SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  5
L’intelligence artificielle au service des élections.
Parce que nous venons de lancer PREDEECT, notre propre logiciel de projection électorale,
il nous semblait important de vous présenter un état des lieux des principales tentatives de
prédictions électorales revendiquant l’usage d’une intelligence artificielle aux Etats-Unis,
mais aussi en France…
Les algorithmes d’intelligence artificielle font régulièrement la une des media pour leurs
prouesses ou leurs capacités prédictives. On les retrouve dans tout un tas de secteurs
d’activités servant à anticiper des catastrophes naturelles, des cancers ou des accidents
cardiovasculaires, à battre des champions d’échecs ou du jeu de go, à établir des pronostics
sportifs…. Mais peuvent-ils prédire les résultats d’élections ? Depuis quelques années,les data
analysts et data scientists viennent bousculer le marché des sondages avec des démarches
inspirées des méthodes de traitement des Big data et de l’intelligence artificielle.
Jusqu’à très récemment, seules les méthodes développées par les instituts de sondages
permettaient de prédire des résultats électoraux, de manière relativement fiable (enfin, c’est
ce qu’on pensait étant nous-mêmes consommateurs du travail de l’IFOP, Harris, Sofrès…).
Celles-ci consistent à interroger un échantillon jugé suffisamment représentatif d’un électorat
donné, puis d’extrapoler les réponses à l’ensemble de cet électorat. Avec leur multiplication
depuis l’après-guerre, ces sondages se sont considérablement perfectionnés. Pourtant, ils
sont confrontés à des critiques récurrentes et doivent aujourd’hui faire face à l’émergence
d’une génération d’études qui se basent désormais sur les data. Avec, d’une élection à l’autre,
des succès divers…
Nate Silver, prodige des prédictions… Jusqu’à Trump
Le tournant, qui a inspiré bien des expériences et des vocations par la suite, est sans doute
venu de Nate Silver, statisticien américain qui va démontrer le pouvoir des data dans la
prédiction électorale. Alors qu’il était principalement connu et reconnu pour ses analyses
prédictives sur le baseball, il décide à partir de 2007, et sous pseudo, de publier des prévisions
sur l’élection présidentielle américaine programmée l’année suivante. Il se dévoile finalement
sous son vrai nom et crée le blog FiveThirtyEight.com pendant l’été 2008, savant mélange de
sondages, de statistiques économiques de de data historiques sur les élections outre-
Atlantique. Ce modèle prédira correctement l’élection de Barack Obama et réussira à donner
le vainqueur dans 49 des 50 Etats américains. Nate Silver prédira aussi avec exactitude les
résultats des sénatoriales. En 2012, pour la réélection de Barack Obama, c’est même le carton
plein : Nate Silver, qui a depuis vendu des milliers de livres et dont le blog est désormais
hébergé par le New York Times, prédit le bon résultat dans les 50 Etats américains.
Le retour de bâton sera pour la présidentielle suivante. En 2016, Nate Silver et le New York
Times annoncent une large victoire d’Hillary Clinton face à Donald Trump. La démocrate est
créditée d’une probabilité de victoire de 71,4% par FiveThirtyEight.com. Mais la Floride, le
Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin basculent du côté du tempétueux milliardaire, ce
que les modèles de Nate Silver n’avaient pas prévu. C’est un double camouflet pour le New
York Times qui avait aussi combiné sondages et statistiques dans son projet “Chance of
winning presidency“. Au meilleur de sa forme, cet indicateur donnait jusqu’à 85 % de chances
de gagner à Hillary Clinton, contre 15 % pour Donald Trump…
Twitter, mine d’or ou leurre ?
Nate Silver et le New York Times ne seront pas les seuls à passer complètement à côté du
phénomène Trump. Entre 2008 et 2016, un réseau social va voir le nombre de ses utilisateurs
exploser et va, dans le même temps, devenir le terrain de jeu d’une nouvelle génération de
chercheurs : Twitter. Des travaux universitaires vont fleurir au sujet de l’“Opinion mining”,
autrement dit l’analyse des opinions sur le réseau social, certains dans le domaine politique.
Et ces travaux vont encore inspirer plus d’une expérience de prédiction.
Un autre statisticien basé à New York, Hernan Makse, va ainsi essayer lui aussi de prédire les
résultats de l’élection de 2016, avec une méthode particulière : avec son équipe de recherche
et son “Kcore Lab” ils ont décidé de décortiquer les données issues de 171 millions des tweets
portant sur Hillary Clinton et Donald Trump et d’utiliser le machine learning pour le faire. Les
résultats, détaillés a posteriori en avril 2017, ne seront pas vraiment concluants : le modèle
annoncera Hillary Clinton gagnante avec 55,5 % des voix.
Parmi les projets menés sur Twitter à l’occasion des élections américaines de 2016 on peut
aussi citer le site Estorm.org, monté par un groupe de chercheurs regroupés sous le
patronyme InitialDLab. Ces chercheurs, rattachés à l’école d’informatique de l’Université de
l’Utah, en partenariat avec la prestigieuse université de Tsinghua de Pékin, vont user des
algorithmes d’analyse lexicale pour déterminer les sentiment positifs ou négatifs de plusieurs
centaines de milliers de tweets. Leurs conclusions seront assez proches de la compilation de
sondages du New York Times. Autrement dit, encore une fois, rien de très concluant.
(Capture Estorm.org)
Le summum revient probablement à l’entreprise canadienne Advanced Symbolics, une firme
basée à Ottawa et spécialisée en intelligence artificielle. Son business de base : entrer dans la
tête des consommateurs pour abreuver de data ses clients (Disney, Bell et de grands
complexes commerciaux au Canada et aux Etats-Unis). Sans doute soucieuse de montrer ses
compétences au monde entier (et de se faire au passage un petit coup de pub), Advanced
Symbolics jouera aussi au jeu des pronostics pour l’élection américaine de 2016. Son IA,
baptisée “Polly”,sera alimentée en données extraites des médias sociauxet de billets de blogs
suivant un échantillon représentatif de 200 000 Américains en âge de voter. Polly a également
parcouru des milliers de sites d’information en ligne pour aider à déterminer dans quel sens
le vent électoral soufflait. Et Erin Kelly, la CEO d’Advanced Symbolics, confiante dans son
modèle, d’assurer qu’il était en mesure de “comprendre le sarcasme et d’autres nuances de
la langue anglaise”. Le hic : Polly a prédit une victoire d’Hillary Clinton. “Les Américains sont-
ils prêts pour une présidence Trump ? Notre IA dit que non”, osera même annoncer la PDG
dans la presse. Perdu !
MogAI, seule vraie réussite de la présidentielle de 2016
Dans ce déferlement d’études pour la plupart erronées sur l’avènement de Donald Trump,
une initiative est néanmoins parvenue à sortir son épingle du jeu. Et celle-ci est venue d’une
start-up indienne, Genic.ai, emmenée par son emblématique patron Sanjiv Rai. Spécialisée en
intelligence artificielle elle aussi, la petite société de ce “serial entrepreneur” va développer
un robot, répondant au doux nom de “MogAI”. Ce dernier va analyser le comportement des
internautes et, à contre-pied des sondages, va constater que depuis 12 ans, les gagnants des
présidentielles et des primaires sont toujours les candidats qui ont obtenu le plus fort taux
d’engagement sur les réseaux sociaux. A ce petit jeu, Donald Trump surclasseses concurrents,
avec une stratégie extrêmement bien rodée.
En décortiquant environ 20 millions de conversations sur Facebook, Twitter et YouTube,
MogAI va ainsi pronostiquer la victoire du milliardaire deux semaines avant le scrutin. Donald
Trump aurait surpassé le niveau d’engagement atteint par Barack Obama lui-même en 2008
sur les réseaux sociaux. Avec sa prédiction réussie, MogAI va notamment accréditer la thèse
selonlaquelle même les commentaires négatifs profitent au candidat, pourvu qu’ilfasseparler
de lui. Pour la petite histoire, le nom MogAI a été inspiré de Mowgli, jeune héros du “Livre de
la jungle”, qui apprend de son environnement avec un réel sens de l’observation.
D’autres formes de data explorées
En février 2017, un chercheur en sciences humaines et sociales à l’Université de Houston, au
Texas du nom de Ryan Kennedy va de son côté réaliser une étude d’ampleur plutôt
prometteuse. Dans la revue Science, en février 2017, lui et son équipe estiment que leur
modèle prédictif mixant sondages, données économiques et éléments de contexte politique
pour plus de 500 élections dans 86 pays différents entre 1945 et 2015 est concluant. Testé sur
un peu moins de 130 élections récentes, il est parvenu à prédire avec justesse 80% des
résultats. Un succès que David Lazer, co-auteur de l’étude, attribuera cependant à la prise en
compte de sondages dans le modèle. Sans eux, la fiabilité du modèle aurait chuté à 65 % selon
l’étude.
Une autre approche a été proposée en 2015 par TahaYasseri,chargéde recherche en sciences
sociales informatique àl’Oxford Internet Institute (Université d’Oxford). Ce physiciend’origine
iranienne, connu pour ses recherches sur les “sciences sociales de calcul” va mener avec un
autre chercheur, Jonathan Bright, une étude basée sur Wikipédia et sur les élections
européennes. Ils vont comptabiliser le nombre de visiteurs quotidiens sur les pages Wikipédia
des partis politiques en lice pour tenter d’établir des corrélations avec les résultats des
européennes de 2009 et 2014. Cette fois, l’échec est total : la fréquentation de l’encyclopédie
en ligne n’a en rien préfiguré ces résultats. Yasseri et Bright vont reconnaître que les électeurs
qui se sont connectés aux pages des partis politiques voulaient en réalité se renseigner, a
minima, sur les listes nouvelles ou insolites qui sont légions dans ce genre de scrutin.
Et en France ?
En France, le jeu des prédictions électorales à l’aide de data et de machine learning n’est pas
encore allé très loin. Deux sociétés, une start-up française et une entreprise canadienne, ont
abondamment été citées lors de l’élection présidentielle de 2017, mais leur travail relevait
plus d’une analyse de viralité que d’une réelle expérience de prédiction. La première,
Vigiglobe, se présentait comme un outil d’analyse des échanges sur les réseaux sociaux. Son
fait d’armes : avoir détecté une forte poussée du “Brexit” face au “Remain” sur les réseaux le
soir du référendum au Royaume-Uni en 2016. Alors quand elle va souligner des “dynamiques
favorables” à Benoît Hamon ou François Fillon, à quelques semaines de la présidentielle
française, elle sera abondamment reprise dans la presse. Mais ces indices seront vite balayés
par la décrépitude du Parti socialiste d’un côté et par une campagne plombée par les affaires
de l’autre.
Filteris, une société canadienne créée en 2002 par un couple de Français expatriés, fera
beaucoup plus de bruit. Plusieurs médias conservateurs, comme l’hebdomadaire Valeurs
Actuelles ou lesiteInternet Le Salon Beige,vont mettre en lumière cette entreprise spécialisée
en “web-réputation” qui, après avoir “prédit la victoire de Fillon à la primaire de la droite”, va
le placer “devant Emmanuel Macron au 1er tour de la présidentielle”. Un raccourci en réalité
puisque Filteris mesure quotidiennement une analyse des “opinions positives et négatives”
sur les réseaux sociaux pour chaque candidat, à qui elle attribue alors un “score” qui n’a rien
à voir avec des intentions de vote ou un quelconque pronostic… Dans les articles évoquant ses
mesures, on ne manquera pourtant pas de rappeler que Filteris avait prédit la victoire de
Donald Trump, alors qu’il s’agissait d’une simple analyse du bruit sur les réseaux sociaux
encore une fois. En pleine affaire Fillon, les chiffres de Filteris auront pourtant été repris par
les supporters du candidat LR soucieux de démontrer que leur champion était toujours dans
la course. Bruno Retailleau, coordinateur de la campagne Fillon, utilisera lui aussi ces chiffres
sur Radio Classique, avant le premier tour : “Nous avons des sondages qui sont faits avec ce
que l’on appelle le big data et qui placent François Fillon en numéro deux, malgré l’énorme
matraquage qu’il y a eu depuis des semaines. Donc tout est ouvert”. On connaît la suite.
Deux prédictions, deux échecs
Deux “vraies” expériences de prédictions seront néanmoins menées lors de la présidentielle
française de 2017. La première par Leonie Hill Capital, société d’investissement immatriculée
à Singapour. En se basant sur une intelligence artificielle mixant des données extraites des
réseaux sociaux, des sondages, ainsi que de statistiques démographiques et économiques,
celle-ci va, dès le mois de février 2017, annoncer que Marine Le Pen affronterait Emmanuel
Macron au second tour de la présidentielle en mai de la même année. L’IA ira même jusqu’à
prédire que c’est la candidate du FN qui remporterait l’élection. Leonie Hill Capital va
notamment baser son analyse sur un “effet Donald Trump” et sur un prétendu “coup
d’accélérateur” offert par la qualification au second tour de la candidate d’extrême droite.
La seconde expérience de prédictions a été portée par cinq étudiants de l’école Télécom Paris
Tech, rassemblés derrière un projet au nom prometteur : “Predict The President”. Relayée
dans l’hebdomadaire Le Point, leur analyse croise elle aussi le big data et les sondages à
l’époque, avec quelques subtilités. Mohamed Al Ani, Davy Bensoussan, Alexandre Brehelin,
Bertrand de Véricourt et Raphaël Vignes intègreront par exemple à leur modélisation
mathématique des recherches Google, des résultats électoraux et des sondages d’opinion
depuis 1981, mais aussi des statistiques de l’Insee et de Data.gouv, les seules, disent-ils déjà,
en mesure de servir d’indicateurs à l’échelon local. Les cinq étudiants formuleront d’ailleurs
leur problématique d’une manière assezproche de notre propre expérience aujourd’hui : “par
quelles variables sont dictés les votes temporels et territoriaux ?” Et leur méthode, elle aussi,
en rappelle une autre : “des modèles de Machine Learning et d’économétrie permettant de
déterminer un taux de vote” pour une série de “blocs” politiques prédéterminés.
Les limites du modèle ne seront pas éludées. Les données des réseaux sociaux “ne
représentent qu’une catégorie de la population”, les données socio-éco-démographiques
souffrent d’une “discontinuité” qui peut “influer sur la marge d’erreur”, les données de
recherche Google risquent de faire remonter des “épiphénomènes”, indiquaient les data-
scientists. Et ils avaient raison de se méfier : à cinq jours du premier tour de l’élection, leur
modèle donnera Marine Le Pen en tête avec un score de 24,13 %, devant François Fillon à
21,77 % et Emmanuel Macron, troisième, à 20,32 %.
Autrement dit le bon trio de tête, mais dans un ordre inexact. Comme quoi, on ne peut pas
tout prédire et PREDEECT, malgré toutes ses qualités, connait lui aussi ses limites !

Contenu connexe

Similaire à L'ia au service des élections

Euratech'trends : Intelligence Artificielle
Euratech'trends : Intelligence ArtificielleEuratech'trends : Intelligence Artificielle
Euratech'trends : Intelligence ArtificielleEuraTechnologies
 
La révolution du Big data
La révolution du Big dataLa révolution du Big data
La révolution du Big dataAloïs Kirner
 
Social Media News Week Omnicom Media Social Club* Semaine 22.04.2014
Social Media News Week Omnicom Media Social Club* Semaine 22.04.2014Social Media News Week Omnicom Media Social Club* Semaine 22.04.2014
Social Media News Week Omnicom Media Social Club* Semaine 22.04.2014OmnicomMediaGroup
 
blogAngels Social Media in numbers
blogAngels Social Media in numbersblogAngels Social Media in numbers
blogAngels Social Media in numbersBe Angels
 
Veille economie numerique 190511
Veille economie numerique 190511Veille economie numerique 190511
Veille economie numerique 190511Agence Elan
 
Humain Au Coeur Des Stratégies Web
Humain Au Coeur Des Stratégies WebHumain Au Coeur Des Stratégies Web
Humain Au Coeur Des Stratégies WebPatBQc
 
Humain au coeur des stratgies web
Humain au coeur des stratgies webHumain au coeur des stratgies web
Humain au coeur des stratgies webAziz El messaoudi
 
Baromètre de l'innovation septembre 2013
Baromètre de l'innovation   septembre 2013Baromètre de l'innovation   septembre 2013
Baromètre de l'innovation septembre 2013alain Clapaud
 
Eric duguay rep2400
Eric duguay  rep2400Eric duguay  rep2400
Eric duguay rep2400Éric Duguay
 
Exposition data et politique
Exposition data et politiqueExposition data et politique
Exposition data et politiqueTUBÀ
 
Ipsos Update - Le best of Ipsos à travers le monde - Janvier 2024
Ipsos Update - Le best of Ipsos à travers le monde - Janvier 2024Ipsos Update - Le best of Ipsos à travers le monde - Janvier 2024
Ipsos Update - Le best of Ipsos à travers le monde - Janvier 2024Ipsos France
 
La communication politique à l'ère digitale
La communication politique à l'ère digitaleLa communication politique à l'ère digitale
La communication politique à l'ère digitaleQuentin Lardeau
 
Veille Né Kid 081001
Veille Né Kid 081001Veille Né Kid 081001
Veille Né Kid 081001Nicolas Bard
 
Présidentielles de 2012: Pourquoi les réseaux sociaux vont-ils influer sur vo...
Présidentielles de 2012: Pourquoi les réseaux sociaux vont-ils influer sur vo...Présidentielles de 2012: Pourquoi les réseaux sociaux vont-ils influer sur vo...
Présidentielles de 2012: Pourquoi les réseaux sociaux vont-ils influer sur vo...Vincent PUREN
 
Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (10 mars 2020)
Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (10 mars 2020)Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (10 mars 2020)
Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (10 mars 2020)Ipsos France
 
Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (mars 2020)
Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (mars 2020)Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (mars 2020)
Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (mars 2020)Ipsos France
 

Similaire à L'ia au service des élections (20)

Euratech'trends : Intelligence Artificielle
Euratech'trends : Intelligence ArtificielleEuratech'trends : Intelligence Artificielle
Euratech'trends : Intelligence Artificielle
 
La révolution du Big data
La révolution du Big dataLa révolution du Big data
La révolution du Big data
 
Social Media News Week Omnicom Media Social Club* Semaine 22.04.2014
Social Media News Week Omnicom Media Social Club* Semaine 22.04.2014Social Media News Week Omnicom Media Social Club* Semaine 22.04.2014
Social Media News Week Omnicom Media Social Club* Semaine 22.04.2014
 
blogAngels Social Media in numbers
blogAngels Social Media in numbersblogAngels Social Media in numbers
blogAngels Social Media in numbers
 
Veille economie numerique 190511
Veille economie numerique 190511Veille economie numerique 190511
Veille economie numerique 190511
 
Humain Au Coeur Des Stratégies Web
Humain Au Coeur Des Stratégies WebHumain Au Coeur Des Stratégies Web
Humain Au Coeur Des Stratégies Web
 
Humain au coeur des stratgies web
Humain au coeur des stratgies webHumain au coeur des stratgies web
Humain au coeur des stratgies web
 
Baromètre de l'innovation septembre 2013
Baromètre de l'innovation   septembre 2013Baromètre de l'innovation   septembre 2013
Baromètre de l'innovation septembre 2013
 
Eric duguay rep2400
Eric duguay  rep2400Eric duguay  rep2400
Eric duguay rep2400
 
Exposition data et politique
Exposition data et politiqueExposition data et politique
Exposition data et politique
 
Ipsos Update - Le best of Ipsos à travers le monde - Janvier 2024
Ipsos Update - Le best of Ipsos à travers le monde - Janvier 2024Ipsos Update - Le best of Ipsos à travers le monde - Janvier 2024
Ipsos Update - Le best of Ipsos à travers le monde - Janvier 2024
 
Actu social Media
Actu social MediaActu social Media
Actu social Media
 
La communication politique à l'ère digitale
La communication politique à l'ère digitaleLa communication politique à l'ère digitale
La communication politique à l'ère digitale
 
hacker-la-politique
hacker-la-politiquehacker-la-politique
hacker-la-politique
 
Veille Né Kid 081001
Veille Né Kid 081001Veille Né Kid 081001
Veille Né Kid 081001
 
Présidentielles de 2012: Pourquoi les réseaux sociaux vont-ils influer sur vo...
Présidentielles de 2012: Pourquoi les réseaux sociaux vont-ils influer sur vo...Présidentielles de 2012: Pourquoi les réseaux sociaux vont-ils influer sur vo...
Présidentielles de 2012: Pourquoi les réseaux sociaux vont-ils influer sur vo...
 
Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (10 mars 2020)
Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (10 mars 2020)Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (10 mars 2020)
Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (10 mars 2020)
 
Ken Cochrane - Capter les messages et se préparer pour l'avenir
Ken Cochrane -  Capter les messages et se préparer pour l'avenirKen Cochrane -  Capter les messages et se préparer pour l'avenir
Ken Cochrane - Capter les messages et se préparer pour l'avenir
 
Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (mars 2020)
Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (mars 2020)Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (mars 2020)
Municipales 2020 - Le climat politique à Paris (mars 2020)
 
Internet et les élections présidentielles 2007
Internet et les élections présidentielles 2007Internet et les élections présidentielles 2007
Internet et les élections présidentielles 2007
 

L'ia au service des élections

  • 1. L’intelligence artificielle au service des élections. Parce que nous venons de lancer PREDEECT, notre propre logiciel de projection électorale, il nous semblait important de vous présenter un état des lieux des principales tentatives de prédictions électorales revendiquant l’usage d’une intelligence artificielle aux Etats-Unis, mais aussi en France… Les algorithmes d’intelligence artificielle font régulièrement la une des media pour leurs prouesses ou leurs capacités prédictives. On les retrouve dans tout un tas de secteurs d’activités servant à anticiper des catastrophes naturelles, des cancers ou des accidents cardiovasculaires, à battre des champions d’échecs ou du jeu de go, à établir des pronostics sportifs…. Mais peuvent-ils prédire les résultats d’élections ? Depuis quelques années,les data analysts et data scientists viennent bousculer le marché des sondages avec des démarches inspirées des méthodes de traitement des Big data et de l’intelligence artificielle. Jusqu’à très récemment, seules les méthodes développées par les instituts de sondages permettaient de prédire des résultats électoraux, de manière relativement fiable (enfin, c’est ce qu’on pensait étant nous-mêmes consommateurs du travail de l’IFOP, Harris, Sofrès…). Celles-ci consistent à interroger un échantillon jugé suffisamment représentatif d’un électorat donné, puis d’extrapoler les réponses à l’ensemble de cet électorat. Avec leur multiplication depuis l’après-guerre, ces sondages se sont considérablement perfectionnés. Pourtant, ils sont confrontés à des critiques récurrentes et doivent aujourd’hui faire face à l’émergence d’une génération d’études qui se basent désormais sur les data. Avec, d’une élection à l’autre, des succès divers… Nate Silver, prodige des prédictions… Jusqu’à Trump Le tournant, qui a inspiré bien des expériences et des vocations par la suite, est sans doute venu de Nate Silver, statisticien américain qui va démontrer le pouvoir des data dans la prédiction électorale. Alors qu’il était principalement connu et reconnu pour ses analyses prédictives sur le baseball, il décide à partir de 2007, et sous pseudo, de publier des prévisions sur l’élection présidentielle américaine programmée l’année suivante. Il se dévoile finalement sous son vrai nom et crée le blog FiveThirtyEight.com pendant l’été 2008, savant mélange de sondages, de statistiques économiques de de data historiques sur les élections outre- Atlantique. Ce modèle prédira correctement l’élection de Barack Obama et réussira à donner le vainqueur dans 49 des 50 Etats américains. Nate Silver prédira aussi avec exactitude les résultats des sénatoriales. En 2012, pour la réélection de Barack Obama, c’est même le carton plein : Nate Silver, qui a depuis vendu des milliers de livres et dont le blog est désormais hébergé par le New York Times, prédit le bon résultat dans les 50 Etats américains. Le retour de bâton sera pour la présidentielle suivante. En 2016, Nate Silver et le New York Times annoncent une large victoire d’Hillary Clinton face à Donald Trump. La démocrate est créditée d’une probabilité de victoire de 71,4% par FiveThirtyEight.com. Mais la Floride, le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin basculent du côté du tempétueux milliardaire, ce que les modèles de Nate Silver n’avaient pas prévu. C’est un double camouflet pour le New York Times qui avait aussi combiné sondages et statistiques dans son projet “Chance of
  • 2. winning presidency“. Au meilleur de sa forme, cet indicateur donnait jusqu’à 85 % de chances de gagner à Hillary Clinton, contre 15 % pour Donald Trump… Twitter, mine d’or ou leurre ? Nate Silver et le New York Times ne seront pas les seuls à passer complètement à côté du phénomène Trump. Entre 2008 et 2016, un réseau social va voir le nombre de ses utilisateurs exploser et va, dans le même temps, devenir le terrain de jeu d’une nouvelle génération de chercheurs : Twitter. Des travaux universitaires vont fleurir au sujet de l’“Opinion mining”, autrement dit l’analyse des opinions sur le réseau social, certains dans le domaine politique. Et ces travaux vont encore inspirer plus d’une expérience de prédiction. Un autre statisticien basé à New York, Hernan Makse, va ainsi essayer lui aussi de prédire les résultats de l’élection de 2016, avec une méthode particulière : avec son équipe de recherche et son “Kcore Lab” ils ont décidé de décortiquer les données issues de 171 millions des tweets portant sur Hillary Clinton et Donald Trump et d’utiliser le machine learning pour le faire. Les résultats, détaillés a posteriori en avril 2017, ne seront pas vraiment concluants : le modèle annoncera Hillary Clinton gagnante avec 55,5 % des voix. Parmi les projets menés sur Twitter à l’occasion des élections américaines de 2016 on peut aussi citer le site Estorm.org, monté par un groupe de chercheurs regroupés sous le patronyme InitialDLab. Ces chercheurs, rattachés à l’école d’informatique de l’Université de l’Utah, en partenariat avec la prestigieuse université de Tsinghua de Pékin, vont user des algorithmes d’analyse lexicale pour déterminer les sentiment positifs ou négatifs de plusieurs centaines de milliers de tweets. Leurs conclusions seront assez proches de la compilation de sondages du New York Times. Autrement dit, encore une fois, rien de très concluant. (Capture Estorm.org)
  • 3. Le summum revient probablement à l’entreprise canadienne Advanced Symbolics, une firme basée à Ottawa et spécialisée en intelligence artificielle. Son business de base : entrer dans la tête des consommateurs pour abreuver de data ses clients (Disney, Bell et de grands complexes commerciaux au Canada et aux Etats-Unis). Sans doute soucieuse de montrer ses compétences au monde entier (et de se faire au passage un petit coup de pub), Advanced Symbolics jouera aussi au jeu des pronostics pour l’élection américaine de 2016. Son IA, baptisée “Polly”,sera alimentée en données extraites des médias sociauxet de billets de blogs suivant un échantillon représentatif de 200 000 Américains en âge de voter. Polly a également parcouru des milliers de sites d’information en ligne pour aider à déterminer dans quel sens le vent électoral soufflait. Et Erin Kelly, la CEO d’Advanced Symbolics, confiante dans son modèle, d’assurer qu’il était en mesure de “comprendre le sarcasme et d’autres nuances de la langue anglaise”. Le hic : Polly a prédit une victoire d’Hillary Clinton. “Les Américains sont- ils prêts pour une présidence Trump ? Notre IA dit que non”, osera même annoncer la PDG dans la presse. Perdu ! MogAI, seule vraie réussite de la présidentielle de 2016 Dans ce déferlement d’études pour la plupart erronées sur l’avènement de Donald Trump, une initiative est néanmoins parvenue à sortir son épingle du jeu. Et celle-ci est venue d’une start-up indienne, Genic.ai, emmenée par son emblématique patron Sanjiv Rai. Spécialisée en intelligence artificielle elle aussi, la petite société de ce “serial entrepreneur” va développer un robot, répondant au doux nom de “MogAI”. Ce dernier va analyser le comportement des internautes et, à contre-pied des sondages, va constater que depuis 12 ans, les gagnants des présidentielles et des primaires sont toujours les candidats qui ont obtenu le plus fort taux d’engagement sur les réseaux sociaux. A ce petit jeu, Donald Trump surclasseses concurrents, avec une stratégie extrêmement bien rodée. En décortiquant environ 20 millions de conversations sur Facebook, Twitter et YouTube, MogAI va ainsi pronostiquer la victoire du milliardaire deux semaines avant le scrutin. Donald Trump aurait surpassé le niveau d’engagement atteint par Barack Obama lui-même en 2008 sur les réseaux sociaux. Avec sa prédiction réussie, MogAI va notamment accréditer la thèse selonlaquelle même les commentaires négatifs profitent au candidat, pourvu qu’ilfasseparler de lui. Pour la petite histoire, le nom MogAI a été inspiré de Mowgli, jeune héros du “Livre de la jungle”, qui apprend de son environnement avec un réel sens de l’observation. D’autres formes de data explorées En février 2017, un chercheur en sciences humaines et sociales à l’Université de Houston, au Texas du nom de Ryan Kennedy va de son côté réaliser une étude d’ampleur plutôt prometteuse. Dans la revue Science, en février 2017, lui et son équipe estiment que leur modèle prédictif mixant sondages, données économiques et éléments de contexte politique pour plus de 500 élections dans 86 pays différents entre 1945 et 2015 est concluant. Testé sur un peu moins de 130 élections récentes, il est parvenu à prédire avec justesse 80% des résultats. Un succès que David Lazer, co-auteur de l’étude, attribuera cependant à la prise en
  • 4. compte de sondages dans le modèle. Sans eux, la fiabilité du modèle aurait chuté à 65 % selon l’étude. Une autre approche a été proposée en 2015 par TahaYasseri,chargéde recherche en sciences sociales informatique àl’Oxford Internet Institute (Université d’Oxford). Ce physiciend’origine iranienne, connu pour ses recherches sur les “sciences sociales de calcul” va mener avec un autre chercheur, Jonathan Bright, une étude basée sur Wikipédia et sur les élections européennes. Ils vont comptabiliser le nombre de visiteurs quotidiens sur les pages Wikipédia des partis politiques en lice pour tenter d’établir des corrélations avec les résultats des européennes de 2009 et 2014. Cette fois, l’échec est total : la fréquentation de l’encyclopédie en ligne n’a en rien préfiguré ces résultats. Yasseri et Bright vont reconnaître que les électeurs qui se sont connectés aux pages des partis politiques voulaient en réalité se renseigner, a minima, sur les listes nouvelles ou insolites qui sont légions dans ce genre de scrutin. Et en France ? En France, le jeu des prédictions électorales à l’aide de data et de machine learning n’est pas encore allé très loin. Deux sociétés, une start-up française et une entreprise canadienne, ont abondamment été citées lors de l’élection présidentielle de 2017, mais leur travail relevait plus d’une analyse de viralité que d’une réelle expérience de prédiction. La première, Vigiglobe, se présentait comme un outil d’analyse des échanges sur les réseaux sociaux. Son fait d’armes : avoir détecté une forte poussée du “Brexit” face au “Remain” sur les réseaux le soir du référendum au Royaume-Uni en 2016. Alors quand elle va souligner des “dynamiques favorables” à Benoît Hamon ou François Fillon, à quelques semaines de la présidentielle française, elle sera abondamment reprise dans la presse. Mais ces indices seront vite balayés par la décrépitude du Parti socialiste d’un côté et par une campagne plombée par les affaires de l’autre. Filteris, une société canadienne créée en 2002 par un couple de Français expatriés, fera beaucoup plus de bruit. Plusieurs médias conservateurs, comme l’hebdomadaire Valeurs Actuelles ou lesiteInternet Le Salon Beige,vont mettre en lumière cette entreprise spécialisée en “web-réputation” qui, après avoir “prédit la victoire de Fillon à la primaire de la droite”, va le placer “devant Emmanuel Macron au 1er tour de la présidentielle”. Un raccourci en réalité puisque Filteris mesure quotidiennement une analyse des “opinions positives et négatives” sur les réseaux sociaux pour chaque candidat, à qui elle attribue alors un “score” qui n’a rien à voir avec des intentions de vote ou un quelconque pronostic… Dans les articles évoquant ses mesures, on ne manquera pourtant pas de rappeler que Filteris avait prédit la victoire de Donald Trump, alors qu’il s’agissait d’une simple analyse du bruit sur les réseaux sociaux encore une fois. En pleine affaire Fillon, les chiffres de Filteris auront pourtant été repris par les supporters du candidat LR soucieux de démontrer que leur champion était toujours dans la course. Bruno Retailleau, coordinateur de la campagne Fillon, utilisera lui aussi ces chiffres sur Radio Classique, avant le premier tour : “Nous avons des sondages qui sont faits avec ce que l’on appelle le big data et qui placent François Fillon en numéro deux, malgré l’énorme matraquage qu’il y a eu depuis des semaines. Donc tout est ouvert”. On connaît la suite.
  • 5. Deux prédictions, deux échecs Deux “vraies” expériences de prédictions seront néanmoins menées lors de la présidentielle française de 2017. La première par Leonie Hill Capital, société d’investissement immatriculée à Singapour. En se basant sur une intelligence artificielle mixant des données extraites des réseaux sociaux, des sondages, ainsi que de statistiques démographiques et économiques, celle-ci va, dès le mois de février 2017, annoncer que Marine Le Pen affronterait Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle en mai de la même année. L’IA ira même jusqu’à prédire que c’est la candidate du FN qui remporterait l’élection. Leonie Hill Capital va notamment baser son analyse sur un “effet Donald Trump” et sur un prétendu “coup d’accélérateur” offert par la qualification au second tour de la candidate d’extrême droite. La seconde expérience de prédictions a été portée par cinq étudiants de l’école Télécom Paris Tech, rassemblés derrière un projet au nom prometteur : “Predict The President”. Relayée dans l’hebdomadaire Le Point, leur analyse croise elle aussi le big data et les sondages à l’époque, avec quelques subtilités. Mohamed Al Ani, Davy Bensoussan, Alexandre Brehelin, Bertrand de Véricourt et Raphaël Vignes intègreront par exemple à leur modélisation mathématique des recherches Google, des résultats électoraux et des sondages d’opinion depuis 1981, mais aussi des statistiques de l’Insee et de Data.gouv, les seules, disent-ils déjà, en mesure de servir d’indicateurs à l’échelon local. Les cinq étudiants formuleront d’ailleurs leur problématique d’une manière assezproche de notre propre expérience aujourd’hui : “par quelles variables sont dictés les votes temporels et territoriaux ?” Et leur méthode, elle aussi, en rappelle une autre : “des modèles de Machine Learning et d’économétrie permettant de déterminer un taux de vote” pour une série de “blocs” politiques prédéterminés. Les limites du modèle ne seront pas éludées. Les données des réseaux sociaux “ne représentent qu’une catégorie de la population”, les données socio-éco-démographiques souffrent d’une “discontinuité” qui peut “influer sur la marge d’erreur”, les données de recherche Google risquent de faire remonter des “épiphénomènes”, indiquaient les data- scientists. Et ils avaient raison de se méfier : à cinq jours du premier tour de l’élection, leur modèle donnera Marine Le Pen en tête avec un score de 24,13 %, devant François Fillon à 21,77 % et Emmanuel Macron, troisième, à 20,32 %. Autrement dit le bon trio de tête, mais dans un ordre inexact. Comme quoi, on ne peut pas tout prédire et PREDEECT, malgré toutes ses qualités, connait lui aussi ses limites !