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classéesanssuite.Quatremoisplus
tard son dossier est rouvert, effet
collatéraldel’affaireStrauss-Kahn
dont Samira n’a pas été la seule
femme à bénéficier. Entre-temps,
saplainteaétérequalifiéeen«har-
cèlement sexuel ». Mais le 4 mai,
coupdethéâtre:leConseilconsti-
tutionnel décide d’abroger l’arti-
cle222-33duCodepénal,quiréprime
précisément ce délit. Le parquet
s’engage alors à requalifier le délit
dénoncéparSamiraen«agression
sexuelle » afin de permettre de
nouvelles poursuites… Retour à
la case départ, donc.
Les sages du Conseil constitu-
tionnel n’ont pas agi sur un coup
detête.Ilsontapportéuneréponse
juridiqueàunequestionprioritaire
deconstitutionnalité(QPC)posée
par Claire Waquet, l’avocate de
GérardDucray. Cetanciendéputé
etex-secrétaired’EtatauTourisme
sous Giscard a été condamné en
appelenmars2011pourdesavances
trop pressantes auprès de trois
fonctionnaires du beau sexe. Les
membresduConseilontreconnu
quelaloicontrevenaitauprincipe
de « légalité du délit », selon
Me Waquet. Certes, après cette
abrogation fracassante, la chan-
celleriearecommandéd’examiner
pour les affaires en cours de pro-
cédure si d’autres qualifications
pouvaientêtreretenues:violences
volontaires,harcèlementmoralou
tentative d’agression sexuelle,
notamment. Mais ces pistes sont
sinueuses,commelemontrel’exem-
G.FUENTES/REUTERS
ˆ ERREUR
Les féministes
pensaient obtenir
la suspension d’une
loi « trop vague »,
pas son abrogation !
84 I E6 MAI 2DE2 I L’EXPRESS N° GEI6
SOCIÉTÉ JUSTICE
En abrogeant
l’article sur
le harcèlement
sexuel,
le Conseil
constitutionnel
a sanctionné
un texte
défaillant.
Maisaussiprivé
de recours
des milliers
de plaignantes.
Leur colère
est grande.
S
amiraestépuisée.Aupoint
de ne plus pouvoir for-
mersesphrases.«Fatigue,
colère,néant.»Ellecrache
sesmots.«Tum’astou-
chée et tu as gagné », lance-t-elle
au septuagénaire qui lui fait face
dansletribunal.Ce9mai,lesjuges
du tribunal correctionnel de Paris
viennentd’annulersaplaintepour
harcèlement sexuel contre son
ancien supérieur à l’amicale des
retraités de la Banque de France.
Blonde, menue, jolie, la secrétaire
de37anssebattaitdepuistroisans
contre ce chef qui lui « touchait
la poitrine, le sexe, [lui] caressait
les mollets sous le bureau ». En
février2011,elledéposeuneplainte
pour agression (et non harcèle-
ment)sexuelle.Pourtantétayéepar
Les harcelées
sans droits ni loi
ple de Samira. Certes encore, une
femme peut toujours saisir un
conseildeprud’hommes–ledélit
deharcèlementdanslecadrepro-
fessionnel est maintenu dans le
Code du travail. Mais ses chances
d’aboutir sont minces tant que la
notion de harcèlement n’a pas
été précisément définie en droit.
Les15à20%defemmes(voirl’en-
cadré)quifontrégulièrementl’ob-
jetd’allusionsgraveleuses,demains
baladeuses,voired’attouchements,
devront patienter.
Certaines alliances passent mal.
Ainsi, comment expliquer que
l’Associationeuropéennecontreles
violencesfaitesauxfemmesautravail
(AVFT) ait elle aussi déposé une
requête auprès du Conseil consti-
tutionnel ? L’organisation pensait
que la loi serait non pas abrogée,
maissuspendue–commel’avaitété,
l’andernier,celleconcernantlagarde
à vue. Erreur d’appréciation sans
doute... Mais pas seulement. De-
puis1992,annéedelapremièremou-
ture du texte sur le harcèlement
sexuel, la loi n’a cessé de varier.
A l’époque, la France pouvait se
vanterd’êtrelepremierpaysàlégi-
férer en la matière. Le harceleur
étaitdéfinicommeune«personne
abusantde[son]autorité»pardes
menaces, des contraintes ou des
ordres.En1998,l’expression«auto-
rité » disparaît. Et en 2002, sans
que la droite ni la gauche – alors
majoritaire à l’Assemblée – y prê-
tentattention,unamendementdu
sénateurUMPAlainGournacsup-
prime les termes « menaces » et
«contraintes».Dansl’indifférence
générale, le texte se trouve ainsi
vidé de sa substance.
Devant une telle imprécision
sur le plan législatif, les juges ont
souvent préféré classer sans suite
lesplaintespourharcèlement.D’au-
tresonttirépartidecefourre-tout
juridiquepourrequalifierlesagres-
sionssexuelles,difficilesàprouver,
en«simples»harcèlements.Alors
même que ce dernier est passible
d’unandeprisonetde15 000euros
d’amende, soit « trois fois moins
qu’un vol de téléphone portable !
[NDLR:troisanset45 000euros]»,
s’étrangle Marilyn Baldeck.
Cette injustice, Bérénice, fonc-
tionnairedansunimportantminis-
tère, l’a subie de plein fouet. Mal-
gré le récit détaillé de la tentative
de viol dont elle dit avoir été vic-
time de la part de son supérieur,
un 31 décembre dans des locaux
àmoitiédéserts ;malgrélesgestes
déplacésqu’elleévoque–comme
cette boîte de préservatifs dépo-
sée sur son bureau ; malgré les
85 textos à connotation érotique
qu’elleafournisaujuge,saplainte
pourharcèlement,déposéeenjan-
vier2008,aétéclasséesanssuite.
Sadeuxièmeplaintes’estconclue
par un non-lieu en juillet 2010.
Poursuivi en appel, son agres-
seurafiniparêtremisenexamen.
Entre-temps, « je suis devenue
la méchante, et mon agresseur,
lavictime»,déploreBérénice,qui
attend, « inquiète et écœurée »,
son nouveau procès, le 7 juin.
Commeelle,combiendefemmes
ont-elles été « dégoûtées » par la
décisionduConseilconstitution-
nel ? Bien plus, sans doute, que
les 54 victimes ayant obtenu gain
decauseen2009.Surlescentaines
deplaintesdéposéeschaqueannée,
seuleuneinfimeminoritédébouche
surunecondamnation.D’oùcette
avalanchederéactionsparvenues
au siège de l’AVFT : « On parle
depermisdetuer,là,c’estunvéri-
tablepermisdechasser»,remarque
l’une. « Mon harceleur se pavane
depuis ce matin. Je viens de com-
prendrepourquoic’esthorrible»,
sedésoleuneautre.«C’estcomme
si rien n’avait jamais existé, tout
est annulé », lance en écho une
troisième.
Aujourd’hui, les victimes sont
confrontées à « une zone de non-
droitsurleplanpénalquilesplonge
dans un désarroi total », regrette
Claude Katz, avocat d’une demi-
douzainedefemmesenattented’un
procès. Une loi ne pouvant être
rétroactive – c’est un fondement
dudroitfrançais–tantqu’unnou-
veautexten’apasétévoté,cesplai-
gnantes se sentent démunies. La
solution la plus simple serait de
transposer en droit français une
directiveeuropéennevieillededix
ansdéjà,quidéfinitleharcèlement
sexuelcomme«uncomportement
nondésiréàconnotationsexuelle,
s’exprimantphysiquement,verba-
lement ou non verbalement », et
susceptible de « créer un environ-
nementintimidant,hostile,dégra-
dant,humiliantouoffensant».Mais
cette nouvelle formulation pren-
dra du temps. « Six mois au mini-
mum », reconnaît Danielle Bous-
quet, députée PS, qui s’est attelée
àlarédactiondecetexte.Sixmois
d’impunitépourceuxquisecroient
tout permis. ● VINCENT OLIVIER,
AVEC CHLOÉ HENRY
Malgré
les85textos
àconnotation
érotiquefournis
aujuge,
saplainte
aétéclassée
sanssuite
N° US7V L’EXPRESS I SV MAI TRST I 85
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
Blagues
InsultesPornographie
Avancessexuellesverbales
Attitudesetgestesgênants
Avancessexuellesagressives
Pelotage
Coincéepourembrasser
Exhibitionnisme
Attouchementssexuels
Viol
45
Pourcentage de femmes ayant subi des violences à caractère sexuel
Source : conseil général de Seine-Saint-Denis.
UN DÉLIT
TRÈS PEU PUNI
Cette enquête est la plus récente et
la plus complète réalisée à ce jour
en France. En 2007, le conseil géné-
ral de Seine-Saint-Denis a interrogé
plusde1 500femmestravaillantdans
ledépartement.Parmielles,13%décla-
rent subir des gestes non désirés
et 2,5% s’être déjà fait « peloter ».
Au total, 22 % disent avoir connu
une agression ou un harcèlement
sexuelsautravaildanslesdouzeder-
niers mois. Pourtant, 98% des vic-
timesn’ontengagéaucunepoursuite.
Même en cas d’agression sexuelle
oudeviol,seules12%ontentaméune
procédure judiciaire. ●

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  • 1. denombreusespreuves,celle-ciest classéesanssuite.Quatremoisplus tard son dossier est rouvert, effet collatéraldel’affaireStrauss-Kahn dont Samira n’a pas été la seule femme à bénéficier. Entre-temps, saplainteaétérequalifiéeen«har- cèlement sexuel ». Mais le 4 mai, coupdethéâtre:leConseilconsti- tutionnel décide d’abroger l’arti- cle222-33duCodepénal,quiréprime précisément ce délit. Le parquet s’engage alors à requalifier le délit dénoncéparSamiraen«agression sexuelle » afin de permettre de nouvelles poursuites… Retour à la case départ, donc. Les sages du Conseil constitu- tionnel n’ont pas agi sur un coup detête.Ilsontapportéuneréponse juridiqueàunequestionprioritaire deconstitutionnalité(QPC)posée par Claire Waquet, l’avocate de GérardDucray. Cetanciendéputé etex-secrétaired’EtatauTourisme sous Giscard a été condamné en appelenmars2011pourdesavances trop pressantes auprès de trois fonctionnaires du beau sexe. Les membresduConseilontreconnu quelaloicontrevenaitauprincipe de « légalité du délit », selon Me Waquet. Certes, après cette abrogation fracassante, la chan- celleriearecommandéd’examiner pour les affaires en cours de pro- cédure si d’autres qualifications pouvaientêtreretenues:violences volontaires,harcèlementmoralou tentative d’agression sexuelle, notamment. Mais ces pistes sont sinueuses,commelemontrel’exem- G.FUENTES/REUTERS ˆ ERREUR Les féministes pensaient obtenir la suspension d’une loi « trop vague », pas son abrogation ! 84 I E6 MAI 2DE2 I L’EXPRESS N° GEI6 SOCIÉTÉ JUSTICE En abrogeant l’article sur le harcèlement sexuel, le Conseil constitutionnel a sanctionné un texte défaillant. Maisaussiprivé de recours des milliers de plaignantes. Leur colère est grande. S amiraestépuisée.Aupoint de ne plus pouvoir for- mersesphrases.«Fatigue, colère,néant.»Ellecrache sesmots.«Tum’astou- chée et tu as gagné », lance-t-elle au septuagénaire qui lui fait face dansletribunal.Ce9mai,lesjuges du tribunal correctionnel de Paris viennentd’annulersaplaintepour harcèlement sexuel contre son ancien supérieur à l’amicale des retraités de la Banque de France. Blonde, menue, jolie, la secrétaire de37anssebattaitdepuistroisans contre ce chef qui lui « touchait la poitrine, le sexe, [lui] caressait les mollets sous le bureau ». En février2011,elledéposeuneplainte pour agression (et non harcèle- ment)sexuelle.Pourtantétayéepar Les harcelées sans droits ni loi
  • 2. ple de Samira. Certes encore, une femme peut toujours saisir un conseildeprud’hommes–ledélit deharcèlementdanslecadrepro- fessionnel est maintenu dans le Code du travail. Mais ses chances d’aboutir sont minces tant que la notion de harcèlement n’a pas été précisément définie en droit. Les15à20%defemmes(voirl’en- cadré)quifontrégulièrementl’ob- jetd’allusionsgraveleuses,demains baladeuses,voired’attouchements, devront patienter. Certaines alliances passent mal. Ainsi, comment expliquer que l’Associationeuropéennecontreles violencesfaitesauxfemmesautravail (AVFT) ait elle aussi déposé une requête auprès du Conseil consti- tutionnel ? L’organisation pensait que la loi serait non pas abrogée, maissuspendue–commel’avaitété, l’andernier,celleconcernantlagarde à vue. Erreur d’appréciation sans doute... Mais pas seulement. De- puis1992,annéedelapremièremou- ture du texte sur le harcèlement sexuel, la loi n’a cessé de varier. A l’époque, la France pouvait se vanterd’êtrelepremierpaysàlégi- férer en la matière. Le harceleur étaitdéfinicommeune«personne abusantde[son]autorité»pardes menaces, des contraintes ou des ordres.En1998,l’expression«auto- rité » disparaît. Et en 2002, sans que la droite ni la gauche – alors majoritaire à l’Assemblée – y prê- tentattention,unamendementdu sénateurUMPAlainGournacsup- prime les termes « menaces » et «contraintes».Dansl’indifférence générale, le texte se trouve ainsi vidé de sa substance. Devant une telle imprécision sur le plan législatif, les juges ont souvent préféré classer sans suite lesplaintespourharcèlement.D’au- tresonttirépartidecefourre-tout juridiquepourrequalifierlesagres- sionssexuelles,difficilesàprouver, en«simples»harcèlements.Alors même que ce dernier est passible d’unandeprisonetde15 000euros d’amende, soit « trois fois moins qu’un vol de téléphone portable ! [NDLR:troisanset45 000euros]», s’étrangle Marilyn Baldeck. Cette injustice, Bérénice, fonc- tionnairedansunimportantminis- tère, l’a subie de plein fouet. Mal- gré le récit détaillé de la tentative de viol dont elle dit avoir été vic- time de la part de son supérieur, un 31 décembre dans des locaux àmoitiédéserts ;malgrélesgestes déplacésqu’elleévoque–comme cette boîte de préservatifs dépo- sée sur son bureau ; malgré les 85 textos à connotation érotique qu’elleafournisaujuge,saplainte pourharcèlement,déposéeenjan- vier2008,aétéclasséesanssuite. Sadeuxièmeplaintes’estconclue par un non-lieu en juillet 2010. Poursuivi en appel, son agres- seurafiniparêtremisenexamen. Entre-temps, « je suis devenue la méchante, et mon agresseur, lavictime»,déploreBérénice,qui attend, « inquiète et écœurée », son nouveau procès, le 7 juin. Commeelle,combiendefemmes ont-elles été « dégoûtées » par la décisionduConseilconstitution- nel ? Bien plus, sans doute, que les 54 victimes ayant obtenu gain decauseen2009.Surlescentaines deplaintesdéposéeschaqueannée, seuleuneinfimeminoritédébouche surunecondamnation.D’oùcette avalanchederéactionsparvenues au siège de l’AVFT : « On parle depermisdetuer,là,c’estunvéri- tablepermisdechasser»,remarque l’une. « Mon harceleur se pavane depuis ce matin. Je viens de com- prendrepourquoic’esthorrible», sedésoleuneautre.«C’estcomme si rien n’avait jamais existé, tout est annulé », lance en écho une troisième. Aujourd’hui, les victimes sont confrontées à « une zone de non- droitsurleplanpénalquilesplonge dans un désarroi total », regrette Claude Katz, avocat d’une demi- douzainedefemmesenattented’un procès. Une loi ne pouvant être rétroactive – c’est un fondement dudroitfrançais–tantqu’unnou- veautexten’apasétévoté,cesplai- gnantes se sentent démunies. La solution la plus simple serait de transposer en droit français une directiveeuropéennevieillededix ansdéjà,quidéfinitleharcèlement sexuelcomme«uncomportement nondésiréàconnotationsexuelle, s’exprimantphysiquement,verba- lement ou non verbalement », et susceptible de « créer un environ- nementintimidant,hostile,dégra- dant,humiliantouoffensant».Mais cette nouvelle formulation pren- dra du temps. « Six mois au mini- mum », reconnaît Danielle Bous- quet, députée PS, qui s’est attelée àlarédactiondecetexte.Sixmois d’impunitépourceuxquisecroient tout permis. ● VINCENT OLIVIER, AVEC CHLOÉ HENRY Malgré les85textos àconnotation érotiquefournis aujuge, saplainte aétéclassée sanssuite N° US7V L’EXPRESS I SV MAI TRST I 85 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 Blagues InsultesPornographie Avancessexuellesverbales Attitudesetgestesgênants Avancessexuellesagressives Pelotage Coincéepourembrasser Exhibitionnisme Attouchementssexuels Viol 45 Pourcentage de femmes ayant subi des violences à caractère sexuel Source : conseil général de Seine-Saint-Denis. UN DÉLIT TRÈS PEU PUNI Cette enquête est la plus récente et la plus complète réalisée à ce jour en France. En 2007, le conseil géné- ral de Seine-Saint-Denis a interrogé plusde1 500femmestravaillantdans ledépartement.Parmielles,13%décla- rent subir des gestes non désirés et 2,5% s’être déjà fait « peloter ». Au total, 22 % disent avoir connu une agression ou un harcèlement sexuelsautravaildanslesdouzeder- niers mois. Pourtant, 98% des vic- timesn’ontengagéaucunepoursuite. Même en cas d’agression sexuelle oudeviol,seules12%ontentaméune procédure judiciaire. ●