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1
Institut International du Commerce et du Développement
Campus de Paris
2020/2021
5ème
année – Programme Grande École
Mémoire de Recherche Appliquée
FORTUNÉ David
LA RÉSILIENCE DES PETITES ET TRÈS PETITES
ENTREPRISES FACE À LA COVID
Tuteur de mémoire : Monsieur MANSOURI Samy
Tuteur d’entreprise : Madame COLDEBOEUF Jocelyne
Soutenu le 15 juillet 2021
2
Nom : Cycle :
FORTUNÉ David P13 G1B
La résilience des petites et très petites entreprises face à la covid
Existe-t-il des ressorts efficaces pour la résilience des gérants de TPE en temps de covid ?
Ce mémoire a pour objet de mettre en lumière les différents types de stratégies de résilience
mises en place par les gérants de TPE en particulier, et d'évaluer leur efficacité face à la
covid.
Ce travail s'applique donc aux gérants de TPE et à leur activité en France métropolitaine.
MANSOURI Samy
Promotion 2020-2021
Ce feuillet, signé par le tuteur de mémoire, doit être inséré en page de garde de vos travaux.
Problématique :
Champ d'application :
Tuteur de mémoire : Signature
Mémoire de Recherche Appliquée
Validation de la problématique
Thème du mémoire :
Diplôme de l'ICD - Visé Bac+5 - Grade de Master
3
L’ICD n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises
dans les mémoires. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur
auteur
4
REMERCIEMENTS
Au moment où j’écris ces lignes, je mesure la chance qui m’a été donnée par madame
BOUCHENTOUF Faroudja, aujourd’hui directrice d’activité au CFA IGS, de reprendre mes
études en 2019, à 29 ans. Je souhaite ici la remercier pour la confiance qu’elle m’a accordé.
Ma deuxième pensée se porte bien évidemment à mon tuteur pédagogique, Monsieur
MANSOURI Samy.
Je remercie également ma directrice d’agence durant mes deux années d’apprentissage,
madame COLDEBOEUF Jocelyne, à qui on a confié ma formation dans un contexte
particulièrement perturbé.
Je remercie par ailleurs toute l’équipe de l’Agence de la BPRIVES de Montgeron, avec
laquelle nous avons traversé avec agilité et résilience la crise de la covid.
Je remercie toute la promotion P13G1B, dans laquelle l’esprit d’équipe, la bienveillance et
l’entraide ont été constant durant ces deux années de formation.
Je remercie mes parents et ma famille, qui m’ont soutenu lorsque j’ai souhaité retourner sur
les bancs de l’école, et qui incarnent à mes yeux la résilience et l’anti-fragilité.
5
PRÉAMBULE
Après une première expérience en agence bancaire de 18 mois débutée en 2017, le rôle
fondamental de la formation dans un parcours professionnel, qui je le crois est l’affaire de
toute une vie, m’a amené à préparer un diplôme de Grade de Master, spécialisation Relations
clients en Banque au CFA IGS en 2019.
Cette formation, assurée par des intervenants et intervenantes du monde professionnel, a été
complété par une formation en agence bancaire, dans l’objectif d’une obtention d’un poste
de conseiller de clientèle professionnelle.
Ces deux années de formation ont été indubitablement orientées par la crise de la covid, qui
rapidement s’est distinguée de par les décisions politiques particulièrement traumatisantes
et l’impact parfois tragique sur l’activité des commerçants et autres professionnels que nous
accompagnons dans les agences bancaires, en majorité des TPE (Très Petites Entreprises).
Certains professionnels, au-delà de leur activité, quand on sait que certaines ont été plus
sévèrement touchées que d’autres, semblent mieux vivre ce choc.
Ce mémoire a donc pour objet de comprendre les tenants de la résilience des TPE. Il s’appuie
d’une part sur des références académiques et d’autre part sur des observations et enquêtes
sur le terrain.
6
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE ............................................................................................ 8
I. REVUE DE LA LITTÉRATURE................................................................................. 13
A. RESILIENCE INDIVIDUELLE ET RESILIENCE ORGANISATIONNELLE. 14
1. CAPACITES COGNITIVES ET CARACTERISTIQUES COMPORTEMENTALES..................... 15
2. PROCESSUS DE RESILIENCE INDIVIDUEL .................................................................... 16
3. ÉLEMENTS CONTEXTUELS ......................................................................................... 18
B. RESILIENCE PASSIVE............................................................................................ 20
1. LA PHASE DE PREVENTION......................................................................................... 21
2. LA PHASE DE REACTION............................................................................................. 21
3. LE PLAN DE CONTINUITE D’ACTIVITE (PCA)............................................................ 22
4. LA PHASE D’APPRENTISSAGE..................................................................................... 25
C. RESILIENCE ACTIVE............................................................................................. 27
1. L’APPROCHE ACTIVE DES CAPACITES DYNAMIQUES .................................................. 27
2. INNOVATION STRATEGIQUE DANS LES TPE ............................................................... 28
3. LE CAS DES COMMERCES DE PROXIMITE FACE A LA COVID ........................................ 30
4. L’ENJEU DE LA DIGITALISATION ................................................................................ 32
D. ENTRETIEN EXPERT ............................................................................................. 35
1. CHOIX ET CONTACT DE L’ENSEIGNANT CHERCHEUR.................................................. 35
2. METHODOLOGIE DE L’ENTRETIEN ............................................................................. 35
3. TRANSCRIPTION PAR THEME...................................................................................... 36
4. CONCLUSION............................................................................................................. 38
E. CONCLUSION DE LA REVUE DE LITTÉRATURE........................................... 39
II. ENQUETES TERRAINS .............................................................................................. 41
A. INTRODUCTION...................................................................................................... 42
B. ENQUÊTE QUALITATIVE MAJEURE................................................................. 43
1. CADRAGE THEORIQUE ET THEMES DE RECHERCHE .................................................... 43
2. METHODOLOGIE DE L’ENQUETE ................................................................................ 44
3. RESULTAT ET ANALYSE DE L’ENQUETE ..................................................................... 45
7
4. RETOUR SUR LA QUESTION DE RECHERCHE ............................................................... 53
C. ENQUÊTES QUANTITATIVE MINEURE............................................................ 55
1. CADRAGE THEORIQUE QUESTION ET HYPOTHESES DE RECHERCHE ............................ 55
2. METHODOLOGIE DE L’ENQUETE ................................................................................ 56
3. RESULTATS ET ANALYSE DE L’ENQUETE.................................................................... 59
4. RETOUR SUR LA QUESTION DE RECHERCHE ............................................................... 67
D. CONLUSION DES ENQUÊTES TERRAIN ........................................................... 69
III. PRÉCONISATIONS OPÉRATIONNELLES......................................................... 70
A. L’INCONTOURNABLE DIGITALISATION DES TPE....................................... 71
1. L’ELABORATION D’UN SITE INTERNET....................................................................... 72
2. LES RESEAUX SOCIAUX.............................................................................................. 75
B. ASSURER LA LIQUIDITÉ DU BILAN .................................................................. 79
1. CONSOLIDATIONS DES FONDS PROPRES POUR LES CHR ET COMMERCES ................... 79
2. UTILISATION DU PGE LES SECTEURS PAR ESSENCE MOINS CAPITALISES : LE CAS DU
SECTEUR DE L’IMMOBILIER........................................................................................................ 80
C. CONCLUSION AUX PRÉCONISATIONS............................................................. 81
CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................................................... 82
BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................. 87
ANNEXES............................................................................................................................... 93
TABLE DES ANNEXES ..................................................................................................... 122
GLOSSAIRE / INDEX......................................................................................................... 123
TABLE DES FIGURES....................................................................................................... 128
TABLE DES TABLEAUX .................................................................................................. 129
8
INTRODUCTION GÉNÉRALE
9
e jeudi 12 mars 2020, Emmanuel Macron, 8ème
président sous la cinquième république,
prenait la parole pour annoncer l’impensable, ou du moins ce qui à l’époque l’était, le
premier confinement. Au commencement, la France dans un état d’euphorie, ou peut-
être d’incrédulité, se met au vert : des vacances avant l’heure.
Durant maintenant plus d’un an, le pays dont la devise républicaine proclame la « liberté »,
personnifiée par Eugène Delacroix dans sa célèbre huile de 1830, vit au rythme des
« confinements » et « déconfinements », des mesures de « distanciations sociales », des
« gestes barrières » et des fermetures des « commerces non essentiels ». Autant de termes dont
la plupart n’existaient pas avant la covid. Il semblerait qu’au-delà de son impact économique et
sanitaire, la covid s’immisce et contamine les conversations des hommes et des femmes de par
le monde, avec ou sans « gestes barrières ».
Le cas des TPE (Très Petites Entreprises) se révèle particulièrement inquiétant en France. Il
s’agit d’une spécificité Française, dans une économie mondialisée ou les petits n’ont pas
toujours leur place. Cependant, du au caractère imprévisible et atypique de la crise de la covid,
et aux mesures de confinement, tous les secteurs n’ont pas été touchés de la même manière. Les
secteurs les plus touchés sont de loin l’hébergement-restauration, les services aux ménages
(divertissement, loisir, spectacle), ce lors du premier et second confinement. La construction,
le transport et la logistique, l’industrie des matériels de transport ainsi que le commerce de détail
et de gros ont été fortement impactés par le premier confinement, puis dans une moindre mesure
par le second (Analyse économique, s. d.) (voir annexe n°1).
Au-delà des secteurs d’activités, et de l’impact relatif de la covid sur leurs chiffres d’affaires, il
semble néanmoins que certains professionnels parviennent plus que d’autres à minimiser
l’impact des mesures politiques. Certaines parviennent même à tirer parti de la crise pour se
réinventer et ainsi entrevoir une surperformance en 2020 sur la base du chiffre d’affaires de
2019, avant la covid. Ce mémoire a pour objet de comprendre ce qui explique ces différences,
puis de fournir des préconisations aux gérants de TPE afin d’assurer la pérennité du modèle
économique Français.
Selon l’INSEE, les TPE contribuaient en 2012 à 9% du produit intérieur brut national Français
(Les très petites entreprises, 2 millions d’unités très diverses - Insee Focus - 24, s. d.). Elles
représentent alors à elles seules 65,5% des entreprises en France et emploient 2,3 millions de
salariés, bien que plus de la moitié d’entre elles (55%), n’emploient aucun salarié. Plus du
L
10
cinquième des TPE œuvrent dans le commerce, 20% dans le service aux entreprises et 17%
dans la construction (Tableau 0.1). Elles sont de façon générale tournées vers l’économie locale
et font la spécificité du paysage économique Français.
La loi de modernisation économique (LME) de 2008 définie les différentes catégories
d’entreprises, dont fait partie la TPE, à partir de critères économiques. Une TPE, au sens de la
LME, est une unité légale (personne physique ou morale) de moins de 10 personnes et ayant un
chiffre d’affaires n’excédant pas 2 millions d’euros. La TPE exclue les entreprises relevant du
statut de la microentreprise, appelée anciennement autoentreprise.
La résilience est un concept pluri disciplinaire, prenant son essence dans la Physique et la
Psychologie, est fut adaptée au management dès la fin des années 1970. Ce concept est par
ailleurs à la base de nombreux courants de recherche, ce qui explique la pluralité de définitions
qui lui sont rattachées.
Tout d’abord, puisqu’il s’agit dans ce mémoire d’analyser la résilience des gérants de TPE, il
convient de distinguer la résilience individuelle de la résilience organisationnelle et de les
conjuguer. En effet certains auteurs soulignent le rôle de la résilience individuelle dans la
résilience organisationnelle à trois niveaux : les capacités cognitives, les caractéristiques
comportementales et les conditions contextuelles (Lengnick-Hall et al., 2011).
Tableau 0.1 : Les TPE selon le secteur en 2012, INSEE (2012)
11
Un deuxième niveau de distinction est à considérer. Certains auteurs considèrent en effet la
résilience comme étant la capacité à faire face aux dangers imprévus après qu’ils soient
devenus manifestes, en apprenant à rebondir (Altintas, 2020). D’autres auteurs considèrent la
résilience comme étant non seulement cette capacité à résister mais aussi à éviter les chocs. On
parle de résilience passive lorsqu’il s’agit d’absorber un choc sans induire de changement de
fonds et de résilience active lorsqu’il s’agit de mettre en place des activités pro actives et donc
d’éviter les chocs exogènes.
Quand il s’agit d’analyser la stratégie de résilience passive des TPE, il est nécessaire également
de considérer le facteur taille qui est fondamentalement source de fragilité face à la crise. Ainsi
certaines problématiques sont souvent liées à la taille des entreprises, notamment la faible
maturité digitale des TPE, leur faible solvabilité, leur capacité limitée à investir ou encore leurs
faibles économies d’échelles.
Quant à la crise en entreprise, elle désigne pour certains auteurs un évènement perçu par les
dirigeants, par le gérant lorsque l’on considère les TPE, comme inattendu, perturbant et
menaçant les objectifs de l’entreprise (Bundy et al., 2017).
Ma problématique est par conséquent la suivante :
Existe-t-il des ressorts efficaces pour la résilience des gérants de TPE en temps de covid ?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de définir le lien entre la résilience individuelle,
qui ressort de la psychologie et la résilience de l’organisation, en déterminant son degré
d’importance en particulier. Il serait également avisé de différencier la résilience passive de la
résilience active et de mesurer l’impact de ces deux stratégies en temps de crise majeure.
Nous verrons dans une première partie dédiée à la revue de littérature, l’importance de la
résilience individuelle de l’entrepreneur, la stratégie de résilience passive qui vise un retour à
l’état initial puis la stratégie de résilience active qui induit la recherche constante de nouvelles
ressources. Un entretien avec un expert, enseignant chercheur, permettra de sonder de nouvelles
réponses à la problématique, ainsi que d’étoffer ce travail.
Nous verrons ensuite, à l’appui d’enquêtes de terrain, ce que les gérants de TPE mettent
effectivement en place en temps de crise de la covid, et nous confronterons les hypothèses et
12
questions de recherches induites par les lectures académiques sur le terrain. Des entretiens avec
des entrepreneurs, dont la taille de l’activité les inclue dans la catégorie des TPE seront menés
afin de trouver des réponses à la problématique.
Enfin, comme c’est l’usage dans ce type de mémoire, nous verrons deux préconisations à
présenter aux TPE pour leur résilience en temps de crise. Ces préconisations, qui n’ont pas
vocation à établir une liste exhaustive des actions à mener, seront au mieux chiffrées et
personnalisées, étant donné la complexité de la question et la pluralité des activités.
Enfin, ma conclusion permettra de revenir sur tout ce travail, j’y exposerai les résultats
brièvement en veillant à souligner les limites de ceux-ci et les pistes de recherches
supplémentaires qu’elles soulèvent.
13
I. REVUE DE LA LITTÉRATURE
14
A. RESILIENCE INDIVIDUELLE ET RESILIENCE
ORGANISATIONNELLE
La création d’entreprise, particulièrement en période d’incertitude qui semble la règle et non
l’exception, est un choix particulièrement risqué, comme le montre la figure I.1. Ainsi, en
France pour 100 entreprises, tous secteurs confondus, créées en 2010, 70 seulement ont survécu
au moins pour les 3 années qui ont suivies (Pérennité des entreprises créées en 2014 selon
l’activité | Insee, s. d.). Si le nombre de défaillances d’entreprises est historiquement bas en
2020, et ce depuis 1991, les nombreuses mesures dont bénéficient les entreprises en France ne
doivent pas nous duper sur la réalité économique de la crise, qui réduit parfois à néant la
rentabilité de certaines entreprises quand elle ne génère pas des pertes, en particulier pour les
TPE.
Le rôle de la personne physique (gérant, président ou force de vente) dans la résilience de la
personne morale (la TPE) est pour certains auteurs de revues académiques primordial. Je verrai
ici que cette résilience est fondée sur les capacités cognitives et comportementales du gérant de
TPE, issues d’un processus facilité par cinq facteurs, ainsi qu’au moyen des éléments
contextuels.
Fig I.1 : Pérennité des entreprises créées en 2014 selon l'activité (INSEE
https://www.insee.fr/fr/statistiques/2015357)
15
1. Capacités cognitives et caractéristiques comportementales
Les capacités cognitives donnent de l’interprétation et du sens aux évènements inédits, les
caractéristiques comportementales désignent la capacité à trouver des solutions inédites aux
situations également inédites.
Jusqu’au milieu du 19ème
siècle, la communauté scientifique Européenne était persuadée que
l’ensemble des Cygnes étaient blancs. La découverte de Cygnes Noirs en Nouvelle-Zélande à
cette époque a ébranlé le monde de l’ornithologie et le monde scientifique dans son ensemble
dans ses certitudes. Le concept du Cygne Noir (Taleb, 2010) est utilisé pour illustrer ces
évènements particulièrement rares, difficiles voire impossibles à prévoir. Le cerveau humain
est pourtant fait de telle sorte qu’il cherche toujours du sens et une explication à ces évènements,
ce qui engage un processus d’apprentissage. Ce processus a des limites quand il s’agit de gérer
une entreprise : on peut apprendre du passé à condition que le présent ne soit pas trop différent
de celui-ci, ce qui n’est pas vraiment le cas quand on s’intéresse aux Cygnes Noirs, ce qui est à
priori le cas de la covid.
TALEB recommande, dans un monde où les prévisions ne sont pas assez fiables pour prévenir
des crises comme celle de la covid, de minimiser ces Cygnes Noirs. L’objectif est de réduire
l’impact de ces crises et de s’appuyer sur elles pour se redéfinir et se transformer. Dans son
modèle, il préconise de dépasser le modèle de Résilience tel qu’il est défini dans la littérature
académique, cela en définissant trois types d’individus, explicités dans le tableau I.1 : les
fragiles, les résilients et les anti-fragiles. Le fragile redoute les événement imprévus, qu’il tente
d’éliminer en réduisant les risques et la variabilité. Le résilient lui ne redoute pas l’imprévu.
TALEB le compare au Phoenix, oiseau fabuleux originaire d’Éthiopie et associé au culte du
Soleil, qui comme ce dernier renait de ses cendres. Après une crise telle que la covid, un tel
individu parviendra à un retour à l’état initial pour son activité. L’anti-fragile se développe et
se renforce au sein même du chaos, tirant profit de l’imprévu et des incertitudes pour dépasser
le simple retour à l’état initial. TALEB le compare à l’Hydre, créature de la mythologie grecque,
à qui deux têtes repoussent pour chaque tête coupée. Cette anti-fragilité est préférable à la
rigidité et la solidité apparente, certains auteurs expliquent par ailleurs que la solidité peut être
à l’origine des phénomènes de Cygnes Noirs puisqu’elle refuse l’incertitude (Aven, 2015).
16
Tableau I.1 : Antifragilité et Résilience (FRIMOUSSE Soufyane et GAILLARD Hugo, 2020)
Pour atteindre cette anti-fragilité à l’échelle d’une TPE ou d’une organisation plus conséquente,
le changement de paradigme est nécessaire. Ainsi ce changement de posture passe par la
réduction voire la suppression de la dépendance individuelle aux prévisions, en prenant de la
distance avec le passé et en adoptant une posture d’humilité (Frimousse & Gaillard, 2020).
L’entrepreneur doit également sortir de la prétendue expertise, qu’elle soit due à un parcours
académique ou à l’expérience, en étant prêt et prompt à rechercher des compétences
transversales et nouvelles. L’expert est celui qui perd le plus en temps de crise, puisque le
modèle dans lequel il excelle est dépassé. Il doit également s’inspirer des Serial learner,
capables d’apprendre rapidement et de réagir de même, et des Rebels talents, capables de
contourner les règles en temps de crise et de puiser dans des solutions innovantes. Enfin, il doit
accepter de commettre des erreurs, s’assurant une certaine sécurité psychologique et une force
mentale.
2. Processus de résilience individuel
Les caractéristiques comportementales et les capacités cognitives sont, selon les auteurs du
sujet, issues d’un processus facilité par cinq facteurs importants(Bernard & Barbosa, 2016) :
- Les tuteurs de résilience sont tout d’abord des personnes apportant un soutien social et
émotionnel. Ce facteur souligne l’importance des relations sociales et de la solidarité
face aux crises majeures, la covid en faisant indubitablement partie.
- L’engagement dans l’action : le gérant de TPE trouve son intérêt dans un engagement
qui alimente la reconstruction de son système émotionnel et psychique. Il travaille à la
17
création et à la participation d’initiatives communautaires, par exemple au sein d’une
ville. Il doit se sentir appartenir à une communauté (commerçants, habitants etc.)
- Les victoires intermédiaires : les petites victoires au sein du tumulte de la crise
permettent au gérant de tenir. Il doit les reconnaitre et ne pas se concentrer uniquement
sur le point d’arrivée, qui peut tarder à venir comme on le constate dans la crise de la
covid. L’ouverture des terrasses, le semi-déconfinement : le gérant de TPE doit être
capable de sa raccrocher à ces petites avancées pour ne pas jeter l’éponge.
- Travailler l’auto-estime : dans le processus de résilience individuelle, travailler l’auto
estime est primordial. La démystification de l’échec rend l’individu plus apte à rebondir
après la crise
- La quête de sens : ce facteur est fortement sollicité en temps de crise. Les valeurs sont
souvent remises en question, leur inadéquation avec la situation professionnelle de
l’individu est mise en lumière. L’individu résilient capitalisera au cœur de la crise sur
son avenir professionnel en bâtissant un projet entrepreneurial porteur de sens.
D’autres récents articles, publiés pendant la pandémie de covid, invitent les individus à
identifier les sources de résilience qui leur sont propres. La figure I.2 montre que la covid, qui
remet en cause l’individualisme comme source de résilience, poussent les individus à considérer
comme source de résilience l’empathie, la vision, le but et la quête de sens, la motivation, la
représentation politique, l’humour ou encore la prise de perspective (Cross et al., 2021).
Fig I.2 : Les sources de résilience individuelle (CROSS rob, DILLON Karen, GREENBERG Danna ; 2021)
18
Ce concept d’un processus construisant, ou non, la résilience voire l’anti-fragilité de l’individu
considéré met à mal l’idée du caractère à priori inné des capacités cognitives.
3. Éléments contextuels
Les éléments contextuels sont eux liés aux relations des gérants de TPE qui leur donneront
accès rapidement à des ressources leur permettant de faire face aux chocs : on parle
d’écosystème entrepreneurial (Cloutier et al., 2014). En effet, si les capacités cognitives et les
caractéristiques comportementales jouent un rôle important dans la résilience individuelle, et
donc in fine dans la résilience de l’activité de la TPE, la résilience entrepreneuriale s’appuie sur
six domaines de l’écosystème entrepreneurial, qui sont (Aybar Jimenez, 2020) :
- Le domaine politique, à savoir l’action et les décisions des institutions publiques, dont nous
pouvons que constater l’impact en temps de covid ;
- Le domaine financier, qui favorise l’accès à de nouvelles ressources financières afin de
développer ou pérenniser l’activité via une meilleure gestion du fonds de roulement et de
la trésorerie ;
- Le domaine culturel, via l’insertion sociale du gérant dans un réseau d’entrepreneurs qui
favorisera le partage d’informations et d’expériences ;
- Le domaine de soutiens, à savoir l’accès aux informations sur les soutiens publics, la
formation des entrepreneurs à la gestion ;
- Le domaine du capital humain, autrement dit la capacité du gérant à recruter et à gérer les
compétences humaines ;
- Le domaine des marchés, ou la capacité à l’identification des besoins du marché ainsi que
la communication sur les entreprises locales afin d’augmenter leur visibilité.
Ces éléments contextuels, lorsqu’ils sont présents à propos, constituent un terreau à l’anti-
fragilité des gérants de TPE.
Dans le cadre d’une étude, visant à mesurer à la fois l’importance de chacun des domaines cités
et leur faisabilité, des entretiens individuels ont été menés avec un panel de dirigeants
politiques, élus locaux, institutions financières et autres accompagnants concernés.
19
Fig I.3 : Importance et faisabilité des mesures d'accompagnement des TPE en France, (CLOUTIER Martin,
CUEILLE Sandrine et RECASENS Gilles ; 2014)
Sur la figure I.3 ressort à gauche un dispositif rêvé, où l’importance pour le panel du réseaux
(culture) de l’accompagnement en termes d’analyse économique (marché) et de
l’accompagnement en termes de ressources financières sont valorisés. Dans la pratique, soit à
droite, cette étude fait ressortir la réalité. Les entrepreneurs, gérants de TPE, accusent un
manque d’accompagnement pour leur étude de marché, pourtant primordial pour la pérennité
de leur activité.
En effet, l’entrepreneur est par habitude décrit comme un super-héros d’une aventure parsemée
d’échecs, de rebonds et de résilience (Bornard et al., 2018). Cette vision, empreinte des valeurs
libérales qui placent sur un piédestal l’individu et l’individualisme, occulte le rôle de
l’environnement, du contexte et de toutes ces interactions au cours de la vie de l’entreprise. Au-
delà des simples qualités intrinsèques et propres au gérant de TPE, sa résilience est donc
tributaire et s’exprime dans un contexte qu’il ne faut pas négliger.
20
B. RESILIENCE PASSIVE
L’approche passive de la résilience, désignée parfois comme la résilience adaptative, vise pour
l’entrepreneur à absorber un choc sans induire de changement profond dans la gestion de son
entreprise. Cette vision est proche de la définition de la résilience en physique puisqu’elle vise
le retour à l’état initial.
Les Hommes et les organisations cherchent de plus en plus aujourd’hui à prévenir et à anticiper
les crises. Ce déplacement de la gestion de crise en amont même de celle-ci s’explique par la
difficulté à la gérer lorsqu’elle est manifeste. Les crises ne cessent en effet de se diversifier dans
leur nature, et de nombreux auteurs constatent une augmentation de leur nombre. Ce constat
peut néanmoins être assimilé à un sentiment général lié à la surexposition médiatique.
L’Institute for Crisis Management, mené par le professeur Erika James de la Darden School of
Business, recense depuis 20 ans les crises sur la base de 1500 entreprises réparties dans le
monde entier. Selon l’Institut, le dénombrement des crises n’évolue que très peu d’années en
années. Ainsi entre 2018 et 2019, l’institut enregistre une diminution de 4%, ce qui est peu
significatif. Et pourtant, les crises générées et amplifiées par la surexposition médiatique ont
augmenté de près de 80% depuis 2007 (Professional Crisis Management & Communication
Services - ICM, s. d.). La figure I.4 montre par ailleurs la diversité et la répartition du type de
crises dont sont soumises les entreprises en 2020.
Fig I.4: Catégorisation de crises en 2019 (ICM ANNUAL REPORT ; 2020
21
On distingue par conséquent trois phases dans la gestion de la crise (Portal & Roux-Dufort,
2013). La phase de prévention consiste en la mise en œuvre d’actions visant à la gestion des
crises potentielles. La phase de réaction désigne l’ensemble des réponses opérationnelles
apportées pour résorber le choc. Ces deux premières phases sont par ailleurs le socle du Plan
de Continuité d’Activité, que je présenterai plus loin. Enfin, la phase d’apprentissage vient après
la crise et consiste en un bilan pendant lequel l’entrepreneur prend conscience de ses
défaillances et applique des changements pour les supprimer.
1. La phase de prévention
La phase de prévention de la crise se découpe en deux activités distinctes (Roux-Dufort, 2015).
La première s’appuie sur l’élaboration de scénarios de crises redoutés, l’identification des
mesures déjà en place qui réduisent les risques liés ainsi que les mesures supplémentaires
envisageables si les premières ne suffisent pas.
Ces scénarios servent alors de socle à la mise en place d’une activité supplémentaire, la veille
et l’anticipation des crises. Cette activité se base sur la captation dite de signaux faibles,
potentiellement annonciateurs de crise dans le secteur d’activité concerné. Ce dernier point est
particulièrement primordial, du fait que la définition donnée à la crise est tout à fait subjective
et est liée au métier même de l’entreprise considérée. L’entreprise, dans cette seconde activité,
diagnostique la présence des signaux faibles et procédera soit à l’élimination rapide du risque
si cela est possible, soit à la réorganisations de ses activités via des procédures extraordinaires
(Boubakary, 2020). Les résultats de cette première phase, l’identification des symptômes de la
crise, permettront de mieux préparer la seconde phase.
2. La phase de réaction
La phase de réaction intervient pendant la crise elle-même. Elle passe selon certains auteurs par
la gestion des ressources. Ainsi, selon Pfeffer et Salancik les organisations qui survivent aux
difficultés avec succès sont celles qui utilisent à temps les ressources indispensables à leur
survie. Les crises n’étant pas toujours identiques, il est néanmoins primordial d’en connaitre les
causes pour choisir le bon remède.
22
La première étape de cette phase vise à sélectionner les procédures visant à éliminer les
conséquences de la crise, en distinguant au préalable les crises de courte et de longue durée.
Lorsque le choc est de courte durée et donc peu critique, elle ne nécessite pas l’engagement
d’une quantité de ressources et de moyens conséquents. À l’inverse, un choc qui s’avère et qui
est perçu comme potentiellement long mérite une planification à plus long terme (Bundy et al.,
2017).
La phase de réaction se caractérise en temps de covid par les nombreuses mesures de soutien,
que ce soit par la dette, les transferts directs ou encore le chômage partiel. On peut citer parmi
ces mesures le PGE (Prêt Garanti par l’État), dont 50Md€ ont profité aux TPE, soit 21% de leur
valeur ajoutée d’avant crise, le report des remboursements de crédits bancaires, pour entre 20 à
25 Md€ entre mars et septembre 2020, le Fonds de solidarité, 9Md€ versés aux TPE, les aides
aux artisans/commerçants, 1Md€, le chômage partiel ou encore les exonérations et reports de
certaines charges. Le recours au PGE est à relativiser puisqu’il n’est pas entièrement utilisé
pour 87% des professionnels en 2020. L’efficacité de ces mesures d’urgence est en apparence
incontestable, en témoigne le paradoxe du nombre historiquement bas de défaillances
d’entreprises (jugement d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation) en
2020, le plus bas depuis 1991. Ces chiffres ne reflètent cependant aucunement la réalité
économique, ces défaillances devant être deux fois plus élevée selon une simulation (Analyse
économique, s. d.) (voir annexe n°2). D’autre mesures accompagnent le nécessaire changement
de business model forcé par la crise de la covid. Selon une infographie publiée par SOLOCAL
(Click-and-collect local, marketplace et livraison à domicile | solocal.com, s. d.), 61% des
entreprises restées ouvertes pendant le confinement ont eu recourt à de nouvelles méthodes et
outils de travail, le click and collect en faisant partie (voir annexe n°3). Click and collect signifie
littéralement « cliquer et collecter », en d’autres termes commander un article en ligne et le
récupérer en un point de vente.
3. Le Plan de Continuité d’Activité (PCA)
Les phases de prévention et de réaction sont à l’origine du Plan de Continuité d’Activité (PCA),
qui est un exercice managérial dont l’objet est de fixer la stratégie et l’ensemble des actions
prévues par une organisation, qui souhaite poursuivre son activité en cas de sinistre ou d’un
23
évènement perturbateur, nuisant particulièrement à son fonctionnement normal (Coursaget &
Haas, 2015). Il est à noter que la mise en place d’un PCA ne fait pas l’objet d’une obligation
légale, mais est fortement recommandé par le SGDSN (Secrétariat Général de la Défense et de
la Sécurité Nationale), organisme interministériel placé sous l’autorité du ministre de la
Défense. Celui-ci a publié une méthode en 2014, en libre accès sur son site internet (Secrétariat
général de la défense et de la sécurité nationale, s. d.). Selon cette méthode, la démarche
d’élaboration d’un PCA se déroule en 5 étapes principalement, à savoir l’identification des
objectifs et activités essentielles, les attentes de sécurité pour tenir les objectifs, l’identification,
l’analyse et le traitement des risques qui s’apparente à la première étape de la phase de
prévention (PORTAL THIERRY et ROUX-DUFORT, 2013), la définition de la stratégie de
continuité en elle-même et pour finir sa mise en œuvre, qui correspond à la phase de réaction.
Fig I.5 : La démarche d'élaboration du PCA (COURSAGET Alain et HAAS Laurent ; 2015)
La première étape, l’analyse des activités essentielles, est fondamentale pour la suite du plan.
L’entrepreneur identifie ses différentes activités sources de chiffre d’affaires, les processus
utilisés pour la délivrance de ces offres et les ressources critiques associées.
24
Fig I.6 : Activités et processus (COURSAGET Alain et HAAS Laurent ;2015)
Les ressources peuvent être multiples et doivent être identifiées en conséquent par
l’entrepreneur (ressources humaines, local commercial, fournisseurs etc.).
La deuxième étape consiste à quantifier les conséquences d’une interruption de l’activité
considérée, en déterminant d’une part les ressources minimales à conserver pour la bonne tenue
de celle-ci, ainsi que la durée maximale d’interruption acceptable. Cela permet notamment de
rationaliser les coûts de production en cas de crise.
La troisième étape permet au dirigeant ou gérant de TPE d’identifier les différents risques, de
les analyser selon un critère de probabilité et de gravité pour finalement évaluer leurs impacts
en fonction des enjeux pesant sur l’entreprise. Ainsi en fonction de l’activité, des événements
perturbateurs peuvent impacter plus ou moins gravement l’activité d’une TPE-PME. Certains
sont endogènes comme un accident du travail, la disparition d’une personne clé, des produits
ou services défectueux. D’autres peuvent être exogènes comme une campagne de
désinformation, des vols ou encore une pandémie mondiale. Chacun de ces risques doit être
identifié et classé selon sa probabilité, son impact et le risque qu’il fait peser à l’intégrité de
l’organisation.
25
Tableau I.2 : Matrice de l'évaluation des risques (COURSAGET Alain et HAAS Laurent ; 2015)
La quatrième étape consiste à retenir les scénarios dont la probabilité est la plus forte. En effet,
si les étapes précédentes permettent à l’entrepreneur d’identifier tous les risques potentiels afin
de mettre en place des mesures adéquates pour les réduire voire les supprimer, il reste des
risques résiduels qui pourraient entrainer un arrêt d’activité au-delà du seuil acceptable déjà
défini. Ce sont ces risques qui doivent être traités dans le PCA. L’entrepreneur identifie pour
chaque risque des ressources supplémentaires non susceptibles d’être affectées par le sinistre
ou des ressources externes pouvant être mobilisées dans des délais suffisamment courts. Ainsi
la pandémie du covid rentre dans cette définition du risque résiduel.
La cinquième étape consiste en la mise en œuvre à proprement parler du PCA. Cette étape doit
permettre de s’assurer de la disponibilité des ressources et de la bonne compréhension des
procédures.
4. La phase d’apprentissage
La phase d’apprentissage intervient après la crise, bien qu’elle puisse intervenir au cours de
celle-ci lorsqu’elle s’avère particulièrement longue comme celle de la covid, et consiste donc
en un bilan post-crise qui doit permettre à l’organisation ou l’entrepreneur à prendre conscience
de ses faiblesses et lacunes pour y remédier. La crise est en effet l’occasion de découvrir ce qui
était jusqu’à lors caché ou négligé.
Les auteurs de recherches académiques considèrent que l’apprentissage consécutif à la crise
commence après la mise en place des réponses d’urgence, visant à résorber le choc (Altintas &
26
Royer, 2009). Dans la pratique, il semble chevaucher la précédente étape, et se définit comme
étant le moment privilégié de l’apprentissage et de l’adaptation des organisations. Cet
apprentissage permettrait de réduire l’impact des crises à venir en corrigeant les défauts mis à
jour.
Bien qu’importante, cette phase est difficile à mettre en place, certaines organisations ne tirant
souvent aucun enseignement de la crise qu’elles ont surmonté. Des freins à l’apprentissage
induisent des rationalisations erronées et sont nombreux. En temps de crise, les individus ayant
souffert, on peut penser ici à l’impact psychologique de la crise sur les gérants de TPE, ont
tendance à oublier les événements traumatisants. De plus leurs croyances, valeurs, ainsi que
leur rigidité réduisent la lecture des évènements. Un processus de normalisation de la crise peut
conduire le gérant de TPE à se délester de ses responsabilités en désignant un bouc émissaire
plutôt que des explications rationnelles.
Les études portant sur l’efficacité de l’apprentissage post-crise sont rares. Cependant, certaines
études montrent que les entreprises spécialisées dans l’organisation de voyages se sont adaptées
aux crises qui ont profondément modifié la façon de voyager. Ainsi, GULSUN ALITINTAS et
ISABELLE ROYER proposent dans leur article une étude de cas visant à évaluer la réponse
d’une organisation à deux turbulences traversées. Les attentats du 11 septembre 2001 ont
particulièrement touché le secteur du tourisme, en particulier les compagnies fortement
dépendantes du marché Nord-Américain. Pour une des entreprises considérées, les chercheurs
observent une diminution du chiffre d’affaires de 30%. À la suite de cette turbulence, que l’on
pourrait par ailleurs qualifier de Cygne Noir, l’agence de voyage a diminué sa dépendance au
marché américain pour se développer notamment en Europe. Par conséquent, lors du deuxième
évènement traumatisant en 2004 (Tsunami), l’entreprise ne déplorait pas de baisse de chiffre
d’affaires. Les chercheurs concluent que la phase d’apprentissage a été concluante (voir annexe
n°4).
Cet apprentissage est pourtant limité, lorsque les événements les plus graves sont rares et
imprévisibles. Selon certains auteurs, aborder les écosystèmes entrepreneuriaux nécessite
d’accepter qu’il serait impossible et même inutile de prédire face à l’incertitude. Expliquer les
raisons d’une crise comme celle de la covid à postériori semble simple, à écouter les médias
qui nous en parlent depuis bientôt 2 ans, mais en vérité aucun signal faible ne prédit les Cygnes
Noirs tel que la covid (Dubard Barbosa, 2018).
27
C. RESILIENCE ACTIVE
L’approche active de la résilience, qui est à mettre en parallèle du concept de l’individu anti
fragile de TALEB que j’ai évoqué plus haut, se différencie de la résilience passive du fait de sa
mise en place et sa finalité. Elle se caractérise en effet par la mise en œuvre d’activités
proactives afin d’éviter des situations de crise ou l’effondrement de l’organisation (Altintas,
2020). Cette approche dépasse donc le simple retour à l’état initial en visant le développement
de nouvelles sources de profit y compris en temps de turbulences. Elle se rapproche ainsi de la
définition que donne TALEB à l’anti-fragilité puisque qu’elle se nourrit des crises pour
dépasser la simple résilience. On conjugue dans la littérature académique la résilience active et
les capacités dynamiques, que l’on définit comme étant « L’aptitude d’une firme à intégrer,
construire et reconfigurer des compétences internes et externes en réponse aux environnements
en évolution constante » (Teece et al, 1997, p.156).
Il s’agira donc ici de mettre en exergue l’avantage concurrentiel induit par le mécanisme de
résilience active et des capacités dynamiques, puis de s’intéresser à la numérisation des TPE
qui joue à priori un rôle important dans la crise de la covid.
1. L’approche active des capacités dynamiques
Si le concept de la résilience, concept emprunté à la physique puis à la psychologie, permet de
comprendre les mécanismes qui confèrent une capacité à surmonter les évènements
traumatisants, le concept des capacités dynamiques prend sa source dans l’approche ressources.
Ces deux concepts sont également complémentaires dans leurs objectifs respectivement visés,
à savoir l’évitement de la crise et l’effondrement de l’entreprise, par le renouvellement constant
de l’activité pour la résilience active, et le maintien des avantages concurrentiels pour les
capacités dynamiques.
Bien que l’origine et les objectifs de ces deux concepts soient différents, tous deux passent par
le développement de nouvelles activités. Dans un processus de résilience, les opportunités sont
identifiées puis adoptées grâce à la transformation de la base de ressources de l’entreprise. La
28
modification des ressources indique à la fois l’intégration de nouvelles, la reconfiguration de
celles existantes voire la suppression de celles qui s’avèrent superflues.
En temps de crise, les capacités dynamiques de résilience actives permettent de développer de
nouvelles activités lorsque les activités courantes sont impactées.
Les capacités dynamiques de résilience sont en général abordées sous ses deux aspects : l’aspect
ou l’approche organisationnelle et l’aspect ou l’approche managériale. Dans la première
approche, les auteurs soulignent l’importance de l’apprentissage, qu’il soit délibéré ou
improvisé. Selon Zollo et Winter (2002), cet apprentissage délibéré se décompose en l’ajout,
l’intégration puis la codification des connaissances. L’improvisation induit un grand nombre
d’essais et d’erreurs, à l’origine du développement des capacités dynamiques. L’approche
managériale met en exergue l’importance du manageur, dans notre cas du gérant de TPE, dans
le développement des capacités dynamiques de résilience. Ce fait se rapporte au concept de
l’anti-fragilité de TALEB, évoqué dans ma première partie. Les aptitudes psychologiques de
ces gérants indiquent que les entrepreneurs suivant leurs émotions sont plus à même à saisir de
nouvelles opportunités.
2. Innovation stratégique dans les TPE
Lorsque l’on s’intéresse à l’innovation des TPE, le rôle du gérant est primordial. La stratégie
d’innovation repose en effet sur la vision et les décisions de l’entrepreneur (Ceccaldi, 2016).
Celui-ci doit établir une stratégie pertinente dans le cadre de son activité, en innovant de façon
régulière pour se remettre en question et développer son anti-fragilité. Dans le cadre de la TPE,
selon certaines lectures académiques, le facteur taille peut jouer en la faveur de la TPE dans sa
stratégie d’innovation. Elle bénéficierait de la proximité relationnelle et géographique de ses
fournisseurs, clients ou partenaires et de la simplicité de sa structure.
La stratégie d’innovation est une construction sur l’expérience, les connaissances, les
prédispositions, les émotions, les passions et les facultés cognitives propres à chaque individu.
Le gérant de TPE tire alors ses initiatives d’innovation dans son expérience passée et son
expérience présente. Il est pro actif dans la construction de réseaux relationnels et implique ses
salariés et partenaires. De ses interactions nait l’innovation, à l’appui de l’idéologie et des
valeurs choisies par le gérant. L’innovation n’est donc pas un phénomène linéaire, mais une
29
boucle qui suit les agissements du chef d’entreprise, comme le montre le modèle
« tourbillonnaire » d’Alkrich, Callon et Latour (1988) (Fig I.7).
Fig I.7 : Le cheminement théorique de l'innovation (CECCALDI Valérie ; 2016)
L’environnement économique, lorsqu’il est instable, est le plus souvent envisagé négativement.
Pourtant, comme certaines revues scientifiques le mettent en exergue, les organisations et donc
les TPE résilientes sont capables de maintenir un niveau d’innovation élevé particulièrement en
temps de crise. Le comportement des individus au sein des organisations, agiles au point de se
sortir de situations inextricables grâce à des décisions contre intuitives, permet aux
organisations d’apprendre au cœur des crises (Lengnick-Hall et al., 2011).
L’innovation prend en pratique de nombreuses formes selon la TPE considérée. Elle doit par
ailleurs prendre en considération l’impact général sur l’activité. La création d’un site vitrine
pour un restaurateur peut être aussi bénéfique pour l’image de l’entreprise que néfaste. Selon
une étude menée par Sawhney et al. (2006), les innovations au sein du monde de l’entreprise
peuvent s’opérer sur 12 dimensions (Aybar Jimenez, 2020):
- L’offre, l’innovation la plus classique puisqu’elle se caractérise par la conception et la
commercialisation de nouveaux produits et services ;
- La plate-forme, par la provision d’une base sur laquelle l’entreprise construit une offre
de produits ou services finis. C’est notamment une forme d’innovation présente dans le
monde de l’automobile, elle est peu utilisée dans le cadre de l’innovation des TPE ;
- Les solutions, apportées aux problèmes que rencontrent les clients afin de leur apporter
de la valeur ;
- Les clients, en visant la découverte de nouveaux segments de client et en explorant leurs
besoins spécifiques ;
30
- L’expérience client, qui vise à exploiter les sens du client pour en faire un allié
inconditionnel (notamment en capitalisant sur l’émotion) ;
- La valeur capturée,
- Les processus, qui visent une innovation intérieure, pas véritablement visible de
l’extérieur mais qui induit la rationalisation des processus internes de l’entreprise
considérée ;
- L’organisation, les fonctions et activités de chaque acteur sont revues et redéfinies
(masse salariale et gérant) ;
- La logistique, ou la chaine d’approvisionnement ;
- La distribution, la création de nouveau canaux en particulier pour répondre aux attentes
des différents segments de clientèle, à travers la digitalisation notamment ;
- Le networking
- La marque, à travers les symboles et la communication en général.
3. Le cas des commerces de proximité face à la covid
La covid, en plus des mesures de confinement, a modifié les pratiques commerciales notamment
via les gestes barrières et la distanciation sociale. Cette situation inédite et soudaine appelle à
l’agilité organisationnelle des acteurs des centres ville, pouvoirs publics, associations de
commerçants et bien sûr commerces de proximité.
Le commerce de proximité, cas particulier de l’objet de ce mémoire, se caractérise selon Reilly
(1931) et Converse (1931) par « la centralité et l’attractivité qui résultent de l’histoire de la
ville ou du bourg et de sa capacité à générer des flux entrants et sortants » (Heitz-Spahn &
Siadou-Martin, s. d.). La fonction des commerces de proximité s’est ensuite délitée, avec
l’apparition des centres commerciaux pour devenir selon Desse (1999) « l’apanage du lèche-
vitrine, de la recherche d’information, de l’achat compulsif, de l’achat plaisir comme les
cadeaux ».
Si le confinement, et l’invention gouvernementale de la notion de ‘commerce non essentiel’, a
mis en danger les commerces de proximité, soumis à des charges incompressibles et victimes
d’une contraction voire d’une annihilation de l’activité, ce sont les changements de
comportement des consommateurs qui font peser une menace à moyen et long terme. Selon les
31
auteurs, dans l’hypothèse où ces changements de comportement se pérennisent, les
commerçants doivent s’efforcer de rassurer les consommateurs tout en modifiant et adaptant
leurs activités.
Ces changements nécessaires de business model doivent tenir compte de la diversité et
l’hétérogénéité des risques qui pèsent sur les différentes activités de ces commerçants, en
fonction du type de produits ou services proposés à la vente, de l’objectif de l’interaction
commerciale et de l’interaction physique nécessaire avec le client (Téboul, 1999) :
- Type de produits proposés à la vente : la vente de bijoux versus les fleurs. Il est possible
de vendre ces dernières en respectant la distanciation sociale et en limitant les contacts
avec le produit, pour la vente de bijoux cela est factuellement plus difficile. Le
commerçant devra donc ré-imaginer le parcours client en y intégrant du digital par
exemple ;
- L’objectif de l’interaction sociale : la vente versus la distribution. Lorsqu’un client se
présente dans une librairie pour acheter un classique de la littérature en particulier pour
son enfant au collège, le commerçant ne fait qu’une étape de distribution où les
interactions sont limitées. Lorsque qu’un client rentre dans une librairie pour feuilleter
et lire les quatrièmes de couvertures, le libraire aura plus de mal à appliquer les gestes
barrières ;
- L’interaction physique nécessaire : monde physique et monde virtuel. Un salon de
massage et un cabinet d’esthétique impliquent une proximité physique, qu’il faut
considérer. Un commerce qui a su et qui peut se développer en ligne limite au minimum
l’interaction physique puisque le client se déplace pour récupérer son colis, lorsqu’il ne
le reçoit pas directement chez lui.
32
Fig II.8 : Hétérogénéité des acteurs (TEBOUL ; 1999)
Comme nous l’avons vu dans la partie sur la résilience passive, l’environnement conditionne
grandement la réussite des TPE dans leur stratégie de résilience. C’est aussi le cas quand il
s’agit de s’adapter et d’innover face à la crise. En effet, les recherches en marketing montrent
que le dynamisme du commerce, son agilité, repose sur trois facteurs :
- Le foncier : par exemple via l’aménagement des impôts fonciers, comme demandé par
la Fédération nationales des centres-villes Vitrine de France
- L’urbanisme : par la modification des règles de stationnement par exemple
- Le cadre de vie.
Selon Heitz-Spahn et al., la proximité relationnelle qui lie les commerçants et les clients, ainsi
que la qualité des liens sociaux qu’ils entretiennent, devraient amortir partiellement les effets
de la crise.
4. L’enjeu de la digitalisation
o La covid et fracture numérique
Selon certains auteurs, la covid a amplifié les inégalités sociales liées aux inégalités du
numérique (Lucas, 2020). L’expression fracture numérique, née dans les années 1990,
désignait il y a peu le fossé qui s’est propagé dans les pays développés entre ceux qui ont accès
et ceux qui n’ont pas accès aux réseaux. Aujourd’hui, la fracture numérique vise à décrire « les
inégalités d’accès aux réseaux, aux équipements, les différences de pratiques ou encore de
savoir-faire numériques entre des utilisateurs » (Proulx, 2019).
33
Selon les recherches sur le sujet, on peut distinguer plusieurs niveaux dans la fracture
numérique, qui touche les gérants de petites structures. Le premier niveau concerne l’accès en
tant que tel, qui fait appel à la définition traditionnelle du concept. Le second s’intéresse aux
différences d’usages que les individus ont des technologies numériques. L’accès technique peut
être assuré sans que l’accès effectif soit établi, sans que l’utilisation soit comprise. Ainsi,
certains gérants de TPE ont moins d’appétences que d’autres, ce qui peut les exclure.
L’illectronisme, mot valise intégrant les mots illettrisme et électronique, désigne l’absence de
connaissances de base nécessaires à l’utilisation des outils informatiques. Il touche 16,5% à
20% de la population française (Une personne sur six n’utilise pas Internet, plus d’un usager
sur trois manque de compétences numériques de base - Insee Première - 1780, s. d.)
o La faible digitalisation des TPE
Les outils numériques font l’objet d’une fracture conséquente entre les TPE, peu équipées, et
les grandes entreprises (Huet & Darène, 2016). En effet, bien que le e-commerce affiche une
forte croissance déjà visible en 2017, seule 1 TPE sur 8 vend en ligne pour 7 consommateurs
sur 10 se rendant sur internet pour effectuer ses achats. Selon une étude publiée par l’Ifop et
commandé par Mastercard/Oxygen en janvier 2021, le confinement a accéléré le projet de
digitalisation de 15% des TPE. Cependant, la numérisation est considérée comme n’étant pas
nécessaire pour 51% des gérant de TPE interrogés (Fig I.9), et moins du quart des répondants
voit dans le digital une opportunité commerciale (Les dirigeants de très petites entreprises de
1 à 9 salariés et la digitalisation de leur entreprise dans le contexte de crise sanitaire, s. d.).
Fig I.9 : les raisons données par les gérants de TPE quant à leur faible digitalisation (Ifop ; 2021)
Pourtant, les gérants de TPE voient en majorité le digital comme un moyen d’accroitre la
notoriété de l’activité et un passage obligé, selon la même étude. L’importance du digital dans
34
le monde de l’entreprise est en effet souligné par les lectures académiques (voir annexe n°5).
De fait de nombreuses études soulignent l’accélération de la digitalisation des entreprises
engendrée par la covid. Le cas des petites entreprises, qui correspondent à elles seules aux 2/3
des structures en France n’est que très peu abordé. Certains équipements sont répandus au sein
des TPE, comme les logiciels de gestion, de comptabilité ou de RH chez 65% d’entre elles, de
sites vitrines pour 61% ou encore de pages professionnelles et de réseaux sociaux pour 60%.
Les très petites structures sont encore 66% à ne pas disposer de site internet de e-commerce et
33% ne sont pas équipées de site vitrine. On peut encore constater l’importance du facteur taille
lorsqu’il s’agit de l’équipement digital.
35
D. ENTRETIEN EXPERT
1. Choix et contact de l’enseignant chercheur
Monsieur Soufyane FRIMOUSSE, maître de conférence, habilité à diriger des recherches en
science de gestion à Université de Corse (IAE de Corse), m’a accordé un entretien dans le cadre
de ce mémoire. Il est également chercheur associé à Essec Business School Paris, intervenant
Essec Executive CNIT Paris et rédacteur en chef adjoint de la revue Questions de Management.
Ses domaines d’expertises sont le leadership et la mobilisation des équipes, l’accompagnement
à la transformation et l’innovation (voir cv, annexe n° 6)
J’ai obtenu son email suite à la lecture d’un article dont il est le co-auteur (Frimousse &
Gaillard, 2020), dans le lequel il évoque le concept du Cygne Noir de TALEB, que j’ai explicité
plus haut. Dans mon mail, je lui présente le thème et les enjeux de ce mémoire de recherche,
ainsi que mes premières lectures académiques. Il accepte un entretien de 20 minutes, par
téléphone le jour même, je ne dispose alors de quelques heures pour le préparer (voir annexe
n°7).
2. Méthodologie de l’entretien
Le temps imparti étant particulièrement court, j’ai élaboré un guide d’entretien semi directif, en
m’appuyant sur trois thèmes (voir annexe n°8)
La résilience active, ou l’anti-fragilité des gérants de TPE, a été abordé en premier, thème sur
lequel mon interlocuteur a mené ses recherches.
Le second thème abordé est la résilience passive des gérants de TPE ou l’individu résilient, où
j’aborde la question des aides et mesures étatiques visant un retour à la normale après la crise.
Enfin, j’ai souhaité aborder un troisième thème que je n’aborde pas de cette façon dans ma
revue de littérature, à savoir les considérations culturelles et contextuelles dans la capacité à
être anti-fragile. En effet, lors de la préparation de l’entretien, j’ai appris que mon interlocuteur
a une dimension méditerranéenne et Africaine du fait de ses sujets de recherche.
36
3. Transcription par thème
3.1 La résilience active ou l’anti-fragilité des gérants de TPE
A l’appui de mes lectures académiques concernant la résilience active, et donc de l’anti-fragilité
de TALEB que cite monsieur FRIMOUSSE dans son article, j’ai souhaité obtenir de mon
interlocuteur des préconisations à fournir aux gérants de TPE (voir retranscription annexe 9).
Selon Soufyane FRIMOUSSE, ma question des préconisations concernant les gérants de TPE-
PME, le facteur taille est primordial. Ces petites entreprises n’ont généralement pas les moyens
financiers pour obtenir les outils, méthodes et instruments pour une gestion efficace et complète
de la crise.
Sans négliger le diagnostic économique, limité donc par les faibles moyens des TPE-PME, il
est nécessaire de procéder à une évaluation de la santé mentale du gérant. La crise, foudroyante,
a engendré une perte de repères. Il serait par conséquent mal avisé de négliger cet aspect
psychologique, tant il est nécessaire de redonner confiance aux entrepreneurs.
Toujours dans cette optique de résilience active, qui consiste à la recherche constante de
ressources et solutions innovantes, j’ai souhaité connaitre l’avis de mon interlocuteur sur le
digital comme une solution de créations d’opportunités commerciales. Selon M FRIMOUSSE,
le numérique peut être une solution sous certaines conditions. En France, il observe une fracture
numérique importante dans le parc de TPE-PME. Il constate également que dans des structures
et des organisations plus conséquentes, le numérique n’est pas maitrisé. Il faut donc mettre en
place des solutions d’accompagnement, afin que personne ne soit exclu. Cependant toutes les
activités ne se prêtent pas au numérique. Selon Monsieur FRIMOUSSE, présenter le digital
comme la solution par excellence est une erreur voire un mensonge.
3.2 La résilience passive des gérants de TPE ou l’individu résilient
J’ai souhaité évoquer les aides de l’État qui, selon les termes de mon interlocuteur, relèvent des
« mesures pansements ». Selon mes lectures académiques, cette stratégie relève de la résilience
passive, ou comme TALEB le défini, relève de l’individu résilient et non de l’individu anti-
fragile.
37
Selon monsieur FRIMOUSSE, les aides extérieures comme celles de l’État placent les petites
entreprises sous assistance. Cependant, cette intervention étatique n’est pas vue comme étant
fondamentalement négative, puisque que selon le directeur de recherche l’État doit être présent,
être responsable et garant. Se posera la question du règlement de la facture post-covid.
Sur la question des partenaires, à savoir les Banques, l’État, les collectivités locales, et les autres
partenaires privés ou publics, et de l’importance de bien s’entourer lorsque l’on travaille à sa
résilience passive, monsieur FRIMOUSSE parle de dispositif rêvé. La réalité financière des
TPE empêche ces dernières de bien s’entourer et de bien s’équiper.
Lorsque l’on s’intéresse à la gestion de crise, la question des leçons tirées des crises passées est
à considérer avec prudence selon monsieur FRIMOUSSE. Selon lui, les expertises sont toujours
éclairantes. Cependant, reprenant le concept du Cygne Noir de TALEB, face à des phénomènes
nouveaux et inattendus, un regard neuf est nécessaire. L’expert par définition est un individu
qui a fait ses preuves dans un contexte donné. Pour mon interlocuteur, la crise de la covid n’est
pas réellement une crise mais un Cygne Noir. Un évènement majeur qui transforme le monde.
Les stratégies de résilience passive sont alors inefficaces.
3.3 Considérations culturelles dans la résilience individuelle
Prenant note de l’avis de Monsieur FRIMOUSSE sur la difficulté des gérants de TPE et des
structures plus importantes à innover en temps de covid, j’ai souhaité l’interpeler sur la base de
son ouvrage sur l’Afrique, qui serait le laboratoire du monde de demain.
Selon lui, il n’y a pas de considérations culturelles à tirer de son ouvrage. Le contexte et
l’environnement sont eux déterminants dans la résilience individuelle des gérants de TPE.
L’Afrique et l’Asie vivent dans des contextes d’incertitude constante. Les habitants de ces
continents ont donc une propension à l’innovation plus importante qu’en Europe, dû au manque
de structures étatiques résilientes, à un tissu industriel manquant d’efficience et de régularité.
Le contexte en Europe et en particulier en France n’est donc pas à même de susciter de l’anti-
fragilité chez nos gérants de TPE, pas assez habitués à l’incertitude. Les aides de l’État, que le
38
directeur de recherche ne regrette pas bien au contraire, installent un contexte peu propice à
l’innovation. Dans ces conditions, selon lui, seuls les gérants de TPE dotées d’une trésorerie
suffisante et d’une appétence au digital pourront survivre à la crise.
4. Conclusion
Monsieur FRIMOUSSE a, durant l’entretien, souligné à plusieurs reprises le facteur taille
lorsque l’on s’intéresse aux TPE, et leur faible capacité d’autofinancement. L’objectif du gérant
de TPE n’est pas la quête du profit mais bien de pérenniser son activité : il s’agit pour l’expert
d’une question de survie.
Cependant il reconnait que l’anti-fragilité et donc la capacité de ces entrepreneurs à s’adapter,
à digitaliser leurs activités lorsque cela est possible et à se réinventer va conditionner leur survie
post-covid.
39
E. CONCLUSION DE LA REVUE DE LITTÉRATURE
Cette revue de littérature a permis de mettre en exergue les stratégies de résilience présentées
dans les revues académiques. Si l’on considère la covid comme une crise, selon la définition
que lui donne en miroir TALEB lorsqu’il définit le phénomène de Cygne Noir, la stratégie de
résilience passive semble suffisante. Cette stratégie, visant le retour à la normale, est largement
utilisée en France notamment via l’intervention de l’État qui se révèle de plus en plus
providentiel.
Cependant, si l’on considère la covid comme un Cygne Noir, c’est-à-dire un événement qui
basculera le monde dans un nouveau paradigme, la stratégie qui vise un simple retour à l’état
initial est contre indiquée. En effet, la stratégie de résilience active, à l’appui des capacités
dynamiques et de gérants de TPE anti-fragiles, permettrait non seulement de pérenniser
l’activité de ces petites entreprises, mais également leur permettre de tirer un avantage
concurrentiel au sortir de la crise.
Il existe à ce jour très peu d’études quant à l’innovation des TPE, qui ne peut être envisagée
comme l’innovation des plus grandes entreprises du fait de leur taille et de la faiblesse de leurs
fonds propres, en particulier dans les secteurs les moins dotés comme l’hébergement
restauration ainsi que les services aux particuliers.
Si le numérique est considéré comme primordial dans la stratégie de résilience des TPE, ces
dernières sont plutôt démunies. Nous avons vu que la résilience individuelle doit puiser sa force
dans les éléments contextuels, à savoir les partenaires de l’activité.
En plus du facteur taille, les éléments contextuels, et notamment le contexte politique et
économique, aurait tendance à réduire l’anti-fragilité des gérants de TPE. Nous avons vu avec
Monsieur FRIMOUSSE que le contexte incertain dans des régions du monde, l’Afrique et
l’Asie en particulier, poussait les individus et les gérants de petites entreprises à plus d’agilité
et d’innovation.
Au-delà des aides visant à assumer les charges d’exploitations des TPE en perte d’activités, il
est nécessaire pour leur survie de les accompagner dans leur transformation digitale.
40
Il apparait donc que la survie des 2/3 des entreprises françaises que constituent les TPE suite à
la crise de la covid est en question. Il est primordial que les gérants de TPE tirent profit de la
crise via l’innovation quand le retour à la normal semble compromis.
En définitive, ma revue de littérature me permet de consolider ma problématique de départ, qui
posait la question des ressorts de la résilience des TPE en temps de crise de la covid. Ma
problématique, qui précise la première à la lumière de ma revue de littérature, est donc la
suivante :
Quelles stratégies de résiliences sont mises en place par les gérants de TPE et pour quels
effets ?
L’enquête terrain qui va maintenant suivre va nous permettre d’aboutir sur des pistes en
déclinant la problématique en question de recherches et hypothèse de recherches.
Une première enquête qualitative, consistant en 15 entretiens semi directifs dans des conditions
que j’expliciterai, permettra de répondre à la question de recherche suivante :
QR 1 : Quels facteurs influent le choix stratégique de résilience des gérants de TPE en temps
de crise de la covid ?
Je continuerai avec une enquête quantitative, cette fois mineure qui s’intéressera à une question
de recherche plus spécifique, à savoir la suivante :
QR 2 : Quelles sont les caractéristiques de l’entrepreneur anti-fragile ?
La construction du questionnaire destinés à 100 entrepreneurs de TPE et son analyse sera par
ailleurs fondée sur deux hypothèses de recherches, que j’expliquerai plus loin en détail :
Hypothèse 1 : Les entrepreneurs les plus jeunes démontrent plus d’agilité que leurs ainés dans
les secteurs les plus touchés par la crise.
Hypothèse 2 : Les entrepreneurs démontrant plus d’agilité ne croient pas au retour à l’état initial
41
II. ENQUETES TERRAINS
42
A. INTRODUCTION
Les lectures académiques ont permis de fixer un cadre à l’étude des stratégies de résilience en
temps de crise et en particulier de covid. Il s’agira dans cette nouvelle partie d’observer le
terrain, de tirer des conclusions et des préconisations. Je m’emploierai donc à détailler la
méthode utilisée pour collecter les informations et les analyser. Mon enquête s’est portée en
particulier sur des gérants de TPE et petites PME, à l’aide d’entretiens semi-directifs et d’un
questionnaire tous deux rendus anonymes.
L’objectif de l’étude et d’observer et de mesurer l’impact des stratégies de résiliences adoptées
par les gérants de TPE.
Pour mon sujet, à l’appui de ma formation de conseiller de clientèle professionnel à la Banque
Populaire Rives de Paris, j’ai pu mener des entretiens individuels avec de nombreux gérants de
TPE. J’ai retenu 15 entretiens, sur des activités diverses et dont l’impact de la covid a été
différent. Pour chacun de ces clients, j’ai du fait de mon travail accès aux écritures comptables,
ce qui me permet de mesurer l’impact économique et financier de la covid et des décisions des
gérants de TPE.
Par ailleurs, pour des raisons de confidentialité, toutes les données issues de ces entretiens sont
rendues anonymes. Ces données ont été collectées par prise de note.
J’ai donc réalisé une enquête qualitative majeure, afin d’explorer l’attitude des gérants de TPE,
les catégoriser dans la typologie de TALEB évoquée dans la première partie de ma revue de
littérature, analysé leur stratégie et mesuré l’impact économique.
J’ai ensuite diffusé un questionnaire à l’intention des entrepreneurs, pour compléter mes
recherches par une enquête quantitative mineure.
43
B. ENQUÊTE QUALITATIVE MAJEURE
1. Cadrage théorique et thèmes de recherche
Ma revue de littérature a nettement mis en lumière deux démarches de résilience au sein des
TPE en temps de crise. La résilience passive, qui vise un retour à l’initial, n’induit pas de
changement profond dans l’activité de l’entreprise, elle implique simplement une pause tout en
alimentant les postes comptables nécessaires à la survie de l’entreprise. La résilience active
s’inscrit dans une logique d’innovation constante, qui se nourrit en particulier en temps de crise,
et qui vise donc à tirer profit des crises pour dégager un avantage concurrentiel.
La première approche est celle des individus résilients, voire fragiles, la seconde est celle des
individus anti-fragiles selon la définition donnée par TALEB.
Question de recherche : Quels facteurs influent le choix stratégique de résilience des gérants de
TPE en temps de crise de la covid ?
Le premier thème de ces entretiens fait donc appel à l’aspect psychologique de la résilience, qui
a été mis en exergue dans la revue de littérature et notamment lors de l’entretien expert. Je
souhaite connaitre d’une part le sentiment des gérants de TPE face à la crise, le degré de
positivité ou négativité ; puis leur attitude face à la crise.
Le deuxième thème vise à observer les mesures de résilience passives adoptées par les gérants.
Le troisième thème est l’occasion d’observer les mesures de résilience actives et donc
d’innovations en temps de covid, ce en matière d’offre et de distribution.
THÈMES ABORDÉS LORS DES ENTRETIENS
Thème n°1 :
Les mesures de résilience passive
Les mesures de soutien
Le retour à l’état initial
Thème n°2 :
Les mesures de résilience active
Adaptation de l’offre
Le digital
Thème n°3 : Ressenti des gérants de TPE face à la crise
44
La résilience individuelle Fragilité, résilience et anti-fragilité
2. Méthodologie de l’enquête
Pour obtenir des réponses et des résultats exploitables et nuancés, du fait de la nature de la crise
de la covid et de son impact inégal selon les secteurs d’activité, j’ai interrogé 15 gérants de
TPE, d’activités et de tailles différentes. Les entretiens ont été menés entre septembre 2020 et
mars 2021 dans le cadre de ma mission au sein de la Banque Populaire. J’ai été autorisé à utiliser
ses entretiens dans le cadre de mon mémoire à la condition de les rendre anonymes, afin que
nos clients ne soient pas identifiables.
CALENDRIER
Tâches S36 à S37 S38 à S12 S13 à S23
Sélection des clients à rencontrer
Construction du guide d’entretien
Les entretiens avec les clients cibles
Analyse des résultats de l’enquête
RÉPONDANTS
Genre Activité
Chiffre d’affaires
en 2019 (k€)
Évolution CA entre
2019 et 2020
A M Hôtellerie 1246 -80%
B M Fabrication de meuble 54 + 10%
C F Commerce horlogerie (bijoutier) 133 +3%
D F Salle de sport n.c. n.c
E M Ingénierie études techniques 115 =
F M Garage/carrosserie 1024 =
G M Imprimerie 3012 -10%
H M Installation barrières
automatiques
384 -25%
I M Boulangerie 357 -15%
J M Agence immobilière 671 +50%
45
K M Entreprise en bâtiment 383 =
L F Centre médical (médecine
générale et esthétique)
170 -17%
M M Magasin informatique et
dépannage
120 +15%
N F Salon de coiffure 60 -30%
O F Boucherie 500 +8,7f
Tableau II.1 : Liste des répondants aux entretiens qualitatifs, enquête majeure (par moi-même)
Des entretiens semi-directif, en face à face et d’une durée allant de 30 à 45 minutes, ont été
menés sur la base d’un guide d’entretien, avec le gérant ou la gérante de la TPE étudiée.
Les entretiens ont été menés en agence bancaire, en présence de la conseillère de clientèle
professionnelle qui est en poste depuis 4 ans et connait les clients. Elle est intervenue, à l’appui
de mon guide d’entretien (voir annexe n°10). De cette façon, les répondants ont été mis en
confiance dans le but de libérer leur parole lors des échanges.
3. Résultat et analyse de l’enquête
La prise de note effectuée lors des entretiens, comportant des éléments confidentiels, a fait
l’objet d’une analyse de contenu dans le cadre de cette enquête. Ayant procédé à des entretiens
semi-directifs, en m’attachant à évoquer les thèmes prévus, j’ai procédé ci-dessous à
l’élaboration d’une synthèse via une approche horizontale.
a. Résilience passive : perception et utilisation des mesures
o Les activités les plus durement touchées : mesures de survies
Les activités les plus touchées par les mesures de confinements s’appuient sur des mesures de
survies.
Ainsi, la gérante de la salle de sport accuse un arrêt soudain de son activité. Les abonnements
lors du premier confinement ont été suspendus. Elle a donc eu recours au chômage partiel pour
elle-même, unique salariée de son entreprise.
46
Le gérant de l’Hôtel, placé dans le centre touristique de Paris, a ainsi vu son activité diminuée
de 80% en 2020, faute de clients à la suite de la fermeture des frontières. Cependant, ces deux
entreprises affichent une perception et une utilisation différente de ces mesures. Si la salle de
sport, dont l’activité débutée en 2019 n’a pas généré de trésorerie, le gérant de l’hôtel annonce
des fonds propres élevés, à peine entamé par le résultat négatif de 2020 puisqu’ils représentent
67% du total du bilan en 2020.
o Les mesures de résilience passive comme tremplin au retour de l’activité
Certaines activités n’ont été touchées que temporairement par la crise, notamment lors du
premier confinement, et utilisent donc ces mesures pansements à très court terme.
Ainsi, le gérant de l’entreprise de bâtiment, secteur très touché lors du premier confinement, a
eu recours au chômage partiel et au PGE pour le paiement de ses charges, en particulier de ses
6 salariés, ainsi que pour les rallongements de délais de paiement de ses clients. Ainsi il a utilisé
ses mesures et notamment le PGE comme un tremplin, qui lui a permis de reprendre son activité
efficacement au premier déconfinement, puisqu’il annonce un chiffre d’affaires en 2020
identique à celui de 2019.
L’agence immobilière affiche également la même utilisation des mesures de soutiens,
puisqu’elle enregistre une nette progression de son activité après le premier confinement. Le
gérant a en effet eu recours à des reports d’échéances pour les prêts en cours (6 mois de report)
et au chômage partiel durant le premier confinement. Le retour de l’activité s’est révélé si
efficace, avec une progression de 50% due aux achats immobiliers particulièrement importants,
que l’agence envisage en mars (au moment de l’entretien) l’embauche d’un salarié à plein
temps.
Le répondant spécialisé dans la pose de barrière métallique affiche un chiffre d’affaires de 25%
en 2020, mais affiche de belles perspectives pour 2021, grâce un contrat signé avec la ville. Son
activité, liée au bâtiment, a connu donc un impact très important liée au premier et dans une
moindre mesure au second. Il a eu recours au PGE, au report des échéances fiscales et sociales
et au chômage partiel, mais utilise ses mesures et notamment le PGE comme un tremplin. De
ce fait, le client considère avoir conservé sa capacité à assumer le retour de son activité.
47
Enfin, le garagiste/carrossier signale un impact modéré du premier confinement sur son activité.
Il a donc utilisé les mesures de résilience passive afin d’aborder sereinement la reprise de son
activité, via notamment le PGE qu’il a décidé d’amortir sur cinq ans. Un report de six mois pour
les échéances de prêts en cours a été obtenu, et la solution du chômage partiel a été de mise. La
reprise de l’activité a donc été bien gérée selon mon interlocuteur, qui affiche même un chiffre
d’affaires équivalent entre 2019 et 2020.
o Les activités touchées par le changement des pratiques sanitaires
La crise sanitaire a engendré de nouveaux comportements, de nouvelles pratiques qui touchent
particulièrement certaines activités.
Cas particulier, l’imprimeur a observé une baisse d’activité sur la partie brochures, dépliants,
plats et plv dû à la digitalisation des supports de communication. Il observe par conséquent une
baisse de 25% de son activité entre 2019 et 2020 et a recours pour payer ses charges au PGE
qu’il prévoit donc d’amortir. Il estime que ces baisses de commandes sont en rapport avec la
diminution des supports physiques pour des raisons sanitaires.
En ce qui concerne mon interlocutrice gérante de son centre médical, les mesures sanitaires
n’ont impacté que certaines de ses activités. Les pratiques d’esthétiques réparatrices et de bien-
être représentent 20% de son activité le reste relevant de la médecine générale. Dues aux
mesures sanitaires, son chiffre d’affaires est impacté, enregistrant une baisse de 17% en 2020.
Elle a par conséquent eu recours au report de ses échéances fiscales et sociales, au report de ses
échéances de prêts (crédit-bail mobilier sur des machines de soins) et a du chômage partiel pour
son unique salariée à plein temps.
o L’abstention des entreprises possédant une trésorerie suffisante
Certaines entreprises, bien que présentant un chiffre d’affaires impacté par la covid, ne trouvent
pas d’intérêt dans l’utilisation de ces mesures estimant posséder une trésorerie suffisante pour
survivre à la crise.
48
Le gérant de l’étude technique, société commercialisant des conseils techniques aux entreprises,
en particulier en termes d’instrumentalisation, d’automatisation et d’installation électrique,
observe un impact modéré sur son activité. Le chef d’entreprise se dit serein, capable de faire
face à la crise grâce à une trésorerie suffisante, soit environ 43 ke fin 2020 pour un total de bilan
d’un montant de 45 ke. Il travaille par ailleurs seul, affiche un poste client diversifié et n’a pas
de fournisseurs.
o L’abstention des entreprises dont la crise a profité à leur activité
Il existe en effet une dernière catégorie de gérant d’entreprise n’ayant que très peu d’intérêt à
l’utilisation des mesures de soutiens.
Le gérant du magasin d’informatique, qui effectue aussi des déplacements et des dépannages à
domicile, a vu son activité s’intensifier dès le début de la crise. Les nouvelles pratiques liées à
la crise de la covid, télétravail et cours à distance principalement, l’ont amené à se déplacer
chez ses clients, particuliers et professionnels. Il affiche ainsi une progression de 15% de son
chiffre d’affaires en 2020. Il ne rejette cependant pas les aides de l’État, puisqu’il estime que
celui-ci devrait faire plus et mieux pour ses homologues chefs d’entreprise, qui eux ont été
durement touchés.
b. Résilience active : la crise de la covid suscite une agilité de l’offre des TPE
o Une remise en question du business plan
Certains répondant ont souhaité profiter de la crise pour remettre en question leur activité, ce
qui leur ouvre de nouvelles opportunités.
Ainsi l’entrepreneur spécialisé dans la fabrication de meubles a profité du moment incertain du
premier confinement pour se réinventer. Menuisier de formation, mon interlocuteur fabriquait
initialement des meubles spécifiques, sur un marché de niche. Il avait notamment profité de
l’appui d’un célèbre Youtubeur pour la promotion de son produit phare. Le premier
confinement se présentant, il décide de se former à l’utilisation d’un logiciel professionnel,
destiné à la conception en 3d de meubles. Grâce aux réseaux sociaux (le chef d’entreprise ne
vend qu’exclusivement sur Instagram) il parvient à toucher de nouveaux clients notamment en
49
dehors du marché Français. Il explique avoir également commencé à sous-traiter la fabrication
de ses meubles en vendant uniquement les modèles 3d. De cette façon, il affiche une
augmentation de son chiffre d’affaires de 10%, dans un secteur touché par la crise.
Le gérant de la boulangerie déplore un impact de la covid sur son activité. Situé sur l’artère
principale de sa commune, sa clientèle est en temps normal constituée principalement des
employés de bureau, absents en période de covid et notamment en télétravail. L’entrepreneur a
donc cherché activement de nouvelles ressources, et notamment de nouveaux clients, soit un
lycée et deux maisons de retraites. Ces nouveaux débouchés lui assurent un chiffre d’affaires
régulier et constant en plus de la clientèle de proximité. Il a également embauché un livreur à
temps complet qui se charge d’acheminer les commandes journalières à ces trois nouveaux
clients. Si son chiffre d’affaires a diminué de 15% en 2020 par apport à 2019, il estime en 2021
dépasser son chiffre d’affaires précédent la crise.
La gérante de la salle de sport, fortement impactée par la crise du covid puisque fermée depuis
le début du confinement, a profité de la crise de la covid pour éliminer certaines de ses charges.
Ainsi le recours aux coaches sportifs qu’elle comptait embaucher a été revu, elle envisage
aujourd’hui d’avoir recours à des coaches au statut d’autoentrepreneur.
L’entrepreneur, gérant de l’entreprise spécialisée dans la pose de barrières automatiques, a
enregistré une baisse de son activité due aux mesures de distanciations sociales qui dissuadent
les clients particuliers à faire appel à ses services. Il m’explique avoir profité de cette période
de flottement pour remporter des marchés professionnels. Il a donc signé durant la crise un
marché avec un office public de l’habitat (OPHML) qui concerne 12 résidences. Il a ainsi
pérennisé son activité en consacrant 40% de son activité à ses clients professionnels et publics.
Il a ensuite signé un contrat d’affacturage au Factor de sa banque afin de lui permettre d’assumer
l’augmentation de son activité.
o La digitalisation intensifiée
La crise de la covid est marquée par la digitalisation grandissante de l’économie. Certaines
petites entreprises ont eu recours à ces moyens qui leur donnent un avantage concurrentiel.
50
La responsable de la bijouterie interrogée indique un impact modéré de la crise sur son activité.
Pourtant, en sa qualité de ‘commerce non essentiel’, son activité fait partie des plus touchées
par la crise. Si elle a eu recours à une majorité de mesures de résilience passives (report
d’échéances fiscales et sociales, recours au PGE, recours au report d’échéances de prêts et au
chômage partiel), elle affiche une augmentation de son activité, bien que peu significative, de
3%. Elle explique qu’elle a profité de la crise pour développer son site internet, peu utilisé et
peu ergonomique avant la crise, qui se révèle source de commande. Elle estime que son activité
est en voie de développement grâce à cet outil et que la crise du covid a contribué à doper son
activité.
Le gérant de l’hôtel évoqué plus haut, dont l’activité a été très durement touchée par la crise,
explique avoir également développé son site internet pendant la crise, pour attirer une clientèle
haut de gamme et d’affaires. Il a revu notamment toute la couverture Wi-Fi dans son
établissement et a profité de la fermeture pour une rénovation des équipements électroniques.
Avec une réouverture des frontières qui lui semble imminente au moment de l’entretien
(septembre 2020) il espère attirer une clientèle plus régulière et plus fidèle.
Ainsi, le gérant du magasin d’informatique, dont l’activité s’est intensifiée pendant la crise, ne
perçoit pas d’utilité à la remise en question de business model. En effet, selon lui son activité
se révèle très adaptée à la covid, puisque ‘essentielle’ selon la définition donnée par le
gouvernement. Cependant, il explique s’être formé au pilotage de drone civil, ce qui a nécessité
l’obtention du permis de pilote ULM selon la réglementation en vigueur. Il propose donc en
plus de son activité une mise en valeur des biens immobilier à la vente, en travaillant avec des
particuliers cherchant à vendre leur bien, ou encore à la mise en valeur des campings locaux.
Suite à la crise du covid, ces professionnels cherchent en effet à être présent plus efficacement
sur internet et notamment les réseaux sociaux. Le gérant d’entreprise explique que cette activité
est pratiquée en dehors du cadre de son entreprise.
L’imprimeur, qui propose l’impression de plaquettes publicitaire, d’étuis ou encore de
brochures, explique avoir intensifié son activité en ligne. Son site, peu ergonomique selon lui,
et en cours de refonte totale. Il propose maintenant à ses clients de charger directement sur son
site internet leur projet de packaging pour leurs produits. L’impact de ces mesures n’est pas
mesurable pour le moment, le client estime qu’il doit se constituer cette nouvelle clientèle plus
51
digitale. Il estime pouvoir tirer profit de cette digitalisation pour augmenter son activité à un
niveau supérieur d’avant crise de la covid.
o Intérêt limité à l’innovation
Une partie des répondants, dont l’activité n’est pas remise en cause par la covid, ne trouve pas
d’intérêt à revoir leur façon de travailler.
La gérante du centre médical explique croire à un retour prochain à l’état initial concernant son
activité. Selon elle, éprouvés par la covid ses clients sont impatients de se rendre dans son
institut. Étant elle-même médecin généraliste, ce qui sécurise une partie de son activité, elle
compte sur l’efficacité des mesures sanitaires pour permettre un retour d’activité. Par ailleurs
elle veille à consolider son bilan, puisqu’elle profite de la crise et de l’engouement sur le marché
de l’immobilier pour vendre sa résidence principale, qui générera 100 ke pour elle et 100 ke
pour son ex-mari. Ces fonds pourront être alors injectés dans ses fonds propres par apport en
compte courant d’associé.
Le gérant du garage n’envisage pas non plus de remise en question de son activité. En effet, en
plus d’un impact relativement faible de la covid sur son activité, il bénéficie d’une bonne
réputation dans ses activités de travaux et de carrosserie ce qui lui a permis de conserver une
clientèle fidèle, principalement professionnelle. Ses délais fournisseurs restent raisonnables,
bien qu’en diminution constante depuis 2018. Bien qu’il ait recours au PGE, il ne l’a pas utilisé
au moment de l’entretien, (mars 2021), grâce à une trésorerie de 300ke.
o Un manque d’appétence limitant le recours à l’innovation
La gérante du salon de coiffure, dont l’activité fut fortement impactée pour des raisons
principalement d’emplacement et de segmentation client limitée (personnes âgées à risque selon
les directives du gouvernement), estime que son manque d’appétence l’empêche d’innover. En
effet, elle m’indique posséder un site internet, pour lequel elle paie. Je tente une recherche sur
Google durant l’entretien, le site n’étant pas bien référencé je n’ai pas pu le trouver sans qu’elle
me donne l’adresse exacte. Elle demande lors de l’entretien des conseils, quand bien même
nous n’avons pas la capacité de lui fournir des réponses quant à sa problématique.
52
c. Résilience individuelle : l’impact de la covid sur le moral des gérants de TPE
Lors de mes entretiens semi-directifs, j’ai souhaité établir le profil des répondants, selon la
classification de TALEB sur les individus fragiles, résilients et anti-fragiles. J’ai défini ces
concepts dans la première partie de ma revue de littérature sur la résilience individuelle.
o Les entrepreneurs fragiles
L’entretien avec la gérante du salon de coiffure fut l’un des plus édifiant. Il s’agit de l’un des
entretiens qui m’a le plus inspiré ce sujet. La gérante, qui m’explique que son salon pâti d’un
emplacement peu avantageux (situé dans une voie à sens unique, avec très peu de passage,
perpendiculaire à l’avenue principale de sa commune), est mise en difficulté par la crise. Elle
ne parvient pas à renouveler sa clientèle, vieillissante. Sa clientèle est en effet confinée car à
risque. Elle estime ne pas pouvoir se séparer ou même placer en chômage partiel sa coiffeuse,
unique salariée, embauchée depuis plus de 30 ans. Épouse d’un patron d’un cabinet d’expertise
comptable, elle a souhaité avoir recours au PGE qui lui a été refusé. Elle explique souhaiter
développer sa clientèle via l’utilisation des réseaux sociaux, mais manque de connaissance et
de trésorerie pour payer un prestataire. Au moment de l’entretien, elle explique compter
rejoindre la banque de son époux qui souhaite l’aider à la gestion de son entreprise, qui affiche
une diminution de 30 % de son chiffre d’affaires, déjà insuffisant avant la crise.
o Les entrepreneurs résilients
Le gérant de l’hôtel me témoigne sa confiance et sa conviction d’un retour à l’état initial d’avant
crise. En attendant cette échéance, qu’il reconnait tarder à venir, il estime pouvoir s’appuyer
largement sur ses fonds propres, particulièrement conséquents puisqu’ils représentent 67% du
total de son bilan. Il compte par ailleurs sur le soutien de sa mère, propriétaire terrienne, qui
l’aide à la gestion de son hôtel.
L’agence immobilière, qui travaille sous le nom d’une enseigne largement connue et reconnue,
affiche également une sérénité lors de l’entretien. S’il voit du découragement et de la morosité
chez ses homologues commerçants dans l’avenue dans laquelle il officie, il a à l’appui de
mesures de résilience passive su reprendre son activité au moment où la demande s’est
53
manifestée, tout en profitant de l’euphorie selon ses termes sur le marché de l’immobilier. Il
reste néanmoins prudent, estimant cette agitation passagère est consécutive aux mesures de
confinements.
Le gérant du magasin d’informatique, du moins sur son activité principale, ne compte pas
changer sa façon de travailler. Il estime que la covid ne changera pas sur le long terme les
habitudes de ses clients, et que la digitalisation est un mouvement de fond qui n’a fait que
s’intensifier pendant la covid. Il m’indique également qu’il observe une grande solidarité entre
gérants de commerces dans la petite ville Périgourdine dans laquelle il travaille.
o Les entrepreneurs anti-fragiles
Le fabricant de meuble, à l’aise d’après ses propres mots avec les outils digitaux, affiche une
confiance totale dans son avenir professionnel. Il s’est montré fier de sa démarche à se former
à l’utilisation d’un logiciel professionnel, dédié à l’élaboration de modèles 3d qu’il vend sur
internet. Il a notamment bénéficié d’une couverture sur YouTube grâce à une collaboration avec
un célèbre vidéaste en France. Il a ainsi obtenu un contrat de poids avec un client en Suisse.
La gérante du commerce spécialisé dans la bijouterie a su également tirer profit de la crise. Elle
affiche un optimisme qui se voit dans ses actions. En développant la vente sur internet, elle a
su résorber totalement l’impact de la crise sur son commerce, pourtant non essentiel. Elle estime
que la crise lui a permis de remettre en question sa façon de travailler et pense avoir un avantage
de poids face à son principal concurrent, qui lui n’a pas su vendre sur internet.
4. Retour sur la question de recherche
Je rappelle au préalable la question de recherche qui fonde cette enquête qualitative :
Quels facteurs influent les choix stratégiques de résilience des gérants de TPE en temps de
crise de la covid ?
54
Ces entretiens, retranscris par thèmes ont donc apporté plusieurs réponses que je compile pour
une lecture plus simple dans le tableau ci-dessous :
FACTEURS POUR FACTEURS CONTRE
RÉSILIENCE PASSIVE
Activités touchées par la
crise plus durement que les
autres, mesures de survies
Trésorerie suffisamment
constituée
PGE
Chômage partiel
Report d’échéances fiscales
et sociales
Reports d’échéances de
prêts.
Utilisation temporaire, afin
de garder un minimum de
liquidité pour relancer leur
activité au bon moment
Activité liée au digital
profitant de fait de la crise
du covid.
Mesures sanitaires, rendant
difficile voire impossible la
bonne tenue de leur activité
qui nécessite une proximité
physique ou des supports
physiques potentiellement
vecteurs du virus.
RÉSILIENCE ACTIVE
Remise en question du
business plan, à l’appui de
formations et du
développant d’une activité
supplémentaire
Un manque d’appétence au
digital, fracture numérique
entre les entrepreneurs
appétant et ceux peu
appétant
Nouvelle offre
Parcours client digitalisé
Formations
Nouveaux clients
(nouvelles
segmentations).
Alignement aux nouvelles
pratiques digitales
notamment, via l’élaboration
d’un site internet et de la
vente à distance
Un intérêt limité à
l’innovation, espoir d’un
retour à l’état initial.
Tableau II.2 : Conclusion à l’enquête qualitative majeure (par moi-même)
55
On le constate donc, les mesures de résilience passives et actives font l’objet d’utilisations
disparates. A l’image de la crise de la covid, qui finalement semble moins globale et plus
complexe qu’à première vue.
Il apparait tout de même dans ces résultats que l’utilisation du digital devient primordiale durant
le covid, bien qu’il s’agisse d’un mouvement de fonds si je m’en réfère à ma revue de littérature.
Ainsi, des activités pourtant particulièrement fortement touchées par la crise, à l’appui du
digital, parviennent à limiter voire inverser la tendance économique.
D’autres activités dont l’objet central est le digital ne transversent pas la même crise que les
autres, à l’appui des nouvelles tendances qui leur profite directement.
La revue de littérature associe l’antifragilité à la résilience active, il apparait donc que certaines
activités, peu touchées par la crise, n’ont besoin que de mesure passives de résilience pour la
survie post-covid.
C. ENQUÊTES QUANTITATIVE MINEURE
1. Cadrage théorique question et hypothèses de recherche
Mon enquête qualitative, à savoir mes entretiens semi-directifs et leur analyse, a mis en exergue
une capacité chez certains entrepreneurs à tirer profit de la crise. On peut envisager de les
qualifier d’anti-fragile, puisqu’au sein du chaos ces gérants d’entreprises parviennent à se
développer et à se renforcer pour dépasser le simple retour à l’état initial. D’autres
entrepreneurs, peu voire pas touchés par la crise, ne sont pas nécessairement identifiables et ne
peuvent pas à priori être classés dans une des catégories des types d’individus de TALEB, à
savoir le fragile, le résilient et l’anti-fragile. Il semblerait que certains entrepreneurs, que l’on
devine anti-fragiles comme le montre mon analyse, mènent une stratégie de résilience passive,
lorsque cela est suffisant.
Je rappelle ici que la résilience active dépasse le simple retour à l’état initial en visant le
développement de nouvelles sources de profit y compris en temps de turbulences et que la
résilience passive vise un retour à l’état initial.
LA RÉSILIENCE DES PETITES ET TRÈS PETITES ENTREPRISES FACE À LA COVID
LA RÉSILIENCE DES PETITES ET TRÈS PETITES ENTREPRISES FACE À LA COVID
LA RÉSILIENCE DES PETITES ET TRÈS PETITES ENTREPRISES FACE À LA COVID
LA RÉSILIENCE DES PETITES ET TRÈS PETITES ENTREPRISES FACE À LA COVID
LA RÉSILIENCE DES PETITES ET TRÈS PETITES ENTREPRISES FACE À LA COVID
LA RÉSILIENCE DES PETITES ET TRÈS PETITES ENTREPRISES FACE À LA COVID
LA RÉSILIENCE DES PETITES ET TRÈS PETITES ENTREPRISES FACE À LA COVID
LA RÉSILIENCE DES PETITES ET TRÈS PETITES ENTREPRISES FACE À LA COVID
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LA RÉSILIENCE DES PETITES ET TRÈS PETITES ENTREPRISES FACE À LA COVID

  • 1. 1 Institut International du Commerce et du Développement Campus de Paris 2020/2021 5ème année – Programme Grande École Mémoire de Recherche Appliquée FORTUNÉ David LA RÉSILIENCE DES PETITES ET TRÈS PETITES ENTREPRISES FACE À LA COVID Tuteur de mémoire : Monsieur MANSOURI Samy Tuteur d’entreprise : Madame COLDEBOEUF Jocelyne Soutenu le 15 juillet 2021
  • 2. 2 Nom : Cycle : FORTUNÉ David P13 G1B La résilience des petites et très petites entreprises face à la covid Existe-t-il des ressorts efficaces pour la résilience des gérants de TPE en temps de covid ? Ce mémoire a pour objet de mettre en lumière les différents types de stratégies de résilience mises en place par les gérants de TPE en particulier, et d'évaluer leur efficacité face à la covid. Ce travail s'applique donc aux gérants de TPE et à leur activité en France métropolitaine. MANSOURI Samy Promotion 2020-2021 Ce feuillet, signé par le tuteur de mémoire, doit être inséré en page de garde de vos travaux. Problématique : Champ d'application : Tuteur de mémoire : Signature Mémoire de Recherche Appliquée Validation de la problématique Thème du mémoire : Diplôme de l'ICD - Visé Bac+5 - Grade de Master
  • 3. 3 L’ICD n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur
  • 4. 4 REMERCIEMENTS Au moment où j’écris ces lignes, je mesure la chance qui m’a été donnée par madame BOUCHENTOUF Faroudja, aujourd’hui directrice d’activité au CFA IGS, de reprendre mes études en 2019, à 29 ans. Je souhaite ici la remercier pour la confiance qu’elle m’a accordé. Ma deuxième pensée se porte bien évidemment à mon tuteur pédagogique, Monsieur MANSOURI Samy. Je remercie également ma directrice d’agence durant mes deux années d’apprentissage, madame COLDEBOEUF Jocelyne, à qui on a confié ma formation dans un contexte particulièrement perturbé. Je remercie par ailleurs toute l’équipe de l’Agence de la BPRIVES de Montgeron, avec laquelle nous avons traversé avec agilité et résilience la crise de la covid. Je remercie toute la promotion P13G1B, dans laquelle l’esprit d’équipe, la bienveillance et l’entraide ont été constant durant ces deux années de formation. Je remercie mes parents et ma famille, qui m’ont soutenu lorsque j’ai souhaité retourner sur les bancs de l’école, et qui incarnent à mes yeux la résilience et l’anti-fragilité.
  • 5. 5 PRÉAMBULE Après une première expérience en agence bancaire de 18 mois débutée en 2017, le rôle fondamental de la formation dans un parcours professionnel, qui je le crois est l’affaire de toute une vie, m’a amené à préparer un diplôme de Grade de Master, spécialisation Relations clients en Banque au CFA IGS en 2019. Cette formation, assurée par des intervenants et intervenantes du monde professionnel, a été complété par une formation en agence bancaire, dans l’objectif d’une obtention d’un poste de conseiller de clientèle professionnelle. Ces deux années de formation ont été indubitablement orientées par la crise de la covid, qui rapidement s’est distinguée de par les décisions politiques particulièrement traumatisantes et l’impact parfois tragique sur l’activité des commerçants et autres professionnels que nous accompagnons dans les agences bancaires, en majorité des TPE (Très Petites Entreprises). Certains professionnels, au-delà de leur activité, quand on sait que certaines ont été plus sévèrement touchées que d’autres, semblent mieux vivre ce choc. Ce mémoire a donc pour objet de comprendre les tenants de la résilience des TPE. Il s’appuie d’une part sur des références académiques et d’autre part sur des observations et enquêtes sur le terrain.
  • 6. 6 SOMMAIRE INTRODUCTION GÉNÉRALE ............................................................................................ 8 I. REVUE DE LA LITTÉRATURE................................................................................. 13 A. RESILIENCE INDIVIDUELLE ET RESILIENCE ORGANISATIONNELLE. 14 1. CAPACITES COGNITIVES ET CARACTERISTIQUES COMPORTEMENTALES..................... 15 2. PROCESSUS DE RESILIENCE INDIVIDUEL .................................................................... 16 3. ÉLEMENTS CONTEXTUELS ......................................................................................... 18 B. RESILIENCE PASSIVE............................................................................................ 20 1. LA PHASE DE PREVENTION......................................................................................... 21 2. LA PHASE DE REACTION............................................................................................. 21 3. LE PLAN DE CONTINUITE D’ACTIVITE (PCA)............................................................ 22 4. LA PHASE D’APPRENTISSAGE..................................................................................... 25 C. RESILIENCE ACTIVE............................................................................................. 27 1. L’APPROCHE ACTIVE DES CAPACITES DYNAMIQUES .................................................. 27 2. INNOVATION STRATEGIQUE DANS LES TPE ............................................................... 28 3. LE CAS DES COMMERCES DE PROXIMITE FACE A LA COVID ........................................ 30 4. L’ENJEU DE LA DIGITALISATION ................................................................................ 32 D. ENTRETIEN EXPERT ............................................................................................. 35 1. CHOIX ET CONTACT DE L’ENSEIGNANT CHERCHEUR.................................................. 35 2. METHODOLOGIE DE L’ENTRETIEN ............................................................................. 35 3. TRANSCRIPTION PAR THEME...................................................................................... 36 4. CONCLUSION............................................................................................................. 38 E. CONCLUSION DE LA REVUE DE LITTÉRATURE........................................... 39 II. ENQUETES TERRAINS .............................................................................................. 41 A. INTRODUCTION...................................................................................................... 42 B. ENQUÊTE QUALITATIVE MAJEURE................................................................. 43 1. CADRAGE THEORIQUE ET THEMES DE RECHERCHE .................................................... 43 2. METHODOLOGIE DE L’ENQUETE ................................................................................ 44 3. RESULTAT ET ANALYSE DE L’ENQUETE ..................................................................... 45
  • 7. 7 4. RETOUR SUR LA QUESTION DE RECHERCHE ............................................................... 53 C. ENQUÊTES QUANTITATIVE MINEURE............................................................ 55 1. CADRAGE THEORIQUE QUESTION ET HYPOTHESES DE RECHERCHE ............................ 55 2. METHODOLOGIE DE L’ENQUETE ................................................................................ 56 3. RESULTATS ET ANALYSE DE L’ENQUETE.................................................................... 59 4. RETOUR SUR LA QUESTION DE RECHERCHE ............................................................... 67 D. CONLUSION DES ENQUÊTES TERRAIN ........................................................... 69 III. PRÉCONISATIONS OPÉRATIONNELLES......................................................... 70 A. L’INCONTOURNABLE DIGITALISATION DES TPE....................................... 71 1. L’ELABORATION D’UN SITE INTERNET....................................................................... 72 2. LES RESEAUX SOCIAUX.............................................................................................. 75 B. ASSURER LA LIQUIDITÉ DU BILAN .................................................................. 79 1. CONSOLIDATIONS DES FONDS PROPRES POUR LES CHR ET COMMERCES ................... 79 2. UTILISATION DU PGE LES SECTEURS PAR ESSENCE MOINS CAPITALISES : LE CAS DU SECTEUR DE L’IMMOBILIER........................................................................................................ 80 C. CONCLUSION AUX PRÉCONISATIONS............................................................. 81 CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................................................... 82 BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................. 87 ANNEXES............................................................................................................................... 93 TABLE DES ANNEXES ..................................................................................................... 122 GLOSSAIRE / INDEX......................................................................................................... 123 TABLE DES FIGURES....................................................................................................... 128 TABLE DES TABLEAUX .................................................................................................. 129
  • 9. 9 e jeudi 12 mars 2020, Emmanuel Macron, 8ème président sous la cinquième république, prenait la parole pour annoncer l’impensable, ou du moins ce qui à l’époque l’était, le premier confinement. Au commencement, la France dans un état d’euphorie, ou peut- être d’incrédulité, se met au vert : des vacances avant l’heure. Durant maintenant plus d’un an, le pays dont la devise républicaine proclame la « liberté », personnifiée par Eugène Delacroix dans sa célèbre huile de 1830, vit au rythme des « confinements » et « déconfinements », des mesures de « distanciations sociales », des « gestes barrières » et des fermetures des « commerces non essentiels ». Autant de termes dont la plupart n’existaient pas avant la covid. Il semblerait qu’au-delà de son impact économique et sanitaire, la covid s’immisce et contamine les conversations des hommes et des femmes de par le monde, avec ou sans « gestes barrières ». Le cas des TPE (Très Petites Entreprises) se révèle particulièrement inquiétant en France. Il s’agit d’une spécificité Française, dans une économie mondialisée ou les petits n’ont pas toujours leur place. Cependant, du au caractère imprévisible et atypique de la crise de la covid, et aux mesures de confinement, tous les secteurs n’ont pas été touchés de la même manière. Les secteurs les plus touchés sont de loin l’hébergement-restauration, les services aux ménages (divertissement, loisir, spectacle), ce lors du premier et second confinement. La construction, le transport et la logistique, l’industrie des matériels de transport ainsi que le commerce de détail et de gros ont été fortement impactés par le premier confinement, puis dans une moindre mesure par le second (Analyse économique, s. d.) (voir annexe n°1). Au-delà des secteurs d’activités, et de l’impact relatif de la covid sur leurs chiffres d’affaires, il semble néanmoins que certains professionnels parviennent plus que d’autres à minimiser l’impact des mesures politiques. Certaines parviennent même à tirer parti de la crise pour se réinventer et ainsi entrevoir une surperformance en 2020 sur la base du chiffre d’affaires de 2019, avant la covid. Ce mémoire a pour objet de comprendre ce qui explique ces différences, puis de fournir des préconisations aux gérants de TPE afin d’assurer la pérennité du modèle économique Français. Selon l’INSEE, les TPE contribuaient en 2012 à 9% du produit intérieur brut national Français (Les très petites entreprises, 2 millions d’unités très diverses - Insee Focus - 24, s. d.). Elles représentent alors à elles seules 65,5% des entreprises en France et emploient 2,3 millions de salariés, bien que plus de la moitié d’entre elles (55%), n’emploient aucun salarié. Plus du L
  • 10. 10 cinquième des TPE œuvrent dans le commerce, 20% dans le service aux entreprises et 17% dans la construction (Tableau 0.1). Elles sont de façon générale tournées vers l’économie locale et font la spécificité du paysage économique Français. La loi de modernisation économique (LME) de 2008 définie les différentes catégories d’entreprises, dont fait partie la TPE, à partir de critères économiques. Une TPE, au sens de la LME, est une unité légale (personne physique ou morale) de moins de 10 personnes et ayant un chiffre d’affaires n’excédant pas 2 millions d’euros. La TPE exclue les entreprises relevant du statut de la microentreprise, appelée anciennement autoentreprise. La résilience est un concept pluri disciplinaire, prenant son essence dans la Physique et la Psychologie, est fut adaptée au management dès la fin des années 1970. Ce concept est par ailleurs à la base de nombreux courants de recherche, ce qui explique la pluralité de définitions qui lui sont rattachées. Tout d’abord, puisqu’il s’agit dans ce mémoire d’analyser la résilience des gérants de TPE, il convient de distinguer la résilience individuelle de la résilience organisationnelle et de les conjuguer. En effet certains auteurs soulignent le rôle de la résilience individuelle dans la résilience organisationnelle à trois niveaux : les capacités cognitives, les caractéristiques comportementales et les conditions contextuelles (Lengnick-Hall et al., 2011). Tableau 0.1 : Les TPE selon le secteur en 2012, INSEE (2012)
  • 11. 11 Un deuxième niveau de distinction est à considérer. Certains auteurs considèrent en effet la résilience comme étant la capacité à faire face aux dangers imprévus après qu’ils soient devenus manifestes, en apprenant à rebondir (Altintas, 2020). D’autres auteurs considèrent la résilience comme étant non seulement cette capacité à résister mais aussi à éviter les chocs. On parle de résilience passive lorsqu’il s’agit d’absorber un choc sans induire de changement de fonds et de résilience active lorsqu’il s’agit de mettre en place des activités pro actives et donc d’éviter les chocs exogènes. Quand il s’agit d’analyser la stratégie de résilience passive des TPE, il est nécessaire également de considérer le facteur taille qui est fondamentalement source de fragilité face à la crise. Ainsi certaines problématiques sont souvent liées à la taille des entreprises, notamment la faible maturité digitale des TPE, leur faible solvabilité, leur capacité limitée à investir ou encore leurs faibles économies d’échelles. Quant à la crise en entreprise, elle désigne pour certains auteurs un évènement perçu par les dirigeants, par le gérant lorsque l’on considère les TPE, comme inattendu, perturbant et menaçant les objectifs de l’entreprise (Bundy et al., 2017). Ma problématique est par conséquent la suivante : Existe-t-il des ressorts efficaces pour la résilience des gérants de TPE en temps de covid ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire de définir le lien entre la résilience individuelle, qui ressort de la psychologie et la résilience de l’organisation, en déterminant son degré d’importance en particulier. Il serait également avisé de différencier la résilience passive de la résilience active et de mesurer l’impact de ces deux stratégies en temps de crise majeure. Nous verrons dans une première partie dédiée à la revue de littérature, l’importance de la résilience individuelle de l’entrepreneur, la stratégie de résilience passive qui vise un retour à l’état initial puis la stratégie de résilience active qui induit la recherche constante de nouvelles ressources. Un entretien avec un expert, enseignant chercheur, permettra de sonder de nouvelles réponses à la problématique, ainsi que d’étoffer ce travail. Nous verrons ensuite, à l’appui d’enquêtes de terrain, ce que les gérants de TPE mettent effectivement en place en temps de crise de la covid, et nous confronterons les hypothèses et
  • 12. 12 questions de recherches induites par les lectures académiques sur le terrain. Des entretiens avec des entrepreneurs, dont la taille de l’activité les inclue dans la catégorie des TPE seront menés afin de trouver des réponses à la problématique. Enfin, comme c’est l’usage dans ce type de mémoire, nous verrons deux préconisations à présenter aux TPE pour leur résilience en temps de crise. Ces préconisations, qui n’ont pas vocation à établir une liste exhaustive des actions à mener, seront au mieux chiffrées et personnalisées, étant donné la complexité de la question et la pluralité des activités. Enfin, ma conclusion permettra de revenir sur tout ce travail, j’y exposerai les résultats brièvement en veillant à souligner les limites de ceux-ci et les pistes de recherches supplémentaires qu’elles soulèvent.
  • 13. 13 I. REVUE DE LA LITTÉRATURE
  • 14. 14 A. RESILIENCE INDIVIDUELLE ET RESILIENCE ORGANISATIONNELLE La création d’entreprise, particulièrement en période d’incertitude qui semble la règle et non l’exception, est un choix particulièrement risqué, comme le montre la figure I.1. Ainsi, en France pour 100 entreprises, tous secteurs confondus, créées en 2010, 70 seulement ont survécu au moins pour les 3 années qui ont suivies (Pérennité des entreprises créées en 2014 selon l’activité | Insee, s. d.). Si le nombre de défaillances d’entreprises est historiquement bas en 2020, et ce depuis 1991, les nombreuses mesures dont bénéficient les entreprises en France ne doivent pas nous duper sur la réalité économique de la crise, qui réduit parfois à néant la rentabilité de certaines entreprises quand elle ne génère pas des pertes, en particulier pour les TPE. Le rôle de la personne physique (gérant, président ou force de vente) dans la résilience de la personne morale (la TPE) est pour certains auteurs de revues académiques primordial. Je verrai ici que cette résilience est fondée sur les capacités cognitives et comportementales du gérant de TPE, issues d’un processus facilité par cinq facteurs, ainsi qu’au moyen des éléments contextuels. Fig I.1 : Pérennité des entreprises créées en 2014 selon l'activité (INSEE https://www.insee.fr/fr/statistiques/2015357)
  • 15. 15 1. Capacités cognitives et caractéristiques comportementales Les capacités cognitives donnent de l’interprétation et du sens aux évènements inédits, les caractéristiques comportementales désignent la capacité à trouver des solutions inédites aux situations également inédites. Jusqu’au milieu du 19ème siècle, la communauté scientifique Européenne était persuadée que l’ensemble des Cygnes étaient blancs. La découverte de Cygnes Noirs en Nouvelle-Zélande à cette époque a ébranlé le monde de l’ornithologie et le monde scientifique dans son ensemble dans ses certitudes. Le concept du Cygne Noir (Taleb, 2010) est utilisé pour illustrer ces évènements particulièrement rares, difficiles voire impossibles à prévoir. Le cerveau humain est pourtant fait de telle sorte qu’il cherche toujours du sens et une explication à ces évènements, ce qui engage un processus d’apprentissage. Ce processus a des limites quand il s’agit de gérer une entreprise : on peut apprendre du passé à condition que le présent ne soit pas trop différent de celui-ci, ce qui n’est pas vraiment le cas quand on s’intéresse aux Cygnes Noirs, ce qui est à priori le cas de la covid. TALEB recommande, dans un monde où les prévisions ne sont pas assez fiables pour prévenir des crises comme celle de la covid, de minimiser ces Cygnes Noirs. L’objectif est de réduire l’impact de ces crises et de s’appuyer sur elles pour se redéfinir et se transformer. Dans son modèle, il préconise de dépasser le modèle de Résilience tel qu’il est défini dans la littérature académique, cela en définissant trois types d’individus, explicités dans le tableau I.1 : les fragiles, les résilients et les anti-fragiles. Le fragile redoute les événement imprévus, qu’il tente d’éliminer en réduisant les risques et la variabilité. Le résilient lui ne redoute pas l’imprévu. TALEB le compare au Phoenix, oiseau fabuleux originaire d’Éthiopie et associé au culte du Soleil, qui comme ce dernier renait de ses cendres. Après une crise telle que la covid, un tel individu parviendra à un retour à l’état initial pour son activité. L’anti-fragile se développe et se renforce au sein même du chaos, tirant profit de l’imprévu et des incertitudes pour dépasser le simple retour à l’état initial. TALEB le compare à l’Hydre, créature de la mythologie grecque, à qui deux têtes repoussent pour chaque tête coupée. Cette anti-fragilité est préférable à la rigidité et la solidité apparente, certains auteurs expliquent par ailleurs que la solidité peut être à l’origine des phénomènes de Cygnes Noirs puisqu’elle refuse l’incertitude (Aven, 2015).
  • 16. 16 Tableau I.1 : Antifragilité et Résilience (FRIMOUSSE Soufyane et GAILLARD Hugo, 2020) Pour atteindre cette anti-fragilité à l’échelle d’une TPE ou d’une organisation plus conséquente, le changement de paradigme est nécessaire. Ainsi ce changement de posture passe par la réduction voire la suppression de la dépendance individuelle aux prévisions, en prenant de la distance avec le passé et en adoptant une posture d’humilité (Frimousse & Gaillard, 2020). L’entrepreneur doit également sortir de la prétendue expertise, qu’elle soit due à un parcours académique ou à l’expérience, en étant prêt et prompt à rechercher des compétences transversales et nouvelles. L’expert est celui qui perd le plus en temps de crise, puisque le modèle dans lequel il excelle est dépassé. Il doit également s’inspirer des Serial learner, capables d’apprendre rapidement et de réagir de même, et des Rebels talents, capables de contourner les règles en temps de crise et de puiser dans des solutions innovantes. Enfin, il doit accepter de commettre des erreurs, s’assurant une certaine sécurité psychologique et une force mentale. 2. Processus de résilience individuel Les caractéristiques comportementales et les capacités cognitives sont, selon les auteurs du sujet, issues d’un processus facilité par cinq facteurs importants(Bernard & Barbosa, 2016) : - Les tuteurs de résilience sont tout d’abord des personnes apportant un soutien social et émotionnel. Ce facteur souligne l’importance des relations sociales et de la solidarité face aux crises majeures, la covid en faisant indubitablement partie. - L’engagement dans l’action : le gérant de TPE trouve son intérêt dans un engagement qui alimente la reconstruction de son système émotionnel et psychique. Il travaille à la
  • 17. 17 création et à la participation d’initiatives communautaires, par exemple au sein d’une ville. Il doit se sentir appartenir à une communauté (commerçants, habitants etc.) - Les victoires intermédiaires : les petites victoires au sein du tumulte de la crise permettent au gérant de tenir. Il doit les reconnaitre et ne pas se concentrer uniquement sur le point d’arrivée, qui peut tarder à venir comme on le constate dans la crise de la covid. L’ouverture des terrasses, le semi-déconfinement : le gérant de TPE doit être capable de sa raccrocher à ces petites avancées pour ne pas jeter l’éponge. - Travailler l’auto-estime : dans le processus de résilience individuelle, travailler l’auto estime est primordial. La démystification de l’échec rend l’individu plus apte à rebondir après la crise - La quête de sens : ce facteur est fortement sollicité en temps de crise. Les valeurs sont souvent remises en question, leur inadéquation avec la situation professionnelle de l’individu est mise en lumière. L’individu résilient capitalisera au cœur de la crise sur son avenir professionnel en bâtissant un projet entrepreneurial porteur de sens. D’autres récents articles, publiés pendant la pandémie de covid, invitent les individus à identifier les sources de résilience qui leur sont propres. La figure I.2 montre que la covid, qui remet en cause l’individualisme comme source de résilience, poussent les individus à considérer comme source de résilience l’empathie, la vision, le but et la quête de sens, la motivation, la représentation politique, l’humour ou encore la prise de perspective (Cross et al., 2021). Fig I.2 : Les sources de résilience individuelle (CROSS rob, DILLON Karen, GREENBERG Danna ; 2021)
  • 18. 18 Ce concept d’un processus construisant, ou non, la résilience voire l’anti-fragilité de l’individu considéré met à mal l’idée du caractère à priori inné des capacités cognitives. 3. Éléments contextuels Les éléments contextuels sont eux liés aux relations des gérants de TPE qui leur donneront accès rapidement à des ressources leur permettant de faire face aux chocs : on parle d’écosystème entrepreneurial (Cloutier et al., 2014). En effet, si les capacités cognitives et les caractéristiques comportementales jouent un rôle important dans la résilience individuelle, et donc in fine dans la résilience de l’activité de la TPE, la résilience entrepreneuriale s’appuie sur six domaines de l’écosystème entrepreneurial, qui sont (Aybar Jimenez, 2020) : - Le domaine politique, à savoir l’action et les décisions des institutions publiques, dont nous pouvons que constater l’impact en temps de covid ; - Le domaine financier, qui favorise l’accès à de nouvelles ressources financières afin de développer ou pérenniser l’activité via une meilleure gestion du fonds de roulement et de la trésorerie ; - Le domaine culturel, via l’insertion sociale du gérant dans un réseau d’entrepreneurs qui favorisera le partage d’informations et d’expériences ; - Le domaine de soutiens, à savoir l’accès aux informations sur les soutiens publics, la formation des entrepreneurs à la gestion ; - Le domaine du capital humain, autrement dit la capacité du gérant à recruter et à gérer les compétences humaines ; - Le domaine des marchés, ou la capacité à l’identification des besoins du marché ainsi que la communication sur les entreprises locales afin d’augmenter leur visibilité. Ces éléments contextuels, lorsqu’ils sont présents à propos, constituent un terreau à l’anti- fragilité des gérants de TPE. Dans le cadre d’une étude, visant à mesurer à la fois l’importance de chacun des domaines cités et leur faisabilité, des entretiens individuels ont été menés avec un panel de dirigeants politiques, élus locaux, institutions financières et autres accompagnants concernés.
  • 19. 19 Fig I.3 : Importance et faisabilité des mesures d'accompagnement des TPE en France, (CLOUTIER Martin, CUEILLE Sandrine et RECASENS Gilles ; 2014) Sur la figure I.3 ressort à gauche un dispositif rêvé, où l’importance pour le panel du réseaux (culture) de l’accompagnement en termes d’analyse économique (marché) et de l’accompagnement en termes de ressources financières sont valorisés. Dans la pratique, soit à droite, cette étude fait ressortir la réalité. Les entrepreneurs, gérants de TPE, accusent un manque d’accompagnement pour leur étude de marché, pourtant primordial pour la pérennité de leur activité. En effet, l’entrepreneur est par habitude décrit comme un super-héros d’une aventure parsemée d’échecs, de rebonds et de résilience (Bornard et al., 2018). Cette vision, empreinte des valeurs libérales qui placent sur un piédestal l’individu et l’individualisme, occulte le rôle de l’environnement, du contexte et de toutes ces interactions au cours de la vie de l’entreprise. Au- delà des simples qualités intrinsèques et propres au gérant de TPE, sa résilience est donc tributaire et s’exprime dans un contexte qu’il ne faut pas négliger.
  • 20. 20 B. RESILIENCE PASSIVE L’approche passive de la résilience, désignée parfois comme la résilience adaptative, vise pour l’entrepreneur à absorber un choc sans induire de changement profond dans la gestion de son entreprise. Cette vision est proche de la définition de la résilience en physique puisqu’elle vise le retour à l’état initial. Les Hommes et les organisations cherchent de plus en plus aujourd’hui à prévenir et à anticiper les crises. Ce déplacement de la gestion de crise en amont même de celle-ci s’explique par la difficulté à la gérer lorsqu’elle est manifeste. Les crises ne cessent en effet de se diversifier dans leur nature, et de nombreux auteurs constatent une augmentation de leur nombre. Ce constat peut néanmoins être assimilé à un sentiment général lié à la surexposition médiatique. L’Institute for Crisis Management, mené par le professeur Erika James de la Darden School of Business, recense depuis 20 ans les crises sur la base de 1500 entreprises réparties dans le monde entier. Selon l’Institut, le dénombrement des crises n’évolue que très peu d’années en années. Ainsi entre 2018 et 2019, l’institut enregistre une diminution de 4%, ce qui est peu significatif. Et pourtant, les crises générées et amplifiées par la surexposition médiatique ont augmenté de près de 80% depuis 2007 (Professional Crisis Management & Communication Services - ICM, s. d.). La figure I.4 montre par ailleurs la diversité et la répartition du type de crises dont sont soumises les entreprises en 2020. Fig I.4: Catégorisation de crises en 2019 (ICM ANNUAL REPORT ; 2020
  • 21. 21 On distingue par conséquent trois phases dans la gestion de la crise (Portal & Roux-Dufort, 2013). La phase de prévention consiste en la mise en œuvre d’actions visant à la gestion des crises potentielles. La phase de réaction désigne l’ensemble des réponses opérationnelles apportées pour résorber le choc. Ces deux premières phases sont par ailleurs le socle du Plan de Continuité d’Activité, que je présenterai plus loin. Enfin, la phase d’apprentissage vient après la crise et consiste en un bilan pendant lequel l’entrepreneur prend conscience de ses défaillances et applique des changements pour les supprimer. 1. La phase de prévention La phase de prévention de la crise se découpe en deux activités distinctes (Roux-Dufort, 2015). La première s’appuie sur l’élaboration de scénarios de crises redoutés, l’identification des mesures déjà en place qui réduisent les risques liés ainsi que les mesures supplémentaires envisageables si les premières ne suffisent pas. Ces scénarios servent alors de socle à la mise en place d’une activité supplémentaire, la veille et l’anticipation des crises. Cette activité se base sur la captation dite de signaux faibles, potentiellement annonciateurs de crise dans le secteur d’activité concerné. Ce dernier point est particulièrement primordial, du fait que la définition donnée à la crise est tout à fait subjective et est liée au métier même de l’entreprise considérée. L’entreprise, dans cette seconde activité, diagnostique la présence des signaux faibles et procédera soit à l’élimination rapide du risque si cela est possible, soit à la réorganisations de ses activités via des procédures extraordinaires (Boubakary, 2020). Les résultats de cette première phase, l’identification des symptômes de la crise, permettront de mieux préparer la seconde phase. 2. La phase de réaction La phase de réaction intervient pendant la crise elle-même. Elle passe selon certains auteurs par la gestion des ressources. Ainsi, selon Pfeffer et Salancik les organisations qui survivent aux difficultés avec succès sont celles qui utilisent à temps les ressources indispensables à leur survie. Les crises n’étant pas toujours identiques, il est néanmoins primordial d’en connaitre les causes pour choisir le bon remède.
  • 22. 22 La première étape de cette phase vise à sélectionner les procédures visant à éliminer les conséquences de la crise, en distinguant au préalable les crises de courte et de longue durée. Lorsque le choc est de courte durée et donc peu critique, elle ne nécessite pas l’engagement d’une quantité de ressources et de moyens conséquents. À l’inverse, un choc qui s’avère et qui est perçu comme potentiellement long mérite une planification à plus long terme (Bundy et al., 2017). La phase de réaction se caractérise en temps de covid par les nombreuses mesures de soutien, que ce soit par la dette, les transferts directs ou encore le chômage partiel. On peut citer parmi ces mesures le PGE (Prêt Garanti par l’État), dont 50Md€ ont profité aux TPE, soit 21% de leur valeur ajoutée d’avant crise, le report des remboursements de crédits bancaires, pour entre 20 à 25 Md€ entre mars et septembre 2020, le Fonds de solidarité, 9Md€ versés aux TPE, les aides aux artisans/commerçants, 1Md€, le chômage partiel ou encore les exonérations et reports de certaines charges. Le recours au PGE est à relativiser puisqu’il n’est pas entièrement utilisé pour 87% des professionnels en 2020. L’efficacité de ces mesures d’urgence est en apparence incontestable, en témoigne le paradoxe du nombre historiquement bas de défaillances d’entreprises (jugement d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation) en 2020, le plus bas depuis 1991. Ces chiffres ne reflètent cependant aucunement la réalité économique, ces défaillances devant être deux fois plus élevée selon une simulation (Analyse économique, s. d.) (voir annexe n°2). D’autre mesures accompagnent le nécessaire changement de business model forcé par la crise de la covid. Selon une infographie publiée par SOLOCAL (Click-and-collect local, marketplace et livraison à domicile | solocal.com, s. d.), 61% des entreprises restées ouvertes pendant le confinement ont eu recourt à de nouvelles méthodes et outils de travail, le click and collect en faisant partie (voir annexe n°3). Click and collect signifie littéralement « cliquer et collecter », en d’autres termes commander un article en ligne et le récupérer en un point de vente. 3. Le Plan de Continuité d’Activité (PCA) Les phases de prévention et de réaction sont à l’origine du Plan de Continuité d’Activité (PCA), qui est un exercice managérial dont l’objet est de fixer la stratégie et l’ensemble des actions prévues par une organisation, qui souhaite poursuivre son activité en cas de sinistre ou d’un
  • 23. 23 évènement perturbateur, nuisant particulièrement à son fonctionnement normal (Coursaget & Haas, 2015). Il est à noter que la mise en place d’un PCA ne fait pas l’objet d’une obligation légale, mais est fortement recommandé par le SGDSN (Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale), organisme interministériel placé sous l’autorité du ministre de la Défense. Celui-ci a publié une méthode en 2014, en libre accès sur son site internet (Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, s. d.). Selon cette méthode, la démarche d’élaboration d’un PCA se déroule en 5 étapes principalement, à savoir l’identification des objectifs et activités essentielles, les attentes de sécurité pour tenir les objectifs, l’identification, l’analyse et le traitement des risques qui s’apparente à la première étape de la phase de prévention (PORTAL THIERRY et ROUX-DUFORT, 2013), la définition de la stratégie de continuité en elle-même et pour finir sa mise en œuvre, qui correspond à la phase de réaction. Fig I.5 : La démarche d'élaboration du PCA (COURSAGET Alain et HAAS Laurent ; 2015) La première étape, l’analyse des activités essentielles, est fondamentale pour la suite du plan. L’entrepreneur identifie ses différentes activités sources de chiffre d’affaires, les processus utilisés pour la délivrance de ces offres et les ressources critiques associées.
  • 24. 24 Fig I.6 : Activités et processus (COURSAGET Alain et HAAS Laurent ;2015) Les ressources peuvent être multiples et doivent être identifiées en conséquent par l’entrepreneur (ressources humaines, local commercial, fournisseurs etc.). La deuxième étape consiste à quantifier les conséquences d’une interruption de l’activité considérée, en déterminant d’une part les ressources minimales à conserver pour la bonne tenue de celle-ci, ainsi que la durée maximale d’interruption acceptable. Cela permet notamment de rationaliser les coûts de production en cas de crise. La troisième étape permet au dirigeant ou gérant de TPE d’identifier les différents risques, de les analyser selon un critère de probabilité et de gravité pour finalement évaluer leurs impacts en fonction des enjeux pesant sur l’entreprise. Ainsi en fonction de l’activité, des événements perturbateurs peuvent impacter plus ou moins gravement l’activité d’une TPE-PME. Certains sont endogènes comme un accident du travail, la disparition d’une personne clé, des produits ou services défectueux. D’autres peuvent être exogènes comme une campagne de désinformation, des vols ou encore une pandémie mondiale. Chacun de ces risques doit être identifié et classé selon sa probabilité, son impact et le risque qu’il fait peser à l’intégrité de l’organisation.
  • 25. 25 Tableau I.2 : Matrice de l'évaluation des risques (COURSAGET Alain et HAAS Laurent ; 2015) La quatrième étape consiste à retenir les scénarios dont la probabilité est la plus forte. En effet, si les étapes précédentes permettent à l’entrepreneur d’identifier tous les risques potentiels afin de mettre en place des mesures adéquates pour les réduire voire les supprimer, il reste des risques résiduels qui pourraient entrainer un arrêt d’activité au-delà du seuil acceptable déjà défini. Ce sont ces risques qui doivent être traités dans le PCA. L’entrepreneur identifie pour chaque risque des ressources supplémentaires non susceptibles d’être affectées par le sinistre ou des ressources externes pouvant être mobilisées dans des délais suffisamment courts. Ainsi la pandémie du covid rentre dans cette définition du risque résiduel. La cinquième étape consiste en la mise en œuvre à proprement parler du PCA. Cette étape doit permettre de s’assurer de la disponibilité des ressources et de la bonne compréhension des procédures. 4. La phase d’apprentissage La phase d’apprentissage intervient après la crise, bien qu’elle puisse intervenir au cours de celle-ci lorsqu’elle s’avère particulièrement longue comme celle de la covid, et consiste donc en un bilan post-crise qui doit permettre à l’organisation ou l’entrepreneur à prendre conscience de ses faiblesses et lacunes pour y remédier. La crise est en effet l’occasion de découvrir ce qui était jusqu’à lors caché ou négligé. Les auteurs de recherches académiques considèrent que l’apprentissage consécutif à la crise commence après la mise en place des réponses d’urgence, visant à résorber le choc (Altintas &
  • 26. 26 Royer, 2009). Dans la pratique, il semble chevaucher la précédente étape, et se définit comme étant le moment privilégié de l’apprentissage et de l’adaptation des organisations. Cet apprentissage permettrait de réduire l’impact des crises à venir en corrigeant les défauts mis à jour. Bien qu’importante, cette phase est difficile à mettre en place, certaines organisations ne tirant souvent aucun enseignement de la crise qu’elles ont surmonté. Des freins à l’apprentissage induisent des rationalisations erronées et sont nombreux. En temps de crise, les individus ayant souffert, on peut penser ici à l’impact psychologique de la crise sur les gérants de TPE, ont tendance à oublier les événements traumatisants. De plus leurs croyances, valeurs, ainsi que leur rigidité réduisent la lecture des évènements. Un processus de normalisation de la crise peut conduire le gérant de TPE à se délester de ses responsabilités en désignant un bouc émissaire plutôt que des explications rationnelles. Les études portant sur l’efficacité de l’apprentissage post-crise sont rares. Cependant, certaines études montrent que les entreprises spécialisées dans l’organisation de voyages se sont adaptées aux crises qui ont profondément modifié la façon de voyager. Ainsi, GULSUN ALITINTAS et ISABELLE ROYER proposent dans leur article une étude de cas visant à évaluer la réponse d’une organisation à deux turbulences traversées. Les attentats du 11 septembre 2001 ont particulièrement touché le secteur du tourisme, en particulier les compagnies fortement dépendantes du marché Nord-Américain. Pour une des entreprises considérées, les chercheurs observent une diminution du chiffre d’affaires de 30%. À la suite de cette turbulence, que l’on pourrait par ailleurs qualifier de Cygne Noir, l’agence de voyage a diminué sa dépendance au marché américain pour se développer notamment en Europe. Par conséquent, lors du deuxième évènement traumatisant en 2004 (Tsunami), l’entreprise ne déplorait pas de baisse de chiffre d’affaires. Les chercheurs concluent que la phase d’apprentissage a été concluante (voir annexe n°4). Cet apprentissage est pourtant limité, lorsque les événements les plus graves sont rares et imprévisibles. Selon certains auteurs, aborder les écosystèmes entrepreneuriaux nécessite d’accepter qu’il serait impossible et même inutile de prédire face à l’incertitude. Expliquer les raisons d’une crise comme celle de la covid à postériori semble simple, à écouter les médias qui nous en parlent depuis bientôt 2 ans, mais en vérité aucun signal faible ne prédit les Cygnes Noirs tel que la covid (Dubard Barbosa, 2018).
  • 27. 27 C. RESILIENCE ACTIVE L’approche active de la résilience, qui est à mettre en parallèle du concept de l’individu anti fragile de TALEB que j’ai évoqué plus haut, se différencie de la résilience passive du fait de sa mise en place et sa finalité. Elle se caractérise en effet par la mise en œuvre d’activités proactives afin d’éviter des situations de crise ou l’effondrement de l’organisation (Altintas, 2020). Cette approche dépasse donc le simple retour à l’état initial en visant le développement de nouvelles sources de profit y compris en temps de turbulences. Elle se rapproche ainsi de la définition que donne TALEB à l’anti-fragilité puisque qu’elle se nourrit des crises pour dépasser la simple résilience. On conjugue dans la littérature académique la résilience active et les capacités dynamiques, que l’on définit comme étant « L’aptitude d’une firme à intégrer, construire et reconfigurer des compétences internes et externes en réponse aux environnements en évolution constante » (Teece et al, 1997, p.156). Il s’agira donc ici de mettre en exergue l’avantage concurrentiel induit par le mécanisme de résilience active et des capacités dynamiques, puis de s’intéresser à la numérisation des TPE qui joue à priori un rôle important dans la crise de la covid. 1. L’approche active des capacités dynamiques Si le concept de la résilience, concept emprunté à la physique puis à la psychologie, permet de comprendre les mécanismes qui confèrent une capacité à surmonter les évènements traumatisants, le concept des capacités dynamiques prend sa source dans l’approche ressources. Ces deux concepts sont également complémentaires dans leurs objectifs respectivement visés, à savoir l’évitement de la crise et l’effondrement de l’entreprise, par le renouvellement constant de l’activité pour la résilience active, et le maintien des avantages concurrentiels pour les capacités dynamiques. Bien que l’origine et les objectifs de ces deux concepts soient différents, tous deux passent par le développement de nouvelles activités. Dans un processus de résilience, les opportunités sont identifiées puis adoptées grâce à la transformation de la base de ressources de l’entreprise. La
  • 28. 28 modification des ressources indique à la fois l’intégration de nouvelles, la reconfiguration de celles existantes voire la suppression de celles qui s’avèrent superflues. En temps de crise, les capacités dynamiques de résilience actives permettent de développer de nouvelles activités lorsque les activités courantes sont impactées. Les capacités dynamiques de résilience sont en général abordées sous ses deux aspects : l’aspect ou l’approche organisationnelle et l’aspect ou l’approche managériale. Dans la première approche, les auteurs soulignent l’importance de l’apprentissage, qu’il soit délibéré ou improvisé. Selon Zollo et Winter (2002), cet apprentissage délibéré se décompose en l’ajout, l’intégration puis la codification des connaissances. L’improvisation induit un grand nombre d’essais et d’erreurs, à l’origine du développement des capacités dynamiques. L’approche managériale met en exergue l’importance du manageur, dans notre cas du gérant de TPE, dans le développement des capacités dynamiques de résilience. Ce fait se rapporte au concept de l’anti-fragilité de TALEB, évoqué dans ma première partie. Les aptitudes psychologiques de ces gérants indiquent que les entrepreneurs suivant leurs émotions sont plus à même à saisir de nouvelles opportunités. 2. Innovation stratégique dans les TPE Lorsque l’on s’intéresse à l’innovation des TPE, le rôle du gérant est primordial. La stratégie d’innovation repose en effet sur la vision et les décisions de l’entrepreneur (Ceccaldi, 2016). Celui-ci doit établir une stratégie pertinente dans le cadre de son activité, en innovant de façon régulière pour se remettre en question et développer son anti-fragilité. Dans le cadre de la TPE, selon certaines lectures académiques, le facteur taille peut jouer en la faveur de la TPE dans sa stratégie d’innovation. Elle bénéficierait de la proximité relationnelle et géographique de ses fournisseurs, clients ou partenaires et de la simplicité de sa structure. La stratégie d’innovation est une construction sur l’expérience, les connaissances, les prédispositions, les émotions, les passions et les facultés cognitives propres à chaque individu. Le gérant de TPE tire alors ses initiatives d’innovation dans son expérience passée et son expérience présente. Il est pro actif dans la construction de réseaux relationnels et implique ses salariés et partenaires. De ses interactions nait l’innovation, à l’appui de l’idéologie et des valeurs choisies par le gérant. L’innovation n’est donc pas un phénomène linéaire, mais une
  • 29. 29 boucle qui suit les agissements du chef d’entreprise, comme le montre le modèle « tourbillonnaire » d’Alkrich, Callon et Latour (1988) (Fig I.7). Fig I.7 : Le cheminement théorique de l'innovation (CECCALDI Valérie ; 2016) L’environnement économique, lorsqu’il est instable, est le plus souvent envisagé négativement. Pourtant, comme certaines revues scientifiques le mettent en exergue, les organisations et donc les TPE résilientes sont capables de maintenir un niveau d’innovation élevé particulièrement en temps de crise. Le comportement des individus au sein des organisations, agiles au point de se sortir de situations inextricables grâce à des décisions contre intuitives, permet aux organisations d’apprendre au cœur des crises (Lengnick-Hall et al., 2011). L’innovation prend en pratique de nombreuses formes selon la TPE considérée. Elle doit par ailleurs prendre en considération l’impact général sur l’activité. La création d’un site vitrine pour un restaurateur peut être aussi bénéfique pour l’image de l’entreprise que néfaste. Selon une étude menée par Sawhney et al. (2006), les innovations au sein du monde de l’entreprise peuvent s’opérer sur 12 dimensions (Aybar Jimenez, 2020): - L’offre, l’innovation la plus classique puisqu’elle se caractérise par la conception et la commercialisation de nouveaux produits et services ; - La plate-forme, par la provision d’une base sur laquelle l’entreprise construit une offre de produits ou services finis. C’est notamment une forme d’innovation présente dans le monde de l’automobile, elle est peu utilisée dans le cadre de l’innovation des TPE ; - Les solutions, apportées aux problèmes que rencontrent les clients afin de leur apporter de la valeur ; - Les clients, en visant la découverte de nouveaux segments de client et en explorant leurs besoins spécifiques ;
  • 30. 30 - L’expérience client, qui vise à exploiter les sens du client pour en faire un allié inconditionnel (notamment en capitalisant sur l’émotion) ; - La valeur capturée, - Les processus, qui visent une innovation intérieure, pas véritablement visible de l’extérieur mais qui induit la rationalisation des processus internes de l’entreprise considérée ; - L’organisation, les fonctions et activités de chaque acteur sont revues et redéfinies (masse salariale et gérant) ; - La logistique, ou la chaine d’approvisionnement ; - La distribution, la création de nouveau canaux en particulier pour répondre aux attentes des différents segments de clientèle, à travers la digitalisation notamment ; - Le networking - La marque, à travers les symboles et la communication en général. 3. Le cas des commerces de proximité face à la covid La covid, en plus des mesures de confinement, a modifié les pratiques commerciales notamment via les gestes barrières et la distanciation sociale. Cette situation inédite et soudaine appelle à l’agilité organisationnelle des acteurs des centres ville, pouvoirs publics, associations de commerçants et bien sûr commerces de proximité. Le commerce de proximité, cas particulier de l’objet de ce mémoire, se caractérise selon Reilly (1931) et Converse (1931) par « la centralité et l’attractivité qui résultent de l’histoire de la ville ou du bourg et de sa capacité à générer des flux entrants et sortants » (Heitz-Spahn & Siadou-Martin, s. d.). La fonction des commerces de proximité s’est ensuite délitée, avec l’apparition des centres commerciaux pour devenir selon Desse (1999) « l’apanage du lèche- vitrine, de la recherche d’information, de l’achat compulsif, de l’achat plaisir comme les cadeaux ». Si le confinement, et l’invention gouvernementale de la notion de ‘commerce non essentiel’, a mis en danger les commerces de proximité, soumis à des charges incompressibles et victimes d’une contraction voire d’une annihilation de l’activité, ce sont les changements de comportement des consommateurs qui font peser une menace à moyen et long terme. Selon les
  • 31. 31 auteurs, dans l’hypothèse où ces changements de comportement se pérennisent, les commerçants doivent s’efforcer de rassurer les consommateurs tout en modifiant et adaptant leurs activités. Ces changements nécessaires de business model doivent tenir compte de la diversité et l’hétérogénéité des risques qui pèsent sur les différentes activités de ces commerçants, en fonction du type de produits ou services proposés à la vente, de l’objectif de l’interaction commerciale et de l’interaction physique nécessaire avec le client (Téboul, 1999) : - Type de produits proposés à la vente : la vente de bijoux versus les fleurs. Il est possible de vendre ces dernières en respectant la distanciation sociale et en limitant les contacts avec le produit, pour la vente de bijoux cela est factuellement plus difficile. Le commerçant devra donc ré-imaginer le parcours client en y intégrant du digital par exemple ; - L’objectif de l’interaction sociale : la vente versus la distribution. Lorsqu’un client se présente dans une librairie pour acheter un classique de la littérature en particulier pour son enfant au collège, le commerçant ne fait qu’une étape de distribution où les interactions sont limitées. Lorsque qu’un client rentre dans une librairie pour feuilleter et lire les quatrièmes de couvertures, le libraire aura plus de mal à appliquer les gestes barrières ; - L’interaction physique nécessaire : monde physique et monde virtuel. Un salon de massage et un cabinet d’esthétique impliquent une proximité physique, qu’il faut considérer. Un commerce qui a su et qui peut se développer en ligne limite au minimum l’interaction physique puisque le client se déplace pour récupérer son colis, lorsqu’il ne le reçoit pas directement chez lui.
  • 32. 32 Fig II.8 : Hétérogénéité des acteurs (TEBOUL ; 1999) Comme nous l’avons vu dans la partie sur la résilience passive, l’environnement conditionne grandement la réussite des TPE dans leur stratégie de résilience. C’est aussi le cas quand il s’agit de s’adapter et d’innover face à la crise. En effet, les recherches en marketing montrent que le dynamisme du commerce, son agilité, repose sur trois facteurs : - Le foncier : par exemple via l’aménagement des impôts fonciers, comme demandé par la Fédération nationales des centres-villes Vitrine de France - L’urbanisme : par la modification des règles de stationnement par exemple - Le cadre de vie. Selon Heitz-Spahn et al., la proximité relationnelle qui lie les commerçants et les clients, ainsi que la qualité des liens sociaux qu’ils entretiennent, devraient amortir partiellement les effets de la crise. 4. L’enjeu de la digitalisation o La covid et fracture numérique Selon certains auteurs, la covid a amplifié les inégalités sociales liées aux inégalités du numérique (Lucas, 2020). L’expression fracture numérique, née dans les années 1990, désignait il y a peu le fossé qui s’est propagé dans les pays développés entre ceux qui ont accès et ceux qui n’ont pas accès aux réseaux. Aujourd’hui, la fracture numérique vise à décrire « les inégalités d’accès aux réseaux, aux équipements, les différences de pratiques ou encore de savoir-faire numériques entre des utilisateurs » (Proulx, 2019).
  • 33. 33 Selon les recherches sur le sujet, on peut distinguer plusieurs niveaux dans la fracture numérique, qui touche les gérants de petites structures. Le premier niveau concerne l’accès en tant que tel, qui fait appel à la définition traditionnelle du concept. Le second s’intéresse aux différences d’usages que les individus ont des technologies numériques. L’accès technique peut être assuré sans que l’accès effectif soit établi, sans que l’utilisation soit comprise. Ainsi, certains gérants de TPE ont moins d’appétences que d’autres, ce qui peut les exclure. L’illectronisme, mot valise intégrant les mots illettrisme et électronique, désigne l’absence de connaissances de base nécessaires à l’utilisation des outils informatiques. Il touche 16,5% à 20% de la population française (Une personne sur six n’utilise pas Internet, plus d’un usager sur trois manque de compétences numériques de base - Insee Première - 1780, s. d.) o La faible digitalisation des TPE Les outils numériques font l’objet d’une fracture conséquente entre les TPE, peu équipées, et les grandes entreprises (Huet & Darène, 2016). En effet, bien que le e-commerce affiche une forte croissance déjà visible en 2017, seule 1 TPE sur 8 vend en ligne pour 7 consommateurs sur 10 se rendant sur internet pour effectuer ses achats. Selon une étude publiée par l’Ifop et commandé par Mastercard/Oxygen en janvier 2021, le confinement a accéléré le projet de digitalisation de 15% des TPE. Cependant, la numérisation est considérée comme n’étant pas nécessaire pour 51% des gérant de TPE interrogés (Fig I.9), et moins du quart des répondants voit dans le digital une opportunité commerciale (Les dirigeants de très petites entreprises de 1 à 9 salariés et la digitalisation de leur entreprise dans le contexte de crise sanitaire, s. d.). Fig I.9 : les raisons données par les gérants de TPE quant à leur faible digitalisation (Ifop ; 2021) Pourtant, les gérants de TPE voient en majorité le digital comme un moyen d’accroitre la notoriété de l’activité et un passage obligé, selon la même étude. L’importance du digital dans
  • 34. 34 le monde de l’entreprise est en effet souligné par les lectures académiques (voir annexe n°5). De fait de nombreuses études soulignent l’accélération de la digitalisation des entreprises engendrée par la covid. Le cas des petites entreprises, qui correspondent à elles seules aux 2/3 des structures en France n’est que très peu abordé. Certains équipements sont répandus au sein des TPE, comme les logiciels de gestion, de comptabilité ou de RH chez 65% d’entre elles, de sites vitrines pour 61% ou encore de pages professionnelles et de réseaux sociaux pour 60%. Les très petites structures sont encore 66% à ne pas disposer de site internet de e-commerce et 33% ne sont pas équipées de site vitrine. On peut encore constater l’importance du facteur taille lorsqu’il s’agit de l’équipement digital.
  • 35. 35 D. ENTRETIEN EXPERT 1. Choix et contact de l’enseignant chercheur Monsieur Soufyane FRIMOUSSE, maître de conférence, habilité à diriger des recherches en science de gestion à Université de Corse (IAE de Corse), m’a accordé un entretien dans le cadre de ce mémoire. Il est également chercheur associé à Essec Business School Paris, intervenant Essec Executive CNIT Paris et rédacteur en chef adjoint de la revue Questions de Management. Ses domaines d’expertises sont le leadership et la mobilisation des équipes, l’accompagnement à la transformation et l’innovation (voir cv, annexe n° 6) J’ai obtenu son email suite à la lecture d’un article dont il est le co-auteur (Frimousse & Gaillard, 2020), dans le lequel il évoque le concept du Cygne Noir de TALEB, que j’ai explicité plus haut. Dans mon mail, je lui présente le thème et les enjeux de ce mémoire de recherche, ainsi que mes premières lectures académiques. Il accepte un entretien de 20 minutes, par téléphone le jour même, je ne dispose alors de quelques heures pour le préparer (voir annexe n°7). 2. Méthodologie de l’entretien Le temps imparti étant particulièrement court, j’ai élaboré un guide d’entretien semi directif, en m’appuyant sur trois thèmes (voir annexe n°8) La résilience active, ou l’anti-fragilité des gérants de TPE, a été abordé en premier, thème sur lequel mon interlocuteur a mené ses recherches. Le second thème abordé est la résilience passive des gérants de TPE ou l’individu résilient, où j’aborde la question des aides et mesures étatiques visant un retour à la normale après la crise. Enfin, j’ai souhaité aborder un troisième thème que je n’aborde pas de cette façon dans ma revue de littérature, à savoir les considérations culturelles et contextuelles dans la capacité à être anti-fragile. En effet, lors de la préparation de l’entretien, j’ai appris que mon interlocuteur a une dimension méditerranéenne et Africaine du fait de ses sujets de recherche.
  • 36. 36 3. Transcription par thème 3.1 La résilience active ou l’anti-fragilité des gérants de TPE A l’appui de mes lectures académiques concernant la résilience active, et donc de l’anti-fragilité de TALEB que cite monsieur FRIMOUSSE dans son article, j’ai souhaité obtenir de mon interlocuteur des préconisations à fournir aux gérants de TPE (voir retranscription annexe 9). Selon Soufyane FRIMOUSSE, ma question des préconisations concernant les gérants de TPE- PME, le facteur taille est primordial. Ces petites entreprises n’ont généralement pas les moyens financiers pour obtenir les outils, méthodes et instruments pour une gestion efficace et complète de la crise. Sans négliger le diagnostic économique, limité donc par les faibles moyens des TPE-PME, il est nécessaire de procéder à une évaluation de la santé mentale du gérant. La crise, foudroyante, a engendré une perte de repères. Il serait par conséquent mal avisé de négliger cet aspect psychologique, tant il est nécessaire de redonner confiance aux entrepreneurs. Toujours dans cette optique de résilience active, qui consiste à la recherche constante de ressources et solutions innovantes, j’ai souhaité connaitre l’avis de mon interlocuteur sur le digital comme une solution de créations d’opportunités commerciales. Selon M FRIMOUSSE, le numérique peut être une solution sous certaines conditions. En France, il observe une fracture numérique importante dans le parc de TPE-PME. Il constate également que dans des structures et des organisations plus conséquentes, le numérique n’est pas maitrisé. Il faut donc mettre en place des solutions d’accompagnement, afin que personne ne soit exclu. Cependant toutes les activités ne se prêtent pas au numérique. Selon Monsieur FRIMOUSSE, présenter le digital comme la solution par excellence est une erreur voire un mensonge. 3.2 La résilience passive des gérants de TPE ou l’individu résilient J’ai souhaité évoquer les aides de l’État qui, selon les termes de mon interlocuteur, relèvent des « mesures pansements ». Selon mes lectures académiques, cette stratégie relève de la résilience passive, ou comme TALEB le défini, relève de l’individu résilient et non de l’individu anti- fragile.
  • 37. 37 Selon monsieur FRIMOUSSE, les aides extérieures comme celles de l’État placent les petites entreprises sous assistance. Cependant, cette intervention étatique n’est pas vue comme étant fondamentalement négative, puisque que selon le directeur de recherche l’État doit être présent, être responsable et garant. Se posera la question du règlement de la facture post-covid. Sur la question des partenaires, à savoir les Banques, l’État, les collectivités locales, et les autres partenaires privés ou publics, et de l’importance de bien s’entourer lorsque l’on travaille à sa résilience passive, monsieur FRIMOUSSE parle de dispositif rêvé. La réalité financière des TPE empêche ces dernières de bien s’entourer et de bien s’équiper. Lorsque l’on s’intéresse à la gestion de crise, la question des leçons tirées des crises passées est à considérer avec prudence selon monsieur FRIMOUSSE. Selon lui, les expertises sont toujours éclairantes. Cependant, reprenant le concept du Cygne Noir de TALEB, face à des phénomènes nouveaux et inattendus, un regard neuf est nécessaire. L’expert par définition est un individu qui a fait ses preuves dans un contexte donné. Pour mon interlocuteur, la crise de la covid n’est pas réellement une crise mais un Cygne Noir. Un évènement majeur qui transforme le monde. Les stratégies de résilience passive sont alors inefficaces. 3.3 Considérations culturelles dans la résilience individuelle Prenant note de l’avis de Monsieur FRIMOUSSE sur la difficulté des gérants de TPE et des structures plus importantes à innover en temps de covid, j’ai souhaité l’interpeler sur la base de son ouvrage sur l’Afrique, qui serait le laboratoire du monde de demain. Selon lui, il n’y a pas de considérations culturelles à tirer de son ouvrage. Le contexte et l’environnement sont eux déterminants dans la résilience individuelle des gérants de TPE. L’Afrique et l’Asie vivent dans des contextes d’incertitude constante. Les habitants de ces continents ont donc une propension à l’innovation plus importante qu’en Europe, dû au manque de structures étatiques résilientes, à un tissu industriel manquant d’efficience et de régularité. Le contexte en Europe et en particulier en France n’est donc pas à même de susciter de l’anti- fragilité chez nos gérants de TPE, pas assez habitués à l’incertitude. Les aides de l’État, que le
  • 38. 38 directeur de recherche ne regrette pas bien au contraire, installent un contexte peu propice à l’innovation. Dans ces conditions, selon lui, seuls les gérants de TPE dotées d’une trésorerie suffisante et d’une appétence au digital pourront survivre à la crise. 4. Conclusion Monsieur FRIMOUSSE a, durant l’entretien, souligné à plusieurs reprises le facteur taille lorsque l’on s’intéresse aux TPE, et leur faible capacité d’autofinancement. L’objectif du gérant de TPE n’est pas la quête du profit mais bien de pérenniser son activité : il s’agit pour l’expert d’une question de survie. Cependant il reconnait que l’anti-fragilité et donc la capacité de ces entrepreneurs à s’adapter, à digitaliser leurs activités lorsque cela est possible et à se réinventer va conditionner leur survie post-covid.
  • 39. 39 E. CONCLUSION DE LA REVUE DE LITTÉRATURE Cette revue de littérature a permis de mettre en exergue les stratégies de résilience présentées dans les revues académiques. Si l’on considère la covid comme une crise, selon la définition que lui donne en miroir TALEB lorsqu’il définit le phénomène de Cygne Noir, la stratégie de résilience passive semble suffisante. Cette stratégie, visant le retour à la normale, est largement utilisée en France notamment via l’intervention de l’État qui se révèle de plus en plus providentiel. Cependant, si l’on considère la covid comme un Cygne Noir, c’est-à-dire un événement qui basculera le monde dans un nouveau paradigme, la stratégie qui vise un simple retour à l’état initial est contre indiquée. En effet, la stratégie de résilience active, à l’appui des capacités dynamiques et de gérants de TPE anti-fragiles, permettrait non seulement de pérenniser l’activité de ces petites entreprises, mais également leur permettre de tirer un avantage concurrentiel au sortir de la crise. Il existe à ce jour très peu d’études quant à l’innovation des TPE, qui ne peut être envisagée comme l’innovation des plus grandes entreprises du fait de leur taille et de la faiblesse de leurs fonds propres, en particulier dans les secteurs les moins dotés comme l’hébergement restauration ainsi que les services aux particuliers. Si le numérique est considéré comme primordial dans la stratégie de résilience des TPE, ces dernières sont plutôt démunies. Nous avons vu que la résilience individuelle doit puiser sa force dans les éléments contextuels, à savoir les partenaires de l’activité. En plus du facteur taille, les éléments contextuels, et notamment le contexte politique et économique, aurait tendance à réduire l’anti-fragilité des gérants de TPE. Nous avons vu avec Monsieur FRIMOUSSE que le contexte incertain dans des régions du monde, l’Afrique et l’Asie en particulier, poussait les individus et les gérants de petites entreprises à plus d’agilité et d’innovation. Au-delà des aides visant à assumer les charges d’exploitations des TPE en perte d’activités, il est nécessaire pour leur survie de les accompagner dans leur transformation digitale.
  • 40. 40 Il apparait donc que la survie des 2/3 des entreprises françaises que constituent les TPE suite à la crise de la covid est en question. Il est primordial que les gérants de TPE tirent profit de la crise via l’innovation quand le retour à la normal semble compromis. En définitive, ma revue de littérature me permet de consolider ma problématique de départ, qui posait la question des ressorts de la résilience des TPE en temps de crise de la covid. Ma problématique, qui précise la première à la lumière de ma revue de littérature, est donc la suivante : Quelles stratégies de résiliences sont mises en place par les gérants de TPE et pour quels effets ? L’enquête terrain qui va maintenant suivre va nous permettre d’aboutir sur des pistes en déclinant la problématique en question de recherches et hypothèse de recherches. Une première enquête qualitative, consistant en 15 entretiens semi directifs dans des conditions que j’expliciterai, permettra de répondre à la question de recherche suivante : QR 1 : Quels facteurs influent le choix stratégique de résilience des gérants de TPE en temps de crise de la covid ? Je continuerai avec une enquête quantitative, cette fois mineure qui s’intéressera à une question de recherche plus spécifique, à savoir la suivante : QR 2 : Quelles sont les caractéristiques de l’entrepreneur anti-fragile ? La construction du questionnaire destinés à 100 entrepreneurs de TPE et son analyse sera par ailleurs fondée sur deux hypothèses de recherches, que j’expliquerai plus loin en détail : Hypothèse 1 : Les entrepreneurs les plus jeunes démontrent plus d’agilité que leurs ainés dans les secteurs les plus touchés par la crise. Hypothèse 2 : Les entrepreneurs démontrant plus d’agilité ne croient pas au retour à l’état initial
  • 42. 42 A. INTRODUCTION Les lectures académiques ont permis de fixer un cadre à l’étude des stratégies de résilience en temps de crise et en particulier de covid. Il s’agira dans cette nouvelle partie d’observer le terrain, de tirer des conclusions et des préconisations. Je m’emploierai donc à détailler la méthode utilisée pour collecter les informations et les analyser. Mon enquête s’est portée en particulier sur des gérants de TPE et petites PME, à l’aide d’entretiens semi-directifs et d’un questionnaire tous deux rendus anonymes. L’objectif de l’étude et d’observer et de mesurer l’impact des stratégies de résiliences adoptées par les gérants de TPE. Pour mon sujet, à l’appui de ma formation de conseiller de clientèle professionnel à la Banque Populaire Rives de Paris, j’ai pu mener des entretiens individuels avec de nombreux gérants de TPE. J’ai retenu 15 entretiens, sur des activités diverses et dont l’impact de la covid a été différent. Pour chacun de ces clients, j’ai du fait de mon travail accès aux écritures comptables, ce qui me permet de mesurer l’impact économique et financier de la covid et des décisions des gérants de TPE. Par ailleurs, pour des raisons de confidentialité, toutes les données issues de ces entretiens sont rendues anonymes. Ces données ont été collectées par prise de note. J’ai donc réalisé une enquête qualitative majeure, afin d’explorer l’attitude des gérants de TPE, les catégoriser dans la typologie de TALEB évoquée dans la première partie de ma revue de littérature, analysé leur stratégie et mesuré l’impact économique. J’ai ensuite diffusé un questionnaire à l’intention des entrepreneurs, pour compléter mes recherches par une enquête quantitative mineure.
  • 43. 43 B. ENQUÊTE QUALITATIVE MAJEURE 1. Cadrage théorique et thèmes de recherche Ma revue de littérature a nettement mis en lumière deux démarches de résilience au sein des TPE en temps de crise. La résilience passive, qui vise un retour à l’initial, n’induit pas de changement profond dans l’activité de l’entreprise, elle implique simplement une pause tout en alimentant les postes comptables nécessaires à la survie de l’entreprise. La résilience active s’inscrit dans une logique d’innovation constante, qui se nourrit en particulier en temps de crise, et qui vise donc à tirer profit des crises pour dégager un avantage concurrentiel. La première approche est celle des individus résilients, voire fragiles, la seconde est celle des individus anti-fragiles selon la définition donnée par TALEB. Question de recherche : Quels facteurs influent le choix stratégique de résilience des gérants de TPE en temps de crise de la covid ? Le premier thème de ces entretiens fait donc appel à l’aspect psychologique de la résilience, qui a été mis en exergue dans la revue de littérature et notamment lors de l’entretien expert. Je souhaite connaitre d’une part le sentiment des gérants de TPE face à la crise, le degré de positivité ou négativité ; puis leur attitude face à la crise. Le deuxième thème vise à observer les mesures de résilience passives adoptées par les gérants. Le troisième thème est l’occasion d’observer les mesures de résilience actives et donc d’innovations en temps de covid, ce en matière d’offre et de distribution. THÈMES ABORDÉS LORS DES ENTRETIENS Thème n°1 : Les mesures de résilience passive Les mesures de soutien Le retour à l’état initial Thème n°2 : Les mesures de résilience active Adaptation de l’offre Le digital Thème n°3 : Ressenti des gérants de TPE face à la crise
  • 44. 44 La résilience individuelle Fragilité, résilience et anti-fragilité 2. Méthodologie de l’enquête Pour obtenir des réponses et des résultats exploitables et nuancés, du fait de la nature de la crise de la covid et de son impact inégal selon les secteurs d’activité, j’ai interrogé 15 gérants de TPE, d’activités et de tailles différentes. Les entretiens ont été menés entre septembre 2020 et mars 2021 dans le cadre de ma mission au sein de la Banque Populaire. J’ai été autorisé à utiliser ses entretiens dans le cadre de mon mémoire à la condition de les rendre anonymes, afin que nos clients ne soient pas identifiables. CALENDRIER Tâches S36 à S37 S38 à S12 S13 à S23 Sélection des clients à rencontrer Construction du guide d’entretien Les entretiens avec les clients cibles Analyse des résultats de l’enquête RÉPONDANTS Genre Activité Chiffre d’affaires en 2019 (k€) Évolution CA entre 2019 et 2020 A M Hôtellerie 1246 -80% B M Fabrication de meuble 54 + 10% C F Commerce horlogerie (bijoutier) 133 +3% D F Salle de sport n.c. n.c E M Ingénierie études techniques 115 = F M Garage/carrosserie 1024 = G M Imprimerie 3012 -10% H M Installation barrières automatiques 384 -25% I M Boulangerie 357 -15% J M Agence immobilière 671 +50%
  • 45. 45 K M Entreprise en bâtiment 383 = L F Centre médical (médecine générale et esthétique) 170 -17% M M Magasin informatique et dépannage 120 +15% N F Salon de coiffure 60 -30% O F Boucherie 500 +8,7f Tableau II.1 : Liste des répondants aux entretiens qualitatifs, enquête majeure (par moi-même) Des entretiens semi-directif, en face à face et d’une durée allant de 30 à 45 minutes, ont été menés sur la base d’un guide d’entretien, avec le gérant ou la gérante de la TPE étudiée. Les entretiens ont été menés en agence bancaire, en présence de la conseillère de clientèle professionnelle qui est en poste depuis 4 ans et connait les clients. Elle est intervenue, à l’appui de mon guide d’entretien (voir annexe n°10). De cette façon, les répondants ont été mis en confiance dans le but de libérer leur parole lors des échanges. 3. Résultat et analyse de l’enquête La prise de note effectuée lors des entretiens, comportant des éléments confidentiels, a fait l’objet d’une analyse de contenu dans le cadre de cette enquête. Ayant procédé à des entretiens semi-directifs, en m’attachant à évoquer les thèmes prévus, j’ai procédé ci-dessous à l’élaboration d’une synthèse via une approche horizontale. a. Résilience passive : perception et utilisation des mesures o Les activités les plus durement touchées : mesures de survies Les activités les plus touchées par les mesures de confinements s’appuient sur des mesures de survies. Ainsi, la gérante de la salle de sport accuse un arrêt soudain de son activité. Les abonnements lors du premier confinement ont été suspendus. Elle a donc eu recours au chômage partiel pour elle-même, unique salariée de son entreprise.
  • 46. 46 Le gérant de l’Hôtel, placé dans le centre touristique de Paris, a ainsi vu son activité diminuée de 80% en 2020, faute de clients à la suite de la fermeture des frontières. Cependant, ces deux entreprises affichent une perception et une utilisation différente de ces mesures. Si la salle de sport, dont l’activité débutée en 2019 n’a pas généré de trésorerie, le gérant de l’hôtel annonce des fonds propres élevés, à peine entamé par le résultat négatif de 2020 puisqu’ils représentent 67% du total du bilan en 2020. o Les mesures de résilience passive comme tremplin au retour de l’activité Certaines activités n’ont été touchées que temporairement par la crise, notamment lors du premier confinement, et utilisent donc ces mesures pansements à très court terme. Ainsi, le gérant de l’entreprise de bâtiment, secteur très touché lors du premier confinement, a eu recours au chômage partiel et au PGE pour le paiement de ses charges, en particulier de ses 6 salariés, ainsi que pour les rallongements de délais de paiement de ses clients. Ainsi il a utilisé ses mesures et notamment le PGE comme un tremplin, qui lui a permis de reprendre son activité efficacement au premier déconfinement, puisqu’il annonce un chiffre d’affaires en 2020 identique à celui de 2019. L’agence immobilière affiche également la même utilisation des mesures de soutiens, puisqu’elle enregistre une nette progression de son activité après le premier confinement. Le gérant a en effet eu recours à des reports d’échéances pour les prêts en cours (6 mois de report) et au chômage partiel durant le premier confinement. Le retour de l’activité s’est révélé si efficace, avec une progression de 50% due aux achats immobiliers particulièrement importants, que l’agence envisage en mars (au moment de l’entretien) l’embauche d’un salarié à plein temps. Le répondant spécialisé dans la pose de barrière métallique affiche un chiffre d’affaires de 25% en 2020, mais affiche de belles perspectives pour 2021, grâce un contrat signé avec la ville. Son activité, liée au bâtiment, a connu donc un impact très important liée au premier et dans une moindre mesure au second. Il a eu recours au PGE, au report des échéances fiscales et sociales et au chômage partiel, mais utilise ses mesures et notamment le PGE comme un tremplin. De ce fait, le client considère avoir conservé sa capacité à assumer le retour de son activité.
  • 47. 47 Enfin, le garagiste/carrossier signale un impact modéré du premier confinement sur son activité. Il a donc utilisé les mesures de résilience passive afin d’aborder sereinement la reprise de son activité, via notamment le PGE qu’il a décidé d’amortir sur cinq ans. Un report de six mois pour les échéances de prêts en cours a été obtenu, et la solution du chômage partiel a été de mise. La reprise de l’activité a donc été bien gérée selon mon interlocuteur, qui affiche même un chiffre d’affaires équivalent entre 2019 et 2020. o Les activités touchées par le changement des pratiques sanitaires La crise sanitaire a engendré de nouveaux comportements, de nouvelles pratiques qui touchent particulièrement certaines activités. Cas particulier, l’imprimeur a observé une baisse d’activité sur la partie brochures, dépliants, plats et plv dû à la digitalisation des supports de communication. Il observe par conséquent une baisse de 25% de son activité entre 2019 et 2020 et a recours pour payer ses charges au PGE qu’il prévoit donc d’amortir. Il estime que ces baisses de commandes sont en rapport avec la diminution des supports physiques pour des raisons sanitaires. En ce qui concerne mon interlocutrice gérante de son centre médical, les mesures sanitaires n’ont impacté que certaines de ses activités. Les pratiques d’esthétiques réparatrices et de bien- être représentent 20% de son activité le reste relevant de la médecine générale. Dues aux mesures sanitaires, son chiffre d’affaires est impacté, enregistrant une baisse de 17% en 2020. Elle a par conséquent eu recours au report de ses échéances fiscales et sociales, au report de ses échéances de prêts (crédit-bail mobilier sur des machines de soins) et a du chômage partiel pour son unique salariée à plein temps. o L’abstention des entreprises possédant une trésorerie suffisante Certaines entreprises, bien que présentant un chiffre d’affaires impacté par la covid, ne trouvent pas d’intérêt dans l’utilisation de ces mesures estimant posséder une trésorerie suffisante pour survivre à la crise.
  • 48. 48 Le gérant de l’étude technique, société commercialisant des conseils techniques aux entreprises, en particulier en termes d’instrumentalisation, d’automatisation et d’installation électrique, observe un impact modéré sur son activité. Le chef d’entreprise se dit serein, capable de faire face à la crise grâce à une trésorerie suffisante, soit environ 43 ke fin 2020 pour un total de bilan d’un montant de 45 ke. Il travaille par ailleurs seul, affiche un poste client diversifié et n’a pas de fournisseurs. o L’abstention des entreprises dont la crise a profité à leur activité Il existe en effet une dernière catégorie de gérant d’entreprise n’ayant que très peu d’intérêt à l’utilisation des mesures de soutiens. Le gérant du magasin d’informatique, qui effectue aussi des déplacements et des dépannages à domicile, a vu son activité s’intensifier dès le début de la crise. Les nouvelles pratiques liées à la crise de la covid, télétravail et cours à distance principalement, l’ont amené à se déplacer chez ses clients, particuliers et professionnels. Il affiche ainsi une progression de 15% de son chiffre d’affaires en 2020. Il ne rejette cependant pas les aides de l’État, puisqu’il estime que celui-ci devrait faire plus et mieux pour ses homologues chefs d’entreprise, qui eux ont été durement touchés. b. Résilience active : la crise de la covid suscite une agilité de l’offre des TPE o Une remise en question du business plan Certains répondant ont souhaité profiter de la crise pour remettre en question leur activité, ce qui leur ouvre de nouvelles opportunités. Ainsi l’entrepreneur spécialisé dans la fabrication de meubles a profité du moment incertain du premier confinement pour se réinventer. Menuisier de formation, mon interlocuteur fabriquait initialement des meubles spécifiques, sur un marché de niche. Il avait notamment profité de l’appui d’un célèbre Youtubeur pour la promotion de son produit phare. Le premier confinement se présentant, il décide de se former à l’utilisation d’un logiciel professionnel, destiné à la conception en 3d de meubles. Grâce aux réseaux sociaux (le chef d’entreprise ne vend qu’exclusivement sur Instagram) il parvient à toucher de nouveaux clients notamment en
  • 49. 49 dehors du marché Français. Il explique avoir également commencé à sous-traiter la fabrication de ses meubles en vendant uniquement les modèles 3d. De cette façon, il affiche une augmentation de son chiffre d’affaires de 10%, dans un secteur touché par la crise. Le gérant de la boulangerie déplore un impact de la covid sur son activité. Situé sur l’artère principale de sa commune, sa clientèle est en temps normal constituée principalement des employés de bureau, absents en période de covid et notamment en télétravail. L’entrepreneur a donc cherché activement de nouvelles ressources, et notamment de nouveaux clients, soit un lycée et deux maisons de retraites. Ces nouveaux débouchés lui assurent un chiffre d’affaires régulier et constant en plus de la clientèle de proximité. Il a également embauché un livreur à temps complet qui se charge d’acheminer les commandes journalières à ces trois nouveaux clients. Si son chiffre d’affaires a diminué de 15% en 2020 par apport à 2019, il estime en 2021 dépasser son chiffre d’affaires précédent la crise. La gérante de la salle de sport, fortement impactée par la crise du covid puisque fermée depuis le début du confinement, a profité de la crise de la covid pour éliminer certaines de ses charges. Ainsi le recours aux coaches sportifs qu’elle comptait embaucher a été revu, elle envisage aujourd’hui d’avoir recours à des coaches au statut d’autoentrepreneur. L’entrepreneur, gérant de l’entreprise spécialisée dans la pose de barrières automatiques, a enregistré une baisse de son activité due aux mesures de distanciations sociales qui dissuadent les clients particuliers à faire appel à ses services. Il m’explique avoir profité de cette période de flottement pour remporter des marchés professionnels. Il a donc signé durant la crise un marché avec un office public de l’habitat (OPHML) qui concerne 12 résidences. Il a ainsi pérennisé son activité en consacrant 40% de son activité à ses clients professionnels et publics. Il a ensuite signé un contrat d’affacturage au Factor de sa banque afin de lui permettre d’assumer l’augmentation de son activité. o La digitalisation intensifiée La crise de la covid est marquée par la digitalisation grandissante de l’économie. Certaines petites entreprises ont eu recours à ces moyens qui leur donnent un avantage concurrentiel.
  • 50. 50 La responsable de la bijouterie interrogée indique un impact modéré de la crise sur son activité. Pourtant, en sa qualité de ‘commerce non essentiel’, son activité fait partie des plus touchées par la crise. Si elle a eu recours à une majorité de mesures de résilience passives (report d’échéances fiscales et sociales, recours au PGE, recours au report d’échéances de prêts et au chômage partiel), elle affiche une augmentation de son activité, bien que peu significative, de 3%. Elle explique qu’elle a profité de la crise pour développer son site internet, peu utilisé et peu ergonomique avant la crise, qui se révèle source de commande. Elle estime que son activité est en voie de développement grâce à cet outil et que la crise du covid a contribué à doper son activité. Le gérant de l’hôtel évoqué plus haut, dont l’activité a été très durement touchée par la crise, explique avoir également développé son site internet pendant la crise, pour attirer une clientèle haut de gamme et d’affaires. Il a revu notamment toute la couverture Wi-Fi dans son établissement et a profité de la fermeture pour une rénovation des équipements électroniques. Avec une réouverture des frontières qui lui semble imminente au moment de l’entretien (septembre 2020) il espère attirer une clientèle plus régulière et plus fidèle. Ainsi, le gérant du magasin d’informatique, dont l’activité s’est intensifiée pendant la crise, ne perçoit pas d’utilité à la remise en question de business model. En effet, selon lui son activité se révèle très adaptée à la covid, puisque ‘essentielle’ selon la définition donnée par le gouvernement. Cependant, il explique s’être formé au pilotage de drone civil, ce qui a nécessité l’obtention du permis de pilote ULM selon la réglementation en vigueur. Il propose donc en plus de son activité une mise en valeur des biens immobilier à la vente, en travaillant avec des particuliers cherchant à vendre leur bien, ou encore à la mise en valeur des campings locaux. Suite à la crise du covid, ces professionnels cherchent en effet à être présent plus efficacement sur internet et notamment les réseaux sociaux. Le gérant d’entreprise explique que cette activité est pratiquée en dehors du cadre de son entreprise. L’imprimeur, qui propose l’impression de plaquettes publicitaire, d’étuis ou encore de brochures, explique avoir intensifié son activité en ligne. Son site, peu ergonomique selon lui, et en cours de refonte totale. Il propose maintenant à ses clients de charger directement sur son site internet leur projet de packaging pour leurs produits. L’impact de ces mesures n’est pas mesurable pour le moment, le client estime qu’il doit se constituer cette nouvelle clientèle plus
  • 51. 51 digitale. Il estime pouvoir tirer profit de cette digitalisation pour augmenter son activité à un niveau supérieur d’avant crise de la covid. o Intérêt limité à l’innovation Une partie des répondants, dont l’activité n’est pas remise en cause par la covid, ne trouve pas d’intérêt à revoir leur façon de travailler. La gérante du centre médical explique croire à un retour prochain à l’état initial concernant son activité. Selon elle, éprouvés par la covid ses clients sont impatients de se rendre dans son institut. Étant elle-même médecin généraliste, ce qui sécurise une partie de son activité, elle compte sur l’efficacité des mesures sanitaires pour permettre un retour d’activité. Par ailleurs elle veille à consolider son bilan, puisqu’elle profite de la crise et de l’engouement sur le marché de l’immobilier pour vendre sa résidence principale, qui générera 100 ke pour elle et 100 ke pour son ex-mari. Ces fonds pourront être alors injectés dans ses fonds propres par apport en compte courant d’associé. Le gérant du garage n’envisage pas non plus de remise en question de son activité. En effet, en plus d’un impact relativement faible de la covid sur son activité, il bénéficie d’une bonne réputation dans ses activités de travaux et de carrosserie ce qui lui a permis de conserver une clientèle fidèle, principalement professionnelle. Ses délais fournisseurs restent raisonnables, bien qu’en diminution constante depuis 2018. Bien qu’il ait recours au PGE, il ne l’a pas utilisé au moment de l’entretien, (mars 2021), grâce à une trésorerie de 300ke. o Un manque d’appétence limitant le recours à l’innovation La gérante du salon de coiffure, dont l’activité fut fortement impactée pour des raisons principalement d’emplacement et de segmentation client limitée (personnes âgées à risque selon les directives du gouvernement), estime que son manque d’appétence l’empêche d’innover. En effet, elle m’indique posséder un site internet, pour lequel elle paie. Je tente une recherche sur Google durant l’entretien, le site n’étant pas bien référencé je n’ai pas pu le trouver sans qu’elle me donne l’adresse exacte. Elle demande lors de l’entretien des conseils, quand bien même nous n’avons pas la capacité de lui fournir des réponses quant à sa problématique.
  • 52. 52 c. Résilience individuelle : l’impact de la covid sur le moral des gérants de TPE Lors de mes entretiens semi-directifs, j’ai souhaité établir le profil des répondants, selon la classification de TALEB sur les individus fragiles, résilients et anti-fragiles. J’ai défini ces concepts dans la première partie de ma revue de littérature sur la résilience individuelle. o Les entrepreneurs fragiles L’entretien avec la gérante du salon de coiffure fut l’un des plus édifiant. Il s’agit de l’un des entretiens qui m’a le plus inspiré ce sujet. La gérante, qui m’explique que son salon pâti d’un emplacement peu avantageux (situé dans une voie à sens unique, avec très peu de passage, perpendiculaire à l’avenue principale de sa commune), est mise en difficulté par la crise. Elle ne parvient pas à renouveler sa clientèle, vieillissante. Sa clientèle est en effet confinée car à risque. Elle estime ne pas pouvoir se séparer ou même placer en chômage partiel sa coiffeuse, unique salariée, embauchée depuis plus de 30 ans. Épouse d’un patron d’un cabinet d’expertise comptable, elle a souhaité avoir recours au PGE qui lui a été refusé. Elle explique souhaiter développer sa clientèle via l’utilisation des réseaux sociaux, mais manque de connaissance et de trésorerie pour payer un prestataire. Au moment de l’entretien, elle explique compter rejoindre la banque de son époux qui souhaite l’aider à la gestion de son entreprise, qui affiche une diminution de 30 % de son chiffre d’affaires, déjà insuffisant avant la crise. o Les entrepreneurs résilients Le gérant de l’hôtel me témoigne sa confiance et sa conviction d’un retour à l’état initial d’avant crise. En attendant cette échéance, qu’il reconnait tarder à venir, il estime pouvoir s’appuyer largement sur ses fonds propres, particulièrement conséquents puisqu’ils représentent 67% du total de son bilan. Il compte par ailleurs sur le soutien de sa mère, propriétaire terrienne, qui l’aide à la gestion de son hôtel. L’agence immobilière, qui travaille sous le nom d’une enseigne largement connue et reconnue, affiche également une sérénité lors de l’entretien. S’il voit du découragement et de la morosité chez ses homologues commerçants dans l’avenue dans laquelle il officie, il a à l’appui de mesures de résilience passive su reprendre son activité au moment où la demande s’est
  • 53. 53 manifestée, tout en profitant de l’euphorie selon ses termes sur le marché de l’immobilier. Il reste néanmoins prudent, estimant cette agitation passagère est consécutive aux mesures de confinements. Le gérant du magasin d’informatique, du moins sur son activité principale, ne compte pas changer sa façon de travailler. Il estime que la covid ne changera pas sur le long terme les habitudes de ses clients, et que la digitalisation est un mouvement de fond qui n’a fait que s’intensifier pendant la covid. Il m’indique également qu’il observe une grande solidarité entre gérants de commerces dans la petite ville Périgourdine dans laquelle il travaille. o Les entrepreneurs anti-fragiles Le fabricant de meuble, à l’aise d’après ses propres mots avec les outils digitaux, affiche une confiance totale dans son avenir professionnel. Il s’est montré fier de sa démarche à se former à l’utilisation d’un logiciel professionnel, dédié à l’élaboration de modèles 3d qu’il vend sur internet. Il a notamment bénéficié d’une couverture sur YouTube grâce à une collaboration avec un célèbre vidéaste en France. Il a ainsi obtenu un contrat de poids avec un client en Suisse. La gérante du commerce spécialisé dans la bijouterie a su également tirer profit de la crise. Elle affiche un optimisme qui se voit dans ses actions. En développant la vente sur internet, elle a su résorber totalement l’impact de la crise sur son commerce, pourtant non essentiel. Elle estime que la crise lui a permis de remettre en question sa façon de travailler et pense avoir un avantage de poids face à son principal concurrent, qui lui n’a pas su vendre sur internet. 4. Retour sur la question de recherche Je rappelle au préalable la question de recherche qui fonde cette enquête qualitative : Quels facteurs influent les choix stratégiques de résilience des gérants de TPE en temps de crise de la covid ?
  • 54. 54 Ces entretiens, retranscris par thèmes ont donc apporté plusieurs réponses que je compile pour une lecture plus simple dans le tableau ci-dessous : FACTEURS POUR FACTEURS CONTRE RÉSILIENCE PASSIVE Activités touchées par la crise plus durement que les autres, mesures de survies Trésorerie suffisamment constituée PGE Chômage partiel Report d’échéances fiscales et sociales Reports d’échéances de prêts. Utilisation temporaire, afin de garder un minimum de liquidité pour relancer leur activité au bon moment Activité liée au digital profitant de fait de la crise du covid. Mesures sanitaires, rendant difficile voire impossible la bonne tenue de leur activité qui nécessite une proximité physique ou des supports physiques potentiellement vecteurs du virus. RÉSILIENCE ACTIVE Remise en question du business plan, à l’appui de formations et du développant d’une activité supplémentaire Un manque d’appétence au digital, fracture numérique entre les entrepreneurs appétant et ceux peu appétant Nouvelle offre Parcours client digitalisé Formations Nouveaux clients (nouvelles segmentations). Alignement aux nouvelles pratiques digitales notamment, via l’élaboration d’un site internet et de la vente à distance Un intérêt limité à l’innovation, espoir d’un retour à l’état initial. Tableau II.2 : Conclusion à l’enquête qualitative majeure (par moi-même)
  • 55. 55 On le constate donc, les mesures de résilience passives et actives font l’objet d’utilisations disparates. A l’image de la crise de la covid, qui finalement semble moins globale et plus complexe qu’à première vue. Il apparait tout de même dans ces résultats que l’utilisation du digital devient primordiale durant le covid, bien qu’il s’agisse d’un mouvement de fonds si je m’en réfère à ma revue de littérature. Ainsi, des activités pourtant particulièrement fortement touchées par la crise, à l’appui du digital, parviennent à limiter voire inverser la tendance économique. D’autres activités dont l’objet central est le digital ne transversent pas la même crise que les autres, à l’appui des nouvelles tendances qui leur profite directement. La revue de littérature associe l’antifragilité à la résilience active, il apparait donc que certaines activités, peu touchées par la crise, n’ont besoin que de mesure passives de résilience pour la survie post-covid. C. ENQUÊTES QUANTITATIVE MINEURE 1. Cadrage théorique question et hypothèses de recherche Mon enquête qualitative, à savoir mes entretiens semi-directifs et leur analyse, a mis en exergue une capacité chez certains entrepreneurs à tirer profit de la crise. On peut envisager de les qualifier d’anti-fragile, puisqu’au sein du chaos ces gérants d’entreprises parviennent à se développer et à se renforcer pour dépasser le simple retour à l’état initial. D’autres entrepreneurs, peu voire pas touchés par la crise, ne sont pas nécessairement identifiables et ne peuvent pas à priori être classés dans une des catégories des types d’individus de TALEB, à savoir le fragile, le résilient et l’anti-fragile. Il semblerait que certains entrepreneurs, que l’on devine anti-fragiles comme le montre mon analyse, mènent une stratégie de résilience passive, lorsque cela est suffisant. Je rappelle ici que la résilience active dépasse le simple retour à l’état initial en visant le développement de nouvelles sources de profit y compris en temps de turbulences et que la résilience passive vise un retour à l’état initial.