Master moi 2010 ewa komar simplicité comme forme de résistance à la consommation
1. Université Paris Ouest- UFR SEGMI Responsable du Master
Master 2 Professionnel Gestion-Economie Marketing Opérationnel International
Sciences de gestion M. Christophe BENAVENT
Marketing Opérationnel International christophe.benavent@u-paris10.fr
Peut-on considérer la simplicité
comme une forme de résistance à la consommation ?
MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDES
Ewa KOMAR
N° 28007324
Université Paris Ouest- UFR SEGMI
200, avenue de la République // 92000 Nanterre
Année universitaire 2009 / 2010
2. TABLE DES MATIÈRES
Introduction 3
I. Fondements théoriques 6
1. Qu‟est-ce que la simplicité ? 6
1.1. La nature de la simplicité 8
1.1.1. Dimension morale 8
1.1.2. Dimension cognitive 9
1.1.3. Dimension esthétique 11
1.2. Consommer des marques simples 13
1.2.1. Uniqlo 14
1.2.2. Muji 16
1.2.3. Apple 17
1.2.4. Autres marques simples 18
2. L‟hypothèse de la résistance 19
2.1. Notion de la résistance 20
2.2. Comportements particuliers à l‟égard de la consommation 23
2.2.1. Boycott & buycott 25
2.2.2. Barbouillages publicitaires & Adbusters 28
2.2.3. Déconsommation & Décroissance /// SEL/ AMAP/ SV 29
2.2.4. Slow Food 33
2.3. La simplicité: une nouvelle forme de résistance à la consommation? 33
II. Méthode 37
1. Description de l'étude 37
2. Le plan d'échantillonnage & la méthode de recueil 39
3. La définition des variables 41
4. Le traitement des données 43
III. Résultats de l'étude 46
1. Résultats généraux 46
2. Résultats principaux 50
IV. Discussions des résultats 61
Conclusion 69
Bibliographie 72
Annexes 77
2
3. Introduction
De nos jours, les marques se multiplient et élargissent leur gamme de produits. De
nombreuses études de marché ont déjà démontré que « les consommateurs paraissent saturés »
de discours marketing1 (Sitz, L. (2008). Avec plus de 20.000 fractions d'image par jour, 2.000
stimuli visuels, 800 mots, 150 marques, un Européen est aujourd‟hui confronté jusqu'à trente
fois plus de stimuli qu'il y a dix ans (Gutierrez, I., 2003). Trop sollicités, beaucoup de
consommateurs choisissent de plus en plus souvent la simplicité et cette simplicité peut
prendre différentes formes. Il peut s‟agir de la communication simple, de l‟utilisation simple
d‟un bien ou d‟un produit simple de par les valeurs qu‟il véhicule. Les marques s‟adaptent à
ce phénomène (relativement) nouveau et essaient de faire moins compliqué. Elles simplifient
leur positionnement, l‟emballage de leurs produits, les produits-mêmes ou bien leurs
messages publicitaires. Elles reviennent aux produits basiques, desquels nous sommes
nostalgiques, comme par exemple la moutarde au lieu des sauces, la limonade Lorina de
Geyer ou le savon Le Petit Marseillais. Il y a de plus en plus des marques qui jouent sur le
registre du simple.
Dans le monde académique, il existe un nombre important de travaux sur la complexité mais
pas assez sur la simplicité. Pour les firmes, les choses se complexifient également puisqu‟il
n‟est pas aussi facile de faire simple. La simplicité doit non simplement être vue mais aussi et
surtout comprise par les consommateurs. Pour eux, plus une marque est considérée comme
pure, plus ils ont l‟impression qu‟elle est simple. Mais comme l‟a dit Einstein, «tout devrait
être rendu aussi simple que possible, mais pas plus simple». Cela veut dire que simplifier est
une bonne chose, mais il y a des limites lesquelles nous ne devons pas dépasser ; il ne faut pas
simplifier trop afin de ne pas perdre l‟utilité, la fonction du bien.
Depuis quelques années un certain nombre des marques développe dans la conception de leurs
services et dans la conception de leurs produits un modèle qui se targue de s‟appuyer sur les
valeurs de simplicité. De l‟autre côté, il y a également des individus qui préfèrent les biens et
services « simples ». La question est de savoir pourquoi les consommateurs les choisissent-ils,
1
Marketing Book de TNS SECODIP, 2004: 9
3
4. s‟agit-il d‟une mode? Ces consommateurs préfèrent-ils les marques simples pour s‟opposer à
quelque chose ??
Selon plusieurs études menées à ce sujet, les consommateurs actuels sont fatigués du discours
marketing employé par les firmes dans le seul but de les inciter à l‟achat. L‟abondance de
l‟offre et la communication agressive des marques font que beaucoup de consommateurs se
sentent oppressés. C‟est avec de premiers signes d‟oppression vis-à-vis les marques que nait
l‟envie d‟opposition à celles-ci. De plus en plus de consommateurs présentent des
caractéristiques de résistance envers des firmes ou des produits. Cette résistance peut prendre
différentes formes et avoir divers impacts sur les firmes et sur la société.
L‟objectif principal de ce mémoire est donc de vérifier si les individus ayant une préférence
pour des marques simples présentent-ils des caractéristiques de résistance à la consommation.
Le présent mémoire se compose de quatre parties principales.
Pour commencer notre réflexion, nous présenterons dans la première partie une revue de la
littérature non exhaustive sur la simplicité et la résistance à la consommation. Cette littérature
permet de proposer une définition de la simplicité mais également de ses trois dimensions
possibles : morale, cognitive et esthétique. Puisque ce travail se concentre sur des
consommateurs achetant des marques simples, nous trouverons également dans cette partie
des exemples de ce type de marques avec une description des trois marques étudiées en
particulier : Uniqlo, Muji et Apple.
Nous allons voir par la suite une définition et les différents classements de la résistance à la
consommation en fonction de différents auteurs, mais aussi un aperçu de différentes formes
de résistance remarquées et étudiées par les marketeurs comme par exemple le boycott ou la
déconsommation. A cette partie, alimentée de nombreux exemples réels, s‟ajoutera une autre
forme possible de la résistance à la consommation : la simplicité. Les consommateurs se
dirigent de plus en plus souvent vers les produits et marques simples et ceci pourrait donc
avoir un fondement de la résistance. Ce point constituera l‟hypothèse que l‟on va vérifier dans
un autre chapitre.
Pour savoir si la simplicité peut être ou pas une des formes de résistance à la consommation,
nous allons effectuer une étude qualitative menée auprès de vingt et un consommateurs des
marques simples Uniqlo, Muji et Apple. Dans le chapitre intitulé « Méthode » nous allons
voir la méthodologie avec une description des étapes de l‟étude, mais c‟est la partie
4
5. « Résultats » qui nous donnera un aperçu général des principales réponses des individus
interrogés, les résultats bruts se trouvant dans les annexes. Ainsi, pour comprendre leur
comportement, nous allons voir dans les tableaux comment ces individus perçoivent les
marques et leur communication. Grâce à cette étude semi-directive, nous allons apprendre si
les interviewés considèrent réellement ces marques comme simples et pour quelles raisons.
Dans le même chapitre, nous verrons comment ces consommateurs se positionnent vis-à-vis
les marques et leur communication afin d‟en apprendre plus sur leurs réactions aux dispositifs
marketing utilisés par les firmes. Nous tâcheront de voir s‟ils pourraient éventuellement être
considérés comme des consommateurs résistants.
Enfin, la partie « Discussion » nous permettra de confronter les résultats de l‟analyse avec les
fondements théoriques et l‟hypothèse présentés dans le premier chapitre. D‟après cette étude
qualitative menée auprès des consommateurs de marques Uniqlo, Muji et Apple, nous
constatons que la simplicité n‟est pas une forme de résistance à la consommation, ce résultat
se référant principalement aux trois marques citées plus haut et leurs consommateurs. Les
apports, les limites et les voies de recherche futures de l‟étude se trouvent dans la conclusion.
5
6. II. Fondements théoriques
1. Qu’est-ce que la simplicité ?
En France, 1.630.180 nouvelles marques ont été créées entre 1985 et 2007.2 Le monde étant
très concurrentiel, dans les pays du monde entier une telle évolution est similaire. Les cycles
de vie des produits deviennent de plus en plus courts; tous les jours on voit apparaître de
nouveaux produits et de nouvelles solutions. La concurrence et l‟apparition des nouvelles
marques fait que les consommateurs s‟y perdent alors que pour fonctionner et faire partie du
marché ils ont besoin de repères, de bases. Les individus recherchent de plus en plus la
simplicité.
Cette notion de la simplicité n‟est pas aussi simple que l‟on aurait cru. Sa signification est
aussi variée et nombreuse que les domaines où on peut la retrouver. Dans la présente partie,
nous allons donc nous pencher sur ces différentes facettes de la simplicité.
Partons donc de l‟étymologie du mot « simple ». Le mot même provient du latin « simplex »
c'est-à-dire formé d‟un seul élément, mais c‟est son sens figuré – « pur ou ingénu » - qui est
plus répandu en français. De façon générale, lorsque l‟on regarde les définitions du mot
simplicité trouvées dans des dictionnaires, nous arrivons à des significations suivantes:
«caractère de ce qui:
o est formé d'éléments peu nombreux et organisés de manière claire,
o est peu compliqué, facile à comprendre, à exécuter, à utiliser,
o se présente sous une forme dépouillée, qui est sans luxe
o naïf et crédule ».3
En voici les synonymes : fruste, naïf, primitif, simpliste, sommaire, élémentaire,
indécomposable, indivisible, irréductible, seul, singulier, unique, inaltéré, naturel, pur, banal,
facile, familier, clair, droit, franc, honnête, mesuré, modeste, sage, ingénu, innocent, naïf. 4
Ces définitions semblent englober toutes les sortes de la simplicité. Nous y voyons une
référence aux objets, à la connaissance et à la compréhension des choses, à la modestie, mais
2
OMPI RESSOURCES http://www.wipo.int/ipstats/fr/statistics/marks/ Page consultée le 5 juin 2010
3
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/simplicit%C3%A9 Page consultée le 5 juin 2010
4
http://www.synonymes.com/synonyme.php?mot=simple&x=0&y=0 Page consultée le 5 juin 2010
6
7. aussi à la religion (simplicité de cœur, de pensée, de vie..). La simplicité, en grec « haplotes »,
implique le sens de pureté, sincérité, fidélité et vérité.
Christophe Benavent, Professeur à l‟Université Paris Ouest Nanterre La Défense est une des
personnes qui se sont intéressées à ce sujet. Sur son blog5, entièrement consacré au marketing,
il nous donne un aperçu des questions liées à la relation-client, le marketing client, mêlant tout
ceci au numérique qui l‟intéresse particulièrement. En fonction de ces différentes
significations de la simplicité, ce chercheur est finalement arrivé à distinguer 3 dimensions de
la simplicité; il parle de la dimension cognitive, morale mais aussi esthétique.6
Passionné du numérique et des nouvelles technologies, lorsqu‟il pense simplicité, Christophe
Benavent se focalise surtout sur la simplicité des biens et des services, notamment dans leur
conception. «Le simple est la réduction de tout effort supplémentaire au regard de ce que l'on
est en mesure de faire» dit-il. Mais, avec des moyens et une éducation différents, nous ne
sommes pas tous égaux face au simple. Pour beaucoup, ce simple peut être bien compliqué.
Le fait de simplifier les choses ne blesse pas t-il ceux qui sont « plus intelligents » ? Si le
simple n‟est pas considéré comme indigent ou idiot, la réponse serait plutôt « non ». Ceci dit,
la simplicité n‟est pas une vérité absolue et le simple se définit toujours par rapport aux
ressources dont dispose l‟utilisateur. Plus clairement, « la simplicité est relative: son
appréciation dépend de l'auditoire et du contexte ».7
En marketing des biens, on parle de plus en plus souvent du « retour au simple », c'est-à-dire
le produit et ses fonctionnalités premières (Lewi, G, Lacœuilhe, J., 2007). Aujourd‟hui, les
produits dits « basiques » reviennent à la mode : la moutarde au lieu des sauces élaborées ou
la limonade au lieu de soda. Oui, mais s‟agit-t-il de la mode ? Ou y-a-il une autre raison à ce
changement? Quelles motivations animent les consommateurs des produits ou services qui
s'appuient sur la simplicité ? Les gens ne se retrouvent plus dans ce chaos de marques, des
produits, du monde qui les entoure ? Ils demandent les choses adaptées à eux, à leurs
capacités et moyens.
5
http://i-marketing.blogspot.com/ Page consultée le 12 avril 2010
6
http://i-marketing.blogspot.com/2010/03/un-marketing-de-la-simplicite.html Page consultée le 12 avril 2010
7
http://techtoc.tv/event/479 Page consultée le 3 juin 2010
7
8. Le simple pour chaque individu (l‟utilisateur) dépend de sa courbe d‟apprentissage et de son
niveau d‟application dans l‟utilisation. Puisque ce n‟est pas la même personne qui crée et qui
utilise le bien, le degré de connaissance et de maturité du concepteur est nettement plus élevé
que celle étant à disposition des consommateurs. En plus, ces derniers étant extrêmement
divers, ils n‟ont pas le même niveau d‟apprentissage, ni même niveaux de familiarité de
produit. Une élaboration d‟une moyenne n‟est donc pas justifiée. Ainsi, la question de la
simplicité devient très individuelle.
Lorsqu‟un objet est trop éloigné de l‟univers de référence de l‟utilisateur, la complexité vient
de l‟effort qu‟il devra faire afin de s‟approprier un objet. Selon Benavent, il faudrait donc
s‟aligner sur l‟utilisateur qui a les moins de ressources pour considérer le plus petit
dénominateur commun, au lieu de considérer un utilisateur/consommateur moyen.
Choses « simples » ne veut pas dire « simplistes », bien au contraire, il s‟agit des biens
réfléchis, longuement étudiés donc souvent innovants. C‟est l‟utilisation et l‟investissement
qui font que l‟on accepte l‟innovation. Derrière l‟idée de simple il y a donc des choses
beaucoup plus complexes. Et ces choses sont d‟une nature cognitive, morale et esthétique.
1.1. La nature de la simplicité
1.1.1. Dimension morale
Une de différentes natures de la simplicité est sa dimension morale ; la simplicité constitue
une certaine valeur morale, associée donc à des idées de modestie.
La morale (du latin mores, mœurs), la science du bien et du mal, fait référence aux règles
d'action et à des valeurs qui fonctionnent comme normes dans une société (prescription de
comportement), alors que l‟éthique (du grec ethikos, moral, de éthos mœurs) renvoie à la
doctrine du bonheur des hommes et des moyens d'accès à cette fin mais aussi aux règles de
conduite.8 Même si morale et éthique n‟ont pas exactement la même signification, dans la
langue française ces deux termes sont quasi synonymes.
8
http://fr.wikipedia.org/wiki/Morale Page consultée le 3 juin 2010
8
9. Les valeurs de la simplicité sont souvent sous-estimées. Il ne suffit pas vouloir être simple
pour l‟être véritablement. Mais comme la simplicité est une notion complexe, il est plus
difficile d'être simple que de ne pas l'être. La simplicité réunit beaucoup de qualités, principes,
styles de vie et de comportements qu'elle en devient complexe.
Le simple ne s‟affiche pas, ne cherche pas à être prétentieux ni hautain, il est contraire de la
perversité. Le simple, comme la morale, reste modeste, devenant parfois ascétique. Comme le
dit John Pawson, «La simplicité a une dimension morale qui inclue le désintéressement et le
détachement des biens matériels.» Nous consommons simple, même si « les produits simples
ne sont pas toujours ceux qui nous suffisent. ». Les consomme-on pour refuser la domination
des autres produits ?
1.1.2 Dimension cognitive
Lorsqu‟on parle de la cognition, on pense aux grandes fonctions de l‟esprit qui sont entre
autres la perception, le langage, l‟intelligence, la mémoire, la connaissance, le raisonnement,
la décision ou l‟attention. Dans sa signification globale, la cognition désigne les mécanismes
de la pensée. Le simple peut être une économie de pensée.9
Penser est un acte difficile et courageux. Aujourd‟hui, la société est paresseuse et s‟incline
naturellement vers les situations tranquilles où les autres pensent à notre place. Nous nous
retrouvons fréquemment dans la consommation « passive » des idées ; nous propageons des
idées simples (ou simplifiées), perdant souvent leur complexité.
Les humains ne sont pas réellement intelligents : ils ont très peu de mémoire et de
compétences cognitives. Pour construire son opinion et qualifier des objets, ils utilisent des
stéréotypes. Par la même, les échecs commerciaux sont souvent liés à une absence de
catégorisation.10 Culturellement, nous attribuons certaines significations à des formes et à des
couleurs, (par exemple les boutons d‟alarme rouges) mais aussi à des icônes ou à des
symboles propres à chaque pays (Deni, M., 2002). Ces types d‟informations sont facilement
assimilables puisqu‟ils ne demandent pas de gros efforts cognitifs et sont ancrés dans notre
mémoire depuis tout petit.
9
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cognition Page consultée le 3 juin 2010
10
http://techtoc.tv/event/479 Page consultée le 3 juin 2010
9
10. Au moment où nous apprenons le fonctionnement d‟un nouvel objet, en plus de la conscience
cognitive, il y a aussi une dimension pragmatique. Elles sont rarement séparables ; le toucher
ou l‟ouïe sont le plus souvent aidés par des éléments graphiques comme couleurs, icônes,
symboles, qui privilégient la dimension cognitive.
Aujourd‟hui, la conception des interfaces des objets attire une attention particulière puisque
celle-ci peut déterminer le succès ou l‟échec de l‟objet. La simplicité, l‟efficacité des actions
possibles et les résultats obtenus sont d‟une grande importance puisqu‟ils jouent sur la
simplicité d‟usage, appelée souvent l‟utilisabilité ou l‟usabilité (de l‟anglais usability). La
simplicité d‟usage d‟un objet se définit comme un rapport équilibré entre la fonctionnalité
communicative et la fonctionnalité opératoire d‟un objet. L‟usabilité vise à rendre l'utilisation
d'un objet/système optimale, permettant ainsi de répondre au mieux aux besoins de leur
utilisateur, grâce à des outils fluides et intuitifs favorisant ainsi leur adhésion (Deni, M.,
2002). Une pensée n'existe vraiment que si elle est comprise.11 L‟usage d‟un objet devient
donc compliqué lorsque le consommateur est amené à faire des efforts pour se l‟approprier.12
De nombreux modèles théoriques ont été construits afin d‟étudier les processus d‟acceptation
de la technologie. Il est intéressant d‟en parler dans cette partie puisque ces modèles
s‟appuient particulièrement sur des facteurs psychologiques (satisfaction, sentiment d‟utilité),
des facteurs ergonomiques (fonctionnalités, simplicité d‟usage) et des facteurs cognitifs
(intention, perception, représentation), (Bourai, S., 2009). Parmi ces modèles, nous
distinguons le TAM, « technology acceptance model », défini par Fred DAVIS (1985). Ce
modèle, sans doute le plus populaire, présume que lorsque les consommateurs sont confrontés
à une nouvelle technologie, il y a un certain nombre de facteurs qui jouent sur leur décision
d‟adoption de la technologie en question. Il s‟agit ici de la facilité d'utilisation et l'intérêt
perçu par le public.13 « L‟utilité perçue renvoie au degré selon lequel une personne croira que
l‟utilisation d‟un système augmentera sa performance dans le travail. L‟utilisabilité perçue
renvoie au degré selon lequel une personne croira que l‟utilisation d‟un système se fera sans
effort».14 Ces deux composantes déterminent des attitudes plus ou moins favorables à la
technologie en question.
11
http://www.managementagora.com/article-5349072.html Page consultée le 15 juin 2010.
12
http://techtoc.tv/event/479 Page consultée le 3 juin 2010
13
http://www.atelier.fr/mobilite/10/22062010/3g-inde-infrastructure-telecoms-reseau-acces-internet-criteres-adoption-39932-
.html Page consultée le 25 Juin 2010
14
http://www.ab-comm.fr/blog/ntic-acceptation-technologie-modeles-comprehension/ Page consultée le 5 août 2010
10
11. De plus, il a été observé que l‟utilisabilité perçue a une incidence directe sur l‟utilité perçue,
mais pas inversement. En conséquence, à partir de deux systèmes identiques d‟un point de
vue fonctionnel proposés aux utilisateurs, ceux derniers désigneront plus utile celui étant
ressenti comme le plus simple d‟usage. L‟utilisabilité perçue tend à augmenter de manière
significative la confiance et la satisfaction que les utilisateurs ont d‟un système.15
En ce qui concerne la satisfaction, Apple et Google sont les deux entreprises qui génèrent un
taux de satisfaction le plus élevé chez les utilisateurs de leurs produits. Et il est bien connu
que ‟Apple et Google maitrisent l‟art de la simplicité sans être simpliste ou simple d‟esprit.
1.1.3. Dimension esthétique
De point de vue architectural, le mot « simplicité » a encore une autre signification. Ici, c‟est
le minimalisme qui appelle la simplicité. Cette tendance américaine de minimalisme des
années 60 a marqué un changement dans l‟art contemporain devenant un véritable art de vie.
Dans l‟architecture, la
simplicité existe depuis
des siècles mais prend
différentes formes. Les
pyramides de l‟Egypte
The Pulitzer Foundation, Saint Louis,
Antique, les monastères Missouri, Etats-Unis // Tadao Ando
cisterciens ou les constructions de Tadao Ando ont tous un point commun : la simplicité.
Selon Tadao Ando, architecte japonais inspiré par Le Corbusier, la « Simplification par
l'élimination de toutes les décorations de surface, l'emploi des compositions symétriques
15
http://www.ab-comm.fr/blog/ntic-acceptation-technologie-modeles-comprehension/ Page consultée le 5 août 2010
11
12. minimales et matériels limités, constitue un défi pour la civilisation contemporaine » (Ando
T., 1995). Pour John Pawson, architecte et designer britannique, «la simplicité possède des
dimensions qui vont au delà de l’esthétique pure: elle peut être le reflet de qualité innée,
intérieure, ou la quête d’une compréhension philosophique ou littéraire de l’harmonie, de la
raison et de la vérité ».16
Comme on le voit, la simplicité pour les architectes et les designers n‟est pas seulement une
question d‟esthétique mais aussi une façon, une fois un moyen, une autre fois un objectif, de
redéfinir certaines valeurs essentielles dans une société de surconsommation dans laquelle
nous vivons.
Un autre architecte, Michel A. Laflamme, privilégie, lui aussi, des formes et des constructions
à la géométrie simple. Il explique : «J’adore la simplicité. Je crois
que la vie est déjà assez compliquée. On est bombardé
d’informations toute la journée, et je trouve que,
lorsque l’on rentre à la maison, il faut que ça soit
simple. » Mais pour Laflamme il est question de faire
simple, certes, mais pas simpliste. Tout doit être
Vases Chessmates réfléchi, élaboré afin d‟allier simplicité, esthétique,
// Michel A. Laflamme
confort et originalité. (Hochereau, A., (2006).
C‟est dans la même direction qu‟un courant appelé « nouvelle simplicité » est né et c‟est
Jasper Morrison qui l‟incarne parfaitement dans le design. Cette « nouvelle simplicité » n‟est
rien d‟autre que « le processus qui désigne le mieux l’aboutissement logique des intentions
Ando
conceptuelles de l’architecture suisse contemporaine ». Ludwig Mies van der Rohe,
l‟architecte moderne allemand, a également inspiré cette tendance artistique en lui donnant sa
formulation la plus radicale « less is more ». (Dawans, S., 2004). Pour lui, la réduction n‟est
pas un renoncement mais une recherche de sens, comme dans l‟art concret, l‟art minimal ou
l‟art conceptuel ». Il s‟agit donc d‟éviter toute ornementation afin d‟atteindre la simplicité
dans le design et l‟architecture.
Il est donc facile à deviner pourquoi faire simple en architecture et en design est bien. Tout
d‟abord, parce que lorsqu‟on vit dans un milieu épuré, il nous est plus facile de nous
concentrer et de travailler. La tendance minimaliste vise avant tout à remettre un certain ordre.
De plus, la simplicité en architecture et en design nous permet de faire le vide dans la tête et
se détendre. Finalement, la simplicité nous permet de redécouvrir la beauté de chaque chose.17
16
http://www.evene.fr/livres/livre/john-pawson-minimum-8784.php Page consultée le 17 juin 2010
17
http://www.akpsy.com/40_soyons_minimalistes.htm Page consultée le 5 juillet 2010
12
13. 1.2. Consommer des marques simples
Le monde devient complexe et compliqué. Avec les problèmes personnels, financiers,
économiques, écologiques et moraux, les individus se tournent petit à petit vers le simple et
authentique. Il se trouve qu‟aujourd‟hui, tout ce qui peut communiquer facilement fait la
différence. Par la même, la simplicité devient très différenciante (Ponthou, L., 2010).
Les marques commencent à comprendre ce phénomène et à s‟y adapter. Demander aux
consommateurs d‟élargir son répertoire de consommation c‟est compliquer leur vie. Il faut
arrêter d‟ajouter sans cesse de nouvelles options, fonctions et ingrédients. A la place, il est
conseillé de « remplacer en simplifiant ». Ceci peut signifier plein de choses. Par exemple
dans le cas des appareils électroniques le but serait de rendre les produits les plus intuitifs
possible dans leur utilisation. Dans le cas d‟un shampoing nous pouvons concevoir des
produits « deux-en-un », et ainsi de suite. Ceci peut aussi toucher un autre champ qui est la
communication de la marque, y compris son positionnement.
Le mouvement s‟est tellement répandu qu‟un principe philosophique
« Keep it Simple, Stupid » (K-I-S-S) a été créé. Selon ce principe, « la
simplicité dans la conception devrait être le but recherché et que toute
complexité non-nécessaire devrait être évitée ».18 Il est appliqué dans des
disciplines comme le développement logiciel, l'animation, le journalisme,
l'ingénierie et la planification stratégique et bien d‟autres.
Le simple est souvent vu est compris comme « l‟absence des éléments inutiles » voire
« l‟essentiel ». La simplicité exige une réflexion et un effort. La simplicité n‟est pas simple à
obtenir, à créer, mais elle peut être schématisée. Albert Einstein a défini la vie ainsi :
A (la vie) = x (travail) + y (loisirs) + z (écoute). Si on devait faire une équation de la
simplicité on obtiendrait A = x + y + z, où A est la simplicité, x – la recherche, y – les loisirs
et z – la réduction des éléments inutiles.19 Cette équation résume assez bien la clé de la
réussite dans l‟obtention de la simplicité. Dans cette partie, nous allons voir quelques
exemples de marques qui se veulent simples : Uniqlo, Muji et Apple que j‟ai étudié, mais
aussi d‟autres, pas moins intéressantes.
18
http://fr.wikipedia.org/wiki/Keep_it_Simple,_Stupid Page consultée le 1er octobre 2010
19
http://www.digital-web.com/articles/keep_it_simple_stupid/ Page consultée le 1er octobre 2010
13
14. 1.2.1. Uniqlo
Uniqlo est une enseigne japonaise de distribution et de vente de vêtements
«casual wear» de qualité et à des prix abordables. Uniqlo représente près de
90% des ventes totales du groupe FAST RETAILING, la société Holding qui
se trouve parmi les premiers distributeurs internationaux de vente au détail.
Fast Retailing Co., Ltd. s'engage à changer la façon de s‟habiller, « sortir des sentiers battus »
et proposer une autre vision du monde. Uniqlo tente de contribuer à l‟enrichissement de la
qualité de vie de chacun à travers des activités originales orientées vers un développement en
harmonie avec la société contemporaine.
Uniqlo dispose aujourd‟hui d‟un réseau de plus de 760 magasins au Japon, et développe en
moyenne des magasins de plus de 1650 m², ainsi que des magasins de plus de 3300 m².
Uniqlo a ouvert en 2001 un premier magasin à l‟étranger - en Angleterre. Depuis, la marque a
élargi son réseau de vente à l‟international en incluant la Chine, Hong-Kong, la Corée de Sud,
les Etats-Unis et la France. Ainsi, elle poursuit son développement en tant que marque
internationale.
Ce qui est créateur de valeur, c‟est le système
de développement des produits. Les centres
de Recherche & Développement, situés à
Tokyo et à New York, recueillent des
informations sur les dernières tendances dans
le monde, les nouvelles tendances locales, les
styles de vie ainsi que les matières locales.
Uniqlo collecte aussi les informations
directement dans les rues, les magasins
locaux et chez les partenaires. Les concepts de chaque saison sont ainsi déterminés à partir de
ces informations. Les designs sont créés simultanément dans chaque centre de Recherche &
Développement et les collections sont ainsi adaptées à chaque marché.
Le choix des matériaux joue un rôle très important afin de choisir et négocier les meilleurs
textiles pour les produits. Depuis sa création, Uniqlo a fait du développement de matières
14
15. innovantes sa priorité. Cette exigence s'appuie sur leur principe : « la qualité de la matière
définit la qualité d'un vêtement ». Uniqlo coopère également sur le plan technique avec la
société Toray Industries Inc., afin de développer de nouvelles matières innovantes (par
exemple la collection HEATTECH). Aujourd‟hui, 90% des articles d‟Uniqlo sont fabriqués
en Chine. Uniqlo travaille en partenariat avec près de 70 entreprises dont la plupart sont
situées en Chine.
Quant à sa clientèle, elle est majoritairement familiale. L‟objectif est d‟assurer une
disponibilité permanente de chacun des articles afin que les clients soient toujours satisfaits.
D‟ailleurs, la marque prend volontairement en compte leurs remarques et les intègre dans les
produits, les services et la politique de management.
A part pour une importante campagne plus informative que publicitaire lors de l‟ouverture de
sa boutique dans le quartier de l‟Opéra, nous voyons rarement ses publicités dans les
magazines ou dans le métro. Idem, dans les boutiques Uniqlo, nous ne verrons pas son logo
partout, ceci reste très discret et pas du tout agressif ou tape à l‟œil. Ce sont les produits et non
la marque même qui sont mis en avant. Tout ceci fait partie de la communication simpliste de
la marque.20
20
www.uniqlo.com/fr Page consultée le 1er octobre 2010
15
16. 1.2.2. Muji
Créée en 1980, cette enseigne japonaise fait partie du groupe Ryohin
Keikaku. MUJI est l'abréviation de Mujirushi Ryohin qui signifie en
japonais : « produits de qualité sans marque ».
En réaction à l‟obsession japonaise des griffes et des signatures, MUJI crée, au début des
années 80, ses premiers produits volontairement simples, utiles et sans marque. Cette nouvelle
mode réclamait un retour à la simplicité dans la vie quotidienne.
Grâce au respect du concept de base : recherche de la fonctionnalité, choix des matériaux,
épure et simplification jusqu‟à l‟emballage, Muji a construit une identité forte et unique au
design immédiatement identifiable. Délibérément basiques et intemporels, les produits MUJI
sont conçus pour répondre à des besoins et non pour les créer. Ces choses doivent être
composées de matériaux bons et sans fioritures ni fantaisies inutiles et vendues à un prix
raisonnable. Les vêtements doivent être agréables à porter, les fournitures pratiques et les
articles ménagers faciles à utiliser. Les clients ne doivent jamais payer quelque chose qu‟ils ne
peuvent pas utiliser, comme par exemple des emballages supplémentaires fantaisistes. Les
produits sont simples et ne portent ni nom ni marque.
Muji compte 300 points de vente au Japon, souvent installés dans les quartiers fréquentés par
les jeunes de 20-30 ans et dans les centres commerciaux de récents complexes d'affaires et de
shopping. Une toute petite partie de son catalogue est aussi disponible dans quelques
supérettes ouvertes 24 heures sur 24. La marque a ouvert son premier magasin à l'étranger en
1991 à Londres. Elle est désormais présente dans une quinzaine de pays avec une soixantaine
de boutiques. La vie devenant plus compliquée, le besoin de solutions de style de vie simples
devient d‟autant plus nécessaire.21
21
www.muji.fr (Page consultée le 1er octobre 2010)
16
17. 1.2.3. Apple
Apple, une entreprise californienne, conçoit, fabrique et distribue des ordinateurs
et les logiciels. Cette marque maîtrise l‟art de la simplicité, sans pour autant être
2223
simpliste. Depuis sa fondation en 1974, Apple n‟a cessé de développer le
marché informatique, en visualisant le futur pour changer le monde. Tels sont les grands axes
de communication de cette marque qui se situe aujourd‟hui en position forte sur le marché. La
marque adopte une politique d‟innovation, où le rêve et la perfection font les grandes valeurs
de l‟entreprise.24 Sa clientèle est partagée entre les établissements d‟éducation, les
développeurs informaticiens, les entreprises et le grand public.
L‟image de la marque Apple est déjà installée. Elle n‟a plus besoin de s‟imposer par une
communication institutionnelle puissante pour vendre ses produits, mais de les installer dans
le quotidien du grand public et des professionnels en mettant en avant leurs fonctionnalités.
C‟est pour cela qu‟Apple ne présente dans ses communiqués et ses publicités qu‟un produit à
la fois. Contrairement aux 2 autres marques citées plus haut, Apple communique beaucoup.
En 2005, le budget consacré à la publicité s‟est élevé à 206 000 000 dollars soit 15% du
chiffre d‟affaires. Une multitude de médias est utilisée pour la promotion de la marque et de
ses produits: magazines consommateurs, transports en commun, mobiliers urbains, journaux,
exposition, spectacles, films, radio, PLV, TV et plus récemment les bannières internet.
Dans le cadre de mon étude, je vais me concentrer sur un des produits d‟Apple - l‟iPhone. Ce
produit extrêmement bien pensé, prône la simplicité d‟utilisation pour téléphoner, lire et
envoyer ses mails et écouter sa musique. C‟est un produit accessible pour non technophiles.
Connaissant la réputation de fiabilité et de solidité des produits Mac, même le prix un peu
élevé n‟est pas un frein à l‟achat.
22
Selon l‟enquête American Customer Index, publiée par l‟Université du Michigan
23
http://www.productionmyarts.com/blog/art-de-la-simplicite-apple-et-google Page consultée le 1er octobre 2010
24
http://www.oboulo.com/apple-management-communication-16858.html Page consultée le 1er octobre 2010
17
19. 2. L’hypothèse de la résistance
Aujourd‟hui, le marché est ouvert à tout le monde puisque le nombre des biens et des services
proposés aux consommateurs est étonnement grand. Tous les consommateurs peuvent y
trouver des biens qu‟il leur faut, qu‟ils recherchent, dont ils ont un besoin vital ou qu‟ils
désirent tout simplement. Les biens qui leur correspondent.
Mais malgré ce large éventail de choix, les consommateurs sont-ils véritablement satisfaits ?
Adhèrent-t-ils à la marque du bien ou service acheté ? Que recherchent-t-ils ? Quelle est leur
attitude vis-à-vis des marques ? Pourquoi choisissent-ils certains produits et non pas d‟autres ?
Nous savons très bien que l‟on ne peut pas satisfaire tous les consommateurs avec un même
produit. Tout d‟abord parce que les consommateurs ne recherchent pas la même chose, et
ensuite, parce que le bien doit aussi correspondre à un certain style de vie du consommateur.
Selon plusieurs marketeurs et chercheurs, les gens sont oppressés; tous les jours de nouvelles
références apparaissent sur les rayons de magasins, les publicités « agressent » les gens à la
télévision, à la radio, dans la rue.. Les consommateurs sont apparemment blasés, supportent
de moins en moins bien la pression, le stress et surtout, les tactiques de plus en plus
envahissantes du marketing. Marketing viral, relationnel, direct, outils de tracking
comportemental et programmes de fidélité, ventes croisées, saturation et la sur-promesse des
messages,.. autant d‟influences à consommer.
A l‟ère d'Internet et de la télévision numérique, les canaux d'information sont démultipliés.
Pris en piège, les consommateurs sont confrontés à un surchoix permanent de produits et de
marques, ce qui produit souvent chez eux un sentiment de saturation généralisé. Les
consommateurs sont donc trop sollicités par certaines marques. L‟univers de la marque, sa
communication voire les produits-même commencent à les faire fuir ? Nous vivons dans une
société de (sur-)consommation et cette façon de vivre ne convient pas forcément à tout le
monde. En décisive, beaucoup de consommateurs finissent par préférer les marques qui
semblent être .. « simples ». Est-ce vrai ? Les consommateurs qui choisissent les produits
simples, ne seraient-ils pas ceux qui développent une attitude particulière envers d‟autres
marques ? Une attitude de résistance ? Quelles sont leurs motivations ?
Après un fondement théorique sur la résistance à la consommation, je vais tâcher d‟effectuer
une étude qualitative afin de vérifier si l‟hypothèse émise est-elle vraie ou fausse; la simplicité
peut ou pas être considérée comme une forme de résistance à la consommation.
19
20. 2.1. Notion de la résistance
Des firmes, trop confiantes en elles, croient fortement en leurs programmes de fidélisation et
de satisfaction des consommateurs alors que sur le marché, les consommateurs rejettent de
plus en plus les offres proposées. Des attitudes de résistance ont été observées (Roux D.,
2007). Dans leur vision globale, les firmes ont un même objectif : inciter le consommateur de
passer à l‟action d‟achat (Roux, D., 2009). Mais le consommateur est aujourd‟hui beaucoup
plus intelligent et malin que les firmes ne le croient. En France et aussi dans d‟autres pays, un
changement de comportement a eu lieu. Avant, le consommateur cherchait par tous les
moyens à se procurer les marques dont il rêvait, maintenant, il n‟y attache moins
d‟importance. Il ne voit pas vraiment de différence entre les marques et produits, les
différences dont l‟existence et l‟évidence les firmes essaient de nous convaincre avec
25
beaucoup d‟assurance. Les stratégies de brand stretching ont surement joué un rôle non
négligeable dans cette dilution. Aujourd‟hui, dans ce choix de biens et services trop important
les consommateurs disent « stop ». De plus en plus de consommateurs résistent et leur
résistance prend différentes formes.
Le but pour les firmes est que les consommateurs achètent des produits et des marques,
fréquentent des circuits de distribution, adhèrent à des programmes de fidélisation et à des
messages qui leurs sont adressés. S„il y a une résistance, c‟est que la traduction entre besoins
et offres n‟a pas été réussie, il y a donc des controverses qui naissent (Roux, D., Rémy, E.,
2009).
Mais que signifie exactement cette notion de résistance ?
Étymologiquement parlant, le mot résister provient du latin resistere qui veut dire « se tenir
en faisant face », « s'arrêter, ne pas avancer davantage ». Nous remarquons donc un double
sens de l‟opposition : faire face, vu ici comme une opposition active et faisant référence à une
lutte, mais aussi s‟arrêter, c‟est-à-dire s‟opposer de façon passive, ne pas céder (Roux, D.
2007). Pour aller plus loin dans le discours marketing, Dominique Roux, chercheuse en
marketing sur la résistance du consommateur définit la résistance comme un ensemble de
formes variables d‟opposition (selon l‟individu, le moment, les caractéristiques de la
25
Stratégies d‟extension de marques
20
21. situation) à des situations de pression ou d‟influence perçues dans lesquelles des pratiques,
des logiques et des discours marchands sont jugés dissonants.
Le consommateur qui résiste a une volonté de ne pas se soumettre à quelqu‟un ou quelque
chose, et essaie donc de ne pas céder à ses volontés, son emprise ou son influence. Il trouve en
26
lui une force morale nécessaire pour affronter les tentations et les offres des entreprises et
pour s‟opposer à leur volonté d‟achat. Il s‟y agit d‟acte volontaire et intentionnel par l‟acteur
qui l‟exprime dont le but est de mettre en échec, de manière intentionnelle et volontaire, une
force jugée oppressive (Roux, D., 2009).
Cette notion de résistance est relativement récente, puisqu‟elle a apparu la première fois dans
la littérature en marketing seulement il y a 15 ans environ (Peñaloza et Price, 1993).
Aujourd‟hui, beaucoup de chercheurs s‟intéressent à cette question mais aussi à un véritable
rôle du marketing.
Plusieurs facteurs sont à l‟origine de la résistance chez le consommateur : les conditions de
marché jugées inacceptables (Moisio et Askegaard, 2002), des produits ou marques qui ne
correspondent au soi du consommateur et à ses valeurs. Afin de déclencher la résistance,
plusieurs facteurs sont donc à prendre en compte, comme ceux sur le schéma (Roux, D.,
2007). Voici donc le cadre d‟analyse de la résistance du consommateur.
Facteurs individuels
d‟influence
Evaluation cognitive Manifestations de résistance :
de la situation
Etat motivationnel à des actions / acteurs ciblés
au système de consommation et
de résistance
au fonctionnement
Emotions négatives du marché
face à la situation
Pour que l‟on puisse parler de la résistance, 3 conditions doivent être remplies : il doit y avoir
une force qui s‟exerce sur un individu, cette force doit être perçue par l‟individu et ce dernier
doit chercher à lui faire face. Le consommateur doit donc percevoir les éléments d‟une forme
d‟influence comme dissonants et contraires à ses orientations, ces discordances pouvant
résulter de différences entre les représentations que le consommateur a de la situation et les
26
http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/resister/
21
22. principes moraux. Pour résister aux dispositifs utilisés par les firmes, le consommateur doit
préalablement les avoir identifiés comme ceux pouvant éventuellement agir négativement sur
lui. Il utilisera alors des mécanismes de défense qui lui sont propres.
Les caractéristiques individuelles interviennent quant à elles comme variables modératrices de
la relation entre l‟interprétation cognitive et les émotions ressenties dans la situation, et l‟état
motivationnel, puis les manifestations qui en découlent (Roux, D., 2007). Parmi ces facteurs
individuels d‟influence, l‟insatisfaction, le mécontentement, et les promesses faites et non
tenues par les firmes sont les plus cités. En ce qui concerne l‟insatisfaction, la mesure de la
satisfaction des consommateurs peut détecter une éventuelle résistance à la consommation
certes, mais n‟est pas une mesure fiable à 100% dans ce domaine. Il arrive que les
consommateurs n‟expriment pas leur mécontentement, ils ne sont donc pas pris en compte
dans l‟étude.
En ce qui concerne les caractéristiques sociodémographiques, c‟est le niveau d‟éducation qui
contribue au façonnage du comportement, et par la même au façonnage du comportement de
résistance. Les personnes éduquées et averties sont en règle générale plus sensibilisées aux
questions comme l‟écologie ou le développement durable. Leurs schémas cognitifs sont riches
de représentations des sources d‟influence; elles acceptent donc plus facilement de nouveaux
modes de vie consistant par exemple en une réduction de consommation. De la même
manière, l‟âge y joue un rôle important.
Afin de catégoriser un peu cette situation de
COOPERATIO RESISTANCE
résistance, nous pouvons prendre l‟exemple de N
Vouloir ne pas
Lionel Sitz (2008) qui distingue 4 Vouloir accepter le
27 marché
comportements possibles vis-à-vis du marché . accepter le
marché
La situation de résistance au fonctionnement du
marché est donc classée en tant que telle lorsque
INDIFFERENCE REFUS
l‟on n‟est pas d‟accord celui-ci et lorsqu‟on on
Ne pas vouloir Ne pas vouloir
le fait savoir par divers moyens.
ne pas accepter accepter le
le marché marché
27
Source : Sitz, L. (2008), « La résistance ordinaire des consommateurs : étude exploratoire des discours résistants
ordinaires »
22
23. 2.2. Comportements particuliers à l’égard de la consommation
Il n‟y a pas une seule typologie de la résistance, tout dépend avec qui, à qui ou à quoi le
consommateur s‟oppose. Je vais donc proposer des classements de certains auteurs.
En ce qui concerne la résistance aux firmes, Roux (2009) propose un classement de
comportements en fonction du type d‟action (souhaitée ou pas) et d‟observation (action
perçue comme un acte de résistance ou pas).
L‟acte est
L‟acte est
catégorisé
catégorisé
comme résistant
comme résistant Type de résistance Exemple
par les
par le
observateurs
consommateur
extérieurs*
Résistance
Oui Oui Boycott collectif et publicisé
volontaire et perçue
Résistance individuelle et non
Résistance
communiquée contre un
Oui Non volontaire et non
produit, une marque ou une
perçue
entreprise
Perception erronée
Non adoption d‟un nouveau
Non Oui de la résistance par
produit
les observateurs
Absence de Situation habituelle sur le
Non Non
résistance marché
*observateurs extérieurs = marketeurs et chercheurs
On voit bien que seules actions classées dans l‟esprit du consommateur comme résistantes peuvent
être considérées en tant que telles par les observateurs. Même si les observateurs classent un
acte comme résistant, ceci peut ne pas être le cas (Perception erronée de la résistance par les
observateurs).
Cette opposition du consommateur envers le marché et les firmes peut être explicite ou
implicite, violente ou non. Une autre classification nous permet de distinguer la résistance
passive, lorsque le nouveau consommateur qui «se défend de la publicité intrusive en
devenant sourd, muet, aveugle, indifférent, zappeur, agressif » (Kaufman, H., 2005), mais
aussi la résistance active, c‟est-à-dire le fait de passer à l‟acte pour exprimer son
mécontentement face à une force jugée oppressive.
23
24. De l‟autre côté, nous pouvons aussi opposer la résistance individuelle et collective. Les
marketeurs se sont plus intéressés aux résistances collectives du fait de leur bonne visibilité et
de leur impact économique (Friedman, 1999 ; Kozinets, 2002; Roux, 2006). Pour ce qui est
de la résistance individuelle, il s‟agit la plupart de temps des actions clandestines et illégales,
qui sont peu visibles.
Zavestoski (2002) propose quant à lui encore un autre classement. Selon lui, on distingue
deux courants de résistance dont le but est d‟atténuer leur insatisfaction profonde vis-à-vis un
mode de vie trop marqué par le matérialisme et la (sur)consommation.
Le premier concerne les aux modes d‟échanges alternatifs que les consommateurs fréquentent
en fuyant, au moins partiellement, au système marchand classique. Il fait référence au
réaménagement du rapport qu‟ont les consommateurs au travail mais aussi au temps libre,
tout ceci dans le seul objectif d„atteindre une meilleure qualité de vie.
Le deuxième courant s‟intéresse aux comportements de réduction de la consommation
(Zavestoski, 2002 ; Shaw et Newholm, 2002). Ici les consommateurs visent une recherche
spirituelle et éthique à l‟opposé du matérialisme (Shaw et Newholm, 2002). La simplicité
volontaire est ici le meilleur exemple.
En généralisant, nous pouvons classifier de différentes formes de résistance comme :
- des mouvements audibles (voice), visibles et collectifs comme boycotts,
buycotts, barbouillages publicitaires..
- ainsi que des manifestations moins repérables (exit), moins visibles et
beaucoup plus diffuses comme par exemple la déconsommation.
Dans toutes ces classifications, nous pouvons trouver des actions de résistance contre les
firmes (les offres, les signes, les discours et les dispositifs qu‟elles déploient), tout comme des
formes de contestation ou désengagement du système marchand comprenant les communautés
d‟échange, l‟économie du don, le troc, le SEL d‟un côté, la récupération, le glanage et le
freeganisme de l‟autre (Roux, D., 2010).
Les consommateurs peuvent se battre contre les produits, les modes de consommation, le
fonctionnement du marché dans ses logiques économiques, sociales ou environnementales,
mais aussi contre eux- mêmes et leurs tentations.
24
25. Que la résistance des consommateurs soit silencieuse, visible, collective ou individuelle, elle a
toujours un effet néfaste sur l‟entreprise (Roux, D., 2007).
Dans ce mémoire, nous allons nous intéresser aux formes de résistance qui sont voulues,
c‟est-à-dire celles dans lesquelles l‟individu résiste, que cette résistance soient perçue ou pas
par les firmes, le marché ou les marketeurs mais aussi à d‟autres formes de résistance, pas
forcément souhaitées ou classées par le consommateur en tant que telles.
Voici les exemples d‟actions de résistance à la consommation les plus répandues, visibles et
donc étudiées.
2.2.1. Boycott & buycott
Un boycott de consommateurs est « une
tentative par une ou plusieurs parties de
réaliser certains objectifs en appelant des
consommateurs individuels à ne pas réaliser
certains achats auprès d‟une ou plusieurs
organisation ciblées» (Friedman, 1985, Sitz,
L., 2006), d‟une entreprise ou d'une nation.28
Il peut aussi s'agir d'un boycott d'élections
ou d'évènements.
Les origines du boycott remontent au 19ème siècle. Au départ, ce terme désignait le fait de ne
pas acheter des produits dont les conditions de production ne sont pas jugées justes. La
plupart de temps, les boycottés sont des entreprises et ce type de résistance a d‟autant plus de
succès qu‟il est bien visible, audible et surtout, solidaire.
Le boycott est une des armes de consomm’action, appelée aussi une consommation
responsable. Cette dernière part du principe que chaque l‟individu ou plus proprement dit
chaque consommateur a un choix d‟achat. Il choisit de consommer de façon citoyenne et non
plus seulement de manière consumériste.29 L‟action de consom‟acteur s‟amplifie d‟autant plus
28
http://fr.wikipedia.org/wiki/Boycott
29 http://fr.wikipedia.org/wiki/Consom%27action
25
26. que les nouvelles technologies, notamment Internet et le Web 2.0, leurs facilitent le contact, la
« veille » et l‟organisation des actions.30
Comme exemple, je vais citer le
boycott de la barre chocolatée Kit-
Kat de Nestlé. L‟affaire est récente
puisqu‟elle date de mars 2010.
« L’utilisation d’huile de palme par
Nestlé a un impact dévastateur sur
la forêt tropicale et sur le climat et
les orangs outans » lit-on sur le site de Greanpeace. On apprend
qu‟en consommant la barre Kit-Kat on contribue à la
destruction de la forêt tropicale indonésienne. Or ces forêts sont
essentielles à la survie des orangs-outans.
Il faut savoir qu‟au cours des trois dernières années, la consommation annuelle d‟huile de
palme du groupe Nestlé a pratiquement doublé, pour s‟établir aujourd‟hui à 320 000 tonnes.
C‟est ainsi que commence le boycott de la barre Kit-Kat, mais aussi d‟autres produits de
Nestlé.
30
http://fr.wikipedia.org/wiki/Boycott
26
27. Un autre exemple de boycott, au niveau mondial cette fois ci, concerne un géant international
Coca-cola. Les raisons de boycott de cette firme et marque sont divers et ceci depuis plusieurs
années. L‟université du Michigan a été l‟une de celles qui a suspendu la vente de cette boisson
sur-sucrée à ses 50 000 élèves occasionnant à la multinationale des pertes estimées à plus de
1,2 million d‟euros. Comme le disent les boycotteurs « coca- cola c'est du foutage de gueule à
échelle planétaire. Coca-cola c'est un trop plein ».
Ces raisons de boycott sont aussi beaucoup plus graves que ça. En Inde,
dans un site d‟exploitation de Coca-cola, les résultats de tests sur quatre
pesticides se sont avérés accablants – jusqu‟à 196 fois la norme, comme
c‟était le cas pour le malathion. En plus de ceci, les sites d‟exploitation
de Coca-Cola puisent 1,5 Millions de litres d'eau potable par jour nécessaires pour la
fabrication de la boisson. Ceci entraîne le tarissement de la nappe phréatique donc des puits
des villages et la lente agonie du Peuple Indien. La raison de boycotter Coca-cola en Inde sont
donc bien légitimes.
En Colombie, le boycott de Coca Cola a commencé
lorsque ce géant de l‟industrie de boissons, et plus
particulièrement des escadrons de la mort
paramilitaires, agissant pour le groupe ont été
accusés de violences, d‟assassinats, de séquestrations
et de tortures contre les membres du syndicat
colombien Sinaltrainal (syndicat d‟industrie de
l‟alimentation). Avec la devise « Parce que j‟aime la
vie, je ne bois pas Coca-Cola », le syndicat a lancé il
y a deux ans la campagne internationale contre cette
boisson la plus bue dans le monde.
L‟objectif était donc d‟obtenir une réparation des
dommages causés et faire que Coca-cola s‟engage à
respecter les droits humains et syndicaux.
Aujourd‟hui, 70 % des consommateurs français se disent prêts à participer à des campagnes
de boycott. Le boycott est une action très efficace ; une entreprise, ayant habituellement de
très grands frais fixes, peut perdre, suite à un boycott, par exemple la moitié de ses bénéfices
même si la demande baisse seulement de 5% par exemple. C‟est pour cela que l'appel au
boycott peut avoir un énorme impact et être déstabilisant.
27
28. De l‟autre côté, le buycott, souvent présenté comme l‟inverse du boycott ou l‟'action positive,
cherche à promouvoir la production et la consommation de produits qui font l'objet d'une
certification de leur valeur éthique. Il peut s‟agir des produits nationaux, des écolabels, des
produits garantis sans OGM ou des produits issus du commerce équitable. Le consommateur
fait donc un achat «positif » puisqu‟en achetant les produits cités ci-dessus, il soutient
activement des producteurs, des entreprises ou des distributeurs pour leur action jugée digne.
2.2.2. Barbouillages publicitaires & Adbusters
Les actions de barbouillage publicitaire sont des actions antipub et anticonsuméristes qui
consistent à tagguer voire cacher complètement des publicités et des panneaux publicitaires
dans les rues. Le but est de s‟opposer à la consommation de masse.
Les Adbusters (Rumbo, 2002), fondation et magazine, ont été créés uniquement dans le but de
la lutte conte la publicité. Leur nom est composé de « ad » fait référence à advertising
(publicité) et de et « buster », signifiant ici « destructeur, casseur, éliminateur ».
La marque de l‟italien Luciano Benetton a été la cible d‟attaque
de l‟imagination des Adbusters. A la base, la marque, avec son
fameux slogan « United Colors of Benetton » a su occuper les
cerveaux des jeunes consommateurs. L‟idée était de faire
comprendre aux gens, qu‟avec Benetton il n‟y pas de
discrimination raciale (rappelons-nous les affiches mettant en
scène des jeunes de toutes races), cette entreprise essayant de
vanter une sorte de fraternité universelle. Mais en regardant la
face cachée, on se rend compte que Benetton essayait juste
d‟ancrer dans les jeunes esprits l'idée que les jeunes ouverts au
monde portent des vêtements.. Benetton. Le but était évidemment
d‟augmenter les ventes. D‟où l‟affiche créée par les Adbusters.
Cette fondation promeut des campagnes-chocs et est à l'initiative
de la «Buy nothing day c'est-à-dire la journée sans achat », mais
aussi de la semaine sans télé (TV turn-off week). Via le buy
nothing day, les militants antipub comptent dénoncer la tyrannie
28
29. des marques et appellent à freiner la surconsommation pour sauver la planète. La semaine
dans télé est organisée, quant à elle, comme une action de sensibilisation. Son objectif est de
démontrer aux gens, que l'on peut profiter de la vie en dehors du petit écran.
En France, nous avons un équivalent des Adbusters
qui sont les Casseurs de pub. Ils luttent eux aussi
contre la colonisation des espaces occupés par la
publicité et le marketing des firmes. Il y a
également un Collectif des déboulonneurs, créé en
2005. Celui-ci souhaite l‟ouverture d‟un débat
national sur la place de la publicité dans l‟espace
public et la réforme de la loi de 1979 encadrant
l‟affichage publicitaire. Ils exigent la liberté de
réception puisque chacun doit être libre de recevoir
ou non les messages diffusés dans l‟espace public.
Ils proposent que la taille des affiches soit ramenée
à 50 x 70 cm. Leur tactique consiste à une
dégradation assumée et non-violente en
barbouillant des panneaux publicitaires en public. Sur les images, des exemples d‟actions des
Déboulonneurs à Paris.
2.2.3 Déconsommation & Décroissance /// SEL/ AMAP/ SV
La déconsommation est un concept décrivant une diminution du consumérisme,
consumérisme vu ici dans son second sens faisant référence à la place capitale qu‟occupe la
consommation dans la société.
Il ne s‟agit pas d'anticonsommation mais de prise de conscience de devoir limiter le gaspillage
et la démesure dans le monde. Le but est de mieux répondre aux besoins vitaux de tout le
monde, le plus souvent pour les raisons éthiques voire altruistes, mais aussi pour un
développement durable et un certain équilibre dans le monde. Ainsi, elle s‟inscrit dans une
économie de marché, mais différemment. La déconsommation peut prendre différentes
formes : elle peut être subie par exemple en raison de la pauvreté ou d‟une crise ou choisie,
29
30. surtout pour les raisons spirituelles, éthiques. Cette déconsommation peut aussi être
consciente ou inconsciente, individuelle ou collective.
La décroissance, en anglais downshifting ou downsizing, est un courant
apparu dans les années 90 qui s‟oppose à une consommation abusive et
démesurée. Il s‟agit de s‟opposer principe de croissance du PIB, c'est-à-
dire de limiter volontairement les achats. C‟est un mouvement plutôt militant et souvent
engagé politiquement. En voici 3 exemples s‟inspirant des principes de la décroissance et de
la déconsommation.
Le premier exemple est le SEL - le système d'échange local, un système économique
ressemblant au troc. Il s‟agit des associations de travailleurs et de chômeurs qui se basent sur
l‟entraide et permet de faire certains achats sans recours à la monnaie. Chacun apporte sa
spécialité, sa technique ou sa compétence. Chacun est donc libre de proposer ses services et sa
propre monnaie. Ces mouvements plaisent puisqu‟ils répondent à des besoins locaux.
Un autre exemple de promouvant une économie dite
« sociale » sont les AMAP c‟est-à-dire les associations
pour le maintien de l'agriculture paysanne. Ce système,
basé sur une coopération entre une ferme et un groupe
d‟acheteurs, est fondé sur l‟engagement financier des
consommateurs qui doivent payer la totalité de leurs
produits à l‟avance. Ensuite, ils reçoivent des paniers individuels; ils ne choisissent pas leurs
produits eux-mêmes mais acceptent le partage de produit fait par l‟agriculteur. Ainsi, les
adhérents consomment des produits frais, de saison et locaux et surtout permettent à
l‟agriculteur d‟être indépendant de l‟économie de marché et de la grande distribution. En
2006, les AMAP approvisionnaient 24 000 personnes en France.
L‟économie sociale, regroupant les mutuelles, les coopératives,
les associations et les fondations représente 10% du PIB
français et environ le même pourcentage d'emplois. 31
La simplicité volontaire (SV) est concept qui puise ses
principes plus dans la de déconsommation que dans la
31
http://environnement.doctissimo.fr/acheter-differemment/consomm-acteur/AMAP-troc-les-nouveaux-modes-de-
consommation.html
30
31. décroissance. A la base, dans le concept de la simplicité volontaire, il s‟agit de conscience
d'une urgence écologique. Les pays à fort revenu (20% de la population mondiale)
consomment 85% des ressources de la planète au détriment de 80% des populations des pays
à moyen et faible revenu qui ne consomment que le 15% des ressources (Letourneux, M.,
Planes, I., Tankam, C., 2010). Il est clair que pour résoudre cette grande question planétaire,
nos habitudes de consommation doivent changer. Mais avant, il faut que les consommateurs
prennent déjà conscience de ce gros problème. L‟objectif est de trouver l‟équilibre entre
l‟homme et l‟environnement. Et justement, la simplicité volontaire contribue à ralentir la
destruction des ressources naturelles, du fait de la limitation de la consommation de biens
matériels.
L‟idée principale de la simplicité volontaire est
donc la remise en cause de l‟utilisation du niveau de
consommation et de l‟accumulation de biens
matériaux comme signe de bonheur. Elle milite
contre les valeurs trop matérialistes d'une société
américaine hypermarchande, au profit de valeurs
plus humanistes. La dimension spirituelle y prend
une place importante, puisque l‟'objectif est de
mener une vie davantage centrée sur des valeurs "essentielles". Il s‟agit d‟améliorer ainsi sa
qualité de vie. Lorsqu‟on consomme moins, on a moins besoin d‟argent et donc moins besoin
de travailler. Par la même, nous arrivons à avoir plus de temps pour nous consacrer à nous-
mêmes et à notre famille, puisque la simplicité volontaire valorise les relations humaines, la
solidarité et l'entraide.
La simplicité volontaire, appelée aussi le « dépouillement absolu », est donc un choix de vie
délibéré, qui repose plutôt sur des initiatives individuelles qu'organisées. Même si des
communautés se créent, il ne s‟agit pas de mouvement, la SV est de ce fait un acte de
résistance beaucoup moins visible et audible. C‟est un mode de vie consistant à réduire
volontairement sa consommation par la maîtrise des besoins.32 Elle ne cherche pas à changer
le monde mais juste à favoriser la réflexion pour changer sa façon de vivre. Néanmoins, c'est
la somme de toutes les actions individuelles qui permettra de changer les choses et peut-être
créer un monde meilleur.
32
http://fr.ekopedia.org/Simplicit%C3%A9_volontaire
31
32. Il arrive parfois que les adeptes de la SV poussent le
concept à l‟extrême. Certains boycottent les actes d‟achat
mêmes et n‟achètent plus que des produits alimentaires,
d‟hygiène et de santé. D‟autres vont même jusqu‟à ne plus
acheter mais à faire les poubelles. On les appelle les
Freegans. Choqués de gaspillage fait par notre société de
consommation, ils préfèrent récupérer et recycler. Le
freeganisme n‟est pas une contrainte économique mais une
position de principe. 33
Certains partisans souhaitent seulement modifier leurs modes de vies sans s‟impliquer dans
une modification de la société (Letourneux, M., Planes, I., Tankam, C., 2010). Contrairement
aux autres formes de résistance, il ne s‟y agit pas ici de « mouvement », puisque les adeptes
de la simplicité volontaire ne sont pas forcément membres d‟un réseau ou d‟une organisation.
Il arrive même que ces personnes la pratiquent, sans être influencées par des textes ou
d‟autres personnes, en ignorant des fois même l‟appellation « simplicité volontaire ».
Les adeptes de la simplicité volontaire ne sont pas en guerre contre une firme, une marque,
mais contre un système d‟offre qui ne traduit pas leurs attentes (Roux, D., 2009). Au lieu
d‟acheter du neuf ou de gaspiller, ceux-ci préfèrent donner, troquer, recycler, faire tourner,
partager, consommer sans acheter, même si ces façons de faire soient pas assez répandus et
acceptés par le marché conventionnel. Même si les adeptes de la simplicité volontaire passent
le moins possible par le marché conventionnel, il n‟y s‟agit pas de la pauvreté ni de sacrifice.
Sa devise et d‟alléger sa vie de tout ce qui l'encombre et privilégier l'Être plutôt que l'Avoir.34
Beaucoup de ses adhérents adoptent aussi le principe de l'autosuffisance, c'est-à-dire faire soi-
même au lieu d'acheter. Ainsi, le nombre de personnes qui jardinent, cuisinent ou cousent
augmente tous les jours.
Comme on le voit, la simplicité volontaire est surement une forme de résistance mais ne
ressemble pas à la résistance « traditionnelle ». Ses adeptes ne s‟opposent pas contre les
firmes ou le marché mais plutôt luttent pour une planète saine et une vie meilleure. Les
APAM et les SEL sont déjà plus dans l‟optique de s‟opposer à la société et la consommation
de masse, mais ils incluent aussi dans leur raisonnement les questions environnementales.
33
http://www.consoglobe.com/mr-consoglob_28.html
34
http://fr.ekopedia.org/Simplicit%C3%A9_volontaire
32
33. 2.2.4. Slow Food
Slow Food, nouvelle branche de l‟altermondialisme, unie le
plaisir, l‟éthique, l‟écologie et la gastronomie.35 Bien qu‟il
concerne l‟alimentation comme les AMAPs, la SV et les SEL,
Slow Food ne peut pas être catégorisé comme une des formes
de déconsommation ni de décroissance. Son but est de
s‟opposer à une idéologie de marché et à l‟uniformisation des goûts et des coutumes
alimentaires, comme c‟est le cas de Fast Food.36 Prêchant la lenteur et la convivialité, cette
association et le mouvement cherche à promouvoir une alimentation locale, goûteuse et
surtout, propre à un pays, une région et leur histoire et identité (Bonnard, M., 2006). Elle a
aujourd‟hui un symbole, l‟escargot, lent et savoureux, une devise « Manger moins, manger
mieux », un site www.slowfood.fr , une revue et 100 permanents ainsi que 80 000 adhérents.
Cette association cherche à cultiver les gens culinairement et à les faire participer à une
alimentation responsable et conviviale à la fois. On peut donc dire que Slow Food tend vers le
bien-être alimentaire.
2.3. La simplicité: une nouvelle forme de résistance à la consommation?
Comme on le voit très bien, la résistance est susceptible de modifier l‟image perçue d‟une
marque ou d‟une firme en fonction des comportements que ces dernières adoptent. De plus,
« quand les consommateurs ont mémorisé les situations dans lesquelles ont été utilisés des
procédés d‟influence, ils sont susceptibles de procéder ensuite par ‟‟avertissements auto-
générés‟‟ pour se prémunir de tentatives ultérieures » (Roux, D., 2007). Si les actes de
résistance à la consommation sont fréquents, c‟est surement parce que la compréhension des
attentes des consommateurs est mauvaise.
Il est clair que dans notre société capitaliste, tout tourne autour de la consommation. Il y a des
gens qui s‟y retrouvent et l‟acceptent, il y a ceux qui « font avec » et puis il y a d‟autres
35
http://www.regards.fr/article/?id=2444
36
http://www.regards.fr/article/?id=2444
33
34. personnes qui n‟acceptent pas ce consumérisme et le font savoir par des actes de résistance.
Aujourd‟hui, nous pouvons nous demander si ce système économique contemporain n‟a pas
perdu une forme de légitimité morale ou éthique, puisque, s‟il vise une amélioration du bien-
être de la société par la croissance constante, il arrive plutôt à augmenter l‟écart entre les
niveaux économiques des consommateurs, s‟éloignant de toute notion de bien-être. Il est sûr
que la résistance dépend d‟une évaluation des réactions émotionnelles négatives qui sont
déclenchées par les déterminants situationnels. Et ce sont ces émotions négatives font que
l‟individu s‟oppose à des marques, des firmes ou à leurs pratiques, logiques ou bien discours
marchands.
Dans cette partie nous avons eu un aperçu de comment les consommateurs résistent et à qui
ou à quoi ils s‟opposent. Les raisons de cette opposition peuvent être multiples; les firmes qui,
dans le but unique d‟augmenter leur chiffre d‟affaires oublient les questions
environnementales ou ne respectent pas les droits de l‟homme ou du travail, les publicités
omniprésentes, l‟idéologie à laquelle les consommateurs n‟ont pas envie d‟adhérer .. Autant
de fondements différents. Ce qui est aussi intéressant c‟est que les consommateurs qui
résistent intentionnellement intègrent pour la plupart de temps une communauté qui partage
leurs opinions et valeurs. Ils ressentent un besoin d‟être entourés par les gens qui ont les
mêmes préférences. Ceci leur permet de montrer que leur action est juste et nécessaire.
Depuis quelques temps l‟action politique du consommateur se transforme en consumérisme
politique. La question est de remettre dans le débat politique l'engagement des
consommateurs qui choisissent des producteurs et des produits en fonction de considérations
éthiques et politiques. Dans les exemples de différentes formes de résistance que l‟on a vus
précédemment, la morale est une cause qui revient assez fréquemment dans des actes de
résistance à la consommation. Nous l‟avons vue par exemple dans la simplicité volontaire qui
est incontestablement une des formes de résistance. Ses adeptes, en choisissant de consommer
moins et tout en se préoccupant des questions environnementales cherchent à atteindre un
bien-être. Se sentir libre et libéré du consumérisme inutile, plus proche de la nature et surtout
consacrer plus de temps à ses proches, en voici la devise de la simplicité volontaire. Ici,
lorsqu‟on parle de la morale, on pense plus à la spiritualité, à une vie meilleure et éthique.
Dans les exemples que l‟on a vu précédemment la résistance passe donc toujours par la
consommation ou une consommation « différente » (voire une « quasi non consommation »
34
35. comme dans le concept du freeganisme). Dans les cas cités, les consommateurs n‟achetaient
pas certains produits non pas parce qu‟ils ne leur correspondaient pas, mais parce qu‟ils
veulent par cet acte s‟opposer aux firmes ou marques qui fabriquent ces produits ou tout
simplement s‟opposer à l‟idéologie du consumérisme.
Aujourd‟hui, les programmes de fidélité, les études de comportement des consommateurs et
de leur psychologie sont vraiment poussées; les chercheurs et les entreprises pensent tout
savoir sur les consommateurs. Mais on voit bien que certains produits et services ou certaines
marques sont boycottés. Puisque le consommateur résiste et n‟achète pas un produit c‟est que
la compréhension de ses attentes a été mal interprétée. Ce qui est certain c‟est que, lorsque les
consommateurs achètent un produit, ils expriment une préférence pour un produit et ils
s‟opposent donc à un autre produit en même temps (Zavestoski, S., 2002). Il faudrait donc se
rappeler la notion appelée « fidélité oppositionnelle à une marque » qui conduit des
consommateurs fidèles à une marque à résister à une marque concurrente (Sitz, L., 2006).
La grande question est donc pourquoi alors, avec toutes les technologies et études de
comportement du consommateur élaborées, les marketeurs ne comprennent-ils pas toujours
les besoins, les attentes et les envies des consommateurs. Ces derniers veulent-ils autre chose?
Ils sont peut-être oppressés par les tactiques marketing utilisés pour les « forcer » à acheter
encore et encore. Les références se multiplient, les produits deviennent compliqués, trop
recherchés. Les consommateurs s‟y perdent. Il a été remarqué que de plus en plus de
consommateurs développent une attitude de résistance et ceci pour des diverses raisons, cette
attitude les conduit à préférer un certain nombre des choses et pas d‟autres.
Serait-il possible qu‟ils souhaitent tout simplement des choses ..simples ? Simples d‟usage,
simple dans leur concept ou simples grâce aux valeurs qu‟elles véhiculent ?
Il se trouve qu‟aujourd‟hui, il y a des marques qui font justement des choses et services
simples et ceux-ci correspondent à leurs valeurs. Dans la première partie, nous avons
distingué 3 dimensions de la simplicité : sa nature morale, cognitive et esthétique. Il est donc
possible qu‟il y ait des biens et services qui véhiculent ces 3 natures et valeurs.
Quels sont les consommateurs qui recherchent ces choses simples? Serait-il ceux qui
développent une attitude de résistance ? Y-aurait-il une nouvelle forme de résistance
consistant à préférer les choses simples sans vraiment se préoccuper de ce qui fait la firme
pour en produire, sans savoir si elle est éthique et si elle respecte les droits de l‟homme ou du
35
36. travail. La motivation principale qui conduit des individus à préférer ces marques simples à
d‟autres serait-il une attitude négative à l‟égard de la consommation en générale ? S‟agit-il
des choses simples dans leur dimension morale, éthique ou peut être esthétique ? Nous allons
donc essayer de le démontrer dans la partie suivante. Nous nous pencherons sur une étude que
j‟ai effectuée, en interrogeant des consommateurs des 3 marques : Uniqlo, Muji et Apple (et
plus particulièrement son produit phare – iPhone) qui se veulent simples.
36
37. III. Méthode
1. Description de l’étude
Afin d‟étudier le sujet de la simplicité comme une forme possible de la résistance à la
consommation, j‟ai procédé à une enquête semi-directive. Je me suis concentrée sur 3
marques : Uniqlo, Muji et Apple (dont j‟ai étudié un produit en particulier – iPhone).
Comme le but a été de savoir comment les gens se positionnaient par rapport aux marques, à
la communication des marques, à la consommation en général mais aussi par rapport à leur
vision des marques et produits considérés comme simples, mon choix s‟est tout de suite porté
sur une étude qualitative et non pas quantitative. Ainsi, il est plus facile de gagner en
profondeur dans l'analyse de l'objet d'étude, mais plus difficile d‟en analyser les résultats.
Pour effectuer cette étude, un questionnaire contenant des questions ouvertes et fermées m‟a
été très utile. Grâce aux questions fermées, j‟ai pu connaître la vraie position de l‟interviewé
par rapport au sujet de la question. Il choisissait sa réponse dans une liste préétablie (dans le
cas de mon questionnaire il s‟agissait uniquement du choix entre oui ou non). En ce qui
concerne les questions ouvertes, celles-ci permettent de « connaître » mieux la personne
interviewée, puisqu‟on la laisse parler avec ses propres mots, sans suggérer de réponses. Elle
est libre de donner son avis, faire des commentaires, donner des détails ce qui permet de
comprendre mieux son comportement et sa position vis-à-vis les marques ou la publicité par
exemple. La seule difficulté est la catégorisation et le codage éventuel de ces questions
ouvertes, il n‟est pas évident de mesurer le « poids » des réponses. Le point positif est que ces
réponses « complètes » pourront se transformer en citations, m‟aidant par la suite à
argumenter mes résultats et conclusions. Afin de comparer par la suite les choses
comparables, j‟ai décidé de poser les mêmes questions à tous mes interviewés.
Comme on procède habituellement en cas d‟une étude semi-directive, j‟ai commencé mes
interviews par des entretiens non directifs. Je posais des questions très générales dans le but
d‟arriver à la fin aux questions plus directes et concrètes. La première question avait donc
pour but de découvrir ce que les gens pensaient du marché et du consumérisme en général,
mais aussi comment ils se positionnaient par rapport aux marques et à leur communication. Je
comptais restreindre le champ de réponses aux questions au fur et à mesure que les interviews
avançaient, tout ceci pour terminer par les questions concrètes concernant la simplicité et les
37
38. articles simples que les interviewés venaient d‟acheter ou possédaient déjà. Malheureusement,
les questions posées n‟ont pas inspiré les interviewés, qui, un peu effrayés, ne savaient pas
vraiment ce que j‟attendais d‟eux. Soit ils étaient pressés, soit au contraire, ils flânaient,
contents de pouvoir faire leurs shopping. Dans les deux cas mes questions dérangeaient car
demandaient du temps et de la réflexion avec cette première question « compliquée ». Au
bout de 4 entretiens ratés, j‟ai décidé de retravailler mon questionnaire. J‟ai complètement
renversé l‟ordre des questions en commençant par la plus « étroite » et en terminant par la
plus générale. Ceci a tout de suite mis les gens en confiance, car en leur demandant ce qu‟ils
avaient acheté et comment ils pouvaient définir les articles achetés ils étaient au moins sûrs de
savoir répondre à ces questions basiques. J‟ai donc continué à poser mes questions dans cet
ordre-là ; de la plus étroite à la plus générale.
Voici donc comment se présentait la trame de mon questionnaire :
1. Quels sont les articles dont vous venez de faire l‟achat ?
2. Comment vous pouvez définir ces produits ?
3. Ces produits sont-ils simples? // Oui / Non
4. Considérez-vous que ces articles sont-ils simples de par leur utilisation, leur design ou
les valeurs morales qu'ils véhiculent? // Oui / Non/ Expliquez.
5. Ce type de produit vous donne-t-il l‟impression de faire partie d‟une communauté,
d‟une tribu, d‟un groupe de consommateurs particuliers? // Oui / Non / Expliquez
6. Aviez-vous prévu d‟acheter tous ces articles ou était-ce un acte spontané ?
7. Le choix de cette marqué a été intentionnel? Oui/Non
8. Pourquoi avez-vous choisi cette marque ?
9. Vous identifiez-vous à la marque?
10. Connaissez-vous plus de détails sur la marque (origines, lieu de production, éthique de
la marque .. ?)
11. Lorsque vous cherchez un produit, savez-vous dans quels magasins / types de
magasins vous allez vous rendre ? (shopping ciblé ou au hasard)
12. Etes-vous attachés à certaines marques ?
13. Etes-vous contre certaines produits ou marques ? Y a-t-il des produits ou marques que
vous boycottez?
14. Y a –il des produits que vous consommez juste pour ne pas consommer les produits
concurrents?
38
39. 15. Pensez-vous qu'il y a trop de choix de produits et de marques? Quelle est votre
position par rapport à cela?
16. La communication des marques est-elle agaçante? Y a-t-il trop de publicités?
17. Percevez-vous les marques et leur communication de façon positive, neutre ou
négative ?
18. Qu‟est ce que c‟est pour vous un article simple?
19. Citez 3 produits / services ou marques qui vous semblent simples.
Fiche signalétique : Sexe / Age / Profession
2. Le plan d'échantillonnage & la méthode de recueil
Pour ne rien perdre des entretiens et y participer activement afin d‟encourager les personnes à
parler, j‟ai préféré faire des enregistrements avec mon lecteur Mp3 au lieu de prendre les
notes. En dehors du fait de poser les mêmes questions à tous les interviewés, j‟ai décidé
d‟interviewer le même nombre des personnes pour chaque marque/produit étudié afin de
rendre mon analyse plus juste. En tout, j‟ai donc effectué 21 entretiens, cela dit 7 pour chaque
marque, en notant toujours le sexe, l‟âge et la profession de la personne questionnée.
Voici donc le tableau recensant la population étudiée en fonction de sexe des interviewés, de
leur âge moyen ainsi que de la durée totale et moyenne d‟enregistrements et ceci pour chaque
marque.
Uniqlo Muji iPhone
Femmes interviewées 3 4 1
Hommes interviewés 4 3 6
Moyenne d'âge 27 28 31
Durée totale d‟enregistrements 01:01:11 01:19:03 01:36:20
Durée moyenne d'enregistrement 00 :08:44 00 :13:11 00 :16:03
L‟enquête ne s‟est pas passée exactement de la même manière pour les 3 marques / produits.
Pour les deux enseignes japonaises j‟ai «attendu » les acheteurs à la sortie du magasin,
pendant que pour l‟iPhone j‟abordais les personnes qui étaient en train de se reposer ou
attendre quelqu‟un dehors.
39
40. Mes premiers enregistrements concernaient la marque Uniqlo. Comme je l‟ai déjà dit dans la
partie précédente, il n‟y a que 2 boutiques Uniqlo en France, les deux se trouvant à Paris. Pour
cette marque, j‟ai effectué une enquête auprès de 3 femmes et 4 hommes, âgés en moyenne de
27 ans. Les questionnés me consacraient en moyenne 8 minutes et 44 secondes ce qui n‟est
peut-être pas suffisant pour connaître le comportement et la vision des choses de l‟interviewé.
D‟ailleurs, quelques consommateurs de la marque Uniqlo ont été les seuls à refuser une
interview. Je n‟ai pas eu un seul refus concernant Muji et l‟iPhone.
En ce qui concerne Muji, les entretiens ont eu lieu devant le magasin de la marque dans le
centre commercial Le Forum des Halles. Mes interviews ont duré en moyenne 13 minutes et
11 secondes, donc plus longtemps que dans le cas de Uniqlo. Certes, ce n‟est pas la quantité
qui compte mais, plus longtemps dure une interview, plus des choses peuvent ressortir de
l‟entretien nous permettant de mieux connaitre le comportement de la personne interviewée.
Les questionnés, 4 femmes et 3 hommes, avaient 28 ans en moyenne.
Le dernier produit étudié a été l‟iPhone. Pour celui-ci, j‟ai interviewé 1 femme et 6 hommes
possédant déjà un iPhone. Les questionnés avait en moyenne 31 ans. Comme pour les
entretiens j‟interrogeais des gens posés tranquillement dehors, ceux derniers m‟ont consacré
beaucoup plus de temps que pour les deux marques précédentes car 16 minutes en moyenne.
Il est clair que, étant moins pressés, ils se lâchaient beaucoup plus dans leurs réponses.
Dans la population étudiée : 38% des interrogés ont fini les études supérieures, 33% sont des
employés, 28 % - des étudiants. Ils sont 33% à travailler dans la mode, publicité,
communication ou dans le design. En tout, les 8 femmes et 13 hommes choisis pour les
entretiens au hasard avaient en moyenne 28,5 ans. La durée moyenne de toutes mes
interviews était de 12 minutes et 39 secondes.
Dans tous les cas, l‟objectif était pour moi de connaître l‟opinion des vrais consommateurs;
c‟est pour cela que j‟ai interrogé les gens qui possèdent un iPhone et dans le cas de deux
enseignes japonaises – des vrais acheteurs de produits de ces deux marques. C‟est l‟avis de
ceux qui utilisent véritablement le produit qui m‟intéresse.
Une fois les enregistrements terminés, le tout a été retranscrit. Afin de me faciliter l‟analyse
mais aussi d‟augmenter le nombre de comparaisons possibles, j‟ai réécrit les interviews dans
40
41. l‟ordre des questions posées, réservant à chaque marque un tableau excel à part. Ceci permet
de garder une certaine visibilité par rapport à toutes les informations mais aussi voir plus
clairement les similitudes et les différences de discours qui ressortent. Le discours initial de
chaque personne interviewée a été gardé pour pouvoir apporter « du vrai » à la partie analyse
grâce aux nombreuses citations.
3. La définition des variables
Ce que je cherche à étudier c‟est l‟hypothèse du départ : les gens oppressés par les publicités,
les efforts de marketing et le surchoix de produits se refugient dans la simplicité. En
choisissant les marques et les produits simples, les consommateurs essaient de résister au
marché trop consumériste.
C‟est dans ce sens la que j‟ai établi mon questionnaire.
1. Quels sont les articles dont vous venez de faire l‟achat ?
2. Comment vous pouvez définir ces produits ?
3. Ces produits sont-ils simples?
4. Considérez-vous que ces articles sont-ils simples de par leur utilisation, leur
design ou les valeurs morales qu'ils véhiculent?
Les premières questions étaient très simples et mettaient à l‟aise les interviewés. Elles ne
demandaient pas trop de réflexion, ce qui facilitait d‟entrer en contact avec les gens et les
convaincre que l‟interview allait être simple et pas très longue.
En posant ces questions je cherchais à savoir si les interviewés associaient la marque qu‟ils
ont choisie à la simplicité. En définissant eux-mêmes l‟iPhone ou bien les produits achetés
chez Muji ou Uniqlo, les personnes m‟expliquaient inconsciemment si elles voyaient ces
produits/marques comme simples. Ensuite, je leur demandais directement si elles les voyaient
comme tels et pourquoi ; était-ce question d‟esthétique, d‟utilisation ou des valeurs que le
produit /la marque véhiculait ?
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