Retour sur la loi antiterroriste Une urgence qui se fait toujours attendre
1. - RÉALITÉS - N° 1490 - du 17 au 23/7/2014
EconomieActuel
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Les
armes circulent, prove-
nant de Libye ou d’ail-
leurs, les cellules terro-
ristes se sont installées non seulement sur
les hauteurs et les endroits reculés, mais
aussi dans les zones urbaines surpeu-
plées et populaires où souvent des des-
centes de police mènent à la découverte
d’un arsenal impressionnant d’armes,
parfois même jusque dans les mosquées.
Plus que jamais la loi antiterroriste de-
vrait être révisée et adoptée. Population,
politiques, agents de la sécurité… tous
appellent à son application et soulignent
sa nécessité. Pourtant, elle tarde encore à
être votée. Pis encore, au sein de l’ANC
des députés n’en voyaient pas l’utilité,
ce qui en a retardé l’adoption.
La loi antiterroriste de 2003 posait un
problème au niveau du respect des Droits
de l’Homme et servait davantage à mu�-
seler les opposants qu’à lutter contre le
terrorisme. Aujourd’hui, saurons-nous
adopter à temps une loi équilibrée, entre
lutte contre le terrorisme et respect des
Droits de l’Homme ?
Abdessattar Ben Moussa,
président de la Fédération
tunisienne des Droits
de l’Homme
« La loi devrait aussi être préventive
et plus précise »
La loi antiterroriste s’est concentrée sur les
sanctions en omettant le côté préventif. Les
prérogatives de la commission créée sont
limitées puisqu’elle ne peut protéger les
institutions, établissements scolaires, mos-
Retour sur la loi antiterroriste
Une urgence qui se fait
toujours attendre
Samedi dernier, une manifestation a été organisée au
Bardo pour protester contre le terrorisme. Les opérations
terroristes ont fait de nombreuses victimes et traumatisé
les Tunisiens. Pour faire face à ce fléau, les forces de
sécurité n’ont pas besoin que de moyens techniques et
militaires. Ils ont à maintes reprises exprimé l’urgence
d’une loi antiterroriste qui encadre leur action et les
protège dans l’exercice de leurs fonctions. Pendant ce
temps, l’ANC traine le pas et ce retard cache des enjeux
divers selon les sensibilités politiques et idéologiques.
2. du 17 au 23/7/2014 - N° 1490 - RÉALITÉS -
quées et maisons de la culture de l’enraci-
nement des idées nourrissant le terrorisme.
Néanmoins, ladite loi a essayé de trouver
un équilibre entre le respect des Droits de
l’Homme et la lutte antiterroriste. La loi de
2003 constituait un procès d’intentions et
se tournait contre les opposants politiques,
car elle contenait des termes ambiguës.
Lors de l’élaboration de cette loi, l’effort
a été fourni concernant la définition et le
classement. L’article 13 a classé les crimes
terroristes, mais en omet certains autres,
par exemple, en classant “crime terroriste”
les violences commises dans les aéroports,
il ne classifie pas les violences pouvant être
commises dans d’autres endroits relatifs au
transport telles les gares ferroviaires, pour-
tant des actes terroristes peuvent y être
commis. De même que l’article 13 dans
sa version actuelle peut classer un crime
de droit commun en crime terroriste. Il
lui faut plus de précision. Concernant le
blanchiment d’argent, il existe des pro-
cédures qu’un comité spécialisé devrait
entreprendre,comme geler les biens ou les
comptes selon l’article 96. Cette décision,
une fois prise par le comité, n’est pas à
revoir ou à réviser. Or cela nuit aux Droits
de l’Homme, car toute décision devrait
être apte à être revue d’autant plus que la
décision de gel peut être prise non, quand
la culpabilité est prouvée, mais dès que la
personne est accusée. Le fait de permettre
au juge d’investigation de garder l’enquête
secrète et de classer des dossiers secrets
sans que l’avocat de l’accusé puisse y jeter
un coup d’œil, ne lui permet pas de prépa-
rer sa défense et même si le juge lève la
restriction, le procureur de la République
peut la maintenir.
Nadia Châabane, députée
Détails de la loi antiterroriste
Nous avons tout d’abord passé quinze
jours à trois semaines dans un débat
quant à la nécessité même de cette loi.
Des députés de plusieurs partis, dont
Ennahdha et Wafa, n’en voyaient pas
l’utilité. Ce débat a ralenti la discussion
et l’adoption de la loi antiterroriste,
ensuite on est passé à la discussion ar-
ticle par article de la loi.
La loi antiterroriste de 2003 comportait
deux volets : le blanchiment d’argent
et la lutte antiterroriste. Nous avons au-
jourd’hui gardé la même configuration.
Il n’y a pas de différence entre la loi de
2003 et celle d’aujourd’hui en ce qui
concerne le blanchiment d’argent. Le
volet de la lutte antiterroriste comporte en
revanche des améliorations indéniables.
La loi, sous cet angle, obéit aux standards
internationaux. Le texte se rapporte aux
inculpations, à la définition du crime ter-
roriste et aux procédures à suivre. Il y a
eu une divergence au sein de l’ANC se
rapportant à la définition du crime. Cer-
tains ont soutenu la nécessité de définir
le crime terroriste et d’autres ont esti-
mé que les crimes terroristes évoluent
tout le temps et ne se limitent plus aux
actes de violence. Il existe par exemple
l’empoisonnement et d’autres méthodes
d’attaques terroristes. Ainsi, le crime se
définit selon l’acte en étant ramené aux
auteurs. Il existe une différence entre une
bande qui commet des violences pour
vol et d’autres pour semer la terreur ou
défendre une idéologie (…).
Outre les inculpations, procédures et
définitions, le texte comporte un volet
relatif à la protection des témoins, le
traitement des témoignages, la régle-
mentation des confrontations et aux pro-
cédures d’infiltration et des écoutes télé-
phoniques. Jusqu’ici la procédure n’était
pas transparente concernant ce dernier
point. Aujourd’hui elle devrait passer
par la magistrature pour plus de transpa-
rence et elle n’est permise qu’avec une
permission du parquet. La protection des
témoins et des personnes dénonçant de
potentiels actes est assurée par la loi afin
de faciliter la lutte antiterroriste.
La loi stipule aussi une coordination
interministérielle pour plus d’efficaci-
té. Des experts de plusieurs ministères
constituent un comité pour un mandat
de trois ans et étudient ensemble les
différents problèmes renforçant ainsi
l’efficience du dispositif. Le comité
sera chapeauté par un juge. Le comité
interministériel devrait élaborer un plan
stratégique et coordonner avec plusieurs
autres composantes : société civile, ins-
titutions de télécommunications, médias,
etc. Les journalistes ont également un
rôle à jouer dans la lutte antiterroriste.
L’article 33 de la loi est relatif au rôle
de l’avocat de l’accusé. Il n’est concerné
par le secret professionnel que par rap-
port à son client, autrement il doit signa-
ler toute information prévenant d’un acte
terroriste qu’il découvre et les informa-
tions ne violant pas le secret profession-
nel concernant son client.
Le juge n’a pas le droit de classer des
dossiers secrets empêchant ainsi l’avocat
de les consulter. Ce dernier a un droit de
regard, mais il doit consulter les dossiers
sur place sans les emporter.
Actuellement, nous étudions la question de
l’apologie du crime dans l’article 28. Sans
toucher à la liberté d’expression, on devrait
sanctionner tout appel au meurtre ou inci-
tation à la haine et aux violences. On ne
peut pas permettre l’appel au meurtre.
On ne peut combattre le terrorisme sans
stratégie de présomption. Ce dernier
point reste à améliorer ainsi que les
procédures à suivre dans le respect des
Droits de l’Homme. Il y a des retouches
à faire sur l’ensemble de la loi, mais elle
est d’un bon niveau. Les délais de garde
à vue sont entrain d’être étudiés, on va
vers de longues périodes de garde à vue :
un mois, voire plus.
La peine capitale dans la loi terroriste a
été remplacée par la peine à perpétuité
pour permettre les extraditions, sinon
des pays peuvent nous refuser l’extradi-
tion de terroristes sur leur sol. La Tunisie
a signé 14 conventions sur les questions
du terrorisme et il faut maintenant mettre
en cohésion les textes de la loi actuelle et
les conventions signées.
Il existe dans la loi élaborée une réduc-
tion des peines quant aux personnes ap-
partenant à des cellules terroristes, mais
n’ayant participé à aucun acte et dénon-
çant un éventuel crime terroriste avant
qu’il ne soit commis.
La création d’un pôle judiciaire spécia-
lisé est très avantageuse dans la lutte
antiterroriste.
Hajer Ajroudi
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ActuelNATION