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La	Grande	Guerre	de	l'étudiant	en	pharmacie		
nancéien	Henri	Cordebard	
	
Pierre	Labrude	
	
professeur	honoraire	de	l’université	de	Lorraine	(site	de	Nancy),	
membre	associé	du	centre	régional	universitaire	lorrain	d’histoire,	
membre	de	l’académie	internationale	d’histoire	de	la	pharmacie	
pierre.labrude@orange.fr	
	
	
L'évocation	de	la	Grande	Guerre	de	l'étudiant	en	pharmacie	nancéien	Henri	Cordebard,	
Meusien	 de	 Gondrecourt,	 est	 intéressante	 à	 plus	 d'un	 titre	 en	 ces	 années	 de	
commémoration	du	centenaire	de	ce	conflit.	Mobilisé	dès	le	premier	jour	et	ceci	jusqu'en	
août	1919,	il	voit	ses	études	interrompues	alors	qu'il	en	a	validé	les	cinq	sixièmes	;	il	
n'est	 nommé	 pharmacien	 auxiliaire	 qu'en	 juillet	 1916,	 après	 presque	 deux	 années	
passées	comme	soldat	de	2e	classe	;	il	ne	rejoint	les	hôpitaux	de	la	région	nancéienne	
qu'en	juillet	1917,	soit	après	presque	trois	années	passées	sur	le	front...	Cette	évocation	
illustre	aussi	la	diversité	des	emplois	qui	ont	été	attribués	aux	jeunes	gens	incorporés	
début	 août	 1914	 et	 qu'ils	 ont	 été	 capables	 d'assurer	 :	 infirmier,	 brancardier,	 aide	
chimiste,	 pharmacien	 auxiliaire,	 faisant	 fonction	 de	 médecin	 auxiliaire,	 aide	
bactériologiste.	Elle	met	enfin	en	relief	la	difficulté	qui	a	été	la	leur	pour	bénéficier	d'un	
grade,	par	ailleurs	subalterne	et	sans	qu'il	y	ait	eu	avancement...	
	
Certes	Cordebard	a	eu	la	chance	de	revenir	de	ces	années	sans	avoir	été	blessé,	avec	une	
citation,	et	de	plus	riche	d'une	expérience	scientifique	et	professionnelle	importante	et	
variée,	mais	aussi	après	avoir	mis	dix	années	pour	obtenir	son	diplôme	de	pharmacien,	
et	ceci	sans	oublier	des	souffrances	matérielles	et	morales	importantes	:	la	perte	d'un	
frère	en	1917	et	celle	d'un	ami	en	1916.		
	
Pour	le	récit	de	ces	années	de	guerre,	en	dehors	des	documents	officiels,	j'ai	bénéficié	de	
photographies	et	de	notes	personnelles	d'Henri	Cordebard	qui	m'ont	été	communiquées	
par	sa	famille1	avec	l’autorisation	de	les	publier,	ainsi	que	de	renseignements	issus	d'une	
thèse2	qui	lui	est	consacrée	et	à	laquelle	j'ai	participé.							
	
Avant	1914,	les	premières	années	et	les	années	d'études	de	pharmacie	
	
Henri	Cordebard	est	le	fils	de	René	Cordebard	et	de	son	épouse	Aline	Maîtrehanche,	qui	
résident	rue	de	la	Gare	à	Gondrecourt.	Il	est	le	dernier	des	cinq	fils	de	la	famille.	Né	à	
Gondrecourt	le	10	novembre	1891,	il	est	élève	de	l'école	du	Prieuré	en	1895,	puis	du	
Mont	 en	 1896.	 Il	 obtient	 le	 certificat	 d'études	 primaires	 en	 juillet	 1903	 et	 devient	
pensionnaire,	à	partir	de	la	cinquième,	au	lycée	de	Bar-le-Duc	où,	comme	il	l'écrit	dans	
ses	souvenirs,	les	résultats	ne	sont	pas	fameux	mais	s'améliorent	dans	les	années	qui	
suivent.	En	octobre	1907,	il	est	en	première	C	(latin,	sciences,	philosophie)	(figure	1),	
puis,	en	octobre	1908,	en	philosophie.	Il	obtient	le	baccalauréat	latin-sciences	à	Nancy	
en	1908,	puis	le	baccalauréat	philosophie,	encore	à	Nancy,	en	1909.
Figure	1	:	l'équipe	de	football	du	lycée	de	Bar-le-Duc	en	1908		
(archives	de	Madame	Deray*)		
Paul	Cordebard	et	Henri	Presson	(cité	plus	loin)	sont	debout,	respectivement	en	troisième		
et	quatrième	position,	tandis	que	Henri	Cordebard	est	le	premier	assis	à	gauche.			
	
Se	destinant	à	la	pharmacie,	il	commence	aussitôt	son	stage	en	optant	pour	le	régime	
ancien	 des	 études3	 :	 trois	 années	 de	 stage	 et	 trois	 années	 d'études	 dans	 une	 école	
supérieure	 comme	 celle	 de	 Nancy.	 Sa	 première	 année	 de	 stage	 a	 lieu	 à	 la	 pharmacie	
Florance	 de	 Joinville	 (Haute-Marne),	 du	 20	 juillet	 1909	 au	 20	 juillet	 1910.	 Il	 n'en	
conserve	pas	un	excellent	souvenir	comme	il	l'indique	dans	ses	notes	intimes.	Les	deux	
années	qui	suivent	se	passent	à	la	pharmacie	de	M.	Fageot,	boulevard	de	La	Rochelle	à	
Bar-le-Duc	(Meuse).	Ce	sont	des	amis	de	la	famille	et	le	stage	est	très	agréable,	d'autant	
plus	qu'il	en	sait	beaucoup	plus	que	l'année	précédente.	Avant	lui	le	stagiaire	a	été	Henri	
Presson,	 originaire	 de	 Biencourt	 à	 une	 dizaine	 de	 kilomètres	 de	 Gondrecourt.	 Il	 est	
même	prévu	qu'Henri	reprendra	l'officine	au	terme	de	ses	études	et	qu'il	épousera	une	
demoiselle	de	la	ville...		
			
Cordebard	entre	donc	en	première	année	à	l'Ecole	supérieure	de	pharmacie	de	Nancy	à	
l'automne	1912.	Presson	est	délégué	préparateur	dans	le	laboratoire	du	professeur	de	
chimie,	Georges	Favrel,	et	il	propose	son	ami	Cordebard	comme	préparateur	bénévole	
au	laboratoire	de	pharmacie	chimique	dont	est	responsable	Auguste	Sartory,	chargé	du	
cours.	 En	 seconde	 année	 (1913-1914),	 Henri	 est	 nommé	 préparateur	 délégué	 (ou	
suppléant)	le	29	novembre	1913,	en	remplacement	de	Presson,	ce	qui	lui	assure	un	petit	
traitement4.	Il	obtient	la	médaille	d'argent	au	prix	de	chimie	en	19134.	Puis,	à	l'occasion	
du	premier	concours	de	l'internat	en	pharmacie	des	Hospices	civils	de	Nancy,	qui	a	lieu	
le	8	décembre	19134,	il	est	reçu	troisième	et	devient	ainsi	interne	provisoire	à	l'hôpital	
civil,	l'actuel	hôpital	central.	Les	deux	premiers,	nommés	internes	titulaires,	sont	Henri	
Presson	et	Jean	Duclerget.	
	
En	juillet	1914,	une	herborisation	collective	a	lieu	en	Alsace.	A	son	retour,	le	2	juillet,	il	a	
un	malaise,	de	la	fièvre,	et	le	médecin	diagnostique	une	menace	de	pneumonie	qui	le	
maintient	 à	 la	 chambre	 du	 2	 au	 15.	 Il	 subit	 de	 ce	 fait	 le	 18	 juillet	 un	 examen	 de	 fin	
d'année	spécial	et	individuel,	puis	il	revient	à	Gondrecourt	en	observation	médicale.	
	
La	mobilisation
La	 situation	 internationale	 conduit	 le	 gouvernement	 à	 décider	 l'envoi	 de	 l'ordre	 de	
couverture	aux	troupes	concernées	le	31	juillet	 avec	sa	mise	en	application	ce	même	
jour	 à	 21	 heures.	 Le	 déploiement	 partiel	 des	 troupes	 des	 cinq	 corps	 d'armée	 de	
couverture	(2e	d’Amiens,	 6e	de	Châlons,	 7e	de	Besançon,	 20e	de	Nancy	 et	21e	d’Epinal),	
destinés	à	permettre	à	la	mobilisation	de	s'effectuer	en	sécurité,	conduit	au	départ	de	
Paul	Cordebard,	l'un	des	frères	d'Henri.	La	mobilisation	générale	est	décrétée	le	samedi	
1er	août	à	15	h	45	et	les	affiches	bien	connues	comportant	la	phrase	complétée	à	la	main	
:	 «	Le	 premier	 jour	 de	 la	 mobilisation	 est	 le	 dimanche	 2	 août	 1914	»,	 commencent	
presqu'aussitôt	 à	 être	 placardées.	 Le	 3	 août,	 à	 18	 h	 40,	 le	 gouvernement	 allemand	
déclare	la	guerre	à	la	France.		
	
Les	 détails	 de	 la	 mobilisation	 d'Henri	 Cordebard	 sont	 connus	 avec	 précision	 par	 ses	
notes.	Comme	ils	sont	rarement	exposés,	je	les	indique	ici.	Cordebard,	qui	n'a	pas	encore	
effectué	son	service	militaire	et	qui	est	sursitaire	de	la	classe	1911,	reçoit	son	fascicule	
de	mobilisation	du	modèle	A,	le	dimanche	2	août,	et	il	quitte	Gondrecourt	aussitôt	que	
possible	par	le	train	pour	rejoindre	le	camp	de	Châlons5	où	il	est	affecté	à	la	6e	section	
d'infirmiers	militaires6	qui	y	est	en	garnison.	Il	y	arrive	vers	minuit,	dans	le	noir	et	sous	
la	pluie,	et	trouve	une	place	dans	une	petite	tente	de	toile,	pleine	de	dormeurs	en	civil	
installés	tête-bêche.	Le	lundi	3,	vers	cinq	heures	du	matin,	parti	en	reconnaissance,	il	
croise	son	ami	et	confrère	Emile	Frache,	qui	est	de	Vaucouleurs,	arrivé	la	veille,	qui	est	
déjà	en	tenue	militaire	et	qui	connaît	un	sergent	à	qui	il	a	offert	à	boire...,	puis	Presson,	
qui	a	été	récemment	reçu	pharmacien	de	1e	classe,	arrivé	lui	aussi	la	veille	et	en	plein	
jour.	Ils	prennent	la	décision	de	ne	pas	se	quitter	autant	que	faire	se	pourra	!	Frache	
s'arrange	pour	les	faire	nommer	à	l'ambulance	où	il	est	lui-même	affecté.	
	
A	sept	heures	du	matin,	chacun	prend	son	petit	déjeuner	avec	café	et	pain,	puis	a	lieu	
l'habillement	 par	 groupes	 de	 trente	 hommes,	 qui	 sont	 appelés	 par	 quatre	 de	 taille	
identique.	On	ne	différencie	que	des	moyens,	des	grands	et	des	petits...	Chacun	reçoit	à	
«	vue	 de	 nez	»	 :	 un	 pantalon,	 une	 veste,	 un	 ceinturon,	 une	 capote,	 un	 képi,	 des	
chaussures,	un	caleçon,	deux	chemises,	un	sac	d'infanterie	avec	une	gamelle	et	un	quart,	
une	cuiller	et	une	fourchette,	enfin	une	couverture	de	laine	à	rouler	sur	le	sac.	Une	heure	
est	accordée	pour	s'habiller	et	se	présenter	en	tenue.	
	
L'affectation	est	enregistrée	par	un	sergent-major,	sur	le	conseil	de	Frache	et	en	accord	
avec	 le	 sergent	 précité,	 dans	 la	 même	 ambulance	 14/6	 du	 6e	 corps	 d'armée.	 Cette	
affectation	est	vite	faite	et	elle	concerne	deux	sergents,	quatre	caporaux,	vingt-quatre	
appelés	 réservistes	 infirmiers,	 douze	 de	 visite	 et	 douze	 d'exploitation,	 ce	 qui	 est	 la	
distinction	 classique.	 L'infirmier	 de	 visite	 est	 plus	 qualifié	 que	 son	 collègue	 dit	
«	d'exploitation	».	Le	premier	participe	aux	soins	cependant	que	le	second	s'occupe	de	
toutes	les	besognes	de	base	de	la	formation	sanitaire.	En	dehors	des	infirmiers	en	cours	
de	service	militaire	et	qui	ont	été	formés	à	cette	tâche,	les	étudiants	en	médecine	et	en	
pharmacie	sont	fréquemment	désignés	pour	cette	activité.	
	
Vers	10	heures,	six	officiers	parmi	lesquels	figurent	un	capitaine,	un	pharmacien	et	deux	
officiers	 d'administration	 font	 appeler	 et	 réunir	 tout	 le	 personnel.	 L'ambulance	
s'organise	 et	 son	 départ	 a	 lieu	 le	 lendemain.	 Henri	 Cordebard	 va	 rester	 dans	 cette	
formation	 jusqu'au	 21	 septembre	 1915,	 soit	 un	 peu	 moins	 de	 quatorze	 mois.	 Bien	
qu'ayant	validé	les	cinq	sixièmes	de	ses	études	de	pharmacie,	mais	n'ayant	pas	effectué
son	 service	 militaire	 et	 n'ayant	 donc	 pas	 passé	 l'examen	 d'aptitude	 qui	 permet	
l'accession	au	grade	de	pharmacien	aide-major,	Cordebard	est	mobilisé	comme	simple	
soldat.	Il	est	néanmoins	dans	le	Service	de	santé,	alors	que	d'autres	sont	mobilisés	dans	
les	armes...	
	
Les	ambulances	sont	des	formations	sanitaires	de	campagne	dont	le	second	numéro,	ici	
6,	 correspond	 au	 corps	 d'armée	 auquel	 elles	 appartiennent.	 Elles	 sont	 rattachées	
directement	 à	 ce	 corps	 qui	 peut	 en	 attribuer	 aux	 divisions	 dont	 il	 est	 constitué.	 Au	
moment	où	débute	la	mobilisation,	le	6e	corps7	est	commandé	par	le	général	Sarrail,	qui	
est	remplacé	le	30	août	par	le	général	Verraux	lorsque	Sarrail	prend	le	commandement	
de	 la	 IIIe	 armée	 en	 remplacement	 du	 général	 Ruffey.	 Il	 part	 au	 combat	 fort	 de	 deux	
divisions	d'infanterie	:	la	12e	de	Reims	et	la	40e	de	Saint-Mihiel,	auxquelles	s'ajoutent	
différents	 éléments	 organiques	 dont	 la	 6e	 section	 d'infirmiers	 avec	 les	 ambulances	
qu'elle	a	mises	sur	pied	;	il	est	rattaché	à	la	IIIe	armée.	Pour	sa	part,	une	ambulance,	
commandée	 par	 un	 médecin-major	 (capitaine),	 a	 alors	 pour	 effectif	 et	 moyens	 :	 six	
médecins	en	comptant	son	chef,	un	pharmacien,	deux	officiers	d'administration,	trente-
huit	infirmiers,	dix	conducteurs	pour	les	six	voitures	à	deux	chevaux	et	vingt	brancards8.	
A	 partir	 de	 la	 fin	 de	 l'année	 1915,	 deux,	 voire	 trois	 ambulances	 sont	 attribuées	 à	 la	
division	 en	 fonction	 de	 son	 action	 et	 des	 pertes	 envisagées.	 Le	 service	 de	 santé	
divisionnaire	comprend	aussi	une	section	d'hospitalisation	et	un	groupe	de	brancardiers	
divisionnaire	 ou	 G.B.D.	 qui	 comporte	 entre	 autres	 et	 initialement	 cent-trente-deux	
brancardiers.	On	part	pour	une	guerre	courte	et	des	pertes	restreintes,	surtout	dues	aux	
balles	et	non	aux	éclats	d’obus,	perspectives	que	les	évènements	vont	très	rapidement	
infirmer...		
	
La	guerre	sur	le	front	meusien	
	
La	IIIe	armée	se	déploie	dans	la	Woëvre	pour	surveiller	Metz	et	Thionville.	Du	3	au	14	
août,	transporté	dans	sa	partie	méridionale,	le	6e	corps	d'armée	participe	aux	opérations	
de	 couverture	 puis	 se	 concentre	 jusqu'au	 21	 dans	 la	 région	 de	 Fresnes-en-Woêvre	 et	
d'Etain.		
	
Henri	Cordebard	participe	avec	son	ambulance	aux	mouvements	et	combats	du	corps	
d'armée.	 Dans	 ses	 souvenirs,	 il	 écrit	 qu'avec	 l'ambulance	 14/69,	 il	 est	 dans	 la	 Région	
fortifiée	 de	 Verdun	 pendant	 la	 bataille	 de	 la	 Marne,	 puis	 à	 Dugny	 (sur-Meuse)	 dans	
l'hôpital	 pour	 «	éclopés	 et	 récupérables	».	 Le	 séjour	 s'y	 prolonge	 au	 cours	 de	 l'année	
1915	où	il	parle	«	d'inaction	du	front	local	et	de	la	stagnation	des	ambulances	»	dont	le	
personnel	effectue	des	travaux	d'assainissement	:	enlèvement	des	fumiers	et	nettoyage	
des	granges.	Ce	sont	fréquemment	les	pharmaciens	qui	supervisent	ces	besognes.	Dans	
un	extrait	de	lettre	qui	figure	dans	la	thèse	d'Hèlène	Freund10,	il	écrit	:	«	du	2	août	1914	
au	21	septembre	1915,	j'appartenais	à	l'ambulance	divisionnaire	14/6,	dans	la	Meuse,	
en	 contact	 permanent	 avec	 les	 régiments	 d'infanterie	 dont	 nous	 avons	 ramassé	 et	
évacué	 les	 blessés	 pendant	 la	 bataille	 de	 la	 Marne	 autour	 de	 Verdun,	 puis	 soigné	 les	
malades	 et	 petits	 blessés	 à	 Dugny,	 Génicourt	 (sur-Meuse),	 Villers-sur-Meuse,	 etc.,	
villages	fréquemment	bombardés,	jusqu'au	20	septembre	1915	»11.			
	
Dans	son	ambulance,	il	s'intéresse	à	l'organisation	du	Service	de	santé	en	campagne,	et	
c'est	 ainsi	 qu'il	 est	 le	 co-auteur,	 avec	 le	 pharmacien	 aide-major	 Loison,	 qui	 est	 sans	
doute	lui	aussi	affecté	à	cette	ambulance,	d'une	publication	sur	ce	sujet,	qui	paraît	au
début	de	l'année	1915	dans	le	Bulletin	des	sciences	pharmacologiques12.	Il	s'y	trouve	une	
photographie,	de	mauvaise	qualité	malheureusement,	qui	a	peut-être	été	prise	par	lui	
dans	 l'église	 de	 Dugny,	 transformée	 en	 ambulance	 (figure	 2).	 Cette	 publication	 est	
l'occasion	 de	 consacrer	 plusieurs	 pages	 à	 l'organisation	 et	 au	 fonctionnement	 de	 la	
formation,	 au	 rôle	 des	 différents	 personnels,	 et	 de	 faire	 des	 propositions	 sur	 les	
dotations	en	matériels,	accessoires	et	surtout	médicaments	qui	pourraient	être	utiles	et	
permettraient	 de	 mieux	 utiliser	 le	 pharmacien	 aide-major	 et	 les	 éventuels	 étudiants	
employés	comme	infirmiers.	La	croyance	en	une	guerre	courte	ne	conduisait	pas	à	cette	
réflexion,	mais	le	désastre	sanitaire	de	1914	amène	le	gouvernement	à	des	décisions	qui	
vont	 dans	 ce	 sens,	 mais	 que	 le	 commandement	 répugne	 longtemps	 à	 admettre	 et	 à	
mettre	en	oeuvre.	
	
	
Figure	2	:	une	église,	sans	doute	celle	de	Dugny,	transformée	en	ambulance		
(Bulletin	des	sciences	pharmacologiques,	référence	n°	12,	p.	17)	
	
La	lecture	des	carnets	de	guerre	du	médecin-major	Beyne13	apporte	un	éclairage	sur	ce	
qui	se	passe	jour	après	jour	pendant	toute	la	guerre	sur	le	front	et	dans	les	lieux	où	se	
trouve	aussi	Cordebard	:	la	ligne	des	contacts	et	le	relevage	des	blessés,	les	premiers	
soins,	 les	 déplacements	 des	 unités,	 les	 villages,	 les	 camps,	 etc.	 En	 effet,	 Beyne	 est	
mobilisé	avec	la	67e	division	de	réserve	que	Cordebard	rejoint	en	septembre	1915.		
	
En	août	1915,	alors	que	le	corps	d'armée	est	retiré	du	front	et	mis	au	repos	près	de	
Vavincourt,	à	quelques	kilomètres	de	Bar-le-Duc,	et	que	lui-même	est	à	Domrémy,	il	fait	
une	 demande	 directe	 à	 «	Monsieur	 le	 Médecin	 inspecteur	 général	»,	 écrit-il	 sans	 le	
nommer14,	 en	 vue	 de	 recevoir	 «	une	 affectation	 technique	 plus	 rationnelle	».	 Il	 a	 la	
chance	d'être	désigné	quelques	jours	plus	tard	pour	le	laboratoire	de	toxicologie	de	la	
67e	division	d'infanterie.	Les	laboratoires	de	toxicologie	ont	commencé	à	fonctionner	en	
juillet.	
		
L'affectation	à	la	67e	division	d'infanterie	
	
La	67e	D.I.15	est	une	division	de	réserve	qui	a	été	mise	sur	pied	à	la	mobilisation	en	17e	
région	militaire	(Toulouse)	avec	six	régiments	d'infanterie	de	réserve,	l'équivalent	d'un	
régiment	d'artillerie	et	des	éléments	de	cavalerie	et	du	génie.	Son	rattachement	varie	
beaucoup	 au	 cours	 du	 conflit.	 Isolée	 et	 à	 la	 disposition	 du	 ministre	 au	 moment	 de	 la	
mobilisation,	elle	fait	ensuite	partie	du	3e	groupe	de	divisions	de	réserve	qui	est	rattaché	
à	la	IIIe	armée	d'août	à	novembre	1914,	puis	au	6e	corps	d'armée	de	janvier	à	septembre	
1915.	Elle	est	ensuite,	selon	les	moments,	isolée	ou	attachée	à	un	corps	d'armée.	Enfin,	
du	10	août	1915	au	25	février	1916,	son	rattachement	est	la	Région	fortifiée	de	Verdun.
Au	 moment	 où,	 le	 22	 septembre	 1915,	 Cordebard	 est	 affecté	 au	 laboratoire	 de	
toxicologie,	la	division	appartient	au	17e	corps	d'armée	et	est	commandée	par	le	général	
de	 brigade	 Aimé.	 Cordebard	 va	 rester	 affecté	 au	 laboratoire	 jusqu'au	 22	 juillet	 1917.	
Cette	 structure	 de	 deux	 personnes	 est	 rattachée	 au	 G.B.D.	 et	 donc	 directement	 au	
médecin-chef	divisionnaire,		
	
Suivons	la	division	pendant	que	Cordebard	y	est	présent.	Au	moment	où	il	y	arrive,	elle	
occupe	un	secteur	meusien	qu'il	a	déjà	fréquenté	:	entre	Seuzey	et	Koeur-la-Grande	face	
au	saillant	de	Saint-Mihiel,	et,	à	partir	du	27	juillet,	depuis	Vaux-lès-Palameix.	Au	repos	
et	à	l'instruction	du	16	janvier	au	10	février	1916,	la	division	occupe	alors	un	secteur	
entre	la	Meuse	et	Béthincourt	au	nord-ouest	de	Verdun	et	elle	se	trouve	engagée	lors	de	
l'attaque	allemande	du	21	février.	Cordebard	cite	les	noms	d'Amians	(un	lieu-dit	?)	et	
Chattancourt	à	propos	de	ce	jour	d'attaque	et	il	note	la	période	du	21	au	28	février	où	la	
division	est	engagée.	Début	mars,	les	combats	ont	lieu	au	bois	des	Corbeaux	(au	nord	de	
Cumières),	à	Béthincourt,	Forges	(sur-Meuse)	et	au	Mort-Homme.	Retirée	du	front	le	12	
mars,	 elle	 est	 transportée	 en	 Champagne	 vers	 Bétheny	 et	 La	 Neuvillette,	 au	 nord	 de	
Reims,	où	elle	séjourne	jusqu'au	22	août.		
	
Après	 quelques	 jours	 de	 repos	 vers	 Revigny-sur-Ornain,	 elle	 repart	 en	 direction	 de	
Verdun	:	Belrupt	(en-Verdunois)	et	Deuxnouds-devant-Beauzée,	puis	 le	bois	de	Vaux-
Chapitre	 (entre	 Fleury-devant-Douaumont	 et	 le	 fort	 de	 Vaux)	 et	 Thiaumont	 (au	 sud-
ouest	de	Douaumont)	jusqu'au	22	septembre.	Après	un	bref	moment	de	repos,	elle	est	
transportée	 dans	 la	 région	 de	 Toul	 où	 elle	 prend	 en	 charge	 le	 secteur	 compris	 entre	
Limey	 (aujourd'hui	 Limey-Remenauville)	 et	 la	 Moselle,	 c'est-à-dire	 le	 côté	 de	 Pont-à-
Mousson	du	célèbre	saillant	de	Saint-Mihiel.	Le	laboratoire	de	toxicologie	est	installé	à	
Bois-le-Prêtre	selon	les	notes	de	Cordebard.	La	division	reste	là	jusqu'au	30	juin	1917,	
jour	où	elle	est	transportée	au	camp	de	Saffais	(entre	Saint-Nicolas-de-Port	et	Bayon,	
dans	 le	 Vermois),	 pour	 repos	 et	 instruction.	 Enfin,	 à	 partir	 du	 18	 juillet,	 elle	 est	
acheminée	dans	la	région	de	Villers-Cotterêts	(Aisne).	Son	mouvement	s'achève	le	19	
août	au	moment	où	Cordebard	est	muté	dans	la	région	de	Nancy.						
	
Le	 responsable	 du	 laboratoire	 est	 le	 pharmacien	 aide-major	 de	 1e	 classe	 (lieutenant)	
Henry	Pénau16	qui	raconte	l'arrivée	de	son	nouvel	adjoint17	:	«	C'était	par	un	bel	après-
midi	d'été	(...)	dans	ce	petit	village	de	Courouvre	que	je	connaissais	depuis	longtemps	
déjà,	pour	y	avoir	maintes	fois	cantonné	;	je	vis	arriver	vers	moi	un	grand	jeune	homme	
élancé,	 qui	 se	 présentait	 comme	 adjoint	 au	 pharmacien	 aide-major	 que	 j'étais	 moi-
même	».	
	
Les	laboratoires	de	toxicologie18	ont	été	créés	à	l'échelon	de	chaque	division	en	vue	de	
l'analyse	chimique	et	toxicologique	des	eaux	de	boisson	et	de	la	surveillance	de	l'hygiène	
des	cantonnements.	Comme	la	guerre	de	position	s'est	imposée,	le	but	de	cette	structure	
a	évolué,	et	il	est	maintenant	aussi	d'analyser	les	produits	dont	la	qualité	préoccupe	le	
commandement,	en	particulier	les	aliments	et	les	boissons	vendus	par	les	commerçants	
installés	 près	 du	 front.	 L'apparition	 de	 la	 guerre	 chimique	 avec	 des	 produits	 mortels,	
c'est-à-dire	autres	que	lacrymogènes	ou	sternutatoires,	le	22	avril	1915	dans	la	région	
d'Ypres	avec	le	(di)chlore,	conduit	ces	laboratoires	à	s'occuper	de	ce	qui	touche	à	ces	
toxiques	au	niveau	du	front,	en	association	bien	sûr	avec	les	laboratoires	des	échelons	
plus	 élevés.	 Leur	 responsabilité	 est	 confiée	 aux	 pharmaciens,	 en	 choisissant	 les	 plus	
expérimentés,	 parmi	 lesquels	 les	 réservistes	 compétents,	 majoritairement	 de
l'université,	 des	 hôpitaux	 et	 de	 l'industrie.	 Henri	 Pénau	 est	 un	 exemple	 parfait	 du	
pharmacien	 à	 désigner	 pour	 cet	 emploi.	 L'adjoint	 du	 responsable,	 qualifié	 d'aide	
chimiste,	 est	 le	 plus	 fréquemment	 un	 étudiant	 en	 pharmacie	 dont	 les	 études	 sont	
suffisamment	 avancées.	 Cordebard	 est	 aussi	 un	 candidat	 de	 choix	 puisque	 ses	 études	
sont	presque	terminées,	qu'il	est	préparateur	délégué	de	pharmacie	chimique	et	interne	
provisoire	des	hôpitaux.	Le	médecin-major	Beyne,	de	l'armée	active,	commande	le	G.B.D.	
du	 19	 décembre	 1916	 au	 27	 septembre	 191713.	 Il	 est	 donc	 certain	 que	 Cordebard	 le	
côtoie.		
	
Le	laboratoire	dispose	d'un	matériel	limité	et	doit	recourir	à	l'emprunt	et	au	système	D.	
Il	se	transporte	dans	une	charrette	et	son	chef	a	droit	à	un	cheval	pour	ses	déplacements	
en	 vue	 des	 prélèvements	 de	 projectiles,	 de	 liquides,	 de	 toxiques,	 d'objets	 souillés	 ou	
contaminés,	 de	 terre	 provenant	 des	 lieux	 d'explosion	 des	 obus,	 voire	 de	 matériels	
ennemis.	Il	s'installe	comme	il	le	peut	en	suivant	le	G.B.D.,	autant	que	possible	dans	des	
bâtiments	en	dur	qui	permettent	plus	aisément	la	pratique	des	opérations	de	chimie.	
Ultérieurement	et	à	la	suite	de	notes	émises	les	26	juillet	et	22	août	1915,	le	laboratoire	
participe	à	l'instruction	des	soldats	sur	les	questions	de	guerre	chimique,	sur	le	port	des	
moyens	 de	 protection,	 en	 leur	 faisant	 faire	 des	 exercices	 en	 chambre	 infectée	 par	 du	
chlore	 et	 en	 leur	 donnant	 confiance	 en	 leurs	 équipements.	 Le	 laboratoire	 intervient	
enfin	dans	la	réfection,	la	modification	et	la	ré-imprégnation	des	appareils	protecteurs,	
en	créant	des	ateliers	qui	utilisent	les	brancardiers	du	G.B.D.	comme	main	d'oeuvre.		
	
Pénau	 écrit19	 :	 «	Et	 ainsi	 pendant	 de	 longs	 mois,	 jusqu'en	 février	 1916,	 nous	 avons	
arpenté	dans	une	petite	voiture	de	blessés,	toutes	les	routes	de	la	Meuse,	à	la	recherche	
des	points	d'eau.	Que	nous	les	connaissions	bien	ces	petits	villages	:	Courouvre,	Dugny,	
Pierrefitte	(c'est	là	qu'est	prise	en	octobre	1915	la	photographie	du	laboratoire	-	figure	3	
-	 et	 de	 ses	 deux	 responsables),	 Nicey,	 qui	 hébergeaient	 notre	 laboratoire	 improvisé,	
tandis	que	celui-ci	s'enrichissait	peu	à	peu	des	balances	et	d'un	matériel	de	fortune,	mais	
si	utile,	encore	qu'il	n'eût	rien	de	réglementaire...	».	Une	liste	minimale	figure	dans	la	
circulaire	du	18	juin	1915	mais	ceci	est	insuffisant.	Je	dispose	de	la	liste	établie	le	31	
août	191520	pour	le	laboratoire	de	la	65e	division,	rédigé	par	son	chef,	un	pharmacien	
major	de	2e	classe,	à	Manonville	(entre	Toul	et	Pont-à-Mousson	dans	le	secteur	de	Bois-
le-Prêtre)	:	quatre	caisses	de	matériels	de	laboratoire,	quinze	appareils	respiratoires	à	
oxylithe,	 lunettes,	 sachets,	 liquide	 pour	 pulvérisateur,	 glycérine,	 eau	 distillée,	 alcool,	
pétrole,	 200	 kilogrammes	 d'hyposulfite	 et	 de	 carbonate	 de	 sodium	 pour	 préparer	 la	
solution	 neutralisante	 contre	 le	 chlore,	 planches,	 caisses	 et	 matériels	 divers,	 ce	 qui	
représente	environ	neuf	cents	kilogrammes.	A	cette	date	doit	arriver	un	stock	des	deux	
produits	chimiques	précédents	et	du	matériel	pour	prélèvements	de	gaz,	représentant	
approximativement	 la	 même	 masse,	 soit	 au	 total	 un	 peu	 plus	 de	 mille-huit-cent	
kilogrammes,	ce	qui	nécessite	une	voiture	hippomobile21.
Figure	3	:	le	laboratoire	de	toxicologie	à	Pierrefitte-sur-Aire	en	octobre	1915.		
Cordebard	est	à	droite,	et	son	chef	Henri	Pénau,	à	gauche	(archives	de	Madame	Deray)	
	
De	septembre	1915	à	janvier	1916,	le	laboratoire	procède	à	des	analyses	systématiques	
de	potabilité	des	eaux	de	consommation,	à	des	analyses	toxicologiques	puis	«	à	tous	les	
essais	 pour	 la	 lutte	 contre	 les	 gaz	 asphyxiants,	 le	 chlore	 en	 particulier,	 avec	 des	
masques	».	Le	10	février	1016,	la	division	est	envoyée	en	avant	de	Verdun,	sur	la	rive	
gauche	 de	 la	 Meuse,	 pour	 y	 creuser	 des	 tranchées	 et	 des	 boyaux.	 Dans	 les	 notes	 qui	
m'ont	 été	 confiées,	 des	 noms	 apparaissent	 :	 les	 côtes	 de	 Meuse,	 Troyon,	 Lahaymeix,	
Pierrefitte,	 Marre	 le	 15	 février	 1916.	 Cordebard	 écrit	 que	 c'est	 à	 Marre	 qu'ils	 sont	
devenus,	Pénau	et	lui,	«	brancardiers	releveurs	de	blessé	»22.	
	
L'attaque	allemande	du	21	février23	est	moins	brutale,	écrit-il,	à	l’endroit	où	se	trouve	la	
division,	que	sur	l'autre	rive.	L'artillerie	cause	de	lourdes	pertes,	ce	qui	fait	que	«	tous	
sont	employés	nuit	et	jour,	à	la	relève	des	blessés,	aux	pansements,	aux	transports	et	aux	
évacuations,	 sous	 un	 bombardement	 permanent	 jour	 et	 nuit	».	 Il	 évoque	 une	 citation	
obtenue	par	la	division	:	«	troupe	très	belle	et	très	brave	».	A	ce	propos	Pénau	écrit	:	
«	Cette	épreuve,	nous	l'avons	connue	plus	tard,	en	février	1916,	au	Morthomme,	(sic)	
lors	de	la	première	grande	offensive	allemande.	Il	ne	s'agissait	plus	alors	de	points	d'eau	
;	 il	 fallait	 aller	 à	 la	 relève	 des	 blessés,	 passer	 au	 travers	 des	 rafales	 d'artillerie,	 en	
connaître	la	périodicité	et	savoir	doubler	les	zones	non	défilées.	(...)	là	et	plus	tard	au	
fort	de	Souville	et	au	tunnel	de	Tavannes,	de	sinistre	mémoire,	l'ardeur	de	Cordebard	
était	la	même,	(...)	»24.	
	
De	mars	à	septembre,	la	division	est	progressivement	reconstituée	en	Champagne,	et	en	
particulier	à	Reims	«	où	nous	analysons	et	surveillons	la	potabilité	des	eaux	de	la	ville	».	
Nommé	au	grade	de	pharmacien	auxiliaire25,	le	12	juillet	191626,	Cordebard	conserve	la	
même	affectation.	Ce	grade	correspond	à	celui	d'adjudant	et	permet	à	ceux	qui	ne	sont	
pas	titulaires	du	diplôme	de	pharmacien	ou	qui	n'ont	pas	passé	l'examen	d'aptitude	au	
grade	 de	 pharmacien	 aide-major	 (sous-lieutenant),	 d'être	 employés	 en	 qualité	 de	
pharmacien,	 dans	 un	 grade	 convenable	 et	 avec	 une	 certaine	 autorité.	 Il	 avait	 existé	
auparavant,	avait	été	supprimé,	et	les	circonstances	l'ont	fait	rétablir	par	une	circulaire	
du	30	septembre	1915	du	sous-secrétariat	d'Etat	du	Service	de	santé27.		
	
Compte	tenu	des	secteurs	où	se	trouve	sa	division,	Cordebard	est	au	coeur	des	combats	
où	l'arme	chimique	est	employée,	et	confronté	aux	difficultés	qu'évoque	le	docteur	Paul
Voivenel28	 dans	 ses	 ouvrages	 et	 en	 particulier	 le	 célèbre	 «	Avec	 la	 67e	 division	 de	
réserve	»	 :	 l'entassement	 des	 blessés	 et	 l'encombrement	 des	 locaux,	 le	 sol	 couvert	 de	
vêtements	 rougis,	 l'odeur	 du	 sang,	 et	 par	 ailleurs	 les	 difficultés	 et	 les	 moyens	 alors	
limités	 dont	 disposent	 les	 médecins	 pour	 le	 traitement	 des	 soldats	 atteints	 d'oedème	
pulmonaire	 dû	 aux	 toxiques	 chimiques	 :	 l'ipéca	 pour	 faire	 vomir,	 la	 saignée	 et	
l'oxygène29.	En	effet,	d'après	ses	notes,	Cordebard	fait	fonction	de	médecin	auxiliaire30	
depuis	sa	nomination	au	grade	de	pharmacien	auxiliaire	et,	sur	la	demande	expresse	du	
médecin-chef	 du	 G.B.D.	 et	 du	 médecin-chef	 divisionnaire,	 il	 conserve	 son	 affectation	
dans	 cette	 unité.	 Cette	 activité	 médicale	 d'un	 pharmacien	 trouve	 son	 origine	 dans	
l'épineuse	 question	 de	 la	 répartition	 du	 personnel	 entre	 la	 zone	 des	 armées	 afin	 d'y	
garantir	le	fonctionnement	du	Service	de	santé,	et	la	zone	de	l'intérieur	qui	doit	assurer	
en	continu	l'accueil	et	le	traitement	des	blessés	et	malades	qui	lui	sont	envoyés	par	les	
armées.	Aussi	des	réductions	d'effectifs	ont-elles	lieu	à	l'avant	au	profit	de	l'arrière.		
	
Le	4	septembre	1916,	la	division	remonte	à	Verdun,	sur	la	rive	droite,	dans	le	secteur	
Souville-Tavannes.	Dans	ses	notes,	Cordebard	indique	qu'au	moment	où	le	G.B.D.	arrive	
à	Dugny,	un	ordre	du	médecin	inspecteur	de	Verdun	demande	qu'une	section	de	trente	
brancardiers	se	rende	immédiatement	au	tunnel	de	Tavannes31	où	la	division	qui	occupe	
le	secteur	manque	de	ces	personnels.	Il	appartient	à	ce	détachement	qui	se	trouve	à	21	
heures	au	lieu	dénommé	«	Cabaret	rouge	»	et,	à	21	h	15,	en	vue	de	l'entrée	du	tunnel	qui	
explose	sous	les	yeux	de	la	section.			
	
Cordebard	a	pour	ami	Marcel	Royer,	d'une	promotion	antérieure	à	la	sienne	et	qui	a	été	
reçu	 pharmacien	 le	 14	 janvier	 1916	 à	Nancy.	 Pharmacien	 auxiliaire	 lui	 aussi,	 il	
appartient	au	G.B.D.	de	la	73e	division	qui,	en	septembre	1916,	se	trouve	dans	le	secteur	
de	Verdun	comme	la	67e	division.	Le	G.B.D.	73	s'est	mis	à	l'abri	dans	le	tunnel.	Royer	doit	
partir	en	permission	mais,	comme	Cordebard	lui	a	annoncé	sa	visite	pour	la	soirée	du	4	
septembre,	 il	 reste	 là...	 Malheureusement,	 quand	 il	 arrive,	 la	 catastrophe	 vient	 de	
trouver	son	épilogue	et	Royer	a	péri	dans	l'incendie	et	les	explosions.	Cette	disparition	
est	très	vivement	ressentie	par	Cordebard	qui	écrit	:	«	Je	lui	avais	fait	donner	rendez-
vous	au	cours	d'une	arrivée	éventuelle	prévue	pour	ce	jour-là.	Le	tunnel,	miné	par	les	
Allemands,	 explosa	 quelques	 instants	 avant	 mon	 arrivée.	 Il	 y	 était...	 et	 je	 n'y	 arrivais	
qu'une	heure	après	son	explosion.	Je	ne	pense	pas	que	l'on	ait	identifié	son	corps	par	la	
suite	sous	l'effondrement	de	sa	voûte	d'entrée	».	Cordebard	se	trompe,	l'explosion	n'est	
pas	due	aux	Allemands	mais	à	l'incendie	de	bidons	d'essence	qui	entraîne	l'explosion	de	
munitions	stockées	sous	la	voûte,	l'incendie	et	la	mort	de	plus	de	cinq	cent	personnes	
semble	t-il,	dont	le	commandant	d'une	brigade,	et	beaucoup	des	personnels	du	G.B.D.	73.						
	
La	 confiance	 que	 ses	 chefs	 lui	 manifestent	 se	 retrouve	 dans	 le	 texte	 de	 la	 citation	 à	
l'ordre	de	la	division	dont	Cordebard	fait	l'objet	le	29	septembre	1916	:	«	remplit	les	
fonctions	 de	 médecin	 auxiliaire	 avec	 la	 plus	 grande	 autorité	 et	 le	 plus	 grand	
dévouement.	 Volontaire	 pour	 toutes	 les	 missions	 périlleuses,	 a	 assuré	 par	 lui-même,	
pendant	 soixante	 heures	 consécutives,	 la	 relève	 et	 le	 transport	 de	 nombreux	 blessés,	
dans	un	secteur	particulièrement	bombardé	».	Il	est	donc	décoré	de	la	croix	de	guerre	
avec	 une	 étoile	 d'argent.	 Il	 s'est	 vraisemblablement	 illustré	 à	 Tavannes	 et	 à	 Souville	
pendant	 la	 bataille	 de	 Verdun,	 où	 il	 a	 été	 volontaire	 pour	 participer	 à	 la	 relève	 des	
blessés.	 Pénau	 l'a	 indiqué	 dans	 son	 discours	 en	 193732	 et	 les	 notes	 personnelles	 de	
Cordebard	mentionnent	ces	deux	lieux.	Peut-être	s'agit-il	des	attaques	allemandes	des	
11	et	12	juillet	1916	où	les	lance-flammes	et	les	obus	chimiques	ont	été	employés.		Du	4
au	25	septembre,	la	bataille	est	encore	active,	comme	il	l'écrit	:	«	Nous	y	connaissons	des	
jours	 difficiles	 au	 cours	 desquels	 nous	 perdons	 notre	 général	 divisionnaire	 Aimé	 en	
avant	au	fort	de	Souville	et	où	personnellement,	j'ai	la	grande	joie	de	recevoir	la	croix	de	
guerre	».			
		
Henri	Cordebard	se	livre	à	des	essais	personnels	de	tolérance	aux	toxiques	de	guerre.	
Par	ses	témoignages,	nous	savons	qu'il	s'enferme	dans	une	sorte	de	poulailler	où	il	laisse	
se	 dégager	 du	 chlore	 et,	 à	 partir	 de	 1917,	 de	 l'ypérite,	 jusqu'à	 une	 concentration	
constante.	 Il	 déclenche	 alors	 un	 chronomètre	 pour	 définir	 pendant	 quelle	 durée	 il	
supporte	cette	atmosphère...	Il	sort	quand	il	ne	peut	plus	respirer	et	calcule	des	effets	de	
doses.	Mais	quelquefois	il	est	dans	un	état	tel	qu'il	faut	aller	le	chercher	!	Il	fait	aussi,	
mais	 sans	 succès	 semble	 t-il,	 des	 essais	 sur	 des	 animaux.	 C'est	 à	 la	 suite	 de	 telles	
expériences	qu'il	devient,	au	moins	en	partie,	anosmique33,	ce	qui	est	une	conséquence	
classique	de	ces	expositions.	
	
La	 bataille	 de	 Verdun	 prenant	 fin,	 la	 division	 est	 déplacée	 à	 Bois-le-Prêtre,	 dans	 le	
secteur	de	Pont-à-Mousson,	qui	est	plus	calme,	mais	où	l'hiver	est	particulièrement	rude.	
En	avril	1917,	le	chef	du	laboratoire,	Pénau,	au	front	depuis	le	début	de	la	guerre	et	père	
de	quatre	enfants,	est	muté	à	Paris	dans	un	service	affecté	à	la	lutte	contre	les	gaz.	Peu	
après,	en	juin,	Cordebard	est	envoyé	à	l'Institut	Pasteur	à	Paris	pour	y	suivre	un	stage	de	
formation	 d'une	 durée	 d'un	 mois	 consacré	 à	 la	 lutte	 contre	 les	 bactéries	 anaérobies	
susceptible	de	contaminer	les	plaies	de	guerre.		
	
Les	affectations	moins	exposées	et	la	fin	de	la	guerre	
	
Le	 23	 juillet	 1917,	à	 son	 retour	 de	 stage	 et	 selon	 ses	Titres	et	travaux,	 Cordebard	 est	
affecté	au	centre	hospitalier	de	Saint-Nicolas-de-Port,	à	une	douzaine	de	kilomètres	au	
sud	 de	 Nancy.	 La	 fiche	 qui	 lui	 est	 consacrée	 au	 Service	 historique	 de	 la	 défense34	 ne	
fournit	 aucune	 autre	 précision.	 Il	 s'agit	 très	 vraisemblablement	 de	 l'hôpital	 militaire	
complémentaire	 n°	 1435	 qui	 s'est	 installé	 dans	 le	 quartier	 Félix-Douay	qui	 constituait	
avant	la	guerre	la	garnison	du	4e	bataillon	de	chasseurs	à	pied36.	Selon	ses	notes,	il	y	
exerce	 en	 qualité	 d'aide	 bactériologiste	 jusqu'en	 novembre	 1918,	 ce	 que	 contredit	 sa	
fiche	militaire.	A	t-il	oublié	l'affectation	qui	suit	?	Est-ce	une	erreur	de	l'administration	
militaire	?		
	
Cette	 fiche	 poursuit	 donc	 en	 indiquant	 que,	 le	 11	 janvier	 1918,	 il	 passe	 au	 centre	
hospitalier	«	de	Kléber	»,	précisément	à	l'ambulance	1/59,	où	il	demeure	jusqu'au	début	
du	 mois	 de	 novembre	 1918.	 Il	 s'agit,	 selon	 toute	 vraisemblance,	 de	 la	 caserne	 Kléber	
d'Essey-les-Nancy,	érigée	peu	avant	le	conflit	pour	accueillir	le	79e	régiment	d'infanterie	
appartenant	 à	 la	 11e	 division	 de	 Nancy.	 Selon	 certaines	 sources,	 cette	 caserne	 abrite	
aussi	à	ce	moment	l'hôpital	d'armée	n°	137.	Dans	cette	ou	ces	affectations,	Cordebard	
nous	précise	que	les	praticiens	«	eurent	à	soigner	un	grand	nombre	de	malades,	dont	
beaucoup	moururent	de	la	grippe	espagnole	».		
	
Le	 6	 novembre	 1918,	 il	 est	 affecté	 à	 l'hôpital	 militaire	 Sédillot	 de	 Nancy.	 Ses	 notes	
indiquent	que,	toujours	pharmacien	auxiliaire,	il	officie	au	laboratoire	d'analyses	de	la	
20e	région	militaire	(Nancy)	où	il	reste	jusqu'à	sa	mise	en	congé	illimité,	le	20	août	1919	
selon	son	exposé	de	titres,	le	28	selon	sa	fiche.	Tout	ceci	est	un	peu	confus	car,	dans	son	
discours	de	remerciement	à	l'occasion	de	la	remise	de	sa	Légion	d'honneur38,	Cordebard
indique	:	«	Au	début	de	novembre	1918,	je	fus	retenu	par	le	pharmacien	major	Bruntz,	à	
l'occasion	d'un	examen	probatoire,	pour	organiser	à	l'Ecole	un	laboratoire	militaire	de	
préparations	galéniques	».	Or	il	se	trouve	que	Bruntz	est	le	directeur	du	laboratoire	de	
bactériologie	de	la	20e	région	en	même	temps	que	le	directeur	de	l'école	supérieure	de	
pharmacie,	et	que	ce	laboratoire,	qui	devrait	se	trouver	à	l'hôpital	Sédillot,	a	été	placé	à	
l'école	quand	l'établissement	hospitalier	a	été	dissous	le	2	mars	1916.	Bien	que	l'hôpital	
soit	ré-ouvert	le	1er	octobre	1918,	le	laboratoire	n'y	est	pas	transféré.	Dans	son	rapport	
au	recteur	relatif	à	l'année	universitaire	1918-191939,	Bruntz	indique	:	«	récemment,	le	
laboratoire	de	pharmacie	industrielle	et	le	laboratoire	de	chimie	des	étudiants	ont	été	
utilisés	pour	fabriquer,	sous	la	direction	de	M.	Bruntz,	pharmacien-major	de	1e	classe,	
les	médicaments	demandés	par	deux	armées	».	Ce	n'est	d'ailleurs	pas	la	première	fois	
que	le	laboratoire	d'enseignement	de	pharmacie	industrielle	(figure	4)	est	employé	pour	
les	besoins	militaires.		
	
	
Figure	4	:	le	laboratoire	de	pharmacie	industrielle	de	Nancy	(collection	P.	Labrude)	
	
De	son	côté,	Bruntz	connaît	Cordebard	puisqu'il	est	l'un	des	préparateurs	de	l'école	qu'il	
dirige40.	Aussi,	profitant	d'un	examen	que	ce	dernier	subit,	au	titre	des	mesures	prises	
pour	 permettre	 aux	 étudiants	 mobilisés	 de	 terminer	 au	 plus	 vite	 et	 au	 mieux	 leurs	
études41,	 il	 lui	 propose	 cette	 activité	 de	 pharmacien	 que	 celui-ci	 accepte.	 Bruntz	
demande	alors	l'affectation	d'Henri	Cordebard	dans	son	laboratoire	militaire.	Ceci	est	
cohérent	 avec	 son	 activité	 précédente	 d'aide	 bactériologiste.	 Mais	 Bruntz,	 au	 lieu	 de	
l'employer	 dans	 cette	 tâche,	 lui	 confie	 la	 direction	 de	 la	 préparation	 de	 médicaments	
galéniques	 dont	 il	 a	 la	 responsabilité.	 En	 sa	 qualité	 de	 préparateur,	 Henri	 Cordebard	
(figure	 5)	 participe	 à	 l'enseignement	 à	 partir	 du	 1er	 novembre	 1918	 et	 jusqu'à	 sa	
démobilisation	 en	 août	 1919,	 tout	 en	 terminant	 ses	 études	 de	 pharmacie	 et	 en	
poursuivant	 sa	 mission	 militaire.	 A	 la	 fin	 de	 l'année	 1918,	 il	 organise	 des	 séances	 de	
travaux	pratiques	au	profit	d'étudiants	américains	et	luxembourgeois	mobilisés42.
Figure	5	:	Henri	Cordebard	en	uniforme	en	1919	(archives	de	Madame	Deray)	
	
La	suite	est	plus	simple.	Cordebard	reste	dans	cette	affectation	jusqu'à	sa	démobilisation	
le	 20	 août	 1919	 et	 il	 termine	 entre	 temps	 ses	 études.	 Ayant	 journellement	 côtoyé	 le	
professeur	Bruntz	et	lui	ayant	vraisemblablement	donné	satisfaction,	ce	dernier,	à	qui	
incombe	 la	 reconstitution	 des	 cadres	 de	 l'école,	 lui	 fait	 une	 proposition	 d'emploi.	
Cordebard	écrit	qu'il	a	reçu	la	mission	de	ré-organiser	le	service	des	travaux	pratiques	
de	chimie	alors	qu'il	a	encore	lui-même	des	examens	à	passer...	En	1938,	à	l'occasion	de	
la	remise	de	sa	Légion	d'honneur43	et	en	présence	de	Bruntz	devenu	recteur,	Cordebard	
précise	:	«	A	ma	démobilisation,	M	le	Doyen	Bruntz	me	proposa	la	direction	des	travaux	
pratiques	de	chimie.	J'acceptais	provisoirement	en	attendant	le	jour	d'une	installation	
que	j'avais	toujours	considérée	comme	certaine,	n'ayant	jusqu'alors	jamais	songé	à	la	
carrière	universitaire	».	Comme	déjà	indiqué,	Cordebard	est	démobilisé	en	août	191944	
après	avoir	été	reçu	pharmacien	de	1e	classe	le	12	juillet45.	Il	est	nommé	chef	de	travaux	
pratiques	d'analyse	chimique	et	toxicologie	par	un	arrêté	ministériel	du	26	novembre	
191946	après	qu'un	autre	arrêté,	du	15	de	ce	même	mois,	l'a	chargé	de	remplacer	le	chef	
de	travaux	titulaire,	M.	Girardet,	en	congé	pour	raison	de	santé,	du	1er	septembre	au	30	
novembre.	
	
L'après-guerre	
	
Cordebard	ne	quitte	pas	l'école,	devenue	faculté	en	mai	1920,	contrairement	à	ce	qu'il	
pensait	 puisqu'il	 devait	 reprendre	 la	 pharmacie	 de	 Bar-le-Duc	 où	 il	 avait	 effectué	 la	
seconde	partie	de	son	stage.	Différentes	raisons,	dues	à	la	situation	de	l'après-guerre,	
l'en	empêchent.	Il	reste	chef	de	travaux	pratiques	jusqu'au	31	décembre	1941.	A	partir	
du	 10	 février	 1927	 et	 jusqu'à	 cette	 même	 année	 1941,	 il	 est	 aussi	 chargé	 du	 cours	
complémentaire	 d'analyse	 chimique.	 Il	 est	 ensuite	 chargé	 du	 service	 de	 la	 chaire	 de	
chimie	 analytique	 et	 toxicologie	 à	 compter	 du	 1er	 janvier	 194246.	 Son	 titulaire	 a	 été	
révoqué	par	le	gouvernement	de	Vichy.	
	
Conclusion
Telle	est,	brièvement	racontée,	au	travers	de	documents	officiels,	mais	aussi	de	notes	et	
de	 témoignages,	 les	 années	 de	 guerre	 de	 l'étudiant	 Henri	 Cordebard,	 presque	
pharmacien,	préparateur	délégué	et	interne	provisoire	en	juillet	1914.	Un	peu	plus	de	
cinq	années	plus	tard,	en	août	1919,	lorsqu'il	est	placé	en	«	congé	illimité	»,	il	a	été	trois	
années	 au	 front,	 dont	 deux	 comme	 soldat	 et	 une	 comme	 sous-officier	 supérieur.	 Il	 a	
ensuite	passé	une	année	dans	les	hôpitaux,	à	Saint-Nicolas-de-Port,	sans	doute	à	Essey-
les-Nancy,	et	il	a	terminé	la	guerre	dans	un	emploi	purement	pharmaceutique	à	Nancy.	
S'il	n'a	pas	été	démobilisé	rapidement,	il	a	cependant	pu	terminer	ses	études	et	obtenir	
son	 diplôme,	 avoir	 une	 activité	 pharmaceutique	 puis	 trouver	 un	 travail	 qu'il	 ne	
recherchait	pas	et	auquel	il	n'avait	pas	songé...		
	
Cette	guerre	a	bouleversé	sa	vie	puisqu'il	n'est	pas	devenu	officinal	mais	universitaire,	
qu'il	 ne	 s'est	 pas	 marié,	 qu'il	 ne	 s'est	 pas	 installé	 à	 Bar-le-Duc	 et	 qu'il	 n'a	 pas	 quitté	
Nancy.	Déjà	quelque	peu	chimiste	en	juillet	1914,	il	l'était	plus	encore	en	1919,	et	il	l'est	
resté.	 La	 méthode	 de	 dosage	 de	 l'alcool	 éthylique	 qu'il	 a	 mise	 au	 point	 en	 porte	
témoignage.	Henri	Cordebard	sort	sans	nul	doute	de	cette	épreuve	enrichi	d'un	grand	
nombre	de	connaissances	scientifiques	nouvelles	et	d'une	expérience	humaine	que	n'a	
pas	d'habitude	un	jeune	adulte	de	son	âge.	Mais	ayant	été	deux	fois	à	Verdun	et	deux	fois	
en	Champagne,	il	est	sûr	aussi	que	cette	guerre	l'a	très	profondément	marqué,	comme	
l'ont	indiqué	ceux	qui	l'ont	approché.			
	
Une	vie	marquée,	mais	aussi	une	famille	marquée...	En	effet,	les	quatre	frères	Cordebard	
sont	partis	au	combat	en	1914.	Si	Henry	en	revient	sans	avoir	été	blessé,	André	est	tué	
au	plateau	de	Craonne	le	26	mai	1917	et	Georges	meurt	en	1927,	vraisemblablement	des	
suites	de	son	intoxication	par	un	gaz	de	combat	à	Verdun	en	1916.	On	ne	s'étonne	donc	
pas	 qu'après	 tout	 cela,	 beaucoup	 des	 combattants	 n'ont	 plus	 voulu	 évoquer	 ce	 qu'ils	
avaient	vécu,	et	qu'ils	ont	souhaité,	avec	leurs	familles,	que	cela	ne	se	reproduise	pas.		
	
Bibliographie	et	notes	
	
1.	 La	 plupart	 des	 paragraphes	 ont	 été	 rédigés	 à	 partir	 de	 notes	 personnelles	 d'Henri	
Cordebard	:	carnet,	feuille	sur	la	mobilisation,	feuilles	sur	la	famille,	titres	et	travaux,	
photographies,	mis	à	la	disposition	de	l'auteur	par	Madame	Anne-Marie	Deray,	petite-
nièce	d'Henri	Cordebard.		
2.	 Freund	 (Hélène),	 Henri	 Cordebard,	 un	 pharmacien	 célèbre.	 Vie,	 oeuvre,	 dosage	 de	
l'alcool	dans	le	sang,	thèse	de	diplôme	d'Etat	de	docteur	en	pharmacie,	Nancy,	1991,	137	
p.		
3.	 Les	 études	 sont	 réorganisées	 par	 le	 décret	 du	 26	 juillet	 1909.	 Elles	 comportent	
désormais	une	année	de	stage	suivie	de	quatre	années	d'études.	Si	Cordebard	avait	opté	
pour	ce	nouveau	régime,	il	aurait	été	diplômé	au	moment	de	la	mobilisation	et	il	aurait	
pu	être	nommé	aide-major.		
4.	«	La	vie	universitaire	»,	Bulletin	de	l'Association	des	anciens	élèves	de	l'Ecole	supérieure	
de	pharmacie	de	Nancy,	1914-1920,	n°	8,	p.	47-48.	
5.		Aujourd'hui	ce	camp	est	connu	sous	le	nom	de	«	camp	de	Mourmelon	».	
6.	Les	sections	d'infirmiers	militaires	administrent	les	personnels	du	Service	de	santé	
non	titulaires	d'un	grade	d'officier.	Sauf	quelques	cas	particuliers,	il	en	existe	une	par	
corps	d'armée	et	qui	en	porte	le	numéro.	
	7.	6e	corps	d'armée,	http://fr.wikipedia.org/wiki/6e_corps_d'armée_(France),	consulté	
le	30	avril	2017.
8.	Une	division	d'infanterie	en	1914	:	c'est	quoi	?		
http://chtimiste.com/regiments/divisioncestquoi.htm,	consulté	le	30	avril	2017.	
9.	Le	journal	des	marches	et	opérations	(J.M.O.)	de	l'ambulance	14/6	est	conservé	aux	
archives	du	Service	de	santé	au	musée	du	Val-de-Grâce	à	Paris.	L'auteur	n'a	pas	pu	le	
consulter	en	raison	des	conditions	de	fonctionnement	du	service.	
10.	Freund	(Hélène),	op.	cit.,	p.	10.	
11.	 Fallon	 (Léon),	 La	 Meuse	 et	 les	 guerres,	 volume	 III	 :	 La	 Grande	 Guerre	 1914-1918,	
Dossiers	documentaires	meusiens	n°	42,	Office	central	de	coopération	à	l'école,	Bar-le-
Duc,	1986,	68	p.		
12.	Loison	(Jean)	et	Cordebard	(Henri),	«	Le	service	de	santé	en	campagne	»,	Bulletin	des	
sciences	pharmacologiques,	1915,	vol.	17,	n°	1,	p.	11-24.	
13.	Beyne	(Ouvrage	collectif	de	la	famille	de	Jules	Beyne),	Carnets	de	guerre	1914-1918	
du	médecin	major	Jules	Beyne,	Les	éditions	du	Net,	Puteaux,	2012,	324	p.		
14.	 Ce	 doit	 être	 le	 chef	 supérieur	 du	 Service	 de	 santé	 du	 corps	 d'armée,	 qui	 est	
généralement	du	grade	de	médecin	inspecteur,	c'est-à-dire	de	rang	assimilé	à	celui	de	
général	de	brigade.		
15.	67e	division	de	réserve.		
http://fr.wikipedia.org/wiki/67e_division_d'infanterie_(France),	 consulté	 le	 30	 avril	
2017.	
16.	 Vigneron	 (Maurice),	 «	Henry	 Pénau	 (1884-1970)	»,	 Annales	 pharmaceutiques	
françaises,	1973,	vol.	31,	p.	786-790.	
17.	 Discours	 prononcés	 le	 27	 octobre	 1938	 à	 l'occasion	 de	 la	 promotion	 de	 Henri	
Cordebard,	 pharmacien,	 dans	 l'Ordre	 de	 la	 Légion	 d'honneur,	 Berger-Levrault,	 Nancy-
Paris-Strasbourg,	1939,	21	p.,	photographies,	ici	p.	9.	
18.	Maucolot	(Régis),	Les	pharmaciens	dans	la	guerre	des	gaz	(1914-1918).	Généralités	-	
Saillant	 de	 Saint-Mihiel,	 thèse	 de	 diplôme	 d'Etat	 de	 docteur	 en	 pharmacie	 (sous	 la	
direction	de	P.	Labrude),	Nancy,	1996,	vol.	2,	p.	205-221	(les	laboratoires	de	toxicologie	
divisionnaires).	
19.	Penau	(Henri),	Discours	prononcés	le	27	octobre	1938...,	op.	cit.,	p.	9.	
20.	Maucolot	(Régis),	op.	cit.,	volume	3,	document	n°	43.	
21.	Latour	(Jean-Claude)	et	Vauvillier	(François),	«	Les	voitures	du	service	de	santé	»,	
Histoire	de	guerre,	blindés	&	matériel,	2015,	n°	112,	p.	9-19,	et	n°	114,	p.	9-16.	
22.	 Au	 sujet	 des	 brancardiers,	 on	 pourra	 consulter	 :	 Boucard	 B.,	 Brancardiers	 !	 Des	
soldats	de	la	Grande	Guerre,	Ysec	Editions,	Lisieux,	2015,	199	p.	
23.	 Au	 sujet	 de	 la	 bataille,	 on	 pourra	 consulter	 :	 Turbergue	 (Jean-Pierre)	 (sous	 la	
direction	de),	Les	300	jours	de	Verdun,	Editions	italiques,	Paris,	2013,	550	p.	La	bataille	
est	étudiée	jour	après	jour.			
24.	Discours	prononcés	le	27	octobre	1938...,	op.	cit.,	p.	10.		
25.	 Circulaire	 du	 30	 septembre	 1915	 du	 sous-secrétariat	 d'Etat	 du	 Service	 de	 santé	
prescrivant	 la	 nomination,	 à	 titre	 définitif	 d'emblée,	 de	 pharmaciens	 auxiliaires,	
Répertoire	de	pharmacie,	1915,	vol.	27,	p.	316.	Les	étudiants	candidats	à	ce	grade	doivent	
au	moins	être	titulaires	de	huit	inscriptions,	soit	deux	années	d'études,	et,	en	plus,	soit	
posséder	un	titre	universitaire	(licence)	ou	hospitalier	(interne),	soit	avoir	fait	fonction	
de	 pharmacien	 avec	 zèle	 et	 compétence	 pendant	 six	 mois	 ou	 avoir	 été	 cités.	 Les	
auxiliaires	peuvent	être	employés	dans	de	nombreuses	formations	dont	les	laboratoires	
de	toxicologie.	
26.	 Cordebard	 (Henri),	 Exposé	 des	 titres	 et	 des	 travaux	 scientifiques...,	 Société	
d'impressions	typographiques,	Nancy,	1944,	22	p.,	ici	p.	7.
27.	 Toraude	 (Louis	 Georges),	 «	La	 défense	 sanitaire	 des	 troupes	 combattantes.	 La	
nomination	des	pharmaciens	auxiliaires	»,	Bulletin	des	sciences	pharmacologiques,	1915,	
vol.	22,	p.	97-100	(annexes).	
28.	Voivenel	(Paul),	Avec	la	67e	Division	de	Réserve,	Librairie	des	Champs-Elysées,	Paris,	
1933-1938,	4	volumes.	Egalement	:	A	Verdun	avec	la	67e	division	de	réserve,	notes	d'un	
médecin	 major,	 de	 Paul	 Voivenel,	 préface	 de	 Gérard	 Canini,	 Presses	 universitaires	 de	
Nancy,	Nancy,	1991,	186	p.	
29.	Lestrade	(Cécile),	Un	médecin	et	son	époque	:	vie	et	oeuvre	du	docteur	Paul	Voivenel	
(1880-1975),	thèse	 de	 doctorat	 en	 médecine,	 Toulouse,	 1998,	 115	 p.,	 ici	 p.	 56-69	 :	 la	
Grande	Guerre.	Cette	thèse	est	disponible	en	ligne.	
30.	Le	remplacement	de	deux	médecins	auxiliaires	par	des	pharmaciens	auxiliaires	dans	
les	G.B.D.	est	cité	dans	le	Répertoire	de	pharmacie,	1916,	vol.	28,	p.	178.		
31.	Le	tunnel	de	la	voie	ferrée	Verdun-Etain,	long	d'un	peu	plus	d'un	kilomètres	et	large	
d'environ	 cinq	 mètres,	 sert	 d'abri	 à	 des	 états-majors	 et	 à	 des	 troupes,	 et	 de	 lieu	 de	
stockage	 de	 matériels	 et	 de	 munitions.	 De	 nos	 jours,	 l'origine	 de	 la	 catastrophe	 reste	
encore	en	partie	incomprise.	
32.	Discours	prononcés	le	27	octobre	1938...,	op.	cit.,	p.	10.	
33.	Freund	(Hélène),	op.	cit.,	p.	8-10.	
34.	 Service	 historique	 de	 la	 Défense	 (S.H.D.),	 fiche	 de	 renseignements	 sur	 la	 carrière	
militaire	d'Henri	Cordebard.	Certaines	dates	et	affectations	ne	concordent	pas	avec	ce	
qu'écrit	ou	raconte	Henri	Cordebard.	
35.	Olier	(François)	et	Quénéc'hdu	(Jean-Luc),	Hôpitaux	militaires	dans	la	guerre	1914-
1918,	Ysec	Editions,	Lisieux,	2016,	vol.	5,	p.	213.		
36.	Le	quartier	Félix-Douay	a	servi	à	l'armée	jusqu'en	1939.	Il	a	été	presque	entièrement	
démoli	et	il	n'en	subsiste	que	quelques	bâtiments	à	un	étage.	
37.	 La	 caserne	 Kléber	a	 servi	 à	 l'armée	 jusqu'à	 ces	 dernières	 années,	 en	 particulier	 à	
l'aviation	 légère	 de	 l'armée	 de	 Terre	 et	 à	 un	 centre	 mobilisateur.	 Elle	 a	 été	 en	 partie	
démolie	 en	 2014-2015	 et	 les	 bâtiments	 conservés	 ont	 été	 réhabilités	 en	 vue	 de	
nouveaux	usages.	L’ouvrage	cité	dans	la	référence	précédente	ne	connaît	aucun	centre	
hospitalier	dans	cette	caserne	au	cours	du	conflit.		
38.		Discours	prononcés	le	27	octobre	1938...,	op.	cit.,	p.	19.	
39.	Bruntz	(Louis),	dans	:	Rapport	annuel	du	conseil	de	l'université	et	comptes	rendus	des	
facultés	et	école,	années	1917-1918	et	1918-1919,	Coubé,	Nancy,	1920,	p.	146.	
40.	 Les	 membres	 du	 corps	 enseignant,	 mobilisés	 sur	 place	 ou	 non,	 quelque	 soit	 leur	
rang,	 conservent	 leur	 fonction	 pendant	 toute	 la	 durée	 de	 la	 guerre.	 C'est	 ainsi	 que	
Cordebard	est	renouvelé	en	qualité	de	préparateur	délégué	le	25	novembre	1914,	le	17	
octobre	 1915,	 le	 19	 janvier	 1916,	 le	 3	 novembre	 1917	 et	 encore	 le	 31	 octobre	 1918.	
Archives	 de	 la	 faculté	 de	 pharmacie	 de	 Nancy,	 registre	 des	 décrets	 et	 arrêtés	 de	
nomination,	de	janvier	1904	à	septembre	1950.	
41.	Lafferre	(Louis),	Instruction	pour	les	étudiants	en	pharmacie	des	classes	antérieures	
à	la	classe	1918,	qui	ont	été	sous	les	drapeaux	pendant	la	guerre,	Bulletin	des	sciences	
pharmacologiques,	1919,	vol.	24	,	p.	18.	
42.	Archives	de	la	faculté	de	pharmacie	de	Nancy,	dossier	Henri	Cordebard.		
43.	Discours	prononcés	le	27	octobre	1938...,	op.	cit.,	p.	19.	
44.	Au	sujet	de	la	démobilisation,	on	pourra	consulter	:	Cabanes	B.,	La	victoire	endeuillée	
La	sortie	de	guerre	des	soldats	français	1918-1920,	Points	Histoire	(H	498),	Editions	du	
Seuil,	Paris,	2014,	614	p.		
45.	 Archives	 de	 la	 faculté	 de	 pharmacie	 de	 Nancy,	 service	 de	 la	 scolarité,	 fiche	 de	
doctorat	d'université	d'Henri	Cordebard.
46.	 «	La	 vie	 universitaire	»,	 Bulletin	 de	 l'Association	 des	 anciens	 élèves	 de	 l'Ecole	
supérieure...,	op.	cit.,	p.	47-48.		
	
*L'auteur	 remercie	 Madame	 Anne-Marie	 Deray,	 petite	 nièce	 du	 professeur	 Henri	
Cordebard,	pour	les	photographies	et	les	documents	familiaux	qu'elle	lui	a	aimablement	
confiés.

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C3 diaporama sur août 1914
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Les personnages du Pays de Fouesnant - -phparlx28
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La Grande Guerre de l'étudiant en pharmacie nancéien Henri Cordebard.

  • 1. La Grande Guerre de l'étudiant en pharmacie nancéien Henri Cordebard Pierre Labrude professeur honoraire de l’université de Lorraine (site de Nancy), membre associé du centre régional universitaire lorrain d’histoire, membre de l’académie internationale d’histoire de la pharmacie pierre.labrude@orange.fr L'évocation de la Grande Guerre de l'étudiant en pharmacie nancéien Henri Cordebard, Meusien de Gondrecourt, est intéressante à plus d'un titre en ces années de commémoration du centenaire de ce conflit. Mobilisé dès le premier jour et ceci jusqu'en août 1919, il voit ses études interrompues alors qu'il en a validé les cinq sixièmes ; il n'est nommé pharmacien auxiliaire qu'en juillet 1916, après presque deux années passées comme soldat de 2e classe ; il ne rejoint les hôpitaux de la région nancéienne qu'en juillet 1917, soit après presque trois années passées sur le front... Cette évocation illustre aussi la diversité des emplois qui ont été attribués aux jeunes gens incorporés début août 1914 et qu'ils ont été capables d'assurer : infirmier, brancardier, aide chimiste, pharmacien auxiliaire, faisant fonction de médecin auxiliaire, aide bactériologiste. Elle met enfin en relief la difficulté qui a été la leur pour bénéficier d'un grade, par ailleurs subalterne et sans qu'il y ait eu avancement... Certes Cordebard a eu la chance de revenir de ces années sans avoir été blessé, avec une citation, et de plus riche d'une expérience scientifique et professionnelle importante et variée, mais aussi après avoir mis dix années pour obtenir son diplôme de pharmacien, et ceci sans oublier des souffrances matérielles et morales importantes : la perte d'un frère en 1917 et celle d'un ami en 1916. Pour le récit de ces années de guerre, en dehors des documents officiels, j'ai bénéficié de photographies et de notes personnelles d'Henri Cordebard qui m'ont été communiquées par sa famille1 avec l’autorisation de les publier, ainsi que de renseignements issus d'une thèse2 qui lui est consacrée et à laquelle j'ai participé. Avant 1914, les premières années et les années d'études de pharmacie Henri Cordebard est le fils de René Cordebard et de son épouse Aline Maîtrehanche, qui résident rue de la Gare à Gondrecourt. Il est le dernier des cinq fils de la famille. Né à Gondrecourt le 10 novembre 1891, il est élève de l'école du Prieuré en 1895, puis du Mont en 1896. Il obtient le certificat d'études primaires en juillet 1903 et devient pensionnaire, à partir de la cinquième, au lycée de Bar-le-Duc où, comme il l'écrit dans ses souvenirs, les résultats ne sont pas fameux mais s'améliorent dans les années qui suivent. En octobre 1907, il est en première C (latin, sciences, philosophie) (figure 1), puis, en octobre 1908, en philosophie. Il obtient le baccalauréat latin-sciences à Nancy en 1908, puis le baccalauréat philosophie, encore à Nancy, en 1909.
  • 2. Figure 1 : l'équipe de football du lycée de Bar-le-Duc en 1908 (archives de Madame Deray*) Paul Cordebard et Henri Presson (cité plus loin) sont debout, respectivement en troisième et quatrième position, tandis que Henri Cordebard est le premier assis à gauche. Se destinant à la pharmacie, il commence aussitôt son stage en optant pour le régime ancien des études3 : trois années de stage et trois années d'études dans une école supérieure comme celle de Nancy. Sa première année de stage a lieu à la pharmacie Florance de Joinville (Haute-Marne), du 20 juillet 1909 au 20 juillet 1910. Il n'en conserve pas un excellent souvenir comme il l'indique dans ses notes intimes. Les deux années qui suivent se passent à la pharmacie de M. Fageot, boulevard de La Rochelle à Bar-le-Duc (Meuse). Ce sont des amis de la famille et le stage est très agréable, d'autant plus qu'il en sait beaucoup plus que l'année précédente. Avant lui le stagiaire a été Henri Presson, originaire de Biencourt à une dizaine de kilomètres de Gondrecourt. Il est même prévu qu'Henri reprendra l'officine au terme de ses études et qu'il épousera une demoiselle de la ville... Cordebard entre donc en première année à l'Ecole supérieure de pharmacie de Nancy à l'automne 1912. Presson est délégué préparateur dans le laboratoire du professeur de chimie, Georges Favrel, et il propose son ami Cordebard comme préparateur bénévole au laboratoire de pharmacie chimique dont est responsable Auguste Sartory, chargé du cours. En seconde année (1913-1914), Henri est nommé préparateur délégué (ou suppléant) le 29 novembre 1913, en remplacement de Presson, ce qui lui assure un petit traitement4. Il obtient la médaille d'argent au prix de chimie en 19134. Puis, à l'occasion du premier concours de l'internat en pharmacie des Hospices civils de Nancy, qui a lieu le 8 décembre 19134, il est reçu troisième et devient ainsi interne provisoire à l'hôpital civil, l'actuel hôpital central. Les deux premiers, nommés internes titulaires, sont Henri Presson et Jean Duclerget. En juillet 1914, une herborisation collective a lieu en Alsace. A son retour, le 2 juillet, il a un malaise, de la fièvre, et le médecin diagnostique une menace de pneumonie qui le maintient à la chambre du 2 au 15. Il subit de ce fait le 18 juillet un examen de fin d'année spécial et individuel, puis il revient à Gondrecourt en observation médicale. La mobilisation
  • 3. La situation internationale conduit le gouvernement à décider l'envoi de l'ordre de couverture aux troupes concernées le 31 juillet avec sa mise en application ce même jour à 21 heures. Le déploiement partiel des troupes des cinq corps d'armée de couverture (2e d’Amiens, 6e de Châlons, 7e de Besançon, 20e de Nancy et 21e d’Epinal), destinés à permettre à la mobilisation de s'effectuer en sécurité, conduit au départ de Paul Cordebard, l'un des frères d'Henri. La mobilisation générale est décrétée le samedi 1er août à 15 h 45 et les affiches bien connues comportant la phrase complétée à la main : « Le premier jour de la mobilisation est le dimanche 2 août 1914 », commencent presqu'aussitôt à être placardées. Le 3 août, à 18 h 40, le gouvernement allemand déclare la guerre à la France. Les détails de la mobilisation d'Henri Cordebard sont connus avec précision par ses notes. Comme ils sont rarement exposés, je les indique ici. Cordebard, qui n'a pas encore effectué son service militaire et qui est sursitaire de la classe 1911, reçoit son fascicule de mobilisation du modèle A, le dimanche 2 août, et il quitte Gondrecourt aussitôt que possible par le train pour rejoindre le camp de Châlons5 où il est affecté à la 6e section d'infirmiers militaires6 qui y est en garnison. Il y arrive vers minuit, dans le noir et sous la pluie, et trouve une place dans une petite tente de toile, pleine de dormeurs en civil installés tête-bêche. Le lundi 3, vers cinq heures du matin, parti en reconnaissance, il croise son ami et confrère Emile Frache, qui est de Vaucouleurs, arrivé la veille, qui est déjà en tenue militaire et qui connaît un sergent à qui il a offert à boire..., puis Presson, qui a été récemment reçu pharmacien de 1e classe, arrivé lui aussi la veille et en plein jour. Ils prennent la décision de ne pas se quitter autant que faire se pourra ! Frache s'arrange pour les faire nommer à l'ambulance où il est lui-même affecté. A sept heures du matin, chacun prend son petit déjeuner avec café et pain, puis a lieu l'habillement par groupes de trente hommes, qui sont appelés par quatre de taille identique. On ne différencie que des moyens, des grands et des petits... Chacun reçoit à « vue de nez » : un pantalon, une veste, un ceinturon, une capote, un képi, des chaussures, un caleçon, deux chemises, un sac d'infanterie avec une gamelle et un quart, une cuiller et une fourchette, enfin une couverture de laine à rouler sur le sac. Une heure est accordée pour s'habiller et se présenter en tenue. L'affectation est enregistrée par un sergent-major, sur le conseil de Frache et en accord avec le sergent précité, dans la même ambulance 14/6 du 6e corps d'armée. Cette affectation est vite faite et elle concerne deux sergents, quatre caporaux, vingt-quatre appelés réservistes infirmiers, douze de visite et douze d'exploitation, ce qui est la distinction classique. L'infirmier de visite est plus qualifié que son collègue dit « d'exploitation ». Le premier participe aux soins cependant que le second s'occupe de toutes les besognes de base de la formation sanitaire. En dehors des infirmiers en cours de service militaire et qui ont été formés à cette tâche, les étudiants en médecine et en pharmacie sont fréquemment désignés pour cette activité. Vers 10 heures, six officiers parmi lesquels figurent un capitaine, un pharmacien et deux officiers d'administration font appeler et réunir tout le personnel. L'ambulance s'organise et son départ a lieu le lendemain. Henri Cordebard va rester dans cette formation jusqu'au 21 septembre 1915, soit un peu moins de quatorze mois. Bien qu'ayant validé les cinq sixièmes de ses études de pharmacie, mais n'ayant pas effectué
  • 4. son service militaire et n'ayant donc pas passé l'examen d'aptitude qui permet l'accession au grade de pharmacien aide-major, Cordebard est mobilisé comme simple soldat. Il est néanmoins dans le Service de santé, alors que d'autres sont mobilisés dans les armes... Les ambulances sont des formations sanitaires de campagne dont le second numéro, ici 6, correspond au corps d'armée auquel elles appartiennent. Elles sont rattachées directement à ce corps qui peut en attribuer aux divisions dont il est constitué. Au moment où débute la mobilisation, le 6e corps7 est commandé par le général Sarrail, qui est remplacé le 30 août par le général Verraux lorsque Sarrail prend le commandement de la IIIe armée en remplacement du général Ruffey. Il part au combat fort de deux divisions d'infanterie : la 12e de Reims et la 40e de Saint-Mihiel, auxquelles s'ajoutent différents éléments organiques dont la 6e section d'infirmiers avec les ambulances qu'elle a mises sur pied ; il est rattaché à la IIIe armée. Pour sa part, une ambulance, commandée par un médecin-major (capitaine), a alors pour effectif et moyens : six médecins en comptant son chef, un pharmacien, deux officiers d'administration, trente- huit infirmiers, dix conducteurs pour les six voitures à deux chevaux et vingt brancards8. A partir de la fin de l'année 1915, deux, voire trois ambulances sont attribuées à la division en fonction de son action et des pertes envisagées. Le service de santé divisionnaire comprend aussi une section d'hospitalisation et un groupe de brancardiers divisionnaire ou G.B.D. qui comporte entre autres et initialement cent-trente-deux brancardiers. On part pour une guerre courte et des pertes restreintes, surtout dues aux balles et non aux éclats d’obus, perspectives que les évènements vont très rapidement infirmer... La guerre sur le front meusien La IIIe armée se déploie dans la Woëvre pour surveiller Metz et Thionville. Du 3 au 14 août, transporté dans sa partie méridionale, le 6e corps d'armée participe aux opérations de couverture puis se concentre jusqu'au 21 dans la région de Fresnes-en-Woêvre et d'Etain. Henri Cordebard participe avec son ambulance aux mouvements et combats du corps d'armée. Dans ses souvenirs, il écrit qu'avec l'ambulance 14/69, il est dans la Région fortifiée de Verdun pendant la bataille de la Marne, puis à Dugny (sur-Meuse) dans l'hôpital pour « éclopés et récupérables ». Le séjour s'y prolonge au cours de l'année 1915 où il parle « d'inaction du front local et de la stagnation des ambulances » dont le personnel effectue des travaux d'assainissement : enlèvement des fumiers et nettoyage des granges. Ce sont fréquemment les pharmaciens qui supervisent ces besognes. Dans un extrait de lettre qui figure dans la thèse d'Hèlène Freund10, il écrit : « du 2 août 1914 au 21 septembre 1915, j'appartenais à l'ambulance divisionnaire 14/6, dans la Meuse, en contact permanent avec les régiments d'infanterie dont nous avons ramassé et évacué les blessés pendant la bataille de la Marne autour de Verdun, puis soigné les malades et petits blessés à Dugny, Génicourt (sur-Meuse), Villers-sur-Meuse, etc., villages fréquemment bombardés, jusqu'au 20 septembre 1915 »11. Dans son ambulance, il s'intéresse à l'organisation du Service de santé en campagne, et c'est ainsi qu'il est le co-auteur, avec le pharmacien aide-major Loison, qui est sans doute lui aussi affecté à cette ambulance, d'une publication sur ce sujet, qui paraît au
  • 5. début de l'année 1915 dans le Bulletin des sciences pharmacologiques12. Il s'y trouve une photographie, de mauvaise qualité malheureusement, qui a peut-être été prise par lui dans l'église de Dugny, transformée en ambulance (figure 2). Cette publication est l'occasion de consacrer plusieurs pages à l'organisation et au fonctionnement de la formation, au rôle des différents personnels, et de faire des propositions sur les dotations en matériels, accessoires et surtout médicaments qui pourraient être utiles et permettraient de mieux utiliser le pharmacien aide-major et les éventuels étudiants employés comme infirmiers. La croyance en une guerre courte ne conduisait pas à cette réflexion, mais le désastre sanitaire de 1914 amène le gouvernement à des décisions qui vont dans ce sens, mais que le commandement répugne longtemps à admettre et à mettre en oeuvre. Figure 2 : une église, sans doute celle de Dugny, transformée en ambulance (Bulletin des sciences pharmacologiques, référence n° 12, p. 17) La lecture des carnets de guerre du médecin-major Beyne13 apporte un éclairage sur ce qui se passe jour après jour pendant toute la guerre sur le front et dans les lieux où se trouve aussi Cordebard : la ligne des contacts et le relevage des blessés, les premiers soins, les déplacements des unités, les villages, les camps, etc. En effet, Beyne est mobilisé avec la 67e division de réserve que Cordebard rejoint en septembre 1915. En août 1915, alors que le corps d'armée est retiré du front et mis au repos près de Vavincourt, à quelques kilomètres de Bar-le-Duc, et que lui-même est à Domrémy, il fait une demande directe à « Monsieur le Médecin inspecteur général », écrit-il sans le nommer14, en vue de recevoir « une affectation technique plus rationnelle ». Il a la chance d'être désigné quelques jours plus tard pour le laboratoire de toxicologie de la 67e division d'infanterie. Les laboratoires de toxicologie ont commencé à fonctionner en juillet. L'affectation à la 67e division d'infanterie La 67e D.I.15 est une division de réserve qui a été mise sur pied à la mobilisation en 17e région militaire (Toulouse) avec six régiments d'infanterie de réserve, l'équivalent d'un régiment d'artillerie et des éléments de cavalerie et du génie. Son rattachement varie beaucoup au cours du conflit. Isolée et à la disposition du ministre au moment de la mobilisation, elle fait ensuite partie du 3e groupe de divisions de réserve qui est rattaché à la IIIe armée d'août à novembre 1914, puis au 6e corps d'armée de janvier à septembre 1915. Elle est ensuite, selon les moments, isolée ou attachée à un corps d'armée. Enfin, du 10 août 1915 au 25 février 1916, son rattachement est la Région fortifiée de Verdun.
  • 6. Au moment où, le 22 septembre 1915, Cordebard est affecté au laboratoire de toxicologie, la division appartient au 17e corps d'armée et est commandée par le général de brigade Aimé. Cordebard va rester affecté au laboratoire jusqu'au 22 juillet 1917. Cette structure de deux personnes est rattachée au G.B.D. et donc directement au médecin-chef divisionnaire, Suivons la division pendant que Cordebard y est présent. Au moment où il y arrive, elle occupe un secteur meusien qu'il a déjà fréquenté : entre Seuzey et Koeur-la-Grande face au saillant de Saint-Mihiel, et, à partir du 27 juillet, depuis Vaux-lès-Palameix. Au repos et à l'instruction du 16 janvier au 10 février 1916, la division occupe alors un secteur entre la Meuse et Béthincourt au nord-ouest de Verdun et elle se trouve engagée lors de l'attaque allemande du 21 février. Cordebard cite les noms d'Amians (un lieu-dit ?) et Chattancourt à propos de ce jour d'attaque et il note la période du 21 au 28 février où la division est engagée. Début mars, les combats ont lieu au bois des Corbeaux (au nord de Cumières), à Béthincourt, Forges (sur-Meuse) et au Mort-Homme. Retirée du front le 12 mars, elle est transportée en Champagne vers Bétheny et La Neuvillette, au nord de Reims, où elle séjourne jusqu'au 22 août. Après quelques jours de repos vers Revigny-sur-Ornain, elle repart en direction de Verdun : Belrupt (en-Verdunois) et Deuxnouds-devant-Beauzée, puis le bois de Vaux- Chapitre (entre Fleury-devant-Douaumont et le fort de Vaux) et Thiaumont (au sud- ouest de Douaumont) jusqu'au 22 septembre. Après un bref moment de repos, elle est transportée dans la région de Toul où elle prend en charge le secteur compris entre Limey (aujourd'hui Limey-Remenauville) et la Moselle, c'est-à-dire le côté de Pont-à- Mousson du célèbre saillant de Saint-Mihiel. Le laboratoire de toxicologie est installé à Bois-le-Prêtre selon les notes de Cordebard. La division reste là jusqu'au 30 juin 1917, jour où elle est transportée au camp de Saffais (entre Saint-Nicolas-de-Port et Bayon, dans le Vermois), pour repos et instruction. Enfin, à partir du 18 juillet, elle est acheminée dans la région de Villers-Cotterêts (Aisne). Son mouvement s'achève le 19 août au moment où Cordebard est muté dans la région de Nancy. Le responsable du laboratoire est le pharmacien aide-major de 1e classe (lieutenant) Henry Pénau16 qui raconte l'arrivée de son nouvel adjoint17 : « C'était par un bel après- midi d'été (...) dans ce petit village de Courouvre que je connaissais depuis longtemps déjà, pour y avoir maintes fois cantonné ; je vis arriver vers moi un grand jeune homme élancé, qui se présentait comme adjoint au pharmacien aide-major que j'étais moi- même ». Les laboratoires de toxicologie18 ont été créés à l'échelon de chaque division en vue de l'analyse chimique et toxicologique des eaux de boisson et de la surveillance de l'hygiène des cantonnements. Comme la guerre de position s'est imposée, le but de cette structure a évolué, et il est maintenant aussi d'analyser les produits dont la qualité préoccupe le commandement, en particulier les aliments et les boissons vendus par les commerçants installés près du front. L'apparition de la guerre chimique avec des produits mortels, c'est-à-dire autres que lacrymogènes ou sternutatoires, le 22 avril 1915 dans la région d'Ypres avec le (di)chlore, conduit ces laboratoires à s'occuper de ce qui touche à ces toxiques au niveau du front, en association bien sûr avec les laboratoires des échelons plus élevés. Leur responsabilité est confiée aux pharmaciens, en choisissant les plus expérimentés, parmi lesquels les réservistes compétents, majoritairement de
  • 7. l'université, des hôpitaux et de l'industrie. Henri Pénau est un exemple parfait du pharmacien à désigner pour cet emploi. L'adjoint du responsable, qualifié d'aide chimiste, est le plus fréquemment un étudiant en pharmacie dont les études sont suffisamment avancées. Cordebard est aussi un candidat de choix puisque ses études sont presque terminées, qu'il est préparateur délégué de pharmacie chimique et interne provisoire des hôpitaux. Le médecin-major Beyne, de l'armée active, commande le G.B.D. du 19 décembre 1916 au 27 septembre 191713. Il est donc certain que Cordebard le côtoie. Le laboratoire dispose d'un matériel limité et doit recourir à l'emprunt et au système D. Il se transporte dans une charrette et son chef a droit à un cheval pour ses déplacements en vue des prélèvements de projectiles, de liquides, de toxiques, d'objets souillés ou contaminés, de terre provenant des lieux d'explosion des obus, voire de matériels ennemis. Il s'installe comme il le peut en suivant le G.B.D., autant que possible dans des bâtiments en dur qui permettent plus aisément la pratique des opérations de chimie. Ultérieurement et à la suite de notes émises les 26 juillet et 22 août 1915, le laboratoire participe à l'instruction des soldats sur les questions de guerre chimique, sur le port des moyens de protection, en leur faisant faire des exercices en chambre infectée par du chlore et en leur donnant confiance en leurs équipements. Le laboratoire intervient enfin dans la réfection, la modification et la ré-imprégnation des appareils protecteurs, en créant des ateliers qui utilisent les brancardiers du G.B.D. comme main d'oeuvre. Pénau écrit19 : « Et ainsi pendant de longs mois, jusqu'en février 1916, nous avons arpenté dans une petite voiture de blessés, toutes les routes de la Meuse, à la recherche des points d'eau. Que nous les connaissions bien ces petits villages : Courouvre, Dugny, Pierrefitte (c'est là qu'est prise en octobre 1915 la photographie du laboratoire - figure 3 - et de ses deux responsables), Nicey, qui hébergeaient notre laboratoire improvisé, tandis que celui-ci s'enrichissait peu à peu des balances et d'un matériel de fortune, mais si utile, encore qu'il n'eût rien de réglementaire... ». Une liste minimale figure dans la circulaire du 18 juin 1915 mais ceci est insuffisant. Je dispose de la liste établie le 31 août 191520 pour le laboratoire de la 65e division, rédigé par son chef, un pharmacien major de 2e classe, à Manonville (entre Toul et Pont-à-Mousson dans le secteur de Bois- le-Prêtre) : quatre caisses de matériels de laboratoire, quinze appareils respiratoires à oxylithe, lunettes, sachets, liquide pour pulvérisateur, glycérine, eau distillée, alcool, pétrole, 200 kilogrammes d'hyposulfite et de carbonate de sodium pour préparer la solution neutralisante contre le chlore, planches, caisses et matériels divers, ce qui représente environ neuf cents kilogrammes. A cette date doit arriver un stock des deux produits chimiques précédents et du matériel pour prélèvements de gaz, représentant approximativement la même masse, soit au total un peu plus de mille-huit-cent kilogrammes, ce qui nécessite une voiture hippomobile21.
  • 8. Figure 3 : le laboratoire de toxicologie à Pierrefitte-sur-Aire en octobre 1915. Cordebard est à droite, et son chef Henri Pénau, à gauche (archives de Madame Deray) De septembre 1915 à janvier 1916, le laboratoire procède à des analyses systématiques de potabilité des eaux de consommation, à des analyses toxicologiques puis « à tous les essais pour la lutte contre les gaz asphyxiants, le chlore en particulier, avec des masques ». Le 10 février 1016, la division est envoyée en avant de Verdun, sur la rive gauche de la Meuse, pour y creuser des tranchées et des boyaux. Dans les notes qui m'ont été confiées, des noms apparaissent : les côtes de Meuse, Troyon, Lahaymeix, Pierrefitte, Marre le 15 février 1916. Cordebard écrit que c'est à Marre qu'ils sont devenus, Pénau et lui, « brancardiers releveurs de blessé »22. L'attaque allemande du 21 février23 est moins brutale, écrit-il, à l’endroit où se trouve la division, que sur l'autre rive. L'artillerie cause de lourdes pertes, ce qui fait que « tous sont employés nuit et jour, à la relève des blessés, aux pansements, aux transports et aux évacuations, sous un bombardement permanent jour et nuit ». Il évoque une citation obtenue par la division : « troupe très belle et très brave ». A ce propos Pénau écrit : « Cette épreuve, nous l'avons connue plus tard, en février 1916, au Morthomme, (sic) lors de la première grande offensive allemande. Il ne s'agissait plus alors de points d'eau ; il fallait aller à la relève des blessés, passer au travers des rafales d'artillerie, en connaître la périodicité et savoir doubler les zones non défilées. (...) là et plus tard au fort de Souville et au tunnel de Tavannes, de sinistre mémoire, l'ardeur de Cordebard était la même, (...) »24. De mars à septembre, la division est progressivement reconstituée en Champagne, et en particulier à Reims « où nous analysons et surveillons la potabilité des eaux de la ville ». Nommé au grade de pharmacien auxiliaire25, le 12 juillet 191626, Cordebard conserve la même affectation. Ce grade correspond à celui d'adjudant et permet à ceux qui ne sont pas titulaires du diplôme de pharmacien ou qui n'ont pas passé l'examen d'aptitude au grade de pharmacien aide-major (sous-lieutenant), d'être employés en qualité de pharmacien, dans un grade convenable et avec une certaine autorité. Il avait existé auparavant, avait été supprimé, et les circonstances l'ont fait rétablir par une circulaire du 30 septembre 1915 du sous-secrétariat d'Etat du Service de santé27. Compte tenu des secteurs où se trouve sa division, Cordebard est au coeur des combats où l'arme chimique est employée, et confronté aux difficultés qu'évoque le docteur Paul
  • 9. Voivenel28 dans ses ouvrages et en particulier le célèbre « Avec la 67e division de réserve » : l'entassement des blessés et l'encombrement des locaux, le sol couvert de vêtements rougis, l'odeur du sang, et par ailleurs les difficultés et les moyens alors limités dont disposent les médecins pour le traitement des soldats atteints d'oedème pulmonaire dû aux toxiques chimiques : l'ipéca pour faire vomir, la saignée et l'oxygène29. En effet, d'après ses notes, Cordebard fait fonction de médecin auxiliaire30 depuis sa nomination au grade de pharmacien auxiliaire et, sur la demande expresse du médecin-chef du G.B.D. et du médecin-chef divisionnaire, il conserve son affectation dans cette unité. Cette activité médicale d'un pharmacien trouve son origine dans l'épineuse question de la répartition du personnel entre la zone des armées afin d'y garantir le fonctionnement du Service de santé, et la zone de l'intérieur qui doit assurer en continu l'accueil et le traitement des blessés et malades qui lui sont envoyés par les armées. Aussi des réductions d'effectifs ont-elles lieu à l'avant au profit de l'arrière. Le 4 septembre 1916, la division remonte à Verdun, sur la rive droite, dans le secteur Souville-Tavannes. Dans ses notes, Cordebard indique qu'au moment où le G.B.D. arrive à Dugny, un ordre du médecin inspecteur de Verdun demande qu'une section de trente brancardiers se rende immédiatement au tunnel de Tavannes31 où la division qui occupe le secteur manque de ces personnels. Il appartient à ce détachement qui se trouve à 21 heures au lieu dénommé « Cabaret rouge » et, à 21 h 15, en vue de l'entrée du tunnel qui explose sous les yeux de la section. Cordebard a pour ami Marcel Royer, d'une promotion antérieure à la sienne et qui a été reçu pharmacien le 14 janvier 1916 à Nancy. Pharmacien auxiliaire lui aussi, il appartient au G.B.D. de la 73e division qui, en septembre 1916, se trouve dans le secteur de Verdun comme la 67e division. Le G.B.D. 73 s'est mis à l'abri dans le tunnel. Royer doit partir en permission mais, comme Cordebard lui a annoncé sa visite pour la soirée du 4 septembre, il reste là... Malheureusement, quand il arrive, la catastrophe vient de trouver son épilogue et Royer a péri dans l'incendie et les explosions. Cette disparition est très vivement ressentie par Cordebard qui écrit : « Je lui avais fait donner rendez- vous au cours d'une arrivée éventuelle prévue pour ce jour-là. Le tunnel, miné par les Allemands, explosa quelques instants avant mon arrivée. Il y était... et je n'y arrivais qu'une heure après son explosion. Je ne pense pas que l'on ait identifié son corps par la suite sous l'effondrement de sa voûte d'entrée ». Cordebard se trompe, l'explosion n'est pas due aux Allemands mais à l'incendie de bidons d'essence qui entraîne l'explosion de munitions stockées sous la voûte, l'incendie et la mort de plus de cinq cent personnes semble t-il, dont le commandant d'une brigade, et beaucoup des personnels du G.B.D. 73. La confiance que ses chefs lui manifestent se retrouve dans le texte de la citation à l'ordre de la division dont Cordebard fait l'objet le 29 septembre 1916 : « remplit les fonctions de médecin auxiliaire avec la plus grande autorité et le plus grand dévouement. Volontaire pour toutes les missions périlleuses, a assuré par lui-même, pendant soixante heures consécutives, la relève et le transport de nombreux blessés, dans un secteur particulièrement bombardé ». Il est donc décoré de la croix de guerre avec une étoile d'argent. Il s'est vraisemblablement illustré à Tavannes et à Souville pendant la bataille de Verdun, où il a été volontaire pour participer à la relève des blessés. Pénau l'a indiqué dans son discours en 193732 et les notes personnelles de Cordebard mentionnent ces deux lieux. Peut-être s'agit-il des attaques allemandes des 11 et 12 juillet 1916 où les lance-flammes et les obus chimiques ont été employés. Du 4
  • 10. au 25 septembre, la bataille est encore active, comme il l'écrit : « Nous y connaissons des jours difficiles au cours desquels nous perdons notre général divisionnaire Aimé en avant au fort de Souville et où personnellement, j'ai la grande joie de recevoir la croix de guerre ». Henri Cordebard se livre à des essais personnels de tolérance aux toxiques de guerre. Par ses témoignages, nous savons qu'il s'enferme dans une sorte de poulailler où il laisse se dégager du chlore et, à partir de 1917, de l'ypérite, jusqu'à une concentration constante. Il déclenche alors un chronomètre pour définir pendant quelle durée il supporte cette atmosphère... Il sort quand il ne peut plus respirer et calcule des effets de doses. Mais quelquefois il est dans un état tel qu'il faut aller le chercher ! Il fait aussi, mais sans succès semble t-il, des essais sur des animaux. C'est à la suite de telles expériences qu'il devient, au moins en partie, anosmique33, ce qui est une conséquence classique de ces expositions. La bataille de Verdun prenant fin, la division est déplacée à Bois-le-Prêtre, dans le secteur de Pont-à-Mousson, qui est plus calme, mais où l'hiver est particulièrement rude. En avril 1917, le chef du laboratoire, Pénau, au front depuis le début de la guerre et père de quatre enfants, est muté à Paris dans un service affecté à la lutte contre les gaz. Peu après, en juin, Cordebard est envoyé à l'Institut Pasteur à Paris pour y suivre un stage de formation d'une durée d'un mois consacré à la lutte contre les bactéries anaérobies susceptible de contaminer les plaies de guerre. Les affectations moins exposées et la fin de la guerre Le 23 juillet 1917, à son retour de stage et selon ses Titres et travaux, Cordebard est affecté au centre hospitalier de Saint-Nicolas-de-Port, à une douzaine de kilomètres au sud de Nancy. La fiche qui lui est consacrée au Service historique de la défense34 ne fournit aucune autre précision. Il s'agit très vraisemblablement de l'hôpital militaire complémentaire n° 1435 qui s'est installé dans le quartier Félix-Douay qui constituait avant la guerre la garnison du 4e bataillon de chasseurs à pied36. Selon ses notes, il y exerce en qualité d'aide bactériologiste jusqu'en novembre 1918, ce que contredit sa fiche militaire. A t-il oublié l'affectation qui suit ? Est-ce une erreur de l'administration militaire ? Cette fiche poursuit donc en indiquant que, le 11 janvier 1918, il passe au centre hospitalier « de Kléber », précisément à l'ambulance 1/59, où il demeure jusqu'au début du mois de novembre 1918. Il s'agit, selon toute vraisemblance, de la caserne Kléber d'Essey-les-Nancy, érigée peu avant le conflit pour accueillir le 79e régiment d'infanterie appartenant à la 11e division de Nancy. Selon certaines sources, cette caserne abrite aussi à ce moment l'hôpital d'armée n° 137. Dans cette ou ces affectations, Cordebard nous précise que les praticiens « eurent à soigner un grand nombre de malades, dont beaucoup moururent de la grippe espagnole ». Le 6 novembre 1918, il est affecté à l'hôpital militaire Sédillot de Nancy. Ses notes indiquent que, toujours pharmacien auxiliaire, il officie au laboratoire d'analyses de la 20e région militaire (Nancy) où il reste jusqu'à sa mise en congé illimité, le 20 août 1919 selon son exposé de titres, le 28 selon sa fiche. Tout ceci est un peu confus car, dans son discours de remerciement à l'occasion de la remise de sa Légion d'honneur38, Cordebard
  • 11. indique : « Au début de novembre 1918, je fus retenu par le pharmacien major Bruntz, à l'occasion d'un examen probatoire, pour organiser à l'Ecole un laboratoire militaire de préparations galéniques ». Or il se trouve que Bruntz est le directeur du laboratoire de bactériologie de la 20e région en même temps que le directeur de l'école supérieure de pharmacie, et que ce laboratoire, qui devrait se trouver à l'hôpital Sédillot, a été placé à l'école quand l'établissement hospitalier a été dissous le 2 mars 1916. Bien que l'hôpital soit ré-ouvert le 1er octobre 1918, le laboratoire n'y est pas transféré. Dans son rapport au recteur relatif à l'année universitaire 1918-191939, Bruntz indique : « récemment, le laboratoire de pharmacie industrielle et le laboratoire de chimie des étudiants ont été utilisés pour fabriquer, sous la direction de M. Bruntz, pharmacien-major de 1e classe, les médicaments demandés par deux armées ». Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le laboratoire d'enseignement de pharmacie industrielle (figure 4) est employé pour les besoins militaires. Figure 4 : le laboratoire de pharmacie industrielle de Nancy (collection P. Labrude) De son côté, Bruntz connaît Cordebard puisqu'il est l'un des préparateurs de l'école qu'il dirige40. Aussi, profitant d'un examen que ce dernier subit, au titre des mesures prises pour permettre aux étudiants mobilisés de terminer au plus vite et au mieux leurs études41, il lui propose cette activité de pharmacien que celui-ci accepte. Bruntz demande alors l'affectation d'Henri Cordebard dans son laboratoire militaire. Ceci est cohérent avec son activité précédente d'aide bactériologiste. Mais Bruntz, au lieu de l'employer dans cette tâche, lui confie la direction de la préparation de médicaments galéniques dont il a la responsabilité. En sa qualité de préparateur, Henri Cordebard (figure 5) participe à l'enseignement à partir du 1er novembre 1918 et jusqu'à sa démobilisation en août 1919, tout en terminant ses études de pharmacie et en poursuivant sa mission militaire. A la fin de l'année 1918, il organise des séances de travaux pratiques au profit d'étudiants américains et luxembourgeois mobilisés42.
  • 12. Figure 5 : Henri Cordebard en uniforme en 1919 (archives de Madame Deray) La suite est plus simple. Cordebard reste dans cette affectation jusqu'à sa démobilisation le 20 août 1919 et il termine entre temps ses études. Ayant journellement côtoyé le professeur Bruntz et lui ayant vraisemblablement donné satisfaction, ce dernier, à qui incombe la reconstitution des cadres de l'école, lui fait une proposition d'emploi. Cordebard écrit qu'il a reçu la mission de ré-organiser le service des travaux pratiques de chimie alors qu'il a encore lui-même des examens à passer... En 1938, à l'occasion de la remise de sa Légion d'honneur43 et en présence de Bruntz devenu recteur, Cordebard précise : « A ma démobilisation, M le Doyen Bruntz me proposa la direction des travaux pratiques de chimie. J'acceptais provisoirement en attendant le jour d'une installation que j'avais toujours considérée comme certaine, n'ayant jusqu'alors jamais songé à la carrière universitaire ». Comme déjà indiqué, Cordebard est démobilisé en août 191944 après avoir été reçu pharmacien de 1e classe le 12 juillet45. Il est nommé chef de travaux pratiques d'analyse chimique et toxicologie par un arrêté ministériel du 26 novembre 191946 après qu'un autre arrêté, du 15 de ce même mois, l'a chargé de remplacer le chef de travaux titulaire, M. Girardet, en congé pour raison de santé, du 1er septembre au 30 novembre. L'après-guerre Cordebard ne quitte pas l'école, devenue faculté en mai 1920, contrairement à ce qu'il pensait puisqu'il devait reprendre la pharmacie de Bar-le-Duc où il avait effectué la seconde partie de son stage. Différentes raisons, dues à la situation de l'après-guerre, l'en empêchent. Il reste chef de travaux pratiques jusqu'au 31 décembre 1941. A partir du 10 février 1927 et jusqu'à cette même année 1941, il est aussi chargé du cours complémentaire d'analyse chimique. Il est ensuite chargé du service de la chaire de chimie analytique et toxicologie à compter du 1er janvier 194246. Son titulaire a été révoqué par le gouvernement de Vichy. Conclusion
  • 13. Telle est, brièvement racontée, au travers de documents officiels, mais aussi de notes et de témoignages, les années de guerre de l'étudiant Henri Cordebard, presque pharmacien, préparateur délégué et interne provisoire en juillet 1914. Un peu plus de cinq années plus tard, en août 1919, lorsqu'il est placé en « congé illimité », il a été trois années au front, dont deux comme soldat et une comme sous-officier supérieur. Il a ensuite passé une année dans les hôpitaux, à Saint-Nicolas-de-Port, sans doute à Essey- les-Nancy, et il a terminé la guerre dans un emploi purement pharmaceutique à Nancy. S'il n'a pas été démobilisé rapidement, il a cependant pu terminer ses études et obtenir son diplôme, avoir une activité pharmaceutique puis trouver un travail qu'il ne recherchait pas et auquel il n'avait pas songé... Cette guerre a bouleversé sa vie puisqu'il n'est pas devenu officinal mais universitaire, qu'il ne s'est pas marié, qu'il ne s'est pas installé à Bar-le-Duc et qu'il n'a pas quitté Nancy. Déjà quelque peu chimiste en juillet 1914, il l'était plus encore en 1919, et il l'est resté. La méthode de dosage de l'alcool éthylique qu'il a mise au point en porte témoignage. Henri Cordebard sort sans nul doute de cette épreuve enrichi d'un grand nombre de connaissances scientifiques nouvelles et d'une expérience humaine que n'a pas d'habitude un jeune adulte de son âge. Mais ayant été deux fois à Verdun et deux fois en Champagne, il est sûr aussi que cette guerre l'a très profondément marqué, comme l'ont indiqué ceux qui l'ont approché. Une vie marquée, mais aussi une famille marquée... En effet, les quatre frères Cordebard sont partis au combat en 1914. Si Henry en revient sans avoir été blessé, André est tué au plateau de Craonne le 26 mai 1917 et Georges meurt en 1927, vraisemblablement des suites de son intoxication par un gaz de combat à Verdun en 1916. On ne s'étonne donc pas qu'après tout cela, beaucoup des combattants n'ont plus voulu évoquer ce qu'ils avaient vécu, et qu'ils ont souhaité, avec leurs familles, que cela ne se reproduise pas. Bibliographie et notes 1. La plupart des paragraphes ont été rédigés à partir de notes personnelles d'Henri Cordebard : carnet, feuille sur la mobilisation, feuilles sur la famille, titres et travaux, photographies, mis à la disposition de l'auteur par Madame Anne-Marie Deray, petite- nièce d'Henri Cordebard. 2. Freund (Hélène), Henri Cordebard, un pharmacien célèbre. Vie, oeuvre, dosage de l'alcool dans le sang, thèse de diplôme d'Etat de docteur en pharmacie, Nancy, 1991, 137 p. 3. Les études sont réorganisées par le décret du 26 juillet 1909. Elles comportent désormais une année de stage suivie de quatre années d'études. Si Cordebard avait opté pour ce nouveau régime, il aurait été diplômé au moment de la mobilisation et il aurait pu être nommé aide-major. 4. « La vie universitaire », Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole supérieure de pharmacie de Nancy, 1914-1920, n° 8, p. 47-48. 5. Aujourd'hui ce camp est connu sous le nom de « camp de Mourmelon ». 6. Les sections d'infirmiers militaires administrent les personnels du Service de santé non titulaires d'un grade d'officier. Sauf quelques cas particuliers, il en existe une par corps d'armée et qui en porte le numéro. 7. 6e corps d'armée, http://fr.wikipedia.org/wiki/6e_corps_d'armée_(France), consulté le 30 avril 2017.
  • 14. 8. Une division d'infanterie en 1914 : c'est quoi ? http://chtimiste.com/regiments/divisioncestquoi.htm, consulté le 30 avril 2017. 9. Le journal des marches et opérations (J.M.O.) de l'ambulance 14/6 est conservé aux archives du Service de santé au musée du Val-de-Grâce à Paris. L'auteur n'a pas pu le consulter en raison des conditions de fonctionnement du service. 10. Freund (Hélène), op. cit., p. 10. 11. Fallon (Léon), La Meuse et les guerres, volume III : La Grande Guerre 1914-1918, Dossiers documentaires meusiens n° 42, Office central de coopération à l'école, Bar-le- Duc, 1986, 68 p. 12. Loison (Jean) et Cordebard (Henri), « Le service de santé en campagne », Bulletin des sciences pharmacologiques, 1915, vol. 17, n° 1, p. 11-24. 13. Beyne (Ouvrage collectif de la famille de Jules Beyne), Carnets de guerre 1914-1918 du médecin major Jules Beyne, Les éditions du Net, Puteaux, 2012, 324 p. 14. Ce doit être le chef supérieur du Service de santé du corps d'armée, qui est généralement du grade de médecin inspecteur, c'est-à-dire de rang assimilé à celui de général de brigade. 15. 67e division de réserve. http://fr.wikipedia.org/wiki/67e_division_d'infanterie_(France), consulté le 30 avril 2017. 16. Vigneron (Maurice), « Henry Pénau (1884-1970) », Annales pharmaceutiques françaises, 1973, vol. 31, p. 786-790. 17. Discours prononcés le 27 octobre 1938 à l'occasion de la promotion de Henri Cordebard, pharmacien, dans l'Ordre de la Légion d'honneur, Berger-Levrault, Nancy- Paris-Strasbourg, 1939, 21 p., photographies, ici p. 9. 18. Maucolot (Régis), Les pharmaciens dans la guerre des gaz (1914-1918). Généralités - Saillant de Saint-Mihiel, thèse de diplôme d'Etat de docteur en pharmacie (sous la direction de P. Labrude), Nancy, 1996, vol. 2, p. 205-221 (les laboratoires de toxicologie divisionnaires). 19. Penau (Henri), Discours prononcés le 27 octobre 1938..., op. cit., p. 9. 20. Maucolot (Régis), op. cit., volume 3, document n° 43. 21. Latour (Jean-Claude) et Vauvillier (François), « Les voitures du service de santé », Histoire de guerre, blindés & matériel, 2015, n° 112, p. 9-19, et n° 114, p. 9-16. 22. Au sujet des brancardiers, on pourra consulter : Boucard B., Brancardiers ! Des soldats de la Grande Guerre, Ysec Editions, Lisieux, 2015, 199 p. 23. Au sujet de la bataille, on pourra consulter : Turbergue (Jean-Pierre) (sous la direction de), Les 300 jours de Verdun, Editions italiques, Paris, 2013, 550 p. La bataille est étudiée jour après jour. 24. Discours prononcés le 27 octobre 1938..., op. cit., p. 10. 25. Circulaire du 30 septembre 1915 du sous-secrétariat d'Etat du Service de santé prescrivant la nomination, à titre définitif d'emblée, de pharmaciens auxiliaires, Répertoire de pharmacie, 1915, vol. 27, p. 316. Les étudiants candidats à ce grade doivent au moins être titulaires de huit inscriptions, soit deux années d'études, et, en plus, soit posséder un titre universitaire (licence) ou hospitalier (interne), soit avoir fait fonction de pharmacien avec zèle et compétence pendant six mois ou avoir été cités. Les auxiliaires peuvent être employés dans de nombreuses formations dont les laboratoires de toxicologie. 26. Cordebard (Henri), Exposé des titres et des travaux scientifiques..., Société d'impressions typographiques, Nancy, 1944, 22 p., ici p. 7.
  • 15. 27. Toraude (Louis Georges), « La défense sanitaire des troupes combattantes. La nomination des pharmaciens auxiliaires », Bulletin des sciences pharmacologiques, 1915, vol. 22, p. 97-100 (annexes). 28. Voivenel (Paul), Avec la 67e Division de Réserve, Librairie des Champs-Elysées, Paris, 1933-1938, 4 volumes. Egalement : A Verdun avec la 67e division de réserve, notes d'un médecin major, de Paul Voivenel, préface de Gérard Canini, Presses universitaires de Nancy, Nancy, 1991, 186 p. 29. Lestrade (Cécile), Un médecin et son époque : vie et oeuvre du docteur Paul Voivenel (1880-1975), thèse de doctorat en médecine, Toulouse, 1998, 115 p., ici p. 56-69 : la Grande Guerre. Cette thèse est disponible en ligne. 30. Le remplacement de deux médecins auxiliaires par des pharmaciens auxiliaires dans les G.B.D. est cité dans le Répertoire de pharmacie, 1916, vol. 28, p. 178. 31. Le tunnel de la voie ferrée Verdun-Etain, long d'un peu plus d'un kilomètres et large d'environ cinq mètres, sert d'abri à des états-majors et à des troupes, et de lieu de stockage de matériels et de munitions. De nos jours, l'origine de la catastrophe reste encore en partie incomprise. 32. Discours prononcés le 27 octobre 1938..., op. cit., p. 10. 33. Freund (Hélène), op. cit., p. 8-10. 34. Service historique de la Défense (S.H.D.), fiche de renseignements sur la carrière militaire d'Henri Cordebard. Certaines dates et affectations ne concordent pas avec ce qu'écrit ou raconte Henri Cordebard. 35. Olier (François) et Quénéc'hdu (Jean-Luc), Hôpitaux militaires dans la guerre 1914- 1918, Ysec Editions, Lisieux, 2016, vol. 5, p. 213. 36. Le quartier Félix-Douay a servi à l'armée jusqu'en 1939. Il a été presque entièrement démoli et il n'en subsiste que quelques bâtiments à un étage. 37. La caserne Kléber a servi à l'armée jusqu'à ces dernières années, en particulier à l'aviation légère de l'armée de Terre et à un centre mobilisateur. Elle a été en partie démolie en 2014-2015 et les bâtiments conservés ont été réhabilités en vue de nouveaux usages. L’ouvrage cité dans la référence précédente ne connaît aucun centre hospitalier dans cette caserne au cours du conflit. 38. Discours prononcés le 27 octobre 1938..., op. cit., p. 19. 39. Bruntz (Louis), dans : Rapport annuel du conseil de l'université et comptes rendus des facultés et école, années 1917-1918 et 1918-1919, Coubé, Nancy, 1920, p. 146. 40. Les membres du corps enseignant, mobilisés sur place ou non, quelque soit leur rang, conservent leur fonction pendant toute la durée de la guerre. C'est ainsi que Cordebard est renouvelé en qualité de préparateur délégué le 25 novembre 1914, le 17 octobre 1915, le 19 janvier 1916, le 3 novembre 1917 et encore le 31 octobre 1918. Archives de la faculté de pharmacie de Nancy, registre des décrets et arrêtés de nomination, de janvier 1904 à septembre 1950. 41. Lafferre (Louis), Instruction pour les étudiants en pharmacie des classes antérieures à la classe 1918, qui ont été sous les drapeaux pendant la guerre, Bulletin des sciences pharmacologiques, 1919, vol. 24 , p. 18. 42. Archives de la faculté de pharmacie de Nancy, dossier Henri Cordebard. 43. Discours prononcés le 27 octobre 1938..., op. cit., p. 19. 44. Au sujet de la démobilisation, on pourra consulter : Cabanes B., La victoire endeuillée La sortie de guerre des soldats français 1918-1920, Points Histoire (H 498), Editions du Seuil, Paris, 2014, 614 p. 45. Archives de la faculté de pharmacie de Nancy, service de la scolarité, fiche de doctorat d'université d'Henri Cordebard.
  • 16. 46. « La vie universitaire », Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole supérieure..., op. cit., p. 47-48. *L'auteur remercie Madame Anne-Marie Deray, petite nièce du professeur Henri Cordebard, pour les photographies et les documents familiaux qu'elle lui a aimablement confiés.