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n° 204 918 du 6 juin 2018
dans l’affaire X / VII
En cause : X
ayant élu domicile : au cabinet de Maître K. VERSTREPEN
Rotterdamstraat 53
2060 ANTWERPEN
contre :
l’Etat belge, représenté par le Secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration, chargé de
la Simplification administrative
LA PRESIDENTE F.F. DE LA VIIième
CHAMBRE,
Vu la requête introduite le 4 juin 2018, par X, qui déclare être de nationalité marocaine, tendant à la
suspension, selon la procédure d’extrême urgence, de l’exécution d’une décision d’abrogation de visa,
prise le 28 mars 2018.
Vu le titre Ier bis, chapitre 2, section IV, sous-section 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au
territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.
Vu l’article 39/82 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et
l’éloignement des étrangers.
Vu le titre II, chapitre II, de l’arrêté royal du 21 décembre 2006 fixant la procédure devant le Conseil du
Contentieux des Etrangers.
Vu le dossier administratif et la note d’observations.
Vu l’ordonnance du 4 juin 2018 convoquant les parties à comparaître le 5 juin 2018 à 13h00.
Entendu, en son rapport, S. GOBERT, juge au contentieux des étrangers.
Entendu, en leurs observations, Me A. HAEGEMAN loco Me K. VERSTREPEN, avocat, qui comparaît
pour la partie requérante, et Me S. ARKOULIS loco Me D. MATRAY, avocat, qui comparaît pour la
partie défenderesse.
APRES EN AVOIR DELIBERE, REND L’ARRET SUIVANT :
1. Les faits utiles à l’appréciation de la cause
1.1 Les faits sont établis sur la base des pièces du dossier administratif et de l’exposé que contient la
requête.
1.2 Le 4 juin 2015, la requérante a introduit une demande de visa de court séjour (de type C), pour une
entrée, auprès du consulat de Belgique à Casablanca.
CCE X - Page 2
1.3 Le 29 septembre 2015, la requérante a introduit une demande de visa de court séjour (de type C), à
entrées multiples, auprès du consulat de Belgique à Casablanca.
1.4 Le 10 octobre 2016, la requérante a introduit une demande de visa de court séjour (de type C), à
entrées multiples, auprès du consulat de Belgique à Casablanca.
1.5 Le 14 octobre 2016, la requérante s’est vue délivrer un visa de type C, à entrées multiples, valable
du 14 octobre 2016 au 16 décembre 2019 et ce, pour 90 jours.
1.6 Le 15 mars 2018, la Sûreté de l’État a envoyé une note à la partie défenderesse lui demandant
d’examiner les possibilités de retrait du visa accordé à la requérante, dès lors que celle-ci « représente
un danger pour la sécurité nationale ».
1.7 Le 28 mars 2018, la partie défenderesse a pris une décision d’abrogation du visa accordé à la
requérante. Cette décision, qui lui a été notifiée le 30 mai 2018, constitue l’acte attaqué et est motivée
comme suit :
« Madame : […]
[…]
X À la requête du délégué du Secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration,
[…]
X votre visa numéro […], délivré le 14.10.2016.
a été examiné le 28.03.2018.
[…]
X Le visa a été abrogé
La présente décision est motivée par la (les) raison(s) suivante(s) :
[…]
6 X un ou plusieurs États membres estiment que vous représentez une menace pour l’ordre public, la
sécurité nationale ou la santé publique, au sens de l’article 2, point 21 du règlement (CE) n°2016/399
(code frontières Schengen), ou pour les relations internationales pour un ou plusieurs États membres
(article 32, 1, a) VI et l’article 34, 1/2) du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du
Conseil du 13.07.2009 établissant un code communautaire des visas)
Le visa n°[…] de l’intéressée a été abrogé le 28.03.2018. La décision ne peut être motivée en faits car
l’indication des motifs de l’acte peut compromettre la sécurité extérieure de l’Etat et porter atteinte à
l’ordre public (Art. 4, 1° et 2° de la loi du 29 JUILLET 1991 relative à la motivation formelle des actes
administratifs). »
1.8 Le 29 mai 2018, la requérante est arrivée en Belgique en provenance du Maroc et a fait l’objet, le 30
mai 2018, d’une décision de maintien dans un lieu déterminé situé à la frontière.
1.9 Le 29 mai 2018, la partie défenderesse a pris une décision de refoulement (annexe 11) à l’encontre
de la requérante. Cette décision lui a été notifiée le 30 mai 2018. Le 4 juin 2018, la partie requérante a
introduit une demande de suspension, selon la procédure de l’extrême urgence, de l’exécution de ladite
décision. Le recours est enrôlé sous le numéro CCE 220 753.
CCE X - Page 3
2. Recevabilité de la demande de suspension
Le Conseil du contentieux des étrangers (ci-après : le Conseil) constate que la partie requérante
poursuit la suspension, selon la procédure d’extrême urgence, de l’exécution d’une décision
d’abrogation de visa prise par la partie défenderesse.
La partie défenderesse excipe, dans sa note d’observations, de l’irrecevabilité de la demande de
suspension introduite selon la procédure d’extrême urgence. Elle estime que la procédure en extrême
urgence n’est prévue que pour les cas limitatifs qui découlent de l’article 39/82, § 4, alinéa 2, de la loi du
15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, l'établissement, le séjour et l'éloignement (ci-après : la loi du
15 décembre 1980) et dès lors uniquement en cas de mesure d’éloignement ou de refoulement dont
l’exécution est imminente.
Etant donné l’arrêt du Conseil n° 188 829 prononcé le 23 juin 2017, en chambres réunies, qui relève
deux lectures possibles de l’article 39/82, § 1er
et § 4, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980, et la
question préjudicielle posée, pour cette raison, à la Cour constitutionnelle dans cet arrêt, il y a lieu, dans
l’attente de la réponse de la Cour, d’admettre provisoirement que l’exception d’irrecevabilité ne peut pas
être retenue, et de poursuivre l’examen de la demande au regard des exigences de fond prévues par la
loi du 15 décembre 1980.
3. Les conditions de la suspension d’extrême urgence
3.1 Les trois conditions cumulatives
L’article 43, § 1er
, alinéa 1er
, de l’arrêté royal du 21 décembre 2006 fixant la procédure devant le Conseil
du Contentieux des Etrangers (ci-après : le Règlement de procédure) stipule que, si l’extrême urgence
est invoquée, la demande de suspension doit contenir un exposé des faits qui justifient cette extrême
urgence.
En outre, conformément à l'article 39/82, § 2, alinéa 1er
, de la loi du 15 décembre 1980, la suspension
de l’exécution d’un acte administratif ne peut être ordonnée que si des moyens sérieux susceptibles de
justifier l’annulation de l’acte contesté sont invoqués et à la condition que l’exécution immédiate de l’acte
risque de causer un préjudice grave difficilement réparable.
Il résulte de ce qui précède que les trois conditions susmentionnées doivent être remplies
cumulativement pour qu’une demande de suspension d’extrême urgence puisse être accueillie.
3.2 Première condition : l’extrême urgence
3.2.1 L’interprétation de cette condition
Bien que les délais spécifiques prévus aux articles 39/85 et 39/82, § 4, de la loi du 15 décembre 1980
ne soient pas applicables à la requête dès lors que la décision attaquée ne consiste pas en une mesure
d’éloignement dont l’exécution est imminente, il n’en demeure pas moins que la partie requérante doit
justifier le recours à la présente procédure d’extrême urgence par une imminence du péril.
A cet égard, il convient de rappeler que la demande de suspension d'extrême urgence prévue à l'article
39/82, § 1er
, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980, vise à empêcher que la suspension ordinaire et, a
fortiori, l'annulation perdent leur effectivité (cf. C.E., 13 août 1991, n° 37.530).
Tel que mentionné sous le point 3.1, l’article 43, § 1er
, du Règlement de procédure stipule que, si
l’extrême urgence est invoquée, la demande de suspension doit également contenir un exposé des faits
qui justifient cette extrême urgence.
CCE X - Page 4
Vu le caractère très exceptionnel et très inhabituel de la procédure de suspension en extrême urgence
de l’exécution d’un acte administratif prévue par la loi du 15 décembre 1980 et vu la perturbation qu’elle
cause dans le déroulement normal de la procédure devant le Conseil, en réduisant entre autres les
droits de la défense de la partie défenderesse au strict minimum, l’extrême urgence de la suspension
doit être clairement établie, c’est-à-dire être manifeste et à première vue incontestable.
Afin de satisfaire à cette condition, des faits et des éléments doivent être invoqués ou ressortir de la
requête ou du dossier administratif, démontrant directement que, pour avoir un effet utile, la suspension
demandée doit être immédiatement ordonnée.
Le défaut d’exposé de l'extrême urgence peut néanmoins être négligé lorsque cette exigence constitue
une forme d’obstacle qui restreint l’accès de la partie requérante au tribunal, de manière ou à un point
tel que son droit d’accès à un juge s’en trouve atteint dans sa substance même, ou en d’autres termes,
lorsque cette exigence cesse de servir les buts de sécurité juridique et de bonne administration de la
justice (jurisprudence constante de la Cour EDH : voir p.ex. Cour EDH, 24 février 2009, L’Erablière
A.S.B.L./Belgique, § 35).
3.2.2 L’appréciation de cette condition
Le caractère d’extrême urgence n’est pas contesté par la partie défenderesse, ni lors de l’audience du 5
juin 2018, ni en termes de note d’observations.
Dans son exposé relatif à la justification de l’extrême urgence, la partie requérante explique en
substance que la requérante est actuellement privée de sa liberté en vue de son éloignement, lequel est
imminent (traduction libre de « Verzoekster verblijft momenteel in het gesloten centrum voor illegalen de
Caricole met het oog op een gedwongen repatriëring. Verzoekster heeft dan ook een rechtstreeks
belang bij de schorsing van de bestreden beslissing, aangezien de tenuitvoerlegging van de
verwijderingsmaatregel imminent is.»).
En l’espèce, le Conseil estime qu’eu égard à la nature de la décision attaquée, qui consiste en une
abrogation d’un visa de court séjour, la partie requérante, privée de sa liberté en vue de son
éloignement, et qui a agi avec diligence, satisfait à la condition de l’imminence du péril allégué.
Par conséquent, la première condition cumulative est remplie.
3.3 Deuxième condition : les moyens d’annulation sérieux
3.3.1 L’interprétation de cette condition
3.3.1.1 Conformément à l'article 39/82, § 2, de la loi du 15 décembre 1980, la suspension de l’exécution
ne peut être ordonnée que si des moyens sérieux susceptibles de justifier l’annulation de l’acte contesté
sont invoqués et à la condition que l’exécution immédiate de l’acte risque de causer un préjudice grave
difficilement réparable.
Par « moyen », il y a lieu d'entendre la description suffisamment claire de la règle de droit violée et de la
manière dont cette règle de droit est violée par la décision attaquée (C.E., 17 décembre 2004, n°
138.590 ; C.E., 4 mai 2004, n° 130.972 ; C.E., 1er
octobre 2006, n° 135.618).
Pour qu’un moyen soit sérieux, il suffit qu’à première vue et eu égard aux circonstances de la cause, il
puisse être déclaré recevable et fondé et, dès lors, donner lieu à la suspension de l’exécution de la
décision attaquée.
CCE X - Page 5
3.3.1.2 En outre, il ressort des termes de l’article 39/82, § 4, alinéa 4, de la loi du 15 décembre 1980
qu’en présence d’un recours tel que celui formé en l’espèce, « Le président de la chambre ou le juge au
contentieux des étrangers procède à un examen attentif et rigoureux de tous les éléments de preuve
portés à sa connaissance, en particulier ceux qui sont de nature à indiquer qu’il existe des motifs de
croire que l’exécution de la décision attaquée exposerait le requérant au risque d’être soumis à la
violation des droits fondamentaux de l’homme auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de
l’article 15, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, qui fait l’objet d’un contrôle attentif et rigoureux. ».
3.3.2 L’appréciation de cette condition
3.3.2.1 Le moyen
La partie requérante prend un premier et unique moyen de la violation de l’obligation de motivation en
tant que principe général de droit et comme énoncée à l’article 62 de la loi du 15 décembre 1980 et aux
articles 2, 3 et 4 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs (ci-
après : la loi du 29 juillet 1991) et du devoir de soin (traduction libre de : « Eerste en enig middel:
Schending van de motiveringsplicht als algemeen rechtsbeginsel en zoals vervat in artikel 62
Vreemdelingenwet en artikel 2, 3 en 4 van de Wet van 29 juli 1991 betreffende de uitdrukkelijke
motivering van bestuurshandelingen, schending van de zorgvuldigheidsplicht. »).
Après des considérations théoriques sur l’obligation de motivation formelle et sur le devoir de soin, la
partie requérante fait valoir en substance que si la partie défenderesse estime que la décision attaquée
ne doit pas être motivée, faisant appel à l’article 4 de la loi du 29 juillet 1991, cette appréciation est trop
courte ; que l’exception à la motivation formelle que la partie défenderesse invoque doit être interprétée
strictement ; que la partie requérante ne comprend pas pourquoi la partie défenderesse a utilisé cette
disposition ; qu’il n’y a aucune indication dans la décision attaquée ou dans le dossier administratif de ce
que la sécurité extérieure de l’Etat peut être compromise ou de ce que l’ordre public peut être perturbé ;
que la partie requérante peut seulement deviner sur la base de quelle information la partie défenderesse
est arrivée à cette opinion ; qu’il est impossible de contrôler si l’information sur laquelle la partie
défenderesse s’est basée est crédible et correcte ; que même la source de cette information n’est pas
mentionnée ; qu’il n'apparaît nulle part que la partie défenderesse s'est basée sur une source faisant
autorité pour conclure que la sécurité extérieure de l'État ou l'ordre public pourraient être compromis ;
que la partie défenderesse a utilisé l’article 4 de la loi du 29 juillet mais a omis d’expliquer en quoi
l’application de cet article est justifiée ; que cela rend tout contrôle par le Conseil impossible et crée un
arbitraire complet ; qu’en l’espèce, il n’est pas possible de savoir si la décision attaquée est basée sur
des motifs exacts, pertinents et admissibles en droit ; qu’il n’y en a aucune trace au dossier
administratif ; qu’il est évident que l’établissement des faits est peu soigneux et que la partie
défenderesse a décidé de manière non fondée qu’il existe des raisons d’ordre public justifiant
l’éloignement de la partie requérante ; que la décision attaquée doit se fonder sur des éléments
juridiques et factuels se trouvant dans le dossier administratif ; que l’obligation de motivation crée donc
des obligations à l’administration au niveau ontologique de la prise de la décision ; que le fondement de
la décision doit être déterminé par une application correcte du droit matériel et formel à appliquer (motifs
juridiques) aux faits issus du dossier administratif ; que l’obligation de motivation donne donc forme à la
ratio essendi de la décision ; que la décision attaquée n’est pas correctement motivée ; qu’il n’est pas
possible de conclure que la partie requérante doit être refoulée pour des raisons d’ordre public en
s’appuyant sur les « faits » qui se trouvent dans le dossier administratif ; que la décision attaquée ne
trouve aucune justification dans les éléments juridiques et factuels du dossier et que la demande de
suspension doit être déclarée recevable et fondée.
(traduction libre de : « Verwerende partij meent dat de bestreden beslissing niet gemotiveerd dient te
worden. Verwerende partij roept artikel 4 van de Wet van 29 juli 1991 betreffende de uitdrukkelijke
motivering van bestuurshandelingen in, en stelt dat een uitdrukkelijke motivering van de bestreden
beslissing de uitwendige veiligheid van de staat in het gedrang kan brengen en de openbare orde kan
verstoren. Hiermee gaat verwerende partij echter te kort door de bocht.
CCE X - Page 6
De uitzondering op de formele motiveringsverplichting die verwerende partij inroept, moet om te
beginnen strikt geïnterpreteerd worden (zie Parl. St. Kamer, 1990-1991, nr. 1595/4, p. 2; zie ook P.
LEWALLE, L’obligation de motiver: pour quels actes, in La motivation formelle des actes administratifs,
Loi du 29 juillet 1991, Brugge, Die Keure, 1992, p. 114). Verzoekster begrijpt niet waarom verwerende
partij zich op deze uitzonderingsbepaling beroept. In de bestreden beslissing en het administratief
dossier is geen enkele indicatie terug te vinden die er op kan wijzen dat de uitwendige veiligheid van de
staat in het gedrang kan komen, of dat de openbare orde kan verstoord worden. Verzoekster kan enkel
maar raden op basis van welke informatie verwerende partij tot dit oordeel kwam (een buikgevoel?). Het
is onmogelijk om te controleren of de informatie waarop verwerende partij zich baseert geloofwaardig en
correct is. Zelfs de bron van deze informatie wordt niet vermeld. Nergens blijkt dat verwerende partij zich
op een gezaghebbende bron baseerde om te concluderen dat de uitwendige veiligheid van de staat of
de openbare orde in het gedrang kan komen. Verwerende partij beroept zich op artikel 4 van de Wet
van 29 juli 1991, maar laat het na om te verduidelijken waarom de toepassing van dit artikel
gerechtvaardigd is. Hierdoor wordt elke controle door Uw Raad onmogelijk, en ontstaat er complete
willekeur. Relevant hierbij is de vaste rechtspraak van de Raad van State, waaruit het volgende blijkt:
“Zelfs in de veronderstelling dat men zich in een van de gevallen van art. 4 Wet Motivering
Bestuurshandelingen bevindt, waar de motieven niet in de akte moeten worden aangeduid, moet het
administratieve dossier het toch mogelijk maken na te gaan of de aangevochten beslissing op exacte,
relevante en rechtens toelaatbare motieven rust.” ‘(R.v.St, nr. 43.259 van 09.06.1993) In casu is het
echter niet mogelijk om na te gaan of de bestreden beslissing op exacte, relevante en rechtens
toelaatbare motieven rust. Elk spoor hiervan ontbreekt in het administratief dossier. Het is duidelijk dat
er sprake is van een onzorgvuldige feitenvinding, en dat verwerende partij op ongefundeerde wijze
besloot dat er redenen van openbare orde voorhanden zijn die het rechtvaardigen om verzoekster terug
te drijven. Hierdoor beging verwerende partij om te beginnen een schending van de
zorgvuldigheidsplicht. Zorgvuldig handelen houdt immers in dat de bestuurlijke overheid alle nodige
kennis verwerft over de relevante feitelijke gegevens. Deze feiten moeten zorgvuldig worden vastgesteld
en gewaardeerd. In casu gebeurde dit niet. Het is compleet onduidelijk op basis van welke informatie
verwerende partij de bestreden beslissing baseerde. Hieruit kan geconcludeerd worden dat verwerende
partij niet de vereiste minimuminspanning heeft geleverd om de nodige objectieve informatie te
verwerven over voorliggende zaak. Daarnaast werd ook de motiveringsplicht geschonden. De
motiveringsplicht gebiedt dat iedere bestuurshandeling gedragen wordt door motieven die in rechte en in
feite aanvaardbaar zijn en blijken, hetzij uit de beslissing zelf, hetzij uit het administratief dossier. De
motieven moeten bijgevolg minstens kenbaar, feitelijk juist en draagkrachtig zijn (dit wil zeggen de
beslissing rechtens kunnen dragen en verantwoorden). Dit impliceert dat de thans bestreden beslissing
steun moet vinden in de juridische en feitelijke elementen uit het dossier. De motiveringsplicht creëert
dus plichten voor het bestuur op het ontologische vlak van de besluitvorming. De zijnsgrond van het
besluit moet gedetermineerd zijn door een correcte toepassing van het toepasselijke materiële en
formele recht (juridische motieven) op de feiten uit de het administratief dossier. De motiveringsplicht
geeft dus vorm aan de ratio essendi van het besluit. De bestreden beslissing werd echter op gebrekkige
wijze gemotiveerd. Uit de ‘feiten’ die zich in het administratief dossier bevinden, kan men immers niet
concluderen dat verzoekster moet worden teruggedreven omwille van redenen van openbare orde. De
bestreden beslissing vindt dan ook geen steun in de juridische en feitelijke elementen in het dossier. Het
verzoek tot schorsing dient dan ook ontvankelijk en gegrond verklaard te worden. »).
3.3.2.2 L’appréciation
3.3.2.2.1 Sur le moyen unique, le Conseil rappelle que l’article 62, § 2, alinéa 1er
, de la loi du 15
décembre 1980 dispose que « Les décisions administratives sont motivées. Les faits qui les justifient
sont indiqués sauf si des motifs intéressant la sûreté de l'Etat s'y opposent ».
Les articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 disposent quant à eux respectivement que « Les actes
administratifs des autorités administratives visées à l'article premier doivent faire l'objet d'une motivation
formelle » et que « La motivation exigée consiste en l'indication, dans l'acte, des considérations de droit
et de fait servant de fondement à la décision. Elle doit être adéquate ».
CCE X - Page 7
L’article 4 de la loi du 29 juillet 1991 précise que « L'obligation de motiver imposée par la présente loi ne
s'impose pas lorsque l'indication des motifs de l'acte peut :
1° compromettre la sécurité extérieure de l'Etat;
2° porter atteinte à l'ordre public;
3° violer le droit au respect de la vie privée;
4° constituer une violation des dispositions de matière de secret professionnel. »
Le Conseil rappelle enfin que l’obligation de motivation formelle à laquelle est tenue l’autorité
administrative doit permettre au destinataire de la décision de connaître les raisons sur lesquelles se
fonde celle-ci, sans que l’autorité ne soit toutefois tenue d’expliciter les motifs de ses motifs (voir
notamment : C.E., arrêt 70.132 du 9 décembre 1997 ; C.E., arrêt 87.974 du 15 juin 2000). Il suffit, par
conséquent, que la décision fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de son
auteur afin de permettre au destinataire de la décision de comprendre les justifications de celle-ci et, le
cas échéant, de pouvoir les contester dans le cadre d’un recours et, à la juridiction compétente,
d’exercer son contrôle à ce sujet. Ce contrôle de légalité que le Conseil est amené à exercer dans le
cadre d’un recours en annulation, comme en l’espèce, consiste, d’une part, à vérifier que l’autorité
administrative n’a pas tenu pour établis des faits non étayés par le dossier administratif et, d’autre part,
à vérifier qu’elle n’a pas donné desdits faits une interprétation manifestement erronée.
3.3.2.2.2 En l’espèce, la décision attaquée se base sur l’article 34 du Règlement 810/2009/CE du
Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas
(code des visas) (ci-après : code des visas) – et non, comme le mentionne la partie défenderesse en
termes de note d’observations, sur l’article 3, alinéa 1er
, 2°, et alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980.
La décision attaquée fait référence à l’article 4, 1°, et 2°, de la loi du 29 juillet 1991 pour s’exonérer de
son devoir de motivation, lequel article dispose que :
« L'obligation de motiver imposée par la présente loi ne s'impose pas lorsque l'indication des motifs de
l'acte peut :
1° compromettre la sécurité extérieure de l'Etat ;
2° porter atteinte à l'ordre public;
[…] »
Le Conseil rappelle la teneur de l’arrêt n° 201.938 du Conseil d’Etat du 16 mars 2010 qui juge que « si
les motifs d’une décision peuvent, pour des raisons de sécurité, ne pas être exprimé [sic] dans l’acte en
application de l’article 4 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes
administratifs, cette dispositions [sic] ne dispense pas l’administration de fonder sa décision sur des
motifs pertinents et admissibles ; qu’en l’espèce le dossier administratif ne contient aucun élément
permettant au requérant – ni au Conseil d’État – de comprendre les motifs pour lesquels la demande
d’autorisation d’entrée en prison lui a été refusée ».
A cet égard, le dossier administratif dont dispose le Conseil ne contient qu’une note de la Sûreté de
l’Etat, intitulée « Routine », datée du 15 mars 2018. Cette note demande en substance à la partie
défenderesse d’examiner les possibilités de retrait du visa accordé à la requérante, dès lors que celle-ci
« représente un danger pour la sécurité nationale », sans plus ample information.
Par conséquent, le Conseil ne peut que constater, à l’instar de la partie requérante, que la motivation de
la décision attaquée, si elle se base sur l’article 4, 1°, et 2°, de la loi du 29 juillet 1991, ne lui permet pas
d’exercer son contrôle de légalité et d’examiner si l’administration s’est fondée sur des motifs pertinents
et admissibles, à défaut de toute autre information au dossier administratif.
Il appert dès lors que la partie défenderesse a failli à son obligation de motivation formelle et violé les
articles 2, 3 et 4 de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs et 62 de la
loi du 15 décembre 1980.
CCE X - Page 8
3.3.2.2.3 L’argumentation de la partie défenderesse, développée en termes de note d’observations,
n’est pas de nature à modifier les constats qui viennent d’être posés.
Elle y soutient que « le visa a été abrogé suite au courrier du 15/3/2018 de la Sûreté de l’Etat à la partie
défenderesse. Ce courrier figure au dossier administratif ainsi que d’autres documents, classés
confidentiels. La décision indique expressément qu’elle ne peut être motivée en faits car l’indication des
motifs de l’acte peut compromettre la sécurité extérieure de l’Etat et porter atteinte à l’ordre public. La
décision renvoie expressément à l’article 4, 1° et 2°, de la loi du 29 juillet 1991. […] L’article 62, §2,
alinéa 1, prévoit également « Les décisions administratives sont motivées. Les faits qui les justifient sont
indiqués sauf si des motifs intéressant la sûreté de l'Etat s'y opposent. » La partie défenderesse a donc
entendu faire usage, comme le lui permet la loi, de l’exception précitée lorsqu’elle a adopté ladite
décision. De plus, la partie défenderesse a fait usage de toute la diligence requise. En effet, il ne saurait
sérieusement lui être reproché d’avoir abrogé le visa de la partie requérante vu le courrier que lui a
adressé la sûreté de l’Etat le 28 mars 2018. La partie défenderesse a précisément agi comme une
administration prudente et diligente. Les dispositions et principes visés au moyen ne sont aucunement
violés. Le moyen n’est pas sérieux ».
A ce sujet, le Conseil constate que le dossier administratif ne contient qu’un courrier de la Sûreté de
l’Etat et non « d’autres documents, classés confidentiels », de sorte que l’argumentation de la partie
défenderesse manque en fait. Ensuite, le Conseil ne peut que renvoyer supra, au point 4.3.2.2.2, dès
lors que le fait de faire application de l’article 4, 1°, et 2°, de la loi du 29 juillet 1991 ne dispense pas la
partie défenderesse de fonder sa décision sur des motifs pertinents et admissibles, ce que le Conseil ne
peut, en l’espèce, vérifier.
3.3.3 Par conséquent, la deuxième condition cumulative est remplie.
3.4 Troisième condition : le risque de préjudice grave difficilement réparable
3.4.1 L’interprétation de cette condition
Conformément à l'article 39/82, § 2, de la loi du 15 décembre 1980, la suspension de l’exécution ne peut
être ordonnée que si des moyens sérieux susceptibles de justifier l’annulation de l’acte contesté sont
invoqués et à la condition que l’exécution immédiate de l’acte risque de causer un préjudice grave
difficilement réparable.
En ce qui concerne l’exigence qu’un risque de préjudice grave difficilement réparable soit démontré, la
partie requérante ne peut se limiter à des imprécisions et à des généralités. Elle doit, au contraire,
invoquer des éléments très concrets dont il ressort qu’elle subit ou risque de subir personnellement un
préjudice grave difficilement réparable. En effet, il doit être possible, pour le Conseil, d’estimer avec une
précision suffisante s’il existe un risque de préjudice grave difficilement réparable et, pour la partie
défenderesse, de se défendre à l’égard des faits et des arguments allégués par la partie requérante.
La partie requérante doit invoquer des éléments qui démontrent, d’une part, la gravité du préjudice
qu’elle subit ou risque de subir, ce qui signifie concrètement qu’elle doit donner des indications
concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent, d’autre part, le caractère
difficilement réparable du préjudice.
Il convient néanmoins de remarquer qu’un exposé sommaire peut être considéré comme conforme aux
dispositions de l’article 39/82, § 2, alinéa 1er
, de la loi du 15 décembre 1980 et de l’article 32, 2°, du
Règlement de procédure, si le préjudice grave difficilement réparable est évident, c’est-à-dire
lorsqu‘aucune personne raisonnable ne peut le contester, et donc également lorsque la partie
défenderesse, dont les dispositions légales et réglementaires susmentionnées visent à préserver le droit
à la contradiction, comprend immédiatement de quel préjudice il s’agit et peut, à cet égard, répondre à
l’exposé de la partie requérante (cf. C.E., 1er
décembre 1992, n° 41.247).
CCE X - Page 9
Il en va de même a fortiori si l’application exagérément restrictive ou formaliste de cette exigence avait
pour conséquence que la partie requérante, dans le chef de laquelle le Conseil a constaté prima facie à
ce stade de la procédure un grief défendable fondé sur la CEDH, ne peut obtenir le redressement
approprié exigé par l’article 13 de la CEDH.
Conformément à l’article 39/82, § 2, alinéa 1er
, de la loi du 15 décembre 1980, la condition du préjudice
grave difficilement réparable est, entre autre, remplie si un moyen sérieux a été invoqué sur la base des
droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en
vertu de l’article 15, alinéa 2, de la CEDH (articles 2, 3, 4, alinéa 1er
et 7 de la CEDH.)
3.4.2 L’appréciation de cette condition
Après des considérations théoriques sur le préjudice grave difficilement réparable, la partie requérante
allègue en substance que la requérante devra continuer à payer le loyer élevé de son appartement à
Bruxelles sans pouvoir y résider ; qu’elle a différents rendez-vous prévus avec des députés européens,
des partenaires commerciaux, des amis et connaissances qu’elle ne pourra pas honorer ; que son rôle
de présidente de l’Organisation internationale pour les médias africains, basée à Bruxelles, est
compromis et qu’elle sera gravement touchée dans ses activités professionnelles par la décision
attaquée.
(Traduction libre de : « De onmiddellijke tenuitvoerlegging van de bestreden beslissing zal verzoekster
een moeilijk te herstellen ernstig nadeel berokkenen. Verzoekster wenst te wijzen op rechtspraak van de
Raad van State waarin gesteld wordt dat een mogelijk nadeel voldoende is. Verzoekster meent dat zij
recht heeft op de procedurele waarborgen die voorzien worden in het Europees procesrecht. De vraag
dringt zich op of de voorwaarde van moeilijk te herstellen nadeel om te komen tot een schorsing bij
uiterst dringende noodzakelijkheid verenigbaar is met het recht van verzoeker op een effectief beroep.
Verzoekster meent dat een gewone schorsing en een gewone procedure tot nietigverklaring zodanig
lang zullen duren dat moeilijk kan gesteld worden dat het gaat om een effectief beroep. Verzoekster
meent dan ook dat gelet op het feit dat de huidige Vreemdelingenwet de Raad voor
Vreemdelingenbetwistingen niet toelaat de voorwaarde van “moeilijk te herstellen nadeel” te restrictief te
beoordelen daar er een risico bestaat dat er geen effectief rechtsmiddel meer voorhanden is. Ook de
beginselen van het Europees procesrecht voortvloeiende uit artikel 13 EVRM (recht op daadwerkelijk
rechtsmiddel), uit art. 47 van het Handvest en uit de rechtspraak van het Hof van Justitie zijn zelf
geschonden indien men zou overgaan tot een te restrictieve toepassing van de voorwaarde van een
moeilijk te herstellen en ernstig nadeel. De kern van dit recht is vervat in de ‘Rewe Comet doctrine’, die
inhoudt dat nationale rechtscolleges geen nationale procedureregel zullen tegenwerpen indien deze tot
gevolg zou hebben dat de effectiviteit van het EU-recht op onaanvaardbare manier wordt aangetast. Dit
Europeesrechtelijk principe wordt thans als de kern van het Europees recht beschouwd. Indien de
voorwaarde moeilijk te herstellen nadeel te restrictief wordt geïnterpreteerd is er sprake van het virtueel
onmogelijk of extreem moeilijk maken van het recht op beroep. De vermelde beginselen zijn van
toepassing op ‘eenieder’ die in confrontatie is met een staat die het EVRM en het Handvest
onderschreven heeft, in casu ook België. De niet-schorsing heeft onmiddellijke verregaande gevolgen
voor de professionele en psychische integriteit van verzoekster. De niet-schorsing brengt onmiddellijk
ernstige nadelen (er moet zelfs geen sprake zijn van schade) met zich mee. Zo dient verzoekster de
hoge huur van haar appartement in Brussel verder te betalen, zonder dat ze hier kan verblijven.
Verzoekster heeft verder verschillende afspraken gepland met Europarlementsleden, zakenpartners en
vrienden en kennissen. Door toedoen van de bestreden beslissing, zullen deze afspraken niet langer
door kunnen gaan. Daarnaast komt haar rol als voorzitter van de International Organisation for African
Media’, een organisatie gevestigd in Brussel, in het gedrang. Verzoekster kan moeilijk de leiding van
deze organisatie verder op zich blijven nemen, indien ze niet toegelaten wordt tot het Belgische
grondgebied. Verzoekster zal ernstig getroffen worden in haar professionele activiteiten. Uit het
voorgaande kan vastgesteld worden dat de uitvoering van de bestreden beslissing een moeilijk te
herstellen en ernstig nadeel inhoudt. »).
CCE X - Page 10
Le Conseil estime, au vu des circonstances particulières de l’extrême urgence et statuant prima facie,
que le préjudice ainsi allégué est suffisamment consistant, plausible et lié au sérieux du moyen. Il est
dès lors satisfait à la condition du préjudice grave difficilement réparable.
L’argumentation de la partie défenderesse dans sa note d’observations selon laquelle « Or, la partie
requérante doit démontrer in concreto que l'exécution de l'acte attaqué l'expose à un risque de préjudice
grave et difficilement réparable pertinent, actuel et non hypothétique. Tel n'est pas le cas en l'espèce.
De plus, le préjudice invoqué n’est ni grave, ni difficilement réparable. » et ses plaidoiries lors de
l’audience du 5 juin 2018 ne peuvent être suivies en l’espèce.
Par conséquent, la troisième condition cumulative est remplie.
3.5 Il résulte de ce qui précède que les conditions cumulatives sont réunies pour que soit accordée la
suspension de l’exécution de la décision d’abrogation de visa du 28 mars 2018.
4. Dépens
En application de l’article 39/68-1, § 5, alinéas 3 et 4, de la loi du 15 décembre 1980, la décision sur le
droit de rôle, ou son exemption, seront réglées le cas échéant à un stade ultérieur de la procédure.
PAR CES MOTIFS, LE CONSEIL DU CONTENTIEUX DES ETRANGERS DECIDE :
Article 1er
La suspension en extrême urgence de l’exécution de la décision d’abrogation de visa, prise le 28 mars
2018, est ordonnée.
Article 2
Le présent arrêt est exécutoire par provision.
Article 3
Les dépens sont réservés.
Ainsi prononcé à Bruxelles, en audience publique, le six juin deux mille dix-huit par :
Mme S. GOBERT, présidente f.f., juge au contentieux des étrangers,
Mme L. BEN AYAD, greffier.
Le greffier, La présidente,
L. BEN AYAD S. GOBERT

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  • 1. X Page 1 n° 204 918 du 6 juin 2018 dans l’affaire X / VII En cause : X ayant élu domicile : au cabinet de Maître K. VERSTREPEN Rotterdamstraat 53 2060 ANTWERPEN contre : l’Etat belge, représenté par le Secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration, chargé de la Simplification administrative LA PRESIDENTE F.F. DE LA VIIième CHAMBRE, Vu la requête introduite le 4 juin 2018, par X, qui déclare être de nationalité marocaine, tendant à la suspension, selon la procédure d’extrême urgence, de l’exécution d’une décision d’abrogation de visa, prise le 28 mars 2018. Vu le titre Ier bis, chapitre 2, section IV, sous-section 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. Vu l’article 39/82 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. Vu le titre II, chapitre II, de l’arrêté royal du 21 décembre 2006 fixant la procédure devant le Conseil du Contentieux des Etrangers. Vu le dossier administratif et la note d’observations. Vu l’ordonnance du 4 juin 2018 convoquant les parties à comparaître le 5 juin 2018 à 13h00. Entendu, en son rapport, S. GOBERT, juge au contentieux des étrangers. Entendu, en leurs observations, Me A. HAEGEMAN loco Me K. VERSTREPEN, avocat, qui comparaît pour la partie requérante, et Me S. ARKOULIS loco Me D. MATRAY, avocat, qui comparaît pour la partie défenderesse. APRES EN AVOIR DELIBERE, REND L’ARRET SUIVANT : 1. Les faits utiles à l’appréciation de la cause 1.1 Les faits sont établis sur la base des pièces du dossier administratif et de l’exposé que contient la requête. 1.2 Le 4 juin 2015, la requérante a introduit une demande de visa de court séjour (de type C), pour une entrée, auprès du consulat de Belgique à Casablanca.
  • 2. CCE X - Page 2 1.3 Le 29 septembre 2015, la requérante a introduit une demande de visa de court séjour (de type C), à entrées multiples, auprès du consulat de Belgique à Casablanca. 1.4 Le 10 octobre 2016, la requérante a introduit une demande de visa de court séjour (de type C), à entrées multiples, auprès du consulat de Belgique à Casablanca. 1.5 Le 14 octobre 2016, la requérante s’est vue délivrer un visa de type C, à entrées multiples, valable du 14 octobre 2016 au 16 décembre 2019 et ce, pour 90 jours. 1.6 Le 15 mars 2018, la Sûreté de l’État a envoyé une note à la partie défenderesse lui demandant d’examiner les possibilités de retrait du visa accordé à la requérante, dès lors que celle-ci « représente un danger pour la sécurité nationale ». 1.7 Le 28 mars 2018, la partie défenderesse a pris une décision d’abrogation du visa accordé à la requérante. Cette décision, qui lui a été notifiée le 30 mai 2018, constitue l’acte attaqué et est motivée comme suit : « Madame : […] […] X À la requête du délégué du Secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration, […] X votre visa numéro […], délivré le 14.10.2016. a été examiné le 28.03.2018. […] X Le visa a été abrogé La présente décision est motivée par la (les) raison(s) suivante(s) : […] 6 X un ou plusieurs États membres estiment que vous représentez une menace pour l’ordre public, la sécurité nationale ou la santé publique, au sens de l’article 2, point 21 du règlement (CE) n°2016/399 (code frontières Schengen), ou pour les relations internationales pour un ou plusieurs États membres (article 32, 1, a) VI et l’article 34, 1/2) du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13.07.2009 établissant un code communautaire des visas) Le visa n°[…] de l’intéressée a été abrogé le 28.03.2018. La décision ne peut être motivée en faits car l’indication des motifs de l’acte peut compromettre la sécurité extérieure de l’Etat et porter atteinte à l’ordre public (Art. 4, 1° et 2° de la loi du 29 JUILLET 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs). » 1.8 Le 29 mai 2018, la requérante est arrivée en Belgique en provenance du Maroc et a fait l’objet, le 30 mai 2018, d’une décision de maintien dans un lieu déterminé situé à la frontière. 1.9 Le 29 mai 2018, la partie défenderesse a pris une décision de refoulement (annexe 11) à l’encontre de la requérante. Cette décision lui a été notifiée le 30 mai 2018. Le 4 juin 2018, la partie requérante a introduit une demande de suspension, selon la procédure de l’extrême urgence, de l’exécution de ladite décision. Le recours est enrôlé sous le numéro CCE 220 753.
  • 3. CCE X - Page 3 2. Recevabilité de la demande de suspension Le Conseil du contentieux des étrangers (ci-après : le Conseil) constate que la partie requérante poursuit la suspension, selon la procédure d’extrême urgence, de l’exécution d’une décision d’abrogation de visa prise par la partie défenderesse. La partie défenderesse excipe, dans sa note d’observations, de l’irrecevabilité de la demande de suspension introduite selon la procédure d’extrême urgence. Elle estime que la procédure en extrême urgence n’est prévue que pour les cas limitatifs qui découlent de l’article 39/82, § 4, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, l'établissement, le séjour et l'éloignement (ci-après : la loi du 15 décembre 1980) et dès lors uniquement en cas de mesure d’éloignement ou de refoulement dont l’exécution est imminente. Etant donné l’arrêt du Conseil n° 188 829 prononcé le 23 juin 2017, en chambres réunies, qui relève deux lectures possibles de l’article 39/82, § 1er et § 4, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980, et la question préjudicielle posée, pour cette raison, à la Cour constitutionnelle dans cet arrêt, il y a lieu, dans l’attente de la réponse de la Cour, d’admettre provisoirement que l’exception d’irrecevabilité ne peut pas être retenue, et de poursuivre l’examen de la demande au regard des exigences de fond prévues par la loi du 15 décembre 1980. 3. Les conditions de la suspension d’extrême urgence 3.1 Les trois conditions cumulatives L’article 43, § 1er , alinéa 1er , de l’arrêté royal du 21 décembre 2006 fixant la procédure devant le Conseil du Contentieux des Etrangers (ci-après : le Règlement de procédure) stipule que, si l’extrême urgence est invoquée, la demande de suspension doit contenir un exposé des faits qui justifient cette extrême urgence. En outre, conformément à l'article 39/82, § 2, alinéa 1er , de la loi du 15 décembre 1980, la suspension de l’exécution d’un acte administratif ne peut être ordonnée que si des moyens sérieux susceptibles de justifier l’annulation de l’acte contesté sont invoqués et à la condition que l’exécution immédiate de l’acte risque de causer un préjudice grave difficilement réparable. Il résulte de ce qui précède que les trois conditions susmentionnées doivent être remplies cumulativement pour qu’une demande de suspension d’extrême urgence puisse être accueillie. 3.2 Première condition : l’extrême urgence 3.2.1 L’interprétation de cette condition Bien que les délais spécifiques prévus aux articles 39/85 et 39/82, § 4, de la loi du 15 décembre 1980 ne soient pas applicables à la requête dès lors que la décision attaquée ne consiste pas en une mesure d’éloignement dont l’exécution est imminente, il n’en demeure pas moins que la partie requérante doit justifier le recours à la présente procédure d’extrême urgence par une imminence du péril. A cet égard, il convient de rappeler que la demande de suspension d'extrême urgence prévue à l'article 39/82, § 1er , alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980, vise à empêcher que la suspension ordinaire et, a fortiori, l'annulation perdent leur effectivité (cf. C.E., 13 août 1991, n° 37.530). Tel que mentionné sous le point 3.1, l’article 43, § 1er , du Règlement de procédure stipule que, si l’extrême urgence est invoquée, la demande de suspension doit également contenir un exposé des faits qui justifient cette extrême urgence.
  • 4. CCE X - Page 4 Vu le caractère très exceptionnel et très inhabituel de la procédure de suspension en extrême urgence de l’exécution d’un acte administratif prévue par la loi du 15 décembre 1980 et vu la perturbation qu’elle cause dans le déroulement normal de la procédure devant le Conseil, en réduisant entre autres les droits de la défense de la partie défenderesse au strict minimum, l’extrême urgence de la suspension doit être clairement établie, c’est-à-dire être manifeste et à première vue incontestable. Afin de satisfaire à cette condition, des faits et des éléments doivent être invoqués ou ressortir de la requête ou du dossier administratif, démontrant directement que, pour avoir un effet utile, la suspension demandée doit être immédiatement ordonnée. Le défaut d’exposé de l'extrême urgence peut néanmoins être négligé lorsque cette exigence constitue une forme d’obstacle qui restreint l’accès de la partie requérante au tribunal, de manière ou à un point tel que son droit d’accès à un juge s’en trouve atteint dans sa substance même, ou en d’autres termes, lorsque cette exigence cesse de servir les buts de sécurité juridique et de bonne administration de la justice (jurisprudence constante de la Cour EDH : voir p.ex. Cour EDH, 24 février 2009, L’Erablière A.S.B.L./Belgique, § 35). 3.2.2 L’appréciation de cette condition Le caractère d’extrême urgence n’est pas contesté par la partie défenderesse, ni lors de l’audience du 5 juin 2018, ni en termes de note d’observations. Dans son exposé relatif à la justification de l’extrême urgence, la partie requérante explique en substance que la requérante est actuellement privée de sa liberté en vue de son éloignement, lequel est imminent (traduction libre de « Verzoekster verblijft momenteel in het gesloten centrum voor illegalen de Caricole met het oog op een gedwongen repatriëring. Verzoekster heeft dan ook een rechtstreeks belang bij de schorsing van de bestreden beslissing, aangezien de tenuitvoerlegging van de verwijderingsmaatregel imminent is.»). En l’espèce, le Conseil estime qu’eu égard à la nature de la décision attaquée, qui consiste en une abrogation d’un visa de court séjour, la partie requérante, privée de sa liberté en vue de son éloignement, et qui a agi avec diligence, satisfait à la condition de l’imminence du péril allégué. Par conséquent, la première condition cumulative est remplie. 3.3 Deuxième condition : les moyens d’annulation sérieux 3.3.1 L’interprétation de cette condition 3.3.1.1 Conformément à l'article 39/82, § 2, de la loi du 15 décembre 1980, la suspension de l’exécution ne peut être ordonnée que si des moyens sérieux susceptibles de justifier l’annulation de l’acte contesté sont invoqués et à la condition que l’exécution immédiate de l’acte risque de causer un préjudice grave difficilement réparable. Par « moyen », il y a lieu d'entendre la description suffisamment claire de la règle de droit violée et de la manière dont cette règle de droit est violée par la décision attaquée (C.E., 17 décembre 2004, n° 138.590 ; C.E., 4 mai 2004, n° 130.972 ; C.E., 1er octobre 2006, n° 135.618). Pour qu’un moyen soit sérieux, il suffit qu’à première vue et eu égard aux circonstances de la cause, il puisse être déclaré recevable et fondé et, dès lors, donner lieu à la suspension de l’exécution de la décision attaquée.
  • 5. CCE X - Page 5 3.3.1.2 En outre, il ressort des termes de l’article 39/82, § 4, alinéa 4, de la loi du 15 décembre 1980 qu’en présence d’un recours tel que celui formé en l’espèce, « Le président de la chambre ou le juge au contentieux des étrangers procède à un examen attentif et rigoureux de tous les éléments de preuve portés à sa connaissance, en particulier ceux qui sont de nature à indiquer qu’il existe des motifs de croire que l’exécution de la décision attaquée exposerait le requérant au risque d’être soumis à la violation des droits fondamentaux de l’homme auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui fait l’objet d’un contrôle attentif et rigoureux. ». 3.3.2 L’appréciation de cette condition 3.3.2.1 Le moyen La partie requérante prend un premier et unique moyen de la violation de l’obligation de motivation en tant que principe général de droit et comme énoncée à l’article 62 de la loi du 15 décembre 1980 et aux articles 2, 3 et 4 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs (ci- après : la loi du 29 juillet 1991) et du devoir de soin (traduction libre de : « Eerste en enig middel: Schending van de motiveringsplicht als algemeen rechtsbeginsel en zoals vervat in artikel 62 Vreemdelingenwet en artikel 2, 3 en 4 van de Wet van 29 juli 1991 betreffende de uitdrukkelijke motivering van bestuurshandelingen, schending van de zorgvuldigheidsplicht. »). Après des considérations théoriques sur l’obligation de motivation formelle et sur le devoir de soin, la partie requérante fait valoir en substance que si la partie défenderesse estime que la décision attaquée ne doit pas être motivée, faisant appel à l’article 4 de la loi du 29 juillet 1991, cette appréciation est trop courte ; que l’exception à la motivation formelle que la partie défenderesse invoque doit être interprétée strictement ; que la partie requérante ne comprend pas pourquoi la partie défenderesse a utilisé cette disposition ; qu’il n’y a aucune indication dans la décision attaquée ou dans le dossier administratif de ce que la sécurité extérieure de l’Etat peut être compromise ou de ce que l’ordre public peut être perturbé ; que la partie requérante peut seulement deviner sur la base de quelle information la partie défenderesse est arrivée à cette opinion ; qu’il est impossible de contrôler si l’information sur laquelle la partie défenderesse s’est basée est crédible et correcte ; que même la source de cette information n’est pas mentionnée ; qu’il n'apparaît nulle part que la partie défenderesse s'est basée sur une source faisant autorité pour conclure que la sécurité extérieure de l'État ou l'ordre public pourraient être compromis ; que la partie défenderesse a utilisé l’article 4 de la loi du 29 juillet mais a omis d’expliquer en quoi l’application de cet article est justifiée ; que cela rend tout contrôle par le Conseil impossible et crée un arbitraire complet ; qu’en l’espèce, il n’est pas possible de savoir si la décision attaquée est basée sur des motifs exacts, pertinents et admissibles en droit ; qu’il n’y en a aucune trace au dossier administratif ; qu’il est évident que l’établissement des faits est peu soigneux et que la partie défenderesse a décidé de manière non fondée qu’il existe des raisons d’ordre public justifiant l’éloignement de la partie requérante ; que la décision attaquée doit se fonder sur des éléments juridiques et factuels se trouvant dans le dossier administratif ; que l’obligation de motivation crée donc des obligations à l’administration au niveau ontologique de la prise de la décision ; que le fondement de la décision doit être déterminé par une application correcte du droit matériel et formel à appliquer (motifs juridiques) aux faits issus du dossier administratif ; que l’obligation de motivation donne donc forme à la ratio essendi de la décision ; que la décision attaquée n’est pas correctement motivée ; qu’il n’est pas possible de conclure que la partie requérante doit être refoulée pour des raisons d’ordre public en s’appuyant sur les « faits » qui se trouvent dans le dossier administratif ; que la décision attaquée ne trouve aucune justification dans les éléments juridiques et factuels du dossier et que la demande de suspension doit être déclarée recevable et fondée. (traduction libre de : « Verwerende partij meent dat de bestreden beslissing niet gemotiveerd dient te worden. Verwerende partij roept artikel 4 van de Wet van 29 juli 1991 betreffende de uitdrukkelijke motivering van bestuurshandelingen in, en stelt dat een uitdrukkelijke motivering van de bestreden beslissing de uitwendige veiligheid van de staat in het gedrang kan brengen en de openbare orde kan verstoren. Hiermee gaat verwerende partij echter te kort door de bocht.
  • 6. CCE X - Page 6 De uitzondering op de formele motiveringsverplichting die verwerende partij inroept, moet om te beginnen strikt geïnterpreteerd worden (zie Parl. St. Kamer, 1990-1991, nr. 1595/4, p. 2; zie ook P. LEWALLE, L’obligation de motiver: pour quels actes, in La motivation formelle des actes administratifs, Loi du 29 juillet 1991, Brugge, Die Keure, 1992, p. 114). Verzoekster begrijpt niet waarom verwerende partij zich op deze uitzonderingsbepaling beroept. In de bestreden beslissing en het administratief dossier is geen enkele indicatie terug te vinden die er op kan wijzen dat de uitwendige veiligheid van de staat in het gedrang kan komen, of dat de openbare orde kan verstoord worden. Verzoekster kan enkel maar raden op basis van welke informatie verwerende partij tot dit oordeel kwam (een buikgevoel?). Het is onmogelijk om te controleren of de informatie waarop verwerende partij zich baseert geloofwaardig en correct is. Zelfs de bron van deze informatie wordt niet vermeld. Nergens blijkt dat verwerende partij zich op een gezaghebbende bron baseerde om te concluderen dat de uitwendige veiligheid van de staat of de openbare orde in het gedrang kan komen. Verwerende partij beroept zich op artikel 4 van de Wet van 29 juli 1991, maar laat het na om te verduidelijken waarom de toepassing van dit artikel gerechtvaardigd is. Hierdoor wordt elke controle door Uw Raad onmogelijk, en ontstaat er complete willekeur. Relevant hierbij is de vaste rechtspraak van de Raad van State, waaruit het volgende blijkt: “Zelfs in de veronderstelling dat men zich in een van de gevallen van art. 4 Wet Motivering Bestuurshandelingen bevindt, waar de motieven niet in de akte moeten worden aangeduid, moet het administratieve dossier het toch mogelijk maken na te gaan of de aangevochten beslissing op exacte, relevante en rechtens toelaatbare motieven rust.” ‘(R.v.St, nr. 43.259 van 09.06.1993) In casu is het echter niet mogelijk om na te gaan of de bestreden beslissing op exacte, relevante en rechtens toelaatbare motieven rust. Elk spoor hiervan ontbreekt in het administratief dossier. Het is duidelijk dat er sprake is van een onzorgvuldige feitenvinding, en dat verwerende partij op ongefundeerde wijze besloot dat er redenen van openbare orde voorhanden zijn die het rechtvaardigen om verzoekster terug te drijven. Hierdoor beging verwerende partij om te beginnen een schending van de zorgvuldigheidsplicht. Zorgvuldig handelen houdt immers in dat de bestuurlijke overheid alle nodige kennis verwerft over de relevante feitelijke gegevens. Deze feiten moeten zorgvuldig worden vastgesteld en gewaardeerd. In casu gebeurde dit niet. Het is compleet onduidelijk op basis van welke informatie verwerende partij de bestreden beslissing baseerde. Hieruit kan geconcludeerd worden dat verwerende partij niet de vereiste minimuminspanning heeft geleverd om de nodige objectieve informatie te verwerven over voorliggende zaak. Daarnaast werd ook de motiveringsplicht geschonden. De motiveringsplicht gebiedt dat iedere bestuurshandeling gedragen wordt door motieven die in rechte en in feite aanvaardbaar zijn en blijken, hetzij uit de beslissing zelf, hetzij uit het administratief dossier. De motieven moeten bijgevolg minstens kenbaar, feitelijk juist en draagkrachtig zijn (dit wil zeggen de beslissing rechtens kunnen dragen en verantwoorden). Dit impliceert dat de thans bestreden beslissing steun moet vinden in de juridische en feitelijke elementen uit het dossier. De motiveringsplicht creëert dus plichten voor het bestuur op het ontologische vlak van de besluitvorming. De zijnsgrond van het besluit moet gedetermineerd zijn door een correcte toepassing van het toepasselijke materiële en formele recht (juridische motieven) op de feiten uit de het administratief dossier. De motiveringsplicht geeft dus vorm aan de ratio essendi van het besluit. De bestreden beslissing werd echter op gebrekkige wijze gemotiveerd. Uit de ‘feiten’ die zich in het administratief dossier bevinden, kan men immers niet concluderen dat verzoekster moet worden teruggedreven omwille van redenen van openbare orde. De bestreden beslissing vindt dan ook geen steun in de juridische en feitelijke elementen in het dossier. Het verzoek tot schorsing dient dan ook ontvankelijk en gegrond verklaard te worden. »). 3.3.2.2 L’appréciation 3.3.2.2.1 Sur le moyen unique, le Conseil rappelle que l’article 62, § 2, alinéa 1er , de la loi du 15 décembre 1980 dispose que « Les décisions administratives sont motivées. Les faits qui les justifient sont indiqués sauf si des motifs intéressant la sûreté de l'Etat s'y opposent ». Les articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 disposent quant à eux respectivement que « Les actes administratifs des autorités administratives visées à l'article premier doivent faire l'objet d'une motivation formelle » et que « La motivation exigée consiste en l'indication, dans l'acte, des considérations de droit et de fait servant de fondement à la décision. Elle doit être adéquate ».
  • 7. CCE X - Page 7 L’article 4 de la loi du 29 juillet 1991 précise que « L'obligation de motiver imposée par la présente loi ne s'impose pas lorsque l'indication des motifs de l'acte peut : 1° compromettre la sécurité extérieure de l'Etat; 2° porter atteinte à l'ordre public; 3° violer le droit au respect de la vie privée; 4° constituer une violation des dispositions de matière de secret professionnel. » Le Conseil rappelle enfin que l’obligation de motivation formelle à laquelle est tenue l’autorité administrative doit permettre au destinataire de la décision de connaître les raisons sur lesquelles se fonde celle-ci, sans que l’autorité ne soit toutefois tenue d’expliciter les motifs de ses motifs (voir notamment : C.E., arrêt 70.132 du 9 décembre 1997 ; C.E., arrêt 87.974 du 15 juin 2000). Il suffit, par conséquent, que la décision fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de son auteur afin de permettre au destinataire de la décision de comprendre les justifications de celle-ci et, le cas échéant, de pouvoir les contester dans le cadre d’un recours et, à la juridiction compétente, d’exercer son contrôle à ce sujet. Ce contrôle de légalité que le Conseil est amené à exercer dans le cadre d’un recours en annulation, comme en l’espèce, consiste, d’une part, à vérifier que l’autorité administrative n’a pas tenu pour établis des faits non étayés par le dossier administratif et, d’autre part, à vérifier qu’elle n’a pas donné desdits faits une interprétation manifestement erronée. 3.3.2.2.2 En l’espèce, la décision attaquée se base sur l’article 34 du Règlement 810/2009/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas) (ci-après : code des visas) – et non, comme le mentionne la partie défenderesse en termes de note d’observations, sur l’article 3, alinéa 1er , 2°, et alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980. La décision attaquée fait référence à l’article 4, 1°, et 2°, de la loi du 29 juillet 1991 pour s’exonérer de son devoir de motivation, lequel article dispose que : « L'obligation de motiver imposée par la présente loi ne s'impose pas lorsque l'indication des motifs de l'acte peut : 1° compromettre la sécurité extérieure de l'Etat ; 2° porter atteinte à l'ordre public; […] » Le Conseil rappelle la teneur de l’arrêt n° 201.938 du Conseil d’Etat du 16 mars 2010 qui juge que « si les motifs d’une décision peuvent, pour des raisons de sécurité, ne pas être exprimé [sic] dans l’acte en application de l’article 4 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, cette dispositions [sic] ne dispense pas l’administration de fonder sa décision sur des motifs pertinents et admissibles ; qu’en l’espèce le dossier administratif ne contient aucun élément permettant au requérant – ni au Conseil d’État – de comprendre les motifs pour lesquels la demande d’autorisation d’entrée en prison lui a été refusée ». A cet égard, le dossier administratif dont dispose le Conseil ne contient qu’une note de la Sûreté de l’Etat, intitulée « Routine », datée du 15 mars 2018. Cette note demande en substance à la partie défenderesse d’examiner les possibilités de retrait du visa accordé à la requérante, dès lors que celle-ci « représente un danger pour la sécurité nationale », sans plus ample information. Par conséquent, le Conseil ne peut que constater, à l’instar de la partie requérante, que la motivation de la décision attaquée, si elle se base sur l’article 4, 1°, et 2°, de la loi du 29 juillet 1991, ne lui permet pas d’exercer son contrôle de légalité et d’examiner si l’administration s’est fondée sur des motifs pertinents et admissibles, à défaut de toute autre information au dossier administratif. Il appert dès lors que la partie défenderesse a failli à son obligation de motivation formelle et violé les articles 2, 3 et 4 de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs et 62 de la loi du 15 décembre 1980.
  • 8. CCE X - Page 8 3.3.2.2.3 L’argumentation de la partie défenderesse, développée en termes de note d’observations, n’est pas de nature à modifier les constats qui viennent d’être posés. Elle y soutient que « le visa a été abrogé suite au courrier du 15/3/2018 de la Sûreté de l’Etat à la partie défenderesse. Ce courrier figure au dossier administratif ainsi que d’autres documents, classés confidentiels. La décision indique expressément qu’elle ne peut être motivée en faits car l’indication des motifs de l’acte peut compromettre la sécurité extérieure de l’Etat et porter atteinte à l’ordre public. La décision renvoie expressément à l’article 4, 1° et 2°, de la loi du 29 juillet 1991. […] L’article 62, §2, alinéa 1, prévoit également « Les décisions administratives sont motivées. Les faits qui les justifient sont indiqués sauf si des motifs intéressant la sûreté de l'Etat s'y opposent. » La partie défenderesse a donc entendu faire usage, comme le lui permet la loi, de l’exception précitée lorsqu’elle a adopté ladite décision. De plus, la partie défenderesse a fait usage de toute la diligence requise. En effet, il ne saurait sérieusement lui être reproché d’avoir abrogé le visa de la partie requérante vu le courrier que lui a adressé la sûreté de l’Etat le 28 mars 2018. La partie défenderesse a précisément agi comme une administration prudente et diligente. Les dispositions et principes visés au moyen ne sont aucunement violés. Le moyen n’est pas sérieux ». A ce sujet, le Conseil constate que le dossier administratif ne contient qu’un courrier de la Sûreté de l’Etat et non « d’autres documents, classés confidentiels », de sorte que l’argumentation de la partie défenderesse manque en fait. Ensuite, le Conseil ne peut que renvoyer supra, au point 4.3.2.2.2, dès lors que le fait de faire application de l’article 4, 1°, et 2°, de la loi du 29 juillet 1991 ne dispense pas la partie défenderesse de fonder sa décision sur des motifs pertinents et admissibles, ce que le Conseil ne peut, en l’espèce, vérifier. 3.3.3 Par conséquent, la deuxième condition cumulative est remplie. 3.4 Troisième condition : le risque de préjudice grave difficilement réparable 3.4.1 L’interprétation de cette condition Conformément à l'article 39/82, § 2, de la loi du 15 décembre 1980, la suspension de l’exécution ne peut être ordonnée que si des moyens sérieux susceptibles de justifier l’annulation de l’acte contesté sont invoqués et à la condition que l’exécution immédiate de l’acte risque de causer un préjudice grave difficilement réparable. En ce qui concerne l’exigence qu’un risque de préjudice grave difficilement réparable soit démontré, la partie requérante ne peut se limiter à des imprécisions et à des généralités. Elle doit, au contraire, invoquer des éléments très concrets dont il ressort qu’elle subit ou risque de subir personnellement un préjudice grave difficilement réparable. En effet, il doit être possible, pour le Conseil, d’estimer avec une précision suffisante s’il existe un risque de préjudice grave difficilement réparable et, pour la partie défenderesse, de se défendre à l’égard des faits et des arguments allégués par la partie requérante. La partie requérante doit invoquer des éléments qui démontrent, d’une part, la gravité du préjudice qu’elle subit ou risque de subir, ce qui signifie concrètement qu’elle doit donner des indications concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent, d’autre part, le caractère difficilement réparable du préjudice. Il convient néanmoins de remarquer qu’un exposé sommaire peut être considéré comme conforme aux dispositions de l’article 39/82, § 2, alinéa 1er , de la loi du 15 décembre 1980 et de l’article 32, 2°, du Règlement de procédure, si le préjudice grave difficilement réparable est évident, c’est-à-dire lorsqu‘aucune personne raisonnable ne peut le contester, et donc également lorsque la partie défenderesse, dont les dispositions légales et réglementaires susmentionnées visent à préserver le droit à la contradiction, comprend immédiatement de quel préjudice il s’agit et peut, à cet égard, répondre à l’exposé de la partie requérante (cf. C.E., 1er décembre 1992, n° 41.247).
  • 9. CCE X - Page 9 Il en va de même a fortiori si l’application exagérément restrictive ou formaliste de cette exigence avait pour conséquence que la partie requérante, dans le chef de laquelle le Conseil a constaté prima facie à ce stade de la procédure un grief défendable fondé sur la CEDH, ne peut obtenir le redressement approprié exigé par l’article 13 de la CEDH. Conformément à l’article 39/82, § 2, alinéa 1er , de la loi du 15 décembre 1980, la condition du préjudice grave difficilement réparable est, entre autre, remplie si un moyen sérieux a été invoqué sur la base des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, alinéa 2, de la CEDH (articles 2, 3, 4, alinéa 1er et 7 de la CEDH.) 3.4.2 L’appréciation de cette condition Après des considérations théoriques sur le préjudice grave difficilement réparable, la partie requérante allègue en substance que la requérante devra continuer à payer le loyer élevé de son appartement à Bruxelles sans pouvoir y résider ; qu’elle a différents rendez-vous prévus avec des députés européens, des partenaires commerciaux, des amis et connaissances qu’elle ne pourra pas honorer ; que son rôle de présidente de l’Organisation internationale pour les médias africains, basée à Bruxelles, est compromis et qu’elle sera gravement touchée dans ses activités professionnelles par la décision attaquée. (Traduction libre de : « De onmiddellijke tenuitvoerlegging van de bestreden beslissing zal verzoekster een moeilijk te herstellen ernstig nadeel berokkenen. Verzoekster wenst te wijzen op rechtspraak van de Raad van State waarin gesteld wordt dat een mogelijk nadeel voldoende is. Verzoekster meent dat zij recht heeft op de procedurele waarborgen die voorzien worden in het Europees procesrecht. De vraag dringt zich op of de voorwaarde van moeilijk te herstellen nadeel om te komen tot een schorsing bij uiterst dringende noodzakelijkheid verenigbaar is met het recht van verzoeker op een effectief beroep. Verzoekster meent dat een gewone schorsing en een gewone procedure tot nietigverklaring zodanig lang zullen duren dat moeilijk kan gesteld worden dat het gaat om een effectief beroep. Verzoekster meent dan ook dat gelet op het feit dat de huidige Vreemdelingenwet de Raad voor Vreemdelingenbetwistingen niet toelaat de voorwaarde van “moeilijk te herstellen nadeel” te restrictief te beoordelen daar er een risico bestaat dat er geen effectief rechtsmiddel meer voorhanden is. Ook de beginselen van het Europees procesrecht voortvloeiende uit artikel 13 EVRM (recht op daadwerkelijk rechtsmiddel), uit art. 47 van het Handvest en uit de rechtspraak van het Hof van Justitie zijn zelf geschonden indien men zou overgaan tot een te restrictieve toepassing van de voorwaarde van een moeilijk te herstellen en ernstig nadeel. De kern van dit recht is vervat in de ‘Rewe Comet doctrine’, die inhoudt dat nationale rechtscolleges geen nationale procedureregel zullen tegenwerpen indien deze tot gevolg zou hebben dat de effectiviteit van het EU-recht op onaanvaardbare manier wordt aangetast. Dit Europeesrechtelijk principe wordt thans als de kern van het Europees recht beschouwd. Indien de voorwaarde moeilijk te herstellen nadeel te restrictief wordt geïnterpreteerd is er sprake van het virtueel onmogelijk of extreem moeilijk maken van het recht op beroep. De vermelde beginselen zijn van toepassing op ‘eenieder’ die in confrontatie is met een staat die het EVRM en het Handvest onderschreven heeft, in casu ook België. De niet-schorsing heeft onmiddellijke verregaande gevolgen voor de professionele en psychische integriteit van verzoekster. De niet-schorsing brengt onmiddellijk ernstige nadelen (er moet zelfs geen sprake zijn van schade) met zich mee. Zo dient verzoekster de hoge huur van haar appartement in Brussel verder te betalen, zonder dat ze hier kan verblijven. Verzoekster heeft verder verschillende afspraken gepland met Europarlementsleden, zakenpartners en vrienden en kennissen. Door toedoen van de bestreden beslissing, zullen deze afspraken niet langer door kunnen gaan. Daarnaast komt haar rol als voorzitter van de International Organisation for African Media’, een organisatie gevestigd in Brussel, in het gedrang. Verzoekster kan moeilijk de leiding van deze organisatie verder op zich blijven nemen, indien ze niet toegelaten wordt tot het Belgische grondgebied. Verzoekster zal ernstig getroffen worden in haar professionele activiteiten. Uit het voorgaande kan vastgesteld worden dat de uitvoering van de bestreden beslissing een moeilijk te herstellen en ernstig nadeel inhoudt. »).
  • 10. CCE X - Page 10 Le Conseil estime, au vu des circonstances particulières de l’extrême urgence et statuant prima facie, que le préjudice ainsi allégué est suffisamment consistant, plausible et lié au sérieux du moyen. Il est dès lors satisfait à la condition du préjudice grave difficilement réparable. L’argumentation de la partie défenderesse dans sa note d’observations selon laquelle « Or, la partie requérante doit démontrer in concreto que l'exécution de l'acte attaqué l'expose à un risque de préjudice grave et difficilement réparable pertinent, actuel et non hypothétique. Tel n'est pas le cas en l'espèce. De plus, le préjudice invoqué n’est ni grave, ni difficilement réparable. » et ses plaidoiries lors de l’audience du 5 juin 2018 ne peuvent être suivies en l’espèce. Par conséquent, la troisième condition cumulative est remplie. 3.5 Il résulte de ce qui précède que les conditions cumulatives sont réunies pour que soit accordée la suspension de l’exécution de la décision d’abrogation de visa du 28 mars 2018. 4. Dépens En application de l’article 39/68-1, § 5, alinéas 3 et 4, de la loi du 15 décembre 1980, la décision sur le droit de rôle, ou son exemption, seront réglées le cas échéant à un stade ultérieur de la procédure. PAR CES MOTIFS, LE CONSEIL DU CONTENTIEUX DES ETRANGERS DECIDE : Article 1er La suspension en extrême urgence de l’exécution de la décision d’abrogation de visa, prise le 28 mars 2018, est ordonnée. Article 2 Le présent arrêt est exécutoire par provision. Article 3 Les dépens sont réservés. Ainsi prononcé à Bruxelles, en audience publique, le six juin deux mille dix-huit par : Mme S. GOBERT, présidente f.f., juge au contentieux des étrangers, Mme L. BEN AYAD, greffier. Le greffier, La présidente, L. BEN AYAD S. GOBERT