L'utilisation des réseaux sociaux par les clubs sportifs professionnels (lien...
Mémoire #EP2014
1. 1
#EP2014
:
UNE
CAMPAGNE
SOCIALISTE
NUMÉRIQUE
ÉTUDE
D’UNE
COMMUNICATION
DIGITALE
DANS
UN
CONTEXTE
POLITIQUE
PERTURBÉ
Meuret
Timothée
Sous
la
direction
de
Patrick
Eveno
Master
1
CTM,
promotion
2013/2014
2. 2
REMERCIEMENTS
Ce
mémoire
a
été
réalisé
grâce
au
concours
de
plusieurs
personnes.
Je
veux
tout
d’abord
remercier
Laurence
Rossignol,
pour
m’avoir
aidé
à
décrocher
ce
stage
au
Parti
socialiste,
en
me
mettant
en
contact
avec
Florence
Bonetti,
que
je
remercie
également
pour
le
temps
qu’elle
m’a
accordé
durant
la
rédaction
de
ce
mémoire,
et
pour
les
ressources
qu’elle
a
acceptées
de
mettre
à
ma
disposition.
Je
souhaite
également
adresser
un
remerciement
cordial
à
Gérard
Obadia
et
Thierry
Daguzan,
de
l’agence
Opérationnelle,
pour
leur
aide.
L’interview
qu’ils
m’ont
accordée
m’a
mis
sur
la
bonne
voie
dans
mon
approche
de
la
plateforme
numérique
socialiste
«
Choisir
Notre
Europe
».
Je
suis
également
reconnaissant
à
mes
colocataires,
Stéphane
Faure
et
Romain
Fort,
dont
la
passion
pour
l’Europe
m’a
permis
de
réaliser
ce
mémoire.
Entouré
d’une
ambiance
productive
dans
ma
propre
maison,
j’ai
pu
me
plonger
dans
le
sujet
et
lui
accorder
l’attention
qu’il
méritait.
Le
temps
et
le
travail
que
m’ont
demandé
la
réalisation
de
ce
mémoire
m’ont
empêché
de
participer
activement
à
la
vie
de
la
maison
pendant
plusieurs
semaines,
je
les
remercie
donc
pour
leur
patience
et
leur
aide.
Enfin,
j’adresse
un
remerciement
chaleureux
à
Romain
Segond,
ancien
camarade
à
l’université
Paris
1,
qui
m’a
transmis
sa
fascination
pour
le
monde
numérique.
J’appelle
de
mes
vœux
dans
ce
mémoire
une
plus
grande
participation
citoyenne
au
débat
public
et
je
regrette
le
manque
de
plateforme
de
débat
numérique.
Son
œuvre
avec
le
site
internet
Leadop.com,
dont
le
lancement
est
prévu
en
juillet
2014,
est
tout
à
fait
le
type
d’espace
digital
nécessaire
au
développement
du
débat
public
sur
la
toile.
3. 3
SIGLES
ET
ABREVIATIONS
Partis
européens
ALDE
:
Alliance
des
Libéraux
et
Démocrates
Européens
(centre,
libéraux)
GUE
:
Gauche
Unie
Européenne
PPE
:
Parti
Populaire
Européen
(centre-‐droit)
PSE
:
Parti
Socialiste
Européen
(centre-‐gauche)
Partis
Nationaux
PS
:
Parti
Socialiste
UMP
:
Union
pour
un
Mouvement
Populaire
FN
:
Front
National
UPR
:
Union
Populaire
Républicaine
UKIP
:
United
Kingdom
Independance
Party
4. 4
RESUME
DU
MEMOIRE
Ce
mémoire
tente
d’explorer
l’utilisation
du
numérique
dans
la
campagne
des
élections
européennes
de
mai
2014.
Après
avoir
étudié
le
paysage
numérique
européen,
j’approfondis
l’exemple
de
la
campagne
du
Parti
socialiste
qui
a
déployé
un
effort
considérable
sur
le
terrain
numérique.
Pour
répondre
à
un
contexte
difficile
d’euroscepticisme
grandissant,
le
PS
s’est
employé
à
développer
un
débat
européen
en
France,
à
travers
une
activité
permanente
sur
les
réseaux
sociaux
et
par
l’établissement
d’une
plateforme
numérique
d’interpellation
des
citoyens
:
Choisirnotreeurope.fr.
A
la
lumière
des
résultats
de
l’élection,
j’entreprends
de
critiquer
l’utilisation
du
Web
en
politique,
son
efficacité
et
ses
méthodes
d’action,
à
travers
l’échec
de
la
campagne
socialiste.
Outil
de
mobilisation
redoutable,
le
Web
peine
en
revanche
à
s’imposer
comme
outil
de
communication
politique.
Néanmoins,
il
m’apparaît
évident
que
l’utilisation
accrue
du
Web
au
niveau
européen
a
permis
l’émergence
d’un
espace
public
européen
durant
la
campagne,
à
travers
les
évènements
politiques
de
la
campagne
et
leur
diffusion
grâce
au
réseau.
Le
Web
apparaît
alors
comme
une
plateforme
d’avenir
pour
l’Europe,
dont
le
potentiel
politique
n’est
pas
encore
exploité
à
fond
par
ses
utilisateurs.
Mots
clés
:
Europe
Politique
Internet
Parti
Socialiste
Communication
5. 5
SOMMAIRE
Remerciements
2
Sigles
et
abréviations
3
Résumé
et
mots
clés
4
Sommaire
5
Introduction
7
1. La
campagne
socialiste
au
sein
de
la
campagne
numérique
européenne
9
1.1. L’ampleur
de
la
campagne
numérique
européenne
1.1.1. Quelques
chiffres
1.1.2. Les
stratégies
1.1.3. Les
plateformes
d’action
1.2. Les
acteurs
de
la
campagne
1.2.1. Les
acteurs
institutionnels
1.2.2. Les
acteurs
politiques
1.2.3. Les
mouvements
et
acteurs
de
la
société
civile
1.3. La
couverture
des
évènements
1.3.1. Une
organisation
qui
inclut
numérique
1.3.2. Une
présence
constante
essentielle
1.3.3. La
stratégie
socialiste
2. Les
spécificités
de
la
campagne
socialiste
25
2.1. Recentrer
la
campagne
sur
les
enjeux
européens
2.1.1. Le
danger
des
enjeux
nationaux
2.1.2. La
promotion
de
Martin
Schulz
sur
internet
2.1.3. Les
contenus
produits
par
le
parti
2.2. «
Choisir
Notre
Europe
»
2.2.1. Une
plateforme
interactive
2.2.2. Rapprocher
le
citoyen
de
l’Europe
2.2.3. Etablir
le
lien
entre
le
citoyen
et
ses
représentants
2.3. Une
campagne
sur
trois
niveaux
2.3.1. La
déclinaison
au
niveau
local
2.3.2. La
coordination
numérique
au
niveau
national
2.3.3. L’action
numérique
du
PSE
en
France
et
en
Europe
3. Les
insuffisances
de
la
campagne
numérique
38
6. 6
3.1. Internet,
une
source
d’information
dont
on
se
méfie
encore
et
qui
ne
suffit
pas
3.1.1. La
méfiance
vis
à
vis
d’internet
3.1.2. Des
moyens
traditionnels
de
campagne
encore
essentiels
3.1.3. Des
moyens
numériques
qui
ont
fait
leurs
preuves
mais
inutilisables
3.2. Mauvais
lien
entre
la
campagne
numérique
et
les
médias
traditionnels
3.2.1. Un
mauvais
relai
de
contenus
mal
adaptés
3.2.2. Le
public
reste
restreint
3.2.3. Le
e-‐militantisme
3.3. Une
mauvaise
couverture
médiatique
de
la
campagne
3.3.1. La
télévision,
média
encore
et
toujours
dominant
3.3.2. Le
refus
de
diffusion
des
débats
européens
3.3.3. L’agenda
médiatique
Conclusion
50
Glossaire
52
Bibliographie
53
Liste
des
annexes
56
Table
des
matières
64
7. 7
#EP2014
:
UNE
CAMPAGNE
SOCIALISTE
NUMERIQUE
Etude
d’une
communication
digitale
dans
un
contexte
politique
perturbé
INTRODUCTION
«
Nous
n’avons
pas
eu
de
nouvelles
de
notre
ambassadeur
en
Espagne
depuis
deux
ans.
Si
nous
n’en
avons
pas
cette
année,
envoyons
lui
une
lettre
».
Cette
phrase
attribuée
à
Thomas
Jefferson
par
le
diplomate
israélien
Abba
Eban
montre
l’inquiétude
relative
du
président
américain
face
au
silence
prolongé
de
son
représentant.
Aujourd’hui,
mises
à
part
les
innombrables
communications
diplomatiques
journalières
des
services
américains,
l’on
pourrait
s’inquiéter
si
James
Costos,
l’actuel
ambassadeur
américain
en
Espagne,
ne
twittait
pas
pendant
un
jour.
L’instantanéité
de
l’information
a
non
seulement
changé
notre
quotidien,
mais
également
nos
attentes
vis
à
vis
de
nos
représentants,
vis
à
vis
des
institutions
gouvernementales
et
politiques.
Leur
présence
quotidienne
est
essentielle
sur
les
réseaux
sociaux,
et
notamment
Twitter,
qui
représente
aujourd’hui
la
quintessence
de
l’instantanéité
de
l’information.
Avec
ses
messages
limités
à
140
caractères,
le
réseau
social
lancé
en
2006
apparaît
comme
le
média
direct
par
excellence,
présentant
l’information
brute.
Avec
la
possibilité
de
poster
des
photos,
de
partager
des
liens
URL,
et
maintenant
de
petites
vidéos
Vine
(courtes
séquences
de
9
secondes),
Twitter
se
retrouve
comme
le
point
central
de
l’internet
politique.
Facebook
apparaît
également
comme
crucial,
mais
moins
immédiat.
Il
permet
de
développer
la
couverture
d’un
événement
«
à
froid
».
Twitter
permet
de
suivre
en
direct,
Facebook
fait
revivre
le
moment
à
travers
une
mise
en
abyme.
Si
la
pratique
des
réseaux
sociaux
est
désormais
essentielle
pour
les
représentants
officiels,
il
en
va
de
même
pour
les
hommes
et
femmes
politiques
qui
cherchent
à
convaincre,
à
rassembler,
mais
surtout
à
intéresser
l’électorat.
Car
c’est
bien
l’intérêt
qui
était
en
jeu
dans
les
élections
européennes
de
2014.
Ces
élections,
qui
depuis
des
années
jouent
le
rôle
de
défouloir
de
l’électorat,
ne
passionnent
pas
les
Français.
Tous
les
moyens
étaient
donc
bons,
au
Parti
socialiste,
pour
atteindre
les
électeurs,
pour
piquer
leur
curiosité,
pour
attirer
leur
attention.
Dans
un
contexte
plus
difficile
que
jamais,
le
PS
a
dû
parler
d’Europe
à
ses
électeurs,
pour
éviter
à
tout
prix
le
vote
sanction
contre
le
Gouvernement
socialiste,
que
l’UMP
et
le
FN
appelaient
de
leurs
vœux.
Dès
le
début
de
la
campagne,
il
a
été
décidé
de
s’appuyer
sur
le
numérique,
avec
le
lancement
d’une
véritable
campagne
digitale,
entièrement
tournée
vers
le
Web.
Sans
oublier
les
moyens
traditionnels
(porte
à
porte,
tractages
et
affichages),
le
PS
a
mis
en
ligne
tout
un
panel
d’outils
pour
les
militants,
mais
a
également
déployé
une
batterie
de
sites
internet
pour
développer
ses
idées,
et
recentrer
l’élection
autour
de
l’enjeu
européen.
Ces
élections
étaient
particulières
pour
le
Parti
socialiste,
mais
pour
l’Europe
en
général.
Le
traité
de
Lisbonne
en
2009
avait
institué
que
le
Conseil
européen
devait
«
prendre
en
compte
le
résultat
des
élections
»
dans
leur
choix
pour
la
nomination
du
président
de
la
Commission
européenne,
et
que
le
Parlement
serait
consulté
pour
approbation
du
choix
du
Conseil.
Ce
traité,
dont
la
formulation
restait
floue,
aurait
pu
n’avoir
aucune
incidence
8. 8
sur
la
nomination
du
nouveau
Président
de
la
Commission.
Mais
chaque
parti
européen
a
décidé
de
nominer
un
candidat
unique
qui
le
représenterait
dans
la
course
à
la
Commission.
Martin
Schulz,
président
du
Parlement
européen
à
l’origine
de
cette
initiative,
avait
été
désigné
dès
le
1er
Mars
2014
par
le
Parti
socialiste
européen.
En
politisant
l’attribution
de
ce
poste,
il
était
souhaité
que
la
nomination
du
président
de
la
Commission
ne
fasse
pas
débat
au
lendemain
des
élections.
Les
autre
candidats
étaient
Jean-‐Claude
Juncker
pour
le
Parti
populaire
européen
(PPE,
auquel
est
affilié
l’UMP)
;
Guy
Verhofstadt
pour
l’Alliance
des
libéraux
et
démocrates
européens
(ALDE),
dont
le
MoDem
et
l’UDI
sont
maintenant
membres
;
et
Alexis
Tsipras
pour
la
Gauche
unie
européenne
(GUE).
Les
Verts
avaient
nominés
deux
candidats
:
le
français
José
Bové
et
l’Allemande
Ska
Keller.
Cette
dernière
a
rapidement
été
mise
en
avant
après
ses
excellentes
performances
lors
des
débats
européens.
Cet
aspect
de
la
campagne,
nous
le
verrons,
était
essentiel
pour
le
Parti
socialiste,
qui
souhaitait
faire
campagne
sur
l’Europe,
vanter
les
progrès
de
la
démocratie
européenne
et
faire
du
projet
européen
le
centre
de
son
programme.
Pour
faire
connaître
Martin
Schulz
et
diffuser
ses
propositions,
le
PS
a
misé
sur
le
numérique.
Selon
Fabienne
Greffet,
«
depuis
2009,
le
développement
des
Réseaux
sociaux
en
ligne
et
des
applications
de
ce
qu’il
est
convenu
d’appeler
le
web
2.0
semble
ouvrir
une
nouvelle
phase
des
net-‐campagnes.
»1
Il
est
certain
que
le
développement
exponentiel
des
réseaux
sociaux
depuis
la
création
de
Facebook
(2004)
et
Twitter
(2006)
leur
a
permis
de
devenir
un
outil
«
impératif
»
explique
Florence
Bonetti,
directrice
de
la
communication
au
Parti
socialiste
:
«
c’est
interactif,
ça
permet
de
toucher
des
gens
différents.
»
Démultiplier
les
publics,
voilà
la
clé
de
la
communication
digitale.
Avec
plus
de
500
millions
d’habitants
et
environ
400
millions
de
votants,
l’Union
européenne
représente
le
second
corps
électoral
le
plus
large
du
monde,
après
l’Inde.
On
comprend
donc
aisément
la
nécessité
de
méthodes
de
communications
à
même
d’atteindre
le
plus
d’électeurs
possible.
Les
élections
européennes
de
2014
ont
montré
une
explosion
de
l’utilisation
du
Web
dans
la
campagne.
A
la
lumière
des
résultats,
on
s’interroge
sur
l’efficacité
des
campagnes
numériques
mises
en
place
par
les
partis
«
républicains
»,
et
notamment
le
Parti
socialiste.
Comment
le
Web
peut-‐il
être
utilisé
en
politique
?
Son
impact
fut-‐il
aussi
important
que
l’ont
espéré
les
dirigeants
du
PS
?
Quel
a
été
son
incidence
dans
le
débat
européen
?
Le
PS
a
mis
en
place
une
stratégie
de
campagne
essentiellement
basée
sur
le
numérique.
En
association
avec
l’agence
de
communication
Opérationnelle,
une
plateforme
numérique
interactive
a
été
développée
:
Choisir
Notre
Europe
;
des
comptes
Twitter
et
Facebook
ont
été
créés
;
et
le
parti
s’est
efforcé
de
maintenir
une
présence
constante
sur
le
Web.
Inséré
dans
un
paysage
numérique
européen
en
expansion
(I),
le
Parti
socialiste
a
mis
au
point
une
campagne
spécifiquement
tournée
vers
le
numérique
(II).
Au
regard
des
résultats
en
France
et
en
Europe,
l’étude
de
cette
stratégie
implique
nécessairement
une
analyse
critique
(III)
:
Internet
est-‐il
vraiment
nécessaire
dans
la
construction
d’une
campagne
politique
?
Quelle
est
la
portée
de
la
stratégie
numérique
par
rapport
à
celle
des
médias
traditionnels
?
Voilà
les
questions
auxquelles
il
nous
faudra
répondre
pour
compléter
cette
analyse
de
la
campagne
socialiste
numérique.
1
F.
Greffet,
Continuerlalutte.com,
Les
partis
politiques
sur
le
Web,
Les
Presses
de
Science
Po,
Paris,
2011,
p.41
9. 9
1. LA
CAMPAGNE
SOCIALISTE
AU
SEIN
DE
LA
CAMPAGNE
NUMERIQUE
EUROPEENNE
1.1. L’ampleur
de
la
campagne
numérique
européenne
1.1.1. #EP2014
:
quelques
chiffres
Dans
son
article
“La
Communication
politique“,
Jacques
Gerstlé
envisage
«
l’émergence
d’une
production
immatérielle
en
voie
de
supplanter
la
production
matérielle.
»2
Il
est
difficile
de
dire
que
la
production
immatérielle
a
«
supplanté
»
la
production
matérielle,
car
cette
dernière
fut
abondante
durant
la
campagne
européenne
de
2014.
Toutefois,
il
est
presque
impossible
d’obtenir
une
mesure
matérielle
de
la
production
numérique
qu’a
engendrée
cette
campagne.
Il
me
semblait
nécessaire
de
donner
un
aperçu
de
l’ampleur
du
phénomène
numérique
que
la
campagne
a
provoqué.
Sur
Twitter,
la
campagne
a
reçu
un
hashtag
spécial
:
#EP2014
(pour
European
Parliament
2014).
Le
hashtag
est
sans
doute
l’élément
le
plus
important
d’un
tweet.
Il
détermine
le
sujet,
permet
d’apparaître
dans
les
recherches
sur
ce
sujet.
Il
peut
également
permettre
d’afficher
son
soutien
à
un
candidat,
comme
nous
le
verrons
avec
les
hashtag
#NowSchulz
ou
#WithJuncker.
Le
hashtag
#EP2014
était
le
signe
sur
Twitter
d’un
avis
sur
l’élection,
de
la
publication
d’un
article
sur
l’élection,
d’une
déclaration
en
rapport
avec
l’élection.
Pour
donner
une
idée
de
l’ampleur
de
la
production
immatérielle
rien
que
sur
le
réseau
social
Twitter,
j’ai
établi
quelques
graphiques
pour
montrer
l’évolution
du
hashtag
#EP2014.
954
724,
ce
graphique
établi
au
matin
du
26
mai
nous
dit
qu’entre
le
26
avril
et
le
26
mai,
pas
moins
de
954
724
tweets
avec
la
mention
#EP2014
ont
été
envoyés.
Près
d’un
million
de
messages
ont
été
publiés
sur
le
réseau
social
Twitter
en
un
moins
au
sujet
des
élections
européennes.
2
Jacques
Gerstlé,
«
La
Communication
politique
»,
Encyclopaedia
Universalis,
2006,
p.1
10. 10
Comme
on
le
voit,
le
25
mai
2014,
jour
d’élection,
fut
le
plus
prolifique.
Il
est
intéressant
de
noter
que,
sur
cette
courbe,
toute
la
période
qui
semble
afficher
une
activité
extrêmement
faible
est
à
relativiser.
Les
légères
augmentations
que
l’on
constate
du
15
et
au
22
mai
sont
en
réalité
des
pics
extrêmement
forts,
correspondant
tout
d’abord
à
la
tenue
du
débat
européen
entre
les
candidats
à
la
Commission,
qui
a
généré
près
de
100
000
tweets,
puis
au
début
du
vote
européen,
au
Royaume
Uni.
Néanmoins,
rien
que
le
25
mai,
412
339
tweets
ont
été
postés
contenant
la
mention
#EP2014.
Soit
une
moyenne
de
près
de
5
tweets
par
seconde
si
on
suppose
qu’ils
ont
été
produits
en
24h.
C’est
pourquoi
la
courbe
apparaît
si
basse
au
début.
Beaucoup
d’autres
hashtags
ont
été
utilisés
pendant
la
campagne.
Certains
étaient
mis
en
place
par
les
organisateurs
d’un
événement
médiatique,
pour
que
tous
les
twittos
qui
désiraient
en
parler
puissent
se
retrouver
:
#TellEurope
(Débat
européen,
15
mai),
#DPDA
(Des
Paroles
et
Des
Actes,
22
mai)
;
d’autres
ont
été
lancés
par
des
partis
pour
indiquer
un
soutien
:
#Guy4Europe,
#NowSchulz,
#WithJuncker
;
et
d’autres
ont
été
créés
par
des
organisations
pour
indiquer
un
soutien
à
une
cause
:
#HumanFirst
par
exemple
était
présent
dans
de
nombreux
tweets
demandant
aux
candidats
de
signer
une
charte
pour
une
politique
plus
humaine.
Les
hashtags
de
soutien
était
un
excellent
moyen
de
mesurer
la
popularité
des
candidats
sur
Twitter.
Sur
le
graphique
suivant,
on
observe
un
pic
de
participation
le
15
mai,
lors
du
grand
débat
européen.
On
constate
aussi
que
Jean-‐Claude
Juncker,
candidat
du
Parti
populaire
européen,
a
reçu
beaucoup
plus
de
soutien
le
25
mai
que
ses
opposants.
La
campagne
a
également
montré
un
excellent
exemple
de
Bad
Buzz,
un
emballement
négatif,
autour
d’un
hashtag
:
#WhyImVotingUkip.
Ce
hashtag
a
été
lancé
par
le
UK
Independance
Party
(UKIP),
parti
nationaliste
eurosceptique
britannique,
deux
jours
avant
le
début
du
vote
en
Angleterre.
Il
a
rapidement
été
détourné
avec
humour
par
les
twittos
britanniques.
Il
est
même
devenu
viral
et
a
atteint
plus
de
180
000
occurrences
en
deux
jours.
11. 11
Selon
une
étude
réalisée
à
l’automne
2013
par
le
Centre
de
Recherche
du
Parlement
Européen3,
56%
des
européens
déclarent
utiliser
internet
tous
les
jours,
et
70%
déclarent
l’utiliser
au
moins
une
fois
par
semaine.
Comme
on
peut
s’y
attendre,
les
jeunes
sont
le
public
le
plus
présent
sur
internet,
puisque
87%
de
jeunes
européens
(15-‐
24
ans)
déclarent
utiliser
internet
tous
les
jours
ou
presque.
Il
était
donc
nécessaire
pour
les
candidats
européens
d’apparaître
présents
sur
le
Web,
notamment
pour
toucher
les
jeunes,
population
massivement
abstentionniste.
1.1.2. Les
candidats
européens
sur
le
Web
L’une
des
difficultés
de
l’élection
européenne
a
toujours
été
l’incarnation
de
l’élection.
Dans
chaque
élection
présidentielle,
législative
ou
municipale,
on
vote
pour
un
candidat.
Viviane
Serfaty
nous
explique
que
«
la
représentation
du
corps
du
candidat
est
le
point
de
repère
de
l’ensemble
du
dispositif
»4
électoral.
Le
corps
du
candidat
acquiert
une
signification
politique,
qui
culmine
au
moment
de
la
Présidentielle.
C’est
par
lui
que
transitent
un
ensemble
de
symboles
politiques.
Pierre
Bourdieu,
en
1980,
mettait
en
avant
«
la
vertu
de
l’incorporation,
qui
exploite
la
capacité
du
corps
à
prendre
au
sérieux
la
magie
performative
du
social.
»5
Cette
notion
d’incarnation
du
pouvoir
remonte
même
à
1956,
avec
l’essai
d’Ernst
Kantorowicz
sur
les
deux
corps
du
roi,
dont
nous
voyons
apparaitre
ici
une
version
laïcisée.
Les
élections
européennes
n’ont
jamais
vraiment
été
incarnées.
Bien
sûr,
chaque
région
affiche
des
têtes
de
listes,
mais
les
campagnes
sont
plus
souvent
menées
nationalement.
On
demande
aux
électeurs
de
voter
pour
un
projet,
ou
une
idée
européenne
ou
nationale,
comme
ce
fut
le
cas
durant
cette
élection.
Avec
l’apport
du
Traité
de
Lisbonne,
les
partis
européens
avaient
une
chance
de
nommer
un
candidat
pour
incarner
le
projet.
C’est
ce
qui
a
été
fait
avec
les
candidats
à
la
présidence
de
la
Commission
européenne.
Chacun
a
du
se
faire
connaître
au
niveau
européen.
Le
numérique
a
été
particulièrement
utile
pour
cela
puisqu’il
permet
de
lever
«
les
contraintes
physiques
de
temps
et
d’espace
»6,
et
nous
rapproche
inexorablement
du
«
village
global
»
que
Marshall
McLuhan
prédisait
en
19647.
Sur
Internet,
et
principalement
sur
les
réseaux
sociaux,
les
3
Media
Use
in
the
EU,
report
for
the
European
Commission,
Autumn
2013
4
Viviane
Serfaty,
«
Présidentielles
aux
Etats-‐Unis
:
la
communication
politique
au
prisme
de
l’internet
(1996-‐2008)
»,
Questions
de
communication,
2009,
15,
pp.367-‐382,
p.10
5
Pierre
Bourdieu,
Questions
de
sociologie,
Paris,
Les
Editions
de
Minuit,
coll.
«
Documents
»,
1980,
p.117
6
Jacques
Gerstlé,
ibid.,
p.1
7
Marshall
McLuhan,
Understanding
Media,
McGraw-‐Hill,
New
York,
1964
12. 12
candidats
se
sont
affichés,
ont
commenté
l’actualité,
ont
partagé
leurs
articles,
leurs
discours,
leurs
activités.
Martin
Schulz
a
unanimement
été
salué
pour
son
utilisation
des
réseaux
sociaux,
qui
faisaient
partie
à
part
entière
de
la
stratégie
socialiste.
Il
a
d’ailleurs
été
le
candidat
le
plus
mentionné
sur
Twitter
tout
au
long
de
la
campagne.
Les
socialistes
européens
ont
mobilisés
des
milliers
de
e-‐militants,
pour
répandre
le
message
de
Martin
Schulz
sur
le
Web.
En
France,
le
Parti
socialiste
a
aussi
augmenté
sa
présence
sur
les
réseaux
sociaux,
à
travers
le
compte
officiel
du
parti,
mais
également
à
travers
le
compte
«
Choisir
Notre
Europe
»
(@PS_EP2014),
qui
représentait
la
campagne
socialiste
sur
le
réseau
Twitter.
Gérard
Obadia,
directeur
associé
de
l’agence
Opérationnelle,
interrogé
sur
la
stratégie
socialiste,
confirme
la
nécessité
d’une
présence
constante
:
«
Il
n’y
a
pas
eu
une
seule
manifestation
médiatique
en
France
qui
n’ait
pas
été
twittée.
»
La
présence
des
candidats
européens
sur
le
web
était
essentielle.
Les
montrer,
les
faire
connaître,
expliquer
leur
rôle
dans
l’élection,
tout
cela
était
l’objectif
des
partis
européens.
Il
était
nécessaire
d’expliciter
ce
rôle
et
l’enjeu
de
la
nomination
du
président
de
la
Commission
européenne.
Le
bras
de
fer
attendu
entre
le
Conseil
européen,
qui
refusait
le
contrôle
du
Parlement
sur
cette
nomination,
et
les
partis
européens,
qui
désiraient
avoir
un
rôle
crucial
à
jouer
dans
cette
nomination,
rendait
impératif
une
bonne
explication
de
cette
nouveauté
durant
la
campagne.
Une
hausse
de
la
participation
aurait
renforcé
le
Parlement
dans
son
rôle
de
représentant
de
la
démocratie
européenne.
La
faible
participation
a
finalement
permis
au
Conseil
européen
d’échapper
à
l’imposition
d’un
candidat
par
une
majorité
parlementaire.
Le
Parlement
a
d’ailleurs
conduit
des
recherches
sur
les
effets
des
réseaux
sociaux
sur
l’électorat.
Ron
Davies,
dans
un
rapport
intitulé
Social
media
in
election
campaigning
paru
le
21
mars
2014
explique
que
«
les
médias
sociaux
peuvent
être
utilisés
par
les
gouvernements
pour
impliquer
les
citoyens
dans
les
processus
de
décision,
et
par
la
société
civil
pour
interpeler
les
gens
sur
des
enjeux
spécifiques.
»
Il
13. 13
ajoute
que
ces
médias
peuvent
également
servir
à
«
élargir
la
participation
politique
»8
en
créant
un
lien
entre
le
peuple
et
ses
représentants.
Dans
cette
campagne,
le
numérique
était
l’outil
privilégié
de
la
démocratie
européenne.
Cette
idée
d’un
peuple
souverain
européen,
qui
a
tant
de
mal
à
s’imposer,
était
visible
sur
le
Web
aux
moments
cruciaux
de
la
campagne.
Lorsqu’un
grand
nombre
de
Twittos
réagissaient
au
même
moment
sur
un
événement
ou
un
enjeu
européen,
émergeait
le
sens
d’une
communauté
européenne.
Ce
n’est
pas
la
campagne
officielle,
ni
celle
présente
dans
les
médias
traditionnels
qui
aurait
pu
faire
progresser
l’idée
d’Europe.
Centrée
sur
les
enjeux
nationaux,
en
France
mais
également
dans
d’autres
pays,
cette
campagne
ne
fut
européenne
que
grâce
au
Web.
Les
candidats
à
la
tête
de
la
Commission
européenne
ont
donc
investi
le
Web
et
les
réseaux
sociaux.
Jean-‐Claude
Juncker
et
Martin
Schulz
ont
utilisé
des
tweets
sponsorisés,
les
Verts
ont
mis
en
place
de
nouveaux
sites
internet,
des
pages
Facebook,
des
blogs
et
des
plateformes
numériques.
Tous
les
espaces
d’expression
sur
la
toile
ont
été
explorés.
1.1.3. Les
plateformes
d’action
Non
seulement
les
candidats
ont
investi
le
Web,
mais
ils
ont
accompagné
son
évolution.
Le
design
très
épuré
de
la
plupart
des
sites
de
campagne
a
laissé
apparaître
une
volonté
de
coller
aux
codes
en
vigueur
sur
le
Web
actuellement.
Les
Verts
européens,
avec
leur
site
de
campagne9,
se
sont
montrés
à
la
pointe
de
la
dernière
mode
en
web
design.
L’utilisation
du
défilement
parallaxe,
très
utilisé
dans
les
jeux
vidéos,
mais
encore
peu
répandu
sur
le
Web
leur
a
donné
l’opportunité
de
construire
un
site
extrêmement
bien
pensé,
dont
le
message
évolue
au
fur
et
à
mesure
que
l’on
fait
défiler
la
page.
Modernité
et
écologie,
montrer
que
leurs
idées
étaient
celles
de
l’avenir,
tel
était
le
message
du
site
des
Verts
européens.
Le
site
en
soi
envoyait
un
message
politique,
auquel
s’ajoutait
le
contenu.
Le
Parti
socialiste
européen
a
également
lancé
plusieurs
sites
internet.
Le
principal
était
destiné
à
faire
connaître
Martin
Schulz10.
Doté
d’un
design
beaucoup
plus
classique
que
celui
des
Verts,
cette
plateforme
avait
pour
but
de
mettre
en
avant
le
candidat
socialiste,
de
montrer
son
parcours
atypique,
d’expliquer
son
projet,
son
idée
du
rôle
de
la
Commission
européenne.
Mais
les
réseaux
sociaux
étaient
les
outils
les
plus
utilisés.
Comme
nous
l’avons
vu,
le
Parlement
européen,
à
travers
un
rapport
de
recherche,
encourage
les
candidats
à
utiliser
les
réseaux
sociaux.
Ils
permettent
de
«
court-‐circuiter
les
filtres
médiatiques
»
8
R.
Davies,
Social
media
in
election
campaigning,
European
Parliament
Research
service,
2014
9
http://www.greens2014.eu/
10
http://www.martin-‐schulz.eu
14. 14
et
peuvent
«
augmenter
l’attrait
personnel
d’un
candidat
»11
Ces
réseaux
sont
donc
largement
utilisés
comme
médias,
pour
faire
passer
des
messages,
ou
pour
partager
les
nouvelles
plateformes
mises
en
place
par
les
partis.
Mais
les
partis
ne
sont
évidemment
pas
les
seuls
à
utiliser
ces
réseaux,
qui
sont
devenu
l’outil
essentiel
du
cyber-‐militant.
Les
eurosceptiques
ont
investi
le
Web
de
manière
impressionnante.
Les
partis
extrêmes
ont
toujours
été
très
forts
sur
le
Web.
Comme
le
rappelle
Fabienne
Greffet,
en
France,
le
Front
National
fut
le
premier
parti
à
disposer
d’un
site
internet,
justifié
par
la
nécessité
de
pouvoir
diffuser
leurs
idées
sans
dépendre
des
médias
traditionnels.
Dans
cette
campagne
européenne
de
2014,
le
FN
a
tenté
le
lancement
d’un
réseau
social
:
lespatriotes.net.
Ce
réseau
social
lancé
discrètement
par
le
FN
le
13
mai
2014
était
destiné
à
accueillir
les
militants
frontistes
et
leurs
actions.
Le
réseau
était
basé
sur
un
système
de
point.
On
pouvait
gagner
des
points
en
apportant
la
preuve
d’une
action
militante
hors
ligne,
mais
également
en
postant
des
photos,
des
vidéos,
et
en
invitant
des
amis
à
rejoindre
le
réseau.
En
mettant
en
compétition
ses
militants,
le
FN
offrait
la
possibilité
d’être
reconnu
par
les
institutions
du
parti
comme
un
activiste
de
valeur.
Le
concept
était
très
bien
trouvé
et
pouvait
leur
laisser
espérer
une
recrudescence
des
activités
militantes
pour
le
Front.
Mais
la
discrétion
du
lancement
n’a
pas
suffit,
deux
jours
après
le
lancement,
le
site
avait
déjà
été
mis
à
bas
par
des
trolls,
des
hackers,
qui
ont
pollué
la
page
et
forcé
les
administrateurs
du
site
à
fermer
la
plateforme.
Le
site
fut
relancé
le
21
mai,
mais
la
campagne
touchait
à
sa
fin.
11
Ron
Davies,
ibid.
15. 15
Internet
offrait
bien
d’autres
moyens
de
faire
campagne.
Les
partis
ont
effectivement
lancé
leurs
plateformes,
mais
ont
également
utilisé
celles
qui
étaient
déjà
présentes
:
les
pure
players,
comme
le
Huffington
Post
ou
Slate.
Ces
sites
offrent
des
espaces
de
publication
à
des
personnes
privées
ou
publiques.
Pervenche
Bérès
et
Alain
Lamassoure,
respectivement
têtes
de
listes
PS
et
UMP
en
Ile
de
France,
par
exemple,
ont
chacun
publié
une
tribune
dans
le
Huffington
Post
à
l’occasion
de
la
journée
de
l’Europe,
le
9
mai,
célébrant
l’anniversaire
de
la
déclaration
de
Robert
Schuman,
en
1950,
qui
fonda
la
CECA
(Communauté
Economique
du
Charbon
et
de
l’Acier).
Les
plateformes
vidéos,
comme
Youtube
ou
Dailymotion,
ont
également
été
utilisées.
Le
PS
est
très
actif
sur
le
second,
qui
héberge
toutes
les
vidéos
mises
en
ligne
par
le
parti,
et
notamment
celles
présentes
sur
le
site
du
parti.
La
grande
tentation
de
ces
espaces
d’expression
est
de
faire
le
buzz,
de
voir
un
message
provoquer
un
emballement
et
se
transformer
en
message
viral,
qui
se
propage
sur
la
toile
à
très
grande
vitesse.
Dailymotion
a
été
l’espace
utilisé
par
le
Front
de
Gauche
pour
leur
campagne
contre
le
traité
transatlantique
(TAFTA).
Avec
des
vidéos
décalées
de
poulets
géants
pour
dénoncer
l’arrivée
de
poulets
traités
au
chlore
après
la
signature
du
traité,
le
parti
de
Jean-‐Luc
Mélenchon
n’a
pas
réussi
à
faire
le
buzz
espéré.
Avec
seulement
15
245
vues
en
un
mois,
les
vidéos
n’ont
pas
été
partagées
autant
qu’ils
l’espéraient.
Blogs
personnels,
Tumblr,
Instagram,
tous
les
outils
de
partage
de
contenu,
de
texte,
de
vidéos,
de
photos,
tout
est
bon
pour
être
visible
sur
le
Web.
De
nombreux
acteurs
étaient
présents
dans
cette
campagne
numérique,
et
ils
étaient
prêts
à
utiliser
tous
les
outils
à
leur
disposition
pour
faire
passer
leur
message.
1.2. Les
acteurs
de
la
campagne
1.2.1. Les
acteurs
institutionnels
Le
démarrage
de
la
campagne
officielle
en
France
était
extrêmement
tardif.
Elle
se
déroulait
du
12
au
23
mai
2014
:
onze
jours
de
campagne.
C’est
pourquoi
les
campagnes
d’appels
au
vote
ont
été
très
faibles
en
France.
Mises
à
part
quelques
affiches
que
l’on
a
vu
fleurir
dans
le
métro
parisien
à
quelques
jours
du
scrutin,
les
acteurs
institutionnels
français
n’ont
pas
joué
leur
rôle
d’information,
d’encouragement
à
la
participation,
que
ce
soit
sur
les
terrains
traditionnels,
ou
sur
le
Net.
Le
Parlement
européen,
pour
sa
part,
a
été
très
actif.
De
nombreuses
campagnes
ont
été
lancées,
leur
site
internet,
très
complet,
regorgeait
d’interviews,
de
reportages,
d’infographies
sur
les
institutions
européennes,
le
vote
de
2014,
et
les
enjeux
de
l’élection.
16. 16
Comment
voter
?,
Où
voter
?,
Pourquoi
voter
?,
chaque
question
avait
une
réponse
sur
le
site
du
Parlement
européen,
qui
a
investi
énormément
de
temps
et
d’argent
dans
la
campagne
de
2014.
Le
slogan
“Act,
React,
Impact“
était
présent
sur
toutes
les
pages,
et
chacune
de
ses
pages
regorgeait
d’informations.
Dans
chaque
catégories,
on
trouvait
au
moins
dix
vidéos,
des
appels
au
vote
de
personnalités
ou
simplement
de
citoyens
européens.
Le
site
La
machine
à
remonter
le
temps12
permettait
d’apercevoir
certaines
évolutions
de
la
société
entre
1979
et
2014,
et
le
rôle
de
l’Europe
dans
ces
évolutions.
Cette
application
mise
en
ligne
le
6
mai
2014
n’était
qu’un
des
nombreux
outils
développés
sur
le
Web
par
le
Parlement,
elle
était
disponible
en
24
langues.
Les
institutions
européennes
ont
également
élaboré
un
kit
militant,
permettant
d’afficher
son
soutien
aux
élections
de
2014
sur
les
réseaux
sociaux.
Pour
cela,
le
Parlement
a
utilisé
l’outil
Thunderclap
:
une
plateforme
qui
permet
de
créer
un
paquet
de
messages
à
poster
sur
les
réseaux
sociaux.
L’application
peut
poster
des
tweets
ou
des
messages
Facebook
via
les
comptes
de
ceux
qui
se
sont
inscrits.
Ceux
qui
s’inscrivaient
sur
celui
du
Parlement
devenaient
«
ambassadeurs
de
l’élection
».
Le
Tunderclap
donnait
accès
à
de
nombreux
outils,
infographies,
articles,
ou
vidéos
mises
en
ligne
par
le
Parlement
pour
les
poster
sur
les
réseaux.
Près
de
60
000
personnes
se
sont
inscrites.
Le
PPE
a
également
utilisé
cet
outil
pour
encourager
ses
militants.
Mais
le
Parlement
n’est
pas
la
seule
institution
efficace
sur
le
Web.
Plusieurs
pays
ont
lancé
des
campagnes
d’appel
au
vote
sur
le
net
qui
ont
eu
de
l’impact.
Nous
mentionnons
précédemment
l’éventualité
d’un
buzz,
c’est
ce
qui
s’est
passé
avec
la
vidéo
produite
par
les
institutions
danoises.
La
vidéo
Voteman
a
été
vue
presque
135
000
fois
(uniquement
sur
Youtube).
Son
caractère
choquant
fut
la
clé
de
son
succès
:
du
sexe,
de
la
violence,
et
un
super
héro
décalé,
tout
ce
dont
le
Web
raffole.
La
vidéo
a
été
retirée
de
la
campagne
officielle
le
jour
même
de
sa
sortie,
après
une
levée
de
bouclier
de
nombreuses
associations,
mais
le
net
s’en
était
déjà
emparée.
Quand
on
analyse
ce
buzz,
on
voit
donc
ce
que
le
Web
aime,
comment
il
réagit,
ce
qui
intéresse
les
internautes,
ce
qui
les
attire.
Cela
peut
amener
une
critique
de
l’utilisation
du
Web
en
politique.
Mis
en
opposition
avec
tous
les
outils
du
Parlement
européen,
on
en
vient
à
douter
de
l’utilité
politique
de
l’outil
numérique.
Le
Web
est
une
plateforme
efficace,
certes,
mais
ce
qui
plait
au
Web
ce
n’est
pas
la
politique,
c’est
l’humour,
le
choquant,
le
décalé.
Jacques
Gerstlé
explique
que
la
tentative
par
l’information
d’inclusion
croissante
dans
la
citoyenneté
appelle
«
l’égale
participation
de
tous
les
citoyens
au
raisonnement
public
pour
résoudre
les
problèmes
relevant
du
choix
collectif.
»13
Cette
conception
basée
sur
l’idéal
kantien
d’exercice
de
la
raison
semble
12
http://www.europarl.europa.eu/ep_products/infographics/timemachine/index_fr.html
13
J.
Gesrtlé,
Ibid.,
p.2
17. 17
bien
optimiste
sur
le
Web.
On
suppose
que
les
citoyens
connectés
sont
suffisamment
intéressés
par
la
chose
publique
pour
prendre
le
temps
de
participer,
donc
de
s’informer
au
maximum.
Le
buzz
est
la
représentation
idéale
de
ce
qui
fonctionne
sur
le
Web,
et
ce
ne
sont
pas
les
infographies
du
Parlement
européen.
Les
longs
argumentaires,
les
chiffres
compliqués,
et
les
raisonnements
nuancés
ne
sont
pas
le
matériel
idéal
pour
le
Web.
C’est
l’une
des
raisons
qui
expliquent
que,
parmi
les
acteurs
politiques
présents
sur
le
Web
durant
cette
campagne,
les
extrêmes
soient
omniprésents.
(Annexe
1)
1.2.2. Les
acteurs
politiques
Rien
qu’en
Ile
de
France,
on
dénombrait
31
listes
présentant
des
candidats
aux
élections
européennes.
Le
scrutin
européen,
vote
délaissé
par
l’électorat,
est
l’occasion
pour
chacun
de
faire
entendre
sa
voix.
Certains
partis
ont
critiqué
les
médias
traditionnels
pour
n’avoir
laissé
que
très
peu
de
place
aux
petits
partis,
aux
formations
marginales.
Pour
ces
formations,
le
Web
est
le
meilleur
outil
de
communication
qui
soit.
C’est
également
un
très
bon
support
pour
les
extrêmes,
qui
se
disent
aussi
délaissés
par
les
médias,
ou
qui
dénonce
l’acharnement
contre
leurs
idées.
Ce
fut
le
cas
de
l’UPR
(Union
populaire
républicaine),
petit
parti
fondé
en
2007
par
François
Asselineau.
Dans
ce
parti,
la
figure
du
chef
semble
dominer
tout
le
reste.
Le
fondateur,
diplômé
d’HEC
et
de
l’ENA,
fait
figure
de
caution
intellectuelle.
Son
programme
pour
les
élections
européennes
de
2014
:
sortir
de
l’Union
européenne.
Absent
des
médias,
la
campagne
sur
internet
a
été
menée
sans
relâche
par
l’UPR.
Leur
site,
plateforme
centrale
de
la
campagne,
est
la
principale
source
de
revenu,
puisque
des
fenêtres
pop-‐up
(qui
s’ouvrent
automatiquement)
reviennent
régulièrement
pour
proposer
de
faire
un
don
à
la
campagne.
Le
20
avril,
le
parti
avait
récolté
158
000
euros.
Leur
présence
sur
Twitter
était
également
impressionnante.
Souvent,
le
même
tweet
était
renvoyé
vingt
fois
dans
une
journée
par
vingt
personnes
différentes.
Des
liens
vers
des
vidéos
de
François
Asselineau
dénonçant
les
mensonges
médiatiques
sur
l’Europe,
des
articles
de
François
Asselineau
sur
la
fondation
douteuse
de
l’Union
européenne,
tout
était
présent
sur
Twitter.
Et
leur
assiduité
sur
le
Web
est
remarquable,
on
les
trouve
sur
les
forums,
dans
les
commentaires
d’articles
des
médias
généralistes
et
spécialisés,
sur
les
sites
de
droite
comme
de
gauche,
on
peut
trouver
un
commentaire
donnant
un
lien
vers
le
site
de
l’UPR.
Les
partis
dits
“républicains“
ont
également
été
présents,
comme
nous
l’avons
vu,
sur
les
différents
espaces
numériques.
La
liste
UDI/MoDem
a
choisi
comme
nom
«
Les
Européens
»
durant
la
campagne,
et
a
lancé
plusieurs
initiatives
timides
sur
les
réseaux
sociaux.
Mais
leur
effort
fut
de
toute
façon
plus
prononcé
que
celui
de
l’UMP
dont
la
campagne
européenne
fut
très
réduite.
Le
compte
“UMP
Europe
2014“
sur
Twitter,
inscrit
en
2012,
n’a
publié
que
726
tweets,
et
reçu
760
abonnés.
En
comparaison,
le
compte
“Choisir
Notre
Europe“
(@PS_EP2014)
avait
près
de
2
200
abonnés,
et
celui
des
“Européens“
(@Les_Européens)
en
comptait
3
500.
La
campagne
numérique
de
l’UMP
s’est
limitée
à
la
communication
des
personnalités
politiques.
Alain
Lamassoure,
tête
de
liste
en
Ile
de
France,
a
fait
beaucoup
d’efforts
pour
diffuser
son
message
sur
le
Net.
Le
principal
problème
fut
qu’il
différait
du
message
de
18. 18
nombre
de
ses
collègues.
Nadine
Morano
fut
aussi
très
présente,
en
tant
que
tête
de
liste
dans
l’Est.
Les
têtes
de
liste
socialistes,
en
plus
de
la
communication
du
Parti,
ont
été
très
actives,
notamment
Pervenche
Bérès,
tête
de
liste
Ile
de
France,
qui
compte
3
329
abonnés.
Virginie
Rozière,
tête
de
liste
dans
le
Sud-‐Ouest,
et
seule
représentante
du
PRG
(Parti
radical
de
Gauche)
comme
tête
de
liste
affiliée
PS
a
aussi
beaucoup
communiqué
sur
son
message,
et
les
quelques
différences
qu’il
présentait
avec
celui
des
socialistes.
Mais
en
France,
hormis
l’UPR,
dont
le
volume
de
tweets
par
rapport
au
nombre
d’électeurs
qu’il
représente
est
hors
norme,
c’est
le
Front
National
qui
est
le
plus
présent
sur
les
réseaux
sociaux.
Dès
les
années
1990,
le
FN
a
compris
l’intérêt
de
l’outil
numérique
et
s’en
est
servi.
Les
militants
du
Front
sont
virulents
sur
la
toile.
Il
est
devenu
possible
de
s’apercevoir
de
leur
nombre
d’un
coup
d’œil
lorsque
le
FN
a
demandé
à
tous
ses
twittos
de
mettre
en
photo
de
profil
le
sigle
du
FN
pour
les
élections
européennes.
L’effet
a
été
immédiat,
le
fil
Twitter
était
envahi
de
flammes
aux
couleurs
bleu,
blanc,
rouge.
En
terme
de
visibilité,
au
sens
premier
du
terme,
l’idée
était
excellente.
Jacques
Gerstlé
considère
que,
jusqu’aux
années
1950,
se
tenait
la
période
«
pré-‐moderne
»
de
la
communication
politique.
Il
cite
alors
Michel
Offerlé
qui
en
1993
affirmait
que
durant
ce
temps,
l’essentiel
était
de
«
tenir
les
murs
»14
puisque
la
communication
politique
était
principalement
limitée
aux
affiches,
aux
placards.
«
Aujourd’hui,
et
dans
le
futur,
il
s’agira
de
tenir
la
toile.
Lorsqu’on
interroge
cet
enjeu,
c’est
l’extrême
droite
qui
“tient“
l’espace
numérique.
»15
Cette
affirmation
est
encore
vraie
aujourd’hui,
et
s’explique
assez
facilement
lorsqu’on
considère
que
«
le
web
constitue
pour
le
FN
non
pas
un
outil
supplémentaire
de
diffusion,
mais
un
instrument
qui
occupe
une
place
centrale
dans
son
dispositif
de
communication.
»16
Dans
le
reste
de
l’Europe,
le
UKIP
a
fait
preuve
d’une
remarquable
constance
sur
les
réseaux
sociaux.
Le
22
mai,
jour
de
vote
au
Royaume
Uni,
le
compte
@UKIP
a
été
mentionné
près
de
11
000
fois,
tandis
qu’environ
6
000
tweets
contenaient
une
mention
du
compte
@Nigel_Farage,
le
leader
du
parti.
Farage
a
également
utilisé
le
Web
pour
répondre
aux
nombreuses
polémiques
et
accusations
de
racisme
qui
ont
touché
son
parti
durant
ce
mois
de
campagne
européenne.
Après
des
propos
plus
que
tendancieux
à
l’encontre
de
Roumains
qui
viendraient
s’installer
à
côté
de
chez
lui,
Nigel
Farage
a
dû
réagir
par
une
lettre
ouverte
au
peuple
britannique,
massivement
diffusée
sur
les
réseaux
sociaux.
De
nombreuses
critiques
ont
également
émergé
sur
le
Web
après
une
campagne
d’affichage
UKIP.
Avec
ces
critiques,
on
observe
un
des
effets
les
plus
marquant
du
Web
sur
la
campagne
que
je
qualifierais
de
“caisse
de
résonnance“.
Le
Web
crée
peu
de
produit
de
campagne
en
soi,
mais
est
très
présent
lorsqu’il
14
M.
Offerlé,
Un
homme,
une
voix
?
Histoire
du
suffrage
universel,
Paris,
Gallimard,
1993
15
J.
Gerstlé,
La
communication
politique,
Paris,
Armand
Colin,
2013
(ed.
orig.
2004),
p.116
16
F.
Greffet,
Ibid.,
p.151
19. 19
s’agit
de
commenter,
de
diffuser
des
actes
de
campagne
hors
ligne
(débats,
affichages,
discours…).
C’est
sur
cet
effet
«
caisse
de
résonnance
»
que
comptent
les
partis
politiques
qui
tweetent
un
événement
en
direct.
Mais
c’est
également
de
cet
effet
là
que
les
autres
acteurs
de
la
campagne
souhaitent
profiter
:
organisations,
mouvements
civiques
ou
même
citoyens
isolés.
1.2.3. Les
mouvements
et
acteurs
de
la
société
civile
Marc
Abélès
affirme
que
«
le
sentiment
qu’il
est
possible
de
se
faire
entendre
d’un
grand
nombre
lorsqu’on
délivre
son
message
sur
le
réseau
crée
une
véritable
ivresse.
»17
C’est
cette
ivresse
qui
anime
la
plupart
des
individus
isolés
sur
Twitter.
En
effet,
lorsqu’on
partage
un
lien,
lorsqu’on
commente
un
débat
ou
un
fait
d’actualité,
ou
même
lorsqu’on
insulte
une
personnalité
sur
le
réseau,
on
a
l’impression
que
cette
participation
peut
être
vue
et
reprise.
Un
retweet
offre
une
sensation
de
satisfaction,
vingt
retweets
amènent
un
sentiment
de
fierté,
dix
nouveaux
abonnés
font
sauter
au
plafond.
Chacun
veut
partager
son
point
de
vue,
avoir
l’impression
que
quelques
personnes
sont
intéressées
par
ce
qu’il
ou
elle
a
à
dire.
Se
sentir
écouté,
être
reconnu,
et
peut
être
même
admiré,
voilà
l’objectif
principal
de
l’affichage
de
ses
opinions
sur
les
réseaux
sociaux.
C’est
le
même
mécanisme
qui
fait
poster
de
belles
photos
de
soi
sur
Facebook
ou
sur
Instagram.
Au-‐delà
de
cet
objectif
de
satisfaction,
il
y
a
aussi
l’intérêt
pour
la
campagne,
pour
un
parti,
un
engagement
militant.
Ceux-‐là
apparaissent
comme
commentateurs
de
la
vie
politique
régulière
et
des
évènements
exceptionnels.
On
croise
aussi
des
indifférents,
dont
certains
qui
envoient
un
tweet,
le
jour
du
vote,
pour
dire
qu’ils
ne
savent
pas
quoi
voter,
ou
marquer
l’occasion
de
leur
premier
vote.
-‐
-‐
-‐
-‐
-‐
-‐
-‐
Il
y
a
aussi
les
mouvements
civils,
les
défendeurs
d’une
cause
qui
souhaiteraient
voir
leur
sujet
prendre
une
place
de
premier
plan
dans
la
campagne.
Ces
organisations
envoient
des
tweets
aux
personnalités
politiques
pour
les
faire
réagir
sur
certains
sujets.
J’ai
remarqué
certains
qui
revenaient
particulièrement
souvent.
De
grandes
campagnes
de
tweet
spamming
ont
été
lancées
par
des
associations
de
Droits
de
l’Enfant,
demandant
aux
candidats
de
signer
une
charte,
avec
le
hashtag
#ChildRightsFirst.
Mais
ce
ne
sont
pas
les
seuls
à
avoir
épuisé
ce
sujet,
puisque
le
mouvement
“Manif
pour
Tous“
a
aussi
lancé
une
charte
qu’elle
a
demandé
aux
candidats
de
signer.
Christine
Boutin
et
ses
colistiers
de
‘Force
Vie“
ont
tous
signé,
mais
la
charte
n’a
eu
qu’un
effet
limité,
seuls
23
17
F.
Greffet,
Ibid.,
p.67
20. 20
élus
ont
signé
le
texte
“Europe
For
Family“,
parmi
eux,
on
trouve
principalement
des
élus
FN,
et
quelques
personnalités
de
l’UMP.
La
société
civile
voit
aussi
l’implication
de
blogueurs,
d’intervenants,
parfois
des
intellectuels,
qui
donnent
leur
avis.
Parmi
les
plus
fréquents,
on
rencontre
le
britannique
Jon
Worth,
ou
encore
le
propriétaire
du
blog
Marco
Recorder.
Ces
deux
spécialistes
des
médias
sociaux
se
sont
beaucoup
impliqués
dans
la
campagne.
Jon
Worth
est
sans
doute
le
plus
actif,
et
le
plus
influent.
Son
compte
Twitter
en
est
une
bonne
indication,
inscrit
depuis
2008,
il
a
envoyé
plus
de
51
000
tweets
et
totalise
11
300
abonnés.
C’est
bien
plus
que
de
nombreux
députés
européens.
Défenseur
acharné
de
l’Union
européenne,
il
fut
l’une
des
voix
les
plus
influentes
de
la
lutte
pro-‐Europe
de
cette
campagne
de
2014.
Tous
ces
acteurs
étaient
souvent
dispersés,
chacun
parlant
de
ses
intérêts,
de
ce
qui
le
touchait.
Mais
certains
instants
de
la
campagne
ont
réuni
la
toile
européenne.
Les
évènements
organisés
à
l’échelle
européenne
durant
la
campagne
ont
mis
à
profit
le
numérique
pour
élargir
le
débat
et
montrer
la
possibilité
de
la
construction
d’un
espace
publique
européen.
1.3. La
couverture
des
évènements
1.3.1. Une
organisation
qui
inclut
numérique
Sept
débats
européens
ont
été
organisés
entre
les
différents
candidats
à
la
présidence
de
la
Commission.
A
chaque
débat,
les
organisateurs
avaient
pris
soin
d’établir
un
hashtag
pour
commenter
ce
débat,
afin
de
pouvoir
mesurer
l’audience
du
débat,
les
réactions,
l’opinion
des
twittos,
et
désigner
un
vainqueur.
Le
débat
le
plus
important,
celui
du
15
mai
2014,
était
organisé
dans
l’enceinte
du
Parlement
européen,
par
la
chaine
européenne
Eurovision,
et
retransmis
en
direct
à
la
télévision
dans
de
nombreux
pays,
donc
traduit
dans
les
24
langues
officielles
de
l’UE,
il
était
établi
sous
le
nom
:
#TellEurope.
21. 21
Cette
organisation
fut
un
succès.
Durant
le
débat,
les
twittos
pouvaient
envoyer
des
questions
en
utilisant
la
mention
#TellEurope,
et
certaines
étaient
posées
en
direct
aux
candidats.
Toutes
les
trente
minutes,
les
présentateurs
se
tournaient
vers
l’expert
Twitter
du
plateau
pour
se
renseigner
sur
l’évolution
du
hashtag,
sur
les
questions
posées
et
sur
les
réactions
de
la
toile
au
débat.
Les
candidats
avaient
bien
entendu
mobilisé
leurs
troupes
sur
Twitter.
Et
le
débat
a
finalement
généré
près
de
100
000
tweets
contenant
le
hashtag
#TellEurope,
avec
Martin
Schulz
mentionné
plus
de
16
000
fois,
tandis
que
Guy
Verhofstadt
et
Jean-‐Claude
Juncker
furent
mentionnés
environ
13
600
fois
chacun.
Plus
de
60
000
tweets
furent
envoyés
durant
le
débat
lui-‐même,
provenant
de
15
000
personnes
différentes.
(Annexe
2)
Cette
implication
du
numérique
a
permis
de
réunir
les
deux
conditions
établies
par
Toni
Ramoneda
dans
son
mémoire
sur
“L’Europe
médiatique“
:
l’existence
d’un
espace
publique
«
implique
que
1)
nous
comprenons
cet
espace
comme
le
lieu
d’émergence
des
conflits
2)
les
conflits
ne
peuvent
pas
émerger
sans
l’existence
d’une
communication
politique,
car,
pour
que
les
rapports
de
forces
soient
rendus
visibles,
ils
doivent
d’abord
exister.
»18
Le
débat
européen
s’est
créé,
autour
d’un
événement
européen,
durant
cette
campagne,
ce
qui
montre
bien,
grâce
au
numérique,
la
création
d’un
espace
public
européen.
La
création
d’un
espace
public
dans
un
espace
géographique
aussi
large
que
le
continent
européen
n’était
possible
que
grâce
au
développement
du
réseau
internet
mondial.
Le
Web,
en
ce
qu’il
permet
la
visualisation
en
direct
d’un
événement
par
des
milliers
ou
des
millions
de
personnes,
et
les
réseaux
sociaux,
en
tant
qu’ils
permettent
à
ces
spectateurs
d’en
débattre
en
oubliant
toute
notion
de
distance,
rend
plus
réel
que
jamais
le
«
village
global
»
dont
parlait
Marshall
McLuhan
en
1964.
Marc
Abélès
analyse
le
phénomène
de
la
façon
suivante
:
«
La
possibilité
de
réagir
en
temps
réel
et
de
dialoguer
avec
d’autres
à
propos
de
l’actualité
brulante
est
vécue
comme
une
affirmation
de
liberté.
»19
Il
affirme
qu’internet
bouleverse
la
donne
politique
puisqu’il
donne
au
citoyen
la
possibilité
de
réagir
sur
les
propositions
faites
par
ses
représentants
:
«
On
peut
énoncer
ses
doléances,
dire
leur
fait
aux
politiques,
avancer
des
propositions
concrètes.
»
18
T.
Ramoneda,
«
L’Europe
médiatique
:
une
analyse
de
l’espace
public
européen
»,
Université
Lumière
Lyon
2,
DEA,
Sciences
de
l’Information
et
de
la
Communication
Option
Médias
et
identité,
Mémoire
de
DEA,
sous
la
direction
d’Isabelle
Garcin-‐Marrou,
2005,
p.50
19
F.
Greffet,
Ibid.,
p.67
22. 22
La
création
de
cet
espace
public
européen
s’est
faite
grâce
à
des
moments
concrets,
des
rassemblements
européens
tout
au
long
de
cette
campagne.
C’est
ce
que
Robert
Schuman
appelait
de
ses
vœux
lorsqu’il
affirmait
en
1950
:
«
L’Europe
ne
se
fera
pas
d’un
coup,
elle
se
fera
par
des
réalisations
concrètes
créant
d’abord
une
solidarité
de
fait.
»
Pour
participer
à
cet
espace
public
européen,
qui
pour
l’instant
n’existe
que
sur
la
Toile,
les
partis
et
les
acteurs
doivent
désormais
maintenir
une
présence
constante
sur
les
Réseaux
sociaux.
1.3.2. Une
présence
constante
essentielle
Malgré
la
nouveauté
présente
dans
ces
élections,
l’Europe
n’a
intéressé
qu’une
faible
partie
de
la
population
française,
et
de
ceux
qu’elle
a
intéressé,
un
quart
a
clairement
exprimé
son
mécontentement,
son
agacement
vis
à
vis
de
cette
Europe.
Une
chose
est
certaine,
l’Europe
ne
fait
plus
rêver.
Par
conséquence
directe,
l’Europe
fait
peu
d’audience
à
la
télévision,
peu
de
ventes
pour
les
journaux.
Partant,
les
députés
européens
n’ont
que
peu
de
choix
pour
se
faire
connaître.
Une
étude
présentée
sur
le
site
Digital
Maniak
a
recensé
l’activité
des
députés
européens
français
sur
Twitter
en
mai
2014.
86%
d’entre
eux
ont
un
compte
Twitter.
A
titre
de
comparaison,
seuls
60%
des
députés
français
à
l’Assemblée
nationale
en
possèdent
un.
Les
députés
européens
ont
en
moyenne
17
445
abonnés,
et
les
deux
grands
groupes
(PPE
et
S&D)
sont
majoritaires
en
audience.
Le
rapport
conclut
:
«
Sans
réelle
visibilité
médiatique
au
niveau
national,
les
eurodéputés
ont
donc
largement
investi
et
exploité
le
potentiel
d’audience
de
Twitter.
»20
L’Europe
est
donc
un
sujet
qui
se
traite
sur
Internet.
Les
partis
européens
et
français
ont
dû
assurer
une
présence
constante
sur
les
réseaux
sociaux,
et
une
actualisation
permanente
des
sites
internet,
à
la
fois
les
sites
de
campagne
et
les
sites
officiels
des
partis.
Thierry
Vedel
explique
:
«
ouvrir
un
site
ne
suffit
pas
et
pour
acquérir
une
réelle
visibilité,
des
efforts
–
d’animation,
d’actualisation,
de
promotion
–
bien
plus
importants
doivent
être
engagés.
»21
En
effet,
si
Internet
est
défini
comme
l’outil
instantané
par
excellence,
un
retard
sur
une
actualité,
une
page
non
mise
à
jour,
une
information
obsolète
peut
décrédibiliser
un
Parti.
Ron
Davies
note
que
«
plus
de
la
moitié
des
internautes
européens
pensent
que
les
réseaux
sociaux
sont
un
bon
moyen
de
se
tenir
au
courant,
ou
de
participer,
aux
affaires
politiques.
»22
Il
apparaît
donc
comme
évident
que
la
présence
sur
les
réseaux
sociaux
est
désormais
indispensable
pour
un
parti
politique.
Comme
nous
l’avons
vu,
chaque
réseau
social
doit
être
utilisé
de
façon
différente.
Facebook
est
utilisé
pour
faire
revivre
les
évènements,
on
poste
des
photos
de
meetings,
des
vidéos
des
discours,
des
interviews.
Twitter
est
un
relai,
pour
tenir
ses
abonnés
informés
sur
l’évolution
de
la
campagne,
des
déclarations
à
chaud,
des
nouveautés
sur
le
site
internet,
ou
des
articles
parus
dans
la
presse.
On
retrouve
le
rôle
d’internet,
et
20
“La
présence
des
eurodéputés
français
sur
Twitter“,
Digital
Maniak,
Mai
2014
21
F.
Greffet,
Ibid.,
p.287
22
Ron
Davies,
Ibid.,
p.3
23. 23
surtout
de
Twitter,
comme
caisse
de
résonnance
de
la
vie
politique
de
terrain
et
de
la
campagne
dans
les
médias.
Cette
caisse
de
résonnance
doit
être
utilisée,
même
si
nous
verrons
que
l’effet
de
résonnance
est
parfois
limité.
Dans
une
campagne
électorale,
rien
n’est
négligeable,
et
surtout
pas
le
Web.
Une
bonne
image
sur
le
Web
peut
apporter
beaucoup
de
chose,
mais
une
mauvaise
e-‐reputation
aurait
des
effets
bien
plus
dommageables.
Une
image
de
parti
en
retard
est
inenvisageable,
et
principalement
pour
un
parti
comme
le
PS,
dont
l’image
se
veut
progressiste
et
moderne.
Pour
Florence
Bonneti,
les
réseaux
sociaux,
et
le
web
en
général
sont
devenus
«
vitaux
»
pour
la
communication
politique,
bien
au-‐delà
des
campagnes
électorales.
1.3.3. La
présence
socialiste
Le
Parti
socialiste
a
investi
le
Web
de
façon
considérable
durant
la
campagne
des
élections
européennes
de
2014.
La
stratégie
de
communication
web
utilisée
s’est
vouée
à
jouer
de
la
complémentarité
entre
le
site
de
campagne
“choisirnotreeurope.fr“
et
le
site
du
Parti.
Le
site
“choisirnotreeurope.fr“
s’est
concentré
sur
la
campagne
à
proprement
parler.
Véritable
réceptacle
de
toutes
les
actualités,
il
a
permis
de
détailler
les
propositions
socialistes,
de
poser
des
questions
aux
candidats,
et
de
fournir
des
outils
aux
militants
socialistes.
Cette
plateforme
représentait
une
nouveauté
digitale
en
termes
d’interactivité.
Le
site
du
parti
a
joué
le
rôle
de
campagne
institutionnelle.
Il
proposait
des
contenus
d’actualité,
mais
aussi
des
textes
froids
et
d’argumentaires.
Les
messages
vidéos
des
responsables
politiques
étaient
centralisés
sur
ce
support,
puis
diffusés
grâce
aux
réseaux
sociaux.
Le
site
hébergeait
aussi
le
streaming
en
direct
des
évènements,
des
reportages,
des
albums
photos.
Néanmoins,
l’une
des
décisions
les
plus
importantes
fut
l’organisation
de
soirées
militantes
Web
durant
lesquelles
se
rencontraient
les
deux
mondes
:
l’action
physique
militante
et
le
soutien
numérique.
Une
rencontre
avait
été
organisée,
le
2
avril
avec
Jean-‐
Christophe
Cambadélis,
encore
responsable
de
la
campagne
à
ce
moment,
et
Henri
Weber,
responsable
de
la
cellule
Europe
du
Parti
socialiste.
Massivement
tweetée,
cette
rencontre
avait
aidé
à
faire
sortir
le
message
socialiste
sur
les
réseaux
sociaux.
La
communication
de
Solferino
organisait
également
des
“support
parties“
durant
les
débats.
Des
militants
étaient
encouragés
à
venir
au
siège
du
parti
pour
visionner
le
débat.
Parmi
eux,
la
plupart
étaient
des
e-‐militants,
qui
twittaient
les
propositions
de
Martin
Schulz,
ou
des
messages
de
soutien.
Emma
Antropoli,
directrice
du
service
Web
à
la
communication
de
Solferino
explique
:
«
Ces
soirées
sont
fondamentales
pour
rencontrer
les
personnes
qui
sont
notre
voix
sur
le
web,
les
écouter
et
permettre
de
coordonner
leurs
actions.
»
L’autre
versant
de
l’utilisation
du
Web
par
les
socialistes
est
bien
sûr
les
possibilités
de
communication
de
masse
qu’il
offre
grâce
aux
services
de
mailing
et
de
Newsletter.
La
mobilisation
des
militants
passe
par
là.
Il
faut
les
interpeler,
les
24. 24
encourager,
les
motiver
pour
faire
campagne.
C’est
sans
doute
sur
ce
point
que
la
campagne
a
été
la
plus
compliquée
pour
le
Parti
socialiste.
Dans
cette
campagne,
le
Parti
socialiste
a
dû
faire
face
à
un
contexte
national
extrêmement
difficile.
Après
la
gifle
reçue
aux
élections
municipales
un
mois
plus
tôt,
la
base
militante
de
terrain
était
largement
démotivée.
Pour
limiter
la
déroute
envisagée
aux
élections
européennes,
le
PS
a
donc
utilisé
à
fond
l’outil
numérique,
à
la
fois
de
façon
traditionnelle
et
innovante.