La vague du siècle s'amplifie - Institut Esprit Service - Juin 2016
1. La vague du siècle
s’amplifie !
Agilité, Culture, Générations,
Mutations, Talents
Juin 2016
2. 2
Avant-propos............................................................................................... P 3
Agilité, culture, générations, mutations, talents … défis et réponses....
Hervé Frapsauce, président Institut Esprit Service
Tribune .............................................................................................................................. P 4
Pas de vague sans mouvement de fond
Eric Fimbel, conseiller scientifique Institut Esprit Service
Partie 1.................................................................................................................................. P 5
Mutations de l'entreprise quelles réalités ?
Humain, culture, management, modèle
Partie 2 ............................................................................................................................... P 12
Réconcilier Humain et digital dans l'entreprise pour plus d'agilité
Partie 3................................................................................................................................. P 17
Compétences, comportements, motivations, talents …
sortons des slogans !
Partie 4 ............................................................................................................................... P 22
Valeurs, Labs, Co-working, droit à l'expérimentation,
lien social, transformation culturelle
Contributions.................................................................................................................. P 26
Institut Esprit Service............................................................................................ P 28
Sommaire
3. 3
Avant-propos
I AGILITÉ, CULTURE, GÉNÉRATIONS, MUTATIONS,TALENTS …
DÉFIS ET RÉPONSES I
La vague du siècle s'amplifie ! Jamais, le défi de l'agilité n'a autant été posé aux dirigeants,
et par ricochet la nécessité d'entreprendre les mutations culturelles et des modèles
dictées par notre environnement devenu imprédictible. De même, jamais l'urgence de
mettre en place des réponses concrètes au service du business ne s'est autant imposée
au top management et à l'ensemble du corps social. Enfin, comme un paradoxe, jamais
l'intégration du long terme dans la prise de décision n'est apparue aussi essentielle à un
moment où le dirigeant jongle avec l'urgence de l'action.
Plusieurs tendances émergent de nos derniers travaux, plus de 80 entretiens individuels
auprès de dirigeants et experts, observations et analyses. En premier lieu, l'attention à
la personne et au sens donné revient en force, au cœur même du modèle, dans l'intérêt
de l'entreprise, et c'est plutôt rassurant en soi. Ce qui l'est moins est le fait que cela
devrait être une constante managériale intemporelle, déclinée dans le leadership et les
pratiques, et que cela est bien loin de l'être partout. L'enjeu de la modernité managériale
est ici considérable.
En second lieu, les organisations classiques sont à bout de souffle… mais elles en sont
en majorité conscientes. L'heure est à la fragmentation, au maillage, à la circularité
pour des entreprises en lutte contre la déresponsabilisation et les conservatismes qui
la fragilisent. L'esprit numérique peut y aider en s'appuyant sur des modes collaboratifs
renouvelés qui favorisent la Co-construction, la diversité et l'intergénérationnel et créent
la confiance.
Troisième constat, l'accès généralisé à l'information accélère la diffusion du sociétal
dans l'entreprise, sans barrières ni tabous, à l'exemple des valeurs modernes telles que
partage, générosité, responsabilité, diversité, autonomie, transparence, bienveillance,
en se focalisant sur un nouvel état d'esprit, une rupture affichée dans les mentalités et
les comportements. Le défi est bien là de porter et diffuser ces valeurs par tout temps,
ensoleillé ou en pleine tempête !
A travers cette nouvelle publication préparée par deux de nos Commissions « Agilité »
et « Lien social & Transformations internes », l'Institut Esprit Service poursuit grâce à ses
adhérents que je remercie ici ce travail de fond de décryptage prospectif et d'aide à
la mise en œuvre des mutations de tous ordres au sein des organisations, publiques et
privées.
Bonne lecture !
Hervé Frapsauce
Président Institut Esprit Service
Directeur général MMA
4. 4
TRIBUNE
I PAS DE VAGUE SANS MOUVEMENT DE FOND I
Les marins savent que la vague est un phénomène de surface, visible, éphémère… mais une vague
ne nous dit rien du mouvement de fond qui la provoque : mouvement de plaques tectoniques,
opposition entre vent et courant, … ? Essayer de discerner ce qui structure des mouvements de
fond demande de ne pas confondre la vague avec les forces qui la provoquent et la structurent.
Les façons rapides et inédites avec lesquelles nous avons, consciemment ou non, inséré ce fameux
« digital » dans nos vies individuelles et collectives ne nous donnent pas la réponse à l'essentielle
et redoutable question : dans nos organisations, comme aux échelons individuels ou planétaires,
quelles vigilances positives devons-nous activer, sans complaisance ni aveuglement, pour ne pas
prendre l'écume pour la lame de fond, pour ne pas laisser aux générations arrivantes une facture
économique, humaine, environnementale et sociétale insoutenable qui serait alors le vrai tsunami
du siècle ?
Les 19ème et 20ème siècles ont été bercés par l'illusion que nos erreurs et nos prédations sur
le monde étaient réparables, réversibles grâce à une foi naïve autant que partagée dans la
technique et les technologies et une infinie liberté de puiser dans toutes les ressources, que
nous les nommions humaines ou naturelles. Nos réflexions ne (nous) seront utiles que si elles
s'affranchissent des dogmes, surtout ceux que nous prenons pour des évidences intangibles.
Cette capacité d'interrogation est et doit rester la marque de fabrique de tout « think tank » digne
de ce nom, y compris et surtout pour ce qui en dérange les certitudes établies de ses membres.
Eric Fimbel
Conseiller scientifique INSTITUT ESPRIT SERVICE
Docteur en sciences de gestion, professeur NEOMA et membre LIRSA CNAM PARIS
6. 6
Les modèles actuels sont dépassés. Projetons-nous quelques instants dans 5 ans, grosso modo
sur la période 2020/2025. L'entreprise tend à devenir plus humaine, plus réceptive aux émotions
et à la dimension sociétale qui ne s'arrête plus à ses portes. Pour résister à la pression de
son environnement, elle gagne en agilité, apprend à accueillir en son sein dans les meilleures
conditions la génération de l'an 2000, facilite le travail à plusieurs en mode projet, est un lieu
vecteur de ruptures, accepte d'être revisitée, redessinée, remodelée…
Or, nos entretiens ont mis en évidence la réalité de ces enjeux, plusieurs éléments étant soulignés
ici : le besoin renforcé de sens en pratique, incarné et porté par le management, l'irruption de
l'émotion dans l'entreprise, ce qui ne sera pas sans conséquence sur les cultures des organisations,
l'évolution des modes de fonctionnement, les approches des écosystèmes et marchés, les
interactions avec les clients. Dans le quotidien de ce qu'est la vie d'une entreprise et de ses
collaborateurs, l'on touche aux limites actuelles des modes d'organisation très hiérarchiques et
stratifiés, des pratiques managériales très autocrates et fondées sur le principe hiérarchique, des
frontières mêmes de l'entreprise remises en cause avec l'importance progressivement comprise
de la prise en compte des écosystèmes dans la prise de décisions de nature stratégique ou
managériale.
De même, l'irruption dans le monde professionnel des générations Y, Z ou Millenials, quels que
soient les noms adoptés, change fondamentalement la donne en apportant de la fraîcheur et des
idées nouvelles, plus de diversité, des jeunes formés et recrutés autrement, avec de nouvelles
méthodes pédagogiques et de sourcing complémentaires des approches traditionnelles. Pour
mettre en musique cette entreprise adaptée à son contexte économique, social mais aussi sociétal,
les ressources humaines, certains parleront de l'actif Humain, en sont le levier fondamental qui
doivent favoriser l'agilité à tous les niveaux, toutes les strates, toutes les circularités… mais
comment faire concrètement ?
Frédéric Lippi, président LIPPI
C'est au dirigeant de faire le premier pas. Il
doit s'engager dans la logique de confiance,
partir du principe que tout le monde est
adulte… or ce n'est pas totalement vrai tout
le temps. Il faut faire émerger une vision
commune, un modèle social sur le vivre
ensemble.
Frédéric Thomas, directeur général
CREDIT AGRICOLE ASSURANCES
Les collaborateurs ne supportent plus qu'on
leur raconte des histoires. Ils sont éclairés
et savent pertinemment que nous sommes
dans un monde difficile. Il faut faire le pari
de l'intelligence et tout dirigeant a ce devoir
de vérité.
/ Les insuffisances dans le management
fragilisent la cohésion dans l'entreprise /
Plusieurs facteurs d'explications sont
relevés dans nos entretiens, celui de
l'hétérogénéité des lieux de l'entreprise,
nombre d'implantations, éloignement vis-à-vis
du siège, qui ne favorisent pas le présentiel,
absence que la diffusion de l'information sur
les grandes évolutions de la vie de l'entreprise
et la mise en place de medias sociaux internes
ne compensent pas ;
L'inadaptation des pratiques managériales,
avec des premiers niveaux finalement assez
peu managers dans l'âme, qui ne pratiquent
que fort peu des entretiens de management et
sont éloignés des réalités de terrain.
/ Un besoin de management
cellulaire y compris dans les grandes
organisations /
L'esprit de corps se retrouve dans des
petites unités de 5/10 personnes qui vivent
au quotidien ensemble, et qui se sentent
peu concernés par les opérations de nature
7. 7
stratégique qui se passent « au-dessus de
leurs têtes ». La réussite de l'entreprise tient
à la capacité du management à embarquer
ses collaborateurs, à les rendre extrêmement
compétents quels que soient les contextes,
à créer la confiance et la cohésion collective,
à apporter la sérénité dans l'action pour que
chacun donne le meilleur de lui-même, au profit
de l'entreprise.
/ Le concept de l'entreprise libérée,
mode ou réalité profonde ? /
En 1993, Tom Peters écrivait « L'entreprise
libérée : libération, management ». Le concept
n'est donc pas nouveau mais il est réapparu
depuis 5 ans dans la littérature managériale
avec de nombreux titres, fruits d'expériences
de dirigeants ou de réflexions de consultants
et d'enseignants. Et nous assistons dans la
presse spécialisée et sur les réseaux sociaux
à des débats d'experts nourris de querelles
sémantiques. Alors quel constat pouvons-nous
faire ?
Aujourd'hui dans un environnement
réglementaire complexe, le dirigeant
est confronté à de nombreux défis :
mondialisation des échanges,
transformation digitale, arrivée des
nouvelles générations. Et pour y faire face,
il doit ajuster l'organisation de son entreprise
et ses modes de régulation interne et externe.
Au-delà des mots et des débats, des tendances
fortes se dégagent :
>> Les nouvelles générations attendent
un autre positionnement managérial,
moins hiérarchique et plus ressource,
en support. Elles ne sont pas réellement
moins engagées que les précédentes mais
elles sont plus exigeantes notamment en
termes de responsabilité sociétale. Elles
veulent pouvoir progresser rapidement.
>> La révolution digitale modifie les
relations à l'autorité, l'information
n'étant plus source de pouvoir en raison
d'une accessibilité diverse. L'apparition
des réseaux sociaux, qu'ils soient internes
ou externes, crée des communautés de
compétences ou d'intérêts.
Eric Dodin, directeur général FRAIKIN
Le leader de demain sera capable d'insuffler
auprès de chaque collaborateur l'esprit de
croissance, parce qu'il saura incarner au
mieux la culture de l'entreprise qu'il dirige.
Lui-même agile, lucide et audacieux à bon
escient, il devra faire preuve de simplicité en
tant que personne et faciliter la vie de ses
équipes. L'expression claire du cadre de jeu
est la condition préalable à la libération des
énergies et leurs mises en connexion au sein
de l'entreprise.
/ Une ré-interrogation forte des modes
de management /
Dans ce contexte, une grande majorité des
entreprises s'interrogent sur leurs modes de
management et elles doivent bien souvent
créer leur propre processus managérial pour
répondre à ces défis. C'est le défi majeur des
équipes dirigeantes. Dans cette réflexion, deux
dimensions apparaissent particulièrement
importantes : la capacité à développer
une vision partagée et le développement
de l'autonomie des équipes fondé sur le
principe de la confiance.
Les mutations de nos environnements
bouleversent nos organisations et font
apparaître un manque de sens… et donc une
recherche de sens. La création d'une vision
partagée devient plus que jamais nécessaire.
Les collaborateurs informés par de multiples
canaux sont, pour la plupart, parfaitement
conscients de la réalité à laquelle leur entreprise
est confrontée. La vision leur permet de trouver
le sens pour y faire face avec intelligence et
respect de l'intérêt général.
Cette vision se traduira par une stratégie
efficace si la confiance prédomine à tous les
niveaux dans l'exécution. Cette confiance
doit se traduire concrètement dans des
changements de postures managériales et
dans la volonté de développer les compétences
des équipes. Ce n'est plus alors tant l'entreprise
qui est « libérée » que chaque personne qui,
nourrie de la vision et forte de la confiance,
peut agir pleinement pour le bien de ses clients.
8. 8
/ Quelques verbatims recueillis lors de
nos entretiens /
)) « On mise beaucoup plus sur la génération
intermédiaire qui questionne et ne balaie
pas d'un revers de manche le sujet de
l'équilibre des individus. On facilite l'accès
à la formation utile et à l'accompagnement
personnalisé. On crée les conditions de la
performance »
)) « Le manager de proximité est la pièce
essentielle pour conduire la transformation…
donner le sens. C'est au président d'en
incarner les valeurs. »
)) « Peu importe que le manager soit
opérationnel ou pas ; il devra travailler en
transversal, avec des équipes plus restreintes.
Il va manager en mode écosystème… »
)) « Le mode de management hiérarchique
est de plus en plus remis en question et
crée autour de lui un certain nombre de
souffrances que l'on ne mesure pas toujours
et qui entrainent un désengagement des
collaborateurs…. Le manager n'a pas
seulement une fonction de pilotage de la
performance, il en a deux autres tout aussi
importantes : le leadership (il doit porter le
sens) et le développement des personnes. »
/ Les limites des organisations actuelles /
Beaucoupd'entreprisespeuventprogressivement
perdre leur capacité de se maintenir sur leurs
marchés. En partie à cause de la trop forte
influence des orientations stratégiques qu'elles
se fixent, et souvent par souci de se concentrer
exclusivement sur leur cœur de métier, ou core
business. Leur stratégie se fonde autour de ce
qui a fait leur succès. Elles sont convaincues que
renforcer et exploiter leur socle de compétences
est la meilleure façon de garantir la croissance.
Par conséquent, elles ne traitent que les
opportunités business qui cadrent avec leurs
compétences de base, en privilégiant court
terme au moyen et long terme.
/ Court terme et manque d'audace /
Ce modèle stratégique est donc souvent borné
par ces compétences, et leurs traductions
concrètes en ressources mobilisables (cash,
hommes, moyens industriels…). Dès lors, les
entreprises privilégient essentiellement les
opportunités qui permettent une utilisation
optimisée de ces ressources. Sous la pression des
objectifs de profit à court terme des actionnaires,
leur stratégie vise à l'obtention de résultats
financiers également à court terme. Elles dédient
leurs ressources aux marchés et clients actuels
plutôt que d'investir sur des croissances à long
terme.
Ces entreprises se restreignent la plupart du
temps à des innovations « évolutives », donc des
améliorations incrémentales sur des produits
et services existants qu'elles commercialisent
auprès de clients existants sur des marchés
existants. Elles visent à maintenir, et idéalement
renforcer leur position sur ces marchés. En
dédaignant les innovations disruptives plus
risquées, qui pourraient pourtant apporter plus de
retour sur investissement à terme. Elles peuvent
aussi craindre que ces innovations fassent
concurrence aux produits existants et détruisent
les marchés existants. Ce qui est pourtant
déjà la réalité … venue de la concurrence
plus entreprenante. L'évolution des marchés,
la révolution numérique et de nombreuses
mutations économiques et culturelles rendent
cette approche frileuse très dangereuse, parce
qu'elle ossifie les organisations, en la privant de la
souplesse indispensable pour écouter et attraper
nouvelles opportunités qui forgeront leur avenir.
/ Les entreprises agiles,en revanche,sont
gouvernées par d'autres principes. /
Leur stratégie vise principalement à capturer
de nouvelles opportunités pour renouveler et
développer leur business. Elles ne se limitent
pas à la définition historique des compétences
de base de l'entreprise, réalisant que de le faire
limite leurs possibilités. Elles sont axées sur les
clients, elles anticipent et créent des besoins
avec ces clients plutôt que de se contenter de
réagir à leurs besoins. La performance à long
terme est privilégiée, même au détriment de
la performance à court terme. L'innovation
est une priorité, et notamment l'innovation
disruptive qui leur permet de mener des
mutations radicales autour de nouvelles
opportunités commerciales en exploitant
les nouvelles technologies. Elles cherchent à
9. 9
marginaliser leurs concurrents en créant de
nouveaux marchés ou en créant une nouvelle
croissance sur les marchés existants. Et pour
porter cette dynamique, elles incitent leurs
collaborateurs à être plus entreprenants.
/ L'Agilité dans nos organisations : du
choix à la mixité /
Nos organisations sont donc tiraillées entre
deux exigences. D'un côté, il y a le nécessaire
renforcement des mesures de normalisation,
globalisation, contrôle des risques, maîtrise de
dépenses, conformité, restriction des niveaux
de délégation… tout un ensemble de carcans
diront certains, qui peuvent accompagner la
croissance par la réutilisabilité des bonnes
pratiques, et améliorer la compétitivité par la
réduction des dépenses et des risques. Sans
oublier le résultat à court terme qu'attendent
les actionnaires.
À l'opposé, pour ne pas dire en opposition,
il y a la nécessaire souplesse, ou « agilité »,
qui puisse rendre cette organisation fertile
pour l'innovation, et idéalement l'innovation
disruptive. Et une agilité qui facilite
l'adaptation rapide aux changements du
marché, pour amener plus de flexibilité par
rapport aux contextes (pays, cultures, types
de clients…), et pour attirer des talents dans
les nouvelles générations …etc. En d'autres
termes, il faut ancrer l'organisation sur
des fondements solides et vitaux pour
optimiser et fiabiliser le fonctionnement.
Mais il faut simultanément accepter
plus d'espaces de liberté pour créer de
la valeur sur de nouveaux territoires ou
savoir vite s'adapter en ayant anticipé les
changements.
L'année dernière, la première étude de la
commission Agilité commençait par un éditorial
d'Hervé Frapsauce qui titrait « du cachalot à
l'otarie ! ». L'image est bien rendue. Elle est
pourtant ambitieuse. Elle suggère en effet
d'aborder le sujet comme une alternative (l'un
ou l'autre) ou un chemin (de l'un vers l'autre).
La complexité est probablement liée au fait
qu'il faut pouvoir gérer une cohabitation entre
l'existant et l'agilité (l'un et l'autre). Il en est des
organisations comme des hommes. Sur l'île
de Vanuatu, on dit que tout homme est tiraillé
entre deux besoins. Le besoin de la Pirogue,
donc le désir du voyage et de l'aventure ou de
la conquête, et le besoin de l'Arbre, c'est-à-dire
de l'enracinement et de l'identité. Le mythe
local raconte que les hommes oscillent entre
ces deux aspirations choisissant tantôt l'une,
tantôt l'autre, jusqu'à ce qu'ils comprennent
que c'est avec l'Arbre qu'on fabrique la Pirogue.
/ Dilemme des espaces d'agilité
cohérents avec les organisations en
place /
L'enjeu est effectivement de réussir à construire
les espaces d'agilité, tout en restant en
cohérence avec les organisations existantes, et
en utilisant leur matière. Par exemple, pour plus
d'innovation, et pour de l'innovation disruptive,
on peut créer des laboratoires, des cercles
d'innovation, des ateliers de design thinking,
des spin-off, des structures d'entrepreneuriat
interne … mais à chaque fois les moyens,
l'assistance, le pilotage et la supervision de
l'organisation tout entière doivent entourer et
soutenir le projet. C'est une différence majeure
par rapport aux jeunes pousses qui ne trouvent
trop souvent dans leur environnement que
des supports de nature financière. La Pirogue
d'agilité a donc besoin de la matière de l'Arbre
de l'organisation qui lui fournit la matière.
Ensuite, l'agilité ne vise pas à porter atteinte
aux processus, ERPs, normes, et tous les
autres tuteurs qui entourent le développement
classique du business. Elle doit permettre de
s'en abstraire autant que de besoin, mais pas
plus que de besoin et dans des périmètres
bornés. La question essentielle qui prévaut
est le temps, et surtout la vitesse. L'espace
d'agilité doit avant tout favoriser la vitesse
d'exécution et la vitesse d'adaptation. Et
l'organisation doit favoriser l'agilité parce que
la création de richesses passe par cet élan et
cette vitesse. L'existant seul est un ancrage
stérile s'il ne permet pas l'agilité qui assurera ses
lendemains. Donc l'Arbre fabrique son avenir à
travers les Pirogues.
10. 10
Patrick Dugué, SOCIETE DUGUE
L'adaptation de l'immobilier commercial au
e-commerce est une illustration d'agilité.
Du côté des bailleurs : l'immobilier commercial
se valorise d'abord par le flux de clients
auquel il donne accès. L'e-commerce pousse
à quantifier de plus en plus précisément
cette donnée pour les locaux commerciaux
avec une valeur d'un emplacement qui
s'appuie de plus en plus sur des mesures
objectives de sa zone de chalandise, et fait
passer au second plan les m2
. Du côté des
entreprises: la marque s'impose comme
l'acteur clef du développement commercial:
c'est elle qui ouvre la voie à de nouveaux
produits, décide du modèle de distribution
(magasin en propre ou non), et draine le flux
de clients ; tout passe par la marque, avant
le lieu de vente physique. L'agilité repose sur
l'écoute des clients et la capacité à se mettre
en phase avec eux», les modes passent
vite, il fait savoir rapidement s'approprier les
nouvelles.
/ Encourager la culture entrepreneuriale,
entre collaboration et droit à l'erreur /
Les entreprises agiles favorisant la culture
entrepreneuriale s'attachent à créer un
climat propice à l'initiative et l'innovation en
prenant soin de diffuser cinq bonnes pratiques
essentielles :
)) Evaluer surtout la performance, en
créant un environnement qui valorise la
performance et l'atteinte d'objectifs difficiles.
Elles récompensent l'audace que les
collaborateurs déploient leur niveau et dans
leur compartiment de jeu : gagner contre un
concurrent, réussir un challenge technique,
réduire considérablement un coût…
)) Innover mais jusqu'à l'action : elles
encouragent la créativité et le comportement
entrepreneurial par la promotion de la
recherche constante de nouvelles idées et
opportunités d'affaires. Mais en reconnaissant
cependant que la créativité et l'innovation ne
suffisent pas. La vraie valeur est produite par
la transformation des idées en action, en time
to market notamment, donc en résultats.
)) Décider en gérant les risques : elles
soutiennent la prise de risque calculée,
considérant qu'on ne peut gagner qu'en
risquant de perdre. Il vaut donc mieux
encourager la gestion des risques plutôt que
la réduction des risques, et ne pas craindre
l'échec. Par conséquent, les principes de
management doivent être fondés sur une
volonté de prendre des décisions.
)) Protéger malgré l'échec : elles protègent
les collaborateurs entreprenants face à
l'échec sans donner l'impression que seuls
les gagnants sont promus. L'échec est
considéré comme un résultat évitant les
mêmes erreurs à l'avenir.
)) Collaborer en partageant : elles
encouragent le travail d'équipe et favorisent
un sentiment de communauté et de confiance
mutuelle, pour collaborer sans la contrainte
des statuts personnels et des frontières
organisationnelles. Elles libèrent la circulation
de l'information nécessaire à l'entrepreneuriat
et à l'innovation, et encouragent les
individus à partager les connaissances et les
compétences.
Gaétan de L'Hermite, président directeur
général COMPASS GROUP FRANCE
Nous mettons l'émotion au coeur de
notre proposition de valeur. Nos équipes
construisent au quotidien une relation
affective avec nos convives pour créer un
lien de loyauté avec ces derniers et donner
du sens au service rendu. L'ADN de notre
entreprise fait une place grandissante à
cette dimension humaine. C'est un vecteur
fort de différenciation sur le marché et une
opportunité majeure pour booster l'adhésion
et l'engagement de nos collaborateurs.
11. 11
/ Place à l'émotion dans l'entreprise /
Le projet Aristote que Google a lancé en 2012
pour comprendre ce qui faisait l'efficacité d'une
équipe conforte cette perception. Après avoir
effectué toutes les analyses statistiques sur la
composition des 100 équipes concernées par
le projet, les responsables ont mis en évidence
les 5 critères clés : la sécurité psychologique
au sein de l'équipe permettant une expression
libre, la Co-dépendance entre les membres, la
clarté des structures et des buts, le sens et enfin
l'impact. Et la sécurité psychologique arrive
nettement en tête, confirmant l'importance des
émotions dans l'efficacité collective et donc
pour l'entreprise.
Pour autant, l'angélisme n'est pas de mise
car la clarté des structures et des buts ou
l'impact de l'action de l'équipe invitent à
une mesure réelle des actions engagées.
Il convient donc de définir les indicateurs,
quantitatifs et qualitatifs, qui permettront à
l'équipe de contrôler l'efficacité de son action
au service de l'enjeu collectif de l'entreprise. La
dimension financière de la mesure, si elle reste
fondamentale, est alors complétée par d'autres
dimensions (enchantement client, bien-
être au travail, innovation, digitalisation…).
Chaque équipe a alors la capacité à mesurer
l'impact de son activité dans la réalisation du
projet d'entreprise et à engager un dialogue
responsable avec le reste de l'entreprise.
Dominique Buttin, directeur général
RADIALL
Il faut changer le paradigme en partant du
principe de la confiance. S'il y a une vision
partagée, je suis convaincu que cela suivra
naturellement.
13. 13
Il nous est apparu essentiel d'analyser les impacts de l'irruption du numérique dans les
organisations, entreprises ou sphère publique, et les interactions entre Humain, au sens
large, et solutions digitales disruptives.
Le numérique est un pas supplémentaire de
l'irruption de la machine dans les activités
humaines : après l'agriculture et la mécanisation,
l'industrie et la robotisation, c'est le tour des
servicesavec l'intelligenceartificielle.Lenumérique
est aussi une nouvelle forme de lien social qui se
caractérise par un paradoxe : l'instantanéité et
l'asynchronisation. On réagit immédiatement,
le like, RT ou follow, mais en mode asynchrone,
via un réseau social. En entreprise, le digital doit
donc correspondre à la fois à ces nouveaux rites,
codes sociaux et pratiques d'échange des idées
et informations, un digital culturel interne, et à
l'adaptation des activités aux nouvelles possibilités
technologiques. Cette double transformation pour
être pleinement réussie ne peut avoir lieu que par
l'humain et pour l'humain, en conservant un sens
au travail.
/ L'entreprise dans sa maitrise de cette
«vague du siècle digitale» doit réconcilier
l'humain et les innovations proposées par
ces nouvelles technologies. /
Dans cette quête, la DRH est doublement
impactée :
>> dans son métier, qui se digitalise comme
les autres fonctions de l'entreprise avec
de nouvelles pratiques, de nouvelles
compétences et de nouveaux outils qu'elle
doit s'approprier et diffuser ;
>> dans sa mission, avec une entreprise en
pleine mutation vers plus d'agilité et de
coopération qu'elle doit accompagner.
)) « 80 % des salariés ont compris que leur
évolution professionnelle et la nature de leur
travail sont étroitement liés et impactés
par le digital ; ils considèrent aussi souvent
ne pas être suffisamment accompagnés
par les managers ni par les RH. »
/ Qu'est-ce que le digital dans l'entreprise ? /
Toutes les entreprises avec un degré de maturité
variable sont confrontées à la transformation
digitale qui les pousse à revoir leur proposition
de valeur commerciale en produits ou services et
à repenser leur business model. Ce changement
de paradigme entraine un bouleversement dans
les organisations et les méthodes de travail,
dans les pratiques managériales, le pilotage
des ressources humaines et dans le type
d'engagement des collaborateurs.
La DRH est donc au cœur de cette vague
de transformation avec un rôle essentiel de
transformation des organisations vers un
management 3.0 et d'accompagnement des
changements auprès des collaborateurs vers
plus d'agilité et de collaboration.
L'accélération de l'émergence des nouvelles
tendances technologiques, l'attente des nouvelles
générations couplée aux nouveaux usages
proposés vont faire naître inexorablement de
nouvelles tendances RH favorisant :
>> La transformation des organisations ;
>> La mobilité grâce à des collaborateurs
connectés ATAWAD (Any Time Any Where
Any Device) ;
>> Le marketing RH et l'individualisation de la
relation avec le collaborateur ;
>> Une nouvelle relation au travail par
l'enchantement du collaborateur ;
>> L'optimisation de l'expérience collaborateur ;
>> Le développement de la Main d'œuvre
élargie ;
>> L'émergence d'une RH orientée analytique
avec du Big Data et de l'analyse prédictive ;
>> La transformation des métiers avec les objets
connectés et le machine learning.
L'ensemble de ces sujets va fortement
impacter la performance globale de
l'entreprise. La pertinence de leur mise en
œuvre va optimiser les forces de production
et donner un avantage compétitif
déterminant à l'entreprise.
/ Complémentarité de l'humain et du
digital, les changements de métiers /
Dans beaucoup de domaine le digital va aider
l'humain dans son activité professionnelle, il va
transformer son métier vers un mode plus virtuel
et moins exposé grâce aux objets connectés, à
14. 14
la réalité virtuelle et proposer des diagnostics
et des solutions par l'expérimentation avec des
solutions de machine learning.
En matière d'appropriation des connaissances
et de formation, l'apport du numérique est
flagrant car grâce aux solutions digitales.
L'humain à la demande pilote en propre
son apprentissage et la progression de ses
connaissances. Le rôle de l'entreprise est de lui
procurer l'outillage et le temps pour y parvenir.
Ainsi, les nouveaux modèles d'apprentissage à
distance vont prendre de plus en plus de place
avec les outils de e-learning, les MOOC (Massive
Open Online Course) et tutoriels en ligne de
tous genres qui connaissent un véritable succès
dans tous les domaines car ils donnent un accès
illimités et immédiat à la connaissance et à
l'excellence
En matière d'organisation collaborative, les outils
digitaux vont remettre en cause les frontières des
organisations par le développement de la main
d'œuvre élargie. Les entreprises souhaitent à
devenir des organisations « étendues » articulant
de façon flexible main d'œuvre interne et externe
pour être en ligne avec le besoin accru d'agilité
gage de pérennité de leurs organisations.
Néanmoins, ne berçons pas dans l'angélisme ou
l'excès de modernité à tout prix, les contraintes
majeures existent aujourd'hui, sans réponse
totalement adaptée : la protection des données
sur internet, respect des données personnelles, la
cyber-menace, les contraintes juridiques et les
réglementations …
/ Chaleur humaine et individualisation
de la relation collaborateur /
On le sait le digital a révolutionné les organisations
marketing (voir fascicule Institut Esprit Service
sur l'enchantement du client) par l'utilisation du
Big Data, l'introduction des modèles prédictifs
et des objets connectés, l'optimisation de
l'expérience client, car l'ère de la donnée a
renforcé la compréhension du client et a permis
des personnaliser des offres et un parcours client.
Les collaborateurs aspirent à la même chose et
souhaitent avoir une considération personnelle
dédiée avec une approche individuelle de leur
parcours professionnel dans l'entreprise, par un
mode d'échange fluide et flexible conjuguant des
points de contacts traditionnel et des échanges
virtuels
Du coup, la qualité de « l'Expérience
collaborateur » devient en enjeu majeur pour
satisfaire ses collaborateurs, l'analyse des
données RH dans des outils Big Data favorise
la compréhension du collaborateur et autorise
des échanges personnalisés et ciblés pertinent
favorisant l'émergence des talents et de leur
fidélisation à l'enseigne employeur.
/ Engagement entre vie personnelle
et professionnelle, quelle signification
aujourd'hui ? /
Ce sujet est générationnel et est en train de
modifier profondément les modalités de travail.
En effet, au-delà des générations « X » ou « Y »,
on assiste à l'émergence d'une catégorie de
collaborateurs qui se sont appropriés les codes
du digital. Ces personnes « connectés » le sont
dans leur mode de consommation, dans leur
vie privé et par voie de conséquence ont cette
exigence dans leur vie professionnelle avec une
connexion à tout moment (Any Time), en tout
lieu (Any Where) et sur tout type de terminal
(Any Device). L'ensemble de ces attentes sont
résumées sous l'acronyme ATAWAD.
A l'évidence, ces exigences sont un défi pour
l'entreprise traditionnelle, sur la notion de temps
de travail (en restant dans les limites du légal),
l'accessibilité des systèmes sur des horaires
étendus voire en 24h/24 et 7j/7 et avec ses
propres outils personnels selon le principe du
BYOD (Bring Your Own Device). Ces sujets posent
le problème d'une sécurisation accrue et étendu
des informations à caractère professionnelles
sur l'ensemble des terminaux du marché du PC
de bureau, aux lunettes connectées en passant
par le smartphone, la tablette ou la montre
connectée. Selon un rapport mondial CISCO de
2014, 53% des personnes ont une préférence
pour le smartphone, ce qui confirme la tendance
d'un collaborateur « connecté » en permanence.
/ Présentiel versus mobilité dans
l'entreprise, télétravail et nomadisme /
SelonuneétuderéaliséeparARCTUSFrance,82%
des personnes souhaitent avoir la possibilité de
travailler sur des applicatifs métiers en situation
de nomadisme. Compte tenu des nouvelles
modalités de travail exposées juste avant, on
voit très bien que l'entreprise si son activité le
permet devra s'orienter vers une organisation du
travail à distance en mode connecté sans avoir
15. 15
besoin d'être au bureau. Le télétravail existe
mais reste à l'état expérimental ou très limité à des
types d'activité, il éloigne de la vie de l'entreprise
et pose la question de l'engagement perçu du
collaborateur.
Du coup entre travail à domicile ou traditionnel dans
l'entreprise, une alternative émerge par la création
de tiers-lieux. Ces espaces de travail accueillent à
la demande ou de façon régulière des employés
en télétravail ou en nomadisme dans un souci de
cohérence managériale et pour rester en proximité
du suivi ressources humaines nécessaire.
/ Comment le digital contribue à renforcer
l'humain /
Comme tout nouvel outil majeur émergent, le
digital transforme l'environnement dans lequel
l'Homme le met en œuvre et il va continuer à le
faire, transformant certains métiers existant, en
créant de nouveaux et en en faisant disparaître
d'autres. Mais il reste un outil et, comme tel,
c'est l'usage que nous en faisons qui est
majeur.
Si le digital peut parfois donner le sentiment
que l'intelligence artificielle va remplacer
progressivement l'intelligence humaine (robots de
plus en plus perfectionnés, transhumanisme…) et
générer des craintes, il est également un formidable
outil pour développer l'efficacité des Hommes
dans l'entreprise. L'accès à la connaissance est
largement facilité par Internet, les réseaux sociaux
permettent des connections immédiates avec des
personnes éloignées géographiquement, les outils
digitaux sont de plus en plus conviviaux et intuitifs.
L'afflux continuel de contenu, connaissances et
d'informations, positif et riche par nature, est aussi
souvent déstabilisant, remettant en cause des
croyances, entrainant des pertes de repères et
pouvant ainsi créer du stress et des remises en
cause de ses présupposés. Devant cette masse
d'informations, l'Homme, s'il est éclairé et en
capacité de trier le bon contenu du moins bon,
peut discerner ce qu'il convient d'en faire et c'est sa
responsabilité tant personnelle que collective.
L'exemple des réseaux sociaux externes
(professionnels ou personnels) illustre bien cette
responsabilité personnelle et collective. Chacun,
entreprise comme collaborateur, doit être
conscient de véhiculer, et quasi immédiatement,
une image de ce qu'il est ou rend visible, au-delà du
périmètre qu'il contrôle. Chacun doit donc soigner
son e-réputation personnelle. De même, les réseaux
sociaux d'entreprise viennent compléter les autres
moyens de communication interne en permettant
à des collaborateurs de se connecter en fonction
de sujets d'intérêts communs ou de communautés
de travail. Ils sont donc profondément un outil
digital qui crée du lien. La richesse de ce lien étant
étroitement dépendante des contextes et des
personnes.Leurimplémentationmodifienéanmoins
les rapports au sein de l'entreprise, accélérant
la diffusion de l'information, jusque-là mission
essentielle des managers. Ceux-ci deviennent alors
moins des relais d'information que des porteurs
de sens, mettant en perspective informations
et actions. Leurs pouvoirs et même leurs zones
de confort sont remis en cause. La légitimité du
manager est battue en brèche au profit d'une
crédibilité à façonner et à justifier au quotidien. La
réussite d'un réseau social en entreprise repose
donc sur deux piliers : un projet d'entreprise pour
lequel le réseau est le vecteur de communicatio ;
un accompagnement du management, parfois
moins à l'aise que les collaborateurs avec l'outil et
l'environnement numériques.
La montée en puissance du digital dans notre
environnement professionnel est également une
occasion de repenser la relation Client. Chaque
client pouvant avoir accès plus facilement à une
information générale étendue, l'entreprise peut
choisir de renforcer la relation en lui apportant
une aide réellement personnalisée. Cela nécessite
pour elle de former ses collaborateurs à une
compréhension plus fine de son offre et de repenser
sa gestion des carrières pour assurer la proximité
entre ses collaborateurs et ses clients qui permet
une réelle personnalisation de la relation.
)) Raisonnons en opportunités d'emplois !
L'opposition entre humain et digital est souvent
soulignée sous l'angle de l'emploi, de son évolution
en nombre, en valeur absolue de création ou
destruction nette du nombre d'emplois. Or, les
opportunités de création de nouveaux métiers et
de passerelles entre fonctions et inter-organisations
seront renforcées.
/ Générations,vous avez dit générations ? /
Pour comprendre pourquoi les nouvelles
générations (Y, Z…) posent une
16. 16
problématique particulière à notre
société en général et aux entreprises en
particuliers, il faut prendre en compte
tous les aspects d'un phénomène que
l'on voudrait, à tort, réduire à la seule
dimension intergénérationnelle. En réalité,
les susceptibilités en question ne sont nullement
nouvelles ; elles sont de tous les âges et de toutes
les cultures. Mais il y a conjonction, superposition
d'une difficulté ancestrale ordinaire... avec
d'autres phénomènes, dont plusieurs sont
effectivement inédits dans l'Histoire :
>> La modernité, comme telle, est de chaque
génération dans une évolution qui est pour
partie cumulative : celle qui touche aux
sciences, aux techniques, à l'économie… et
pour partie toujours à renouveler : l'humanité
et la sagesse. Mais cette modernité
supposait des références temporelles et
locales dans la notion même de succession
progressive. Or nous sommes passés dans
une réalité post-moderne, dans laquelle ces
références sont en grande partie éclatées
dans l'instantanéité et le virtuel.
Chacun peut constater l'effondrement des
repères verticaux traditionnels (politiques,
religieux, familiaux, managériaux… et même
économiques et éducatifs) et une reconstitution
plus horizontale, en système de réseaux, du
pacte social. La révolution digitale constitue la
trame sous-jacente et la possibilité – d'abord
pratique – de cette mutation. Les outils, on
le sait, sont toujours causes dispositives ;
c'est encore plus vrai avec les technologies
informatiques – très addictives – dont nous
disposons aujourd'hui. Mais ceci ne doit
pas nous cacher le sens profond de
cette révolution : elle n'est pas – ou plus
– d'abord une question d'outils ou de
technologie, mais de mode de coopération
et de collaboration.
>> Avec les logiques de réseaux, nous
sommes passés d'un état de spectateur à un
état d'acteur : nous sommes tous devenus
générateurs d'information et de sens. Pour
le meilleur ou pour le pire. L'entreprise se
confronte à un système de communautés
diverses et variées, diffracté selon des règles
tenant souvent de la théorie du Chaos :
résultat de l'interférence des multiples
informations et actions diffusées par chaque
acteur interne et externe.
>> L'évolution des technologies nous
amène à une vitesse insoupçonnée vers
la fin de l'exécution. Certes, il y aura
indiscutablement création de nouveaux
métiers, mais pas forcément au même
endroit ni pour les mêmes personnes, ni
dans un cycle de temps en phase avec
l'évolution socioprofessionnelle.
Nous observons également une évolution
profonde de mentalité, de nature sociétale.
Les jeunes générations veulent du sens, dans
les trois acceptions du mot : le pourquoi, la
direction et l'utilité. Le triptyque Confiance –
Autonomie – Responsabilité devient la base
non négociable du travail possible. C'est
retrouver le sens de l'œuvre, en lieu et place du
tripalium : non pas remettre l'homme au cœur de
l'entreprise, mais remettre l'entreprise dans
le cœur de l'homme !
Autre composante du changement d'ère :
l'évolution profonde du Business ! Il ne suffit plus
de tirer la compétitivité par le haut en trouvant
de nouveaux marchés, de nouveaux produits, de
nouveaux services, de nouveaux partenariats,
de nouvelles coalitions, de nouveaux modes
d'organisation, des sources de production
plus performantes, moins chères, etc.… C'est
désormais tout le modèle de l'entreprise
qui doit être innovant, on parlera dès
lors d'écosystèmes innovants plus que
d'innovation au sens strict. Le modèle
économique doit avoir l'innovation permanente
comme principe structurant. Retour sur l'agilité
et l'organisation apprenante… en résumé : ce
que nous dénommons « génération Y » associe
en fait tous ces phénomènes en les faisant
porter – par métonymie – par la classe d'âge qui
leur est contemporaine. Mais il s'agit d'une toute
autre réalité que d'une classe d'âge !
« Il faut s'adapter au fait que le client
prenne la main et investisse le terrain de
l'entreprise, en accélérant les moments de
rencontres avec chaque collaborateur»
« Chaque personne a son importance »
« Peu importe que le manager soit très
opérationnel ou non. Ce qui importe est qu'il
devra apprendre à travailler en transversal,
avec des équipes plus restreintes en
cultivant le mode de travail collaboratif
façon écosystème. »
18. 18
Nombreux sont les slogans qui feignent une culture d'entreprise forte, authentique et
incarnée. Des valeurs comme l'intégrité, la communication, le respect et l'excellence
sont portées par bon nombre d'entreprises sans être incarnées sur le plan individuel.
Comment faire aujourd'hui pour réduire l'incongruence entre le discours et les actes ?
Entre la promesse de l'entreprise et la motivation des collaborateurs ? Et quels leviers
actionner pour replacer l'humain au cœur des enjeux de performance ?
Alain Thibault, président JULHIET
STERWEN
Nous sommes dans un environnement
paradoxal : jamais les grands groupes n'ont
autant cherché à centraliser et pourtant
jamais le besoin sur le terrain n'a été aussi
demandeur d'autonomie, d'organisation
libérée, de responsabilisation, ... jamais les
grands groupes n'ont tenu des discours sur
l'humain aussi forts et pourtant la très grande
majorité des investissements se portent sur
les réductions de coûts, les optimisations,
l'automatisation des process.
Le grand écart est encore en train de
s'accentuer entre les dirigeants de ces
grands groupes et les équipes terrain…
attention aux risques de rupture quel que soit
le niveau déclaré d'agilité.
Beaucoup d'entreprises ont investi dans des
managements gestionnaires, dont l'objectif
était l'optimisation des profits en vue de
rentabiliser au mieux le capital investi et
restituer aux actionnaires leur investissement
pour d'autres projets. Cette logique est
remise en cause aujourd'hui par la nécessité
pour eux de régénérer leurs propres modèles
économiques, au risque sinon de disparaitre.
Il devient indispensable d'orienter la sélection
managériale vers la capacité à donner
une vision et à entrainer, à développer de
nouvelles activités et faire évoluer les activités
existantes, et pour cela à savoir être en phase
avec les collaborateurs, toutes générations
et tous profils, pour les engager dans ces
transformations.
La rupture technologique (internet social et
internet des objets, big data, robots…) met
également l'accent sur la capacité d'ouverture,
à savoir piloter dans de mauvaises conditions
de visibilité ou en tout cas sans déterminisme
établi. Les profils qui ont besoin de plans
bien établis, autrefois facteurs de succès de
l'industrialisation des processus, sont moins
adaptés à cet environnement de rupture. A
l'inverse, les profils qui valident au fil de l'eau
les objectifs et les adaptent aux circonstances,
donnent plus de chance à l'entreprise de s'en
sortir.
L'individu tend à devenir plus radicalement motivé
par sa contribution à un projet de société qu'aux
projets de l'entreprise. Celle-ci doit donc lier son
développement à des causes sociétales, au risque
sinon de manquer de main d'œuvre ou bien savoir
recourir à la robotisation.
Aujourd'hui, de nombreuses solutions
innovantes adressent ces enjeux. Qu'il
s'agisse de sourcing, de formation, de
développement personnel, de mesure
de la qualité de vie au travail, etc. Elles
valorisent l'humain dans l'entreprise selon
trois perspectives.
/ Le rapport à l'humain par la
connaissance de soi /
Des solutions de matching innovantes
permettent aujourd'hui d'intégrer des critères
liés à la personnalité et à la motivation pour
recruter les meilleurs candidats ou former des
équipesefficientes.L'enjeu?Identifierlestalents
en tenant compte de leurs savoir-faire, savoir-
être et appétences pour évaluer leur capacité
à s'intégrer dans leur futur environnement
de travail et à être performant. C'est aussi le
pari qu'a fait l'association Stagiaires Sans
Frontières, en proposant aux étudiants des
stages mi-entreprise, mi-association. Une
manière habile de favoriser le décloisonnement
et d'attirer les jeunes générations en quête de
sens dans leur travail.
/ Le rapport à l'humain dans ses
interactions avec l'entreprise /
La valorisation de l'humain est également l'un
des principaux enjeux de la marque employeur.
19. 19
Et nous assistons aujourd'hui à un changement
de paradigme : il ne s'agit plus de sélectionner
les talents, il faut avant tout savoir les séduire.
La génération Y (20-35 ans) ou « Millennial »,
constituera 50 % des effectifs au travail en
2020 et 75 % en 2025, dans moins de 10 ans
! Pour répondre à leurs attentes, tournées
vers l'épanouissement personnel, le travail
collaboratif, et la formation tout au long de la
vie, de nouvelles solutions existent qui valorisent
les employeurs les plus attractifs. Des startups
comme Digital Recruiters ou Welcome to the
Jungle proposent aux candidats de se projeter
dans l'environnement de leur future entreprise,
vidéos, images, témoignages des managers
à l'appui. La valorisation de l'humain passera
avant tout par davantage de transparence.
/ Le rapport à l'humain dans sa relation
avec les autres /
Pour encourager l'épanouissement des
collaborateurs au quotidien et faire de
l'intelligence collective un véritable levier de
performance, il existe également des outils
innovants. La startup Zewaow par exemple,
propose une application qui permet de
partager simplement des moments de vie avec
des personnes autour de soi. L'objectif est clair,
rapprocher les collaborateurs pour améliorer
la performance des équipes. Pour faciliter le
partage de savoir-faire et de bonnes pratiques,
L'entreprise Elamp a, quant à elle, développé
une plateforme de gestion collaborative
et agile des compétences. Elle permet non
seulement aux collaborateurs d'identifier
et de contacter un expert maitrisant une
compétence recherchée, mais aussi de mettre
en place un référentiel de compétence ouvert
et collaboratif. Une équation subtile pour un
monde digital plus humain.
Les dernières décennies ont vu les entreprises
se recentrer sur leur valeur ajoutée, développer
leur agilité, donner à chacun des capacités de
décision, de l'autonomie pour répondre avec
toujours plus d'efficacité aux besoins parfois
volatils de leurs clients. Ce mouvement est
accompagné par une évolution des attentes
des collaborateurs au travail qui recherchent
de plus en plus de marges de manœuvre pour
agir, de capacité à créer, à innover par eux-
mêmes. Ce double mouvement s'est traduit
par une littérature grandissante sur les modes
d'organisation à mettre en place pour gérer ce
besoin d'autonomie grandissant des individus
au travail.
/ Une contradiction entre recherche
d'autonomisation et mode de
fonctionnement centralisé /
A l'inverse, les modes de management et de
gestion des ressources humaines restent
marqués par un mode de fonctionnement
centré sur le développement des compétences
des collaborateurs par les services formation
et les managers, par une responsabilité de
manager dans la motivation des salariés,
par une gestion proactive des “talents”. Ce
mode de fonctionnement est essentiellement
centré sur le fait d'apporter un service aux
collaborateurs.
Cécile Mathivet, directrice LAB'HO
Groupe ADECCO
Le manager intermédiaire est en prise avec
des injonctions paradoxales, entre attentes
de ses collaborateurs et demandes de sa
hiérarchie. A l'ère du digital, les collaborateurs
sont au moins aussi informés que lui par les
réseaux sociaux. L'enjeu consiste donc à
apporter de la pertinence à l'information
pour la transformer en vision. La capacité du
manager à évoluer dans une organisation
mouvante en devient vitale.
La tendance à l'autonomisation est pourtant
antinomique avec le fonctionnement constaté
à ce jour dans la plupart des entreprises.
Peut-on maintenir une forte autonomisation
et parallèlement être dans une recherche
constante de responsabilité de l'entreprise vis
à vis des individus. Dit autrement, l'autonomie
comporte à la fois la liberté d'agir et la
responsabilité qui l'accompagne. Ces
interrogations sont d'autant plus pertinentes
qu'elles prennent forme dans des projets que
certaines entreprises mettent en place. Soit
passif de nature Push qui consiste à « pousser »
la formation, la gestion de carrière, les éléments
de motivation, la gestion du potentiel vers les
20. 20
individus. A l'inverse, l'émergence d'un mode
actif Pull crée des opportunités d'apprendre,
de progresser dans sa carrière, de constituer
un environnement motivant… Les individus
sont alors replacés devant leur responsabilité
de saisir ou non l'opportunité qui leur est faite
et ainsi d'assumer jusqu'au bout l'autonomie
grandissante dont ils jouissent.
/ Montée en compétence, fini les usines
à gaz, place au sur-mesure ! /
La GPEC, approche centralisée des parcours
professionnels, aura fait long feu après avoir
occupé les entreprises pendant près de 10
ans. En effet, les enjeux des entreprises ont
drastiquement changé d'horizon, les plans à
moyen terme ont fait place aux adaptations
de stratégie pour faire face aux mutations
rencontrées. Or, la GPEC n'a pas su répondre
au défi de l'agilité et à la nouvelle contrainte du
temps. La raison de cet échec est intimement
liée à la question du push/pull évoqué plus
haut. L'hypothèse reposait sur le fait que la
construction du parcours professionnel se
fasse sous l'action de l'entreprise qui oriente
les personnes et leur offre un parcours.
Peu à peu, les entreprises ont remplacé,
de facto, ce mode d'action par une logique
plus environnementale. Aujourd'hui, il s'agit
d'accompagner les individus dans la détection
d'opportunités de carrière pour qu'ils se
construisent eux-mêmes leur parcours que
ce soit dans l'entreprise ou en dehors. Les
“réunions de carrière” qui regroupent les
candidats à la mobilité, les font réfléchir sur
leur projet et les aide à candidater en interne
en sont une illustration intéressante.
Cette approche est bien plus cohérente
qu'une approche centralisée pour au moins
deux raisons. D'une part, la mobilité implique
une recomposition des compétences utilisées
qui est difficilement prédictible à l'aide de
référentiels ; la compétence encapsulant
des ressources (savoirs, savoir-faire…) dans
une situation donnée. La transposition de
ces ressources dans un autre contexte est
une opération qui dépasse le cadre des
compétences décrites à une date donnée.
D'autre part, la construction d'un projet
professionnel à moyen ou long terme ne peut
en aucun cas se passer de l'individu et de sa
propre capacité à identifier les enjeux de la
transition professionnelle.
Ainsi les grands parcours tendent à disparaître.
A la place, de petits modules indépendants
décidés par les individus eux-mêmes mais
cohérents viennent s'assembler comme les
briques d'un parcours unique. A ce titre,
les récentes évolutions de l'environnement
réglementaire de la formation ne répondent pas
encore pleinement à l'enjeu de reconnaissance
des modules courts, espacés dans le temps,
comme un parcours à part entière que l'individu
s'est construit pour prendre en main l'évolution
de ses compétences.
/ L'engagement au cœur des enjeux /
9 salariés sur 10 ne se sentent pas engagés
dans leurs entreprises (source Gallup). La
performance des organisations est largement
associée à l'engagement des équipes, leur
adhésion aux projets, leur envie de participer et
de s'impliquer, de réaliser en mode collaboratif,
au-delà du “travail prescrit'. Il n'y a pas dans
l'absolu de collaborateurs motivés ou qui ne
le soient pas, la question est plutôt : est-ce
que les motivations fondamentales des
individus rencontrent les conditions de
leur expression au sein de l'environnement
de travail ? Est-ce que les caractéristiques
de l'environnement permettent de couvrir
un spectre de besoins suffisants? Cela
questionne en réalité plus les pratiques
organisationnelles que la compréhension
fine des besoins individuels. Est-ce
que les organisations sont prêtes à se
questionner, et le management à se
remettre en cause ?
Du point de vue de l'organisation, s'intéresser
à ce vers quoi les individus tendent et ce qui
les met en mouvement de manière naturelle
n'est pas un sujet anodin. Un environnement
qui permet l'expression naturelle des besoins
et un environnement au sein duquel ils sont
plus heureux, plus engagés et par effet rebond,
plus performants. Chaque organisation devrait
avoir pour objectif de créer les conditions
nécessaires à la performance des équipes.
Un récent baromètre sur les motivations des
salariés, mené auprès de plus de 50 000
salariés d'âges et d'organisations variées,
21. 21
montre que, parmi neuf grandes motivations
couvrant le spectre des besoins des salariés au
travail (autonomie, apprentissage, réalisation,
diversité, organisation, pouvoir, appartenance,
altruisme, reconnaissance), les motivations
qui arrivent en tête de classement, au-
delà des critères générationnels, sont :
l'organisation (le processus), la réalisation
(notion d'effort) et l'autonomie (la liberté
d'action). Plus que la reconnaissance et
l'argent, plus que les relations ou le plaisir,
plus que la créativité ou l'expertise, les
collaborateurs ont envie de réaliser quelque
chose de concret, avec une certaine latitude
décisionnelle ou l'expression d'un style propre,
dans un cadre clair, structuré. Ni francs-
tireurs libérés, ni exécutants dociles, ils
décrivent ainsi la voie du milieu, celle de
l'équilibre, faite de négociation positive et
expression, cadre et initiative.
Quels enseignements tirer de ces motivations
à priori contradictoires? Les grandes structures
centralisées évoluant dans des environnements
concurrentiels ne doivent pas laisser la
logique du processus l'emporter, qui empiète
généralement sur les marges de liberté des
individus. Développer une culture agile
favorisant l'expérimentation et l'expression
de la créativité, peut, par exemple,
permettre à ces groupes de trouver le juste
équilibre. Inversement, les entreprises très
agiles de type adocratique ou “libéré”,
ont tout intérêt à maintenir et diffuser
un système de règles de fonctionnement
impliquant des repères structurant.
/ Les talents individuels et collectifs,une
valeur mal appréciée /
Avec l'irruption des technologies dans la
formation et le recrutement, parler de gestion
des talents n'est pas sans intérêt. Elle peut soit
concerner les hauts potentiels soit s'adresser
à l'ensemble des collaborateurs, selon que
l'entreprise soit du comment ou du pourquoi.
Des études scientifiques menées auprès
de champions (sportifs, joueurs d'échec,
musiciens) montrent que le facteur le plus
déterminant dans la réussite est en réalité la
pratique ou l'entraînement - tant en terme de
quantité que de qualité - à travers la répétition
attentive du geste et la qualité de la relation
avec un entraineur, impliquant les notions
de confiance et de feedback précis sur les
performances pour un développement des
apprentissages. Aussi, les facteurs génétiques
et individuels qui sont des terrains mis en avant
ne peuvent expliquer à eux seuls la réussite ou la
virtuosité, sans y intégrer nécessairement des
facteurs environnementaux et de pratique qui
entrent en résonnance avec ces dispositions.
Mais, ce qui est intéressant avec la notion
de “Talent” - emprunté à la sémantique de
l'univers sportif et culturel – est de valoriser
le phénomène de rareté d'une population
ressource et par conséquent de la nécessité
pour l'entreprise à l'heure des médias sociaux
de savoir l'attirer, la manager et la conserver.
)) « Je recrute différemment depuis quelques
temps, dans deux directions, à la fois
des webmasters et des personnes agiles
capables d'évoluer rapidement. L'objectif
étant de disposer d'individualités en capacité
de réfléchir aux processus ».
Ces biais d'internalité ont pourtant la vie dure et
s'appliquent au monde de l'entreprise. Il existe
en effet une surestimation de l'importance
accordée aux dispositions individuelles dans
l'explication de la réussite au travail, au
détriment de facteurs environnementaux,
de pratique et d'apprentissage. Cette
erreur fondamentale d'attribution s'illustre
notamment dans l'impératif de sélection
des “meilleurs éléments” ou la détection des
“hauts potentiels”, avec l'appui de batteries
de tests sophistiqués. La tentation réelle est
celle de recruter les individus « idéaux » les
plus intelligents, à l'écoute mais également
compétiteurs, résistants au stress et loyaux
envers l'entreprise. Ces caractéristiques de
dispositions auraient ainsi plus de probabilité
de mener à la performance et il conviendrait
de les repérer impérativement. Or, il y a une
grande différence entre la réussite individuelle
d'un commercial dans les ventes et une “force
de vente” performante. En effet, derrière
cette notion de Talent, il y a tout de même
le risque d'accorder trop d'importance à la
notion d'individus au détriment du collectif, l'un
n'allant pas sans l'autre.
23. 23
/ Une période d'expérimentation, à tout
va, on teste tout ! /
On assiste à un foisonnement d'initiatives,
testées pour transformer en profondeur
les organisations dans leur ensemble, les
entreprises en particulier. Création de Think
Tank internes, de LABS, rachats de start-
ups ou créations d'incubateurs internes,
espaces de travail renouvelés, dans un esprit
de Co-working, travail de modernisation des
valeurs, intégration des sujets sociétaux,
plus d'initiatives autour des mobilités et du
nomadisme, voire du télétravail. De même,
place est de plus en plus accordée au Reverse
Mentoring, ce coaching digital en quelque sorte
qui facilite le partage des expertises, réalisé
par les plus jeunes au sein de l'entreprise, avec
des premiers résultats positifs d'acculturation
à l'environnement numérique et aux usages
digitaux. Le défi est autant de gagner en
niveau de maturité numérique que de créer
les conditions pour la Co-construction dans
l'entreprise.
/ Transformation numérique de
l'entreprise : en résumé, de quoi parle-
t-on ? /
Dans son rapport sur la « transformation
numérique de l'économie », Philippe Lemoine
propose un cadre d'analyse qui distingue
trois familles d'effets caractéristiques de cette
transformation : des effets d'automatisation,
de dématérialisation et de désintermédiation /
réintermédiation. L'utilisation de ce cadre
éclaire utilement les transformations internes
aux entreprises et celles des modes de
management :
>> L'automatisation croissante renvoie ainsi
aux questions des évolutions quantitatives
et qualitatives des effectifs mais aussi entre
autres aux limites de l'automatisation et de
la part d'humain qu'il sera nécessaire de
conserver ou de promouvoir, par exemple
pour fournir aux clients des expériences
enchanteresses et non répétitives.
>> La dématérialisation est à la base du
télétravail qui illustre à la fois les nouvelles
possibilités offertes d'organisation du travail
et de prise en compte des contraintes
personnelles des collaborateurs mais aussi
le besoin de conserver un lien social et un
sentiment d'appartenance à un collectif. Le
travail à distance contribue à transformer
radicalement le rôle du manager de
« proximité » et repose, dans sa mise en
œuvre, sur une confiance réciproque entre
l'entreprise et ses salariés.
>> La désintermédiation / réintermédiation
redéfinit les contours de l'entreprise. Dans
des modèles comme UBER, elle pose la
question d'un équilibre à trouver entre
aspirations personnelles, sécurité du statut
salarié et précarité en même temps qu'elle
contribue à cette agilité si nécessaire.
Elle renvoie également aux compétences
majeures qui doivent être maîtrisées
comme celles liées à l'utilisation et la
sécurisation des données. Au final c'est ainsi
à partir d'un cadre identique que l'ensemble
des conséquences de la transformation
numérique pourrait être analysée.
/ Gouvernance digitale au service du
changement de culture /
Vaste sujet que celui du leadership du « sujet »
digital dans l'entreprise. Sans vouloir pointer
du doigt ou adresser des bons et mauvais
points, force est de constater qu'il y a là un
réel enjeu de pouvoir, une bataille d'influence
dans les organisations. Dans la réalité, plus
que de savoir qui du DRH, du directeur
marketing, du directeur de la transformation
ou du directeur des systèmes d'informations
prendra la main, le plus fondamental réside
dans l'élaboration collective d'une stratégie
de transformation numérique, portée au plus
haut niveau, et relayée par l'ensemble des
membres des comités exécutifs, Geeks et
moins Geeks. Dans 35 % des cas, le champion
de la transformation numérique est le directeur
général. Après, tout est question de maturité
digitale de l'organisation. Charge à chaque
entité et direction, ou pays, de prendre par la
suite le relais une fois que les valeurs, le plan
stratégique, la gouvernance et les conditions
du déploiement numérique sont posés et mis
en œuvre.
24. 24
/ Test and Learn au service de la
transformation culturelle /
Nous constatons la création de cellules ou
petites entités autour d'enjeux de culture,
digital, innovation pour résumer, hors structure
en place, avec le plus souvent des personnes
recrutées en interne ou une hybridation
collaborateurs et personnes externes. Le point
remarquable est bien de, de 5 personnes
recrutées en interne.
Ceci peut générer par exemple, la création
de blogs publics, le lancement de laboratoires
(LABS) sur les objets connectés, voire la mise
en place de programmes de recherche sur
l'intelligence artificielle, les neurosciences
appliquées au marketing, l'ouverture de plates-
formes permettant le dialogue entre experts et
praticiens, etc.
Christophe Collignon, directeur général
IMA TECHNOLOGIES
Il y a un manque de sens et donc une
recherche de sens. Nous avons recruté des
adultes qui, par nature, veulent construire
leur vie et qui détestent qu'on vienne leur
dire ce qu'ils doivent faire. Un manager est un
coach qui veut faire grandir les membres de
son équipe. Cela signifie pour lui d'être digne
de confiance, de faire confiance, et pour tous
de se faire confiance.
Patrick Bouvard, rédacteur en chef RH
INFO, blog d'ADP France
X, Y et Z correspondent aux différents taux
de pénétration de toutes ces évolutions
conjuguées dans les différentes tranches
d'âge ; ce qui veut dire que chaque tranche
d'âge trouve en son sein de l'X, de l'Y et du
Z ! La cartographie démographique réelle de
ce «séisme sociétal», ce «changement d'ère»
évoqué par Michel Serres et Edgar Morin,
nous étonnerait sans doute beaucoup !
/ Les valeurs d'entreprise, du décret à
l'émergence de la modernité /
Comme le soulignait récemment François
Dupuy, les slogans et les valeurs décrétées sont
devenus monnaie courante. Face aux difficultés
rencontrées par les entreprises pour faire changer
les comportements, elles établissent des valeurs,
des chartes, des principes qu'elles souhaitent
partager, voire édicter en modèle de référence
à l'ensemble de leurs collaborateurs. Elles
souhaitent ainsi faire évoluer leur culture interne,
souvent en décalage avec ce qu'elles souhaitent
accomplir, en conformité avec leurs orientations
stratégiques. Malheureusement, la culture
d'entreprise n'est pas un sujet compatible avec
une politique volontariste basée exclusivement
sur la communication. En effet, les comportements
individuels sont la résultante d'une histoire, de
mythes, d'une organisation et d'identité du métier
et de la fonction qui dépassent parfois le cadre
de l'entreprise elle-même. En d'autres termes, la
culture de l'entreprise interroge l'organisation,
le management, la structure des sanctions et
récompenses symboliques autant que réelles,
plutôt que le seul service communication.
Cette réflexion, une fois encore est une invitation
à penser l'entreprise comme un environnement,
un écosystème global, une constellation, un objet
social qui façonne l'individu autant qu'il l'influence.
Sortir des slogans sur ce thème c'est, pour
les dirigeants, accepter que la question ne
soit plus systématiquement “voici ce que
je veux que vous fassiez” mais “pourquoi
agissez-vous ainsi”. De l'affirmation à la
question, car sortir du slogan c'est avant
tout mieux comprendre la complexité des
organisations.
Ce recul, cette prise de hauteur sur l'organisation
et l'environnement qu'elle créé pour les
collaborateurs est un temps utile. Car la rapidité
des décisions, l'efficacité, l'agilité, l'évolution
des business modèles, ce n'est pas faire fi de
l'existant, c'est le comprendre suffisamment
pour agir au bon endroit avec impact.
Alexandre Gérard, président INOV-ON
J'ai été marqué par un proverbe africain qui dit :
seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.
25. 25
Lars Backhaus, cofondateur SOMNOO
HOTELS
Il faut savoir laisser la place aux projets
personnels des collaborateurs, la tendance
étant de mener plusieurs activités en parallèle
type slasher. De même, il est nécessaire de
développer l'employabilité externe comme
gage de la performance des collaborateurs
dans l'entreprise, les offres externes étant
une bonne mesure de la qualité de nos
collaborateurs et aussi un bon challenge
pour élaborer des voies de développement
de qualité en interne.
)) « Il est par ailleurs notable que
la coresponsabilité fonctionne
relativement mal en France où la
hiérarchie est importante. »
)) « Les RH devraient être un acteur
d'accompagnement de la transformation
mais ils n'en ont pas toujours la crédibilité
ni l'expérience du travail en mode
changement. »
/ Quelques illustrations de pratiques /
)) « Je me suis doté d'une politique digitale
et je l'ai confié à un des membres de mon
comité de direction. Nous avons réuni les
600 cadres de l'entreprise pour leur poser les
enjeux et travailler ensemble. Pour la plupart
des acteurs de notre secteur, le digital est
essentiellement défensif, porté par des
filiales de grands groupes. Je pense au
contraire, que c'est notre raison d'être que
de donner l'impulsion au Corporate. »
Des dirigeants utilisent les réseaux sociaux
(Google+ par exemple) pour donner
des informations et échanger avec les
collaborateurs, tous dotés d'une adresse mail
dans l'entreprise, pour nourrir les réflexions
mutuelles. En complément, des rendez-vous
sont posés à fréquence régulière pour faire le
point.
)) « Nous sommes en train de développer
un portail digital interne, qui pourra
héberger ces produits et tous les
outils RH créés récemment en
étant interconnecté avec l'intranet.
Aujourd'hui, nous avons fait tomber
certaines barrières, permettant aux
collaborateurs d'accéder directement
aux réseaux sociaux à partir de leur
poste de travail et ainsi d'interagir sur
des sujets partagés. »
)) « Il nous faut pour demain, en fait pour
aujourd'hui, un mode de management
beaucoup plus collaboratif. »
Andreas Lambropoulos, Head of
Strategic Initiatives BNP PARIBAS
INTERNATIONAL FINANCIAL SERVICES
L'agilité d'une entreprise n'a de réalité que
par sa culture, son mode de management :
elle doit être inscrite dans ses valeurs.
L'agilité est particulièrement valorisée dans
les start-ups. Dans les grandes structures, il
faut savoir reconnaître les efforts faits pour
qu'elle existe, inciter et promouvoir le partage
des pratiques agiles.
/ Pour conclure,penser et organiser agile,
lâcher prise et fluidifier l'entreprise /
Il y a de vraies ruptures en marche ! D'où
ces oppositions de conceptions et postures
conservatistes refusant le changement qui
s'impose à nous. L'agilité s'appuie sur une
approche moderne de l'entreprise. Cet espace
vivant, écosystème riche de la pluralité des
personnes qui le composent, doté d'une vision
nouvelle, partagée et collective des valeurs,
ces clefs de voûte qui sont l'expression de la
culture de l'organisation. Favoriser la prise
d'initiatives et donc le droit à l'erreur - là où
l'on apprend de ses échecs en analysant
avec justesse les retours d'expériences – est
essentiel. De même, tout ce qui apportera de
l'enthousiasme, favorisera les échanges, le
travail collaboratif et la Co-construction, tout ce
qui permettra de modifier en profondeur le lien
entre l'entreprise et les collaborateurs ira dans
le bon sens. La pérennité des organisations,
dont les entreprises, est à ce prix.
26. 26
I CONTRIBUTIONS I
L'Institut Esprit Service remercie l'ensemble des contributeurs à la rédaction de cette
publication, membres de deux commissions - la première intitulée Agilité, la seconde
Lien social & Transformations internes - personnes auditionnées et interviewées. Nous
publions la liste de celles et ceux qui ont accepté d'être cités.
Marc Alaurent BNP PERSONAL FINANCE
Pierre-Marie Argouac'h FDJ
Jean-Michel Arnoux INSEE
Carl Azoury ZENIKA
Lars Backhaus SOMNOO
José-Manuel Baeta BNP PERSONAL FINANCE
François Barbé SIRCA
David Bellaiche ALTHEA
Charles-Henri Besseyre des Horts HEC
Eric Bodin WHY CONSULTING
Patrice Bonte GROUPE GT
Christian Bottin MONDIAL ASSISTANCE
Patrick Bouvard RH INFO ADP FRANCE
Matthieu Buronfosse LYOVEL
Dominique Buttin RADIALL
Nicolas Capitoni MASERGY
Jacques Cazin ADWAYS
Jean-Michel Chanavas MERCATEL
Sylvie Charbonneau BRIO
Christophe Collignon IMA TECHNOLOGIES
Thierry Courtecuisse THALES
Bruno Debatisse LEGRAND
Gaétan de L'Hermite COMPASS GROUP FRANCE
Cyril de Souza Cardoso AUDALOM
Pierre Delort INSTITUT MINES TELECOM
Marc d'Haultfoeuille NORTON ROSE FULBRIGHT
Eric Dodin FRAIKIN
Patrick Dugué SOCIETE DUGUE
Eric Fimbel NEOMA & CNAM LIRSA
Stéphanie Foache BNP PARIBAS
Hervé Frapsauce INSTITUT ESPRIT SERVICE & MMA
Jérôme Friteau CNAV
Eric-Jean Garcia SCIENCESPO
Alexandre Gérard INOV-ON
Jean-Michel Guillon MICHELIN
Nicolas Guy LAB RH
27. 27
Gilles Jacob SOPRA STERIA
Vannina Kellershohn ORANGE BUSINESS SERVICES
Andreas Lambropoulos BNP PARIBAS IFS
Jérémy Lamri MONKEY TIE
Diane Laurent-Jubin SERVAIR
Julien Lever JULHIET STERWEN
Pierre Levy GARTNER
Dorian Liegeois SEEQLE
Frédéric Lippi LIPPI
Anne-Claire Long MICHEL & AUGUSTIN
Frank Maassen BUT
Thierry Majorel BPI
Jean-Rémy Martinez TELEPERFORMANCE
Cécile Mathivet LAB'HO GROUPE ADECCO
Christian Mayeur ENTREPART
Alice-Anne Medard ADP
Jean-Christophe Messina AUDALOM
Philippe Michon ALLIANZ
Patrick Miliotis INSTITUT ESPRIT SERVICE
Véronique Montamat SOPRA HR SOFTWARE
Paul-Louis Moreau BNP PARIBAS
Jean-Luc Pouget REGION PAYS DE LA LOIRE
Jean-Louis Raynaud EDHEC
Vincent Roubertie AMAREXIA
Fabrice Sauvignon AG2R LA MONDIALE
Véronique Subileau TRANSDEV
Dario Tarantelli EKARA
Alain Tedaldi INSTITUT ESPRIT SERVICE
Alain Thibault JULHIET STERWEN
Christian Thioudellet MONKEY TIE
Frédéric Thomas CREDIT AGRICOLE ASSURANCES
François Vaquier EIM
Xavier Viollet BNP PARIBAS LEASING SOLUTIONS
Sophie Virapin AIR FRANCE
Nathalie Wright MICROSOFT
28. Contact :
Alain Tedaldi - délégué général - 01 53 59 17 09
Email : institutespritservice@medef.fr
I INSTITUT ESPRIT SERVICE I
Préparer aujourd'hui les entreprises aux défis émergents, créer de nouveaux avantages
compétitifs et mettre en place des coopérations inédites, entre entreprises et avec les acteurs
publics. Association loi de 1901, think tank créé par le MEDEF, l'Institut Esprit Service (IES) est
un lieu ouvert et pluriel. Il réunit des directions générales d'entreprises (groupes, entreprises
patrimoniales, start-ups), administrations, monde académique et organisations diverses, de
tous secteurs d'activités. Plus de 800 personnes de tous horizons, dirigeants d'entreprises,
responsables d'administrations, universitaires, experts, contribuent aux activités (commissions et
groupes de travail, LAB, auditions, enquêtes, recherche, événements).
Plusieurs LABS positionnés sur les « Nouveaux modèles économiques et
collaboratifs ».
I Les 6 Commissions intitulées : I
1. Agilité ;
2. Lien social et transformations internes ;
3. Défense ;
4. Modèles de Coopérations Public Privé ;
5. Action numérique ;
6. Enchantement client.
I Les trois orientations stratégiques de l’Institut : I
1. Lien social et transformations internes managériales et organisationnelles, leadership
2. Modèles de coopérations public privé et interentreprises, agilité, écosystèmes innovants
3. Nouveaux business modèles, ruptures numériques, enchantement client
I Les cinq ambitions de chaque commission et du LAB : I
1. Stratégie de contenu inédit, prospectif en demeurant pragmatique
2. Lieu d'expertise, par du benchmark et des enquêtes de fond
3. Espace reconnu d'influence et de débats d'idées ouverts
4. Rayonnement par des évènements positionnés au bon niveau
5. Organisation plurielle grâce aux passerelles tissées avec des administrations et le monde
académique et associatif
Ses adhérents reflètent cette diversité.
Les dernières publications sont téléchargeables sur
http://institutespritservice.com
@IES_News