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Les condamnées à mort existent aussi : lacunes
dans les normes internationales sur les
conditions de détention et de traitement des
condamnées à mort.
« La personne humaine est inviolable.
Tout être humain a droit au respect de
sa vie et à lʼintégrité physique et morale
de sa personne. Nul ne peut être privé
arbitrairement de ce droit »
Article 4
Charte africaine des droits de lʼHomme et des
peuples, 1981.
« Je suis devenue une morte vivant »
Témoigne dʼune condamnée à mort
Le 10 octobre 2021, les organisations abolitionnistes du monde entier célébreront la
19ème Journée mondiale contre la peine de mort. Cette année, la Journée mondiale est
consacrée aux femmes qui risquent dʼêtre condamnées à mort, qui ont été condamnées à
mort, qui ont été exécutées, ainsi quʼà celles qui ont été graciées ou reconnues innocentes.
Cet article essai dʼapporter quelques éléments de réflexion au débat pour améliorer les
conditions de détention et de traitement des condamnés à mort et les considérés comme
une catégorie juridique spécifique de personnes privées de liberté dans le droit
international des droits de lʼHomme. Rappelons tout simplement que nʼexiste aucune
mention des condamnés à mort dans les Règles de Mandela1
.
L'application de la peine de mort a été présente dans tout le monde, mais depuis plusieurs
décennies la plupart de pays ont aboli la peine capitale. En 2021, 141 pays ont aboli la peine
de mort dans leur législation ou en leur exécution mais 54 pays la prononcent et la
pratiquent encore. En lʼEurope la Biélorussie est le seul pays du continent qui continue à
pratiquer des exécutions, et en rapport à la politique de lutte contre la peine de mort le
Parlement européenne adopte une résolution datant de 2015 que condamne en particulier
 
1
En 1955, le premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants a
adopté lʼEnsemble des règles minima pour le traitement des détenus. Puis, en 2015, lʼAssemblée générale des
Nations Unies a élargi les règles appelées « Les Règles Nelson Mandela » en lʼhonneur du détenu sans doute le
plus célèbre du XXe siècle.
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le recours à la peine de mort comme moyen de supprimer l'opposition ou pour des motifs
tels que les croyances religieuses, l'homosexualité ou l'adultère2
, et cette année la France
commémore le quarantième anniversaire de l'abolition de la peine de mort dans la
République.
Le nombre d'exécutions recensées dans tout le monde en 2019 étaient à leur plus bas
niveau depuis au moins une décennie, un chiffre encore en baisse l'année suivante du fait
de la pandémie de Covid-19. En 2020, au moins 18 États ont procédé à des exécutions. On
estime que plus de 100 femmes ont été exécutées au cours des 10 dernières années.
A titre de synthèses des 195 pays quʼil y a au monde :
 107 États ayant aboli la peine de mort en toutes circonstances ;
 7 États ne conservant la peine de mort que pour des crimes commis en temps de guerre
et des crimes contre l'humanité ;
 27 États considérés comme abolitionnistes en pratique car n'ayant procédé à aucune
exécution ces dix dernières années et qui semblent avoir pour pratique établie de
s'abstenir de procéder à des exécutions ;
 54 États appliquant la peine de mort.
Alors que les statistiques disponibles dénombrent près de 22 000 condamnés à mort dans
le monde sur 11 millions de personnes détenues, dont au moins 500 sont femmes. Les
femmes représentent moins de 5 % de la population mondiale des personnes condamnés
à mort et moins de 5 % des exécutions.
 
2
Résolution du Parlement européen du 8 octobre 2015 sur la peine de mort (2015/2879(RSP))
https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2015-0348_FR.html
2015 2016 2017 2018 2019 2020
N Exécutions 1634 1032 993 680 657 483
0
200
400
600
800
1000
1200
1400
1600
1800
Evolution d'exécutions de peine a mort au monde
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Lʼannée 2015 a été caractérisée par une envolée spectaculaire du nombre dʼexécutions dans le monde, le plus élevé
de ces 25 dernières années. Dans son rapport sur le recours à la peine capitale dans lemonde, Amnesty International
constate que lʼArabie saoudite, lʼIran et le Pakistan ont été en grande partie responsables de cette envolée.
« Mais qu'est-ce donc que l'exécution capitale, sinon le plus prémédité des
meurtres auquel aucun forfait criminel, si calculé soit-il, ne peut être comparé ? »
Albert Camus, extrait de Réflexions sur la guillotine.
La principale préoccupation dans ce domaine est que les personnes responsables
dʼappliqué les normes de détention aux condamnées à la peine capitale ne prennent pas
en compte le contexte particulier quʼelles endurent. Les prévenus passibles de la peine de
mort subissent généralement des violations de leurs droits procéduraux et des garanties
judiciaires minimales. Sur le plan de la détention, les détenus condamnés à mort se trouvent
souvent dans des quartiers spécifiques, mais la détention dans les couloirs de la mort3
nʼest
pas systématique. Le pourcentage de femmes condamnées à mort est globalement faible,
mais varie dʼun système carcéral à lʼautre. Certains enfants sont condamnés à mort, au
mépris du droit international des droits de lʼHomme et du droit international humanitaire,
et peuvent être détenus pendant plusieurs années avant dʼatteindre leur majorité et dʼêtre
exécutés4
. Les analyses et les rapports des organisations abolitionnistes tendent à montrer
que les vulnérabilités spécifiques des condamnés et condamnées à mort ne trouvent pas
un ancrage suffisant et certaines lacunes dans le droit international des droits de lʼHomme.
Au Maroc la peine capitale est toujours en vigueur,
mais nʼest plus appliquée depuis 1993. Un total de
74 personnes condamnées à la peine capitale dont
2 femmes se trouvait en prison fin 2020, Entre
2000 et 2019, 119 condamnés à mort ont bénéficié
dʼune grâce royale et leurs peines ont été
commuées en prison à perpétuité ou en peines à
durée déterminée5
.
La législation pénale marocaine maintient la peine
de mort, et adopte une politique judiciaire tendant
à restreindre et à limiter la condamnation et
lʼexécution de cette peine. De même, la grâce
royale joue un rôle important dans le rééquilibrage
 
3
Lʼexpression « couloir de la mort » fait communément référence à la section ou quartier dʼune prison où sont
détenues les personnes condamnées à mort. Elle est une expression générique applicable même dans les pays
où il nʼexiste pas de section ou quartier spécifique pour les personnes en attente de la peine capitale.
4
Suivi de lʼinitiative concernant les conditions de détention et de traitement des condamnés à mort. NORMES
INTERNATIONALES. Publié par Nordine Drici (Planète Réfugiés)  Sandrine Ageorges-Skinner (ECPM), juin 2019.
5
Données du Conseil national des droits de lʼhomme – CNDH.
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de la politique punitive ce qui permet de déduire une évolution vers de peine de mort à
travers la réduction progressive des peines prononcées et de lʼarrêt des exécutions, et ce
alors que la peine de mort suscite des questionnements au vu du contexte international
actuel de recrudescence des crimes terroristes et du crime organisé. Si la situation actuelle
ne favorise pas lʼabolition légale de cette peine, par contre celle-ci sera possible avec le
changement des circonstances et lʼévolution progressive de lʼopinion publique, tout en
insistant sur le fait que le thème de la peine capitale doit être débattue à la lumière des
valeurs, du vécu et des spécificités de chaque société.
Selon lʼavis de hauts responsables du ministère de la justice marocain 6
, il convient de
rappeler que tous sont désormais convaincus de la nécessité de revoir la hiérarchie ainsi
que la classification des crimes, délits et peine de manière à ce quʼils sʼadaptent à la réalité
pénale actuelle et de façon à ce que la peine soit productive. Ceci implique une révision de
la réalité de la peine de mort pas forcément vers son abrogation mais en prenant en
considération toutes les orientations intellectuelles et celles des droits de lʼHomme en
ayant comme but lʼintérêt suprême du pays.
« Cette tête de l'homme du peuple, cultivez-la, défrichez-la, arrosez-la, fécondez-la,
éclairez-la, moralisez-la, utilisez-la ; vous n'aurez pas besoin de la couper. »
Victor Hugo, Claude Gueux
Dans la plupart de pays les conditions de détention et de traitement des condamnés à mort
sont particulièrement difficiles sur un certain nombre de dimensions quotidiennes de cette
forme particulière de privation de la liberté. Certaines dimensions sont insuffisamment
couvertes par le droit international, les Règles de Mandela ou les Règles de Bangkok7
.
La révision des règles de Mandela en 2015 nʼa malheureusement pas inclus de dispositions
finales spécifiques à la détention des condamnés à mort, alors que des standards
additionnels pour les mineurs et les femmes privées de liberté existent. En outre, les lignes
directrices de lʼUnion européenne sur la torture et sur la question de la peine de mort
nʼabordent pas du tout cette question de la détention des personnes condamnées à la
peine capitale, alors que le plan dʼaction de lʼUnion européenne sur les droits de lʼHomme
(2015-2019)8
comporte en son point 13(a), la nécessité de travailler à des standards
minimaux.
 
6
Entretien. https://www.cndh.org.ma/fr/bulletin-d-information/la-peine-de-mort-dans-la-legislation-marocaine
7
Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et lʼimposition de mesures non privatives de
liberté aux délinquantes. Résolution adoptée par lʼAssemblée générale le 21 décembre 2010.
https://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/BKKrules/UNODC_Bangkok_Rules_FRE_web.pdf
8
Deuxième plan d'action en faveur des droits de l'homme et de la démocratie 2015-2019.
https://www.consilium.europa.eu/media/30002/web_fr_actionplanhumanrights.pdf 
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La manque dʼaccès à lʼéducation, aux soins de santé primaire, a le sport, au travail, aux
activités courants des établissements pénitentiaires, le libre exercice de la religion et du
culte, ou le droit à la protection et a lʼintimité son droits fondamentaux des tout détenu
condamné.
Une fois que toutes les voies de recours ont été épuisées, les personnes condamnées à
mort peuvent être exécutées. Cela peut arriver sans aucune notification de la part des
autorités ou avec lʼannonce de la date de lʼexécution à lʼavance. Quʼon ne connaisse pas la
date de son exécution et puisse donc se dire chaque matin que le jour est arrivé ou, au
contraire, quʼon sache que sa propre mort est programmée avec précision, dans les deux
hypothèses, les effets psychologiques sont ravageurs.
Lʼisolement des condamnes a mort, son régime de vie, se trouve très souvent constitutif de
torture réelle, et sans fin, puisquʼun comportement irréprochable ne permet pas dʼen sortir.
Ces droits sont loin dʼêtre garanti ou proposé aux condamnés à mort dans bon nombre de
systèmes carcéraux. À titre dʼexemple, au Malawi les femmes condamnées à mort peuvent
participer aux activités de jardinage. Au Burkina Faso, les femmes détenues, y compris les
condamnées à mort, ont la possibilité de lire ce quʼelles veulent, ce qui nʼest pas le cas de
la majorité des systèmes carcéraux dans le monde. Les règles internationales ne
comportent aucune disposition spécifique sur ces thèmes concernant les condamnés à
mort.
Carte interactive : la peine de mort dans le monde - ECPM9
https://www.ecpm.org/la-peine-de-mort-dans-le-monde/
 
9
ECPM est celui dʼune association française professionnelle composée dʼadhérents, de bénévoles, de
salariés, de lutte contre la peine capitale partout dans le monde en fédérant et mobilisant les forces
abolitionnistes du monde entier, plaident dans les forums internationaux, éduquent, informent et
sensibilisent. Ils renforcent les capacités des acteurs abolitionnistes et travaillent avec eux au niveau local.
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Le syndrome du couloir de la mort est souvent utilisé pour décrire la maladie
psychologique qui survient à la suite du phénomène du couloir de la mort. C'est ici que la
relation entre le couloir de la mort et l'isolement cellulaire devient la plus aiguë. Souvent,
le couloir de la mort et l'isolement cellulaire marchent main dans la main (car beaucoup de
condamnés à mort sont envoyés à l'isolement). Le cauchemar du phénomène du couloir
de la mort est décuplé par la déshumanisation dévastatrice que l'isolement prolongé
inflige. Aujourd'hui, les études sur ce sujet ne font que confirmer le fait que l'enfermement,
lʼisolement, semblable à ce que vivent beaucoup de condamnés à mort, rendent les gens
fous. En effet, les études cliniques ont démontré que l'existence d'un syndrome du couloir
de la mort était en partie dû à quatre troubles psychiques : le sentiment d'impuissance et
de défaite, le sentiment de danger diffus, le vide émotionnel et la solitude, et le déclin de
l'acuité mentale et physique10
.
Ce pour cela que la problématique des femmes condamnées à la peine de mort est
vraiment réelle et néanmoins, très peu abordée et leurs profils peu étudiés. Les crimes pour
lesquels les femmes sont condamnées à mort révèlent des tendances liées à lʼinégalité
entre les hommes et les femmes. Le lien entre la violence contre les femmes et
lʼemprisonnement est frappant, et cʼest particulièrement vrai pour les femmes condamnées
à mort. La plupart des femmes dans les couloirs de la mort ont été condamnées à mort
pour meurtre, souvent pour le meurtre de membres de leur famille proche dans un
contexte de violence domestique. Les infractions liées à la drogue constituent la deuxième
catégorie la plus importante de crimes entraînant la peine de mort pour les femmes, en
particulier au Moyen-Orient et en Asie.
Là encore, la dynamique sexospécifique et la marginalisation des femmes sont des facteurs
importants dans la participation des femmes aux crimes liés à la drogue. Parmi les autres
infractions pour lesquelles les femmes ont été condamnées à mort figurent les atteintes
aux mœurs sexuelles, qui sont appliquées de manière discriminatoire à lʼégard des femmes,
les infractions liées au terrorisme, la sorcellerie, le blasphème, lʼenlèvement et le vol à main
armée. Comme la grande majorité des hommes condamnés à mort, les femmes en situation
de vulnérabilité sont surreprésentées dans les couloirs de la mort ; beaucoup sont
indigentes et souffrent de troubles mentaux ou de handicaps intellectuels. Les membres
de minorités raciales, ethniques ou religieuses sont particulièrement vulnérables aux
poursuites pour crimes passibles de la peine de mort. En outre, les femmes sont
confrontées à des formes croisées de discrimination fondées sur « les stéréotypes de genre,
la stigmatisation, des normes culturelles néfastes et patriarcales et la violence sexiste. »11
.
 
10
Patrick Hudson, Does the Death Row Phenomenon Violate a Prisonerʼs Human Rights under International
Law? 11 EJIL No. 4, 833- 856, (2000). 
11
Penal Reform International et Cornell Center on the Death Penalty Worldwide. Une fiche détaillée sur les
conditions de détention des femmes condamnées à mort. La recherche qui sous-tend cette publication
a été menée par le Cornell Center on the Death Penalty Worldwide. Lʼétude complète “Judged for More
Than Her Crime: A Global Overview of Women Facing the Death Penalty” (A Report of the Alice Project),
Cornell Center on the Death Penalty Worldwide, publiée en septembre 2018, est disponible sur:
bit.ly/MoreThanHerCrime.
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Les mêmes études nous disent que la majorité des femmes condamnées à mort ont subi
des traumatismes et des violences sexuelles et sexospécifiques. Les femmes qui font lʼobjet
de poursuites pénales dans un contexte de violences domestiques, en particulier, sont
victimes dʼune discrimination fondée sur le genre à de multiples niveaux. À quelques
exceptions près, les systèmes de justice pénale négligent les femmes dans de tels cas en
ignorant leur traumatisme et la dynamique de la violence domestique, comme en témoigne
une étude réalisée en 2016 sur les cas où les femmes sʼen prennent à leurs agresseurs12
.
Dans de nombreux pays, aucune loi ou mécanisme ne permet aux tribunaux de prendre en
compte les preuves de violence sexiste. De plus, les tribunaux manquent de lignes
directrices ou ne sont pas disposés à tenir compte de la victimisation.
Alors que seuls trois pays qui maintiennent la peine de mort dans leur législation interdisent
son application à toutes les femmes (Bélarus, Tadjikistan et Zimbabwe), les femmes
enceintes sont universellement exclues de lʼapplication de la peine de mort – bien que dans
certains pays elles puissent être exécutées après avoir donné naissance. Si de telles
limitations incarnent dʼimportantes normes relatives aux droits de lʼhomme, y compris le
principe de lʼintérêt supérieur de lʼenfant, il convient de noter quʼelles indiquent aussi que
la qualité pour laquelle les femmes méritent la clémence est leur lien avec la maternité. Il
nʼexiste aucune protection internationale interdisant la peine de mort pour les femmes qui
ne se conforment pas à ce rôle. Les Règles des Nations Unies concernant le traitement des
détenues et lʼimposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de
Bangkok) exigent que les tribunaux prennent en compte les circonstances atténuantes lors
de la détermination de la peine, « telles que lʼabsence dʼantécédents judiciaires et la non-
gravité relative et la nature du comportement criminel, en tenant compte des
responsabilités quʼont les intéressées en tant que dispensatrices de soins et de leur
situation particulière ». Les femmes ont tendance à rester dans les couloirs de la mort pour
des périodes de plus en plus longues dans des prisons qui ne sont pas généralement
conçues pour les femmes, et encore moins pour des femmes purgeant de longues peines.
« Je ne fais rien. Je balaie et jʼattends »
Femme condamnée à mort au Ghana
Les conditions de détention et de traitement des condamnées à mort sont particulièrement
difficiles sur un certain nombre de dimensions quotidiennes du régime de vie de privation
de la liberté. Ces points mériteraient un renforcement des garanties juridiques minimales
en matière de respect de la dignité humaine13
:
 
12
Women who kill in response to domestic violence: how do criminal justice systems respond? Penal
Reform International (PRI) et Linklaters LLP. 2016. 
13
Aucune mention des condamnés à mort dans les règles de Mandela. NORMES INTERNATIONALES.
Publié par Nordine Drici (Planète Réfugiés)  Sandrine Ageorges-Skinner (ECPM), le 30 novembre 2018.
Andreu ESTELA BARNET - Expert Senior Pénitentiaire - octobre 2021
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 Lʼaccès et le lien avec le monde extérieur
(famille, avocats, représentation diplomatique
ou consulaire) avec une vulnérabilité accrue
pour les femmes et les mineurs. Lʼenjeu est le
maintien dʼun tissu social. Certaines prisons
détenant les condamnés à mort peuvent être
à des centaines voire des milliers de
kilomètres, ce qui nʼest pas de nature à
garantir la pérennité de ses liens.
 Lʼimpact des couloirs de la mort sur les
familles. Bien que les personnes détenues
aient en principe droit aux visites de leurs
familles et proches, les prisons restent des
lieux hermétiques et peu accessibles. Les
familles peuvent faire face à des obstacles
pour rendre visite à leur proche en prison. Ces
obstacles peuvent être de différente nature. Il
sʼagit souvent de lʼéloignement géographique, mais aussi des dépenses que la visite
aux proches peut engendrer et, enfin, du stigmate et lʼostracisation sociale. En effet,
bien que la personne condamnée soit vivante, elle est considérée comme « mort
socialement ».
 La manque de personnel de santé, dʼinfrastructures, dʼaccès aux soins de santé
primaire, de fois de conditions sanitaires déplorables, manque de soins spécifiques,
en particulier le volet psychologique.
 Lʼaccès à la cour de promenade et à lʼair libre, le standard minima pour les personnes
privées de liberté étant une heure par jour. Or de nombreux condamnés à mort ont
accès à une cour intérieure qui nʼest pas à lʼair libre.
 Lʼaccès à une aide juridictionnelle gratuite et de qualité pour les procédures dʼappel
avec un accès automatique à un interprète si nécessaire.
 Lʼaccès à lʼéducation et aux activités occupationnels. À titre dʼexemple, au Malawi
les femmes condamnées à mort peuvent participer au jardinage. Au Burkina Faso,
les femmes détenues, y compris les condamnées à mort, ont la possibilité de lire ce
quʼelles veulent, ce qui nʼest pas le cas dans tous les systèmes carcéraux.
 La question de la dépouille et des effets personnels des condamnés à mort. Les
standards internationaux sont loin dʼêtre explicites sur ce sujet. Afin de pouvoir faire
leur deuil, à lʼinstar des familles de victimes de disparitions forcées qui ont été
retrouvées, les familles devraient pouvoir récupérer le corps de la personne
Andreu ESTELA BARNET - Expert Senior Pénitentiaire - octobre 2021
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exécutée, lʼintégralité de ses effets personnels, afin dʼêtre en mesure dʼoffrir les rites
funéraires.
 La question des contrôles ou inspections internes ou externes des conditions de
détentions et de traitement des condamnés à mort devraient faire lʼobjet de visites
et de rapports systématiques. Cette dimension nʼest malheureusement pas
mentionnée dans la mouture actuelle des standards internationaux.
 La question de lʼappartenance à une minorité : dans un certain nombre dʼÉtats où la
peine de mort est appliquée, le fait dʼêtre une minorité (Afghans ou Arabes Ahwaz
en Iran par exemple), constitue, en lien avec dʼautres facteurs tels que la pauvreté
ou le niveau dʼéducation, un facteur aggravant. Il en est de même pour la question
de lʼorientation sexuelle et lʼidentité de genre. Dans ce cadre, les règles de Mandela
ne sont pas assez inclusives et précises quant à lʼimpératif de non-discrimination qui
transcendent tous les traités en matière de protection des droits de lʼHomme.
 Une formation spécifique de agents pénitentiaires sur la question de la santé des
personnes condamnées à la peine capitale, et en particulier les manifestations du «
syndrome du couloir de la mort » pourrait ainsi faire lʼobjet dʼune recommandation
ou règle spécifique. La souffrance des détenus de vivre ainsi, combinée à une
incarcération prolongée et une anxiété constante due à une mort programmée
conduit parfois les gardiens à craindre pour leur propre vie14
.
 La question du rôle de médias. Cette question renvoie au rôle de sensibilisation sur
ce que sont les conditions de détention des condamnés à mort et à la sollicitation
des acteurs afin de développer les recherches sur ces aspects, dans lʼesprit de la
règle 70 des Règles de Bangkok de 2011 sur les femmes privées de liberté.
« La peine de mort est une peine immorale, ou du moins inutile, parce qu'elle
habitue le peuple au spectacle des supplices, et parce qu'elle ne répare rien ; car
malheureusement la mort du meurtrier ne rend point la vie à la victime. »
François Eugène Vidocq.
A titre de conclusion il faut réfléchir autour des points suivants : on dispose de peu de
données et dʼinformations sur les femmes condamnées à mort, leurs conditions de
détention doivent impérativement s'améliorer, malgré lʼadoption des Règles de Bangkok
sur les femmes détenues en 2010 et les Règles de Mandela ont constitué une amélioration
des conditions de détention des femmes, les femmes condamnées à mort n'existent pas
 
14
Coalition mondiale contre la peine de mort : « Conditions de vie dans les couloirs de la mort fiche
dʼinformation détaillée », 16e Journée mondiale contre la peine de mort. Octobre 2018.
https://worldcoalition.org/wp-content/uploads/2020/09/FR_fichedetaillee_JM2018-1.pdf
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sur le papier, sur la définition de leurs devoirs et de leurs droits, sur leur régime de vie donc
font partie dʼune catégorie juridique spécifique de personnes privées de liberté.
Les femmes dans les couloirs de la mort, isolées 23 heures sur 24, sans aucun contact
physique avec l'extérieur et sous surveillance vidéo nuit et jour, sont invisibles, cʼest comme
si lʼon disparaissait du jour au lendemain en tant que êtres humains et en tant que
détentrices de droits, si une femme condamnée est victime dʼune discrimination fondée
sur les stéréotypes de genre, une femme condamnée à mort encore plus. Comme l'a dit
Mohandas Gandhi « lʼœil pour œil rend le monde aveugle ».
Comme le dit aussi le proverbe ; une image vaut mille mots. Si vous aimes le cinéma, la
réalisatrice Sabrina Van Tassel, grand reporter engagée sur de nombreuses questions
sociétales, à travers sa caméra documente depuis plus de quinze ans la condition des
femmes incarcérées, la maltraitance des enfants ou le trafic sexuel des mineures. Sa
dernière réalisation quʼa sortie en salles le 15 septembre passé : LʼÉtat du Texas contre
Melissa15
, retrace l'histoire de Melissa Lucio, première femme hispanique condamnée à
mort au Texas pour avoir entraîné la mort de sa fille de deux ans malgré des preuves
édifiantes de son innocence. Mère de quatorze enfants, dans une situation précaire, elle
est victime d'une situation confuse et peu claire, qui la retiennent dans les couloirs de la
mort depuis 2007. Son dernier espoir repose désormais sur la Cour Suprême des États-
Unis.
 
15
https://www.youtube.com/watch?v=Y5H7puFMURA
https://www.ecpm.org/sabrina-van-tassel-il-faut-abolir-la-peine-de-mort-quelle-quelle-soit-et-meme-
pour-les-coupables/ 

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Les condamnées à mort existent aussi

  • 1. Andreu ESTELA BARNET - Expert Senior Pénitentiaire - octobre 2021 Page 1 sur 10   Les condamnées à mort existent aussi : lacunes dans les normes internationales sur les conditions de détention et de traitement des condamnées à mort. « La personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et à lʼintégrité physique et morale de sa personne. Nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit » Article 4 Charte africaine des droits de lʼHomme et des peuples, 1981. « Je suis devenue une morte vivant » Témoigne dʼune condamnée à mort Le 10 octobre 2021, les organisations abolitionnistes du monde entier célébreront la 19ème Journée mondiale contre la peine de mort. Cette année, la Journée mondiale est consacrée aux femmes qui risquent dʼêtre condamnées à mort, qui ont été condamnées à mort, qui ont été exécutées, ainsi quʼà celles qui ont été graciées ou reconnues innocentes. Cet article essai dʼapporter quelques éléments de réflexion au débat pour améliorer les conditions de détention et de traitement des condamnés à mort et les considérés comme une catégorie juridique spécifique de personnes privées de liberté dans le droit international des droits de lʼHomme. Rappelons tout simplement que nʼexiste aucune mention des condamnés à mort dans les Règles de Mandela1 . L'application de la peine de mort a été présente dans tout le monde, mais depuis plusieurs décennies la plupart de pays ont aboli la peine capitale. En 2021, 141 pays ont aboli la peine de mort dans leur législation ou en leur exécution mais 54 pays la prononcent et la pratiquent encore. En lʼEurope la Biélorussie est le seul pays du continent qui continue à pratiquer des exécutions, et en rapport à la politique de lutte contre la peine de mort le Parlement européenne adopte une résolution datant de 2015 que condamne en particulier   1 En 1955, le premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants a adopté lʼEnsemble des règles minima pour le traitement des détenus. Puis, en 2015, lʼAssemblée générale des Nations Unies a élargi les règles appelées « Les Règles Nelson Mandela » en lʼhonneur du détenu sans doute le plus célèbre du XXe siècle.
  • 2. Andreu ESTELA BARNET - Expert Senior Pénitentiaire - octobre 2021 Page 2 sur 10   le recours à la peine de mort comme moyen de supprimer l'opposition ou pour des motifs tels que les croyances religieuses, l'homosexualité ou l'adultère2 , et cette année la France commémore le quarantième anniversaire de l'abolition de la peine de mort dans la République. Le nombre d'exécutions recensées dans tout le monde en 2019 étaient à leur plus bas niveau depuis au moins une décennie, un chiffre encore en baisse l'année suivante du fait de la pandémie de Covid-19. En 2020, au moins 18 États ont procédé à des exécutions. On estime que plus de 100 femmes ont été exécutées au cours des 10 dernières années. A titre de synthèses des 195 pays quʼil y a au monde :  107 États ayant aboli la peine de mort en toutes circonstances ;  7 États ne conservant la peine de mort que pour des crimes commis en temps de guerre et des crimes contre l'humanité ;  27 États considérés comme abolitionnistes en pratique car n'ayant procédé à aucune exécution ces dix dernières années et qui semblent avoir pour pratique établie de s'abstenir de procéder à des exécutions ;  54 États appliquant la peine de mort. Alors que les statistiques disponibles dénombrent près de 22 000 condamnés à mort dans le monde sur 11 millions de personnes détenues, dont au moins 500 sont femmes. Les femmes représentent moins de 5 % de la population mondiale des personnes condamnés à mort et moins de 5 % des exécutions.   2 Résolution du Parlement européen du 8 octobre 2015 sur la peine de mort (2015/2879(RSP)) https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2015-0348_FR.html 2015 2016 2017 2018 2019 2020 N Exécutions 1634 1032 993 680 657 483 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 Evolution d'exécutions de peine a mort au monde
  • 3. Andreu ESTELA BARNET - Expert Senior Pénitentiaire - octobre 2021 Page 3 sur 10   Lʼannée 2015 a été caractérisée par une envolée spectaculaire du nombre dʼexécutions dans le monde, le plus élevé de ces 25 dernières années. Dans son rapport sur le recours à la peine capitale dans lemonde, Amnesty International constate que lʼArabie saoudite, lʼIran et le Pakistan ont été en grande partie responsables de cette envolée. « Mais qu'est-ce donc que l'exécution capitale, sinon le plus prémédité des meurtres auquel aucun forfait criminel, si calculé soit-il, ne peut être comparé ? » Albert Camus, extrait de Réflexions sur la guillotine. La principale préoccupation dans ce domaine est que les personnes responsables dʼappliqué les normes de détention aux condamnées à la peine capitale ne prennent pas en compte le contexte particulier quʼelles endurent. Les prévenus passibles de la peine de mort subissent généralement des violations de leurs droits procéduraux et des garanties judiciaires minimales. Sur le plan de la détention, les détenus condamnés à mort se trouvent souvent dans des quartiers spécifiques, mais la détention dans les couloirs de la mort3 nʼest pas systématique. Le pourcentage de femmes condamnées à mort est globalement faible, mais varie dʼun système carcéral à lʼautre. Certains enfants sont condamnés à mort, au mépris du droit international des droits de lʼHomme et du droit international humanitaire, et peuvent être détenus pendant plusieurs années avant dʼatteindre leur majorité et dʼêtre exécutés4 . Les analyses et les rapports des organisations abolitionnistes tendent à montrer que les vulnérabilités spécifiques des condamnés et condamnées à mort ne trouvent pas un ancrage suffisant et certaines lacunes dans le droit international des droits de lʼHomme. Au Maroc la peine capitale est toujours en vigueur, mais nʼest plus appliquée depuis 1993. Un total de 74 personnes condamnées à la peine capitale dont 2 femmes se trouvait en prison fin 2020, Entre 2000 et 2019, 119 condamnés à mort ont bénéficié dʼune grâce royale et leurs peines ont été commuées en prison à perpétuité ou en peines à durée déterminée5 . La législation pénale marocaine maintient la peine de mort, et adopte une politique judiciaire tendant à restreindre et à limiter la condamnation et lʼexécution de cette peine. De même, la grâce royale joue un rôle important dans le rééquilibrage   3 Lʼexpression « couloir de la mort » fait communément référence à la section ou quartier dʼune prison où sont détenues les personnes condamnées à mort. Elle est une expression générique applicable même dans les pays où il nʼexiste pas de section ou quartier spécifique pour les personnes en attente de la peine capitale. 4 Suivi de lʼinitiative concernant les conditions de détention et de traitement des condamnés à mort. NORMES INTERNATIONALES. Publié par Nordine Drici (Planète Réfugiés) Sandrine Ageorges-Skinner (ECPM), juin 2019. 5 Données du Conseil national des droits de lʼhomme – CNDH.
  • 4. Andreu ESTELA BARNET - Expert Senior Pénitentiaire - octobre 2021 Page 4 sur 10   de la politique punitive ce qui permet de déduire une évolution vers de peine de mort à travers la réduction progressive des peines prononcées et de lʼarrêt des exécutions, et ce alors que la peine de mort suscite des questionnements au vu du contexte international actuel de recrudescence des crimes terroristes et du crime organisé. Si la situation actuelle ne favorise pas lʼabolition légale de cette peine, par contre celle-ci sera possible avec le changement des circonstances et lʼévolution progressive de lʼopinion publique, tout en insistant sur le fait que le thème de la peine capitale doit être débattue à la lumière des valeurs, du vécu et des spécificités de chaque société. Selon lʼavis de hauts responsables du ministère de la justice marocain 6 , il convient de rappeler que tous sont désormais convaincus de la nécessité de revoir la hiérarchie ainsi que la classification des crimes, délits et peine de manière à ce quʼils sʼadaptent à la réalité pénale actuelle et de façon à ce que la peine soit productive. Ceci implique une révision de la réalité de la peine de mort pas forcément vers son abrogation mais en prenant en considération toutes les orientations intellectuelles et celles des droits de lʼHomme en ayant comme but lʼintérêt suprême du pays. « Cette tête de l'homme du peuple, cultivez-la, défrichez-la, arrosez-la, fécondez-la, éclairez-la, moralisez-la, utilisez-la ; vous n'aurez pas besoin de la couper. » Victor Hugo, Claude Gueux Dans la plupart de pays les conditions de détention et de traitement des condamnés à mort sont particulièrement difficiles sur un certain nombre de dimensions quotidiennes de cette forme particulière de privation de la liberté. Certaines dimensions sont insuffisamment couvertes par le droit international, les Règles de Mandela ou les Règles de Bangkok7 . La révision des règles de Mandela en 2015 nʼa malheureusement pas inclus de dispositions finales spécifiques à la détention des condamnés à mort, alors que des standards additionnels pour les mineurs et les femmes privées de liberté existent. En outre, les lignes directrices de lʼUnion européenne sur la torture et sur la question de la peine de mort nʼabordent pas du tout cette question de la détention des personnes condamnées à la peine capitale, alors que le plan dʼaction de lʼUnion européenne sur les droits de lʼHomme (2015-2019)8 comporte en son point 13(a), la nécessité de travailler à des standards minimaux.   6 Entretien. https://www.cndh.org.ma/fr/bulletin-d-information/la-peine-de-mort-dans-la-legislation-marocaine 7 Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et lʼimposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes. Résolution adoptée par lʼAssemblée générale le 21 décembre 2010. https://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/BKKrules/UNODC_Bangkok_Rules_FRE_web.pdf 8 Deuxième plan d'action en faveur des droits de l'homme et de la démocratie 2015-2019. https://www.consilium.europa.eu/media/30002/web_fr_actionplanhumanrights.pdf 
  • 5. Andreu ESTELA BARNET - Expert Senior Pénitentiaire - octobre 2021 Page 5 sur 10   La manque dʼaccès à lʼéducation, aux soins de santé primaire, a le sport, au travail, aux activités courants des établissements pénitentiaires, le libre exercice de la religion et du culte, ou le droit à la protection et a lʼintimité son droits fondamentaux des tout détenu condamné. Une fois que toutes les voies de recours ont été épuisées, les personnes condamnées à mort peuvent être exécutées. Cela peut arriver sans aucune notification de la part des autorités ou avec lʼannonce de la date de lʼexécution à lʼavance. Quʼon ne connaisse pas la date de son exécution et puisse donc se dire chaque matin que le jour est arrivé ou, au contraire, quʼon sache que sa propre mort est programmée avec précision, dans les deux hypothèses, les effets psychologiques sont ravageurs. Lʼisolement des condamnes a mort, son régime de vie, se trouve très souvent constitutif de torture réelle, et sans fin, puisquʼun comportement irréprochable ne permet pas dʼen sortir. Ces droits sont loin dʼêtre garanti ou proposé aux condamnés à mort dans bon nombre de systèmes carcéraux. À titre dʼexemple, au Malawi les femmes condamnées à mort peuvent participer aux activités de jardinage. Au Burkina Faso, les femmes détenues, y compris les condamnées à mort, ont la possibilité de lire ce quʼelles veulent, ce qui nʼest pas le cas de la majorité des systèmes carcéraux dans le monde. Les règles internationales ne comportent aucune disposition spécifique sur ces thèmes concernant les condamnés à mort. Carte interactive : la peine de mort dans le monde - ECPM9 https://www.ecpm.org/la-peine-de-mort-dans-le-monde/   9 ECPM est celui dʼune association française professionnelle composée dʼadhérents, de bénévoles, de salariés, de lutte contre la peine capitale partout dans le monde en fédérant et mobilisant les forces abolitionnistes du monde entier, plaident dans les forums internationaux, éduquent, informent et sensibilisent. Ils renforcent les capacités des acteurs abolitionnistes et travaillent avec eux au niveau local.
  • 6. Andreu ESTELA BARNET - Expert Senior Pénitentiaire - octobre 2021 Page 6 sur 10   Le syndrome du couloir de la mort est souvent utilisé pour décrire la maladie psychologique qui survient à la suite du phénomène du couloir de la mort. C'est ici que la relation entre le couloir de la mort et l'isolement cellulaire devient la plus aiguë. Souvent, le couloir de la mort et l'isolement cellulaire marchent main dans la main (car beaucoup de condamnés à mort sont envoyés à l'isolement). Le cauchemar du phénomène du couloir de la mort est décuplé par la déshumanisation dévastatrice que l'isolement prolongé inflige. Aujourd'hui, les études sur ce sujet ne font que confirmer le fait que l'enfermement, lʼisolement, semblable à ce que vivent beaucoup de condamnés à mort, rendent les gens fous. En effet, les études cliniques ont démontré que l'existence d'un syndrome du couloir de la mort était en partie dû à quatre troubles psychiques : le sentiment d'impuissance et de défaite, le sentiment de danger diffus, le vide émotionnel et la solitude, et le déclin de l'acuité mentale et physique10 . Ce pour cela que la problématique des femmes condamnées à la peine de mort est vraiment réelle et néanmoins, très peu abordée et leurs profils peu étudiés. Les crimes pour lesquels les femmes sont condamnées à mort révèlent des tendances liées à lʼinégalité entre les hommes et les femmes. Le lien entre la violence contre les femmes et lʼemprisonnement est frappant, et cʼest particulièrement vrai pour les femmes condamnées à mort. La plupart des femmes dans les couloirs de la mort ont été condamnées à mort pour meurtre, souvent pour le meurtre de membres de leur famille proche dans un contexte de violence domestique. Les infractions liées à la drogue constituent la deuxième catégorie la plus importante de crimes entraînant la peine de mort pour les femmes, en particulier au Moyen-Orient et en Asie. Là encore, la dynamique sexospécifique et la marginalisation des femmes sont des facteurs importants dans la participation des femmes aux crimes liés à la drogue. Parmi les autres infractions pour lesquelles les femmes ont été condamnées à mort figurent les atteintes aux mœurs sexuelles, qui sont appliquées de manière discriminatoire à lʼégard des femmes, les infractions liées au terrorisme, la sorcellerie, le blasphème, lʼenlèvement et le vol à main armée. Comme la grande majorité des hommes condamnés à mort, les femmes en situation de vulnérabilité sont surreprésentées dans les couloirs de la mort ; beaucoup sont indigentes et souffrent de troubles mentaux ou de handicaps intellectuels. Les membres de minorités raciales, ethniques ou religieuses sont particulièrement vulnérables aux poursuites pour crimes passibles de la peine de mort. En outre, les femmes sont confrontées à des formes croisées de discrimination fondées sur « les stéréotypes de genre, la stigmatisation, des normes culturelles néfastes et patriarcales et la violence sexiste. »11 .   10 Patrick Hudson, Does the Death Row Phenomenon Violate a Prisonerʼs Human Rights under International Law? 11 EJIL No. 4, 833- 856, (2000).  11 Penal Reform International et Cornell Center on the Death Penalty Worldwide. Une fiche détaillée sur les conditions de détention des femmes condamnées à mort. La recherche qui sous-tend cette publication a été menée par le Cornell Center on the Death Penalty Worldwide. Lʼétude complète “Judged for More Than Her Crime: A Global Overview of Women Facing the Death Penalty” (A Report of the Alice Project), Cornell Center on the Death Penalty Worldwide, publiée en septembre 2018, est disponible sur: bit.ly/MoreThanHerCrime.
  • 7. Andreu ESTELA BARNET - Expert Senior Pénitentiaire - octobre 2021 Page 7 sur 10   Les mêmes études nous disent que la majorité des femmes condamnées à mort ont subi des traumatismes et des violences sexuelles et sexospécifiques. Les femmes qui font lʼobjet de poursuites pénales dans un contexte de violences domestiques, en particulier, sont victimes dʼune discrimination fondée sur le genre à de multiples niveaux. À quelques exceptions près, les systèmes de justice pénale négligent les femmes dans de tels cas en ignorant leur traumatisme et la dynamique de la violence domestique, comme en témoigne une étude réalisée en 2016 sur les cas où les femmes sʼen prennent à leurs agresseurs12 . Dans de nombreux pays, aucune loi ou mécanisme ne permet aux tribunaux de prendre en compte les preuves de violence sexiste. De plus, les tribunaux manquent de lignes directrices ou ne sont pas disposés à tenir compte de la victimisation. Alors que seuls trois pays qui maintiennent la peine de mort dans leur législation interdisent son application à toutes les femmes (Bélarus, Tadjikistan et Zimbabwe), les femmes enceintes sont universellement exclues de lʼapplication de la peine de mort – bien que dans certains pays elles puissent être exécutées après avoir donné naissance. Si de telles limitations incarnent dʼimportantes normes relatives aux droits de lʼhomme, y compris le principe de lʼintérêt supérieur de lʼenfant, il convient de noter quʼelles indiquent aussi que la qualité pour laquelle les femmes méritent la clémence est leur lien avec la maternité. Il nʼexiste aucune protection internationale interdisant la peine de mort pour les femmes qui ne se conforment pas à ce rôle. Les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et lʼimposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) exigent que les tribunaux prennent en compte les circonstances atténuantes lors de la détermination de la peine, « telles que lʼabsence dʼantécédents judiciaires et la non- gravité relative et la nature du comportement criminel, en tenant compte des responsabilités quʼont les intéressées en tant que dispensatrices de soins et de leur situation particulière ». Les femmes ont tendance à rester dans les couloirs de la mort pour des périodes de plus en plus longues dans des prisons qui ne sont pas généralement conçues pour les femmes, et encore moins pour des femmes purgeant de longues peines. « Je ne fais rien. Je balaie et jʼattends » Femme condamnée à mort au Ghana Les conditions de détention et de traitement des condamnées à mort sont particulièrement difficiles sur un certain nombre de dimensions quotidiennes du régime de vie de privation de la liberté. Ces points mériteraient un renforcement des garanties juridiques minimales en matière de respect de la dignité humaine13 :   12 Women who kill in response to domestic violence: how do criminal justice systems respond? Penal Reform International (PRI) et Linklaters LLP. 2016.  13 Aucune mention des condamnés à mort dans les règles de Mandela. NORMES INTERNATIONALES. Publié par Nordine Drici (Planète Réfugiés) Sandrine Ageorges-Skinner (ECPM), le 30 novembre 2018.
  • 8. Andreu ESTELA BARNET - Expert Senior Pénitentiaire - octobre 2021 Page 8 sur 10    Lʼaccès et le lien avec le monde extérieur (famille, avocats, représentation diplomatique ou consulaire) avec une vulnérabilité accrue pour les femmes et les mineurs. Lʼenjeu est le maintien dʼun tissu social. Certaines prisons détenant les condamnés à mort peuvent être à des centaines voire des milliers de kilomètres, ce qui nʼest pas de nature à garantir la pérennité de ses liens.  Lʼimpact des couloirs de la mort sur les familles. Bien que les personnes détenues aient en principe droit aux visites de leurs familles et proches, les prisons restent des lieux hermétiques et peu accessibles. Les familles peuvent faire face à des obstacles pour rendre visite à leur proche en prison. Ces obstacles peuvent être de différente nature. Il sʼagit souvent de lʼéloignement géographique, mais aussi des dépenses que la visite aux proches peut engendrer et, enfin, du stigmate et lʼostracisation sociale. En effet, bien que la personne condamnée soit vivante, elle est considérée comme « mort socialement ».  La manque de personnel de santé, dʼinfrastructures, dʼaccès aux soins de santé primaire, de fois de conditions sanitaires déplorables, manque de soins spécifiques, en particulier le volet psychologique.  Lʼaccès à la cour de promenade et à lʼair libre, le standard minima pour les personnes privées de liberté étant une heure par jour. Or de nombreux condamnés à mort ont accès à une cour intérieure qui nʼest pas à lʼair libre.  Lʼaccès à une aide juridictionnelle gratuite et de qualité pour les procédures dʼappel avec un accès automatique à un interprète si nécessaire.  Lʼaccès à lʼéducation et aux activités occupationnels. À titre dʼexemple, au Malawi les femmes condamnées à mort peuvent participer au jardinage. Au Burkina Faso, les femmes détenues, y compris les condamnées à mort, ont la possibilité de lire ce quʼelles veulent, ce qui nʼest pas le cas dans tous les systèmes carcéraux.  La question de la dépouille et des effets personnels des condamnés à mort. Les standards internationaux sont loin dʼêtre explicites sur ce sujet. Afin de pouvoir faire leur deuil, à lʼinstar des familles de victimes de disparitions forcées qui ont été retrouvées, les familles devraient pouvoir récupérer le corps de la personne
  • 9. Andreu ESTELA BARNET - Expert Senior Pénitentiaire - octobre 2021 Page 9 sur 10   exécutée, lʼintégralité de ses effets personnels, afin dʼêtre en mesure dʼoffrir les rites funéraires.  La question des contrôles ou inspections internes ou externes des conditions de détentions et de traitement des condamnés à mort devraient faire lʼobjet de visites et de rapports systématiques. Cette dimension nʼest malheureusement pas mentionnée dans la mouture actuelle des standards internationaux.  La question de lʼappartenance à une minorité : dans un certain nombre dʼÉtats où la peine de mort est appliquée, le fait dʼêtre une minorité (Afghans ou Arabes Ahwaz en Iran par exemple), constitue, en lien avec dʼautres facteurs tels que la pauvreté ou le niveau dʼéducation, un facteur aggravant. Il en est de même pour la question de lʼorientation sexuelle et lʼidentité de genre. Dans ce cadre, les règles de Mandela ne sont pas assez inclusives et précises quant à lʼimpératif de non-discrimination qui transcendent tous les traités en matière de protection des droits de lʼHomme.  Une formation spécifique de agents pénitentiaires sur la question de la santé des personnes condamnées à la peine capitale, et en particulier les manifestations du « syndrome du couloir de la mort » pourrait ainsi faire lʼobjet dʼune recommandation ou règle spécifique. La souffrance des détenus de vivre ainsi, combinée à une incarcération prolongée et une anxiété constante due à une mort programmée conduit parfois les gardiens à craindre pour leur propre vie14 .  La question du rôle de médias. Cette question renvoie au rôle de sensibilisation sur ce que sont les conditions de détention des condamnés à mort et à la sollicitation des acteurs afin de développer les recherches sur ces aspects, dans lʼesprit de la règle 70 des Règles de Bangkok de 2011 sur les femmes privées de liberté. « La peine de mort est une peine immorale, ou du moins inutile, parce qu'elle habitue le peuple au spectacle des supplices, et parce qu'elle ne répare rien ; car malheureusement la mort du meurtrier ne rend point la vie à la victime. » François Eugène Vidocq. A titre de conclusion il faut réfléchir autour des points suivants : on dispose de peu de données et dʼinformations sur les femmes condamnées à mort, leurs conditions de détention doivent impérativement s'améliorer, malgré lʼadoption des Règles de Bangkok sur les femmes détenues en 2010 et les Règles de Mandela ont constitué une amélioration des conditions de détention des femmes, les femmes condamnées à mort n'existent pas   14 Coalition mondiale contre la peine de mort : « Conditions de vie dans les couloirs de la mort fiche dʼinformation détaillée », 16e Journée mondiale contre la peine de mort. Octobre 2018. https://worldcoalition.org/wp-content/uploads/2020/09/FR_fichedetaillee_JM2018-1.pdf
  • 10. Andreu ESTELA BARNET - Expert Senior Pénitentiaire - octobre 2021 Page 10 sur 10   sur le papier, sur la définition de leurs devoirs et de leurs droits, sur leur régime de vie donc font partie dʼune catégorie juridique spécifique de personnes privées de liberté. Les femmes dans les couloirs de la mort, isolées 23 heures sur 24, sans aucun contact physique avec l'extérieur et sous surveillance vidéo nuit et jour, sont invisibles, cʼest comme si lʼon disparaissait du jour au lendemain en tant que êtres humains et en tant que détentrices de droits, si une femme condamnée est victime dʼune discrimination fondée sur les stéréotypes de genre, une femme condamnée à mort encore plus. Comme l'a dit Mohandas Gandhi « lʼœil pour œil rend le monde aveugle ». Comme le dit aussi le proverbe ; une image vaut mille mots. Si vous aimes le cinéma, la réalisatrice Sabrina Van Tassel, grand reporter engagée sur de nombreuses questions sociétales, à travers sa caméra documente depuis plus de quinze ans la condition des femmes incarcérées, la maltraitance des enfants ou le trafic sexuel des mineures. Sa dernière réalisation quʼa sortie en salles le 15 septembre passé : LʼÉtat du Texas contre Melissa15 , retrace l'histoire de Melissa Lucio, première femme hispanique condamnée à mort au Texas pour avoir entraîné la mort de sa fille de deux ans malgré des preuves édifiantes de son innocence. Mère de quatorze enfants, dans une situation précaire, elle est victime d'une situation confuse et peu claire, qui la retiennent dans les couloirs de la mort depuis 2007. Son dernier espoir repose désormais sur la Cour Suprême des États- Unis.   15 https://www.youtube.com/watch?v=Y5H7puFMURA https://www.ecpm.org/sabrina-van-tassel-il-faut-abolir-la-peine-de-mort-quelle-quelle-soit-et-meme- pour-les-coupables/