Enquête parue dans Le Film Français en septembre 2016

1. enquête24
N° 3715 du 30 septembre 2016
©InnerspaceVR
©AgatFilms
©InnerspaceVR
©CameraLucida
©OkioStudio
©InnerspaceVR
©AgatFilms
©HeleneAdamo
Uni-VR, un think tank de la réalité virtuelle
Les acteurs français de la réalité virtuelle
(producteurs, diffuseurs, agences de publicité, etc.)
se réunissent une fois par mois. Le but ? Créer
et fédérer une communauté sur ce domaine,
échanger, voire peser sur les institutions.
http://www.uni-vr.org/
Les producteurs français
à l’assaut de la réalité virtuelle
En véritables pionniers, plusieurs producteurs français expérimentent la réalité virtuelle.
Le film français est allé à la rencontre de quatre d’entre eux, afin d’en savoir plus sur leurs projets,
leurs visions, et les potentialités de cette nouvelle technologie. ■ Cécile Blanchard
Camera Lucida
Camera Lucida a produit The Enemy, sélectionné
au Tribeca Film Festival, Festival Tous écrans,
et Idfa à Amsterdam.
Chloé Jarry, productrice : Tout est
parti d’un projet en particulier, porté
par Karim Ben Khelifa, photojourna-
liste, qui souhaitait dresser le portrait
d’ennemis, face à face. La réalité
­virtuelle s’est imposée peu à peu, car
elle nous permettait de placer le spec-
tateur en immersion : il peut se déplacer et aller écouter
chaque combattant, les yeux dans les yeux. C’est un projet
soutenu par de nombreux partenaires : France Télévisions,
Emisive, le CNC, l’ONF… Conçu comme une installation,
puisquelesgensdoiventpouvoirsedéplacerdansunepièce
de 300 m2, il dure 45 minutes environ. Le but est de faire
bouger les lignes, de changer le regard sur les combattants
et de les humaniser.
Après The Enemy, avez-vous d’autres projets en réalité
virtuelle ?
Sur 50 heures de documentaire que nous produisons par
an, nous avons trois ou quatre projets de réalité virtuelle en
développement.TheEnemyaétéunvraiinvestissementpour
Camera Lucida, et nous avons envie de continuer à pousser
la recherche narrative, voir des auteurs et des réalisateurs
émerger. Nous voulons accompagner ce mouvement. ❖
Agat Films
Agat Films a produit Notes on Blindness, primé
aux festivals de Tribeca, Sheffield et Kaleidoscope.
Arnaud Colinart, producteur : Arte
nous a contactés pour étudier la fai-
sabilité d’une production numérique
afin d’accompagner la diffusion du
documentaire linéaire Notes on Blind-
ness, sur un professeur qui témoigne
de sa perte progressive de la vue. Au
départ, nous avions l’idée d’un projet basé uniquement sur
l’audio, mais cela ne fonctionnait pas. Nous avons donc
commencé à travailler en 360, puis la réalité virtuelle s’est
imposée. En utilisant le casque comme un masque, elle
­permet en effet une immersion totale dans ce nouveau
mondeacoustiquequinaîtendevenantaveugle.Aujourd’hui,
ilfautintégrerlaréalitévirtuellecommeuneécriturepossible,
mais tout ne doit pas pour autant être fait en réalité virtuelle.
Notre prochain jeu vidéo, par exemple, ne le sera pas, tandis
que nous allons produire un court métrage d’animation,
Kinoscope, qui, lui, utilisera cette technologie.
Quelle est la différence avec les autres productions ?
Commetouteproductionnumérique,ilfautseposerlaques-
tion du public mais aussi celle de la plateforme sur laquelle
ellevaêtreregardée.Deplus,laréalitévirtuelledoitimpliquer
une promesse éditoriale suffisamment forte pour justifier la
contrainte de porter un masque. D’autant que les budgets
sont élevés. Notes on Blindness a coûté 500 000 €, financés
notamment par le CNC et Arte. Heureusement, la France et
l’Europe proposent des outils de soutien à la production et
à la création. ❖
Okio Studio
Okio Studio a produit iPhilip, récompensé
à Laval Virtual et au Web Program Festival.
Antoine Cayrol, cofondateur : Au
départ, nous voulions simplement
tester cette nouvelle technologie en
réalisant un court métrage. Très vite,
l’intérêt suscité par ce projet nous a
amenés à créer Okio, une société de
production spécialisée dans la réa-
lité virtuelle. Pendant la première année, nous avons testé
tous les outils techniques possibles, et nous avons rédigé
Innerspace VR
Innerspace VR a produit Firebird, La Péri, récompensé
du Masque d’or au Paris Virtual Film Festival.
Balthazar Auxietre (1), fondateur,
et Hadrien Lanvin (2), président :
Innerspace VR a été créée en 2014,
suite à un partenariat avec Samsung
qui nous a commandé une série de
productions en amont de la sortie du
casque Gear VR. Nous réalisons des
jeux vidéo et des fictions en réalité
virtuelle, avec une spécificité : nous
ne tournons pas avec des caméras
360, nous travaillons uniquement
avec des ordinateurs. La fiction
­Firebird, La Péri est un conte basé
sur le ballet composé par Paul
Dukas, où le spectateur est dans la
peau du prince Iskender cherchant la fleur d’immortalité.
Notre but est d’exploiter toutes les possibilités de la réalité
virtuelle : le public peut interagir, sans pour autant tomber
dans le jeu vidéo. C’est passionnant d’explorer un nou-
veau langage, et d’en définir ainsi les contours.
La réalité virtuelle est-elle forcément internationale ?
Toute notre production se fait en France, et nous avons
un bureau à Los Angeles. Aujourd’hui, c’est un marché
d’offres, financé essentiellement par les fabricants ou les
gros acteurs de la technologie, majoritairement améri-
cains ou asiatiques, qui ont besoin de contenus sur leurs
“stores”. L’internationalisation est un passage obligé. ❖
un livre blanc des narrations. Cela nous permet notam-
ment de ne pas rendre les gens malades car la notion de
confort dans les masques est très souvent liée à la narra-
tion. Aujourd’hui, notre activité se répartit en trois pôles :
reportages, ­publicité, fiction. Nous avons coproduit avec
Arte iPhilip qui place le spectateur dans la peau d’un
androïde à qui on a implanté la mémoire de l’écrivain Phil
K. Dick. Notre prochaine fiction, Alteration, également
coproduite par Arte, sortira en avril.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Chez Okio, nous sommes persuadés que la réalité virtuelle
va se démocratiser, et que les casques vont évoluer pour
être moins encombrants. Pour le moment, les films en
réalité virtuelle sont assez courts, mais je suis convaincu
qu’à terme il y aura des longs métrages. Déjà, énormément
d’auteurs viennent nous voir : nous recevons entre 15 et
20 projets par semaine. ❖
Suite de la page 21
Firebird, La Péri
de Balthazar
Auxietre
(Innerspace VR).
Kinoscope de
P. Collin et C. Léotard
(Agat Films,
Novelab).
Visionnage
de The Enemy
de Karim
Ben Khelifa
(Camera
Lucida).
©OkioStudio
iPhilip de Pierre
Zandrowicz
(Okio Studio).
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