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RAPPORT D’EXPERTISE RISQUE PAYS
SÉNÉGAL
Mars 2016
Andréa Arnaud - Pierre-André Arqué
Sarah Boumediene - Ghita Bouzekri Alami
Anna Estier - Lucas Giboin
Caroline Manac’h - Kevin Orefice
Yvonne Pambo - Lena Wallach
2
Remerciements
Nous tenons à exprimer notre reconnaissance à Monsieur Jean-Philippe Berrou,
Maître de conférence en Sciences Economiques à Sciences Po Bordeaux, référent
de cette étude, pour sa disponibilité et pour la qualité des conseils qu’il nous a
prodigués tout au long de l’avancée de nos travaux.
Nous souhaitons également exprimer nos remerciements à Madame Céline Thiriot,
Maître de conférence en Sciences Politiques à Sciences Po Bordeaux, Directrice du
Laboratoire des Afriques dans le Monde, pour nous avoir sensibilisés à certains enjeux
politiques et sociaux au Sénégal.
Toute notre gratitude à Monsieur Cisse Kane Ndao, Secrétaire Général du Conseil
Départemental de Mbacke de la République du Sénégal, pour le temps qu’il nous a
accordé lors de son court séjour à Bordeaux. Son point de vue nous a permis
d’appréhender au mieux la réalité des enjeux auxquels le Sénégal est aujourd’hui
confronté, notamment concernant son administration publique et de ses
collectivités locales.
Nos sincères remerciements à Monsieur Tanguy Bernard, Docteur en micro-
économie du développement et économétrie appliquée, Professeur associé à
l’Université de Bordeaux, pour l’entretien qu’il nous a accordé et pour avoir partagé
avec nous son expérience de terrain et son approche analytique socio-économique
du Sénégal.
Nous adressons également nos remerciements à Monsieur Ismaila Diop, Inspecteur
principal des Douanes Sénégalaises et Directeur du Renseignement et des Enquêtes
Douanières à Dakar, pour nous avoir accordé un entretien qui nous a davantage
éclairés sur les enjeux liés aux frontières sénégalaises.
Enfin, nous tenons à exprimer notre sincère gratitude à toutes les personnes qui ont
pu nous soutenir lors de l’élaboration de cette expertise risque pays sur le Sénégal, et
particulièrement Monsieur Pierre Gancel, commanditaire de l’étude risque projet
2016 au Sénégal, pour sa disponibilité et sa réactivité.
3
Acronymes, abréviations et sigles utilisés dans le rapport :
ADIE : Agence de l'Informatique de l’Etat
AGOA: African Growth and Opportunity Act
ANAT : Agence Nationale pour l’Aménagement du Territoire
ANDI : Accords de Non Imposition
ANE : Acteurs Non-Etatiques
ANSD : Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie
APD : Aide Publique au Développement
APE : Accords de Partenariats Economiques
APIX : Agence pour la Promotion des Investissements et des Grands Travaux
APPI : Accords de Promotion et de Protection réciproque des Investissements
APR : Alliance Pour la République
ATA: Antiterrorism Assistance Program
BAFD : Banque Africaine de Développement
BCE : Banque Centrale Européenne
BCE : Bureau d’appui à la Création d’Entreprise
BCEAO : Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest
BFAD : Bureau des Formalités Administratives Domaniales
BM : Banque Mondiale
CIAN: Conseil français des Investisseurs en Afrique
CGI : Code Général des Impôts
CGD : Code Général des Douanes
CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
CFPA : Centre de Facilitation des Procédures Administratives
CGU : Contribution Globale Unique
CMU : Couverture Maladie Universelle
CNRI : Commission Nationale de Réforme des Institutions
CONGAD : Conseil des Organisations Non Gouvernementales d’Appui au
Développement
CPI : Conseil Présidentiel d’Incvestissement
CPI: Cour Pénale Internationale
CREI : Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite
DDP : Direction de la Dette Publique
DIC : Division des Investigations Criminelles
4
DSRP : Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté
ECOMOG : Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring
Group
EFE : Entreprise Franche d’Exportation
ENAM : Ecole Nationale d’Administration et de la Magistrature
FAISE : Fonds d’Appui à l’Investissement des Sénégalais de l’Extérieur
FCFA: Franc CFA
FMI : Fond Monétaire International
GAR : Gestion Axée sur les Résultats
IADM : Initiative d’Allégement de la Dette Multilatérale
ICS : Industries Chimiques Sénégalaises
IDE : Investissement Direct Etranger
IPC : Indice de Perception de la Corruption
LGBT : Lesbiennes, Gays, Bi-e-s, Trans
MFDC: Mouvement des Forces Démocratiques
MINUSMA: Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation
du Mali
MISMA : Mission Internationale de Soutien au Mali sous conduite Africaine
MMUD : Mouvement Mondial dans l’Unicité de Dieu
OCDE : Organisation de Coopération de Développement Économique
OCRTIS: Office Central pour la Répression du Trafic Illicite des Stupéfiants
OFNAC : Office Nationale de Lutte contre la Fraude et la Corruption
OI : Organisations Internationales
OMD : Objectif du Millénaire pour le Développement
ONG : Organisation Non-Gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
ONUC : Opération des Nations Unies au Congo
ONUDC: Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime
PAD : Port Autonome de Dakar
PAQUET :Programme d’Amélioration de la Qualité, de l’Équité et de la Transparence
PIB : Produit Intérieur Brut
PDS : Parti Démocratique Sénégalais
PME: Petites et Moyennes Entreprises
PNDL : Programme national de Développement Local
5
PNBG : Programme Nationale de Bonne Gouvernance
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
PPP: Partenariat Public-Privé
PPTE : Pays Pauvre et Très Endetté
PREAC : Programme de Réformes de l’Environnement des Affaires et de la
Compétitivité
PS : Parti Socialiste
PSE : Plan Sénégal Emergent
SDE : Sénégalaise des Eaux
SENELEC : Société Nationale d’Electricité du Sénégal
SONATEL : Société Nationale des Télécommunications du Sénégal
TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée
UA: Union Africaine
UE : Union Européenne
UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
UMOA : Union Monétaire Ouest Africaine
UNACOIS : Union Nationale des Commerçants et Industriels du Sénégal
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture
United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization
WAMER: Western African Marine Ecoregion
WWF WAMER: World Wide Fund for Nature Western African Marine Ecoregion
ZESI : Zone Economique Spéciale Intégrée
6
Table	des	matières	
REMERCIEMENTS	 2	
ACRONYMES,	ABREVIATIONS	ET	SIGLES	UTILISES	DANS	LE	RAPPORT	:	 3	
INTRODUCTION	 8	
I.	SOUTENU	PAR	LA	COMMUNAUTE	INTERNATIONALE,	LE	SENEGAL	POURSUIT	SA	
CONSOLIDATION	DEMOCRATIQUE	MAIS	RESTE	MARQUE	PAR	UNE	FORTE	DEPENDANCE	
EXTERIEURE	 13	
A.	 LA	CROISSANCE	VOLATILE	DU	SENEGAL	S’INSCRIT	DANS	UNE	DOUBLE	DEPENDANCE	COMMERCIALE	ET	
FINANCIERE	 13	
1.	 UNE	PRODUCTION	RELATIVEMENT	DIVERSIFIEE	MAIS	A	FAIBLE	VALEUR	AJOUTEE	 13	
2.	 FACE	A	LA	PERSISTANCE	DE	DEFICITS	STRUCTURELS,	LE	SENEGAL	CONNAIT	UN	PROCESSUS	DE	RE	
ENDETTEMENT	RAPIDE	 17	
3.	 LES	REMISES	DE	LA	DIASPORA	:	UN	SUBSTITUT	A	L’AIDE	PUBLIQUE	AU	DEVELOPPEMENT	?	 26	
4.	 LA	DIPLOMATIE	ECONOMIQUE	:	ENTRE	DIVERSIFICATION	DES	PARTENAIRES	ET	MAINTIEN	DES	RELATIONS	
TRADITIONNELLES	 28	
B.	 DES	ACQUIS	DEMOCRATIQUES	MINES	PAR	DES	CONTRAINTES	STRUCTURELLES	PESANT	SUR	LES	
INSTITUTIONS	ET	LES	INFRASTRUCTURES	SENEGALAISES	 31	
1.	 UN	REGIME	DEMOCRATIQUE	STABLE	ET	UNE	SEPARATION	EFFECTIVE	ENTRE	L'ARMEE	ET	LE	
GOUVERNEMENT	 31	
2.	 UNE	CONSOLIDATION	DE	LA	DÉMOCRATIE	GRÂCE	À	LA	STRUCTURATION	DE	LA	SOCIÉTÉ	CIVILE	 35	
3.	 UN	MODE	DE	GOUVERNANCE	INEFFICACE	 42	
4.	 L’ENVIRONNEMENT	DES	AFFAIRES	DEFAVORABLE	NE	SOUTIENT	PAS	LA	STRUCTURE	PRODUCTIVE	ET	
PENALISE	L’INVESTISSEMENT	 47	
II.		LE	SENEGAL	POURSUIT	UN	MODELE	DE	DEVELOPPEMENT	INEGALITAIRE,	
ACCENTUANT	SA	VULNERABILITE	AUX	CHOCS	EXOGENES	 59	
A.	 DES	CONTRAINTES	RELATIVES	AUX	LEVIERS	DE	CROISSANCE	QUI	BLOQUENT	LE	POTENTIEL	DE	
DEVELOPPEMENT	DU	SENEGAL	 59	
1.	 UN	SECTEUR	FINANCIER	EN	DECOLLAGE	QUI	NE	PROFITE	POURTANT	PAS	AU	SECTEUR	PRIVE	 59	
2.	 L’INEFFICACITE	DES	INVESTISSEMENTS	FREINE	L’ESSOR	DU	SECTEUR	PRIVE	 64	
3.	 UN	CAPITAL	HUMAIN	DEFICIENT	MALGRE	DE	FORTES	POTENTIALITES	 67	
B.	 UN	PAYS	MARQUE	PAR	DES	INEGALITES	SOCIALES	ET	TERRITORIALES	 71	
1.	 LE	DESENGAGEMENT	DE	L’ETAT	RENFORCE	LA	FRACTURE	TERRITORIALE	 71	
1.	 DES	INEGALITES	RENFORCEES	PAR	L’IMPORTANTE	VULNERABILITE	AUX	CHOCS	EXOGENES	 76	
2.	 LA	FRAGILISATION	DES	FRONTIERES	:	PRESENCE	DE	L’ETAT	ET	CAPACITE	DE	CONTROLE	DU	TERRITOIRE	82	
DES	DEFIS	ENCORE	NOMBREUX	SUR	LA	VOIE	DU	DEVELOPPEMENT	 89	
UNE	STRATEGIE	D’INVESTISSEMENT	A	DOUBLE	TRANCHANT	 90	
REFORMER	L’ENVIRONNEMENT	DES	AFFAIRES	POUR	LIBERER	LE	POTENTIEL	DE	CROISSANCE.	 91	
DEPASSER	LES	PLANS	D’ORIENTATIONS	STRATEGIQUES…	 92	
…AU	PROFIT	DE	REFORMES	STRUCTURELLES	 92	
VERS	UNE	CROISSANCE	INCLUSIVE	 93	
MATRICE	SWOT	 95
7
SCENARII	 96	
SCENARIO	STABLE	 96	
SCENARIO	OPTIMISTE	 97	
SCENARIO	PESSIMISTE	 98	
ANNEXE	 101	
ANNEXE	:	MAPPING	DES	ACTEURS	DE	LA	SOCIETE	CIVILE	SENEGALAISE	 101	
BIBLIOGRAPHIE	 103
8
Introduction
La République du Sénégal est
« l’ « enfant gâté » face aux « bons
samaritains » de la finance du
développement » 1 . En effet, réputé
pour sa position géostratégique en
Afrique de l’Ouest, le Sénégal fait
figure d’exemple de stabilité
démocratique, dans une région
caractérisée par l’instabilité, et
bénéficie d’un large appui technique
et financier de la part de la
communauté internationale. Derrière
cet effet d’affiche se cache une
réalité plus complexe.
Le Sénégal est tour à tour
qualifié de « Finistère ouest-africain » et
de « Sahel maritime ». Ces deux
expressions donnent une image assez
claire de la situation géographique du
Sénégal. Des Etats de l’Afrique de
l’Ouest, il est le plus ouvert vers
l’Occident et le seul pays du Sahel à
jouir d’une façade maritime sur
l’Océan Atlantique. En effet, le
Sénégal possède un littoral de 530 km
où vivent 63% des 14 millions
d’habitants que recense le pays. C’est
un espace inégalement peuplé et
fortement urbanisé. Ses côtes
concentrant la majorité des activités
économiques, notamment dans sa
capitale, Dakar. Pays sahélien, il se
situe en zone tropicale et la pluie y est
une ressource rare et inégalement
répartie dans le temps et l’espace.
Bordé par le Mali, la Guinée, la Guinée
Bissau et au nord par la Mauritanie et
le fleuve Sénégal, le pays ne semble
pourtant que peu souffrir des conflits
voisins. De même, la Gambie, qui
1
	M.	Kassé.	L’industrialisation	africaine	est	possible,	Quel	
modèle	pour	le	Sénégal	?,	L’Hamarttant,	2013	citant	G.	
BECKER	et	J	;	BUCHANAN	cité	par	M.	F.	JARRET	et	F.	R.	
MAHIEU	:	 La	 Côte	 d’Ivoire	 de	 la	 déstabilisation	 à	 la	
refondation	p10,	l’Harmattan,	2002	
forme une quasi–enclave à l’intérieur
du territoire, ne représente pas un
facteur de déstabilisation pour le
Sénégal. Au contraire, le pays jouit
d’une place privilégiée au sein de la
région. Il préside actuellement la
CEDEAO qu’il a intégré en 1975 et
Dakar abrite le siège de la BCEAO qui
gère les membres de l’UEMOA, que le
pays a rejoint en 1962 2 . De par sa
position, le Sénégal est un espace de
convergence, il est à la fois une terre
d’accueil et de départ.
Ancienne colonie française, le
Sénégal accède à l’indépendance en
1960 grâce au sens du combat
politique qu’il a développé et à son
leader charismatique Léopold Sedar
Senghor, premier président de la
République sénégalaise. Le Sénégal
fait du français sa langue officielle et
contrairement à ses voisins n’a connu
depuis aucun coup d’Etat. En effet,
depuis son indépendance, le pays
s’est inscrit dans une dynamique de
consolidation démocratique, passant
d’un régime à parti unique puis au
multipartisme limité sous Senghor
(1974), à un multipartisme sans limite
sous Diouf. En 2000 il connaît sa
première alternance à la Présidence
avec l’arrivée au pouvoir d’un
nouveau parti, le Parti Démocratique
Sénégalais (PDS). La consolidation
démocratique se manifeste
également par la capacité des
sénégalais à instaurer le dialogue
social et à influencer certains acteurs
étatiques à travers divers canaux,
formels et informels. Par ailleurs le
Sénégal est un pays laïc dont la
population à 94% musulmane,
2
	Deux	traités	coexistent	aujourd’hui,	celui	de	l’UMOA	et	
celui	de	l’UEMOA	créée	en	1994.
9
cohabite pacifiquement avec les
autres groupes religieux. L’Islam
confrérique s’est imposé au Sénégal
comme un facteur de légitimation
réciproque entre les acteurs politique
au pouvoir et les cheikhs dont la
légitimité religieuse est doublée d’un
rôle social. Ces maitres spirituels sont,
en effet, les garants de la cohésion
sociale à travers les multiples activités
qu’ils développent. Présidé par Macky
Sall depuis 2012, le Sénégal jouit ainsi
d’une image de modèle
démocratique dans la région qui lui
permet de bénéficier d’appuis
financiers.
Toutefois, dans un contexte de
chômage sous fond de crise
économique, les jeunes sénégalais
sont en quête de nouveaux modèles
et se tourneraient ainsi vers un Islam
orthodoxe grandissant dans le pays. En
effet, tous les sénégalais ne profitent
pas des fruits de la croissance. Les
inégalités sont donc conséquentes au
Sénégal. Entre le paysan, le
fonctionnaire, le commerçant de
Touba et le petit commerçant informel
vivant à Dakar, les écarts de revenus
sont importants. Une partie de la
population est privée d’un accès aux
besoins sociaux de base, tels que la
santé et l’éducation. De plus à ces
inégalités sociales s’ajoutent des
inégalités territoriales. En effet, les
activités économiques se concentrant
sur les côtes, la population du monde
rural est la plus exposée aux inégalités
et à la pauvreté. Les ruraux souffrent
par ailleurs d’une agriculture fortement
vulnérable aux aléas climatiques et
peu productive. Ce secteur est limité
d’une part, par la culture extensive et
les problèmes d’accès à l’eau et
d’autre part par un manque d’accès
au crédit lié notamment aux
problèmes fonciers. Dans une société
aussi inégalitaire, le retour à
l’économie informelle apparaît
comme la seule stratégie de survie. En
outre, le poids du secteur informel
réduit l’assiette fiscale du pays et donc
sa capacité à financer par ses propres
moyens les investissements nécessaires
à son développement. Malgré le
processus de consolidation
démocratique, le pays reste aux prises
avec de nombreux problèmes
structurels.
Le Sénégal a pu hériter
d’infrastructures industrielles
développées pendant la période
coloniale. De plus, entre 1960 et 1979,
l’Etat s’est placé comme le moteur du
développement économique du pays
à travers la mise en place d’une
politique sectorielle axée sur
l’agriculture et l’industrie. Ce sont alors
développées des industries publiques
et parapubliques alimentaires,
chimiques et extractives ainsi que des
sociétés de raffinage du pétrole aux
côtés de sociétés d’électricité, d’eau
et le secteur bancaire. Le pays
entendait ainsi se libérer de sa
dépendance en développant un
secteur manufacturier local. Toutefois,
les performances économiques du
Sénégal dans les décennies 1970, 1980
et 1990 ont été limitées et la
productivité ne s’est guère améliorée.
Le programme d’ajustement structurel
que le Sénégal a dû suivre n’a pas non
plus permis d’améliorer la situation. Les
industries du Sénégal souffraient de
sérieux problèmes de gestion qui ont
affecté leur rentabilité. Ce constat est
encore vrai aujourd’hui. Ainsi, la
croissance du Sénégal reste fortement
tributaire de l’exportation de produits
primaires à faible valeur ajoutée
d’origine agricole et minière.
L’économie sénégalaise est donc très
vulnérable et dépend de variables
10
exogènes comme le climat, les cours
des matières premières et la
conjoncture économique mondiale.
Ces chocs externes entraînent des
effets néfastes sur le déficit courant, la
croissance du PIB et l’endettement,
comme démontré après la crise
économique mondiale de 2008.
Depuis, de multiples programmes et
politiques industrielles se sont suivis sans
résultats probants. Le Sénégal se
caractérise en effet par une gestion
improductive des ressources tirées de
l’exploitation minière et de l’aide
internationale. Par ailleurs, le revenu
national finance surtout la
consommation abondante en zone
urbaine au lieu de soutenir
l’investissement à travers l’épargne.
Au sein des pays d’Afrique de
l’Ouest, le Sénégal est à l’avant-garde
de la construction d’une démocratie
favorable au développement et à la
bonne gouvernance. Le Sénégal
souhaite, en effet, améliorer son
environnement des affaires et son
contexte économique général. Cela
s’est traduit par plusieurs programmes
dont le dernier en date, le Plan
Sénégal Emergent, projette de faire du
Sénégal un pays émergent d’ici 2035.
Malgré cette volonté affichée, des
dysfonctionnements subsistent et
d’autres apparaissent que ce soit au
niveau des institutions sénégalaises
telles que la justice et l’administration,
des infrastructures ou au niveau
d’acteurs économiques et politiques
qui résistent au changement.
Ainsi, le Sénégal est à un
moment charnière de son
développement et sa trajectoire de
développement dépendra de sa
capacité ou non à relever les défis
auxquels il fait face. Le pays possède
de nombreux atouts mais qui ne sont
pas bien exploités et pourraient même
se transformer en obstacles. Le
Sénégal doit se concentrer sur des
secteurs – tels que l’énergie ou les
infrastructures et la formation -
susceptibles de générer des
externalités positives s’ils sont
performants et bien maitrisés. En outre,
Le Sénégal est doté d’une population
jeune mais ne trouvant pas d’emplois.
Le pays, gagnerait donc à réformer le
système éducatif et celui de la
formation afin d’améliorer sa
pertinence et son efficacité dans le
but de se pourvoir de ressources
humaines de qualité. Cela aura pour
conséquence ultime d’accroitre la
productivité et l’emploi ainsi que les
salaires. Le Sénégal peut également
compter sur sa diaspora comme
source de revenus à travers les remises
mais également à travers le transfert
d’expériences pouvant contribuer à
l’avenir du pays. Par ailleurs, si la
façade maritime du Sénégal peut
l’exposer à des vulnérabilités d’ordre
climatique, elle peut également lui
servir d’interface pour développer des
exportations industrielles et une
industrie de pêche performante. Aussi,
le Sénégal gagnerait à valoriser ses
ressources naturelles à travers le
développement d’une industrialisation
rurale et d’une industrie chimique forte
grâce aux ressources en phosphate.
L’avenir du Sénégal en tant que
pays émergent va donc dépendre de
sa capacité et celle de ses acteurs
politiques, économique et sociaux à
s’unir autour d’un consensus
rassemblant les différentes
dynamiques du pays et créant ainsi les
conditions d’un souffle nouveau pour
le Sénégal.
11
CARTE	1	:	REPUBLIQUE	DU	SENEGAL
DIAGNOSTIC
Veillant à projeter une image de modèle démocratique, le Sénégal est un pays
stable politiquement dont la société, dynamique mais inégalitaire, évolue dans
un espace marqué par des disparités régionales.
Cependant, son économie peu compétitive est caractérisée par une forte
dépendance extérieure et une vulnérabilité aux chocs exogènes.
Le développement du Sénégal dépendra de la mise en œuvre du Plan
Sénégal Emergent qui vise à libérer le potentiel de croissance du pays.
12
SOUTENU PAR LA COMMUNAUTÉ
INTERNATIONALE, LE SÉNÉGAL
POURSUIT SA CONSOLIDATION
DÉMOCRATIQUE MAIS RESTE MARQUÉ
PAR UNE FORTE DÉPENDANCE
EXTÉRIEURE1
13
I. Soutenu par la communauté
internationale, le Sénégal
poursuit sa consolidation
démocratique mais reste
marqué par une forte
dépendance extérieure
A. La croissance volatile du Sénégal s’inscrit dans une double
dépendance commerciale et financière
1. Une production relativement
diversifiée mais à faible valeur
ajoutée
1.1 Une croissance volatile due à la
rigidité de la structure
productive
La croissance du Sénégal a été
marquée ces vingt dernières années
par une forte volatilité (graphique 1).
Cela tient notamment aux rigidités de
la structure productive, peu efficiente
et peu compétitive : l’agriculture
repose sur des méthodes
traditionnelles, le secteur secondaire
est en déclin relatif depuis 1995 tandis
que la croissance est tirée par le
secteur des services (graphique 2).
0
1
2
3
4
5
6
7
8
19951996199719981999200020012002200320042005200620072008200920102011201220132014
Tauxdecroissanceen%duPIB
GRAPHIQUE 1 : TAUX DE CROISSANCE DU PIB 1995 - 2014
7,10%
11,70% 8,70%
32%
23% 19%
59% 63% 67%
1990-1994 1995-2005 2006-2012
GRAPHIQUE 2 : CONTRIBUTION PAR SECTEUR À LA CROISSANCE DU
PIB
Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire
Source	:	Banque	mondiale	
Source	:	Banque	mondiale
14
Le secteur primaire emploie près
de la moitié de la population active
mais ne contribue qu’à 16 % de la
création de richesses en raison de la
faible productivité et du manque de
modernisation du secteur 3 .
L’agriculture, composée à 90% de
petites exploitations familiales, est
largement dépendante de la
pluviométrie et fait face à des
difficultés d’accès aux facteurs de
production et au faible niveau des
aménagements hydro-agricoles. La
production est par conséquent très
vulnérable aux aléas climatiques.
Certaines branches du secteur
primaire sont cependant porteuses de
croissance. La pêche, qui représente
environ 2 % du produit intérieur brut
(PIB), a des impacts positifs sur les autres
secteurs de l’économie par la
transformation et la commercialisation
des produits. C’est également une
source importante de devises, les
exportations de produits halieutiques
représentant 16 % du montant total des
exportations en 2014. Le secteur est
source de revenus pour 600 000
personnes mais reste dominé par
l’emploi informel et fragilisé par la
surexploitation des ressources, la
mauvaise gestion et le manque de
régulation 4 . Les partenaires
commerciaux étrangers qui convoitent
les ressources halieutiques représentent
également un facteur de fragilisation
(encadré 1).
Aux côtés de l’agriculture vivrière
et de l’élevage qui représentent
chacun environ un tiers de la valeur
ajoutée du secteur primaire, il existe
des cultures de rente, à l’instar de
l’arachide. Malgré la forte
3
	Rapport	de	l’OCDE	(2015)	
4
	Plan	Sénégal	Emergent	(2013)	
dépendance à la pluviométrie et le
faible niveau d’équipement des
producteurs, le secteur de l’arachide
représente 2 % du montant des
exportations en 2014. Enfin,
l’horticulture est le sous-secteur le plus
performant de l’agriculture avec une
augmentation annuelle moyenne
d’environ 54 % entre 2004 et 2014. Les
cultures horticoles bénéficient du climat
favorable du Sénégal et coïncident
avec les hors-saisons en Europe, son
principal marché d’exportation 5 . Si
l’agriculture est une source
relativement faible de croissance, elle
assure toutefois l’existence d’une large
partie de la population et joue un rôle
essentiel dans la réduction de la
pauvreté, la population pauvre étant
concentrée dans les zones rurales.
La part du secteur industriel dans
le PIB (12 %) diminue depuis 1995.
L’industrie ne fonctionne qu’à 70 % de
ses capacités et souffre de contraintes
majeures : taille relativement faible des
unités de production, sous-
capitalisation chronique des
entreprises, coupures d’électricité, etc.
Les industries extractives sont en déclin :
certaines entreprises industrielles
emblématiques comme la Suneor
(huiles d’arachide) ou les Industries
Chimiques Sénégalaises liées au
phosphate (ICS) sont sinistrées et sont
en proie à d’importantes difficultés
financières.
A l’inverse, le secteur tertiaire est
le moteur de la croissance (62 % du PIB)
grâce à des branches dynamiques
comme les postes et
télécommunications. L’intensification
de la concurrence dans le domaine
des téléphones portables et l’accès à
internet ont contribué à ce
5
	Rapport	de	la	Banque	mondiale	(2014)
15
-40
-20
0
20
40
60
80
100
Contributionàlavariationdelacroissance
en%
GRAPHIQUE 3 : CONTRIBUTION À LA VARIATION DANS
LA CROISSANCE TOTALE DU PIB ENTRE 1990 ET 2012
dynamisme : la participation du secteur
à la formation du PIB est passée de 6 %
en 1996 à 11 % aujourd’hui6.
Concernant les moteurs de la
croissance de court terme, la
contribution de la consommation à la
variation dans la croissance totale du
PIB s’élève à 80 % entre 1990 et 2012
(graphique 3).
La consommation est notamment
financée par les remises de la diaspora.
6
	Structure	du	PIB	–	DPEE.	
Encadré	1	:	La	pêche,	une	activité	convoitée	
Divers	 acteurs	 étrangers	 opèrent	 dans	 le	 secteur	 de	 la	 pêche	 au	 Sénégal.	 Il	 est	 possible	 de	 citer	 la	 China	
National	 Fisheries	 Corporation	 ou	 encore	 les	 entreprises	 européennes	 qui	 tirent	 profit	 des	 Accords	 de	
Partenariats	 Economiques	 (APE)	 signés	 entre	 le	 Sénégal	 et	 l’Union	 Européenne	 (UE),	 alors	 prévus	 par	 les	
accords	de	Cotonou.	Ces	accords	autorisent	38	navires	à	pêcher	dans	la	Zone	Economique	Exclusive	du	Sénégal	
en	échange	d’une	compensation	de	8	690	000	euros.		
Toutefois,	les	deux	parties	sont	accusées	d’essayer	d’avoir	la	main	mise	sur	ce	commerce	ne	profitant	pas	ainsi	
aux	Sénégalais.	D’une	part,	les	entreprises	chinoises	pêchent	en	masse,	sans	respecter	les	quotas,	pratiquent	
une	pêche	illégale	en	ne	respectant	pas	non	plus	les	espèces	protégées.	D’autre	part,	les	«	bateaux-usines	»	
européens	portent	aussi	préjudice	aux	artisans	sénégalais	opérant	dans	la	pêche	en	les	poussant	à	prendre	des	
risques	 importants	 en	 allant	 pêcher	 plus	 au	 large	 à	 bord	 de	 leurs	 pirogues.	 Pointés	 du	 doigt,	 ces	 APE	 sont	
appelés	«	accords	de	paupérisation	économique	»	par	l’opposition	et	ils	contribuent	à	la	création	des	tensions	
régionales.	
En	effet,	les	problèmes	soulevés	dans	ce	secteur	d’activités	sont	d’autant	plus	alimentés	par	la	question	des	
pêcheurs	 de	 Saint-Louis,	 au	 nord	 du	 Sénégal,	 qui	 ont	 connu	 quelques	 différends	 avec	 les	 autorités	
mauritaniennes	 au	 sujet	 de	 leurs	 licences	 (eaux	 territoriales,	 quotas,	 etc.),	 en	 plus	 d’être	 confrontés	 à	 une	
raréfaction	des	ressources	car	les	stocks	de	poissons	disponibles	dans	les	eaux	sénégalaises	s’amoindrissent.	
Cela	 engendre	 paupérisation	 des	 populations,	 facteur	 d’instabilité,	 mais	 aussi	 des	 migrations	 vers	 le	 sud	
(Casamance,	frontière	Guinée-Bissau),	une	région	où	la	gestion	de	la	pêche	et	son	contrôle	semblent	meilleurs.		
Dans	cette	perspective,	le	Plan	Sénégal	Emergent	(PSE)	qui	compte	en	partie	sur	le	secteur	de	la	pêche	pour	
développer	l’économie	sénégalaise,	ne	peut	atteindre	ses	objectifs.	
Source	:	Banque	mondiale
16
1.2 Des échanges commerciaux
peu profitables à la croissance
du Sénégal
Le commerce extérieur a freiné
la croissance du PIB depuis 2011,
reflétant la dépendance aux
importations et la trop faible qualité des
produits exportés. Ces derniers sont en
effet majoritairement des produits à
faible valeur ajoutée : si les produits
pétroliers exportés sont transformés à
partir de l’huile brute de pétrole, l’or
non monétaire et les poissons frais ou
congelés figurent parmi les principales
exportations (graphique 4).
Cependant, le pays a nettement
diversifié la gamme des produits
exportés : un nouvel effort en ce sens
permettrait d’accélérer la croissance7
et d’augmenter la part des
exportations, ce qui favoriserait la
réduction du déficit commercial (20 %
du PIB). 44 % des exportations sont
dirigées vers les pays d’Afrique suivis de
l’Europe (29,4 %) puis de l’Asie (15,6 %).
7
	Rapport	FMI	(2015)	-	Sénégal	-	Questions	générales	
Les produis exportés vers
l’Afrique sont en premier lieu destinés
aux autres membres de l’Union
Economique et Monétaire Ouest-
Africaine (UEMOA), les échanges étant
facilités par l’existence de la monnaie
commune (encadré 2).
Le Sénégal est largement
dépendant des importations, dominées
par les produits pétroliers, les biens
alimentaires (riz, blé) et les biens
d’équipement (graphique 5).
Il est également dépendant de
ses fournisseurs : par exemple, la totalité
des importations de pétrole brut
provient du Nigéria ; le riz est importé
d’Inde (59 %) et de Thaïlande (22,7 %)8.
En outre, le riz occupe une place
prépondérante dans la consommation
des ménages et représente plus de 15
% des dépenses alimentaires. Le pays
cherche à développer la filière rizicole
pour réduire sa dépendance vis-à-vis
8
	Note	d’analyse	du	commerce	extérieur,	p.23-25.	
Produits
pétroliers
12%
Or non
monétaire
14%
Acide
phosphoriq
ue
4%
Produits de
la pêche
16%Ciment
8%
Produits
arachidiers
2%
Autres
produits
44%
GRAPHIQUE 4 : PRINCIPAUX PRODUITS EXPORTÉS
(2014)
Source	:	ANSD	
Produits
pétroliers
finis
15%
Machines
et appareils
13%
Produits
céréaliers
10%
Huiles
brutes de
pétrole
9%
Matériels
de
transport et
pièces
détachées
8%
Métaux et
ouvrages
en métaux
5%
Autres
produits
40%
GRAPHIQUE 5 : PRINCIPAUX PRODUITS IMPORTÉS
(2014)
17
du fournisseur indien. Ainsi, la forte part
des biens de consommation et d’huile
brute de pétrole parmi les importations
expose le Sénégal à une forte
vulnérabilité vis-à-vis du cours des
matières premières. Le pays est donc
en situation de dépendance
commerciale, source principale du
déficit courant.		
2. Face à la persistance de
déficits structurels, le Sénégal
connaît un processus de ré
endettement rapide
2.1 La position extérieure du
Sénégal est négative
-16
-14
-12
-10
-8
-6
-4
-2
0
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
%DUPIB
GRAPHIQUE 6 : DES DÉFICITS JUMEAUX PERSISTANTS
Solde du compte courant Solde budgétaire primaire
Encadré	2	:	Le	taux	de	change	du	FCFA	
Le	FCFA,	monnaie	de	l’UEMOA	et	donc	du	Sénégal,	s’inscrit	dans	un	système	de	change	fixe	vis-à-vis	de	l’euro	
et	sa	convertibilité	est	assurée	par	le	Trésor	français.	Cet	ancrage,	hérité	des	accords	de	coopération	entre	la	
France	et	l’UMOA	(1962),	explique	dans	la	conjoncture	actuelle	la	dépréciation	du	FCFA	par	rapport	au	dollar.		
Malgré	 cette	 dépréciation,	 les	 produits	 sénégalais	 n’ont	 que	 peu	 gagné	 en	 compétitivité	 à	 l’export.	 Cela	
s’explique	par	le	fait	que	le	Sénégal	réalise	près	de	la	moitié	de	ses	échanges	commerciaux	avec	les	pays	de	
l’Union	 Européenne	 et	 qu’il	 produit	 des	 biens	 à	 faible	 valeur	 ajoutée.	 Cela	 traduit	 donc	 les	 faiblesses	
structurelles	de	l’économie	sénégalaise.	En	effet,	pour	garantir	la	pérennité	de	sa	compétitivité,	le	Sénégal	doit	
améliorer	la	productivité	de	ses	principales	industries	exportatrices.	La	politique	monétaire,	et	donc	le	taux	de	
change	n’étant	pas	l’instrument	ultime	de	relance	de	l’économie	et	garant	de	la	compétitivité.		
De	plus,	l’ancrage	du	FCFA	à	l’euro	permet	au	Sénégal	de	réduire	le	coût	de	ses	importations.	La	consommation	
étant	le	moteur	de	la	croissance	au	Sénégal,	la	réduction	des	prix	des	produits	importés	permet	de	soutenir	le	
pouvoir	d’achat	des	Sénégalais	et	donc	la	croissance.		
Par	ailleurs,	tout	comme	pour	la	Banque	Centrale	Européenne	(BCE),	la	cible	d’inflation	de	la	Banque	Centrale	
des	Etats	de	l’Afrique	de	l’Ouest	(BCEAO)	est	de	2	%.	Ce	choix	est	déterminé	par	l’ancrage	du	FCFA	sur	l’euro	et	
restreint	les	marges	de	manœuvres	de	la	BCEAO	en	termes	de	politique	monétaire.	Cette	cible	d’inflation	n’est	
visiblement	pas	adaptée	aux	besoins	des	économies	des	Etats	membres	de	l’UEMOA	en	termes	de	croissance	
et	de	réduction	de	la	pauvreté.	La	politique	de	la	BCEAO	est	en	effet	fondée	sur	un	objectif	d’inflation	et	de	
maintien	de	la	parité	fixe	plutôt	que	sur	un	objectif	de	croissance.	
Source	:	BCEAO
18
La position extérieure9 nette du
Sénégal est négative du fait de la
persistance de déficits jumeaux 10
structurels (graphique 6). Le déficit
courant reste aujourd’hui la principale
source de vulnérabilité extérieure du
pays. Extrêmement volatile, il traduit la
dépendance commerciale du pays et
sa vulnérabilité face à la volatilité des
cours mondiaux. Le déficit courant a
diminué de 14,1 % du PIB en 2008 à 4,6
% en 2010 pour augmenter à nouveau
à hauteur de 10,5 % du PIB en 2013. Il
est principalement imputable au déficit
de la balance commerciale dont le
solde était déficitaire à hauteur de 20 %
du PIB en 2012 et en 2013.
Malgré la persistance du déficit
courant, le taux de change du FCFA
est manifestement aligné aux
paramètres économiques
fondamentaux. Les réserves de change
sont, quant à elles, satisfaisantes et
supérieures à 5 mois d’importations. Par
ailleurs, ce déséquilibre extérieur reflète
également des déséquilibres internes
qui se traduisent par un taux d’épargne
relativement limité par rapport aux
besoins d’investissements de
l’économie et une corrélation élevée
entre le solde budgétaire et le solde
courant de la balance des paiements.
Au cours de ces dernières années, le
financement des dépenses publiques
par le déficit a largement contribué à
l’apparition des déséquilibres extérieurs.
9
	La	position	extérieure	nette	d’un	pays	correspond	à	son	
endettement	net	vis-à-vis	du	reste	du	monde,	c’est-à-dire	
à	la	différence	entre	la	quantité	d’actifs	étrangers	détenus	
par	 les	 agents	 économiques	 d’un	 pays	 et	 les	 actifs	
nationaux	détenus	par	des	étrangers.	
10
	Les	déficits	jumeaux	correspondent	à	l’association	d’un	
déficit	 budgétaire	 et	 d’un	 déficit	 du	 solde	 courant	 de	 la	
balance	des	paiements.
2.2 La mauvaise gestion des
finances publiques pèse sur les
équilibres budgétaires
Le déficit budgétaire du Sénégal
a considérablement augmenté au
cours des années 2000. Il est
effectivement passé de 2 % du PIB en
2004 à 6,7 % en 2011. Toutefois, depuis
ces dernières années, le déficit
budgétaire du Sénégal affiche une
tendance à la baisse, signe de la
volonté des autorités de le ramener au
niveau du seuil de convergence fixé à
3 % dans le cadre de l’UEMOA à
l’horizon 2018, soit un an avant la date
officiellement prévue. Le déficit résulte
essentiellement d’une augmentation
des dépenses supérieures à celle des
recettes et dont le niveau reste malgré
tout satisfaisant. Avec 23,5 % du PIB, les
recettes du Sénégal sont parmi les plus
élevées de l’UEMOA et supérieures au
seuil de convergence. Ces recettes
sont majoritairement composées
d’impôts indirects, la principale
ressource de l’Etat étant la Taxe sur la
Valeur Ajoutée (TVA). Le Sénégal
affiche de bonnes performances en
matière de prélèvement des recettes
fiscales. Celles-ci représentent en
moyenne 19 % du PIB et plus de 80 %
des recettes totales du pays, faisant du
Sénégal le meilleur exemple de
l’UEMOA en la matière. La mobilisation
des recettes fiscales est une priorité du
Plan Sénégal Emergent (PSE). Il sera en
effet essentiel de préserver la
soutenabilité budgétaire afin d’éviter
un creusement du déficit public.
Accroître les recettes fiscales s’avère
nécessaire afin de dégager les marges
de manœuvres destinées au
financement des investissements. La
stabilisation des ressources internes est
un enjeu majeur puisque les flux
externes représentés par les revenus
19
d’exportations, l’Aide Publique au
Développement (APD), les
Investissements Directs Etrangers (IDE)
et les transferts des migrants sont
volatiles vis-à-vis de l’évolution de la
conjoncture internationale. Pour y
parvenir, le Sénégal entend s’appuyer
sur les réformes du Code Général des
Impôts (CGI) et du Code Général des
Douanes (CGD) menées en 2013,
lesquelles visent à améliorer le
recouvrement des arriérés fiscaux et à
élargir l’assiette fiscale. L’application
du tarif extérieur commun au niveau de
la Communauté Economique des Etats
de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en
janvier 2015 a répondu à ce deuxième
objectif. Le nouveau CGI prévoit quant
à lui un rehaussement de l’impôt sur les
sociétés de 25 à 30 %, l’élimination de
la TVA à la source et une baisse de
l’impôt sur le revenu. Il vise également
à faciliter le paiement des taxes par
informatique et à mener des réformes
administratives censées améliorer les
contrôles et la performance des
services fiscaux. La mise en œuvre du
nouveau CGI s’est toutefois traduite
par un recul des recettes fiscales qui
sont reparties à la hausse grâce aux
ajustements effectués en 2014. Les
autorités entendent rationaliser
l’administration fiscale à travers la
création de cellules chargées des
moyennes entreprises ayant une
fonction de contrôle fiscal et d’une
cellule en charge du recouvrement des
dettes difficiles. La priorité est en effet
mise sur le recouvrement des impôts
impayés. La difficile traçabilité des
opérations commerciales complique le
recouvrement de l’impôt, enjeu de
taille pour le pays.
Le système de prélèvement du
Sénégal fait face à certaines
contraintes dont la faiblesse des
moyens alloués aux structures en
charge du prélèvement de l’impôt et la
capacité de résistance des opérateurs
informels. Au Sénégal, plus de 90 % des
entreprises opèrent dans l’informel.
Face à cela, les autorités sénégalaises
oscillent entre la volonté de fiscaliser
ces activités et une indulgence justifiée
par le rôle de coussin social joué par ce
secteur. Les autorités fiscales se
concentrent au contraire sur les
entreprises dont le chiffre d’affaire et la
rentabilité sont élevés dans un souci de
maximisation des recettes. Le secteur
informel est constitué de petites
entreprises mais aussi de grandes
entreprises qui ne déclarent pas
l’intégralité de leurs importations. Les
autorités envisagent de mettre en
œuvre des mesures de rationalisation
de l’impôt afin de promouvoir la
formalisation des activités informelles. Il
s’agira notamment de faciliter les
démarches pour les entreprises ou
encore de promouvoir l’enregistrement
des activités par le biais d’allègements
fiscaux.
Le niveau de dépenses
courantes du Sénégal compte toutefois
parmi les plus élevés de l’UEMOA.
Celles-ci ont augmenté de près de 7
points de PIB entre 2003 et 2014 et
s’élèvent aujourd’hui à plus de 28 % du
PIB. L’augmentation des dépenses
publiques relève essentiellement d’une
augmentation considérable des
dépenses courantes improductives
relatives à la masse salariale, à la
consommation publique de biens et
services ainsi qu’aux transferts et
subventions. Le niveau de la masse
salariale publique n’est actuellement
pas viable, il représente 42% des
recettes de l’Etat contre une moyenne
de 29,5 % pour l’Afrique. Il dépasse ainsi
le critère de convergence fixé à 35 %
des recettes intérieures par l’UEMOA.
Par ailleurs, plus de la moitié de la
20
masse salariale publique relève de
primes et de suppléments salariaux
dont la valeur est supérieure aux
salaires des fonctionnaires. La structure
de ces dépenses pose la question de
leur pertinence aux vues de leur
absence de contribution à la
croissance ces dernières années. En
effet, les ressources allouées à la
consommation et aux frais de
fonctionnement de l’administration
publique gagneraient à être
réorientées vers les dépenses
d’investissement dont la valeur a certes
augmenté mais de manière beaucoup
moins rapide. En outre, le service de la
dette pèse de plus en plus sur les
finances de l’Etat. Il constitue
aujourd’hui le premier titre de dépense,
conséquence de l’augmentation
exponentielle de l’endettement public
depuis 2006.
GRAPHIQUE	7:	COMPENSATIONS	PAYEES,	DEPENSES	EN	CAPITAL		
DANS	LES	SECTEURS	DE	LA	SANTE	ET	DE	L’EDUCATION,	2005-2011	
	
Source	:	FMI	
Les subventions publiques pèsent
elles aussi sur le budget de l’Etat.
Celles-ci se concentrent
essentiellement sur les produits
alimentaires et énergétiques mais sont
relativement mal ciblées et donc
onéreuses (graphiques 7). Depuis une
quinzaine d’années, les compensations
tarifaires de l’Etat et les exemptions de
taxes en faveur de la SENELEC
représentent plus de 2,5 % du PIB. Ces
subventions ont des effets de distorsion.
Elles dépassent en effet les dépenses
de santé publique et limitent les
investissements dans les secteurs
prioritaires. Elles ont de plus tendance à
profiter aux ménages les plus riches
puisque les populations pauvres en
milieu rural n’ont pas accès au réseau
électrique. Ces subventions
gagneraient ainsi à être réorientées au
profit d’investissements dans le secteur
de l’énergie afin de maximiser leur
efficience. Avec la baisse des cours du
pétrole, les subventions au secteur
électrique devraient en théorie
disparaître en 2016. Toutefois, les
réformes structurelles dans ce secteur
sont trop lentes et entravent ainsi la
dynamique de développement
économique et social du pays. En
théorie, les gains relatifs à l’arrêt des
subventions devraient profiter au
financement d’un programme
d’électrification en zone rurale.
21
Les dépenses d’investissement
publiques ont certes augmenté ces
dernières années, mais beaucoup
moins rapidement que les dépenses
courantes. Le budget alloué aux
investissements représente 7 % du PIB
en 2014 et il est majoritairement
exécuté par des agences autonomes.
Les dépenses d’investissement se
concentrent principalement dans les
secteurs de l’urbanisme et de
l’assainissement, des infrastructures de
transport. Représentant respectivement
5 % et 19 % des dépenses budgétaires,
la part des ressources de l’Etat allouées
à la santé et à l’éducation demeurent
largement inférieures aux
recommandations internationales en la
matière. Les dépenses d’investissement
publiques financées par les ressources
intérieures sont majoritairement
orientées vers l’aménagement urbain
tandis que les projets en termes
d’accès à l’éducation et à la santé ont
principalement été financés sur les
ressources extérieures. Aussi, les grands
projets d’infrastructures tels que la
construction de l’autoroute à péage
Dakar-Diamniadio ou de l’aéroport
Blaise Diagne sont eux généralement
financés par le recours à l’emprunt non
concessionnel. Si le gouvernement a
majoritairement orienté les dépenses
d’investissement vers les infrastructures
dans l’optique de favoriser l’accès aux
marchés afin de soutenir le
développement du secteur privé et de
lutter contre la pauvreté, il faudra
toutefois souligner que la cohérence
de cette stratégie sera assurée
uniquement si les autorités parviennent
à libérer la production des contraintes
qui pèsent actuellement sur la
production de biens et services. Dans le
cas contraire, le financement de tels
projets risquerait de peser sur les
finances publiques sans que les
espérances de croissance et de
recettes fiscales ne se réalisent.
En matière de planification
budgétaire, le Sénégal dispose de
marges d’amélioration qu’il serait
essentiel d’exploiter afin de mener à
bien la mise en œuvre du PSE. En effet,
la classification du budget ne reflète
pas la véritable composition des
dépenses. En 2013, les dépenses de
consommation publiques
représentaient 77 % des dépenses
totales contre 60 % officiellement
annoncées dans la loi de finance. Ainsi,
les dépenses d’investissement sont en
réalité inférieures à ce que laisse
apparaître l’étude des documents de
programmation budgétaire. Des
lacunes persistent également au
niveau de l’exécution du budget. Par
ailleurs, afin de maintenir les
engagements en matière de réduction
des déficits, les révisions budgétaires
sont faites au détriment des dépenses
en capital alors qu’elles soutiennent la
croissance. En outre, les allocations
budgétaires n’étaient pas
conditionnées, jusqu’à présent, à des
études de faisabilité visant à en
garantir l’efficience.
Pourtant, c’est bien aux études
de faisabilité que devraient être
subordonnés le PSE et sa mise en
œuvre. La faiblesse des institutions
budgétaires (graphique 8) et les
dépassements de coûts récurrents liés
aux projets d’investissements expliquent
ainsi la faible corrélation entre les
dépenses en capital et leur effet sur la
croissance économique. La dépense
publique est mal orientée au Sénégal
et ses effets sur la croissance sont par
conséquent très limités, voire inexistants.
En effet, le taux de dépenses publiques
du Sénégal dépasse celui affiché par
les autres pays de l’UEMOA, mais la
croissance y est moins dynamique. Le
22
Niger, le Bénin, le Mali et le Burkina Faso
– pays qui comme le Sénégal ont
bénéficié d’un effacement partiel de
leur dette publique en 2006 – ont
combiné des niveaux de dépenses
publiques stables et des taux de
croissance plus élevés durant ces
dernières années. Cela s’est traduit par
le maintien d’un endettement limité
alors que le niveau de la dette
publique du Sénégal est passé de 20 %
du PIB en 2006, à 53 % aujourd’hui.
GRAPHIQUE	8:	COMPOSANTES	DE	L’INDICE	DES	INSTITUTIONS	BUDGETAIRES	
Source	:	FMI	 	
La mauvaise gestion des
dépenses publiques a conduit, sous
l’effet d’un creusement des déficits
courant et budgétaire, à une
augmentation rapide de la dette. Le
Sénégal a bénéficié d’un effacement
d’une partie de sa dette publique au
début des années 2000 dans le cadre
de l’initiative d’allégement de dette
multilatérale (IADM) et des
programmes en faveur des pays
pauvres et très endettés (PPTE). Son
taux d’endettement public calculé par
le rapport dette publique/PIB est ainsi
passé de 73,7 % en 2000 à 21,8 % en
2006 (graphique 9).
23
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
2000 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Dettepublique/PIB(%) GRAPHIQUE 9 : DETTE PUBLIQUE/PIB
Dette extérieure Dette intérieure
Néanmoins, à l’heure actuelle, le
pays connaît un processus de ré
endettement rapide parallèlement à
l’augmentation des dépenses
courantes improductives. La dette
publique a ainsi atteint 50,6 % du PIB et
devrait avoisiner les 53 % en 2015. Si le
niveau de la dette reste aujourd’hui
soutenable, l’évolution de sa structure
fait peser un risque sur sa viabilité à
moyen terme. L’augmentation du ratio
d’endettement résulte à la fois d’une
augmentation de la dette publique
extérieure et de la dette publique
intérieure (graphiques 9 et 10).
La dette publique extérieure –
libellée en devises – représente 39 % du
PIB en 2014. Elle est détenue à hauteur
de 54 % par des bailleurs multilatéraux
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
GRAPHIQUE 10 : EVOLUTION DE LA STRUCTURE DE LA DETTE
EXTERIEURE
Créanciers multilatéraux Créanciers Bilatéraux Dettes commerciales
Source	:	Direction	de	la	Prévision	et	des	Etudes	Economiques	
Source	:	Direction	de	la	Prévision	et	des	Etudes	Economiques
24
0%
20%
40%
60%
80%
100%
2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
GRAPHIQUE 12: EVOLUTION DE LA PART
RESPECTIVE DE LA DETTE DÉTENUE PAR LES
BAILLEURS BILATÉRAUX
OCDE	 Pays	Arabes	 Autres	
(graphique 11) - principalement la
Banque Mondiale (BM) et la Banque
Africaine de Développement (BAfD)- et
pour 25 % par des bailleurs bilatéraux,
dont les plus représentatifs sont l’Arabie
Saoudite, le Qatar et les pays de
l’OCDE notamment la France 11
(graphique 12).
On note toutefois ces dernières
années une augmentation de la dette
contractée en dollars sur les marchés
internationaux à des conditions non
concessionnelles. Elle représentait en
2014 20 % de la dette extérieure totale.
Le Sénégal a en effet émis plusieurs
euro-obligations en 2009, 2011 et 2014.
L’euro-obligation de 2009, d’un
montant de 200 millions de dollars,
avait une maturité de cinq ans pour un
taux d’intérêt de 8,75 %. Elle a été
rachetée au même taux en 2011 par
une euro-obligation de 500 millions de
dollars avec une maturité de dix ans.
L’euro-obligation émise en 2014, pour
un montant de 500 millions de dollars et
avec une maturité de dix ans, a
bénéficié de conditions de taux plus
favorables de 2,5 points de
pourcentage par rapport aux émissions
11
	Analyse	de	Viabilité	de	la	dette,	2014	
précédentes. Si la capacité du Sénégal
à lever des fonds sur le marché
international révèle l’intérêt croissant
des investisseurs pour le pays, il n’en
demeure pas moins que les conditions
d’endettement y sont moins
avantageuses comparativement aux
conditions offertes par les prêts
concessionnels et pèsent ainsi sur le
service de la dette. En effet, la dette
concessionnelle présente des
conditions avantageuses. Le taux
d’intérêt moyen qui y est appliqué
avoisine 0,75 % pour une maturité de
cinquante ans dont dix ans de différé.
L’augmentation de la dette
publique intérieure émise sur le marché
régional - et largement détenue par les
banques - traduit une volonté du
Sénégal de s’émanciper vis-à-vis de ses
bailleurs multilatéraux et bilatéraux et
s’inscrit dans l’objectif recherché par
l’UEMOA d’encourager les Etats à
développer le marché régional des
titres de dette tout en réduisant
Source	:	Direction	de	la	Prévision	et	des	Etudes	
Economiques	
0%
20%
40%
60%
80%
100%
2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
GRAPHIQUE 11: EVOLUTION DE LA PART
RESPECTIVE DE LA DETTE DÉTENUE PAR LES
BAILLEURS MULTILATÉRAUX
Autres
OPEP/BID/BADEA
Banque Africaine de Développement
Banque Européenne d'Investissement
Banque Mondiale
FMI
Source	:	Direction	de	la	Prévision	et	des	Etudes	
Economiques
25
l’exposition de celle-ci au risque de
change. En effet, depuis 2003 les Etats
membres de l’UEMOA ne peuvent plus
se refinancer directement auprès de
leur banque centrale, la BCEAO. La
dette publique intérieure s’élève à 14 %
du PIB et à 27 % de la dette publique
totale du Sénégal. Celle-ci est toutefois
assortie de maturités plus courtes qui
pèsent sur les finances publiques. 25 %
de la dette intérieure affiche une
maturité inférieure à deux ans alors que
75 % est assortie d’une maturité
inférieure à cinq ans. Le Sénégal a
toutefois entamé un reprofilage de sa
dette publique au profit d’instruments
de moyen terme et tend à cet effet à
privilégier davantage les obligations au
aux bons du Trésor.
Face à l’augmentation de la dette le
service de la dette a connu une
augmentation considérable
(graphique 13) et se situe aujourd’hui à
des niveaux comparables à l’avant
2006. Cette augmentation rapide du
service de la dette s’explique
principalement par un recours accru
aux instruments non concessionnels. En
effet, en 2014 le service de la dette
s’élevait à 34,9 % des recettes hors dons
et représentait à cet effet le premier
poste de dépenses de l’Etat12, devant
les salaires des fonctionnaires et les
autres dépenses courantes. Si la
12
	Loi	de	Finances,	2014	
principale composante du service de
la dette est constituée du
remboursement de la dette intérieure,
le recours aux instruments non
concessionnels sur les marchés
internationaux se traduit par des pics
de remboursement susceptibles de
mettre les finances publiques sous
pression, notamment si la croissance
stagnait à son niveau actuel.
La dette reste aujourd’hui
soutenable. Le taux d’endettement
demeure effectivement inférieur au
seuil de convergence fixé à 70 % pour
les Etats membres de l’UEMOA. Le
Sénégal dispose par ailleurs de
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2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
Service	de	la	deqe	(%PIB)	
GRAPHIQUE 13: SERVICE DE LA DETTE/PIB
Source	:	AFD,	FMI
26
mécanismes institutionnels de gestion
de la dette efficaces. La Direction de la
Dette Publique (DDP) a pour mission
d’élaborer, de coordonner et de suivre
la mise en œuvre de la politique
nationale d’endettement et de gestion
de la dette publique. Elle veille
également à la mise en cohérence de
cette politique avec les objectifs de
développement, et la capacité
financière de l’Etat. Enfin, la DDP mène
des analyses de la viabilité de la dette
publique et de la soutenabilité des
finances publiques 13 . A cet effet, le
Sénégal a été classé parmi les pays à
performance solide dans le cadre de
l’indice EPIN14. A partir de 2016, la loi de
finance prévoira en outre une
trajectoire d’endettement pour les cinq
prochaines années avec
l’engagement des autorités de
ramener la dette dans sa trajectoire
initiale en cas de dérapages
budgétaires en insérant des mesures à
cet effet dans les lois de finances
relatives aux exercices successifs.
S’il s’est fortement accru ces
dernières années, le recours à
l’endettement n’est pas la seule source
de financement extérieur des déficits
sénégalais. L’activisme du Sénégal sur
le front international lui consent en effet
de maintenir des flux considérables de
devises par le biais de liens étroits avec
sa diaspora et ses principaux bailleurs
de fonds.
3. Les remises de la diaspora : un
substitut à l’Aide Publique au
Développement ?
13
	Comité	 National	 de	 Dette	 Publique,	 Rapport	 sur	
l’analyse	de	la	viabilité	de	la	dette	publique,	Juin	2009.	
14
	Evaluation	de	la	politique	et	des	institutions	nationales
3.1 Les flux de remises dépassent
l’APD
Les remises représentent une
source non négligeable de
financement des déficits. Leur niveau
augmente rapidement depuis le début
des années 2000. Elles atteignent
aujourd’hui près de 12 % du PIB et
s’élèveraient à 19 %15 avec les remises
informelles qui, par définition, ne sont
pas comptabilisées parmi les flux
officiels. Le faible taux de bancarisation
et l’accès limité des populations rurales
aux services bancaires et financiers
expliquent l’importance de ces flux
informels. Le taux de transferts informels
tend toutefois à diminuer. Il était estimé
à 60 % en 2000 contre 46 % en 200516.
En termes de comparaison, les
transferts privés représentent près de la
moitié des exportations de biens et
services, plus de cinq fois les entrées
d’IDE et 70 % des réserves 17 . Ces
entrées de devises financent les
importations et réduisent le déficit
courant. Par ailleurs, le Sénégal est -
parmi les Etats membres de l’UEMOA -
celui recevant le plus de transferts
privés. L’évolution de ces flux dépend
toutefois de l’évolution de la
conjoncture dans les pays de
destination des Sénégalais de
l’étranger. En effet, en 2009, les entrées
de remises ont diminué de 6,7 % suite à
la crise financière mondiale. Cela n’a
toutefois pas freiné la reprise de ces flux
au cours des années suivantes. Le
caractère pro-cyclique des flux de
transferts privés expose donc le pays au
retournement de la conjoncture
internationale, accentuant ainsi sa
vulnérabilité et sa dépendance vis-à-vis
de l’extérieur.
15
	Estimation	pour	l’année	2005,	source	AFDB.		
16
	Estimation	2005,	source	AFDB.		
17
	Chiffre	pour	l’année	2013.
27
3.2 L’intégration de la diaspora
dans le développement socio-
économique du Sénégal
Les remises jouent un rôle de
filets sociaux pour les populations les
plus démunies. Elles occupent une
place significative dans la satisfaction
des besoins des ménages. On estime
que près de 600 000 ménages, soit 32
% de la population sénégalaise,
reçoivent des fonds qui représentent 40
% de leurs revenus18. Sept Sénégalais
sur dix auraient « un membre de leur
famille qui vit à l’étranger et trois
ménages sur dix reçoivent des fonds
pour un montant moyen unitaire
d’environ 300 USD/150 000 FCFA, à une
fréquence moyenne de huit envois par
an » 19 . Ainsi les transferts de fonds
améliorent les conditions de vie des
Sénégalais et augmentent leur pouvoir
d’achat. Entre 50 % et 75 % des
Sénégalais en seraient dépendants,
notamment dans les zones du pays où
l’Etat est peu présent. Ainsi, les transferts
privés occupent une place
considérable dans le processus de
développement économique
sénégalais. Ils constituent une source
de diversification du revenu des
ménages et peuvent être considérés
comme une forme d’assurance face
aux chocs susceptibles d’affecter à la
baisse le revenu des populations
encore majoritairement dépendantes
des activités agricoles vulnérables aux
aléas climatiques. En substance, les
envois de fonds permettent de lisser la
consommation des ménages.
L’utilisation de l’argent reçu se fait
principalement dans l’alimentaire, la
18
	IFAD	(2014),	Transferts	de	fonds	et	développement	au	
Sénégal.	
19
	IFAD	(2014),	Transferts	de	fonds	et	développement	au	
Sénégal.
santé et l’éducation, dans des projets
de courts-termes, stimulant certes la
consommation mais pas le
développement économique sur le
long-terme par le biais
d’investissements fonciers ou encore
dans la création d’entreprises. En plus
d’être la manifestation d’une inégale
répartition des richesses et ainsi de
dysfonctionnements dans la politique
socio-économique entreprise par le
gouvernement sénégalais, les remises
ont un effet pervers : elles maintiennent
les ménages dans une position de
dépendance à l’égard de la diaspora.
Par ailleurs, les transferts privés
pourraient contribuer activement au
développement économique du pays
par le biais d’un financement de
projets d’utilité publique.
Le gouvernement sénégalais
s’engage, depuis ces dernières années,
dans une diplomatie d’intégration
économique à l’égard de la diaspora
sénégalaise, en prônant notamment la
« solidarité africaine et
internationale »20. Il est donc important
pour la diaspora de s’accomplir
économiquement dans les pays
d’accueil, de sorte à pouvoir investir
dans son pays d’origine. Pour se faire,
la diaspora sénégalaise bénéficie d’un
fonds spécifique dans le cadre de leurs
projets au Sénégal, le Fonds d’Appui à
l’Investissement des Sénégalais de
l’Extérieur (FAISE) dont le budget total,
depuis sa création, s’élève à 1 milliard
de FCFA (graphique 14).
Ce fonds vise à promouvoir les
investissements productifs de la
diaspora sur le territoire sénégalais.
C’est par ce biais que le gouvernement
sénégalais tente d’encourager la
diaspora sénégalaise à soutenir
20
		 Aminata	 Touré,	 ancien	 Premier	 Ministre,	 lors	 de	 son	
discours	à	l’Assemblée	Nationale	le	28	octobre	2013.
28
économiquement le pays mais aussi à
les y faire revenir pour investir. Cette
stratégie politique mise en place par
Macky Sall fait pourrait permettre à
l’actuel président de s’assurer un
deuxième mandat. En effet, dotés du
droit de vote, les Sénégalais de
l’extérieur, les bi-nationaux compris,
représentent plus de 3 % de la
population sénégalaise, un électorat
non-négligeable.
Les flux de remises connaissent
une forte augmentation depuis le
début des années 2000 (graphique 15).
Elles ont ainsi dépassé les flux de l’Aide
Publique au Développement (APD)
alors que les IDE stagnent à un niveau
proche des 2 % du PIB. Si à terme les
transferts privés pourraient représenter
une solution alternative à l’aide
publique internationale et financer le
développement du pays, le soutien de
la communauté internationale reste, à
l’heure actuelle, une ressource
essentielle pour le Sénégal.
4. La diplomatie économique :
entre diversification des
partenaires et maintien des
relations traditionnelles
La diplomatie économique
sénégalaise a été particulièrement
soutenue ces derniers mois. Le Chef de
l’Etat sénégalais multiplie les
participations, les rencontres officielles,
mais aussi les organisations
d’événements internationaux tels que
le Forum Inde-Afrique ou encore le
premier Forum économique de la
Francophonie. Bon élève auprès des
organismes internationaux, le Sénégal
joue de son image pour obtenir des
fonds et pour se faire une place sur la
scène internationale.
La politique extérieure
sénégalaise a connu quelques
changements entre Abdoulaye Wade
et Macky Sall. Si le premier favorisait le
panafricanisme et a réduit ses
relations, notamment commerciales,
avec la France, le second est parfois
accusé d’appliquer une politique de
voisinage à géométrie variable et de
délaisser ses voisins. Sous Abdoulaye
Wade, la diplomatie politique et
économique visait à renforcer les liens
du Sénégal avec les Etats africains, les
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1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
GRAPHIQUE 15: EVOLUTION DU FINANCEMENT
DU DÉFICIT COURANT
Remises (%PIB) APD (%PIB) IDE (%PIB)
Source	:	Banque	Mondiale
29
Etats émergents, et les Etats du Golfe.
Souhaitant également trouver de
nouveaux bailleurs de fonds,
Abdoulaye Wade s’est appliqué à
renforcer les relations sénégalaises
avec ces derniers. Le rapprochement
du Sénégal avec les pays arabo-
musulmans a ainsi permis de
développer la culture arabe et
musulmane, mais aussi d’appuyer la
présence et l’influence des pays du
Golfe et du Maghreb, plus
particulièrement le Maroc, dans la
sous-région. En effet, la culture arabo-
musulmane est importante tant dans la
sphère politique21 que dans la sphère
sociale et religieuse. Macky Sall a
maintenu les relations du Sénégal
avec les pays du Golfe de sorte à
continuer de bénéficier de fonds
importants. Dans la sous-région ouest-
africaine, le Koweït a investi
majoritairement au Sénégal (156
milliards de francs CFA depuis le milieu
des années 1970). L’Arabie Saoudite
est également un bailleur de fonds
capital pour le Sénégal. Cela explique
l’envoi des troupes sénégalaises au
Yémen aux côtés des troupes
saoudiennes afin de lutter contre les
Houthis, soutenus par l’Iran, un pays
avec lequel le Sénégal avait
récemment renoué ses relations
diplomatiques (2013).
Sous Abdoulaye Wade, la
France a pâti de cette nouvelle
orientation : ses relations avec le
Sénégal connurent des moments de
crise notamment sur le plan
commercial (en 2003, 90 % des firmes
industrielles étaient des filiales
françaises, leur proportion a baissé de
presque 80 % en 2012) mais aussi avec
21
	Les	personnes	reçues	au	concours	de	l’Ecole	Nationale	
de	 l’Administration	 du	 Sénégal,	 pour	 le	 poste	 de	
conseiller	 des	 affaires	 étrangères,	 doivent	 être	 pour	
moitié	arabisantes	(5	personnes	sur	10).	
les affaires du naufrage du Joola et de
l’accord sur « l’immigration choisie ».
C’est dans ce contexte que les
banques marocaines ont pu, par
exemple, s’implanter et concurrencer
les banques françaises. Ce fut
également le cas quant à la gestion
du port de Dakar : la compagnie
Dubai Ports World fut en charge de la
gestion du port de Dakar, mettant ainsi
le groupe français Bolloré hors de
l’affaire.
Contrairement à son
prédécesseur, Macky Sall s’est
rapproché de la France, le premier
partenaire bilatéral historique du
Sénégal. Par ailleurs, la première visite
officielle hors-Afrique du Président
Macky Sall était très
symbolique puisqu’il s’est rendu en
France où il fit un discours aux côtés de
Nicolas Sarkozy. Pour Macky Sall, la
coopération avec le gouvernement
français est primordiale, et ce, dans
différents domaines. L’aide financière
que peut apporter la France dans le
développement des projets sénégalais
ou encore les investissements des
entreprises françaises sont, pour Macky
Sall, des moteurs contribuant à la
croissance et au développement du
pays. C’est pourquoi, après le refus
d’Abdoulaye Wade d’accorder la
gestion du port de Dakar au groupe
Bolloré, Macky Sall a attribué la gestion
de l’aéroport de Dakar au groupe
français.
En adoptant ce schéma du « donnant-
donnant » et en s’appuyant sur son
image de « bon élève » auprès des
organismes internationaux et de ses
pairs, le Sénégal espère ainsi obtenir
les fonds nécessaires pour développer
son économie.
30
Image	1	:	Macky	Sall	en	visite	officielle	au	Koweït	(2012)	
Le Sénégal est le pays ouest-africain qui reçoit le plus de fonds de la part du Koweït.
Source	:	www.resussirbusiness.com
31
B. Des acquis démocratiques minés par des contraintes structurelles
pesant sur les institutions et les infrastructures sénégalaises
1. Un régime démocratique stable
et une séparation effective
entre l'armée et le
gouvernement
1.1 Une consolidation
démocratique par le tissu
politique
La présentation du Sénégal
comme un pays dans lequel les
principes de bonne gouvernance sont
appliqués est un des éléments
importants du Plan Sénégal Emergent.
Le pays cherche à se présenter
comme une zone propice à
l’implantation de nouvelles entreprises
et à montrer une image favorable aux
bailleurs de fonds internationaux. C’est
pour cela que les deux alternances,
de 2000 et 2012, sont mises en avant
dans le PSE. L’objectif est de montrer
que, depuis quinze ans, le pays
connaît des élections non contestées
par le perdant. En effet, le Président
sortant peut être battu sans remettre
en cause le résultat et sans bloquer les
institutions.
La dynamique de consolidation
de la démocratie est un processus qui
a structuré le pays depuis son
indépendance. Ainsi, le Sénégal est
passé d’un régime à parti unique au
multipartisme limité sous Léopold Sedar
Senghor (1974), puis à un multipartisme
sans limite sous Abdou Diouf. En 2000,
le pays a connu sa première
alternance à la présidence.
L’élection de 2000 s’est
déroulée dans un contexte tendu : la
Côte d’Ivoire connaissait une période
de fortes tensions qui ont alors généré
des révoltes. Dès lors, la population
sénégalaise s’inquiétait de
l’incapacité d’Abdou Diouf
d’accepter sa défaire aux élections
présidentielles.
Les élections de 2000 et 2012
ont été les théâtres de deux
alternances similaires : la formation de
grandes coalitions électorales dont
l’unique accord est de provoquer
l’élimination du président sortant, la
rhétorique du changement (Sopi en
Wolof, le slogan de campagne de
Wade en 2000), ou encore l’espoir
suscité par l’élection.
Cependant, le mandat de
Macky Sall connaît des complications :
la majorité au pouvoir, même si elle
semble forte, est précaire, et cela se
traduit par plusieurs changements de
Premier Ministre et des remaniements
ministériels. Le dernier en date était en
2014, à l’occasion de la défaite subie
par la coalition au pouvoir lors des
élections municipales ; si le « Benno »
l’a emporté dans 70 % des communes,
il a en revanche perdu les grandes
villes du pays. Plusieurs ministres
s’étaient portés candidats et ont
perdu, ce qui a entraîné leur
limogeage. Aminata Touré, Premier
Ministre de l’époque, a subi ce sort
après sa défaite à Dakar face à
Khalifa Sall, maire sortant de la
capitale et grand rival de Macky Sall
pourtant membre de la coalition
Benno Bokk Yakaar.
32
De plus, au sein même du
« Benno », des tensions sont apparues
entre le Parti Socialiste (PS) et l’Alliance
Pour la République (APR), tensions qui
ont pour cœur la rivalité grandissante
entre le Président de la République et
le maire de Dakar, Khalifa Sall (PS). Ces
tensions font apparaître des problèmes
d’équilibre du rapport de forces entre
les deux partis les plus importants de la
coalition ; le pouvoir est monopolisé
par l’APR et le PS voudrait présenter un
candidat aux prochaines élections
présidentielles : il souffre actuellement
de se tenir dans l’ombre de l’APR.
La Constitution sénégalaise de
2001 a donné lieu à certaines
réformes, notamment au sujet de
l’Assemblée nationale, du Sénat et de
la durée du mandat présidentiel. En
2008, Abdoulaye Wade rétablit le
septennat. Par ailleurs, le nombre de
députés, réduit de 140 à 120 par la
Constitution de 2001, est augmenté
pour atteindre 150 élus ; 90 sont élus
par le biais d’un scrutin majoritaire
tandis que les 60 restants accèdent à
l’Assemblée par un scrutin
proportionnel, ce qui a permis la
présence à la chambre basse de
petits partis représentés par un, deux
ou quatre députés, même si la
majorité absolue est détenue par le
Benno Bokk Yakaar, avec 79 % des
sièges dont 87 sièges sur les 90
distribués au scrutin majoritaire. On voit
donc que le scrutin majoritaire a
clairement avantagé la grande
coalition électorale de Macky Sall trois
mois après sa victoire aux élections
présidentielles tandis que le scrutin
proportionnel permet la présence de
partis annexes sein de l’Assemblée. À
titre d’exemple, le Parti Démocratique
Sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade
a obtenu douze sièges dont neuf
grâce à la proportionnelle. Les trois
sièges qu’il a obtenu au scrutin
majoritaire sont les trois seuls qui ont
été raflés au « Benno » sur ce mode de
scrutin. On peut donc en conclure que
le scrutin aux élections législatives
avantage le parti remportant les
présidentielles, d’autant que leur
tenue trois mois avant les législatives
biaise également le résultat en faveur
du parti vainqueur. Notons cependant
la forte abstention (près de 67 %), qui
peut être expliquée par leur tenue trois
mois après les présidentielles ou
encore la désaffection.
GRAPHIQUE	16	:	RESULTATS	DES	ELECTIONS	
LEGISLATIVES	2012	
Source	:	Gouvernement	du	Sénégal	
Un autre aspect de la politique
sénégalaise est la forte transhumance
des personnalités politique. Les
frontières entre partis politiques
semblent poreuses et les acteurs
politiques gravitent d’un parti à l’autre
au grès des rapports de force et des
intérêts au niveau national ou dans
leurs circonscriptions électorales. L’un
des facteurs explicatifs du phénomène
est la faible teneur idéologique des
partis politiques. Ainsi, une personnalité
politique appartenant à un parti n’est
pas fortement marqué par l’orientation
de sa formation politique, d’autant
33
plus que beaucoup de partis
sénégalais se réclament du libéralisme
sans approfondir et préciser outre
mesure.
Ceci permet d’ouvrir sur la
trajectoire de Macky Sall en politique.
Il était parmi les proches d’Abdoulaye
Wade avant d’être progressivement
écarté : il a été Premier Ministre sous
Abdoulaye Wade pendant trois ans
(2004-2007), puis Président de
l’Assemblée Nationale jusqu’à sa
destitution par l’ancien Président de la
République. Par la suite, Macky Sall
crée alors l’Alliance Pour la République
(APR) en 2008 avec la claire volonté
de se démarquer d’Abdoulaye Wade :
il démissionne de ses mandats de
maire de Fatick et de député pour
s’éloigner du Parti Démocratique
Sénégalais, alors présidé par
Abdoulaye Wade. L’hostilité
grandissante entre Abdoulaye Wade
et Macky Sall répond à la perception
négative du second mandat de
l’ancien président de la part des
Sénégalais. Dès lors, Macky Sall a su en
jouer des valeurs démocratiques qu’il
pensait incarner, face à la
personnalisation du pouvoir et les
dérives clientélistes du régime de «
Maître Wade ».
Le procès du fils d’Abdoulaye
Wade, Karim, n’est donc finalement
que le dernier épisode d’une forte
rivalité personnelle arrivant sur le terrain
de la justice. Ce procès a
effectivement remis sur le devant de la
scène la Cour de Répression de
l’Enrichissement Illicite (CREI), où Karim
Wade a été jugé. Il illustre également
une volonté de lutter contre
l’enrichissement illicite et les biens mal
acquis, mais la question de
l’instrumentalisation de la justice
demeure.
Pendant la présidence d’Abdou
Diouf, la CREI a été créée pour lutter
contre la corruption. Or, ici, la question
se pose de savoir si la CREI est un
véritable organe indépendant, ou si,
au contraire, il obéit aux ordres de
l’exécutif. Cette question est d’autant
plus soulevée dans la mesure où les
procureurs, nommés par le Conseil
Supérieur alors présidé par le Chef de
l’Etat, sont contrôlés par le Président
de la République.
En voulant écarter le fils
d’Abdoulaye Wade, Macky Sall a
peut-être utilisé la justice afin d’évincer
un rival potentiel, plus précisément un
opposant médiatique qui avait un réel
impact sur la société sénégalaise. De
son côté, Abdoulaye Wade l’a
interprété comme une attaque contre
sa personne par le biais de son fils.
Cette rivalité structure la vie politique
sénégalaise depuis 2007-2008.
Il faut d’ailleurs souligner
qu’Amnesty International a émis de
fortes critiques sur le caractère « peu
équitable » de ce procès et sur
l’impossibilité de déposer un recours
après le verdict dudit procès. Amnesty
International avance qu’à travers
cette condamnation, il y a une non
conformité aux principes basiques du
fonctionnement de la justice. Ces
critiques sont un écho aux
contestations plus générales sur la
politisation de la CREI, et dont les
décisions ne sont pas susceptibles
d’appel. C’est donc sans surprise que
le recours interposé par les avocats de
34
Karim Wade a été rejeté par la Cour
Suprême.
Le verdict de ce procès, loin
d’éloigner la menace politique du «
Clan Wade » et du PDS, l’a galvanisé
et lui a fourni des arguments pour
dénoncer « l’absence de l’Etat de
Droit au Sénégal » selon Samuel Sarr,
ancien ministre et membre du PDS.
La CREI a été mêlée à une autre
affaire qui a suscité la controverse et a
ébranlé le pouvoir exécutif : l’affaire
de la confiscation des avoirs de Bibo
Bourgi, un homme d’affaires
sénégalais qui a été condamné par la
CREI pour biens mal acquis.
Néanmoins, le problème réside dans le
fait que ses biens lui furent confisqués
avant que le verdict officiel ne soit
rendu, ce qui a généré une vague de
réprobations dans le paysage
journalistique et politique sénégalaise.
1.2 L’implication de l’armée
sénégalaise dans les conflits
extérieurs
L’armée sénégalaise fait figure
d’exception dans la région. En effet
elle n’a jamais tenté de faire irruption
sur le terrain politique et a toujours
respecté sa subordination au pouvoir
du chef de l’Etat depuis
l’indépendance du pays. Loin de
représenter un élément d’agitation du
pays, elle est une composante
essentielle de sa politique
internationale puisque l’armée
sénégalaise est très présente dans les
missions sous l’égide de l’Organisation
des Nations Unies (ONU), tant sur le
continent africain qu’en dehors.
IMAGE	2	:	LES	FORCES	ARMEES	SENEGALAISES	
Source	:	Seneweb	
Sa première mission de maintien
de la paix dans le cadre d’une
opération pilotée par l’ONU date de
1960, soit l’année de son
indépendance : elle est intervenue
dans le cadre de la mission des
Nations Unies au Congo (ONUC) avec
un contingent de 600 hommes. On
compte en total vingt-trois
interventions du Sénégal dans le cadre
de missions de l’ONU, la dernière étant
la Mission Internatioanle de Soutien au
Mali sous conduite Africaine (MISMA)
au Mali en 2013, mission qui fut par la
suite remplacée par la Mission
multidimensionnelle Intégrée des
Nations Unies pour la Stabilisation au
Mali (MINUSMA).
Mais le Sénégal intervient aussi
dans le cadre d’accords régionaux
comme celui de la CEDEAO. Il a ainsi
envoyé un contingent de 1 500
hommes au Liberia de 1991 à 1993
dans le cadre de l’Economic
Community of West African States
Cease-fire Monitoring Group,
l’ECOMOG (traité visant à faire
respecter les cessez le feu au sein de la
CEDEAO).
En dehors de ces cadres
institutionnels, l’armée sénégalaise a
35
aussi collaboré à des opérations avec
la France, il faut notamment citer
l’Opération Turquoise au Rwanda en
1994 au moment du génocide des
Utus sur les Tutsis.
Enfin, l’armée a été utilisée par
l’Etat sénégalais en Gambie en 1981
pour empêcher la réussite de la
tentative de coup d’Etat contre le
Président gambien Daouda Diawara.
Cette intervention donna naissance à
la confédération de Sénégambie,
dont l’existence perdura jusqu’en
1989, période durant laquelle Abdou
Diouf affichait une volonté de
rapprochement des deux pays.
Toutefois, son homologue gambien
manifestait certaines réticences. Cela
conduisit alors à la séparation des
deux pays.
Cette optique de maintien et
de consolidation de la paix à
l’international est garantie dans la
Constitution de 2001, preuve qu’il
s’agit d’un axe majeur de la présence
internationale du Sénégal.
Le cas de l’intervention des
troupes sénégalaises au Yémen mérite
une attention particulière : le Sénégal
a récemment envoyé 2 100 soldats au
Yémen pour lutter contre la rébellion
chiite. Cette intervention est réalisée
dans le cadre d’une coopération
internationale menée par l’Arabie
Saoudite, voisin du Yémen. Le
Président Macky Sall met donc en
avant la demande personnelle du roi
du Yémen ainsi que l’appartenance à
l’Islam sunnite pour justifier l’opération
militaire, qui voit l’envoi de trois fois
plus d’hommes qu’au Mali voisin.
Cette intervention est à considérer
comme un resserrement des relations
entre le Sénégal et l’Arabie Saoudite,
des relations qui étaient relativement
froides sous Abdoulaye Wade et que
Macky Sall tente de maintenir.
Toutefois, dans le cas de l’envoi de
troupes au Yémen, le Président
sénégalais est peu soutenu à l’intérieur
de son pays. En effet, selon la majorité,
l’envoi de troupes devrait plutôt se
concentrer sur le continent africain et
surtout sur la région. L’opération
militaire qui est uniquement destinée à
recevoir d’importants financements de
la part du royaume d’Arabie Saoudite,
notamment dans le but de financer le
PSE, est pointée du doigt.
2. Une consolidation de la
démocratie grâce à la
structuration de la société civile
La consolidation démocratique
passé aussi par la capacité de mise en
œuvre d’un dialogue social au sein de
la société sénégalaise. Les Sénégalais
ont su développer des stratégies de
positionnement et d'influence par
rapport aux acteurs étatiques. Ces
stratégies passent par des canaux
formels et informels, mais qui
permettent de structurer solidement le
tissu social sénégalais. Cependant, la
trop grande diversité des modes
d’actions, couplée à l’hétérogénéité
de la société mène à considérer
l’existence de plusieurs sociétés civiles
qui parviennent à s’organiser et à
investir le champ politique au Sénégal.
L’exemple du M23 et de “Y’en a
marre”, deux mouvements
contestataires datant de la présidence
d’Abdoulaye Wade, illustre
36
parfaitement la marge de manœuvre
dont disposent les Sénégalais.
2.1 Les tentatives de prolifération
du syndicalisme
Parmi les organisations de la
société civile, il est possible de
distinguer notamment les syndicats,
dont la création et le fonctionnement
sont encouragés par l’Etat. Les quatre
premiers syndicats sénégalais sont la
Confédération nationale des
travailleurs du Sénégal, historiquement
liée avec le Parti Socialiste et
hégémonique dans les chemins de fer
et les télécommunications, la
Confédération des syndicats
autonomes du Sénégal, l’Union
démocratique des travailleurs du
Sénégal, et dans une moindre mesure,
l’Union libre des travailleurs du
Sénégal. En réalité, les syndicats sont
beaucoup plus nombreux dans le pays
car l’histoire des syndicats sénégalais
remonte aux années 50, avant même
l'indépendance du pays. L’histoire des
revendications salariales, quant à elle,
est encore plus lointaine. De fait, le
processus d’institutionnalisation du
syndicalisme est largement entamé
même si les syndicats sont en trop
grand nombre par rapport au nombre
de travailleurs du secteur formel qui
pourraient potentiellement se
syndiquer.
Il existe dix-huit organisations
ayant légalement le statut de
centrales syndicales au Sénégal,
disposant d’un fonctionnement
autonome. Mais le sur-nombre de
syndicats s’explique par le manque de
démocratie au sein des centrales qui
renouvellent rarement leurs instances,
ainsi que par le manque d’intérêt de la
part des travailleurs pour les problèmes
interprofessionnels et qui préfèrent se
rabattre sur des syndicats liés à une
entreprise, un secteur ou une
profession. L’intérêt de la question
syndicale réside principalement dans
le fait que les centrales syndicales,
dans un pays où près de 70 % de la
population travaille dans le secteur
informel , ont du mal à intégrer la
majorité des travailleurs au sein d’un
système de fonctionnement à l’usage
des travailleurs du secteur formel.
Cette question est de plus en plus prise
en compte dans les stratégies des
centrales qui tentent d’intégrer les
travailleurs de l'informel et surtout les
agriculteurs. Cette dynamique est
conjuguée à la la volonté de l’Etat de
juguler les potentielles contestations
sociales. Des efforts sont ainsi faits pour
ouvrir les portes du dialogue social,
grâce notamment, au travail des
Organisations Non-Gouvernementales
(ONG) telles que Freedom House qui
sensibilisent les populations à leurs
droits.
2.2 La prévalence des
Organisations Non-
Gouvernementales et des
associations au Sénégal
Cette question syndicale
permet de faire le lien avec un autre
vecteur de l’organisation du tissu social
sénégalais : les ONG et les
associations. Ces deux entités
distinctes partagent la même ambition
de contribuer au développement du
Sénégal, avec des moyens allant de
l’action ponctuelle et locale à la mise
37
en œuvre de politiques publiques de
développement. L’article 12 de la
Constitution du Sénégal du 22 janvier
2001 stipule que « tous les citoyens ont
le droit de constituer librement des
associations, des groupements
économiques, culturels et sociaux […],
sous réserve de se conformer aux
formalités édictées par les lois et
règlements ». De ce point de vue, la
liberté de se constituer en ONG ou en
association est garantie dans le pays
sous réserve du respect de la loi.
Le statut des ONG n’est
cependant pas figé, il a évolué au
Sénégal depuis les années 70. Entre les
années 70 et les années 90, le nombre
d’ONG au Sénégal avait en effet
connu une croissance exponentielle,
ajoutée à une expansion des
domaines couverts par leur action. Dès
lors, cela entraînait des
questionnements sur la gouvernance
des ONG au Sénégal et la capacité
de l’Etat à impulser des politiques
publiques de lui-même . Cependant,
depuis la présidence d’Abdoulaye
Wade, d’importants efforts de la part
de l’Etat ont été observés, notamment
dans la régulation de l’action des
ONG sur le territoire sénégalais, tout en
mettant en œuvre des plateformes
d’échanges inter-ONG, et ce, dans le
but d’optimiser leurs actions. A ce titre,
il est possible de citer la plateforme
des ONG européennes au Sénégal , la
Fédération des ONG du Sénégal , et
enfin, le Conseil des Organisations Non
Gouvernementales d’Appui au
Développement (CONGAD) ,
plateforme créée en 1982, qui
regroupe 178 ONG nationales,
étrangères et internationales et qui a
vocation de coordonner l’action des
membres. Sous la houlette de toutes
ces plateformes, les ONG peuvent
donc agir librement au Sénégal, à la
condition de produire régulièrement
des rapports d’activité pour le
Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité
publique. Il s’agit pour l’Etat de mettre
en place une stratégie pour conserver
son monopole administratif et
sécuritaire.
Enfin, il existe une myriade
d’associations au Sénégal, qui sont
également soumises en théorie au
contrôle de ce même ministère, mais
en réalité, toutes sont loin d’être
déclarées. La majorité des quartiers de
Dakar compte une association locale.
Cette nébuleuse associative présente
l’avantage de créer de solides réseaux
de solidarités et permet de tisser une
structure sociale dense, qui prémunit
de l’exclusion dans un pays qui
compte 46,7 % de la population sous le
seuil de pauvreté national .
2.3 La question des respects des
libertés fondamentales et des
droits humains
Le pays dispose d’un arsenal
juridique suffisamment élaboré pour
être considéré comme un modèle
dans la sous-région. Le rapport 2015
de Freedom House estime que les
droits humains sont, dans l’ensemble,
respectés. De fait, les contestations
sociales sont possibles et ne sont pas
nécessairement réprimées par la
violence. Toutefois, il faut simplement
apporter une nuance concernant la
liberté de presse et des médias. Il
existe plusieurs groupes médiatiques
au Sénégal, tels que Le Soleil, journal
38
quotidien proche du pouvoir, ou
encore Walfadjri, groupe de médias
indépendant, qui suit une ligne
éditoriale plus critique envers l’Etat.
Ainsi, même si la liberté de presse est
théoriquement respecté, l’existence
d’un possible “délit journalistique”, ainsi
que de “ l’offense au Chef de l’Etat”,
obligent la presse à une forme d’auto-
censure qui fait baisser le Sénégal
dans le classement des pays en
matière de liberté de presse selon
Reporter Sans Frontières. Il est classé à
71e place, sur 180 pays. En juillet 2015,
Alioune Badara Fall, directeur directeur
de publication du journal
L’Observateur, et son journaliste
Mamadou Seck ont été accusés
d’avoir publié des informations
concernant le déploiement des
troupes sénégalaises au Yémen et
sont, à ce titre, accusés de "violation
de secret défense". Cet exemple
illustre bien l’ambivalence qui existe
encore au Sénégal concernant les
droits humains.
Le respect des droits humains et
des libertés fondamentales concerne
aussi la société civile. Ces libertés
touchent divers domaines tels que la
liberté de la presse ou encore la liberté
de culte. Ce dernière est un enjeu
important dans un pays où la majorité
de la population est musulmane.
2.4 Un espace multi-ethnique
avec une grande tolérance
religieuse et une empreinte
caractéristique de l’Islam
« L’une des grandes caractéristiques
du Sénégal réside dans la grande
tolérance dont font preuve les
différentes communautés religieuses
les unes vis-à-vis les autres » . En effet,
la population sénégalaise, à majorité
musulmane, font preuve d’une grande
tolérance les uns à l’égard des autres.
L’Etat sénégalais qui garantit la liberté
religieuse dans l’article 23 de sa
Constitution, voit la coexistence entre
ses différentes communautés : la
communauté musulmane est
majoritaire à hauteur de 94 % de la
population, tandis que seulement 4 %
de la population est chrétienne et 2 %
animiste. Les Chrétiens sont environ 300
000 parmi le peuple des Sérères et
(Dakar et Petite Côte) et le peuple
des Diola (Casamance).
L’Islam existe dès le Xe-XIe siècle
dans le Nord du pays, pourtant
l’islamisation de masse ne s’opère
qu’à partir du XIXe siècle. L’islam au
Sénégal est structuré autour des
confréries soufies. La Qadriyya, la plus
ancienne confrérie est peu importante
numériquement comptabilisant 15 %
des musulmans ; il en va de même
pour le Hamallisme qui ne réunit que
quelques milliers d’adeptes ou encore
la confrérie Layène, très minoritaire et
également peu influente sur le plan
politique. Deux confréries sont avant
tout à l’origine de la structuration de
l’espace religieux et public. La
confrérie Tidjaniyya, représentée par
Sidi Chérif Abdelmoutateb Tijani, est la
plus importante numériquement avec
54 % des musulmans. Son siège se situe
à Tivaouane. Enfin, il y a la Mouridiyya,
la plus active et la plus influente du fait
de ses multiples activités
économiques. Elle concentre ses
activités religieuses à Touba. Depuis
2010, Cheickh Sidi Al Moukhtar
Mbacke est le représentant des
39
Mourides. Touba a tacitement le statut
d'extraterritorialité. Cela signifie que les
lois de l’État sénégalais ne s'y
appliquent pas ; il y est par exemple
interdit d’y boire de l’alcool et d’y
fumer .
2.5 Les confréries et le pouvoir : un
rôle historiquement
pacificateur et stabilisateur
L’Islam confrérique s’est imposé
comme facteur de changement et de
renouveau à partir de la colonisation
avec un important glissement vers le
maraboutisme. Sous l’ère coloniale
s’est instauré ce qu’on appelle le «
contrat social sénégalais ». Il s’agit
d’un deal de légitimation réciproque
et d’un double leadership de partage
du pouvoir entre l’administration
coloniale et les marabouts , au point
d’évoquer un “Etat à deux têtes” . En
effet, les administrateurs français
avaient vite compris que pour pouvoir
capter les masses et s’assurer du
soutien de la population, il fallait
absolument passer par les marabouts.
Personnalités très influentes et très
respectées au sein des populations les
marabouts étaient méticuleusement
choisis.En contrepartie, le même
réalisme politique guidait les
marabouts qui avaient alors compris la
nécessité d’une coopération avec
l’administration. Le poids des
marabouts était tel qu’ils parvinrent à
renverser l’aristocratie guerrière et
transformer les esclaves en petits
paysans.
Le résultat de cette
appropriation des institutions étatiques
était donc la mise en place de la
culture d’arachide par le biais d’une
petite paysannerie. Les anciens
esclaves, protégés par les marabouts,
trouvèrent refuge dans cette
paysannerie nouvellement créée . Dès
lors, l’immixtion du pouvoir religieux
dans la vie politique est devenue une
constante historique et tous les
présidents ont fait recours à l’appui
des grands marabouts. Léopold Sédar
Senghor, pourtant catholique, était le
premier à avoir su mobiliser le soutien
des marabouts avec lesquels il a su
nouer des liens d’amitié.
Les marabouts interviennent
encore à l’heure actuelle pour
apaiser les tensions entre les acteurs
politiques, pour régler une situation
critique ou pour donner un mot
d’ordre en faveur d’un homme
politique . Ils sont donc garants d’une
cohésion sociale. Ceci se passe
notamment avec le ndiguel, c’est-à-
dire la traditionnelle consigne de vote
où les leaders maraboutiques vont se
prononcer en faveur d’un parti ou
d’un candidat.
2.6 La mouvance d’un Islam
politique hétérodoxe et son
influences dans l’espace
public : une remise en cause
du « contrat social sénégalais »
Le « contrat social sénégalais »
est partiellement remis en cause
depuis les années 80 avec la
prolifération des mouvements extra-
confrériques. Dans un contexte socio-
économique où le Sénégal fait face à
une hausse du chômage, à des
difficultés économiques, et où les
jeunes sont de plus en plus en proie à
une autonomisation, des mouvements
religieux de réforme voient le jour,
40
prônant alors un Islam orthodoxe. Une
nouvelle génération de jeunes
musulmans à la recherche
d’alternatives et de nouvelles grilles de
lecture prend forme et n’hésite plus à
se démarquer de l’affiliation
confrérique de leurs parents. Le
premier signe de ce renouveau entre
le pouvoir temporel et religieux se
manifeste dans l’abandon du .
En 2000 le ndigel ne fonctionnait
pas. Bien qu’Abdou Diouf ait bénéficié
de plusieurs consignes de vote au
second tour, il n’obtint que 41 % des
voix. Cela traduisit une prise de
conscience, et notamment chez les
jeunes, de l’importance symbolique du
vote en tant qu’acte citoyen et
individuel, et non une obéissance
totale à leur marabout. Cette
dynamique contredit donc la
particularité sénégalaise du « disciple
électeur » que la littérature abordait
fréquemment . Cette reconfiguration
du religieux devint plus manifeste avec
Abdoulaye Wade, « le président talibé
», qui avait réservé son premier
déplacement lors de la campagne
aux élections en 2012 à Touba. Ayant
défini le politique et le religieux
comme “deux cornes sur la tête d’une
même vache” , le religieux entra
vraiment dans l’arène politique. Sous
sa présidence, se sont davantage
manifestées des stratégies plus subtiles
pour séduire l’électorat. Abdoulaye
Wade lui-même avait par exemple
bénéficié de sa première entrée au
gouvernement en 1991 en gérant le
dossier des recouvrements des dettes
dues à l’Etat de la part des marabouts.
A la fin de son mandat, il avait par
ailleurs promis des investissements pour
des projets de modernisation des villes
religieuses de Touba et de Tivaouane
(actuellement en cours). Le budget
alloué à ces projets s’élevait ainsi à 100
milliards FCFA.
Les faveurs ne s’arrêtèrent pas
là : elles comprenaient également des
facilités de voyage, des équipements
pour la résidence secondaire ou du
village-satellite ou encore des
exonérations douanières. .
Les marabouts, eux aussi, ont
modifié leurs comportements. Ils ne se
contentent plus de jouer leur rôle de
stabilisateur. Ils sont désormais de
véritables entrepreneurs politiques. Ces
aspirations politiques pourraient
probablement mettre en péril le «
contrat social sénégalais ».
Du côté des confréries, des
branches autonomes voient peu à
peu le jour et offrent à une jeunesse
apolitique et touchée par le
chômage, une alternative via un
retour aux origines de l’Islam. C’est
effectivement l’approche de
Moustapha Sy, leader spirituel du
mouvement néo-confrérique des
Mustarchidines. Véritable guru,
Moustapha Sy est parvenu à regrouper
près de 700.000 adeptes,
principalemnt des jeunes citadins.
Dans les années 90, le leader des
Mustarchidines ne cachait pas sa
défiance à l’égard du régime
d’Abdou Diouf. C’est en ce sens qu’il
émit son voeu quant à une éventuelle
candidature pour les élections
présidentielles de 2000 – qu’il retira au
dernier moment.
Les marabouts qui avaient tenté
de créer des partis ne parvenaient pas
à drainer des masses et ainsi à se
positionner comme une sérieuse
alternative au pouvoir en place .
41
Toutefois, le marabout Ahmed
Khalifa Niasse qui a créé son parti et a
soutenu Abdoulaye Wade, est
parvenu à occuper des postes
importants dans le système politique
sénégalais. Cela est d’autant plus
préoccupant que ce marabout œuvre
en faveur d’une rupture avec les
confréries. Cela pourrait mettre ainsi
en danger les acquis d’un Islam
confrérique pacificateur. En effet,
financés et influencés par les discours
wahabbites de l’Arabie Saoudite
certains mouvements néo-confrériques
pourraient créer un environnement
d’exclusion avec des risques de
confrontation. La question de la
sécurité reste aujourd’hui un enjeu
central, garant pour la stabilité sociale
du pays, et plus particulièrement dans
la région ouest-africaine. Dans la
perspective où la majorité des
organisations religieuses sénégalaises
réfuterait ce radicalisme et prendrait
ses distances face à un sunnisme
anticonfrérique armé , le risque d’une
radicalisation de la société
sénégalaise serait relativement faible.
Néanmoins, il y a une nécessité de
formation quant à la jeunesse urbaine
musulmane, qui est aujourd’hui
confrontée aux difficultés de la vie que
les agendas politiques ne parviennent
pas à résoudre et qui chercherait des
solutions dans un Islam politique, dont
elle ne possède que de vagues
connaissances.
2.7 Les confréries et l’économie :
un pouvoir substitutif face à un
Etat inefficace
Au-delà du politique, les
confréries et leurs marabouts exercent
une influence économique très
importante. Leur forte implication
s’explique en partie par une logique
inhérente à leur organisation. Ce sont
notamment les Mourides qui ont
endoctriné un savoir-vivre expliqué
dans une œuvre posthume de Bamba
intitulé La doctrine du travail. Cette
doctrine avance que chaque talibé
devrait « travaille[r] comme s’[il]
n’allait jamais mourir et prie[r] comme
s’[il] allait mourir demain » . Le travail a
une dimension du sacrifice pour le
talibé. Par l’argent, il exprime son
attachement au marabout et la
politique de la « charité » envers les
groupes vulnérables est donc un
principe fondateur des Mourides. Les «
Baol Baol » (acteur économique
mouride qui effectue des petits
métiers) opèrent surtout dans le
secteur informel et dans le milieu rural
où ils contrôlent notamment les
services des taxis, l’agriculture, les
babioles, les transports. Les tidianes, de
leur côté, se situent plutôt dans le
secteur formel, urbain et dans
l’administration. Plus le secteur et les
investissements deviennent importants,
moins le lien confrérique est
structurant. Les grands investisseurs
vont seulement maintenir des rapports
purement symboliques avec les grands
marabouts . Or, il est impossible
d’avancer qu’une confrérie
particulière puisse exercer un
monopole dans un corps de métier.
Le rôle des confréries est
d’autant plus important et structurant
sur divers plans, dans la mesure où les
institutions confrériques apparaissent là
où l’État se retire en finançant des
projets pour la population
(construction d’écoles, d’hôpitaux,
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Risque Pays Sénégal 2016

  • 1. RAPPORT D’EXPERTISE RISQUE PAYS SÉNÉGAL Mars 2016 Andréa Arnaud - Pierre-André Arqué Sarah Boumediene - Ghita Bouzekri Alami Anna Estier - Lucas Giboin Caroline Manac’h - Kevin Orefice Yvonne Pambo - Lena Wallach
  • 2. 2 Remerciements Nous tenons à exprimer notre reconnaissance à Monsieur Jean-Philippe Berrou, Maître de conférence en Sciences Economiques à Sciences Po Bordeaux, référent de cette étude, pour sa disponibilité et pour la qualité des conseils qu’il nous a prodigués tout au long de l’avancée de nos travaux. Nous souhaitons également exprimer nos remerciements à Madame Céline Thiriot, Maître de conférence en Sciences Politiques à Sciences Po Bordeaux, Directrice du Laboratoire des Afriques dans le Monde, pour nous avoir sensibilisés à certains enjeux politiques et sociaux au Sénégal. Toute notre gratitude à Monsieur Cisse Kane Ndao, Secrétaire Général du Conseil Départemental de Mbacke de la République du Sénégal, pour le temps qu’il nous a accordé lors de son court séjour à Bordeaux. Son point de vue nous a permis d’appréhender au mieux la réalité des enjeux auxquels le Sénégal est aujourd’hui confronté, notamment concernant son administration publique et de ses collectivités locales. Nos sincères remerciements à Monsieur Tanguy Bernard, Docteur en micro- économie du développement et économétrie appliquée, Professeur associé à l’Université de Bordeaux, pour l’entretien qu’il nous a accordé et pour avoir partagé avec nous son expérience de terrain et son approche analytique socio-économique du Sénégal. Nous adressons également nos remerciements à Monsieur Ismaila Diop, Inspecteur principal des Douanes Sénégalaises et Directeur du Renseignement et des Enquêtes Douanières à Dakar, pour nous avoir accordé un entretien qui nous a davantage éclairés sur les enjeux liés aux frontières sénégalaises. Enfin, nous tenons à exprimer notre sincère gratitude à toutes les personnes qui ont pu nous soutenir lors de l’élaboration de cette expertise risque pays sur le Sénégal, et particulièrement Monsieur Pierre Gancel, commanditaire de l’étude risque projet 2016 au Sénégal, pour sa disponibilité et sa réactivité.
  • 3. 3 Acronymes, abréviations et sigles utilisés dans le rapport : ADIE : Agence de l'Informatique de l’Etat AGOA: African Growth and Opportunity Act ANAT : Agence Nationale pour l’Aménagement du Territoire ANDI : Accords de Non Imposition ANE : Acteurs Non-Etatiques ANSD : Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie APD : Aide Publique au Développement APE : Accords de Partenariats Economiques APIX : Agence pour la Promotion des Investissements et des Grands Travaux APPI : Accords de Promotion et de Protection réciproque des Investissements APR : Alliance Pour la République ATA: Antiterrorism Assistance Program BAFD : Banque Africaine de Développement BCE : Banque Centrale Européenne BCE : Bureau d’appui à la Création d’Entreprise BCEAO : Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest BFAD : Bureau des Formalités Administratives Domaniales BM : Banque Mondiale CIAN: Conseil français des Investisseurs en Afrique CGI : Code Général des Impôts CGD : Code Général des Douanes CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest CFPA : Centre de Facilitation des Procédures Administratives CGU : Contribution Globale Unique CMU : Couverture Maladie Universelle CNRI : Commission Nationale de Réforme des Institutions CONGAD : Conseil des Organisations Non Gouvernementales d’Appui au Développement CPI : Conseil Présidentiel d’Incvestissement CPI: Cour Pénale Internationale CREI : Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite DDP : Direction de la Dette Publique DIC : Division des Investigations Criminelles
  • 4. 4 DSRP : Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté ECOMOG : Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring Group EFE : Entreprise Franche d’Exportation ENAM : Ecole Nationale d’Administration et de la Magistrature FAISE : Fonds d’Appui à l’Investissement des Sénégalais de l’Extérieur FCFA: Franc CFA FMI : Fond Monétaire International GAR : Gestion Axée sur les Résultats IADM : Initiative d’Allégement de la Dette Multilatérale ICS : Industries Chimiques Sénégalaises IDE : Investissement Direct Etranger IPC : Indice de Perception de la Corruption LGBT : Lesbiennes, Gays, Bi-e-s, Trans MFDC: Mouvement des Forces Démocratiques MINUSMA: Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation du Mali MISMA : Mission Internationale de Soutien au Mali sous conduite Africaine MMUD : Mouvement Mondial dans l’Unicité de Dieu OCDE : Organisation de Coopération de Développement Économique OCRTIS: Office Central pour la Répression du Trafic Illicite des Stupéfiants OFNAC : Office Nationale de Lutte contre la Fraude et la Corruption OI : Organisations Internationales OMD : Objectif du Millénaire pour le Développement ONG : Organisation Non-Gouvernementale ONU : Organisation des Nations Unies ONUC : Opération des Nations Unies au Congo ONUDC: Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime PAD : Port Autonome de Dakar PAQUET :Programme d’Amélioration de la Qualité, de l’Équité et de la Transparence PIB : Produit Intérieur Brut PDS : Parti Démocratique Sénégalais PME: Petites et Moyennes Entreprises PNDL : Programme national de Développement Local
  • 5. 5 PNBG : Programme Nationale de Bonne Gouvernance PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement PPP: Partenariat Public-Privé PPTE : Pays Pauvre et Très Endetté PREAC : Programme de Réformes de l’Environnement des Affaires et de la Compétitivité PS : Parti Socialiste PSE : Plan Sénégal Emergent SDE : Sénégalaise des Eaux SENELEC : Société Nationale d’Electricité du Sénégal SONATEL : Société Nationale des Télécommunications du Sénégal TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée UA: Union Africaine UE : Union Européenne UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine UMOA : Union Monétaire Ouest Africaine UNACOIS : Union Nationale des Commerçants et Industriels du Sénégal UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization WAMER: Western African Marine Ecoregion WWF WAMER: World Wide Fund for Nature Western African Marine Ecoregion ZESI : Zone Economique Spéciale Intégrée
  • 6. 6 Table des matières REMERCIEMENTS 2 ACRONYMES, ABREVIATIONS ET SIGLES UTILISES DANS LE RAPPORT : 3 INTRODUCTION 8 I. SOUTENU PAR LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE, LE SENEGAL POURSUIT SA CONSOLIDATION DEMOCRATIQUE MAIS RESTE MARQUE PAR UNE FORTE DEPENDANCE EXTERIEURE 13 A. LA CROISSANCE VOLATILE DU SENEGAL S’INSCRIT DANS UNE DOUBLE DEPENDANCE COMMERCIALE ET FINANCIERE 13 1. UNE PRODUCTION RELATIVEMENT DIVERSIFIEE MAIS A FAIBLE VALEUR AJOUTEE 13 2. FACE A LA PERSISTANCE DE DEFICITS STRUCTURELS, LE SENEGAL CONNAIT UN PROCESSUS DE RE ENDETTEMENT RAPIDE 17 3. LES REMISES DE LA DIASPORA : UN SUBSTITUT A L’AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT ? 26 4. LA DIPLOMATIE ECONOMIQUE : ENTRE DIVERSIFICATION DES PARTENAIRES ET MAINTIEN DES RELATIONS TRADITIONNELLES 28 B. DES ACQUIS DEMOCRATIQUES MINES PAR DES CONTRAINTES STRUCTURELLES PESANT SUR LES INSTITUTIONS ET LES INFRASTRUCTURES SENEGALAISES 31 1. UN REGIME DEMOCRATIQUE STABLE ET UNE SEPARATION EFFECTIVE ENTRE L'ARMEE ET LE GOUVERNEMENT 31 2. UNE CONSOLIDATION DE LA DÉMOCRATIE GRÂCE À LA STRUCTURATION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE 35 3. UN MODE DE GOUVERNANCE INEFFICACE 42 4. L’ENVIRONNEMENT DES AFFAIRES DEFAVORABLE NE SOUTIENT PAS LA STRUCTURE PRODUCTIVE ET PENALISE L’INVESTISSEMENT 47 II. LE SENEGAL POURSUIT UN MODELE DE DEVELOPPEMENT INEGALITAIRE, ACCENTUANT SA VULNERABILITE AUX CHOCS EXOGENES 59 A. DES CONTRAINTES RELATIVES AUX LEVIERS DE CROISSANCE QUI BLOQUENT LE POTENTIEL DE DEVELOPPEMENT DU SENEGAL 59 1. UN SECTEUR FINANCIER EN DECOLLAGE QUI NE PROFITE POURTANT PAS AU SECTEUR PRIVE 59 2. L’INEFFICACITE DES INVESTISSEMENTS FREINE L’ESSOR DU SECTEUR PRIVE 64 3. UN CAPITAL HUMAIN DEFICIENT MALGRE DE FORTES POTENTIALITES 67 B. UN PAYS MARQUE PAR DES INEGALITES SOCIALES ET TERRITORIALES 71 1. LE DESENGAGEMENT DE L’ETAT RENFORCE LA FRACTURE TERRITORIALE 71 1. DES INEGALITES RENFORCEES PAR L’IMPORTANTE VULNERABILITE AUX CHOCS EXOGENES 76 2. LA FRAGILISATION DES FRONTIERES : PRESENCE DE L’ETAT ET CAPACITE DE CONTROLE DU TERRITOIRE 82 DES DEFIS ENCORE NOMBREUX SUR LA VOIE DU DEVELOPPEMENT 89 UNE STRATEGIE D’INVESTISSEMENT A DOUBLE TRANCHANT 90 REFORMER L’ENVIRONNEMENT DES AFFAIRES POUR LIBERER LE POTENTIEL DE CROISSANCE. 91 DEPASSER LES PLANS D’ORIENTATIONS STRATEGIQUES… 92 …AU PROFIT DE REFORMES STRUCTURELLES 92 VERS UNE CROISSANCE INCLUSIVE 93 MATRICE SWOT 95
  • 7. 7 SCENARII 96 SCENARIO STABLE 96 SCENARIO OPTIMISTE 97 SCENARIO PESSIMISTE 98 ANNEXE 101 ANNEXE : MAPPING DES ACTEURS DE LA SOCIETE CIVILE SENEGALAISE 101 BIBLIOGRAPHIE 103
  • 8. 8 Introduction La République du Sénégal est « l’ « enfant gâté » face aux « bons samaritains » de la finance du développement » 1 . En effet, réputé pour sa position géostratégique en Afrique de l’Ouest, le Sénégal fait figure d’exemple de stabilité démocratique, dans une région caractérisée par l’instabilité, et bénéficie d’un large appui technique et financier de la part de la communauté internationale. Derrière cet effet d’affiche se cache une réalité plus complexe. Le Sénégal est tour à tour qualifié de « Finistère ouest-africain » et de « Sahel maritime ». Ces deux expressions donnent une image assez claire de la situation géographique du Sénégal. Des Etats de l’Afrique de l’Ouest, il est le plus ouvert vers l’Occident et le seul pays du Sahel à jouir d’une façade maritime sur l’Océan Atlantique. En effet, le Sénégal possède un littoral de 530 km où vivent 63% des 14 millions d’habitants que recense le pays. C’est un espace inégalement peuplé et fortement urbanisé. Ses côtes concentrant la majorité des activités économiques, notamment dans sa capitale, Dakar. Pays sahélien, il se situe en zone tropicale et la pluie y est une ressource rare et inégalement répartie dans le temps et l’espace. Bordé par le Mali, la Guinée, la Guinée Bissau et au nord par la Mauritanie et le fleuve Sénégal, le pays ne semble pourtant que peu souffrir des conflits voisins. De même, la Gambie, qui 1 M. Kassé. L’industrialisation africaine est possible, Quel modèle pour le Sénégal ?, L’Hamarttant, 2013 citant G. BECKER et J ; BUCHANAN cité par M. F. JARRET et F. R. MAHIEU : La Côte d’Ivoire de la déstabilisation à la refondation p10, l’Harmattan, 2002 forme une quasi–enclave à l’intérieur du territoire, ne représente pas un facteur de déstabilisation pour le Sénégal. Au contraire, le pays jouit d’une place privilégiée au sein de la région. Il préside actuellement la CEDEAO qu’il a intégré en 1975 et Dakar abrite le siège de la BCEAO qui gère les membres de l’UEMOA, que le pays a rejoint en 1962 2 . De par sa position, le Sénégal est un espace de convergence, il est à la fois une terre d’accueil et de départ. Ancienne colonie française, le Sénégal accède à l’indépendance en 1960 grâce au sens du combat politique qu’il a développé et à son leader charismatique Léopold Sedar Senghor, premier président de la République sénégalaise. Le Sénégal fait du français sa langue officielle et contrairement à ses voisins n’a connu depuis aucun coup d’Etat. En effet, depuis son indépendance, le pays s’est inscrit dans une dynamique de consolidation démocratique, passant d’un régime à parti unique puis au multipartisme limité sous Senghor (1974), à un multipartisme sans limite sous Diouf. En 2000 il connaît sa première alternance à la Présidence avec l’arrivée au pouvoir d’un nouveau parti, le Parti Démocratique Sénégalais (PDS). La consolidation démocratique se manifeste également par la capacité des sénégalais à instaurer le dialogue social et à influencer certains acteurs étatiques à travers divers canaux, formels et informels. Par ailleurs le Sénégal est un pays laïc dont la population à 94% musulmane, 2 Deux traités coexistent aujourd’hui, celui de l’UMOA et celui de l’UEMOA créée en 1994.
  • 9. 9 cohabite pacifiquement avec les autres groupes religieux. L’Islam confrérique s’est imposé au Sénégal comme un facteur de légitimation réciproque entre les acteurs politique au pouvoir et les cheikhs dont la légitimité religieuse est doublée d’un rôle social. Ces maitres spirituels sont, en effet, les garants de la cohésion sociale à travers les multiples activités qu’ils développent. Présidé par Macky Sall depuis 2012, le Sénégal jouit ainsi d’une image de modèle démocratique dans la région qui lui permet de bénéficier d’appuis financiers. Toutefois, dans un contexte de chômage sous fond de crise économique, les jeunes sénégalais sont en quête de nouveaux modèles et se tourneraient ainsi vers un Islam orthodoxe grandissant dans le pays. En effet, tous les sénégalais ne profitent pas des fruits de la croissance. Les inégalités sont donc conséquentes au Sénégal. Entre le paysan, le fonctionnaire, le commerçant de Touba et le petit commerçant informel vivant à Dakar, les écarts de revenus sont importants. Une partie de la population est privée d’un accès aux besoins sociaux de base, tels que la santé et l’éducation. De plus à ces inégalités sociales s’ajoutent des inégalités territoriales. En effet, les activités économiques se concentrant sur les côtes, la population du monde rural est la plus exposée aux inégalités et à la pauvreté. Les ruraux souffrent par ailleurs d’une agriculture fortement vulnérable aux aléas climatiques et peu productive. Ce secteur est limité d’une part, par la culture extensive et les problèmes d’accès à l’eau et d’autre part par un manque d’accès au crédit lié notamment aux problèmes fonciers. Dans une société aussi inégalitaire, le retour à l’économie informelle apparaît comme la seule stratégie de survie. En outre, le poids du secteur informel réduit l’assiette fiscale du pays et donc sa capacité à financer par ses propres moyens les investissements nécessaires à son développement. Malgré le processus de consolidation démocratique, le pays reste aux prises avec de nombreux problèmes structurels. Le Sénégal a pu hériter d’infrastructures industrielles développées pendant la période coloniale. De plus, entre 1960 et 1979, l’Etat s’est placé comme le moteur du développement économique du pays à travers la mise en place d’une politique sectorielle axée sur l’agriculture et l’industrie. Ce sont alors développées des industries publiques et parapubliques alimentaires, chimiques et extractives ainsi que des sociétés de raffinage du pétrole aux côtés de sociétés d’électricité, d’eau et le secteur bancaire. Le pays entendait ainsi se libérer de sa dépendance en développant un secteur manufacturier local. Toutefois, les performances économiques du Sénégal dans les décennies 1970, 1980 et 1990 ont été limitées et la productivité ne s’est guère améliorée. Le programme d’ajustement structurel que le Sénégal a dû suivre n’a pas non plus permis d’améliorer la situation. Les industries du Sénégal souffraient de sérieux problèmes de gestion qui ont affecté leur rentabilité. Ce constat est encore vrai aujourd’hui. Ainsi, la croissance du Sénégal reste fortement tributaire de l’exportation de produits primaires à faible valeur ajoutée d’origine agricole et minière. L’économie sénégalaise est donc très vulnérable et dépend de variables
  • 10. 10 exogènes comme le climat, les cours des matières premières et la conjoncture économique mondiale. Ces chocs externes entraînent des effets néfastes sur le déficit courant, la croissance du PIB et l’endettement, comme démontré après la crise économique mondiale de 2008. Depuis, de multiples programmes et politiques industrielles se sont suivis sans résultats probants. Le Sénégal se caractérise en effet par une gestion improductive des ressources tirées de l’exploitation minière et de l’aide internationale. Par ailleurs, le revenu national finance surtout la consommation abondante en zone urbaine au lieu de soutenir l’investissement à travers l’épargne. Au sein des pays d’Afrique de l’Ouest, le Sénégal est à l’avant-garde de la construction d’une démocratie favorable au développement et à la bonne gouvernance. Le Sénégal souhaite, en effet, améliorer son environnement des affaires et son contexte économique général. Cela s’est traduit par plusieurs programmes dont le dernier en date, le Plan Sénégal Emergent, projette de faire du Sénégal un pays émergent d’ici 2035. Malgré cette volonté affichée, des dysfonctionnements subsistent et d’autres apparaissent que ce soit au niveau des institutions sénégalaises telles que la justice et l’administration, des infrastructures ou au niveau d’acteurs économiques et politiques qui résistent au changement. Ainsi, le Sénégal est à un moment charnière de son développement et sa trajectoire de développement dépendra de sa capacité ou non à relever les défis auxquels il fait face. Le pays possède de nombreux atouts mais qui ne sont pas bien exploités et pourraient même se transformer en obstacles. Le Sénégal doit se concentrer sur des secteurs – tels que l’énergie ou les infrastructures et la formation - susceptibles de générer des externalités positives s’ils sont performants et bien maitrisés. En outre, Le Sénégal est doté d’une population jeune mais ne trouvant pas d’emplois. Le pays, gagnerait donc à réformer le système éducatif et celui de la formation afin d’améliorer sa pertinence et son efficacité dans le but de se pourvoir de ressources humaines de qualité. Cela aura pour conséquence ultime d’accroitre la productivité et l’emploi ainsi que les salaires. Le Sénégal peut également compter sur sa diaspora comme source de revenus à travers les remises mais également à travers le transfert d’expériences pouvant contribuer à l’avenir du pays. Par ailleurs, si la façade maritime du Sénégal peut l’exposer à des vulnérabilités d’ordre climatique, elle peut également lui servir d’interface pour développer des exportations industrielles et une industrie de pêche performante. Aussi, le Sénégal gagnerait à valoriser ses ressources naturelles à travers le développement d’une industrialisation rurale et d’une industrie chimique forte grâce aux ressources en phosphate. L’avenir du Sénégal en tant que pays émergent va donc dépendre de sa capacité et celle de ses acteurs politiques, économique et sociaux à s’unir autour d’un consensus rassemblant les différentes dynamiques du pays et créant ainsi les conditions d’un souffle nouveau pour le Sénégal.
  • 11. 11 CARTE 1 : REPUBLIQUE DU SENEGAL DIAGNOSTIC Veillant à projeter une image de modèle démocratique, le Sénégal est un pays stable politiquement dont la société, dynamique mais inégalitaire, évolue dans un espace marqué par des disparités régionales. Cependant, son économie peu compétitive est caractérisée par une forte dépendance extérieure et une vulnérabilité aux chocs exogènes. Le développement du Sénégal dépendra de la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent qui vise à libérer le potentiel de croissance du pays.
  • 12. 12 SOUTENU PAR LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE, LE SÉNÉGAL POURSUIT SA CONSOLIDATION DÉMOCRATIQUE MAIS RESTE MARQUÉ PAR UNE FORTE DÉPENDANCE EXTÉRIEURE1
  • 13. 13 I. Soutenu par la communauté internationale, le Sénégal poursuit sa consolidation démocratique mais reste marqué par une forte dépendance extérieure A. La croissance volatile du Sénégal s’inscrit dans une double dépendance commerciale et financière 1. Une production relativement diversifiée mais à faible valeur ajoutée 1.1 Une croissance volatile due à la rigidité de la structure productive La croissance du Sénégal a été marquée ces vingt dernières années par une forte volatilité (graphique 1). Cela tient notamment aux rigidités de la structure productive, peu efficiente et peu compétitive : l’agriculture repose sur des méthodes traditionnelles, le secteur secondaire est en déclin relatif depuis 1995 tandis que la croissance est tirée par le secteur des services (graphique 2). 0 1 2 3 4 5 6 7 8 19951996199719981999200020012002200320042005200620072008200920102011201220132014 Tauxdecroissanceen%duPIB GRAPHIQUE 1 : TAUX DE CROISSANCE DU PIB 1995 - 2014 7,10% 11,70% 8,70% 32% 23% 19% 59% 63% 67% 1990-1994 1995-2005 2006-2012 GRAPHIQUE 2 : CONTRIBUTION PAR SECTEUR À LA CROISSANCE DU PIB Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Source : Banque mondiale Source : Banque mondiale
  • 14. 14 Le secteur primaire emploie près de la moitié de la population active mais ne contribue qu’à 16 % de la création de richesses en raison de la faible productivité et du manque de modernisation du secteur 3 . L’agriculture, composée à 90% de petites exploitations familiales, est largement dépendante de la pluviométrie et fait face à des difficultés d’accès aux facteurs de production et au faible niveau des aménagements hydro-agricoles. La production est par conséquent très vulnérable aux aléas climatiques. Certaines branches du secteur primaire sont cependant porteuses de croissance. La pêche, qui représente environ 2 % du produit intérieur brut (PIB), a des impacts positifs sur les autres secteurs de l’économie par la transformation et la commercialisation des produits. C’est également une source importante de devises, les exportations de produits halieutiques représentant 16 % du montant total des exportations en 2014. Le secteur est source de revenus pour 600 000 personnes mais reste dominé par l’emploi informel et fragilisé par la surexploitation des ressources, la mauvaise gestion et le manque de régulation 4 . Les partenaires commerciaux étrangers qui convoitent les ressources halieutiques représentent également un facteur de fragilisation (encadré 1). Aux côtés de l’agriculture vivrière et de l’élevage qui représentent chacun environ un tiers de la valeur ajoutée du secteur primaire, il existe des cultures de rente, à l’instar de l’arachide. Malgré la forte 3 Rapport de l’OCDE (2015) 4 Plan Sénégal Emergent (2013) dépendance à la pluviométrie et le faible niveau d’équipement des producteurs, le secteur de l’arachide représente 2 % du montant des exportations en 2014. Enfin, l’horticulture est le sous-secteur le plus performant de l’agriculture avec une augmentation annuelle moyenne d’environ 54 % entre 2004 et 2014. Les cultures horticoles bénéficient du climat favorable du Sénégal et coïncident avec les hors-saisons en Europe, son principal marché d’exportation 5 . Si l’agriculture est une source relativement faible de croissance, elle assure toutefois l’existence d’une large partie de la population et joue un rôle essentiel dans la réduction de la pauvreté, la population pauvre étant concentrée dans les zones rurales. La part du secteur industriel dans le PIB (12 %) diminue depuis 1995. L’industrie ne fonctionne qu’à 70 % de ses capacités et souffre de contraintes majeures : taille relativement faible des unités de production, sous- capitalisation chronique des entreprises, coupures d’électricité, etc. Les industries extractives sont en déclin : certaines entreprises industrielles emblématiques comme la Suneor (huiles d’arachide) ou les Industries Chimiques Sénégalaises liées au phosphate (ICS) sont sinistrées et sont en proie à d’importantes difficultés financières. A l’inverse, le secteur tertiaire est le moteur de la croissance (62 % du PIB) grâce à des branches dynamiques comme les postes et télécommunications. L’intensification de la concurrence dans le domaine des téléphones portables et l’accès à internet ont contribué à ce 5 Rapport de la Banque mondiale (2014)
  • 15. 15 -40 -20 0 20 40 60 80 100 Contributionàlavariationdelacroissance en% GRAPHIQUE 3 : CONTRIBUTION À LA VARIATION DANS LA CROISSANCE TOTALE DU PIB ENTRE 1990 ET 2012 dynamisme : la participation du secteur à la formation du PIB est passée de 6 % en 1996 à 11 % aujourd’hui6. Concernant les moteurs de la croissance de court terme, la contribution de la consommation à la variation dans la croissance totale du PIB s’élève à 80 % entre 1990 et 2012 (graphique 3). La consommation est notamment financée par les remises de la diaspora. 6 Structure du PIB – DPEE. Encadré 1 : La pêche, une activité convoitée Divers acteurs étrangers opèrent dans le secteur de la pêche au Sénégal. Il est possible de citer la China National Fisheries Corporation ou encore les entreprises européennes qui tirent profit des Accords de Partenariats Economiques (APE) signés entre le Sénégal et l’Union Européenne (UE), alors prévus par les accords de Cotonou. Ces accords autorisent 38 navires à pêcher dans la Zone Economique Exclusive du Sénégal en échange d’une compensation de 8 690 000 euros. Toutefois, les deux parties sont accusées d’essayer d’avoir la main mise sur ce commerce ne profitant pas ainsi aux Sénégalais. D’une part, les entreprises chinoises pêchent en masse, sans respecter les quotas, pratiquent une pêche illégale en ne respectant pas non plus les espèces protégées. D’autre part, les « bateaux-usines » européens portent aussi préjudice aux artisans sénégalais opérant dans la pêche en les poussant à prendre des risques importants en allant pêcher plus au large à bord de leurs pirogues. Pointés du doigt, ces APE sont appelés « accords de paupérisation économique » par l’opposition et ils contribuent à la création des tensions régionales. En effet, les problèmes soulevés dans ce secteur d’activités sont d’autant plus alimentés par la question des pêcheurs de Saint-Louis, au nord du Sénégal, qui ont connu quelques différends avec les autorités mauritaniennes au sujet de leurs licences (eaux territoriales, quotas, etc.), en plus d’être confrontés à une raréfaction des ressources car les stocks de poissons disponibles dans les eaux sénégalaises s’amoindrissent. Cela engendre paupérisation des populations, facteur d’instabilité, mais aussi des migrations vers le sud (Casamance, frontière Guinée-Bissau), une région où la gestion de la pêche et son contrôle semblent meilleurs. Dans cette perspective, le Plan Sénégal Emergent (PSE) qui compte en partie sur le secteur de la pêche pour développer l’économie sénégalaise, ne peut atteindre ses objectifs. Source : Banque mondiale
  • 16. 16 1.2 Des échanges commerciaux peu profitables à la croissance du Sénégal Le commerce extérieur a freiné la croissance du PIB depuis 2011, reflétant la dépendance aux importations et la trop faible qualité des produits exportés. Ces derniers sont en effet majoritairement des produits à faible valeur ajoutée : si les produits pétroliers exportés sont transformés à partir de l’huile brute de pétrole, l’or non monétaire et les poissons frais ou congelés figurent parmi les principales exportations (graphique 4). Cependant, le pays a nettement diversifié la gamme des produits exportés : un nouvel effort en ce sens permettrait d’accélérer la croissance7 et d’augmenter la part des exportations, ce qui favoriserait la réduction du déficit commercial (20 % du PIB). 44 % des exportations sont dirigées vers les pays d’Afrique suivis de l’Europe (29,4 %) puis de l’Asie (15,6 %). 7 Rapport FMI (2015) - Sénégal - Questions générales Les produis exportés vers l’Afrique sont en premier lieu destinés aux autres membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest- Africaine (UEMOA), les échanges étant facilités par l’existence de la monnaie commune (encadré 2). Le Sénégal est largement dépendant des importations, dominées par les produits pétroliers, les biens alimentaires (riz, blé) et les biens d’équipement (graphique 5). Il est également dépendant de ses fournisseurs : par exemple, la totalité des importations de pétrole brut provient du Nigéria ; le riz est importé d’Inde (59 %) et de Thaïlande (22,7 %)8. En outre, le riz occupe une place prépondérante dans la consommation des ménages et représente plus de 15 % des dépenses alimentaires. Le pays cherche à développer la filière rizicole pour réduire sa dépendance vis-à-vis 8 Note d’analyse du commerce extérieur, p.23-25. Produits pétroliers 12% Or non monétaire 14% Acide phosphoriq ue 4% Produits de la pêche 16%Ciment 8% Produits arachidiers 2% Autres produits 44% GRAPHIQUE 4 : PRINCIPAUX PRODUITS EXPORTÉS (2014) Source : ANSD Produits pétroliers finis 15% Machines et appareils 13% Produits céréaliers 10% Huiles brutes de pétrole 9% Matériels de transport et pièces détachées 8% Métaux et ouvrages en métaux 5% Autres produits 40% GRAPHIQUE 5 : PRINCIPAUX PRODUITS IMPORTÉS (2014)
  • 17. 17 du fournisseur indien. Ainsi, la forte part des biens de consommation et d’huile brute de pétrole parmi les importations expose le Sénégal à une forte vulnérabilité vis-à-vis du cours des matières premières. Le pays est donc en situation de dépendance commerciale, source principale du déficit courant. 2. Face à la persistance de déficits structurels, le Sénégal connaît un processus de ré endettement rapide 2.1 La position extérieure du Sénégal est négative -16 -14 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 %DUPIB GRAPHIQUE 6 : DES DÉFICITS JUMEAUX PERSISTANTS Solde du compte courant Solde budgétaire primaire Encadré 2 : Le taux de change du FCFA Le FCFA, monnaie de l’UEMOA et donc du Sénégal, s’inscrit dans un système de change fixe vis-à-vis de l’euro et sa convertibilité est assurée par le Trésor français. Cet ancrage, hérité des accords de coopération entre la France et l’UMOA (1962), explique dans la conjoncture actuelle la dépréciation du FCFA par rapport au dollar. Malgré cette dépréciation, les produits sénégalais n’ont que peu gagné en compétitivité à l’export. Cela s’explique par le fait que le Sénégal réalise près de la moitié de ses échanges commerciaux avec les pays de l’Union Européenne et qu’il produit des biens à faible valeur ajoutée. Cela traduit donc les faiblesses structurelles de l’économie sénégalaise. En effet, pour garantir la pérennité de sa compétitivité, le Sénégal doit améliorer la productivité de ses principales industries exportatrices. La politique monétaire, et donc le taux de change n’étant pas l’instrument ultime de relance de l’économie et garant de la compétitivité. De plus, l’ancrage du FCFA à l’euro permet au Sénégal de réduire le coût de ses importations. La consommation étant le moteur de la croissance au Sénégal, la réduction des prix des produits importés permet de soutenir le pouvoir d’achat des Sénégalais et donc la croissance. Par ailleurs, tout comme pour la Banque Centrale Européenne (BCE), la cible d’inflation de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) est de 2 %. Ce choix est déterminé par l’ancrage du FCFA sur l’euro et restreint les marges de manœuvres de la BCEAO en termes de politique monétaire. Cette cible d’inflation n’est visiblement pas adaptée aux besoins des économies des Etats membres de l’UEMOA en termes de croissance et de réduction de la pauvreté. La politique de la BCEAO est en effet fondée sur un objectif d’inflation et de maintien de la parité fixe plutôt que sur un objectif de croissance. Source : BCEAO
  • 18. 18 La position extérieure9 nette du Sénégal est négative du fait de la persistance de déficits jumeaux 10 structurels (graphique 6). Le déficit courant reste aujourd’hui la principale source de vulnérabilité extérieure du pays. Extrêmement volatile, il traduit la dépendance commerciale du pays et sa vulnérabilité face à la volatilité des cours mondiaux. Le déficit courant a diminué de 14,1 % du PIB en 2008 à 4,6 % en 2010 pour augmenter à nouveau à hauteur de 10,5 % du PIB en 2013. Il est principalement imputable au déficit de la balance commerciale dont le solde était déficitaire à hauteur de 20 % du PIB en 2012 et en 2013. Malgré la persistance du déficit courant, le taux de change du FCFA est manifestement aligné aux paramètres économiques fondamentaux. Les réserves de change sont, quant à elles, satisfaisantes et supérieures à 5 mois d’importations. Par ailleurs, ce déséquilibre extérieur reflète également des déséquilibres internes qui se traduisent par un taux d’épargne relativement limité par rapport aux besoins d’investissements de l’économie et une corrélation élevée entre le solde budgétaire et le solde courant de la balance des paiements. Au cours de ces dernières années, le financement des dépenses publiques par le déficit a largement contribué à l’apparition des déséquilibres extérieurs. 9 La position extérieure nette d’un pays correspond à son endettement net vis-à-vis du reste du monde, c’est-à-dire à la différence entre la quantité d’actifs étrangers détenus par les agents économiques d’un pays et les actifs nationaux détenus par des étrangers. 10 Les déficits jumeaux correspondent à l’association d’un déficit budgétaire et d’un déficit du solde courant de la balance des paiements. 2.2 La mauvaise gestion des finances publiques pèse sur les équilibres budgétaires Le déficit budgétaire du Sénégal a considérablement augmenté au cours des années 2000. Il est effectivement passé de 2 % du PIB en 2004 à 6,7 % en 2011. Toutefois, depuis ces dernières années, le déficit budgétaire du Sénégal affiche une tendance à la baisse, signe de la volonté des autorités de le ramener au niveau du seuil de convergence fixé à 3 % dans le cadre de l’UEMOA à l’horizon 2018, soit un an avant la date officiellement prévue. Le déficit résulte essentiellement d’une augmentation des dépenses supérieures à celle des recettes et dont le niveau reste malgré tout satisfaisant. Avec 23,5 % du PIB, les recettes du Sénégal sont parmi les plus élevées de l’UEMOA et supérieures au seuil de convergence. Ces recettes sont majoritairement composées d’impôts indirects, la principale ressource de l’Etat étant la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). Le Sénégal affiche de bonnes performances en matière de prélèvement des recettes fiscales. Celles-ci représentent en moyenne 19 % du PIB et plus de 80 % des recettes totales du pays, faisant du Sénégal le meilleur exemple de l’UEMOA en la matière. La mobilisation des recettes fiscales est une priorité du Plan Sénégal Emergent (PSE). Il sera en effet essentiel de préserver la soutenabilité budgétaire afin d’éviter un creusement du déficit public. Accroître les recettes fiscales s’avère nécessaire afin de dégager les marges de manœuvres destinées au financement des investissements. La stabilisation des ressources internes est un enjeu majeur puisque les flux externes représentés par les revenus
  • 19. 19 d’exportations, l’Aide Publique au Développement (APD), les Investissements Directs Etrangers (IDE) et les transferts des migrants sont volatiles vis-à-vis de l’évolution de la conjoncture internationale. Pour y parvenir, le Sénégal entend s’appuyer sur les réformes du Code Général des Impôts (CGI) et du Code Général des Douanes (CGD) menées en 2013, lesquelles visent à améliorer le recouvrement des arriérés fiscaux et à élargir l’assiette fiscale. L’application du tarif extérieur commun au niveau de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en janvier 2015 a répondu à ce deuxième objectif. Le nouveau CGI prévoit quant à lui un rehaussement de l’impôt sur les sociétés de 25 à 30 %, l’élimination de la TVA à la source et une baisse de l’impôt sur le revenu. Il vise également à faciliter le paiement des taxes par informatique et à mener des réformes administratives censées améliorer les contrôles et la performance des services fiscaux. La mise en œuvre du nouveau CGI s’est toutefois traduite par un recul des recettes fiscales qui sont reparties à la hausse grâce aux ajustements effectués en 2014. Les autorités entendent rationaliser l’administration fiscale à travers la création de cellules chargées des moyennes entreprises ayant une fonction de contrôle fiscal et d’une cellule en charge du recouvrement des dettes difficiles. La priorité est en effet mise sur le recouvrement des impôts impayés. La difficile traçabilité des opérations commerciales complique le recouvrement de l’impôt, enjeu de taille pour le pays. Le système de prélèvement du Sénégal fait face à certaines contraintes dont la faiblesse des moyens alloués aux structures en charge du prélèvement de l’impôt et la capacité de résistance des opérateurs informels. Au Sénégal, plus de 90 % des entreprises opèrent dans l’informel. Face à cela, les autorités sénégalaises oscillent entre la volonté de fiscaliser ces activités et une indulgence justifiée par le rôle de coussin social joué par ce secteur. Les autorités fiscales se concentrent au contraire sur les entreprises dont le chiffre d’affaire et la rentabilité sont élevés dans un souci de maximisation des recettes. Le secteur informel est constitué de petites entreprises mais aussi de grandes entreprises qui ne déclarent pas l’intégralité de leurs importations. Les autorités envisagent de mettre en œuvre des mesures de rationalisation de l’impôt afin de promouvoir la formalisation des activités informelles. Il s’agira notamment de faciliter les démarches pour les entreprises ou encore de promouvoir l’enregistrement des activités par le biais d’allègements fiscaux. Le niveau de dépenses courantes du Sénégal compte toutefois parmi les plus élevés de l’UEMOA. Celles-ci ont augmenté de près de 7 points de PIB entre 2003 et 2014 et s’élèvent aujourd’hui à plus de 28 % du PIB. L’augmentation des dépenses publiques relève essentiellement d’une augmentation considérable des dépenses courantes improductives relatives à la masse salariale, à la consommation publique de biens et services ainsi qu’aux transferts et subventions. Le niveau de la masse salariale publique n’est actuellement pas viable, il représente 42% des recettes de l’Etat contre une moyenne de 29,5 % pour l’Afrique. Il dépasse ainsi le critère de convergence fixé à 35 % des recettes intérieures par l’UEMOA. Par ailleurs, plus de la moitié de la
  • 20. 20 masse salariale publique relève de primes et de suppléments salariaux dont la valeur est supérieure aux salaires des fonctionnaires. La structure de ces dépenses pose la question de leur pertinence aux vues de leur absence de contribution à la croissance ces dernières années. En effet, les ressources allouées à la consommation et aux frais de fonctionnement de l’administration publique gagneraient à être réorientées vers les dépenses d’investissement dont la valeur a certes augmenté mais de manière beaucoup moins rapide. En outre, le service de la dette pèse de plus en plus sur les finances de l’Etat. Il constitue aujourd’hui le premier titre de dépense, conséquence de l’augmentation exponentielle de l’endettement public depuis 2006. GRAPHIQUE 7: COMPENSATIONS PAYEES, DEPENSES EN CAPITAL DANS LES SECTEURS DE LA SANTE ET DE L’EDUCATION, 2005-2011 Source : FMI Les subventions publiques pèsent elles aussi sur le budget de l’Etat. Celles-ci se concentrent essentiellement sur les produits alimentaires et énergétiques mais sont relativement mal ciblées et donc onéreuses (graphiques 7). Depuis une quinzaine d’années, les compensations tarifaires de l’Etat et les exemptions de taxes en faveur de la SENELEC représentent plus de 2,5 % du PIB. Ces subventions ont des effets de distorsion. Elles dépassent en effet les dépenses de santé publique et limitent les investissements dans les secteurs prioritaires. Elles ont de plus tendance à profiter aux ménages les plus riches puisque les populations pauvres en milieu rural n’ont pas accès au réseau électrique. Ces subventions gagneraient ainsi à être réorientées au profit d’investissements dans le secteur de l’énergie afin de maximiser leur efficience. Avec la baisse des cours du pétrole, les subventions au secteur électrique devraient en théorie disparaître en 2016. Toutefois, les réformes structurelles dans ce secteur sont trop lentes et entravent ainsi la dynamique de développement économique et social du pays. En théorie, les gains relatifs à l’arrêt des subventions devraient profiter au financement d’un programme d’électrification en zone rurale.
  • 21. 21 Les dépenses d’investissement publiques ont certes augmenté ces dernières années, mais beaucoup moins rapidement que les dépenses courantes. Le budget alloué aux investissements représente 7 % du PIB en 2014 et il est majoritairement exécuté par des agences autonomes. Les dépenses d’investissement se concentrent principalement dans les secteurs de l’urbanisme et de l’assainissement, des infrastructures de transport. Représentant respectivement 5 % et 19 % des dépenses budgétaires, la part des ressources de l’Etat allouées à la santé et à l’éducation demeurent largement inférieures aux recommandations internationales en la matière. Les dépenses d’investissement publiques financées par les ressources intérieures sont majoritairement orientées vers l’aménagement urbain tandis que les projets en termes d’accès à l’éducation et à la santé ont principalement été financés sur les ressources extérieures. Aussi, les grands projets d’infrastructures tels que la construction de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio ou de l’aéroport Blaise Diagne sont eux généralement financés par le recours à l’emprunt non concessionnel. Si le gouvernement a majoritairement orienté les dépenses d’investissement vers les infrastructures dans l’optique de favoriser l’accès aux marchés afin de soutenir le développement du secteur privé et de lutter contre la pauvreté, il faudra toutefois souligner que la cohérence de cette stratégie sera assurée uniquement si les autorités parviennent à libérer la production des contraintes qui pèsent actuellement sur la production de biens et services. Dans le cas contraire, le financement de tels projets risquerait de peser sur les finances publiques sans que les espérances de croissance et de recettes fiscales ne se réalisent. En matière de planification budgétaire, le Sénégal dispose de marges d’amélioration qu’il serait essentiel d’exploiter afin de mener à bien la mise en œuvre du PSE. En effet, la classification du budget ne reflète pas la véritable composition des dépenses. En 2013, les dépenses de consommation publiques représentaient 77 % des dépenses totales contre 60 % officiellement annoncées dans la loi de finance. Ainsi, les dépenses d’investissement sont en réalité inférieures à ce que laisse apparaître l’étude des documents de programmation budgétaire. Des lacunes persistent également au niveau de l’exécution du budget. Par ailleurs, afin de maintenir les engagements en matière de réduction des déficits, les révisions budgétaires sont faites au détriment des dépenses en capital alors qu’elles soutiennent la croissance. En outre, les allocations budgétaires n’étaient pas conditionnées, jusqu’à présent, à des études de faisabilité visant à en garantir l’efficience. Pourtant, c’est bien aux études de faisabilité que devraient être subordonnés le PSE et sa mise en œuvre. La faiblesse des institutions budgétaires (graphique 8) et les dépassements de coûts récurrents liés aux projets d’investissements expliquent ainsi la faible corrélation entre les dépenses en capital et leur effet sur la croissance économique. La dépense publique est mal orientée au Sénégal et ses effets sur la croissance sont par conséquent très limités, voire inexistants. En effet, le taux de dépenses publiques du Sénégal dépasse celui affiché par les autres pays de l’UEMOA, mais la croissance y est moins dynamique. Le
  • 22. 22 Niger, le Bénin, le Mali et le Burkina Faso – pays qui comme le Sénégal ont bénéficié d’un effacement partiel de leur dette publique en 2006 – ont combiné des niveaux de dépenses publiques stables et des taux de croissance plus élevés durant ces dernières années. Cela s’est traduit par le maintien d’un endettement limité alors que le niveau de la dette publique du Sénégal est passé de 20 % du PIB en 2006, à 53 % aujourd’hui. GRAPHIQUE 8: COMPOSANTES DE L’INDICE DES INSTITUTIONS BUDGETAIRES Source : FMI La mauvaise gestion des dépenses publiques a conduit, sous l’effet d’un creusement des déficits courant et budgétaire, à une augmentation rapide de la dette. Le Sénégal a bénéficié d’un effacement d’une partie de sa dette publique au début des années 2000 dans le cadre de l’initiative d’allégement de dette multilatérale (IADM) et des programmes en faveur des pays pauvres et très endettés (PPTE). Son taux d’endettement public calculé par le rapport dette publique/PIB est ainsi passé de 73,7 % en 2000 à 21,8 % en 2006 (graphique 9).
  • 23. 23 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 2000 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Dettepublique/PIB(%) GRAPHIQUE 9 : DETTE PUBLIQUE/PIB Dette extérieure Dette intérieure Néanmoins, à l’heure actuelle, le pays connaît un processus de ré endettement rapide parallèlement à l’augmentation des dépenses courantes improductives. La dette publique a ainsi atteint 50,6 % du PIB et devrait avoisiner les 53 % en 2015. Si le niveau de la dette reste aujourd’hui soutenable, l’évolution de sa structure fait peser un risque sur sa viabilité à moyen terme. L’augmentation du ratio d’endettement résulte à la fois d’une augmentation de la dette publique extérieure et de la dette publique intérieure (graphiques 9 et 10). La dette publique extérieure – libellée en devises – représente 39 % du PIB en 2014. Elle est détenue à hauteur de 54 % par des bailleurs multilatéraux 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 GRAPHIQUE 10 : EVOLUTION DE LA STRUCTURE DE LA DETTE EXTERIEURE Créanciers multilatéraux Créanciers Bilatéraux Dettes commerciales Source : Direction de la Prévision et des Etudes Economiques Source : Direction de la Prévision et des Etudes Economiques
  • 24. 24 0% 20% 40% 60% 80% 100% 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 GRAPHIQUE 12: EVOLUTION DE LA PART RESPECTIVE DE LA DETTE DÉTENUE PAR LES BAILLEURS BILATÉRAUX OCDE Pays Arabes Autres (graphique 11) - principalement la Banque Mondiale (BM) et la Banque Africaine de Développement (BAfD)- et pour 25 % par des bailleurs bilatéraux, dont les plus représentatifs sont l’Arabie Saoudite, le Qatar et les pays de l’OCDE notamment la France 11 (graphique 12). On note toutefois ces dernières années une augmentation de la dette contractée en dollars sur les marchés internationaux à des conditions non concessionnelles. Elle représentait en 2014 20 % de la dette extérieure totale. Le Sénégal a en effet émis plusieurs euro-obligations en 2009, 2011 et 2014. L’euro-obligation de 2009, d’un montant de 200 millions de dollars, avait une maturité de cinq ans pour un taux d’intérêt de 8,75 %. Elle a été rachetée au même taux en 2011 par une euro-obligation de 500 millions de dollars avec une maturité de dix ans. L’euro-obligation émise en 2014, pour un montant de 500 millions de dollars et avec une maturité de dix ans, a bénéficié de conditions de taux plus favorables de 2,5 points de pourcentage par rapport aux émissions 11 Analyse de Viabilité de la dette, 2014 précédentes. Si la capacité du Sénégal à lever des fonds sur le marché international révèle l’intérêt croissant des investisseurs pour le pays, il n’en demeure pas moins que les conditions d’endettement y sont moins avantageuses comparativement aux conditions offertes par les prêts concessionnels et pèsent ainsi sur le service de la dette. En effet, la dette concessionnelle présente des conditions avantageuses. Le taux d’intérêt moyen qui y est appliqué avoisine 0,75 % pour une maturité de cinquante ans dont dix ans de différé. L’augmentation de la dette publique intérieure émise sur le marché régional - et largement détenue par les banques - traduit une volonté du Sénégal de s’émanciper vis-à-vis de ses bailleurs multilatéraux et bilatéraux et s’inscrit dans l’objectif recherché par l’UEMOA d’encourager les Etats à développer le marché régional des titres de dette tout en réduisant Source : Direction de la Prévision et des Etudes Economiques 0% 20% 40% 60% 80% 100% 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 GRAPHIQUE 11: EVOLUTION DE LA PART RESPECTIVE DE LA DETTE DÉTENUE PAR LES BAILLEURS MULTILATÉRAUX Autres OPEP/BID/BADEA Banque Africaine de Développement Banque Européenne d'Investissement Banque Mondiale FMI Source : Direction de la Prévision et des Etudes Economiques
  • 25. 25 l’exposition de celle-ci au risque de change. En effet, depuis 2003 les Etats membres de l’UEMOA ne peuvent plus se refinancer directement auprès de leur banque centrale, la BCEAO. La dette publique intérieure s’élève à 14 % du PIB et à 27 % de la dette publique totale du Sénégal. Celle-ci est toutefois assortie de maturités plus courtes qui pèsent sur les finances publiques. 25 % de la dette intérieure affiche une maturité inférieure à deux ans alors que 75 % est assortie d’une maturité inférieure à cinq ans. Le Sénégal a toutefois entamé un reprofilage de sa dette publique au profit d’instruments de moyen terme et tend à cet effet à privilégier davantage les obligations au aux bons du Trésor. Face à l’augmentation de la dette le service de la dette a connu une augmentation considérable (graphique 13) et se situe aujourd’hui à des niveaux comparables à l’avant 2006. Cette augmentation rapide du service de la dette s’explique principalement par un recours accru aux instruments non concessionnels. En effet, en 2014 le service de la dette s’élevait à 34,9 % des recettes hors dons et représentait à cet effet le premier poste de dépenses de l’Etat12, devant les salaires des fonctionnaires et les autres dépenses courantes. Si la 12 Loi de Finances, 2014 principale composante du service de la dette est constituée du remboursement de la dette intérieure, le recours aux instruments non concessionnels sur les marchés internationaux se traduit par des pics de remboursement susceptibles de mettre les finances publiques sous pression, notamment si la croissance stagnait à son niveau actuel. La dette reste aujourd’hui soutenable. Le taux d’endettement demeure effectivement inférieur au seuil de convergence fixé à 70 % pour les Etats membres de l’UEMOA. Le Sénégal dispose par ailleurs de 0 2 4 6 8 10 12 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Service de la deqe (%PIB) GRAPHIQUE 13: SERVICE DE LA DETTE/PIB Source : AFD, FMI
  • 26. 26 mécanismes institutionnels de gestion de la dette efficaces. La Direction de la Dette Publique (DDP) a pour mission d’élaborer, de coordonner et de suivre la mise en œuvre de la politique nationale d’endettement et de gestion de la dette publique. Elle veille également à la mise en cohérence de cette politique avec les objectifs de développement, et la capacité financière de l’Etat. Enfin, la DDP mène des analyses de la viabilité de la dette publique et de la soutenabilité des finances publiques 13 . A cet effet, le Sénégal a été classé parmi les pays à performance solide dans le cadre de l’indice EPIN14. A partir de 2016, la loi de finance prévoira en outre une trajectoire d’endettement pour les cinq prochaines années avec l’engagement des autorités de ramener la dette dans sa trajectoire initiale en cas de dérapages budgétaires en insérant des mesures à cet effet dans les lois de finances relatives aux exercices successifs. S’il s’est fortement accru ces dernières années, le recours à l’endettement n’est pas la seule source de financement extérieur des déficits sénégalais. L’activisme du Sénégal sur le front international lui consent en effet de maintenir des flux considérables de devises par le biais de liens étroits avec sa diaspora et ses principaux bailleurs de fonds. 3. Les remises de la diaspora : un substitut à l’Aide Publique au Développement ? 13 Comité National de Dette Publique, Rapport sur l’analyse de la viabilité de la dette publique, Juin 2009. 14 Evaluation de la politique et des institutions nationales 3.1 Les flux de remises dépassent l’APD Les remises représentent une source non négligeable de financement des déficits. Leur niveau augmente rapidement depuis le début des années 2000. Elles atteignent aujourd’hui près de 12 % du PIB et s’élèveraient à 19 %15 avec les remises informelles qui, par définition, ne sont pas comptabilisées parmi les flux officiels. Le faible taux de bancarisation et l’accès limité des populations rurales aux services bancaires et financiers expliquent l’importance de ces flux informels. Le taux de transferts informels tend toutefois à diminuer. Il était estimé à 60 % en 2000 contre 46 % en 200516. En termes de comparaison, les transferts privés représentent près de la moitié des exportations de biens et services, plus de cinq fois les entrées d’IDE et 70 % des réserves 17 . Ces entrées de devises financent les importations et réduisent le déficit courant. Par ailleurs, le Sénégal est - parmi les Etats membres de l’UEMOA - celui recevant le plus de transferts privés. L’évolution de ces flux dépend toutefois de l’évolution de la conjoncture dans les pays de destination des Sénégalais de l’étranger. En effet, en 2009, les entrées de remises ont diminué de 6,7 % suite à la crise financière mondiale. Cela n’a toutefois pas freiné la reprise de ces flux au cours des années suivantes. Le caractère pro-cyclique des flux de transferts privés expose donc le pays au retournement de la conjoncture internationale, accentuant ainsi sa vulnérabilité et sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur. 15 Estimation pour l’année 2005, source AFDB. 16 Estimation 2005, source AFDB. 17 Chiffre pour l’année 2013.
  • 27. 27 3.2 L’intégration de la diaspora dans le développement socio- économique du Sénégal Les remises jouent un rôle de filets sociaux pour les populations les plus démunies. Elles occupent une place significative dans la satisfaction des besoins des ménages. On estime que près de 600 000 ménages, soit 32 % de la population sénégalaise, reçoivent des fonds qui représentent 40 % de leurs revenus18. Sept Sénégalais sur dix auraient « un membre de leur famille qui vit à l’étranger et trois ménages sur dix reçoivent des fonds pour un montant moyen unitaire d’environ 300 USD/150 000 FCFA, à une fréquence moyenne de huit envois par an » 19 . Ainsi les transferts de fonds améliorent les conditions de vie des Sénégalais et augmentent leur pouvoir d’achat. Entre 50 % et 75 % des Sénégalais en seraient dépendants, notamment dans les zones du pays où l’Etat est peu présent. Ainsi, les transferts privés occupent une place considérable dans le processus de développement économique sénégalais. Ils constituent une source de diversification du revenu des ménages et peuvent être considérés comme une forme d’assurance face aux chocs susceptibles d’affecter à la baisse le revenu des populations encore majoritairement dépendantes des activités agricoles vulnérables aux aléas climatiques. En substance, les envois de fonds permettent de lisser la consommation des ménages. L’utilisation de l’argent reçu se fait principalement dans l’alimentaire, la 18 IFAD (2014), Transferts de fonds et développement au Sénégal. 19 IFAD (2014), Transferts de fonds et développement au Sénégal. santé et l’éducation, dans des projets de courts-termes, stimulant certes la consommation mais pas le développement économique sur le long-terme par le biais d’investissements fonciers ou encore dans la création d’entreprises. En plus d’être la manifestation d’une inégale répartition des richesses et ainsi de dysfonctionnements dans la politique socio-économique entreprise par le gouvernement sénégalais, les remises ont un effet pervers : elles maintiennent les ménages dans une position de dépendance à l’égard de la diaspora. Par ailleurs, les transferts privés pourraient contribuer activement au développement économique du pays par le biais d’un financement de projets d’utilité publique. Le gouvernement sénégalais s’engage, depuis ces dernières années, dans une diplomatie d’intégration économique à l’égard de la diaspora sénégalaise, en prônant notamment la « solidarité africaine et internationale »20. Il est donc important pour la diaspora de s’accomplir économiquement dans les pays d’accueil, de sorte à pouvoir investir dans son pays d’origine. Pour se faire, la diaspora sénégalaise bénéficie d’un fonds spécifique dans le cadre de leurs projets au Sénégal, le Fonds d’Appui à l’Investissement des Sénégalais de l’Extérieur (FAISE) dont le budget total, depuis sa création, s’élève à 1 milliard de FCFA (graphique 14). Ce fonds vise à promouvoir les investissements productifs de la diaspora sur le territoire sénégalais. C’est par ce biais que le gouvernement sénégalais tente d’encourager la diaspora sénégalaise à soutenir 20 Aminata Touré, ancien Premier Ministre, lors de son discours à l’Assemblée Nationale le 28 octobre 2013.
  • 28. 28 économiquement le pays mais aussi à les y faire revenir pour investir. Cette stratégie politique mise en place par Macky Sall fait pourrait permettre à l’actuel président de s’assurer un deuxième mandat. En effet, dotés du droit de vote, les Sénégalais de l’extérieur, les bi-nationaux compris, représentent plus de 3 % de la population sénégalaise, un électorat non-négligeable. Les flux de remises connaissent une forte augmentation depuis le début des années 2000 (graphique 15). Elles ont ainsi dépassé les flux de l’Aide Publique au Développement (APD) alors que les IDE stagnent à un niveau proche des 2 % du PIB. Si à terme les transferts privés pourraient représenter une solution alternative à l’aide publique internationale et financer le développement du pays, le soutien de la communauté internationale reste, à l’heure actuelle, une ressource essentielle pour le Sénégal. 4. La diplomatie économique : entre diversification des partenaires et maintien des relations traditionnelles La diplomatie économique sénégalaise a été particulièrement soutenue ces derniers mois. Le Chef de l’Etat sénégalais multiplie les participations, les rencontres officielles, mais aussi les organisations d’événements internationaux tels que le Forum Inde-Afrique ou encore le premier Forum économique de la Francophonie. Bon élève auprès des organismes internationaux, le Sénégal joue de son image pour obtenir des fonds et pour se faire une place sur la scène internationale. La politique extérieure sénégalaise a connu quelques changements entre Abdoulaye Wade et Macky Sall. Si le premier favorisait le panafricanisme et a réduit ses relations, notamment commerciales, avec la France, le second est parfois accusé d’appliquer une politique de voisinage à géométrie variable et de délaisser ses voisins. Sous Abdoulaye Wade, la diplomatie politique et économique visait à renforcer les liens du Sénégal avec les Etats africains, les 0 2 4 6 8 10 12 14 16 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 GRAPHIQUE 15: EVOLUTION DU FINANCEMENT DU DÉFICIT COURANT Remises (%PIB) APD (%PIB) IDE (%PIB) Source : Banque Mondiale
  • 29. 29 Etats émergents, et les Etats du Golfe. Souhaitant également trouver de nouveaux bailleurs de fonds, Abdoulaye Wade s’est appliqué à renforcer les relations sénégalaises avec ces derniers. Le rapprochement du Sénégal avec les pays arabo- musulmans a ainsi permis de développer la culture arabe et musulmane, mais aussi d’appuyer la présence et l’influence des pays du Golfe et du Maghreb, plus particulièrement le Maroc, dans la sous-région. En effet, la culture arabo- musulmane est importante tant dans la sphère politique21 que dans la sphère sociale et religieuse. Macky Sall a maintenu les relations du Sénégal avec les pays du Golfe de sorte à continuer de bénéficier de fonds importants. Dans la sous-région ouest- africaine, le Koweït a investi majoritairement au Sénégal (156 milliards de francs CFA depuis le milieu des années 1970). L’Arabie Saoudite est également un bailleur de fonds capital pour le Sénégal. Cela explique l’envoi des troupes sénégalaises au Yémen aux côtés des troupes saoudiennes afin de lutter contre les Houthis, soutenus par l’Iran, un pays avec lequel le Sénégal avait récemment renoué ses relations diplomatiques (2013). Sous Abdoulaye Wade, la France a pâti de cette nouvelle orientation : ses relations avec le Sénégal connurent des moments de crise notamment sur le plan commercial (en 2003, 90 % des firmes industrielles étaient des filiales françaises, leur proportion a baissé de presque 80 % en 2012) mais aussi avec 21 Les personnes reçues au concours de l’Ecole Nationale de l’Administration du Sénégal, pour le poste de conseiller des affaires étrangères, doivent être pour moitié arabisantes (5 personnes sur 10). les affaires du naufrage du Joola et de l’accord sur « l’immigration choisie ». C’est dans ce contexte que les banques marocaines ont pu, par exemple, s’implanter et concurrencer les banques françaises. Ce fut également le cas quant à la gestion du port de Dakar : la compagnie Dubai Ports World fut en charge de la gestion du port de Dakar, mettant ainsi le groupe français Bolloré hors de l’affaire. Contrairement à son prédécesseur, Macky Sall s’est rapproché de la France, le premier partenaire bilatéral historique du Sénégal. Par ailleurs, la première visite officielle hors-Afrique du Président Macky Sall était très symbolique puisqu’il s’est rendu en France où il fit un discours aux côtés de Nicolas Sarkozy. Pour Macky Sall, la coopération avec le gouvernement français est primordiale, et ce, dans différents domaines. L’aide financière que peut apporter la France dans le développement des projets sénégalais ou encore les investissements des entreprises françaises sont, pour Macky Sall, des moteurs contribuant à la croissance et au développement du pays. C’est pourquoi, après le refus d’Abdoulaye Wade d’accorder la gestion du port de Dakar au groupe Bolloré, Macky Sall a attribué la gestion de l’aéroport de Dakar au groupe français. En adoptant ce schéma du « donnant- donnant » et en s’appuyant sur son image de « bon élève » auprès des organismes internationaux et de ses pairs, le Sénégal espère ainsi obtenir les fonds nécessaires pour développer son économie.
  • 30. 30 Image 1 : Macky Sall en visite officielle au Koweït (2012) Le Sénégal est le pays ouest-africain qui reçoit le plus de fonds de la part du Koweït. Source : www.resussirbusiness.com
  • 31. 31 B. Des acquis démocratiques minés par des contraintes structurelles pesant sur les institutions et les infrastructures sénégalaises 1. Un régime démocratique stable et une séparation effective entre l'armée et le gouvernement 1.1 Une consolidation démocratique par le tissu politique La présentation du Sénégal comme un pays dans lequel les principes de bonne gouvernance sont appliqués est un des éléments importants du Plan Sénégal Emergent. Le pays cherche à se présenter comme une zone propice à l’implantation de nouvelles entreprises et à montrer une image favorable aux bailleurs de fonds internationaux. C’est pour cela que les deux alternances, de 2000 et 2012, sont mises en avant dans le PSE. L’objectif est de montrer que, depuis quinze ans, le pays connaît des élections non contestées par le perdant. En effet, le Président sortant peut être battu sans remettre en cause le résultat et sans bloquer les institutions. La dynamique de consolidation de la démocratie est un processus qui a structuré le pays depuis son indépendance. Ainsi, le Sénégal est passé d’un régime à parti unique au multipartisme limité sous Léopold Sedar Senghor (1974), puis à un multipartisme sans limite sous Abdou Diouf. En 2000, le pays a connu sa première alternance à la présidence. L’élection de 2000 s’est déroulée dans un contexte tendu : la Côte d’Ivoire connaissait une période de fortes tensions qui ont alors généré des révoltes. Dès lors, la population sénégalaise s’inquiétait de l’incapacité d’Abdou Diouf d’accepter sa défaire aux élections présidentielles. Les élections de 2000 et 2012 ont été les théâtres de deux alternances similaires : la formation de grandes coalitions électorales dont l’unique accord est de provoquer l’élimination du président sortant, la rhétorique du changement (Sopi en Wolof, le slogan de campagne de Wade en 2000), ou encore l’espoir suscité par l’élection. Cependant, le mandat de Macky Sall connaît des complications : la majorité au pouvoir, même si elle semble forte, est précaire, et cela se traduit par plusieurs changements de Premier Ministre et des remaniements ministériels. Le dernier en date était en 2014, à l’occasion de la défaite subie par la coalition au pouvoir lors des élections municipales ; si le « Benno » l’a emporté dans 70 % des communes, il a en revanche perdu les grandes villes du pays. Plusieurs ministres s’étaient portés candidats et ont perdu, ce qui a entraîné leur limogeage. Aminata Touré, Premier Ministre de l’époque, a subi ce sort après sa défaite à Dakar face à Khalifa Sall, maire sortant de la capitale et grand rival de Macky Sall pourtant membre de la coalition Benno Bokk Yakaar.
  • 32. 32 De plus, au sein même du « Benno », des tensions sont apparues entre le Parti Socialiste (PS) et l’Alliance Pour la République (APR), tensions qui ont pour cœur la rivalité grandissante entre le Président de la République et le maire de Dakar, Khalifa Sall (PS). Ces tensions font apparaître des problèmes d’équilibre du rapport de forces entre les deux partis les plus importants de la coalition ; le pouvoir est monopolisé par l’APR et le PS voudrait présenter un candidat aux prochaines élections présidentielles : il souffre actuellement de se tenir dans l’ombre de l’APR. La Constitution sénégalaise de 2001 a donné lieu à certaines réformes, notamment au sujet de l’Assemblée nationale, du Sénat et de la durée du mandat présidentiel. En 2008, Abdoulaye Wade rétablit le septennat. Par ailleurs, le nombre de députés, réduit de 140 à 120 par la Constitution de 2001, est augmenté pour atteindre 150 élus ; 90 sont élus par le biais d’un scrutin majoritaire tandis que les 60 restants accèdent à l’Assemblée par un scrutin proportionnel, ce qui a permis la présence à la chambre basse de petits partis représentés par un, deux ou quatre députés, même si la majorité absolue est détenue par le Benno Bokk Yakaar, avec 79 % des sièges dont 87 sièges sur les 90 distribués au scrutin majoritaire. On voit donc que le scrutin majoritaire a clairement avantagé la grande coalition électorale de Macky Sall trois mois après sa victoire aux élections présidentielles tandis que le scrutin proportionnel permet la présence de partis annexes sein de l’Assemblée. À titre d’exemple, le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade a obtenu douze sièges dont neuf grâce à la proportionnelle. Les trois sièges qu’il a obtenu au scrutin majoritaire sont les trois seuls qui ont été raflés au « Benno » sur ce mode de scrutin. On peut donc en conclure que le scrutin aux élections législatives avantage le parti remportant les présidentielles, d’autant que leur tenue trois mois avant les législatives biaise également le résultat en faveur du parti vainqueur. Notons cependant la forte abstention (près de 67 %), qui peut être expliquée par leur tenue trois mois après les présidentielles ou encore la désaffection. GRAPHIQUE 16 : RESULTATS DES ELECTIONS LEGISLATIVES 2012 Source : Gouvernement du Sénégal Un autre aspect de la politique sénégalaise est la forte transhumance des personnalités politique. Les frontières entre partis politiques semblent poreuses et les acteurs politiques gravitent d’un parti à l’autre au grès des rapports de force et des intérêts au niveau national ou dans leurs circonscriptions électorales. L’un des facteurs explicatifs du phénomène est la faible teneur idéologique des partis politiques. Ainsi, une personnalité politique appartenant à un parti n’est pas fortement marqué par l’orientation de sa formation politique, d’autant
  • 33. 33 plus que beaucoup de partis sénégalais se réclament du libéralisme sans approfondir et préciser outre mesure. Ceci permet d’ouvrir sur la trajectoire de Macky Sall en politique. Il était parmi les proches d’Abdoulaye Wade avant d’être progressivement écarté : il a été Premier Ministre sous Abdoulaye Wade pendant trois ans (2004-2007), puis Président de l’Assemblée Nationale jusqu’à sa destitution par l’ancien Président de la République. Par la suite, Macky Sall crée alors l’Alliance Pour la République (APR) en 2008 avec la claire volonté de se démarquer d’Abdoulaye Wade : il démissionne de ses mandats de maire de Fatick et de député pour s’éloigner du Parti Démocratique Sénégalais, alors présidé par Abdoulaye Wade. L’hostilité grandissante entre Abdoulaye Wade et Macky Sall répond à la perception négative du second mandat de l’ancien président de la part des Sénégalais. Dès lors, Macky Sall a su en jouer des valeurs démocratiques qu’il pensait incarner, face à la personnalisation du pouvoir et les dérives clientélistes du régime de « Maître Wade ». Le procès du fils d’Abdoulaye Wade, Karim, n’est donc finalement que le dernier épisode d’une forte rivalité personnelle arrivant sur le terrain de la justice. Ce procès a effectivement remis sur le devant de la scène la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI), où Karim Wade a été jugé. Il illustre également une volonté de lutter contre l’enrichissement illicite et les biens mal acquis, mais la question de l’instrumentalisation de la justice demeure. Pendant la présidence d’Abdou Diouf, la CREI a été créée pour lutter contre la corruption. Or, ici, la question se pose de savoir si la CREI est un véritable organe indépendant, ou si, au contraire, il obéit aux ordres de l’exécutif. Cette question est d’autant plus soulevée dans la mesure où les procureurs, nommés par le Conseil Supérieur alors présidé par le Chef de l’Etat, sont contrôlés par le Président de la République. En voulant écarter le fils d’Abdoulaye Wade, Macky Sall a peut-être utilisé la justice afin d’évincer un rival potentiel, plus précisément un opposant médiatique qui avait un réel impact sur la société sénégalaise. De son côté, Abdoulaye Wade l’a interprété comme une attaque contre sa personne par le biais de son fils. Cette rivalité structure la vie politique sénégalaise depuis 2007-2008. Il faut d’ailleurs souligner qu’Amnesty International a émis de fortes critiques sur le caractère « peu équitable » de ce procès et sur l’impossibilité de déposer un recours après le verdict dudit procès. Amnesty International avance qu’à travers cette condamnation, il y a une non conformité aux principes basiques du fonctionnement de la justice. Ces critiques sont un écho aux contestations plus générales sur la politisation de la CREI, et dont les décisions ne sont pas susceptibles d’appel. C’est donc sans surprise que le recours interposé par les avocats de
  • 34. 34 Karim Wade a été rejeté par la Cour Suprême. Le verdict de ce procès, loin d’éloigner la menace politique du « Clan Wade » et du PDS, l’a galvanisé et lui a fourni des arguments pour dénoncer « l’absence de l’Etat de Droit au Sénégal » selon Samuel Sarr, ancien ministre et membre du PDS. La CREI a été mêlée à une autre affaire qui a suscité la controverse et a ébranlé le pouvoir exécutif : l’affaire de la confiscation des avoirs de Bibo Bourgi, un homme d’affaires sénégalais qui a été condamné par la CREI pour biens mal acquis. Néanmoins, le problème réside dans le fait que ses biens lui furent confisqués avant que le verdict officiel ne soit rendu, ce qui a généré une vague de réprobations dans le paysage journalistique et politique sénégalaise. 1.2 L’implication de l’armée sénégalaise dans les conflits extérieurs L’armée sénégalaise fait figure d’exception dans la région. En effet elle n’a jamais tenté de faire irruption sur le terrain politique et a toujours respecté sa subordination au pouvoir du chef de l’Etat depuis l’indépendance du pays. Loin de représenter un élément d’agitation du pays, elle est une composante essentielle de sa politique internationale puisque l’armée sénégalaise est très présente dans les missions sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies (ONU), tant sur le continent africain qu’en dehors. IMAGE 2 : LES FORCES ARMEES SENEGALAISES Source : Seneweb Sa première mission de maintien de la paix dans le cadre d’une opération pilotée par l’ONU date de 1960, soit l’année de son indépendance : elle est intervenue dans le cadre de la mission des Nations Unies au Congo (ONUC) avec un contingent de 600 hommes. On compte en total vingt-trois interventions du Sénégal dans le cadre de missions de l’ONU, la dernière étant la Mission Internatioanle de Soutien au Mali sous conduite Africaine (MISMA) au Mali en 2013, mission qui fut par la suite remplacée par la Mission multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA). Mais le Sénégal intervient aussi dans le cadre d’accords régionaux comme celui de la CEDEAO. Il a ainsi envoyé un contingent de 1 500 hommes au Liberia de 1991 à 1993 dans le cadre de l’Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring Group, l’ECOMOG (traité visant à faire respecter les cessez le feu au sein de la CEDEAO). En dehors de ces cadres institutionnels, l’armée sénégalaise a
  • 35. 35 aussi collaboré à des opérations avec la France, il faut notamment citer l’Opération Turquoise au Rwanda en 1994 au moment du génocide des Utus sur les Tutsis. Enfin, l’armée a été utilisée par l’Etat sénégalais en Gambie en 1981 pour empêcher la réussite de la tentative de coup d’Etat contre le Président gambien Daouda Diawara. Cette intervention donna naissance à la confédération de Sénégambie, dont l’existence perdura jusqu’en 1989, période durant laquelle Abdou Diouf affichait une volonté de rapprochement des deux pays. Toutefois, son homologue gambien manifestait certaines réticences. Cela conduisit alors à la séparation des deux pays. Cette optique de maintien et de consolidation de la paix à l’international est garantie dans la Constitution de 2001, preuve qu’il s’agit d’un axe majeur de la présence internationale du Sénégal. Le cas de l’intervention des troupes sénégalaises au Yémen mérite une attention particulière : le Sénégal a récemment envoyé 2 100 soldats au Yémen pour lutter contre la rébellion chiite. Cette intervention est réalisée dans le cadre d’une coopération internationale menée par l’Arabie Saoudite, voisin du Yémen. Le Président Macky Sall met donc en avant la demande personnelle du roi du Yémen ainsi que l’appartenance à l’Islam sunnite pour justifier l’opération militaire, qui voit l’envoi de trois fois plus d’hommes qu’au Mali voisin. Cette intervention est à considérer comme un resserrement des relations entre le Sénégal et l’Arabie Saoudite, des relations qui étaient relativement froides sous Abdoulaye Wade et que Macky Sall tente de maintenir. Toutefois, dans le cas de l’envoi de troupes au Yémen, le Président sénégalais est peu soutenu à l’intérieur de son pays. En effet, selon la majorité, l’envoi de troupes devrait plutôt se concentrer sur le continent africain et surtout sur la région. L’opération militaire qui est uniquement destinée à recevoir d’importants financements de la part du royaume d’Arabie Saoudite, notamment dans le but de financer le PSE, est pointée du doigt. 2. Une consolidation de la démocratie grâce à la structuration de la société civile La consolidation démocratique passé aussi par la capacité de mise en œuvre d’un dialogue social au sein de la société sénégalaise. Les Sénégalais ont su développer des stratégies de positionnement et d'influence par rapport aux acteurs étatiques. Ces stratégies passent par des canaux formels et informels, mais qui permettent de structurer solidement le tissu social sénégalais. Cependant, la trop grande diversité des modes d’actions, couplée à l’hétérogénéité de la société mène à considérer l’existence de plusieurs sociétés civiles qui parviennent à s’organiser et à investir le champ politique au Sénégal. L’exemple du M23 et de “Y’en a marre”, deux mouvements contestataires datant de la présidence d’Abdoulaye Wade, illustre
  • 36. 36 parfaitement la marge de manœuvre dont disposent les Sénégalais. 2.1 Les tentatives de prolifération du syndicalisme Parmi les organisations de la société civile, il est possible de distinguer notamment les syndicats, dont la création et le fonctionnement sont encouragés par l’Etat. Les quatre premiers syndicats sénégalais sont la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal, historiquement liée avec le Parti Socialiste et hégémonique dans les chemins de fer et les télécommunications, la Confédération des syndicats autonomes du Sénégal, l’Union démocratique des travailleurs du Sénégal, et dans une moindre mesure, l’Union libre des travailleurs du Sénégal. En réalité, les syndicats sont beaucoup plus nombreux dans le pays car l’histoire des syndicats sénégalais remonte aux années 50, avant même l'indépendance du pays. L’histoire des revendications salariales, quant à elle, est encore plus lointaine. De fait, le processus d’institutionnalisation du syndicalisme est largement entamé même si les syndicats sont en trop grand nombre par rapport au nombre de travailleurs du secteur formel qui pourraient potentiellement se syndiquer. Il existe dix-huit organisations ayant légalement le statut de centrales syndicales au Sénégal, disposant d’un fonctionnement autonome. Mais le sur-nombre de syndicats s’explique par le manque de démocratie au sein des centrales qui renouvellent rarement leurs instances, ainsi que par le manque d’intérêt de la part des travailleurs pour les problèmes interprofessionnels et qui préfèrent se rabattre sur des syndicats liés à une entreprise, un secteur ou une profession. L’intérêt de la question syndicale réside principalement dans le fait que les centrales syndicales, dans un pays où près de 70 % de la population travaille dans le secteur informel , ont du mal à intégrer la majorité des travailleurs au sein d’un système de fonctionnement à l’usage des travailleurs du secteur formel. Cette question est de plus en plus prise en compte dans les stratégies des centrales qui tentent d’intégrer les travailleurs de l'informel et surtout les agriculteurs. Cette dynamique est conjuguée à la la volonté de l’Etat de juguler les potentielles contestations sociales. Des efforts sont ainsi faits pour ouvrir les portes du dialogue social, grâce notamment, au travail des Organisations Non-Gouvernementales (ONG) telles que Freedom House qui sensibilisent les populations à leurs droits. 2.2 La prévalence des Organisations Non- Gouvernementales et des associations au Sénégal Cette question syndicale permet de faire le lien avec un autre vecteur de l’organisation du tissu social sénégalais : les ONG et les associations. Ces deux entités distinctes partagent la même ambition de contribuer au développement du Sénégal, avec des moyens allant de l’action ponctuelle et locale à la mise
  • 37. 37 en œuvre de politiques publiques de développement. L’article 12 de la Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001 stipule que « tous les citoyens ont le droit de constituer librement des associations, des groupements économiques, culturels et sociaux […], sous réserve de se conformer aux formalités édictées par les lois et règlements ». De ce point de vue, la liberté de se constituer en ONG ou en association est garantie dans le pays sous réserve du respect de la loi. Le statut des ONG n’est cependant pas figé, il a évolué au Sénégal depuis les années 70. Entre les années 70 et les années 90, le nombre d’ONG au Sénégal avait en effet connu une croissance exponentielle, ajoutée à une expansion des domaines couverts par leur action. Dès lors, cela entraînait des questionnements sur la gouvernance des ONG au Sénégal et la capacité de l’Etat à impulser des politiques publiques de lui-même . Cependant, depuis la présidence d’Abdoulaye Wade, d’importants efforts de la part de l’Etat ont été observés, notamment dans la régulation de l’action des ONG sur le territoire sénégalais, tout en mettant en œuvre des plateformes d’échanges inter-ONG, et ce, dans le but d’optimiser leurs actions. A ce titre, il est possible de citer la plateforme des ONG européennes au Sénégal , la Fédération des ONG du Sénégal , et enfin, le Conseil des Organisations Non Gouvernementales d’Appui au Développement (CONGAD) , plateforme créée en 1982, qui regroupe 178 ONG nationales, étrangères et internationales et qui a vocation de coordonner l’action des membres. Sous la houlette de toutes ces plateformes, les ONG peuvent donc agir librement au Sénégal, à la condition de produire régulièrement des rapports d’activité pour le Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique. Il s’agit pour l’Etat de mettre en place une stratégie pour conserver son monopole administratif et sécuritaire. Enfin, il existe une myriade d’associations au Sénégal, qui sont également soumises en théorie au contrôle de ce même ministère, mais en réalité, toutes sont loin d’être déclarées. La majorité des quartiers de Dakar compte une association locale. Cette nébuleuse associative présente l’avantage de créer de solides réseaux de solidarités et permet de tisser une structure sociale dense, qui prémunit de l’exclusion dans un pays qui compte 46,7 % de la population sous le seuil de pauvreté national . 2.3 La question des respects des libertés fondamentales et des droits humains Le pays dispose d’un arsenal juridique suffisamment élaboré pour être considéré comme un modèle dans la sous-région. Le rapport 2015 de Freedom House estime que les droits humains sont, dans l’ensemble, respectés. De fait, les contestations sociales sont possibles et ne sont pas nécessairement réprimées par la violence. Toutefois, il faut simplement apporter une nuance concernant la liberté de presse et des médias. Il existe plusieurs groupes médiatiques au Sénégal, tels que Le Soleil, journal
  • 38. 38 quotidien proche du pouvoir, ou encore Walfadjri, groupe de médias indépendant, qui suit une ligne éditoriale plus critique envers l’Etat. Ainsi, même si la liberté de presse est théoriquement respecté, l’existence d’un possible “délit journalistique”, ainsi que de “ l’offense au Chef de l’Etat”, obligent la presse à une forme d’auto- censure qui fait baisser le Sénégal dans le classement des pays en matière de liberté de presse selon Reporter Sans Frontières. Il est classé à 71e place, sur 180 pays. En juillet 2015, Alioune Badara Fall, directeur directeur de publication du journal L’Observateur, et son journaliste Mamadou Seck ont été accusés d’avoir publié des informations concernant le déploiement des troupes sénégalaises au Yémen et sont, à ce titre, accusés de "violation de secret défense". Cet exemple illustre bien l’ambivalence qui existe encore au Sénégal concernant les droits humains. Le respect des droits humains et des libertés fondamentales concerne aussi la société civile. Ces libertés touchent divers domaines tels que la liberté de la presse ou encore la liberté de culte. Ce dernière est un enjeu important dans un pays où la majorité de la population est musulmane. 2.4 Un espace multi-ethnique avec une grande tolérance religieuse et une empreinte caractéristique de l’Islam « L’une des grandes caractéristiques du Sénégal réside dans la grande tolérance dont font preuve les différentes communautés religieuses les unes vis-à-vis les autres » . En effet, la population sénégalaise, à majorité musulmane, font preuve d’une grande tolérance les uns à l’égard des autres. L’Etat sénégalais qui garantit la liberté religieuse dans l’article 23 de sa Constitution, voit la coexistence entre ses différentes communautés : la communauté musulmane est majoritaire à hauteur de 94 % de la population, tandis que seulement 4 % de la population est chrétienne et 2 % animiste. Les Chrétiens sont environ 300 000 parmi le peuple des Sérères et (Dakar et Petite Côte) et le peuple des Diola (Casamance). L’Islam existe dès le Xe-XIe siècle dans le Nord du pays, pourtant l’islamisation de masse ne s’opère qu’à partir du XIXe siècle. L’islam au Sénégal est structuré autour des confréries soufies. La Qadriyya, la plus ancienne confrérie est peu importante numériquement comptabilisant 15 % des musulmans ; il en va de même pour le Hamallisme qui ne réunit que quelques milliers d’adeptes ou encore la confrérie Layène, très minoritaire et également peu influente sur le plan politique. Deux confréries sont avant tout à l’origine de la structuration de l’espace religieux et public. La confrérie Tidjaniyya, représentée par Sidi Chérif Abdelmoutateb Tijani, est la plus importante numériquement avec 54 % des musulmans. Son siège se situe à Tivaouane. Enfin, il y a la Mouridiyya, la plus active et la plus influente du fait de ses multiples activités économiques. Elle concentre ses activités religieuses à Touba. Depuis 2010, Cheickh Sidi Al Moukhtar Mbacke est le représentant des
  • 39. 39 Mourides. Touba a tacitement le statut d'extraterritorialité. Cela signifie que les lois de l’État sénégalais ne s'y appliquent pas ; il y est par exemple interdit d’y boire de l’alcool et d’y fumer . 2.5 Les confréries et le pouvoir : un rôle historiquement pacificateur et stabilisateur L’Islam confrérique s’est imposé comme facteur de changement et de renouveau à partir de la colonisation avec un important glissement vers le maraboutisme. Sous l’ère coloniale s’est instauré ce qu’on appelle le « contrat social sénégalais ». Il s’agit d’un deal de légitimation réciproque et d’un double leadership de partage du pouvoir entre l’administration coloniale et les marabouts , au point d’évoquer un “Etat à deux têtes” . En effet, les administrateurs français avaient vite compris que pour pouvoir capter les masses et s’assurer du soutien de la population, il fallait absolument passer par les marabouts. Personnalités très influentes et très respectées au sein des populations les marabouts étaient méticuleusement choisis.En contrepartie, le même réalisme politique guidait les marabouts qui avaient alors compris la nécessité d’une coopération avec l’administration. Le poids des marabouts était tel qu’ils parvinrent à renverser l’aristocratie guerrière et transformer les esclaves en petits paysans. Le résultat de cette appropriation des institutions étatiques était donc la mise en place de la culture d’arachide par le biais d’une petite paysannerie. Les anciens esclaves, protégés par les marabouts, trouvèrent refuge dans cette paysannerie nouvellement créée . Dès lors, l’immixtion du pouvoir religieux dans la vie politique est devenue une constante historique et tous les présidents ont fait recours à l’appui des grands marabouts. Léopold Sédar Senghor, pourtant catholique, était le premier à avoir su mobiliser le soutien des marabouts avec lesquels il a su nouer des liens d’amitié. Les marabouts interviennent encore à l’heure actuelle pour apaiser les tensions entre les acteurs politiques, pour régler une situation critique ou pour donner un mot d’ordre en faveur d’un homme politique . Ils sont donc garants d’une cohésion sociale. Ceci se passe notamment avec le ndiguel, c’est-à- dire la traditionnelle consigne de vote où les leaders maraboutiques vont se prononcer en faveur d’un parti ou d’un candidat. 2.6 La mouvance d’un Islam politique hétérodoxe et son influences dans l’espace public : une remise en cause du « contrat social sénégalais » Le « contrat social sénégalais » est partiellement remis en cause depuis les années 80 avec la prolifération des mouvements extra- confrériques. Dans un contexte socio- économique où le Sénégal fait face à une hausse du chômage, à des difficultés économiques, et où les jeunes sont de plus en plus en proie à une autonomisation, des mouvements religieux de réforme voient le jour,
  • 40. 40 prônant alors un Islam orthodoxe. Une nouvelle génération de jeunes musulmans à la recherche d’alternatives et de nouvelles grilles de lecture prend forme et n’hésite plus à se démarquer de l’affiliation confrérique de leurs parents. Le premier signe de ce renouveau entre le pouvoir temporel et religieux se manifeste dans l’abandon du . En 2000 le ndigel ne fonctionnait pas. Bien qu’Abdou Diouf ait bénéficié de plusieurs consignes de vote au second tour, il n’obtint que 41 % des voix. Cela traduisit une prise de conscience, et notamment chez les jeunes, de l’importance symbolique du vote en tant qu’acte citoyen et individuel, et non une obéissance totale à leur marabout. Cette dynamique contredit donc la particularité sénégalaise du « disciple électeur » que la littérature abordait fréquemment . Cette reconfiguration du religieux devint plus manifeste avec Abdoulaye Wade, « le président talibé », qui avait réservé son premier déplacement lors de la campagne aux élections en 2012 à Touba. Ayant défini le politique et le religieux comme “deux cornes sur la tête d’une même vache” , le religieux entra vraiment dans l’arène politique. Sous sa présidence, se sont davantage manifestées des stratégies plus subtiles pour séduire l’électorat. Abdoulaye Wade lui-même avait par exemple bénéficié de sa première entrée au gouvernement en 1991 en gérant le dossier des recouvrements des dettes dues à l’Etat de la part des marabouts. A la fin de son mandat, il avait par ailleurs promis des investissements pour des projets de modernisation des villes religieuses de Touba et de Tivaouane (actuellement en cours). Le budget alloué à ces projets s’élevait ainsi à 100 milliards FCFA. Les faveurs ne s’arrêtèrent pas là : elles comprenaient également des facilités de voyage, des équipements pour la résidence secondaire ou du village-satellite ou encore des exonérations douanières. . Les marabouts, eux aussi, ont modifié leurs comportements. Ils ne se contentent plus de jouer leur rôle de stabilisateur. Ils sont désormais de véritables entrepreneurs politiques. Ces aspirations politiques pourraient probablement mettre en péril le « contrat social sénégalais ». Du côté des confréries, des branches autonomes voient peu à peu le jour et offrent à une jeunesse apolitique et touchée par le chômage, une alternative via un retour aux origines de l’Islam. C’est effectivement l’approche de Moustapha Sy, leader spirituel du mouvement néo-confrérique des Mustarchidines. Véritable guru, Moustapha Sy est parvenu à regrouper près de 700.000 adeptes, principalemnt des jeunes citadins. Dans les années 90, le leader des Mustarchidines ne cachait pas sa défiance à l’égard du régime d’Abdou Diouf. C’est en ce sens qu’il émit son voeu quant à une éventuelle candidature pour les élections présidentielles de 2000 – qu’il retira au dernier moment. Les marabouts qui avaient tenté de créer des partis ne parvenaient pas à drainer des masses et ainsi à se positionner comme une sérieuse alternative au pouvoir en place .
  • 41. 41 Toutefois, le marabout Ahmed Khalifa Niasse qui a créé son parti et a soutenu Abdoulaye Wade, est parvenu à occuper des postes importants dans le système politique sénégalais. Cela est d’autant plus préoccupant que ce marabout œuvre en faveur d’une rupture avec les confréries. Cela pourrait mettre ainsi en danger les acquis d’un Islam confrérique pacificateur. En effet, financés et influencés par les discours wahabbites de l’Arabie Saoudite certains mouvements néo-confrériques pourraient créer un environnement d’exclusion avec des risques de confrontation. La question de la sécurité reste aujourd’hui un enjeu central, garant pour la stabilité sociale du pays, et plus particulièrement dans la région ouest-africaine. Dans la perspective où la majorité des organisations religieuses sénégalaises réfuterait ce radicalisme et prendrait ses distances face à un sunnisme anticonfrérique armé , le risque d’une radicalisation de la société sénégalaise serait relativement faible. Néanmoins, il y a une nécessité de formation quant à la jeunesse urbaine musulmane, qui est aujourd’hui confrontée aux difficultés de la vie que les agendas politiques ne parviennent pas à résoudre et qui chercherait des solutions dans un Islam politique, dont elle ne possède que de vagues connaissances. 2.7 Les confréries et l’économie : un pouvoir substitutif face à un Etat inefficace Au-delà du politique, les confréries et leurs marabouts exercent une influence économique très importante. Leur forte implication s’explique en partie par une logique inhérente à leur organisation. Ce sont notamment les Mourides qui ont endoctriné un savoir-vivre expliqué dans une œuvre posthume de Bamba intitulé La doctrine du travail. Cette doctrine avance que chaque talibé devrait « travaille[r] comme s’[il] n’allait jamais mourir et prie[r] comme s’[il] allait mourir demain » . Le travail a une dimension du sacrifice pour le talibé. Par l’argent, il exprime son attachement au marabout et la politique de la « charité » envers les groupes vulnérables est donc un principe fondateur des Mourides. Les « Baol Baol » (acteur économique mouride qui effectue des petits métiers) opèrent surtout dans le secteur informel et dans le milieu rural où ils contrôlent notamment les services des taxis, l’agriculture, les babioles, les transports. Les tidianes, de leur côté, se situent plutôt dans le secteur formel, urbain et dans l’administration. Plus le secteur et les investissements deviennent importants, moins le lien confrérique est structurant. Les grands investisseurs vont seulement maintenir des rapports purement symboliques avec les grands marabouts . Or, il est impossible d’avancer qu’une confrérie particulière puisse exercer un monopole dans un corps de métier. Le rôle des confréries est d’autant plus important et structurant sur divers plans, dans la mesure où les institutions confrériques apparaissent là où l’État se retire en finançant des projets pour la population (construction d’écoles, d’hôpitaux,