowda, De
n e
M Michel GYORY, avocat, professeur HEC Liège, Invasie, Pepibru, Mowda, CEBEDEM, BUP, ACC, IAB,
membre du collège d’autorisation et de contrôle au FEBELMA, AZIMUT, Cinergie.be, FAB, Creative Club,
CSA SmartBe, Codefrisko, Artistproject, Rydesigners,
n aniel
D HANSSENS, comédien, directeur de la SABAM...
Comédie de Bruxelles
n odolphe
R JANSSEN, galeriste, Galerie Rodolphe Ainsi que :
Janssen n lain
A HEUREUX, Managing Director, The Egg
n lexandra
A LAMBERT, directrice du Centre du Design
et de la Mode, Bruxelles
Les auteurs de l’étude KURT SALMON :
n enny
L LELEU, créatrice de mode
n nne
A MAGNUS, Alexandre MOENS, Adeline d’URSEL,
n icholas
N LEWIS, éditeur en chef, The WORD Vincent Fosty et Luc Moeremans
4. Sommaire
L’économie mauve : vers une
reconnaissance des industries
culturelles et créatives
La culture est au cœur du développement
durable. Elle est source de cohésion sociale
et territoriale. Plus encore, elle contribue au
développement économique, à l’innovation
6
et à l’emploi. Les industries culturelles et
créatives alimentent et régénèrent des
industries traditionnelles et de pointe, dans
la création de contenus, de produits et de
services à forte intensité de connaissances.
7 Que sont les industries culturelles et créatives ?
8 La culture, arme anticrise ?
9 Objectifs de l’étude
9 Méthodologie et partis pris de l’étude
Les industries culturelles et créatives
belges : les entrepreneurs témoignent
Quelles sont les forces et les faiblesses des
industries créatives et culturelles belges?
Si l’avenir est à l’optimisme, les défis rencontrés
par les entrepreneurs sont nombreux et
partagés quelque soit le secteur.
12 Constats généraux
14 Made in Belgium : la Belgique, un vivier de talents
et de créativité
16 Formation à l’entrepreneuriat culturel
12
19 L’accès au financement
22 Innovation
27 Les industries créatives et culturelles à l’international
4
5. Nouveau monde, nouvelles idées
Les pistes de réflexion de Kurt Salmon
pour ouvrir le débat.
30 Mieux connaître l’économie créative et
30
culturelle et évaluer en continu les actions
de soutien
31 Rassembler les forces vives des industries
créatives et culturelles
33 Annexes
Trois focus sur les industries
créatives et culturelles belges :
34 Le marché de l’art : un marché
qui traverse la crise
36 L’industrie du gaming en
Belgique : un secteur créatif
émergent aux opportunités
à objectiver
38 L’industrie de la mode en
Belgique : un atout fragilisé
5
6. Culture Economie
Enjeux et opportunités pour les entrepreneurs culturels et créatifs en Belgique
L’économie mauve : vers une
reconnaissance des industries
culturelles et créatives
La culture n’est pas une bulle à part. Jusqu’il y
a 10 ans, le secteur artistique et culturel était The concept of creative entrepreneurship
perçu comme une partie de la politique sociale, goes far beyond a CEO running to the opera,
secondaire en termes d’économie et de marché visiting a coincidental art exhibition, or pain-
de l’emploi. La culture relevait de l’exception, ting a sunset over the weekend. Not that
incompatible à l’analyse des critères économiques that won’t help, since running a business
requires eye openers all the time.
standards.
Creativity is not about art. It’s about human-
Désormais, on parle d’économisation de la kind finding solutions that weren’t there at
culture et d’esthétisation des biens de l’économie first sight. Hence, creativity can be found in
traditionnelle. Cette perméabilité, poussée par le all human activities. We just have to identify
développement rapide de la numérisation et la what created the mental spark that made it
forte progression de la demande des ménages et the right idea for that specific target.
des sociétés en produits et services culturels, a In times of economical turmoil, standing still
fait émerger les industries culturelles et créatives is just not an option. It’s in those circums-
(ICC). tances the industry needs to think out of the
box, and look for unexpected answers.
That is why a direct link between culture
and commerce is so much needed. Since we
should learn from each other, creative thin-
king can lead to art. But it can also lead to
innovation.
One can’t change the world while being an
artist sitting on a cloud. Together with entre-
preneurs, new ideas can turn into vision, and
once implemented, to sustainable change.
That is how we move forward.
Jan Van Mol, CEO Addict Lab
6
7. l ue sont les industries culturelles et créatives ?
Q
La culture est une matière vivante en constante
réinvention. Sans renier l’importance des dis-
ciplines classiques (peinture, musique, littéra-
ture, théâtre…), tous les experts notent que de
nouvelles disciplines se voient régulièrement
intégrées au champ des ICC. Une définition
des ICC peut être trouvée dans une étude réa-
lisée en 2006 pour le compte de la Commission
européenne :
n es industries culturelles : pour ces industries,
L
la culture constitue le produit final qui peut
être consommé sur place (ex. : un concert, une
exposition d’art) ou destiné à la reproduction/
consommation de masse (ex. : un livre, un film).
Dans notre étude, les segments « culturels »
retenus sont les suivants : presse écrite (livre
presse), les arts du spectacle, les arts visuels
artisanat d’art, l’audiovisuel, la musique, et le
patrimoine.
n es industries créatives : pour ces industries,
L
la culture (les traditions, les symboles, les
textes, etc. d’un groupe socioéconomique) ali- 2000. La consécration est venue en 2009,
mente le processus de production d’un produit lorsque l’UNESCO a inscrit cette activité dans
« créatif ». Dans notre étude, nous retiendrons le périmètre de ses statistiques culturelles.
le design, l’architecture, la mode, la publicité,
les nouveaux médias, et les jeux vidéo. n ne révolution technologique : les nou-
u
velles possibilités technologiques (animation
Les produits dits de l’économie mauve se dif- 3D, réalité augmentée, motion capture, slow
férentient par leur valeur symbolique, esthé- motion, NFC…) ouvrent des terrains d’expé-
tique, et communautaire. Les smartphones ou rimentation aux créatifs, pour répondre à la
tablettes incarnent à merveille la rencontre demande en contenus de plus en plus interac-
entre une technologie avancée, dont le coût de tifs et personnalisés ou aux nouveaux usages
production est désormais relativement faible, liés par exemple à la mobilité (avec les smart-
et du design épuré. Ce design créé de la valeur phones, par exemple).
ajoutée économique et une expérience – client
affirmée comme un accessoire de mode, un n ne révolution financière : les modèles écono-
u
style de vie. miques traditionnels des ICC sont bousculés
par l’essor du téléchargement légal et illégal
L’essor du numérique a déplacé les frontières de qui annonce la disparition possible des sup-
la culture en ouvrant la voie à trois révolutions : ports physiques et doivent se réinventer pour
n ne révolution artistique : de nouveaux
u capter de nouvelles sources de financement.
champs de création (jeux vidéo, cinéma 3D, De nombreuses politiques nationales et régio-
arts numériques, web design…) sont nés avec nales en faveur de l’économie créative ont vu
l’avènement du numérique. Par conséquent, le jour depuis une dizaine d’années à travers
de nouveaux emplois se développent croisant le monde. Mais l’évaluation de leurs impacts
les savoir-faire artistiques et informatiques. Le qualitatifs et quantitatifs (en termes d’emplois,
secteur du jeu vidéo est passé du statut d’in- de créations d’entreprises et de contribution
dustrie du divertissement à un statut d’indus- au PIB) reste délicate. La délinéation statis-
trie culturelle, à partir de la moitié des années tique des activités économiques et de l’emploi
7
8. Culture Economie
Enjeux et opportunités pour les entrepreneurs culturels et créatifs en Belgique
culturel varie selon les définitions retenues Nonobstant ces difficultés méthodologiques,
par les pays, les métropoles ou les organismes les ICC sont auscultées avec de plus en plus
supranationaux. L’absence de mise en œuvre d’intérêt en Grande-Bretagne, en Allemagne, en
d’un schéma de comparabilité internationale en région Ile-de-France, en Flandre, en Chine, au
est la cause. Danemark, en Australie, etc.
l a culture, arme anticrise ?
L
Economiquement, l’empreinte de la culture fondée sur la connaissance et l’innovation. Les
s’amplifie en Europe ICC sont identifiées comme un secteur capable
de rencontrer cet objectif car elles représentent
La culture est au cœur du développement
une grande source de créativité et d’innovation,
durable. La culture est source de beauté, de dia-
dans toutes ses formes. Les ICC alimentent et
logue. L’économie créative crée et enrichit, de
régénèrent des industries traditionnelles et de
manière non quantifiable, le lien social, l’identité
pointe, dans la création de contenus, de produits,
et l’attractivité des territoires qui les accueillent.
et de services à forte intensité de connaissances.
Elle est écologique au sens où elle consomme
Les ICC ouvrent de nouveaux horizons sur de
peu de matières premières. Enfin, elle contribue
nouveaux biens et services ou transforment des
au développement économique, à l’innovation,
produits mâtures plus beaux, plus intelligents,
et à l’emploi, de l’artisanat d’art à la culture
parfois plus chers.
numérique.
Le rapport sur les industries créatives 2010 publié
Les huit filières du secteur culturel et leurs
par la Conférence des Nations Unies sur le com-
liens et capilarité avec les autres secteurs
merce et le développement évalue la croissance
économiques
annuelle mondiale dans ce secteur à 14 % entre
2002 et 2008. En 2008, le secteur employait
3,8 % de la population active totale de l’UE soit Bâtiment
Urbanisme
environ 8,5 millions de personnes, c’est-à-dire plus Hôtellerie
que les populations actives réunies de la Grèce et Génie civil
Restauration
de l’Irlande ! La valeur ajoutée du secteur prend Patrimoine
Architecture
aussi de l’ampleur : il représente 4,5 % du PIB Automobile Architecture,
Archéologie,
musées,
Croisièrisme
paysagisme
de l’UE. C’est plus que l’industrie des produits …
monuments,
restauration
chimiques, du caoutchouc et du plastique (2,3 %). Design
et services
… Spectacle
vivant
Emballage Transport
Entre 2002 et 2008, l’Europe a été le plus gros créatifs Concert, festival,
Stylisme, graphisme… danse, cirque…
exportateur de produits culturels et créatifs, et la
Belgique s’est placée dans le Top 10 des expor- Audiovisuel et médias Arts visuels
Cinéma, vidéo, radio, Sculpture,
tateurs de produits créatifs et culturels des pays télévision, disques, photographie,
Publicité
jeux vidéo… Joallerie,
développés. En Flandre, près de 70 000 per- Télécom Livres, orphèvrerie, peinture…
bibliothèque, haute couture,
sonnes sont actives dans les ICC, ce qui repré- archivage… maroquinerie, Communi-
ébénisterie… cation
sente près de 3 % de son PIB. Edition
et livres Métiers d’arts
La culture engendre aussi des effets de levier Prêt-à-porter
considérables sur les territoires. C’est ce que Education
souligne, par exemple, l’analyse économétrique Ameublement
menée en 2011 pour le Forum d’Avignon par le
cabinet Tera Consultants à partir de la base de
données constituée en 2009 et 2010 par Kurt
Salmon pour un panel international de 47 villes Pour maximiser ce potentiel, le Livre Vert « Libérer
de 21 pays. Cette analyse démontre qu’une le potentiel des industries culturelles et créatives »
augmentation de 10 % de dépense culturelle publié par la Commission européenne en avril
par habitant de la ville, soit 18,6 €, génère une 2010, précise qu’il est indispensable de renforcer,
augmentation de PIB par habitant de 1,7 %, soit à tous les niveaux de pouvoir, l’appui à l’économie
625,4 €. culturelle en tissant les liens entre culture, éco-
nomie, monde académique, recherche, tourisme,
Institutionnellement, les politiques city-marketing, et secteurs publics.
culturelles et économiques doivent
Cependant, la réalité du budget européen 2007-
se rapprocher pour innover davantage
2013 est là : 0,04 % budget européen est alloué
La culture pense l’impensé, le monde de demain. à la culture. A cela s’ajoute 1,6 % des fonds struc-
La Stratégie Europe 2020, feuille de route de turels qui sont destinés à des projets culturels.
l’UE pour la décennie en cours qui vise à engen- Pour ce qui concerne l’audiovisuel : 750 millions
drer une croissance intelligente, durable et inclu- sont prévus pour le programme Media et 15 mil-
sive dans l’UE, entend développer une économie lions pour le programme Mundus.
8
9. L’un des grands objectifs du prochain pro- entendent bien conquérir ce champ aussi en se
gramme cadre « L’Europe créative » (2014-2020) professionnalisant et en se diversifiant rapide-
de la Commission européenne sera précisé- ment (cinéma, mode, animation, gaming…).
ment de convaincre les Etats membres d’adop-
Dans ce contexte porteur mais incertain, la
ter une augmentation de + 37 % pour la culture
culture voit apparaître de nouveaux investisseurs,
et l’audiovisuel par rapport à la période 2007-
de nouveaux types de projets de territoire, des
2013 (soit 1,6 milliard d’euros du budget de la
partenariats public-privé d’une ampleur inédite,
Commission) et de renforcer la compétitivité des
des politiques culturelles nationales redéfinies
secteurs culturels et créatifs. Le but : mieux aider
malgré des budgets sous tension…
les entreprises de ces secteurs à affronter la
concurrence internationale et être plus présentes Concrètement, travailler et investir dans le
sur la scène mondiale. Si l’Europe a un avantage domaine culturel et créatif devient une affaire
concurrentiel fort dans les ICC par rapport au de professionnels en Europe. Qu’en est-il en
Brésil, à la Russie, l’Inde ou la Chine, ces derniers Belgique ?
l bjectifs de l’étude
O
La présente étude vise à offrir une meilleure défis se posent à eux : les compétences en
compréhension du fonctionnement et des termes de création d’entreprises, l’accès au
besoins des entreprises du secteur culturel et financement, l’innovation et sa protection, et
créatif en Belgique. L’intention n’est pas de pré- l’internationalisation des activités ;
senter un panorama exhaustif des filières ou une n llustrer les enjeux belges par des regards inter-
i
analyse statistique des ICC belges. nationaux et formuler des pistes de réflexions
visant à renforcer les industries créatives cultu-
Concrètement, l’étude entend : relles dans leur ensemble ;
n pporter un nouveau regard sur les défis trans-
a n tudier de manière plus approfondie les dyna-
é
versaux, récurrents, et communs à tous les miques de trois segments de l’économie cultu-
entrepreneurs créatifs et culturels en Belgique, relle belge : le marché de l’art, les jeux vidéo
en allant à leur rencontre, sur le terrain. Quatre (serious game), et la mode.
l éthodologie et partis pris de l’étude
M
L’étude s’appuie sur une démarche méthodolo-
gique en deux volets :
n ne analyse quantitative grâce à une enquête
u
en ligne ouverte de juillet à mi-octobre 2011.
Au total, 213 entrepreneurs (129 hommes et
84 femmes) issus des 12 segments des indus-
tries culturelles et créatives en Belgique y ont
répondu. Les deux tiers de ces entreprises ont
été créés après l’an 2000 ;
n ne analyse qualitative menée auprès d’une
u
soixantaine d’entrepreneurs des ICC des
3 régions de Belgique (des artistes, des
employés de sociétés de protection de droits
d’auteur, des directeurs de musées, des
investisseurs privés, des indépendants, des
entrepreneurs ICC…) et une revue de la biblio-
graphie internationale sur l’économie culturelle.
Vous trouverez la liste des entretiens à la page statistique claire des industries culturelles
des remerciements et une bibliographie des et créatives dans leur ensemble. Il n’y a pas
sources utilisées en fin d’étude. de chiffres officiels concernant le poids de
l’économie créative en termes d’entreprises,
Précisément, les partis pris de l’étude Kurt
d’emplois, de contribution au PIB. Le système
Salmon sont les suivants :
statistique existant ne prend pas objectivement
n ’analyse statistique a été écartée par précau-
L en compte un périmètre des ICC pertinent, qui
tion intellectuelle. A ce jour, la Belgique n’a doit inclure le système de l’intermittence et du
pas de définition nationale, ni de nomenclature poly-emploi, et résoudre des incohérences du
9
10. Culture Economie
Enjeux et opportunités pour les entrepreneurs culturels et créatifs en Belgique
• Les partis pris métodologiques
Entrepreneurs belges Champ culturel et créatif
• ndépendants/artistes
I • esign
D • ouveaux médias
N
• icro entreprises
M • rchitecture
A • resse écrite
P
• ME
P • rts du spectacle
A • ode
M
• ublicité et communication
P • udiovisuel
A
• randes entreprises
G
• atrimoine
P • aming
G
• rts visuels et artisanat d’art
A • usique
M
Défis communs Approche bottom-up
• E
ntreprenariat • Enquête en ligne bilingue destinée aux entrepreneurs
• inancement
F • Interviews avec entrepreneurs et experts
• nnovation
I • Etude documentaire et benchmarking
• nternational
I • Focus sur l’art contemporain, la mode, le gaming
droit. La nomenclature NACEBEL de l’ONSS intercommunautaire. Les politiques de soutien
est très peu adaptée aux « réalités du terrain » aux ICC spécifiques à chacune des régions
des différents segments des ICC. et communautés linguistiques ont été prises
en compte pour les variables explicatives, si
De plus, quand les données statistiques sur besoin.
un secteur existent, elles datent souvent de
2007/2008 (avant la crise), avec un décalage n e périmètre retenu des industries culturelles
L
temporel parfois différent par code NACEBEL. et créatives (ICC) s’inscrivant dans la lignée
Dans la mode, par exemple, si l’on prend en des dernières études internationales (Unesco,
compte tous les codes NACEBEL qui se rap- Commission européenne, Grande-Bretagne,
portent à la création, la production et la distri- Allemagne, Flanders DC…), nous parlerons
bution de produits de mode au sens large, on délibérément des « industries culturelles et
constate que le périmètre de la mode défini par créatives ». Les ICC comprennent les seg-
les codes NACEBEL englobe des « segments » ments suivants : design, architecture, arts du
non créatifs ou culturels, en l’occurrence la spectacle, publicité, musique, patrimoine, arts
« préparation de fibres textiles et filature » ou visuels et artisanat d’art, nouveaux médias,
des succursales assez éloignées de la création presse écrite (livre et presse), mode, audiovi-
(HM, Inno…). L’ONSS retient 46 170 emplois suel et jeux vidéo. Ces activités reposent sur
plein temps dans la mode belge en 2010, alors des valeurs culturelles et/ou des expressions
que l’association professionnelle belge Crea artistiques et créatives, et font potentiellement
Moda n’en retient que 15 000. appel à la propriété intellectuelle.
La Belgique illustre donc parfaitement la diffi- Les activités des entreprises des ICC retenues
culté que représente l’objectivation du poids dans l’étude ont une valeur marchande et sont
socio-économique de la culture. Le fait de positionnées dans la chaîne de valeur du cycle
considérer les activités culturelles et créatives culturel : la création, la production, la diffu-
comme un secteur économique à part entière, sion ou la préservation de biens et de services
a longtemps fait l’objet d’un tabou (« l’art pour incorporant des expressions culturelles, artis-
l’art »). La culture et l’économie fonctionnent tiques ou créatives.
encore largement en silos, et la coordination A l’heure actuelle, la gastronomie est exclue du
des priorités et actions politiques de soutien champ, même si elle comporte une dimension
en faveur des ICC entre les régions est quasi créative reconnue à travers le monde et tout
inexistante. Rien qu’en Région de Bruxelles- à l’honneur de la Belgique (chocolats « haute
Capitale, 42 responsables politiques gèrent couture » de Pierre Marcolini, les biscuits de
des lignes budgétaires dédiées à la culture. La Stephen Destrée, ou encore l’art de la fête du
culture est une compétence des communautés, traiteur Lauriers…).
des régions, des communes, sans compter le
n ne démarche de terrain à la rencontre de
U
Ministre en charge des affaires économiques.
Toutes ces instances opèrent sans cellule de l’entrepreneur créatif et culturel : pendant
coordination entre la communauté flamande et 4 mois, Kurt Salmon a fait le choix de rencon-
française. trer, d’écouter les entrepreneurs eux-mêmes,
de comprendre leur quotidien, et de travailler
n ’échelle de la Belgique : indépendante, l’étude
L sur la base de leurs témoignages. En complé-
Kurt Salmon prend le parti pris de couvrir les ment, des associations professionnelles, des
trois régions belges, nonobstant le contexte experts et acteurs de l’écosystème des ICC ont
politique et la concurrence/l’émulation été interviewés.
10
11. Quelle est votre activité principale ?
Arts visuels Artisanat d’art
Audiovisuel
Publicité Communication
Architecture
Arts du spectacle
Nouveaux médias
Mode
Design
Presse écrite (livre presse)
Musique
Gaming
Patrimoine
0 2,5 5 7,5 10 12,5 15 17,5 20 %
L’année fiscale précédente, quel était le chiffre d’affaires de votre entreprise ?
à 50 000 €
de 50 000 à 500 000 €
de 1 000 001 à € 5 000 000 €
de 500 001 à € 1 000 000 €
de 5 000 001 à € 50 000 000
à 50 000 000 €
0 10 20 30 40 50 %
Nous reconnaissons que le terme d’entrepre- Où se situe votre siège social ?
neur est parfois mal accepté par certains, réti-
cents à parler de la dimension économique et
3%
commerciale de l’organisation ou gestion de
leurs activités créatives. Un entrepreneur est 21 % Bruxelles
une « personne qui veut et qui est capable de
42 % Flandre
transformer une idée ou une invention en inno-
vation réussie » (J. Schumpeter), car ce dernier Wallonie
est guidé par son enthousiasme, par sa capacité 34 % International
à avoir une vision, en prenant des risques. Plus
précisément, un entrepreneur créatif et culturel
« créé ou commercialise un produit ou un service
culturel ou créatif et qui utilise des principes
entrepreneuriaux pour organiser ou gérer son de soutien à la culture (Star’t, Culturinvest…),
activité créative d’une manière commerciale ».1 les organismes de redistribution/régulateurs, les
associations professionnelles, ou les structures
Le panel de l’enquête en ligne couvre les trois étant subventionnées à plus de 50 % (musées,
régions, à proportions comparables. Les entre- RTBF/VRT, certains théâtres…).
prises retenues, au-delà des différences de
statut juridique, ont une activité commerciale
déclarée, et intègrent à la fois des entreprises
unipersonnelles (statut d’artistes, d’indépen-
dant), des micro-entreprises (2-5 employés),
des PME ou des grandes entreprises. Le principe
a été pris de ne retenir que celles qui ont plus 1- Etude The entrepreneurial dimension of the cultu-
de 50 % de capitaux privés. Sont écartés les ral and creative industries, Utrecht School of Arts
entités culturelles publiques ou parapubliques Eurokleis, 2010.
11
12. Culture Economie
Enjeux et opportunités pour les entrepreneurs culturels et créatifs en Belgique
Les industries culturelles
et créatives belges :
les entrepreneurs témoignent
Pour répondre à la question « Comment n les compétences en termes de création
construire des ponts entre économie, culture, d’entreprises,
secteur public et l’enseignement pour inspirer n l’accès au financement,
l’économie culturelle de demain, à côtés des
industries vertes, des biotechnologies… ? », n l’innovation et sa protection,
Kurt Salmon a analysé des défis communs aux n et l’internationalisation des activités.
entrepreneurs créatifs et culturels. Quatre défis
Chacun de ces points est nourri par l’analyse
communs se posent aux entrepreneurs des ICC
croisée de la littérature spécialisée, de l’actualité
en Belgique, au-delà de sensibilités propres à
belge et internationale, de l’enquête en ligne Kurt
chacune des filières :
Salmon, et des entretiens individuels.
l Constats généraux
Une majorité d’indépendants et de PME
Le secteur de la culture reste très atomisé en
Belgique : les petites et moyennes entre-
prises y sont surreprésentées. Dans le panel
des 213 entreprises de notre enquête en ligne,
76 % des entreprises répondantes ont moins de
5 employés et 6 % ont plus de 50 employés.
Seule une minorité de grandes entreprises réalise
la plus grande part du chiffre d’affaires total du
secteur.
12
13. Ces tendances sont en ligne avec la réalité euro- 1 et 3 salariés) ou des entrepreneurs individuels.
péenne : 80 % des entreprises ICC de l’UE sont Les grandes entreprises (plus de 50 salariés), si
des PME, des micro-entreprises (surtout entre elles représentent moins de 1 % des entreprises
des ICC du panel, génèrent plus de 40 % du
Quelle est la taille de votre entreprise ? chiffre d’affaire total des ICC.
Enfin, dans notre panel, 50 % des répondants
6% disent ne pas avoir subi l’impact de la crise de
Grande
10 % ( à 50 employés) 2008. L’avenir est même à l’optimisme : 75 % des
répondants considèrent que l’industrie cultu-
8% Moyenne
(13-50 employés) relle et créative est un secteur porteur dans le
futur en Belgique. 63 % attendent une hausse de
76 % Petite
(6-12 employés) revenus dans les années à venir et 30 % pensent
recruter de nouveaux employés.
Max 5 employés
Certains secteurs souffrent plus de la crise, i.e.
de la baisse de consommation de biens créa-
tifs : mode, arts du spectacle, presse édition,
labels indépendants de musique… D’autres sec-
Part du chiffre d’affaire global du panel
teurs profitent mieux de la révolution numérique
en fonction du nombre d’employés
(médias sociaux, réalité augmentée, smart-
phones et tablettes…), comme les entreprises
7%
4% Grande des nouveaux medias (web design, applications
( à 50 employés) design…).
Moyenne Si la diffusion de contenus numériques a permis
30 % (13-50 employés) d’éviter le coût de la production de supports
59 %
Petite physiques, elle ne compense qu’en partie la des-
(6-12 employés) truction d’emploi engendrée par la crise, la dis-
Max 5 employés parition des supports physiques (DVD, CD) et les
pertes de revenus générées par le piratage (par
exemple de la musique).
Quel(s) type(s) d’évolution(s) prévoyez-vous dans les années à venir au sein de votre entreprise ?
Croissance des revenus
Recrutement de nouveaux employés
Recherche de financements publics
Ouverture à l'international
Recherche de financements privés
Intégrer un cluster créatif
Créer une startup en Belgique
Partenariat avec entreprises ICC
Partenariat avec entreprises non-ICC
Investir dans une autre entreprise ICC
Me faire racheter par un concurrent
0 10 20 30 40 50 60 70 %
Arts visuels Artisanat d’art
13
Audiovisuel
14. Culture Economie
Enjeux et opportunités pour les entrepreneurs culturels et créatifs en Belgique
De nouvelles professions créatives émergent en commerce, juristes, financiers et comptables
lien avec la maîtrise de langages numériques et sont de plus en plus sollicités. Les juristes, par
du design pour répondre aux nouveaux besoins exemple, sont de plus en plus sollicités pour
matériels et émotionnels des consommateurs. aider les créatifs à résoudre les litiges concer-
Les métiers dits de « back office » et de gestion nant la protection des revenus générés par la
ne sont pas en reste : les représentants de propriété intellectuelle.
l ade in Belgium : la Belgique, un vivier de talents
M
et de créativité
La Belgique est un petit pays au carrefour de
l’Europe qui carbure à la diversité et au libéra-
lisme culturel. Au XIXe et XXe siècles, Bruxelles
a accueilli des penseurs de tous les horizons
comme Victor Hugo, Emily Brontë, Karl Marx… Les
icônes belges n’ont pas à faire rougir : un patri-
moine architectural éclectique et relativement
préservé (gothique, classique, art nouveau, art
déco…), des peintres de renom international (fla-
mands primitifs, le mouvement Cobra, Magritte…),
des écrivains (Hugo Claus, Hendrik Conscience,
Guido Gezelle…), le berceau de la bande-dessinée
européenne (Hergé, Franquin, Van Hamme…), des
chanteurs (Brel, Adamo, Axelle Red, Arno…).
Quel est le portefeuille culturel belge
actuel visible à l’international ? s’exportent, sans qu’ils ne soient néanmoins as-
sociés à l’une ou l’autre région, ni même à la Bel-
La concurrence intercommunautaire stimulerait gique : dEUS, K’s Choice, Selah Sue, Hooverphonic,
l’émulation dans la création, avec deux pôles Axelle Red, Arno ou encore Stromae. Sur le grand
forts dans le secteur de la mode : écran, citons les frères Dardenne et Jaco Van Dor-
n nvers, qui est devenue depuis la fin des
A mael, Bouli Lanners, Cécile de France, Benoît Poel-
années 1980, l’une des places fortes de la voorde, Michaël R.Roskam… A la plume : Amélie
mode européenne, grâce au 6 d’Anvers (Ann Nothomb, Xavier Deutsch, Dimitri Verhulst, Tom
Demeulemeester, Dries Van Noten, Walter Van Lanoye… Enfin, certains artistes contemporains
Beirendonck, Dirk Van Saene, Dirk Bikkembergs ont révolutionné l’art – Alechinsky, Francys Alys,
et Marina Yee) et à son école l’Académie Chris Martin, Marcel Broodthaers, Wim Delvoye,
d’Anvers (le département mode de Hogeschool Luc Tuymans… – sans parler du rayonnement in-
Antwerpen), vivier de talents et de marques ternational de la bande dessinée belge.
(Martin Margiela, Essentiel…). Parmi toutes ces disciplines, il semble qu’il y ait
n ruxelles, avec son école de La Cambre Mode/s/
B une « Belgian touch » distinctive des autres pays.
et le quartier Dansaert n’est plus en reste. La ville « This is so Belgium ! ». De nos entretiens, il sem-
a vu son nombre de magasins indépendants de blerait que les observateurs étrangers perçoivent
créateurs de mode augmenter fortement ces de la création belge, un goût du « surréalisme »,
dernières années. du hors normes, un « humour décalé » voire
Les créateurs bel trash, un sens de l’absurde, une capacité à rire
ges débutants et de soi. Aujourd’hui, à tort ou à raison, Bruxelles
confirmés s’y re- devient depuis 3-4 ans pour les artistes the
trouvent de plus « next place to be » en Europe, en particulier
en plus. dans l’art contemporain.
La Belgique est Le New York Times parle même d’une « Belge
également de- Epoque », et plus précisément d’une « Renaissance
venue un centre créative de Bruxelles »2. Précisément, Bruxelles
européen de la dispose d’un environnement très attractif pour
danse contempo- les créatifs, forte de la qualité de certaines
raine grâce aux écoles artistiques (mode, cinéma, architecture,
célèbres choré- dessin), la qualité de l’événementiel et le prestige
graphies de Anne de certaines institutions culturelles (Europalia,
Teresa De Keers-
maeker. Quelques 2- Monica Khemsurov, (21 septembre 2011), Belge épo
musiciens belges que, New York Times.
14
15. concours Reine Elisabeth, la Monnaie…), la vie Un autre regard
nocturne insolite (soirées High needs Low…).
Citons aussi l’extrême cosmopolitisme des expa-
triés autour des institutions européennes (l’an-
glais est pratiqué quotidiennement par près de
15 % de la population ; 27 % de la population
bruxelloise est d’origine étrangère dont plus de
60 % sont de l’UE), les dessertes Eurostar et
Thalys qui permettent de fluidifier les échanges
d’idées et d’artistes, les lieux de référence
(Recyclart, WIELS, Bozar, Botanique, Ancienne
Belgique…), les concept stores hôtels (Haleluja,
MAPP, Hunting and collecting, White hotel,
Bloom…), et le prix de l’immobilier y est relative-
ment abordable comparé à Londres et Paris.
Enfin, la Belgique perd beaucoup de talents qui
préfèrent vendre ou entreprendre à l’étranger.
Chez les artistes-plasticiens et stylistes de renom, La naissance d’une vitrine
Luc Tuymans a sa galerie à New York, Chris « made in Belgium » à Manhattan
Martin en Allemagne, Francis Alys est au Mexique, Les entrepreneurs créatifs belges ne man-
Laetitia Crahay travaille à Paris pour la Maison quent pas d’ambition comme en témoigne
Michel et Chanel, Olivier Theyskens vit et travaille l’aventure de Sylvie Bouffa, fondatrice de
à New York… Talking French Flemish Inc. Initiative pure-
ment privée, développée sans aides finan-
La Belgique recèle de formations artistiques
cière publiques, cette structure de 3 500 m
excellentes et très reconnues à l’international : La
sera une vitrine de la créativité belge à
Cambre, Saint-Luc, la Kask et l’Académie Royale
Manhattan, New York.
d’Anvers, écoles ultra-sélectives et attirant des
étudiants des 4 coins du monde mettent l’accent Sylvie est partie du constat que les Améri
sur la créativité. Les étudiants fraîchement diplô- cains adoraient le design belge quand ils
més rêvent souvent d’une carrière internationale, le voyaient, et étaient prêts à payer une
voir d’être repérés en fin d’étude pour travailler à fortune pour l’avoir, mais peu en connais-
l’étranger (Paris, Londres, Milan, New York). Deux saient l’origine.
raisons sont mentionnées pour expliquer cette Elle a donc décidé d’ouvrir un magasin
fuite des talents : exposant tout ce que la Belgique propose de
n e manque de grands donneurs d’ordres belges
l meilleur : les Carrières du Hainaut, les cho-
en Belgique, ce qui implique la nécessité de colats Marcolini, les baignoires Aquamass, le
s’expatrier pour trouver de l’emploi et/ou pour design XVL, une galerie d’art contemporain,
se faire un nom ; les montres Raidillon, un restaurant « bistro-
nomique », et bien d’autres encore…
n e marché de consommateurs n’atteint pas une
l
taille critique suffisante pour absorber l’offre Si cette première vitrine belge est un succès,
de produit et services culturels et créatifs. Sylvie compte bien dupliquer le concept
ailleurs sur le « Nouveau Continent » mais
L’e-commerce créatif : de nouvelles également en Chine, au Brésil et en Inde.
stratégies web L’ouverture de Talking French Flemish Inc.
New York est prévue pour le printemps 2012.
Seuls 11 % des sondés vendent leurs produits
culturels en ligne (eBay, Amazon…). Cela n’est
pas dû au manque de présence par les entre-
méthode la plus efficace et fiable de publicité.
prises sur le web (84 %), mais bien à la faible
D’ailleurs, les entreprises de publicité se sont
demande des Belges pour l’achat en ligne ou
tournées vers l’activation de marque sur inter-
la méconnaissance de certaines plateformes
net. C’est une nouvelle niche publicitaire qui a
dédiées aux ICC (99design, behance, mondres-
permis au secteur de la publicité de se réinventer
sing.be…).
en temps de crise. Cette nouvelle manière de
67 % des entreprises sondées sont présentes communiquer, associée à une logique de social
sur les réseaux sociaux, principalement CRM /brandwatching, permet de communiquer à
Facebook, LinkedIn et Twitter. Les effets pro- une cible très précise et d’entretenir une relation
duits par cette présence sont, par ordre d’im- d’échange avec les consom’acteurs, qui influen-
portance, l’amélioration du networking, du cent en retour le produit/le marché...
branding et des ventes.
Seuls 3 % des répondants ne sont en aucune
Le « bouche à oreille », la prescription par des façon connectés, souvent par défaut de maîtrise
tiers ambassadeurs d’une marque, devient la des outils.
15
16. Culture Economie
Enjeux et opportunités pour les entrepreneurs culturels et créatifs en Belgique
l ormation à l’entrepreneuriat culturel
F
Entreprendre et réussir dans la culture, c’est être compétences en administration/finance (38 %)
en capacité de réconcilier deux logiques encore sont considérées comme les plus essentielles.
fortement ressenties comme antagonistes :
d’une part, la dimension de création (l’art pour Or seulement 34 % des répondants résidant en
l’art) et d’autre part, la dimension économique Wallonie, 18 % en Flandres et 13 % à Bruxelles
(vivre de son art). C’est tout l’enjeu de la for- estiment avoir été bien préparés aux compé-
mation initiale et continue adaptée à l’entre- tences managériales, pourtant ressenties comme
preneuriat culturel et créatif. L’icône de l’artiste fondamentales.
« complet » reste Léonard de Vinci. Peintre et Si l’on distingue les entrepreneurs des ICC qui
homme d’esprit universel, à la fois artiste, scien- ont suivi une formation supérieure de type cultu-
tifique, ingénieur, inventeur, anatomiste, peintre, relle ou créative (60 % des répondants), des
sculpteur, architecte, urbaniste, botaniste, musi- entrepreneurs des ICC qui ont suivi uniquement
cien, poète, philosophe et écrivain, il n’en fut pas une formation supérieure de type économie ou
moins « commerçant » en attirant l’attention de gestion ou autre (40 %), un constat se pose :
mécènes pour vivre de ses arts. l’étudiant dans un cursus créatif « pur » rencon-
trera tendanciellement plus de difficultés sur le
De l’idée créative à l’entreprise marché du travail sur la dimension économique
Si un certain nombre d’écoles supérieures belges de son activité professionnelle. Par exemple, il
dédiées aux ICC sont reconnues pour leurs exi- ressort des entretiens que le « créatif pur » aura
gences de travail et l’extrême qualité du transfert tendance à sous-estimer la valeur de ses œuvres/
de savoir-faire créatifs, des marges de progrès services, il aura des difficultés à monter son
sont possibles. business plan, à réfléchir en termes de stratégies
financières, commerciales et marketing. Certains
En effet, dans le panel de répondants à notre témoignent avoir été sollicités par des intermé-
enquête en ligne, seuls 17 % des actifs travaillant diaires peu scrupuleux exploitant une certaine
dans les ICC estiment avoir été bien préparés à candeur des jeunes diplômés.
l’entreprenariat culturel et créatif. Précisément,
hormis les compétences artistiques incontour- Il semblerait donc que les compétences entre-
nables, les compétences managériales (73 %), les preneuriales ne soient pas assez bien transmises
relations publiques et presse (61 %) ainsi que les dans les formations de type créatif et culturel.
Hormis la créativité, quelles sont les compétences les plus importantes pour les entrepreneurs
créatifs et culturels ?
Managériales (vision business plan, gestion de risques…)
Relations publiques presse
Administration/finance
Langues
Connaissances IT/social media
Juridiques (législation sociale, droit d’auteur, contrats…)
0 10 20 30 40 50 60 70 80 %
Auxquelles de ces compétences estimez-vous avoir été bien préparé lors de votre formation
en Belgique ?
Langues
Managériales (vision business plan, gestion de risques…)
Relations publiques presse
Administration/finance
Juridiques (législation sociale, droit d’auteur, contrats…)
Connaissances IT/social media
0 10 20 30 40 50 60 70 80 %
16
17. Le recours au système D
Pour palier au manque de compétences « entre-
preneuriales », les créatifs belges sondés ont
recours au « système D » (amis, famille, entre-
prises privées). Les entreprises privées sont
majoritairement consultées pour les matières
comptables, administratives, financières et
informatiques. Les amis et la famille sont plutôt
consultés sur les sujets en lien avec les médias
sociaux et le networking.
Les structures d’aides publiques ou associa-
tions professionnelles sont moins consultées.
D’ailleurs, 72 % des répondants de notre panel
pensent que les entreprises culturelles et créa-
tives ne sont pas suffisamment bien épaulées par
leurs associations professionnelles. Variant de
l’une à l’autre, elles ont pour mission d’assurer la été transmises dans leur formation supérieure. Le
représentation des intérêts du secteur aux déci- talent et la culture générale ne suffisent pas pour
deurs publics, la promotion du secteur, le conseil s’improviser du jour au lendemain entrepreneur
en affaires, l’information sur les financements culturel. Celui-ci doit être capable de se financer,
disponibles, développer le networking, diffuser de protéger ses créations, et de convaincre de
les appels à projets, des propositions de travail la valeur ajoutée symbolique de son produit ou
collaboratif sur projets… Mais les entreprises ne service. Dès lors, une réflexion s’impose sur les
se retrouvent plus dans cette profusion de struc- compétences idéales de l’entrepreneur culturel
tures et d’aides disponibles. Une simple carto- et/ou créatif.
graphie de structures publiques et associations
Pendant les études dédiées à la création, il
professionnelles belges dédiées aux ICC permet
conviendrait de renforcer substantiellement
de recenser plus d’une quarantaine de structures
l’apprentissage de l’anglais, des bases du droit
en Belgique ! Pour aider le design par exemple, il
de la propriété intellectuelle, de la comptabi-
n’y a pas moins d’une vingtaine de structures en
lité/finance (i.e. savoir faire un business plan),
Wallonie.
du marketing/PR (savoir communiquer), et des
Outre l’illisibilité, une autre critique se dégage de logiques des chaînes de valeur du secteur. Le
nos entretiens : les activités créatives englobant stage en entreprise est un exercice désormais
plusieurs secteurs ICC, ou celles, plus récentes incontournable. De plus, des interventions des
(webdesign), ne se retrouvent pas forcément structures de soutien du secteur (association
dans ce paysage foisonnant de structures inter- professionnelle, entités en charge de l’interna-
médiaires fonctionnant souvent en silos. La tional/export, sociétés de gestion des droits
gestion segmentée de ces différents secteurs d’auteur…), des interventions de professionnels
entrave le développement de la pensée latérale étrangers, d’alumni, des visites d’entreprises…
et de l’innovation. seraient à encourager tout au long du cursus.
Il est important d’ouvrir l’enseignement créatif
Revoir les cursus dédié à l’entrepreneuriat aux autres économies. Citons par exemple le
créatif Programme d’entrepreneuriat créatif Goldsmith
de l’Université de Londres, destinés aux étu-
De plus en plus d’entrepreneurs culturels et créa-
diants voulant entreprendre dans le secteur de la
tifs vivent de leur art (Stromae, Francys Alys,
création. Cette formation enseigne les pré-requis
Jean-Claude Van Damme, les frères d’Ardenne
nécessaires à l’entreprenariat ainsi que les attri-
ou encore Amélie Nothomb). Pas étonnant que
buts nécessaires à la commercialisation de leur
les étudiants des filières artistiques soient aussi
produits/service créatif et/ou culturel. L’objectif
désireux de faire carrière et espèrent pouvoir
est de former les étudiants à l’économie cultu-
vivre de leur capital culturel et créatif. La clef du
relle, à innover par rapport aux différents
succès, selon le chanteur Stromae, « c’est 40 %
business model possibles et de développer leurs
de chance, 40 % de travail et 20 % de talent. L’art
compétences entrepreneuriales (finance, chaîne
pour l’art, c’est bien, mais il faut tenir compte de
de valeurs…), de communication (leadership,
la réalité du marché ».
marketing…) légales (propriété intellectuelle…).
A contrario, les histoires de « galères », d’incom-
Des opportunités de networking, de cours ou
préhension des règles du jeu, de petits revenus,
d’expériences communes pendant les études
sont nombreuses.
sont à imaginer pour faire se rencontrer les
Pour pallier à ces problèmes, les entrepreneurs profils de créatifs avec les profils de gestion-
des ICC de l’enquête en ligne ayant suivis des naire d’entreprise ICC. L’objectif : encourager
cursus purement créatifs regrettent que les les projets multidisciplinaires entre le monde de
notions de base de l’entrepreneuriat n’aient pas l’entreprise et les créatifs pour casser les clichés.
17
18. Culture Economie
Enjeux et opportunités pour les entrepreneurs culturels et créatifs en Belgique
L’intermédiaire de l’artiste est une nouvelle pro- Master en production de projets artistiques.
fession qui vient en soutien des artistes pour leur Ce nouveau Master inclurait un certain nombre
permettre de trouver leur « marché », en par- de cours ou de modules de formation destinés
ticulier en assurant le PR, marketing, CRM… Si à familiariser les étudiants avec des concepts
ce type d’entrepreneur culturel a toujours existé et des outils utiles à la production de projets :
d’une façon ou d’une autre dans l’histoire de la aspects juridiques et institutionnels, notions de
culture (ex. : le marchand de tableaux, l’agent…), comptabilité, outils de communication, etc. Un
nous avons la conviction qu’il devient aujourd’hui cycle de rencontres – 2 rencontres par mois-
essentiel de crédibiliser leur formation et leur permettrait d’alimenter les étudiants (et leurs
mise en contact avec les créatifs. projets) par l’expérience de professionnels.
Le système éducatif francophone commence Un débat plus large se développe en Europe en
à bouger pour concilier la création et l’esprit faveur d’une meilleure prise en compte des cours
d’entreprise. ARTES, une plate-forme trans- se basant sur la créativité au cœur de l’enseigne-
disciplinaire de 3 écoles supérieures des arts ment dès le plus jeune âge, pour forger les talents
de la Communauté Française à Bruxelles (le et alimenter l’innovation de demain. Les écoles
Conservatoire, La Cambre et l’INSAS) vient de de Singapour généralisent déjà les cours de créa-
solliciter une habilitation nouvelle, commune, tivité tout au long de l’enseignement primaire et
trans-domaines, pour la création d’un nouveau secondaire afin de booster l’innovation du futur.
Compétences idéales à l’entreprenariat culturel et créatif
•
Talent créatif Communication Entreprenariat
• P
ensée latérale • eadership
L • Compétences managériale
• C
réativité • arketing
M • Compétences informatiques
• E
xcellence • elations publiques et presse
R • Compétences juridiques
• Social CRM • Compétences économiques
• I
nnovation
• Langues • Administration…
Un autre regard
Polimoda
Polimoda est l’exemple d’une école d’entrepre-
neurs de la mode à Florence, ville historique
de la mode italienne. Elle est née du besoin
de l’industrie florentine du luxe de s’adap-
ter au marché global de la mode, de plus en
plus concurrentiel. L’école est une initiative
publique/privée lancée en 1986 et financée
par les villes de Florence et Prato, les associa-
tions professionnelles, la région Toscane, et les
encouragés en lien avec les districts industriels
fonds sociaux européens. Présidée et dirigée
et les maisons de mode.
par deux noms de la mode internationale
Francesco Ferragamo et Linda Loppa, l’école – Les projets des élèves sont régulièrement
se veut ancrée dans les réalités du marché de présentés devant la presse, les décideurs
la mode. Elle associe les professionnels locaux publics, le secteur privé, dans le cadre de
dans la construction des cursus pédagogiques foires et galas locaux et dans les vitrines com-
(Chambre de commerce, filière de la chaus- merçantes de la ville.
sure, filière de la mode…). – Au sein de l’école, une spin-off, présidée par
– En réponse aux besoins du marché ont le Président de la marque Versace, offre des
été créés les Masters « Fashion Stylists », prestations de conseil en stratégie marketing
« Fashion Brand », 25 Masters en anglais, et auprès de 35 entreprises de mode (Ferragamo,
des Summer school en chinois. Gucci, Tod’s, au Quatar, en Inde…). Cette filiale
capte les tendances des marchés et facilite le
– Les étudiants sont formés sur toute la chaîne
placement des étudiants.
de valeur de la mode, de la création de col-
lections haute couture, jusqu’à la commercia- – 94 % des diplômés trouvent un emploi dans
lisation (achat/vente, relation client, art de la les 6 mois, dans les grandes maisons de mode
mise en vitrine…). Les stages et projets sont du monde.
18
19. l ’accès au financement
L
Un des obstacles les plus importants rencon- que les entreprises du domaine de la publicité),
trés par les professionnels des secteurs cultu- du stade de développement des entreprises
rels et créatifs est l’accès au financement dont (phase d’amorçage, phase de croissance, phase
ils ont besoin pour mener à bien leurs activités. de transformation, etc.).
En Europe, 85 % des entreprises des industries
ICC éprouvent des difficultés à trouver des finan- Le recours principal aux « friends, family
cements3. D’autant plus qu’en temps de crise, and fools »
la culture est souvent la première victime des En Belgique, selon notre enquête en ligne, les
coupes budgétaires. La recherche de finance- entreprises ICC sont d’abord financées en fonds
ments mixtes (public-privé) s’accélère, tant pour propres (76 %), grâce à des économies person-
les institutions culturelles que pour les entre- nelles ou des sources « FFF » (« friends, family
prises créatives. Internet, source fantastique and… fools »).
d’opportunités pour la culture, a aussi mis à mal
46 % des répondants ont déjà fait appel à des
certaines entreprises créatives qui voient leurs
sources de financements externes (prêt, sub-
sources de revenus traditionnels s’éroder à cause
sides publiques, sponsoring, business angels…).
de la disparition des supports physiques, du télé-
Ces sources externes sont difficiles d’accès pour
chargement illégal de contenus. Les entreprises
près de 88 % des répondants, et ce, d’autant plus
se voient alors obligés de penser de nouveaux
lorsqu’elles relèvent du secteur privé.
modèles économiques.
Les besoins de financements diffèrent en fonc-
tion des secteurs ICC (par exemple, les arts du 3- Commission européenne, (2011), Livre Vert - « Libérer
spectacle sont typiquement plus subventionnés le potentiel des industries culturelles et créatives ».
Quelles sont les sources de financement les plus importantes pour votre entreprise ?
Fonds propres
Prêt bancaire
Bourses publiques/
financement public
Sponsoring
Incitation fiscale
Capital risque
Financement viral
Financement d'amorçage
Business Angels
Donation
Introduction en bourse
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 %
Comment qualifiez-vous l’accès aux sources de financement externes suivantes ?
Prêt bancaire
Financement viral
Bourses privées
Bourses publiques
Sponsoring
Business Angels
Donation
Financement d'amorçage
Capital risque
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 %
Facile Difficile
19
20. Culture Economie
Enjeux et opportunités pour les entrepreneurs culturels et créatifs en Belgique
Les bourses publiques sont utilisées dans 21,6 % n es fonds publics alloués aux ICC, quelles
L
des cas. que soient les régions, feraient l’objet de vifs
La principale forme de soutien émanant du débats. Les interviewés (bénéficiaires ou non)
secteur privé est le sponsoring avec 8,1 % des admettent que les subsides publics peuvent
réponses. avoir un effet salutaire dans le soutien de
choix créatifs risqués. Néanmoins, il est admis
Le recours au crowdfunding, modèle de finance- qu’une certaine dépendance aux subsides peut
ment où une multitude d’internautes financent « endormir » la créativité et n’exclue pas un
des projets créatifs en achetant des « parts » interventionnisme politique dans la program-
via un site internet, est récent et encore mar- mation. Les subsides devraient être alloués de
ginal car ces plateformes web sont rares et manière prioritaire à des projets expérimen-
doivent encore faire leur preuve (Aka music, taux pour permettre le développement de nou-
Mymajorcompany…). veaux produits culturels et créatifs. Néanmoins,
Les soutiens financiers publics apportés aux les organes publics en charge des soutiens
ICC rencontrent des avis mitigés. Une majo- financiers aux ICC devraient régulièrement
rité des répondants et interviewés n’ont jamais évaluer la pertinence, les résultats qualitatifs
demandé de subsides. Ceux qui ont introduit une et quantitatifs, l’efficience des subsides alloués.
première demande de soutien financier public
sont généralement déçus du résultat obtenu par Le secteur privé frileux dans le soutien
rapport aux efforts fournis et n’ont plus retenté aux ICC, par méconnaissance et méfiance
l’expérience. réciproque
L’enquête en ligne indique que le prêt bancaire
Ces 12 derniers mois, avez-vous fait appel est considéré comme la source de financement
à une source de financement externe ? la plus accessible. Cependant il ressort de nos
entretiens que les banques restent frileuses pour
investir dans les ICC. Pour arriver à rapprocher
le secteur privé et les ICC, il faut leur apprendre
à parler un langage commun, à se départir de
Au moins une fois clichés qui prévalent tant chez les investisseurs
54 % 46 % privés que chez les créatifs.
Non n a méfiance des investisseurs privés s’expli-
L
querait par le fait que l’industrie créative est
considérée comme un secteur à risque. Les
ICC sont une économie singulière qui se base
sur des concepts certes peu quantifiables tels
que la beauté artistique ou la valeur symbo-
Les raisons évoquées sont diverses et multiples : lique des produits, dont le « hype » auprès de
la demande est imprévisible. Dans la plupart
n es entretiens précisent que la distribution
L des cas, les entreprises des ICC utilisent des
des bourses ne fait pas toujours l’objet d’une biens immatériels (des idées, des brevets, etc.),
grille de décision transparente poussant ainsi garantie souvent considérée comme insuffi-
les créatifs à devoir faire du lobbying politique. sante par les investisseurs privés.
Certains secteurs semblent plus soutenus que
Or, contrairement à cette idée reçue, investir
d’autres, soutien variant au gré des intérêts
dans des entreprises créatives n’est pas plus
des décideurs politiques, et moins dans une
risqué que dans les autres pans de l’écono-
logique de stratégie avec des priorités claires,
mie4. Dans une étude menée en Angleterre, il a
objectivées, ou au regard de potentiels de
été démontré que le taux de survie des entre-
développement à long terme.
prises ICC après 5 années d’existence est plus
n e paysage des structures d’aides et de soutien
L élevé que celui des entreprises traditionnelles
publiques aux filières est particulièrement illi- (49,7 % contre 46,6 %). Il est même suggéré
sible, au-delà des différences régionales. Aussi, que les ICC ont plus de facilités à traverser des
un nombre croissant d’entreprises multidisci- périodes difficiles en se « serrant la ceinture »
plinaires dans leurs activités, en particulier sur que les autres entreprises.
le champ numérique, se voit refuser l’accès aux secteur privé est une source complémen-
Le
financements publics soumis à une segmenta- taire aux subsides publics. En effet, grâce à ses
tion ressentie comme trop stricte. outils, son savoir-faire, ses carnets d’adresses
n es entretiens menés mettent en exergue une
L internationaux…, le secteur privé est parfois
tendance au « saupoudrage » des aides finan-
cières par les institutions publiques. De ce
fait, les montants octroyés sont faibles et ne 4- Helen Burrows and Kitty Ussher, (October 2011), The
permettent pas aux entrepreneurs ICC de se lazy assumption that the creative industries are inhe-
lancer dans des projets ambitieux. rently risky is harming Britain’s path to growth…, DEMOS
20