[Workshop en économie de développement:"Pertinence des politiques publiques d...
LA PRESENTATION DU Pr Edouard GNIMPIEBA
1. UNIVERSITÉ DE DSCHANGUNIVERSITÉ DE DSCHANG
TABLE-RONDE MENSUELLETABLE-RONDE MENSUELLE
LA PROBLÉMATIQUE DU RETRAIT DES ÉTATS AFRICAINS DE LA COURLA PROBLÉMATIQUE DU RETRAIT DES ÉTATS AFRICAINS DE LA COUR
PÉNALE INTERNATIONALE ET L’AVENIR DE LA COUR DE JUSTICE DEPÉNALE INTERNATIONALE ET L’AVENIR DE LA COUR DE JUSTICE DE
L’UNION AFRICAINEL’UNION AFRICAINE
SOUS THÈME N°2 :SOUS THÈME N°2 :
« LA JURISPRUDENCE DE LA COUR PÉNALE« LA JURISPRUDENCE DE LA COUR PÉNALE
INTERNATIONALE ET LA PROTECTION DES DROITS DEINTERNATIONALE ET LA PROTECTION DES DROITS DE
L’HOMME EN AFRIQUE »L’HOMME EN AFRIQUE »
Par :Par :
Professeur Edouard GNIMPIEBA TONNANGProfesseur Edouard GNIMPIEBA TONNANG,,
Habilité à Diriger des Recherches dans les Facultés de Droit,Habilité à Diriger des Recherches dans les Facultés de Droit,
Maître de Conférences de Droit PublicMaître de Conférences de Droit Public
2. I - Une politique jurisprudentielle constante et d’avant-garde.I - Une politique jurisprudentielle constante et d’avant-garde.
A - Un apport décisif à la définition de certaines incriminationsA - Un apport décisif à la définition de certaines incriminations
internationales.internationales.
1°) Le crime de guerre
2°) Le crime contre l’humanité
3°) Le crime de génocide
B - Une répression plus ou moins efficace des auteurs de violations de droitsB - Une répression plus ou moins efficace des auteurs de violations de droits
humainshumains
1°) La relative efficacité des poursuites engagées
2°) L’opérationnalité discutée des sanctions prononcées (notamment dans leur
exécution)
II - Une jurisprudence politique ?II - Une jurisprudence politique ?
A - Les raisons invoquéesA - Les raisons invoquées
B - Une réalité contrastéeB - Une réalité contrastée.
1°) Les constats
2°) Les possibles évolutions
3. Il est important de rappeler que le 14 mars 2012, Thomas LUBANGA DYILO devenait le
premier condamné de la Cour Pénale Internationale, reconnu coupable et condamné à 14
ans d’emprisonnement pour avoir commis les crimes de guerre consistant à avoir procédé
à l’enrôlement et à la conscription d’enfants de moins de 15 ans et à les avoir fait participer
activement à des hostilités pendant le conflit s’étant déroulé en Ituri en République
Démocratique du Congo. Le verdict a été confirmé en appel. Ce verdict venait confirmer le
fait que la Cour accomplissait son mandat originel de lutte contre l’impunité.
Il est tout aussi important de se souvenir que l’essentiel des affaires faisant l’objet d’une
enquête par les services du procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) (Darfour,
République démocratique du Congo, République centrafricaine, Ouganda, Kenya, Côte
d’Ivoire et tout récemment le Gabon) concerne des accusés africains ; la trentaine de
mandats d’arrêt lancés par la Cour actuellement visent tous des Africains ; tous les procès
en cours concernent des Africains ; comme on l’a dit, le premier condamné fut un Africain ;
toutes les personnes détenues par la Cour sont des Africains. Dans ces conditions, il paraît
difficile de ne pas supputer l’existence de quelque entreprise ayant pour but d’assujettir
l’Afrique à l’emprise de la justice pénale internationale, surtout lorsque l’on sait que les
États africains ne représentent guère que le tiers des États parties au Statut de Rome.
Certains iront jusqu’à soupçonner une forme de racisme structurel. De fait, la justice pénale
internationale fait désormais l’objet d’une forte résistance de la part d’une constellation
d’acteurs africains, certains États parties au Statut de Rome n’hésitant pas à accueillir en
grande pompe un Omar el-Béchir pourtant sous le coup d’un mandat d’arrêt international
et l’Union africaine allant jusqu’à proposer la création d’une CPI… africaine.
4. Quelles sont les logiques de pouvoir qui se manifestent à cette occasion ? La justice
n’est-elle ici que le masque d’un stratagème empruntant ses formes au
colonialisme ? On mettra en avant dans un premier temps le fait que la réalité du
rapport de l’Afrique à la justice pénale internationale est beaucoup plus complexe
que ne le suggère une approche axée sur la domination par les grandes puissances
dans la droite ligne de l’expérience coloniale. Comme l’a suggéré une certaine
opinion, c’est plutôt dans un rapport de construction de l’altérité qu’il faut
comprendre l’impérialisme spécifique de la justice pénale internationale.
Si l’on veut sortir du bellicisme dans lequel sont englués acteurs et commentateurs
de l’action de l’œuvre de la Cour Pénal Internationale, l’analyse de son œuvre
jurisprudentielle peut offrir une piste neutre, un baromètre intéressant permettant
de jauger l’œuvre de protection des droits fondamentaux assignée à la CPI par le
Statut de Rome, notamment dans l’espace africain.
5. Comme on le démontrera dans les lignes qui vont suivre, une
politique jurisprudentielle émergente de la Cour contribue
progressivement à une protection singulière des droits
fondamentaux sur le continent africain (II). Néanmoins, le contenu
de certaines décisions de la Cour peut laisser perplexe. En effet,
les insuffisances relevées ici et là dans le dispositif de la
jurisprudence de la Cour peut, à certains égards, légitimer les
critiques formulées contre l’action de la Haute juridiction
internationale (IIII). Certaines propositions que nous ferons ici
iront dans le sens de l’amélioration de la protection induite de la
mission sécuritaire des droits fondamentaux assignée à la CPI.
6. I - Une politique jurisprudentielle originale et avant-gardiste.I - Une politique jurisprudentielle originale et avant-gardiste.
A - L’« africanisation » de la définition de certaines infractions internationales.A - L’« africanisation » de la définition de certaines infractions internationales.
1°) Les attaques contre les populations civiles - Le juge pénal international a
adapté cette définition des populations civiles à l’occasion d’une espèce du Tribunal
Pénal International pour le Rwanda, Akayesu (Chambre de première instance), 2
septembre 1998, par. 582, en décidant qu’« On entend par population civile les
personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres des
forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat
par maladie, blessure, ou pour toute autre cause »
2°) L’affinement des éléments constitutifs du crime de génocide. C’est à l’occasion
de l’espèce Le Procureur c. Bagilishema, Affaire du 7 juin 2001 que le juge
international a précisé le contour juridique de la notion de génocide, en estimant que
« pour qu’un crime de génocide soit établi au-delà de tout doute raisonnable, il faut,
premièrement, que l’un des actes énumérés à l’article 2(2) du Statut ait été perpétré, et,
deuxièmement, que cet acte ait été commis contre un groupe national, ethnique, racial
ou religieux, visé comme tel, dans l’intention spécifique de détruire ce groupe, en tout ou
en partie. Le génocide appelle par conséquent une analyse en deux parties : les actes
incriminés et l’intention génocide spécifique ou dolus specialis ».
7. -L’intention (mens rea) doit exister avant la commission des actes. Kayishema et
Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 91 : « La Chambre estime
que pour que le crime de génocide soit constitué, il faut que la mens rea requise existe avant la
commission des actes, encore que la préméditation ne constitue pas un critère au regard des
divers actes perpétrés, la seule condition exigée étant que l’acte soit commis pour donner effet
à l’intention génocide ». A l’occasion de l’espèce KayishemaKayishema et RuzindanaRuzindana du 21 mai 1999,
« c’est cette intention spécifique qui distingue le crime de génocide d’un crime de droit
commun comme le meurtre. Le juge estime que pour que le crime de génocide soit constitué, il
faut que la mens rea requise existe avant la commission des actes, encore que la
préméditation ne constitue pas un critère au regard des divers actes perpétrés, la seule
condition exigée étant que l’acte soit commis pour donner effet à l’intention génocide »
- La définition du viol et de ses éléments constitutifs. Dans l’espèce d’instance AkayesuAkayesu,
La Chambre insiste sur le fait que des viols et des violences sexuelles sont «bien constitutifs
de génocide, au même titre que d’autres actes, s’ils ont été commis dans l’intention
spécifique de détruire, en tout ou en partie, un groupe spécifique, ciblé en tant que tel […]
Ces viols ont eu pour effet d’anéantir physiquement et psychologiquement les femmes
Tutsies, leur famille et leur communauté. La violence sexuelle faisait partie intégrante du
processus de destruction particulièrement dirigé contre les femmes Tutsies et ayant
contribué de manière spécifique à leur anéantissement et à celui du groupe tutsi considéré
comme tel».
8. B - La condamnation des auteurs des crimes sur le territoire africainB - La condamnation des auteurs des crimes sur le territoire africain.
1°) Le cas Thomas LUBANGA DYILOLe cas Thomas LUBANGA DYILO. Le 14 mars 2012, Thomas LUBANGA
DYILO a été déclaré coupable et condamné à 14 ans d’emprisonnement pour
avoir commis les crimes de guerre consistant à avoir procédé à l’enrôlement
et à la conscription d’enfants de moins de 15 ans et à les avoir fait participer
activement à des hostilités pendant le conflit s’étant déroulé en Ituri en RDC.
Le verdict a été confirmé en appel. Ce verdict est le signe que la Cour
accomplit son mandat de lutte contre l’impunité.
2°) Le cas Jean Pierre BEMBALe cas Jean Pierre BEMBA. Le 21 mars 2016, Jean-Pierre Bemba Gombo
a été déclaré coupable au delà de tout doute raisonnable de deux chefs de‑
crimes contre l'humanité (meurtre et viol) et de trois chefs de crimes de
guerre (meurtre, viol et pillage). Ces crimes ont été commis lors de
l'opération menée en République centrafricaine (RCA) du 26 octobre 2002 ou
vers cette date jusqu'au 15 mars 2003 par un contingent du Mouvement de
Libération du Congo (MLC). Jean Pierre Bemba faisait effectivement fonction‑
de chef militaire exerçant une autorité et un contrôle effectifs sur les forces
qui ont commis ces crimes. Condamné à 18 ans d’emprisonnement le 21 juin
2016. Prochaines étapes : appel et réparations en faveur des victimes
9. 3°) Les autres cas.
AHMAD AL FAQI AL MAHDIAHMAD AL FAQI AL MAHDI. Membre allégué d'Ansar Eddine, un
mouvement associé à Al-Qaïda au Maghreb islamique, à la tête de la « Hesbah
» jusqu'en septembre 2012 et associé aux travaux du Tribunal islamique de
Tombouctou. Mandat d'arrêt: 28 septembre 2015
Charges : Reconnu coupable, en tant que coauteur, du crime de guerre
consistant à avoir dirigé intentionnellement des attaques contre des
bâtiments à caractère religieux et historique sis à Tombouctou, au Mali, en
juin et juillet 2012. Condamné Ahmad Al Mahdi à neuf ans
d'emprisonnement, le temps que celui-ci a passé en détention étant déduit
de sa peine.
NGUDJOLO CHUINGUDJOLO CHUI. Le 18 décembre 2012, la Chambre de première instance II
a acquitté Mathieu des charges de crimes de guerre et de crimes contre
l'humanité portées à son encontre, et a ordonné sa remise en liberté
immédiate. L'Accusation a interjeté appel de cette décision le 20 décembre
2012. Le 27 février 2015, le verdict a été confirmé par la Chambre d'appel.
10. KATANGAKATANGA.. Le 7 mars 2014, Germain KatangaKatanga a été déclaré coupable, en tant
que complice, d'un chef de crime contre l'humanité (meurtre) et de quatre chefs
de crimes de guerre (meurtre, attaque contre une population civile, destruction
de biens et pillage) commis le 24 février 2003, lors de l'attaque lancée contre le
village de Bogoro, situé dans le district de l'Ituri en RDC. Le jugement est
définitif car la Défense et l'Accusation se sont toutes deux désistées de leurs
appels le 25 juin 2014. Germain Katanga est condamné à une peine totale de
12 ans d'emprisonnement ; le temps passé en détention pour le compte de la
CPI – c'est-à-dire la période du 18 septembre 2007 au 23 mai 2014 – a été
déduit de la peine prononcée. Ordonnance de réparations en faveur des
victimes : 24 mars 2017.
MBARUSHIMANAMBARUSHIMANA.. Charges non confirmées. La Chambre préliminaire I a
refusé de confirmer les charges à l'encontre de Callixte MBARUSHIMANA et n'a
pas renvoyé l'affaire en jugement. L'appel interjeté par l'Accusation a été rejeté.
Le 23 décembre 2011, M. MBARUSHIMANA a été mis en liberté par la CPI.
Prochaines étapes : L'affaire est considérée comme close tant que le Procureur
ne présente pas de nouveaux éléments de preuve.
11. II - Une jurisprudence progressivement qualifiée de politique.II - Une jurisprudence progressivement qualifiée de politique.
A - Etat des lieux et justification.A - Etat des lieux et justification.
1°) La possible instrumentalisation de la jurisprudence de la Cour.1°) La possible instrumentalisation de la jurisprudence de la Cour.
Ainsi, la CPI est aussi un acteur du jeu diplomatique. Le 14 mars, on apprenait
que la France avait envoyé dans des pays frontaliers avec la Syrie son
ambassadeur chargé des droits de l'homme afin de réunir des preuves des
atrocités commises par le régime de BACHAR AL-ASSADBACHAR AL-ASSAD pour un dossier à
remettre à la juridiction internationale. Un moyen supplémentaire pour faire
pression sur le régime. Désormais, les différents protagonistes intègrent
l'existence de la CPI dans leur raisonnement stratégique et certains même dans
leurs règles d'engagement.
L'effet de stimulation peut se vérifier et faire en sorte que les Etats soient plus
attentifs aux respects d'un certains nombres de règles. Selon le spécialiste, cette
épée de Damoclès a poussé Israël à se conformer aux standards de la CPI après la
publication du rapport GOLDSTONEGOLDSTONE et les Britanniques à juger sévèrement
plusieurs de leurs soldats après des bavures en Irak.
12. En revanche, cet effet dissuasif ne tient plus dès lors que le politique
s'imbrique dans le système judiciaire. Pour agir, le procureur s'appuie
principalement sur les Etats qui le saisissent. Mais s'ils font appel à lui, c'est
souvent dans un intérêt stratégique. Et c'est d'autant plus problématique,
quand les Etats sont eux-mêmes responsables d'exactions. En Ouganda, par
exemple, le président Yoweri MUSEVENIYoweri MUSEVENI avait demandé à la CPI
d'intervenir. Pourtant, l'armée ougandaise avait elle aussi commis des
exactions, rappelle-t-il. Cela n'a pas empêché le procureur Luis MorenoLuis Moreno
O’CAMPOO’CAMPO de s'afficher publiquement aux côtés du président ougandais. Ou
comme dans l'affaire LUBANGA.
D’autre part, l'utilisation de la CPI par le Conseil de sécurité des Nations
Unis fait penser à cette instrumentalisation. Toutes les fois que le Conseil de
sécurité saisit directement la justice internationale, elle participe de cette
entreprise de décrédibilisation d'un régime. Elle peut ouvrir la voie à une
intervention militaire comme cela a été le cas en Libye. La question
aujourd’hui est de savoir si la CPI est une institution en soi ou bien un
organe d’exécution, un bras judiciaire du Conseil de sécurité pour intervenir
ou ne pas intervenir.
13. 2°) Une lenteur frustrante2°) Une lenteur frustrante
Autre reproche fait à la CPI : la lenteur des procédures. En dix ans, la juridiction a abouti
à un seul jugement. Sept pays font aujourd'hui l'objet d'enquêtes : l'Ouganda, la RDC, la
République centrafricaine, la région du Darfour, le Kenya, la Libye et la Côte d'Ivoire. 12
affaires sont en attente contre 21 personnes. Cinq personnes sont détenues à La Haye :
LUBANGALUBANGA, KATANGAKATANGA, NGUDJOLONGUDJOLO, BEMBABEMBA, BLE GOUDEBLE GOUDE et Laurent GBAGBOLaurent GBAGBO. Les
victimes trouvent le temps des procédures très long. Cette durée tient avant tout au
caractère inhérent à la justice internationale avec des crimes de masse à très grande
échelle. Les moyens d'enquêtes sont d'autant plus compliqués qu'il s'agit souvent de
terrains peu faciles d'accès et encore en conflit armé. La participation des victimes,
nombreuses, ralentit les procédures dans lesquelles la défense peut à tout moment
multiplier les incidents. Rien de très anormal en somme.
Mais aussi, il y a le système cloisonné de la CPI, explique Emmanuel Decaux, professeur
de droit à Paris II et directeur du centre de recherche sur les droits de l’homme et le
droit humanitaire. Il y a des divisions au sein de la Cour, notamment entre le procureur
et la Chambre. Le premier est complètement indépendant, il fait ce qu'il veut dans son
coin sans coordination. D'ailleurs dans l'affaire LUBANGA, il y a eu un désaveu vis-à-vis
du procureur, la Chambre l'accusant d'être passé par des intermédiaires et d'avoir
entendu un tas de faux témoins. Beaucoup de temps a été perdu à faire le tri.
14. B - Les perspectives.B - Les perspectives.
++La démocratisation des poursuites contre tous les crimes
internationaux.
++ Engager, dans le sens de leur systématisation des poursuites contre
tous les criminels.
++ Institutionnaliser des mécanismes de coopération entre juges
nationaux et pénaux internationaux voir régionaux ‘Cour Africaine
des Droits de l’Homme. (notamment par le mécanisme du renvoi
préjudiciel).
++ Réaffirmer la compétence universelle