GRANDE CONFERENCE 3 UDS. sur "LA PROBLEMATIQUE DU RETRAIT DES ETATS AFRICAINS DE LA COUR PENALE INTERNATIONALE ET L'AVENIR DE LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION AFRICAINE"
[Workshop en économie de développement:"Pertinence des politiques publiques d...
Pr keutcheu. la controverse autour de la définition des crimes. 180417
1. « La controverse autour de la
définition des crimes relevant de
la juridiction de la CPI »
Pr Joseph KEUTCHEU, Maître de conférences,
Agrégé de Science politique
2. En guise d’introduction…
• La civilisation internationale des
mœurs étatiques a pour corollaire la
forclusion de crimes en temps de
guerre comme en temps de paix
• Existence d’une longue histoire de
mécanismes judiciaires internationaux
visant à pallier cette déficience de la
justice nationale
• Il s’est agi de trouver des concepts
juridiques pour désigner des crimes
sans précédent et de la punir : de
crimes de guerre, crime contre
l’humanité et de génocide
3. • Une controverse récente hante l’utilisation des concepts de
crimes de guerre, crime contre l’humanité et de génocide
• Des concepts considérés comme situés, concepts envisagés
comme visant à ne stigmatiser que les dirigeants des pays du sud
(africains en particulier) Exemple: les crimes commis par l’armée
américaine en Afghanistan ou en Irak sont-ils moins « crimes de
guerre » que ceux commis en RDC ou en RCA?
• Question centrale de cette communication: comment percevoir la
controverse actuelle?
• Situation de controverse perçue négativement par moults
observateurs : menace pour la consolidation d’une justice pénale
internationale Lecture pathologique de la controverse
• Dans le cadre de cette communication, refus d’une lecture
pathologique de la controverse
4. • La réflexion autour de
cette controverse se
déploie dans deux
directions principales
d’abord, la controverse
comme conséquence de
l’incertitude autour de ces
concepts et des divergences
d’intérêts entre acteurs (I)
Ensuite, la controverse
comme socialement
productive (II)
5. I – Une controverse articulée autour
d’incertitudes juridiques et de divergences
politiques
• De ce point de vue,
distinguons :
– les incertitudes dans la
qualification juridique des faits
de crimes (A)
– Des divergences politiques
entre acteurs de la justice
pénale internationale (B).
6. A - Des incertitudes dans la qualification juridique des faits de
crimes
• Moteur de la controverse
• Dans le principe…
– Crimes contre l’humanité = crimes de droit commun commis sur ordre « dans le
cadre d'une attaque généralisée ou systématique dirigée contre toute population
civile » : meurtre ; esclavage ; déportation ; emprisonnement abusif ; torture ; abus
sexuels ; persécution de masse ; disparitions ; apartheid, autres actes inhumains de
caractère analogue. (Art. 7 du Statut de Rome de la CPI)
– Crimes de guerre = Assassinat, mauvais traitements ou déportation pour des
travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires
occupés, assassinat ou mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des
personnes en mer, exécution des otages, pillages de biens publics ou privés,
destruction sans motif des villes et des villages, ou dévastation que ne justifient pas
les exigences militaires (Charte de Nuremberg, 1945; Art 8 Statut de Rome)
– Génocide= l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire,
en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
Meurtre de membres du groupe ; atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de
membres du groupe ; soumission intentionnelle du groupe à des conditions
d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; mesures
visant à entraver les naissances au sein du groupe ; transfert forcé d'enfants du
groupe à un autre groupe.
7. • Dans la pratique…
– Des indéterminations dans la qualification juridique des
faits : une extension des concepts avec risque de dilution
(dans Art 7, Statut de Rome, une énumération des crimes
contre l’humanité avec à la fin la mention « autres actes
inhumains de caractère analogue ») Risque d’enlever au
concept « crime contre l’humanité » toute sa pertinence
– L’inachèvement politique du paradigme de « crime contre
l’humanité » : les crimes contre l’humanité ne figurent pas
dans tous les codes pénaux. Et le statut de la Cour pénale
internationale n’est pas ratifié par tous les États
Possibilité pour des ressortissants de certains Etats
d’échapper aux poursuites pour crimes contre l’humanité
8. – Une validité questionnable de la justice
internationale: justice des puissants?
1. La définition des crimes relevant de la juridiction de la CPI
dominée par les acteurs occidentaux qui en verrouillent
le sens : Exactions de l’armée israélienne contre les
Palestiniens/Exactions de l’armée de J.P. Bemba en RCA
2. Ceux qui craignent de devoir rendre des comptes comme
la Russie, la Chine, les Etats-Unis, la quasi-totalité des
pays arabes et Israël ont rejeté la définition des crimes
élaborées par la CPI
3. Si le Conseil de Sécurité peut saisir la CPI contre un Etat
non-membre (cas pour le Darfour en 2005 ou
la Libye en 2011) les bourreaux bénéficiant de la
protection d’un ou plusieurs des cinq membres
permanents ne risquent pas grand-chose
9. B – Des divergences politiques entre acteurs de la
justice pénale internationale
• Lectures géopolitiques et politiques : la question des objectifs de la
définition des crimes = objet clivant Instrumentalisation
circonstancielle des objectifs de la CPI :
1. Aux niveaux des Etats occidentaux, CPI « joker des puissants » (Maupas,
2016), Une arme pour éliminer des concurrents dans le champ géopolitique
international Exple: Cas ivoirien (France versus Gbagbo), fiasco Libyen
(accusations contre Kadhafi), cas du Kenya, de l’Ouganda
2. En coopérant avec la Cour, plusieurs chefs d’Etat africains y ont vu le moyen
d’éloigner pour longtemps leurs opposants
3. Par les chefs d’Etat africains, recours au levier émotionnel de la lutte contre
le néocolonialisme (justice des Blancs), mais très souvent, tactique pour
échapper aux poursuites. Exple: En se posant en victime de l’Occident, le
président soudanais Omar El Bechir continue de parader aux sommets de
l’Union africaine, de la Ligue arabe ou de l’Organisation de la Conférence
Islamique.
Envisager néanmoins ces situations de controverse non comme une
anomie sociale mais comme un processus d'apprentissage
10. II – Une controverse socialement productive
• La réflexion dans
deux directions:
– La controverse
comme moyen
d’évaluation des
enjeux de la JPI (A)
– La controverse
comme processus
d’apprentissage (B)
11. A – La controverse comme moyen d’évaluation
des enjeux de la JPI
• Une évaluation par la combinaison de deux types
d'inventaire :
– l'ensemble des dimensions de la JPI,
– La multiplicité des systèmes d’interprétation des crimes
• S’agissant des dimensions de la JPI: apparition de nouveaux
acteurs sur la scène publique (Etats africains, ONGI, lanceurs
d’alertes, etc.), redistribution des positions dans les configurations
d'acteurs en place (déconfinement des positions d’Etats africains
auparavant relégués au rang d’acteurs passifs)
Démonopolisation envisagée de la définition des crimes
susceptibles de saisine par la CPI
12. • La vertu de la controverse: rendre compte de
l’hétérogénéité des savoirs autour des crimes contre
l’humanité, crimes de guerre et génocides rendre
manifestes des régimes divergents d’appréhension
de ces concepts
• Multiplicité des systèmes d'interprétation des
crimes élaborés par les divers acteurs en fonction de
leurs expériences et de leur savoir-faire Controverse
= occasion d'élargir les points de référence par la
prise en compte des définitions africaines
• Introduction dans les débats sur les crimes des
informations jusque là négligées dont la mise en
relation aboutit à une réévaluation complète de la
définition des crimes
13. B – La controverse comme processus
d’apprentissage
• Apprentissage progressif en Afrique de
l’union face à l’ « adversité ». Exple: En janvier
2016 sur proposition du président Kenyan
Uhuru Kenyatta, l’UA adopte un texte
prévoyant le retrait des Etats africains de la
CPI.
• Moins qu’un anomie sociale, la controverse
oriente vers une plus grande maturation des
projets ultérieurs relatifs à la justice pénale
internationale.