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La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toute les manifestations d'antisémitisme et de
racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Moyen–Orient sur la base du droit de l'Etat d'Israël à la sécurité et sur la reconnaissance du droit à un Etat du peuple palestinien.

MENSUEL EDITE PAR L'U.J.R.E.
Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide

N° 272 – Janvier 2010 – 28e ANNÉE
Le mot du Président
CYCLE "ÊTRE

JUIF AU

XXIE

SIÈCLE

?"

2

27 janvier 1945 - 65e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz
“Les gens ont été libérés, l’humanité pas” Shimon Peres

Être juif après Gaza
E. Benbassa 4
Respecter le contrat laïque
R. Azria 4

À LIRE

Les Arabes et la Shoah
L'antisémitisme à gauche
Lumière au quatrième

SOCIÉTÉ

HISTOIRE

Les philosophes français des Lumières
et la question juive [Partie I] F. Mathieu 5

CYCLE "JUIFS

DANS LE MONDE"

L'Angleterre et ses juifs
­ Mythes et réalités

CULTURE

Résistance
Ent
raid
té
i
e
idar
úol

D. Vidal 3
O. Gebuhrer 6
R. Wlos 6

Monsieur Brice, les patrons
et le racisme
J. Franck 3
Débat en faveur des thèses racistes dénoncé
par le syndicat des journalistes SNJ­CGT 3
Le “vénérable” Pie XII
PNM 5

J­M. Galano 8

Joseph Kosma ­ Itinéraire S. Arfouilloux 7
Invictus de Clint Eastwood et
entretien avec Anne Dissez
L. Laufer 7

Haïti, perle des Caraïbes, île martyre depuis des siècles
Le 12 janvier, Port­au­Prince subit un séisme de magnitude
sept sur l'échelle de Richter.
Le dernier bilan, provisoire, fait
état* de 75.000 morts, 250.000
blessés et d’un million de sans­
abri. La ville n'est que dé­
combres. Tout manque : l'eau, la nourriture, les soins.
N'hésitez pas à exprimer votre solidarité en adressant vos
dons au Secours Populaire Français, par virement (CCP
2333 S), en ligne (www.secourspopulaire.fr) ou par chèque
adressé au Secours populaire français ­ Haïti Urgence ­ BP
3303 ­ 75123 Paris Cedex 03.
* Source : Direction de la protection civile haïtienne

Agir !

Claudie Bassi-Lederman

A

Le N° 5,50 €

rrêter le massacre. Enrayer la dynami­
que d’un système qui engendre la mi­
sère, le chômage, la précarité, la détresse
matérielle et morale, qui suscite ou entre­
tient l’intolérance, la peur de l’inconnu, la
haine et le racisme. Arrêter de financer des
expéditions militaires destinées à exporter
“la démocratie”.
Que reste­t­il de 2009 ? “La crise plané­
taire”, “le réchauffement planétaire” aux
allures de catastrophes naturelles et qui
permettent de passer sous silence les causes
de nos difficultés, à savoir les politiques
décidées au niveau mondial, au niveau de
l’Union européenne et au niveau national,
dans un but de rentabilité et de destruction
des services publics.
Démocratie l’Union Européenne avec 78
millions de pauvres, la France avec 3,7 mil­
lions de travailleurs pauvres !
Démocratie lorsque le Pouvoir ne respecte
le suffrage populaire que s’il répond à ses
attentes : voir le Référendum sur la Consti­
tution européenne.
Démocratie la Hongrie et les pays Baltes où
la liberté d’opinion autorise la haine raciale !

Démocratie quand, de connivence avec ses
pairs et dans le cadre de l’OTAN, voire de
l’ONU, le chef de l’Etat envoie des troupes
faire la guerre pour apporter aux popula­
tions… la démocratie !
2009, dans nos mémoires, cela restera la
guerre de Gaza. Le but avoué était d’écraser
le Hamas, il est toujours présent. Ce ne fut
pas la seule, certes ! Guerre en Afghanistan.
Guerre au Yémen ? Sans parler des guerres
honteuses ici ou là.
Et 2010 ? Les perspectives sont alarmantes.
Poursuite du démantèlement de ce qui reste
du service public. Davantage d’impôts. Da­
vantage de chômage. Médicaments plus
chers et moins bien remboursés. Retraites
dévalorisées… Persistance des discrimina­
tions qui sapent les fondements de notre
République.
nous d’agir ensemble pour développer
des solidarités, donner vie à l’égalité
et à la citoyenneté, reconnaître les droits de
tous ceux qui résident sur notre sol. La
grève des travailleurs sans papiers a ainsi
été un mouvement de grande portée poli­

A

Le 17 janvier 1945, l’Armée rouge a li­
béré Varsovie des nazis. Plus de la moi­
tié de la population d’avant­guerre, esti­
mée à 1,3 millions d’habitants était
morte, dont 98% de sa population juive.
La ville n’était plus que décombres.
Anticipant l’avancée de l’Armée rouge,
les SS du camp d’Auschwitz, proche de
Cracovie, procèdent à un dernier appel
et commencent l’évacuation du camp le
18 janvier 1945. Quelques 60.000 dépor­
tés ont entrepris ainsi les dramatiques
marches de la mort.
Quand le 27 janvier, les soviétiques li­
bèrent Auschwitz, ils découvrent 7.000
êtres humains à demi­morts. Ils ont aus­
si découvert 350.000 costumes d’hom­
mes, 837.000 vêtements de femmes. Et
8.000 kilos de cheveux humains.
Traduit de Jewdays (jewishcurrents.org) par N.Mokobodzki

tique, en soi et par le soutien et la solidarité
d’une part importante de la population. De­
puis toujours, les employeurs sont friands de
cette main­d’œuvre étrangère, corvéable à
merci car soustraite au Droit du travail et
qu’on peut désigner à la vindicte.
A nous d’agir, parce que nous avons besoin
d’un enseignement et d’une recherche de
qualité, de bons médecins, de bons hôpi­
taux, de logements décents, de justice ­ et
non de guerres.
Agir aussi avec un bulletin de vote, même
si les gouvernements découpent sans arrêt
la carte électorale. Les voix, ça se compte.
Et plus nous serons nombreux à faire savoir
au Président de la République que ses choix
ne nous conviennent pas, plus il sera obligé
d’en tenir compte.
On peut tout changer. Les exemples ne
manquent pas, en Amérique latine, aux
Etats­Unis.
Bien des gens de par le monde agissent
avec intelligence, cœur et opiniâtreté pour
construire une démocratie participative. 
2

Le mot du Président
’année 2009 a été
marquée par des évé­
nements d’importance
sur lesquels il est bon de
jeter un regard rétrospectif afin d’en
tirer les leçons et d'agir pour que
2010 soit meilleure.
2009 est caractérisée par la crise is­
sue de l’éclatement d’une “bulle”
spéculative en 2008. Cette crise si­
gnifie pour la plus grande partie de
la population : détérioration du pou­
voir d’achat, chômage et aggravation
des conditions de vie. On en pré­
voyait la sortie pour 2010, laquelle
est, à ce jour, encore en attente.
La crise trouve son origine dans un
système économique dont le seul
moteur est l’intérêt privé et le profit
financier. Ce moteur est malade : il
ne permet plus le développement
économique et social. Cela explique
en grande partie l’échec de la confé­
rence de Copenhague à imposer le
respect de l’environnement.
Les différents plans de relance
adoptés ici ou là dans le monde sont
d’une efficacité douteuse car ils ne
s’attaquent pas à la racine du mal : le
profit.
Ainsi voit­on en ce début 2010, la
bulle financière éclatée en 2008 se
reformer, entraînant un nouveau
risque de krach. Mais les
conséquences de cette crise sont en­
core aggravées par la politique sar­
kozyste : recul des aides sociales,
coupes claires dans les services pu­
blics.
Sur le plan international, chacun a en
tête l’attaque israélienne de Gaza, le
très lourd bilan de celle­ci en vic­
times palestiniennes et le blocus qui
s'en est suivi, empêchant la répara­
tion des dégâts causés par Tsahal
tandis que le conflit n’a toujours pas
trouvé d’issue pacifique depuis plus
de 60 ans, faute de volonté politique
israélienne.
De plus, l’OTAN continue d’inter­
venir en Afghanistan tandis que la si­
tuation iranienne est plus que préoc­
cupante. Certains pensaient, comme
le jury Nobel, que l’élection de Ba­
rack Obama était une promesse de
paix. A cet espoir correspond à ce
jour une grave déception.
Dans ces deux domaines, seul l’en­
gagement des peuples pour affirmer
leur désir de changement et de paix
peut apporter une amélioration.
Il faut un fort mouvement social
pour enrayer la crise et préparer
l’avenir.
Il faut un engagement de la société
civile mondiale pour imposer un
nouvel ordre international basé sur
des relations pacifiques.
Exprimer ces souhaits, c’est déjà for­
muler les meilleurs vœux possibles
pour l’année 2010, que je voudrais
heureuse pour chacun de nos lec­
teurs. 
Jacques Lewkowicz
président de l'UJRE

Hommage à “Jacques Sylvère” - rédacteur de la Pnh
Marcel Cerf nous a quittés. Il avait te­
nu la page historique dans la PNH, dont
cette année ouvre le 45e anniversaire.
L’UJRE se devait d’être présente à ses
obsèques. Vice­président de la Société
des amis de la Commune de Pa­
ris–1871, il était passionnément curieux
de tout, ouvert à tout ; ses yeux pé­
tillaient de bonté, d’amour, de tolé­
rance. Quand nous lui avions demandé
d’écrire quelques lignes sur l’époque de
la Naïe Presse, il avait, deux se­
maines avant sa mort, écrit ces mots qui
témoignent de la fraîcheur, de la jeu­
nesse d’esprit d’un homme qui n’était
plus que souffrance :
“Chroniqueur historique à la Presse
Nouvelle, version française de la Naïe
Presse, j'ai pris le pseudonyme de
Jacques Sylvère. A la Presse Nouvelle,
j'ai pu apprécier les grandes qualités
rédactionnelles du rédacteur en chef.
Ce fin lettré était très estimé de tous
ses collaborateurs. C'était un homme
affable et courtois. Il avait une haute
conception de la justice. Loyal et bon, il
savait, néanmoins, prendre des déci­
sions énergiques quand les cir­
constances l'exigeaient. IL était, par
ailleurs, polyglotte et érudit.
En 1977, j'ai été missionné par le jour­
nal pour me rendre en Israël afin de
rendre compte de la Conférence inter­
nationale pour la paix. Coïncidence ex­
ceptionnelle, au même moment, Anouar
el­Sadate se proposait de négocier avec
l'Etat hébreu dans le respect du droit

des Palestiniens. Il a effectué un voyage
historique en Israël. Ma mission de
correspondant pour la PNH a pris une
tout autre dimension. Dans l'avion, j'ai
rencontré Mendès­France qui s'était dé­
placé pour la circonstance.”
La souffrance devenant intenable, il
n'en put écrire davantage, nous laissant
sur notre faim. Nous aurons l’occasion
de revenir sur cette grande figure infini­
ment fraternelle. Qu’il suffise de dire
qu’à l’issue de la cérémonie, l’as­
sistance chanta en chœur et à pleins
poumons Le temps des cerises. Une
forme de communion, rare dans un ci­
metière,
qui nous unit tous dans
l’amour de l’humanité et de la dignité
humaine qui marque l’esprit de la
Commune. Jusqu’au bout, Marcel aura
eu l’art de partager, de donner... 
pour l'UJRE,
N. Mokobodzki

P.N.M. Janvier 2010

Carnet

Claudine,
sa fille
Cypora et Grégory,
ses petits­enfants,
Adam,
son arrière­petit­fils
Toute sa famille,
Tous ses amis,
font part avec infiniment de chagrin
du décès de

Marcel CERF

Historien de la
Commune de Paris–1871

survenu le 1er janvier 2010
dans sa 99e année
Claudine CERF
Cypora et Grégory GUTIERREZ

A l erte à l ’ ant i s émi t i s me
e t au x menées fas ci stes en H ongri e !

Communiqué : L’UJRE proclame sa solidarité avec Vilmös Hanti, président de l’As­
sociation antifasciste hongroise ­ MEASZ ­ association de résistants et antifascistes
hongrois. Le site d’extrême droite “HUNHIR”, tenu par des membres de la “Garde
Hongroise”, officiellement interdite, dénonce “les juifs traîtres à la patrie, les suc­
cesseurs des terroristes” et déclare qu’il faudra, quant à Hanti, “le pendre par les
poignets et allumer le feu en dessous pour que la graisse tombe goutte à goutte”. Ce­
la fait quelque temps que des amis hongrois nous faisaient part d’une inquiétante
montée de l’antisémitisme orchestrée par l’extrême droite. Nous n’avons pu vérifier
si M. Hanti est juif ou non. En tout état de cause, notre solidarité antifasciste lui est
acquise.  UJRE, Paris, le 30 décembre 2009

Courrier des lecteurs - Vous réagissez ?
G. Jamet (Paris) : Chers amis, tout
d'abord mes vœux de santé, paix et
bonheur à tous. L'année commençante
l'a été sous de bons augures car le nu­
méro 271 de la PNM m'en rend la lec­
ture toujours plus indispensable et
revigorante. (…) À propos de l'encart
sur Pie XII (… voici un) courriel d'An­
nie Lacroix­Riz, professeure d'histoire
à Paris 7, auteure entre autres, de Vati­
can,l'Europe et le Reich (…) Son site
apporte des preuves à l'ignominie de
Pie XII "le pape d'Hitler". (…) Jean­
Paul II n'en sort pas non plus indemne.
Petit bémol, la critique cinématogra­
phique de Laura Laufer est bien sévère
pour le cinéma de la cuvée 2009 tout en
louant Vincere qui pour moi a deux dé­
faut majeurs parce que lourds de retom­
bées : le pathos qui empêche toute
réflexion, et la psychologisation des
chefs fascistes, très tendance dans
l'histoire aujourd'hui, qui permet d'éli­
miner toute référence au système politi­
co­économique qui en a permis – et la
permet toujours ­ l'éclosion et le "nous
ne savions pas". A ce propos, c'est ou­
blier le film de la Palestinienne ­ certes
sorti fin 2008 ­ Le sel de la mer de An­
nemarie Jacir et des films français
comme Welcome, Walter, Retour en ré­
sistance, et celui que les médias et les
grands distributeurs ont vite mis au re­
but : A l'origine de Xavier Giannoli.
L'intervention sur A2 de François Clu­
zet en faveur de Salah Hamouri y se­
rait­elle pour quelque chose, sachant
que l'Union des patrons juifs (!) vient
d'honorer B. Hortefeux pour ses com­
bats contre l'antisémitisme ? Ah,
comme notre rédactrice, j'ai omis L'ar­
mée du crime... Bien fidèlement. 

Alice Gibard (St. Pierre de Chandieu) : Bien que mes courriers n'aient jamais
été publiés, et l'on peut se demander pourquoi, peut­être parce qu'ils ne vous
conviennent pas idéologiquement, je persiste cependant puisque vous sollicitez
des témoignages sur l'identité juive, ou ce que signifie être juif pour chacun.
[… suit le témoignage ...] Espérant que ces quelques lignes aideront à animer un dé­
bat, qui hélas n'en finit pas ! Amicalement tout de même. 
Chère amie, l'équipe de “bénévoles­intermittents” de notre association et de la
rédaction de notre journal est parfois débordée de travail, c'est notre seule ex­
cuse – mauvaise, nous en sommes conscients – pour ne pas vous avoir répondu.
Cette équipe est néanmoins fière de poursuivre la publication de la Pnm et d'œu­
vrer à la création du prochain Espace de Mémoire dédié aux résistants juifs de
la M.o.i. Sur le “cycle opinions” évoqué, s'il est vrai que notre programmation
initiale 2009/2010 prévoyait de publier l'avis d'un certain nombre de “personna­
lités”, et pourquoi pas, la tenue d'un colloque, notre programme est adaptable et
vous nous rappelez fort justement que la parole appartient autant à nos lec­
teurs... Nous reportons donc la publication intégrale de votre contribution à un
numéro à paraître d'ici fin juin, et consacré au débat alimenté par nos lecteurs ;
en vous remerciant d'avance de votre compréhension. La question est : "Être juif
au XXIe siècle". Des candidats à la réponse ? A vos plumes ! 
Pnm

Souscription* n° 51 - du 15/12/09 au15/01/10

Vos dons permettent à l'UJRE de se maintenir au 14 rue de Paradis (loyer mensuel : 1300 €), de
poursuivre la publication de la Presse Nouvelle Magazine et d'accueillir nos associations amies :
Théâtre Abi Gezint, Choeur Golgevit, Mémoire des Résistants Juifs de la MOI, Amis de la CCE,
Jeunes Juifs Laïques. Grand merci !!!
Jacques Lewkowicz
président de l’UJRE

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(*) sauf mention explicite (adhésion, réabonnement ou don), les règlements reçus sont imputés en
priorité en renouvellement d’abonnement, puis en don. Pour rappel, 66% des montants d’adhésion à
l’UJRE et des dons sont déductibles des revenus déclarables. Nous prions les abonnés à la PNM de
bien vouloir renouveler spontanément leur abonnement, pour nous épargner des frais de relance.
Votre PNM vous en remercie d’avance.
P.N.M. Janvier 2010
À lire

Billet d'humeur

“Les Arabes
et la Shoah”

N

ew York, le 29 novembre 1947 :
l’Assemblée générale des Na­
tions unies décide de partager
la Palestine en un Etat juif, un Etat
arabe et une zone internationale
pour Jérusalem et les Lieux
saints. Mais le monde arabe re­
fuse cette décision. Pourquoi,
demande­t­il, le génocide des
Juifs, perpétré en Europe par les
nazis avec la complicité de nom­
breux gouvernements, devrait­il
être “réparé” aux dépens des
Palestiniens, qui n’en portent aucune
responsabilité ?
A cette question, les propagandistes is­
raéliens répondent de longue date en
excipant le personnage de Hadj Amine
al­Husseini. Issu d’une des deux
grandes familles palestiniennes, nommé
Grand Mufti par la puissance manda­
taire britannique, il se retournera contre
son “parrain” au point de passer le gros
de la Seconde Guerre mondiale à Rome
et Berlin. Dans les Balkans, il ira jus­
qu’à créer une Légion SS musulmane.
Franco­libanais, professeur à la Sc­
hool of Oriental and African Studies de
l'Université de Londres, Gilbert Achcar,

Magazine Progressiste Juif
édité par l'U.J.R.E

N° de commission paritaire 0614 G 89897
Directeur de la publication
Jacques LEWKOWICZ
Administrateur
Sylvain Goldstein
Rédacteur en chef
Roland Wlos
Conseil de rédaction
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Jeannette Galili­Lafon, Patrick Kamenka,
Nicole Mokobodzki
Secrétaire de rédaction
Gestion des abonnements
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Rédaction – Administration
14, rue de Paradis
75010 PARI S
Tel : 01 47 70 62 16
Fax : 01 45 23 00 96
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Courriel .....................................

3

Monsieur Brice, les patrons
et le racisme

dans son dernier livre, Les Arabes et la
Shoah. La guerre israélo­arabe des
récits*, éclaire cette triste destinée sans
rien en dissimuler : ni le degré de la
collaboration du Mufti avec Mus­
solini et Hitler, qui l’amènera à
approuver le judéocide ; ni le peu
de Palestiniens enrôlés sous le
drapeau nazi, quelques dizaines
contre 9.000 engagés dans l’ar­
mée britannique ; ni, au­delà, le
caractère marginal de ce choix
dans le mouvement national pa­
lestinien et arabe.
Mais Achcar va plus loin : des années
1930 au début du XXIe siècle, il cerne
de plus près qu’on ne l’avait jamais fait
l’attitude des Arabes face au nazisme.
Impossible de résumer ici, en quelques
lignes, les quelques cinq cents pages de
cette démonstration argumentée et do­
cumentée.
Comme dans le cas du Mufti, l’auteur
montre comment, avant­guerre, la lo­
gique selon laquelle “l’ennemi de mon
ennemi est mon ami**” poussa une
frange du mouvement national à recher­
cher le soutien des dictatures ; et, après­
guerre, comment la disparition de la Pa­
lestine et l’expulsion de 900 000 des
siens, puis le conflit israélo­arabe qui
s’ensuivit amena certains dirigeants
arabes à relativiser l’ampleur du judéo­
cide, voire à accueillir – comme les
Etats­Unis d’ailleurs ­ d’anciens nazis.
Pour autant, démontre­t­il, le négation­
nisme, proprement dit, ne s’est pas en­
raciné dans des opinions qui n’ont
jamais eu de sympathie pour le na­
zisme.
Voici une dizaine d’années, le grand
intellectuel américano­palestinien Ed­
ward Saïd écrivait*** : “La thèse selon
laquelle l’Holocauste ne serait qu’une
fabrication des sionistes circule ici et là
de manière inacceptable. Pourquoi at­
tendons­nous du monde entier qu’il
prenne conscience de nos souffrances
en tant qu’Arabes si nous ne sommes
pas en mesure de prendre conscience de
celles des autres, quand bien même il
s’agit de nos oppresseurs, et si nous
nous révélons incapables de traiter avec
les faits dès lors qu’ils dérangent la vi­
sion simpliste d’intellectuels bien­pen­
sants qui refusent de voir le lien qui
existe entre l’Holocauste et Israël ? ” 
Dominique Vidal

* Gilbert Achcar, Les Arabes et la Shoah. La
guerre israélo­arabe des récits, Sindbad­
Actes Sud, Arles, 2009, 528 p., 26 €.
** N’oublions pas que l’Organisation sio­
niste mondiale conclut avec le gouverne­
ment nazi, dès août 1933, l’accord dit de la
Haavara, grâce auquel plusieurs dizaines
de milliers de juifs allemands purent ga­
gner la Palestine avec une partie de leur
capital, sous forme d’exportations du
Reich. Pis : fin 1940, le Lehi d’Itzhak Sha­
mir ­ dit aussi groupe Stern, issu d’une
scission de l’Irgoun fondée par Zeev Jabo­
tinsky ­ avait adressé au Reich une lettre
lui proposant une alliance stratégique. Mais
nul, à l’époque, n’imaginait la Shoah…
*** Le Monde diplomatique, août 1998.

Monsieur Brice est ministre de l'Inté­
rieur. L'Union des Patrons Juifs de
France (UPJF) l'a honoré récemment
d'une distinction, reconnaissant dans
cet humaniste un pourfendeur du ra­
cisme et de l'antisémitisme. On ne peut
qu'applaudir. Je m'autorise toutefois
quelques bémols dans l'admiration :
Un comparse du chanoine Nicolas, le
maître de tous les Français, ne peut
rien refuser au patronat, quelle que soit
sa forme.
L'UPJF n'est pas un syndicat mais un or­
ganisme de combat raciste, prenant
pour cible tout ce qui est arabe et pa­
lestinien. Les opposants à Netanya­
hou, les partisans de la paix au
Proche­Orient, les musulmans de
toutes obédiences sont des antisémites,
les immigrés, les progressistes sont des

LE SNJ-CGT

antisémites. Monsieur Brice est contre
cet "antisémitisme" là.
Il est aussi contre le racisme anti­mu­
sulman. La preuve : lors de l'Universi­
té d'été de son parti (l'UMP), il a serré
la main d'un jeune arabe. En ajoutant
finement : "Un, ça va. Les problèmes
arrivent quand ils sont nombreux".
Joignant le geste à la parole, lorsqu'il
était ministre de l'Immigration, il se
plaisait à faire du chiffre en expulsant
beaucoup de "ces gens­là". Je note que
son successeur, Monsieur Éric le sur­
passe.
Buvant le calice jusqu'à la lie, j'ai
consulté le site de l'Union des Patrons
Juifs. Le style et le fond m'ont, à
quelques mots près, ramené en 1942,
au sortir de l'adolescence. C'est vrai­
ment la lie. 
Jacques Franck
Société

COMMUNIQUE

Le Syndicat National des Journalistes CGT dénonce un débat
en faveur des thèses racistes sur France Télévisions
La direction de France Télévisions a décidé de s’inscrire dans l’infâme débat sur
l’identité nationale en donnant la parole jeudi 14 janvier sur France 2 au ministre
des expulsions Eric Besson face à Marine Le Pen, représentante de l’extrême
droite.
Il est totalement inadmissible pour le SNJ­CGT qu’un tel spectacle ait lieu sur les
antennes du service public qui, comme on le voit déjà dans le cadre de ce débat,
servira encore mieux à flatter les mauvais instincts, à stigmatiser l’autre, à dé­
noncer l’étranger et faire le lit des thèses racistes et xénophobes que soutient de­
puis toujours le FN.
Les journalistes de France Télévisions et des autres medias ne seront pas les
faire­valoir d’un débat aux relents nationalistes, islamophobes et démagogiques
voulus par le gouvernement Fillon­Sarkozy à la veille des régionales. Tout cela
n’est pas sans remettre au goût du jour les veilles formules haineuses de "la
France aux Français"
Faut­il rappeler que le racisme n’est pas une opinion mais un délit ?
Le SNJ­CGT appelle à ce que ce débat, indigne du pays des droits de l’Homme,
soit déprogrammé.
Nous appelons les autres syndicats, la profession à se joindre à notre demande
de retrait de ce débat.
TOUS ENSEMBLE FAISONS ÉCHEC À LA BANALISATION DES IDÉES RACISTES, ANTI­
SÉMITES ET XÉNOPHOBES. FAISONS ÉCHEC À UNE ÉMISSION, VÉRITABLE INSULTE AU
PEUPLE FRANÇAIS. 
Montreuil, le 13 janvier 2010

Assemblée
Générale

Menschel

et Romanska

Du 1er au 21 février, la pièce du
dramaturge israélien, Hanokh Levin
(1943­1999) explore ce “terrible
paradoxe : comme elle est grande, la
petitesse humaine” !
Menschel et Romanska, qui se savent
être le destin l’un de l’autre, ne s’y
résignent pas. L’énergie qu’ils ne met­
tent pas à transcender leur condition
d’insecte humain, ils la dilapident en
de vaines mesquineries...
Mise en scène : Olivier Balazuc
Interprétation : Daniel Kenigsberg
Horaires : du 1er au 5 février, du 11 au
13, du 18 au 20 à 21h, les dimanche 7,
14 et 21 à 17h 30.
Théâtre de la Vieille Grille
1, rue du Puits­de­l'Ermite 75005 Paris
Information : 08 99 65 13 55 (N° 899)

Merci à tous les adhérents
de l'UJRE de prendre note de notre pro­
chaine assemblée générale, le

Samedi 27 mars 2010

Partie privée

réservée aux adhérents à jour de leur cotisation

15:00 Rapport moral, rapport financier,
vote des orientations, divers.

Partie artistique - publique et gratuite

Invitez largement, famille et amis !

17:00 Extraits du spectacle Dona, Dona
par Claude Liberman et ses musiciens
[ klezmer & yiddish chanté en français ]
suivi du traditionnel pot de l'amitié
4

C

Cycle opinions : être Juif au XXIeme siècle

Respecter le
contrat laïque

Être juif
après Gaza

omment être juif aujourd’hui
après Gaza ? Je me pose cette
question non seulement en
tant que Juive vivant en diaspora,
mais aussi comme une fille d’Israël,
qui a grandi dans ce pays et qui a dé­
jà assisté à d’autres exactions graves
à l’endroit des Palestiniens.
Cette question aurait certes pu être
posée en maintes autres circon­
stances. Mais peut­être aujourd’hui
plus que jamais, devant le monde qui
a vu défiler les images d’horreur des
offensives israéliennes contre Gaza,
devant l’immense empathie ressentie
face aux destructions et au meurtre
de centaines de civils palestiniens,
700 au moins sur les 1400 tués, face
aux privations, aux humiliations et
aux mauvais traitements infligés par
une armée pourtant présentée par son
ministre de la Défense,
l’ex­travailliste Ehud Ba­
rak, comme l’armée la
plus morale du monde,
peut­être aujourd’hui, plus
que jamais, garder le si­
lence reviendrait à accep­
ter l’inacceptable.
Les Juifs qui ont subi per­
sécutions, pogromes et
plus tard, pendant la Se­
conde Guerre mondiale,
anéantissement, ont le devoir de se
poser tous les jours cette question
s’ils souhaitent encore regarder ceux
qui les entourent droit dans les yeux,
sans avoir honte.
Être juif n’est pas seulement adhérer
à une foi, observer une pratique,
mais avant tout, surtout dans un
monde largement sécularisé, assumer
une position éthique, qui rend co­
responsable de tout acte, non seule­
ment venant de soi, mais aussi
d’Israël comme Etat, tant le judaïsme
d’aujourd’hui ne se conçoit plus sans
l’attachement à ce pays.
L’Holocauste et Israël sont les deux
marqueurs identitaires de la plupart
des Juifs de diaspora et pour cette
raison, ceux­ci ont le devoir de criti­
quer Israël et la manière dont il a
mené cette guerre inhumaine contre
Gaza.
Le soutien à Israël ne peut qu’être
exigeant, pour que ce pays continue
à exister. Cette exigence n’a rien à
voir avec un soutien inconditionnel
du Hamas ou du terrorisme.
C’est avec la même intransigeance
éthique qu’il convient d’inciter les
forces politiques palestiniennes, y
compris le Hamas, à continuer de
demander, avec force et conviction,
et aussi bonne volonté, la création
d’un Etat palestinien indépendant
dans les frontières de 1967. La sur­
vie d’Israël lui­même en dépend.

C’est à la diaspora juive de deman­
der aux Etats dont ils sont les ci­
toyens, surtout en Europe, de sortir
de la pesante culpabilité qui les
écrase en raison de l’Holocauste et
de regarder avec plus de clair­
voyance du côté palestinien.
Il ne sert à rien d’enterrer le rapport
de Richard Goldstone, devenu traître
au judaïsme parce qu’il a dénoncé ce
qui s’est passé pendant les offensives
contre Gaza, y compris les crimes de
guerre. Le même rapport ne
condamne­t­il pas aussi, pour crimes
de guerre, le Hamas, qui n’a cessé
d’envoyer ses roquettes vers le sud
d’Israël, mettant en danger la vie de
civils innocents ?
Israël a perdu pour la première fois
la guerre des médias. C’est mainte­
nant qu’il est urgent de revenir aux
fondements de l’éthique
juive, sauf à accepter un
regain croissant d’anti­
sémitisme.
Si Israël représentait hier
la sécurité pour ceux qui
avaient vécu la catastro­
phe des années noires de
guerre, et pour leurs des­
cendants, aujourd’hui le
tabou de l’Holocauste a
sauté (et ce, depuis la se­
conde Intifada) et rien n’arrêtera la
vague antisémite qui gonfle si Israël
continue dans la voie de l’inhumanité.
Israël est en grande partie res­
ponsable de la montée d’un nouvel
antisémitisme. Celui­ci est certes in­
tolérable et rien ne le justifie. Mais le
fait est qu’il se confond avec la cri­
tique virulente des dérives inaccep­
tables de cet Etat, mettant dans le
même sac Israéliens et Juifs. Et si Is­
raël souhaite encore compter avec
l’aide et le soutien de la diaspora
juive, il est temps qu’il change son
mode d’action. L’amour aveugle des
Juifs pour un Israël devenu autiste
pourrait bien faiblir face au rejet
dont ils sont la cible aujourd’hui
dans les pays dont ils sont citoyens à
part entière.
Être juif, c’est avant tout avoir ce re­
gard porté sur soi et sur autrui pour
établir invariablement la balance
entre soi et le monde. Le nationa­
lisme effréné est son ennemi mortel,
l’universalisme son salut. 
Esther Benbassa

31/12/2009
www.estherbenbassa.net
NDLR Esther Benbassa est Directrice
d’Etudes à l’École Pratique des Hautes
études (Sorbonne, Paris), spécialiste
d’histoire des juifs et d’histoire contempo­
raine, intellectuelle publique. Elle vient de
publier Etre juif après Gaza (Paris, CNRS
Éditions, 2009), 4 €.

P.N.M. Janvier 2010

Régine Azria est sociologue, chercheuse au Centre d'études interdisciplinaires des
faits religieux (CEIFR) de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Existe­t­il à vos yeux une communau­
té juive de France?
e récuse le terme de communauté
juive. C’est un déni des acquis de
la Révolution française. L’existence
des institutions communautaires est
autre chose. Elles sont d’ailleurs di­
verses, elles n’ont pas les mêmes
fonctions et les mêmes orientations
idéologiques. Beaucoup de juifs en
France ne se reconnaissent pas dans
le terme de communauté juive,
même si l’on peut affirmer qu’il y a
consensus, par exemple, contre
l’antisémitisme.
Cette notion de communauté est une
notion piège. Ceci est le résultat
d’ailleurs de la séparation en France
de l’Église et de l’Etat, de la laïcité.
Pour autant il n'est pas question de
nier la réalité d'un judaïsme organisé
en France.
Peut­on parler de retour du phéno­
mène religieux parmi les juifs de
France ?
’est un phénomène qui est lié à
l’histoire du judaïsme en France
marqué, notamment après la guerre
d’Algérie, par la montée du ju­
daïsme traditionnel venant des juifs
d’Afrique du Nord, qui avaient une
pratique
plus
culturelle
que
cultuelle. Il est clair que certains
quartiers des grandes villes ont été
marqués par ce phénomène avec la
réapparition et la visibilité d’une vie
juive collective.
Ce genre de pratique avait connu un
net recul après la guerre, d'une part
parce que les juifs pratiquants parmi
les juifs ashkénazes (boutiquiers,
tailleurs etc.) étaient très minori­
taires et d'autre part, parce que leurs
pratiques étaient davantage tournées
vers le politique.
L’arrivée des juifs d’Afrique du
Nord a redonné vie à un nouveau
type de “rue juive”, avec une volon­
té d’être plus visible. Ceci s’ex­
plique aussi par le travail effectué
par les loubavitch auprès des séfa­
rades et notamment auprès des
jeunes.
Il faut aussi prendre en compte
l’élection en 1981 du rabbin Sirat
puis celle du rabbin Sitruk. On est
ainsi passé d'un Consistoire relative­
ment modéré religieusement et con­
sensuel, au rigorisme. Ce change­
ment de cap a été marqué également
par l'ouverture d’écoles juives ultra­
religieuses, venant en parallèle de la
crise de l’école publique et de la mul­
tiplication des incidents inter­com­
munautaires dans les quartiers
“sensibles” de plusieurs villes.

J

C

La prise de conscience identitaire au
sein de la population juive de France
s’est faite progressivement et a
commencé par rapport à Israël. Le
besoin de se montrer juif à l'exté­
rieur, dans la rue, éventuellement en
mettant une kippa, la volonté d’af­
ficher son identité notamment après
la Guerre des Six jours, alors qu’au­
paravant la pratique était plutôt : juif
chez soi, citoyen au dehors.
Y a­t­il dans le phénomène reli­
gieux une recherche d'idéal en rai­
son de la perte des valeurs dans les
sociétés modernes ?

D

evant la crise des valeurs, il est
sûr qu’il y a recherche de certi­
tudes, d’encadrement. La crise des
grandes idéologies a créé un vide.
Le fait que les mariages entre juifs
et non juifs soient monnaie courante
plaide pour une ouverture, une sécu­
larisation. C’est un signe important.
L’image de la Nation et de la laïcité
a changé en France depuis la grande
vague de 68 qui a provoqué un
télescopage dans la société en heur­
tant le concept de la “nation, une et
indivisible”.
La société française s’est découverte
plurielle, phénomène auquel elle
n’était pas préparée.
Ces changements vont de pair avec
l’attachement des juifs français à
l'égard d'Israël. L'image de ce pays a
changé : on est passé de l’idée de re­
fuge contre l’antisémitisme après la
deuxième guerre mondiale, à Israël,
terre de la promesse messianique.
En France, on peut pratiquer sa reli­
gion comme on le veut et c’est plus
facile pour un juif que pour un mu­
sulman. Il n’est pas dangereux de se
dire juif en France.
Il y a d’ailleurs de plus en plus
d’écoles religieuses confessionnelles
et de ce qu’on appelle au Canada les
“accommodements
raisonnables”
pour garantir aux élèves et étudiants
juifs pratiquants, le respect du shab­
bat ou de kippour. Le Consistoire
négocie par exemple avec l’Educa­
tion Nationale pour éviter de fixer
les examens lors des fêtes juives.
La République et la laïcité, contrai­
rement aux idées reçues, ne sont pas
menacées par ces pratiques, pour au­
tant que les “pratiquants” respectent
de leur côté le contrat laïque. 
Régine Azria
Propos recueillis par
Patrick Kamenka

* Régine Azria, Le Judaïsme, La Découverte,
Coll. Repères, Paris, 2003, 128 p., 9,50 €
Histoire

P.N.M. Janvier 2010

5

Les philosophes français des Lumières et la question juive
De l’antijudaïsme au décret de la Constituante qui accorde aux Juifs la citoyenneté

Ie partie

A

lors qu’au XVIIe siècle
l’Église avait réussi à
contenir et brider le mouve­
ment humaniste du XVIe, le XVIIIe
se caractérise par une détestation de
la religiosité qui avait prévalu au
siècle précédent. Pour combattre
l’Église et, plus généralement le
christianisme, on attaque les livres
auxquels celui­ci se réfère, notam­
ment l’Ancien Testament, d’où un
antijudaïsme qui est en contradiction
avec l’esprit de tolérance professé et,
dans une certaine mesure, avec les
légers progrès accomplis dans le
traitement politique réservé à la
communauté juive essentiellement
localisée en Alsace, en Avignon et à
Bordeaux.

François Marie Arouet, dit Voltaire (1694­1778)

Voltaire, philosophe anticlérical, est
le tenant d’un antijudaïsme qui en­
tend démasquer la Bible pour saper
les fondements de l’Église. La Bible
est pour lui un tissu de plagiats :
“Les Juifs firent […] de l’histoire et
de la fable ancienne ce que les fri­
piers font de leurs vieux habits ; ils
les retournent et les vendent comme
neufs le plus chèrement qu’ils
peuvent.”
Il se régale ainsi, avec l’ironie qu’on
lui connaît, d’une liste d’emprunts
aux Phéniciens, aux Égyptiens, aux
Chaldéens, à la mythologie grecque,
entre autres. Dire que la Bible est le
point de rencontre de toutes les my­
thologies, c’était pour Voltaire lui
ôter ses origines divines, son statut
de livre saint. Par ailleurs, Voltaire
voue aux Juifs une hostilité qui se
traduit par la reprise de clichés, cari­
catures et accusations en vigueur de­
puis le Moyen Âge. Il explique, par
exemple, les métiers ambulants que
doivent pratiquer certains Juifs
comme une persistance de “leur va­
gabondage dans le désert”. Et accu­
mule les qualifications les plus
outrancières : la nation juive est “la

plus détestable qui ait jamais souillé
la terre”, “une horde de voleurs et
d’usuriers” ; mais concède tout de
même qu’au moins, ils n’ont pas été
anthropophages : “C’eut été la seule
chose qui eut manqué au peuple de
Dieu pour être le plus abominable de
la terre”.
Voltaire, antisémite ?
Tout de même non, car il se disculpe
en dressant un tableau des sévices
que le monde chrétien a fait subir
aux Juifs : “Ma tendresse pour vous
n’a plus qu’un mot à vous dire. Nous
vous avons pendus entre deux chiens
pendant des siècles ; nous vous
avons arraché les dents pour vous
forcer à nous donner votre argent ;
nous vous avons chassés plusieurs
fois par avarice, et nous vous avons
rappelés par avance et par bêtise ;
nous vous faisons payer encore dans
plus d’une ville la liberté de respirer
l’air ; nous vous avons sacrifiés à
Dieu dans plus d’un royaume ; nous
vous avons brûlés en holocaustes :
car je ne veux pas, à votre exemple,
dissimuler que nous ayons offert à
Dieu des sacrifices de sang humain.”
On a cherché à expliquer la partialité
de celui qui reste le pourfendeur du
fanatisme, de celui pour qui la
“philosophie” doit favoriser l’esprit
de tolérance. Il faut peut­être remon­
ter, pour cela aux années 1750­1753
que Voltaire passe à la cour de Frédé­
ric II à Berlin et Potsdam. Voltaire
qui accumule une fortune colossale
en spéculant sur l’approvisionnement
des armées eut une histoire fraudu­
leuse d’achat et de vente de titres
confiés à un banquier juif, Hirschel.
Un procès entre les deux hommes
s’ensuivit. L’affaire étant plus qu’em­
brouillée, les juges prussiens impo­
sèrent un accord que Voltaire
n’accepta pas. Celui­ci falsifia des do­
cuments et cria haut et fort qu’il
avait été trompé, ce qui mit Frédéric
II, sourcilleux en matière de (sa)
justice, dans une telle colère qu’il
écrivit en français une comédie versi­
fiée, Le Procès de Tantalus, pastiche
du procès Voltaire­ Hirschel où l’un
était dépeint comme un gredin et
l’autre comme une fripouille.
L’Esprit des lois, œuvre majeure de
Montesquieu après Les Lettres per­
sanes, dont certaines idées, telle la sé­
paration des pouvoirs, seront reprises
dans les constitutions américaine et
française, est un texte fondateur des
principes de tolérance, qui contient
une idée nouvelle, révolutionnaire : il
convient de ne pas juger les Juifs,
mais de se juger par les Juifs. À l’en­

contre du scepticisme de nombre de
ses contemporains, il ne considère
pas les religions comme des va­
riantes d’une même erreur fon­
damentale, mais, examinant celles­ci
en tant qu’institutions, il leur recon­
naît l’utilité d’un appareil idéolo­
gique structurant, car “on tient
beaucoup aux choses dont on est
continuellement occupé.”
Le judaïsme cultive, selon lui, les
deux caractères essentiels d’une reli­
gion : un culte riche et un fonds éle­
vé. On peut faire changer de religion
un “peuple barbare” en raison de la
superficialité de celle­ci ; en re­
vanche, la religion juive est trop
forte, trop distincte des autres, pour
qu’on puisse obtenir des conversions
faciles : même éloigné par les per­
sécutions de sa pratique religieuse
originelle – Montesquieu pense aux
“Nouveaux Chrétiens” – un Juif lui
reste lié. Cette distinction, la religion
hébraïque la doit, pense­t­il, au fait
qu’elle est première, fondatrice :
“La religion juive est un vieux tronc
qui a produit deux branches qui ont
couvert toute la terre, je veux dire le
Mahométisme et le Christianisme ;
ou plutôt c’est une mère qui a engen­
dré deux filles qui l’ont accablée de
mille plaies : car, en fait de religion,
les plus proches sont les plus
grandes ennemies. Mais, quelques
mauvais traitements qu’elle en ait
reçus, elle ne laisse pas de se glori­
fier de les avoir mises au monde ;
elle se sert de l’une et de l’autre
pour embrasser le monde entier, tan­
dis que d’un autre côté sa vieillesse
vénérable embrasse tous les temps.”
Lors, Montesquieu dénonce à
maintes reprises les exactions com­
mises par les Chrétiens à l’endroit
des Juifs. Entre autres : “Ce qui se
passa en Angleterre donnera une
idée de ce qu’on fit dans d’autres
pays. Le roi Jean ayant fait empri­
sonner les Juifs pour avoir leur bien,
il y en eut peu qui n’eussent au
moins quelque œil crevé. Ce roi fai­
sait ainsi sa chambre de justice. Un
d’eux, à qui on arracha sept dents,
une chaque jour, donna dix mille
marcs d’argent à la huitième. Henri
III tira d’Aaron, juif d’York, quatorze
mille marcs d’argent, et dix mille
pour la reine. Dans ces temps­là, on
faisait violemment ce qu’on fait au­
jourd’hui en Pologne avec quelque
mesure. Les rois ne pouvant fouiller
dans la bourse de leurs sujets, à
cause de leurs privilèges, mettaient à
la torture les Juifs, qu’on ne regar­
dait pas comme citoyens.”  [ à suivre ]
François Mathieu

Charles­Louis de Secondat, baron de La Brède et
de Montesquieu, dit Montesquieu (1689­1755)

Le “vénérable”
Pie XII

Lu
sur le
site du
Crif

“

Le B'nai B'rith a décidé de mener
une action contre le projet de béatifi­
cation de Pie XII. Le BBF* a écrit au
Nonce Apostolique de France, rédigé
un communiqué de presse et lancé la
pétition ci–dessous : Contre la béatifi­
cation de Pie XII ­ Le B'nai B'rith, Or­
ganisation non gouvernementale juive,
humaniste et pluraliste, a pris con­
naissance de la signature, le 19
décembre par le Pape Benoît XVI, du
décret déclarant Pie XII, Pape de 1939
à 1958, “vénérable” compte tenu de
“ses vertus héroïques” en vue de sa
béatification. Il est avéré historique­
ment qu'à l'époque dramatique où le
peuple juif subissait la barbarie nazie,
le Pape Pie XII, autorité suprême de la
chrétienté a, par son silence et sa pas­
sivité apparente à l'égard de ce drame,
laissé implicitement mais en pleine
conscience s'accomplir les crimes na­
zis. Nous demandons d'attendre jusqu'à
ce que l'ouverture des archives du Va­
tican ait pu faire la lumière sur l'atti­
tude de Pie XII avant d'envisager sa
béatification. Le B'nai B'rith appelle à
signer cette pétition : http://contrela­
beatificationdepiexii.bbpetition.org
* BBF : B'naï B'rith de France

N

”

ous avons publié dans la PNM de
décembre le communiqué de
l'Ujre exprimant, face à la procédure
de béatification du pape Pie XII,
colère et indignation, les archives du
Vatican concernant cette période étant
toujours fermées... La béatification de
ce “vénérable serviteur de Dieu” se­
rait d'autant plus contestable qu'à son
attitude envers les juifs, il faut ajouter
la passivité dont il a fait preuve et les
liens qu'il a entretenus avec le pou­
voir nazi. Faut­il rappeler qu'il a
confié au futur Paul VI le soin d'or­
ganiser la “filière des rats”, grâce à
quoi nombre de criminels de guerre
nazis sont allés reprendre du service
en Amérique latine ? 
Pnm
6

Culture
Poi nt
d e vue
vu

P.N.M. Janvier 2010

à propos du livre

“L’ ant i s é mi t i s me à ga u ch e ”

de Michel Dreyfus

Ce qui suit est le condensé d’une critique beaucoup plus complète qu’on trouvera sur le site de l'UJRE (rubrique PNM). Nous prions l’auteur de l’ouvrage et nos lecteurs
ayant accès à Internet de se référer au texte complet. [Pour les autres, texte adressé à la demande ]

L

e livre dont il s’agit est écrit
par une plume clairement de
gauche. On devrait louer l’au­
teur de traiter d’une question sem­
blable aujourd’hui, aussi douloureuse
qu’elle soit : tout doit être ouvert,
l’élan d’une gauche nouvelle est à ce
prix. L’auteur met l’eau à la bouche en
citant les hallucinants anathèmes pro­
férés lors de la dernière assemblée du
Crif par son Président dont l’Histoire
a déjà oublié le nom. On s’attend ainsi
à un travail majeur.
Or sa lecture m’a plongé dans un
malaise croissant et la brièveté rela­
tive de cette chronique ne traitera que
de ce qui l’a provoqué. L’auteur de
ces lignes a parfaitement conscience
du biais qu’il introduit, ce faisant .
L’ouvrage est celui d’un historien.
Toute prétention à le critiquer sur sa
méthodologie devrait être de ma part
a priori exclue. On ne peut cependant
s’interdire l’observation suivante : les
références sont nombreuses, étayées ;
mais la règle change relativement au
Pcf. Pourquoi cette exception ? Là, les
citations, références sont (trop) rare­
ment de première main ; l’auteur ne
s’est­il pas posé la question de l’alté­
ration que cela pouvait introduire dans
son étude ?
Trois remarques ici :
Le rapport à Marx du mouvement
ouvrier français est étrangement étu­
dié. L’auteur y fait certes de nom­
breuses références. Il s’arrête
longuement sur un écrit du jeune
Marx , “A propos de la question jui­
ve”. Que cet écrit fasse partie du sujet
est hors de doute. Est­il possible avec
les yeux d’aujourd’hui de faire cette
lecture avec “attention et probité”
comme le dit l’auteur qui cite Robert
Mandrou ? Or la question est dans le
fait que la démarche de Marx telle
qu’elle s’affirmera année après année
consiste à nourrir une conception phi­
losophique et politique des connais­
sances scientifiques les plus avancées
de son temps : l’antisémitisme ne peut
trouver place dans ce discours. D’où
vient alors qu’en lisant le livre, on
puisse avoir le sentiment que chez
l’auteur subsiste un doute ? Il se
contente d’apporter des regards
contradictoires au sujet d’un antisémi­
tisme possible chez Marx.
Seul comme parti politique, le Pcf
se porta à la tête du combat sans
merci contre le fascisme, seul
comme Parti, il dénonça Munich.
Il commit d’autres actes significatifs
avant que ne soit signé le Pacte germa­

no­soviétique dont
Michel Dreyfus ou­
blie de préciser qu’il
fut précédé d’une
conférence militaire
tripartite entre le
Royaume­Uni,
la
France et l’URSS, con­
férence qui avorta par
la faute exclusive de
la France et de la Grande–Bretagne.
Si l’on parle du Pacte, alors il faut tout
dire : ou bien la question de l’anti­
sémitisme est traitée en l'isolant de
l’ensemble des questions politiques
centrales qui déterminent le sort de la
civilisation humaine ; ou bien l'on re­
fuse cette problématique qui expose à
une étude complètement biaisée .
Et c’est bien là le problème que Mi­
chel Dreyfus ne résout pas. Le Pcf se
posa ces questions à n’en pas douter.
On ne pourrait comprendre qu’il ait
créé la MOE, plus tard la MOI, et à
l’intérieur d’icelle une section juive,
s’il ne s’y était pas confronté, même
de façon partielle et très insatisfai­
sante. Pour Michel Dreyfus, la créa­
tion de ces organes reste une énigme.
Son traitement de l’UJRE est parfaite­
ment méprisant, sans aucune ombre
de justification.
Il ne semble pas mesurer la psycholo­
gie des acteurs de l’époque. Ces im­
migrés juifs, la plupart pauvres, issus
de l’Est européen où la seule perspec­
tive consistait à finir éventuellement
pendus à un croc de boucher,
n’avaient qu’une envie : en finir avec
une identité qui les condamnait au
mieux aux ghettos dont ils fuyaient
l’étouffement. Ils cherchaient de l’air
et le trouvèrent en France, mais seule­
ment au sein du mouvement démocra­
tique, spécifiquement au Pcf auquel ils
donnèrent nombre de dirigeants à tous
niveaux.
Mais il faut aller au bout : page 213,
l’auteur cite Georges Marchais dans
l’Humanité assorti d’un commentaire
de Cohn Bendit. L’auteur dit à ce su­
jet que le mouvement étudiant sera
“scandalisé par ce propos”.
De quel “propos” s’agit­il ? De celui
que Cohn­Bendit prête à “l’intention
supposée” de G Marchais, du “pro­
pos” que G Marchais n’a jamais te­
nu ? Et quel “épisode” ne sera jamais
oublié sinon celui d’une parfaite
manipulation ? Aucun parti sinon le
Pcf ne se sera vu traîné ainsi dans la
boue pour antisémitisme. Il est vrai
que les autres sont blancs comme
neige à cet égard ; ce n’est pas ce que
dit Michel Dreyfus. Mais alors pour­
quoi cette piqûre de rappel ?

Troisième remarque et conclusion :
Michel Dreyfus répète à de nom­
breuses reprises que les “dérapages
communistes” ne font pas doctrine.
C'est à son honneur. Il est douteux
qu’il ait réalisé que l’antisémitisme est
un corps étranger absolument à tout ce
pour quoi le Pcf se bat ; corps étran­
ger au marxisme, corps étranger à
TOUS les écrits de Lénine sans excep­
tion, corps étranger à tout ce que de­
vrait être une pensée de gauche. Par
contre, Michel Dreyfus le note de
temps à autre, l’antisémitisme est un
courant de droite et d’extrême droite.
Toutefois ce constat est insuffisant. La
lutte à mort contre le judéo­bolché­
visme est l’un des éléments centraux
du nazisme et cela ne se trouve nulle
part dans le livre de Michel Dreyfus.

Sans doute, le Pcf n’en prit pas
conscience comme il eût été indispen­
sable, ni n’en prit conscience à temps.
Malgré ses faiblesses ici soulignées, le
livre de Michel Dreyfus, s’il manque le
coche d’une réplique sans appel au
président du Crif, est un avertissement.
L’auteur de cette critique en est con­
vaincu : il ne s’agit pas de voir que le
ventre est fécond ; le fait que l’anti­
sémitisme soit étranger absolument à
tout ce que représente le Pcf est main­
tenant une question qu’il ne peut plus
considérer comme allant de soi. 
Olivier Gebuhrer

Critique d'

* Michel Dreyfus, L'antisémtisme à gauche ­
Histoire d'un paradoxe de 1830 à nos jours,
La Découverte, coll. Sciences Humaines, Pa­
ris, 348 p., 23 €.

“Lumière au quatrième ”
de Rosette Alezard

N

otre amie Rosette Alezard a publié récemment un livre émouvant : “Lu­
mière au quatrième”. Au fil des pages, elle égrène les souvenirs de ce
qu’elle a vécu. Comme beaucoup d’autres enfants juifs dans les années
40 le feront sans doute, j’y ai trouvé beaucoup de similitudes avec ce que j’ai
vécu moi­même. En particulier durant ces années où nous devions nous cacher
pour échapper au destin tragique promis par l’occupant nazi et ses complices vi­
chystes. Les épisodes qui relatent cette période sont d’autant plus mémorables
qu’ils nous montrent comment la mobilisation des habitants d’un village a parti­
cipé au quotidien à cette action de solidarité.
L’action de ces femmes et de ces hommes qui n’ont pas ménagé leur peine en
s’engageant comme ils l’ont fait pour sauver des juifs et, au­delà des résistants,
des communistes… constitue une facette importante de la Résistance bien sou­
vent sous­estimée et non prise en compte comme telle. Ce qu’ils ont fait avec
modestie et en dépit des risques encourus, ils l’ont fait par bonté et générosité.
Bien souvent, c’était le fait de gens simples qui, aux heures les plus noires, ont
courageusement relevé le défi de l’humanisme contre la barbarie. En sauvant ne
serait­ce qu'une vie, ils ont du même coup sauvé l’honneur de leur pays ­ aux
antipodes de l’action et du débat sur l’identité nationale, initiés par le tandem
Eric Besson et Nicolas Sarkozy qui, eux, déshonorent notre pays, notamment,
mais pas seulement, lorsqu’ils renvoient des Afghans dans leur pays en guerre.
Ce que l’auteure raconte, non sans humour et en restituant ses réflexions en­
fantines sur ce que fut la vie avant les années terribles, en dit long sur son vécu
quotidien et celui de sa famille.
Ce qui frappe au travers des séquences qui forment son récit, c’est que les diffi­
cultés dues à la pauvreté, les privations, la promiscuité… n’ont jamais altéré leur
sens de la dignité ni l’espoir qui n’a jamais cessé de les habiter, grâce à quoi ils
ont toujours été partie prenante de la vie sociale et culturelle.
De retour à Paris, Rosette retrouve son quartier populaire du 11ème et les rap­
ports conviviaux de ses habitants et voisins ; la joie des retrouvailles n’estom­
pant pas le vide laissé par les êtres chers qui ne sont pas revenus.
Sans grandiloquence et avec beaucoup de délicatesse, Rosette nous livre un té­
moignage original en nous relatant le sort d'une jeune française juive com­
muniste. Témoignage particulièrement bienvenu en ces temps où le pouvoir
cherche à nous opposer les uns aux autres pour mieux déconstruire tout ce qui
fonde la raison d’espérer.
Rosette a eu l’heureuse idée de joindre le texte autobiographique que sa mère
Chaja écrivit en 1963 et qui donne à voir la situation des juifs
dans cette Pologne d’hier que d’aucuns appellent le yiddishland.
Le livre refermé, l’on a envie de dire : “Merci, Rosette, pour ton
livre, véritable témoignage vrai et sincère d’un monde dont les
tares, sont, sous d’autres formes, restées fondamentalement les
mêmes et qu’il nous faudra bien changer”. 
Roland Wlos

* Rosette Alezard, Lumière au quatrième, suivi de La petite ouvrière de Var­
sovie par Rosette Alezard – Chaja Zilbertin, Publibook, 2009, 175 p., 20 €
P.N.M. Janvier 2010

Invictus

Jo s eph Ko s ma

l'itinéraire d’un musicien engagé

T

rait d’union entre Miles Davis Cannes pour Juliette ou La Clé des
et Bertolt Brecht, entre la mu­ Songes de Marcel Carné.
sique savante et les traditions La collaboration avec les poètes lui
populaires, la musique de Joseph vaut un succès durable : Desnos,
Kosma, juif hongrois né en 1905 à Aragon, Queneau… Prévert publie
Budapest, imprime une marque du­ son recueil poétique Paroles en
rable autant dans la chanson que 1946. Le succès de ce volume est
dans la musique de cinéma, pour les­ immense. Kosma met en musique un
quelles il saura inventer des formes grand nombre de textes, dont cer­
nouvelles. Mais le com­
tains font ainsi le tour
positeur des Feuilles
du monde Barbara,
mortes est aussi un mu­
Chanson des escar­
sicien classique.
gots qui vont à l’en­
terrement, En sortant
Au conservatoire de
de l’école…
Budapest,
qui
lui
délivre son diplôme de
Les témoignages sur
composition et de di­
le musicien le pré­
rection d’orchestre en
sentent comme un
1926, Kosma croise Bé­
bourreau de travail.
la Bartók. Il est ensuite Joseph Kosma (1905­1969)
Lui­même
raconte
de passage à Berlin
qu’il composait au
dans les années 1930 en tant que piano des jours entiers sans bouger.
chef d’orchestre assistant de l’Opéra Son œuvre s’illustre aussi par des
National, après un départ forcé de la pièces classiques, parmi lesquelles
Hongrie. Grâce aux contacts qu’il de la musique de chambre : Trois
noue avec Bertolt Brecht et Hanns mouvements pour flûte et piano, Duo
Eisler, à sa formation classique se pour contrebasse et piano.
superpose le goût pour une musique Il aborde la création lyrique avec des
empruntant aux chansons leur légè­ œuvres qui célèbrent des luttes so­
reté et leur ancrage dans vie, en ciales, comme la Ballade de celui
même temps qu’un engagement aux qui chanta dans les supplices, sur un
côtés du peuple.
texte d’Aragon dédié à Gabriel Péri.
Mais l’Allemagne vit ses dernières Sa passion pour le chant choral
heures de liberté. En 1933, fuyant les trouve à s’exprimer dans la chro­
persécutions des juifs, des artistes et nique en sept tableaux de la Com­
créateurs, de tous ceux qui ne se mune de Paris : À l’assaut du ciel, en
ralliaient pas à l’idéologie et l’esthé­ 1951, une fresque musicale sur des
tique nazies, il émigre en France.
textes d’Henri Bassis, pour la cho­
Kosma s’associe alors à un groupe rale populaire Guy Môquet.
de jeunes gens menant une vie liber­ Fort de cette expérience, il décide de
taire, parmi eux Jean­Louis Bar­ composer un opéra sur les Canuts de
rault, Jacques Prévert, Robert Lyon, tisserands en soie qui furent
Desnos, Darius Milhaud et Arthur vainqueurs des forces de l’ordre et
Honegger.
maîtres de la ville en 1831, avec sur
Exilé, Kosma est contraint de gagner leurs drapeaux la fière devise :
sa vie immédiatement. Il le fait sans “Vivre en travaillant…”. Sur un li­
trahir ni la poésie ni la musique, vret de Jacques Gaucheron, cet ora­
avec des chansons et des musiques torio est créé à Berlin en 1959.
de film. Prévert le présente à Jean Un Amour électronique, opéra­bouffe
Renoir et une collaboration s’établit en un acte écrit spécialement pour les
avec d’abord Le Crime de M. Lange Jeunesses musicales de France, fait
en 1935, puis La Grande Illusion, La l’objet d’une tournée dès 1960. Joué à
Bête humaine, La Règle du Jeu.
Budapest en 1963, il dénonce lui aus­
Kosma sait poser son style, dans le­ si les hommes réduits à l’état de ma­
quel la musique participe à la chine. Les Hussards, en 1969, année
construction d’un univers en même de sa mort, poursuivent son renouvel­
temps que la lumière, les décors et la lement du genre de l’opéra.
photographie. Grâce à la protection Musique authentiquement populaire,
de Prévert, il continue à travailler l’œuvre de Kosma amorce une récon­
dans la clandestinité pendant la ciliation avec la composition clas­
guerre, écrivant notamment la mu­ sique contemporaine. Avec Prévert,
sique des Visiteurs du soir en 1942. Kosma a donné des ailes mélodiques
L’abondance des musiques de film à la poésie, Schubert n’en avait­il pas
réalisées après guerre est impression­ fait autant en son temps ? 
nante, il remporte en 1951 le prix de
la meilleure partition musicale à
Sébastien Arfouilloux

7

de
Clint Eastwood

Culture

L

a libération il y aura bientôt vingt ans de Nelson Man­
dela, leader du Congrès National Africain (ANC),
après vingt­sept ans de prison et son élection en 1994 à la
tête de l’Etat sud­africain marquent de manière irréver­
sible la fin du régime raciste, le terrible Apartheid.
Quelques mois plus tard, l’historique victoire des Spring­
boks, équipe de rugby adorée des Blancs et haïe des Noirs,
lors de la coupe du monde de rugby, fut un des symboles
de La Naissance de cette nation.
C’est ce qu’a parfaitement compris Clint Eastwood. Ni hagiographie, ni bio­
graphie, Eastwood se concentre sur son sujet : montrer comment Mandela,
arrivé à la Présidence, profitera de l’occasion que lui offre ce match pour
lancer sa politique de réconciliation.
Eastwood est ici porté par sa foi en une action et des personnages qui
d’ailleurs le méritent : ténacité et courage pour Mandela et Pienaar, capitaine
des Boks, incarnés par les excellents Morgan Freeman et Matt Damon.
Et le film, dès l’ouverture, annonce la couleur : les Noirs jouent au football
sur un terrain de fortune quand de l’autre côté de la route, les Blancs jouent
au rugby sur un terrain entretenu et parfaitement protégé.
Ce qui s’oppose ici, marche par deux : Noirs ­ Blancs, Mandela ­ Pienaar ;
football ­ rugby ; garde rapprochée noire de Mandela et blancs nervis des an­
ciens services spéciaux. Au début, chacun joue séparé. Au final, tous
marchent ensemble. Ce qui compte en sport comme en politique, c’est de
faire équipe. Le tout est d’y croire.
Comme ses personnages, le film avance, sincère, vrai, émouvant et malgré
les raccourcis inévitables dans une fiction de deux heures, plutôt bien docu­
menté. Eastwood a visé l’essentiel en un tir juste. Droit au but ! 
Laura Laufer

Entretien* avec

Anne Dissez

Que pensez­vous du film ?

Eastwood a bien compris le contexte où la très grande majorité des Blancs avaient
une trouille bleue, comme lors du départ des colons d’Algérie en 1962. En réalité,
le contexte international était différent et c’était mal connaître le peuple et toutes
les négociations qui avaient eu lieu avant entre l’ANC et les différents pays comme
les Etats­Unis, la Grande­Bretagne... Les pays occidentaux exigeaient qu’il n’y ait
pas de procès de Nuremberg ou de règlements de compte. Même en Afrique du
Sud, aujourd’hui, on magnifie les luttes des townships et on passe sous silence le
rôle de la pression internationale sur le régime.
Le portrait qu’Eastwood fait de Mandela, que j’ai rencontré professionnellement,
est très juste. Cet homme qui est le père de la nation, à l’humanité visible, est en
même temps un homme de parti respectant les décisions de l’ANC.
Quand la Coupe du Monde de rugby en 1995 a commencé, avec la volonté politi­
que de Mandela d’admettre l’équipe, plus les Springboks gagnaient, plus les Noirs
s’y intéressaient. Au moment de cette finale, on avait l’impression que les oiseaux
s’étaient tus. Il y avait un silence ! Je vais à Soweto, la ville était un désert. Quand
il y a eu le coup de sifflet final, ça n’a été qu’une immense clameur dans toute
l’Afrique du Sud !
Le plus important a été la Commission
Vérité et Réconciliation, fruit d’une né­ Qui est Anne Dissez ?
gociation entre les divers mouvements Ancienne animatrice d'un
sud­africains ainsi qu'avec certains pays Mouvement Anti­Apartheid
étrangers.
en France, dans les années
La commission a effacé beaucoup de 1980. Journaliste pour RFI deux ans en
traces, ou élucidé des actes du passé. Algérie qu'elle a dû quitter menacée
Desmond Tutu a mené ça, leur deman­ par les islamistes.
dant de dire pardon, et traduit au tribu­ Grand reporter en Afrique du Sud, elle
nal des gens de l’extrême droite et des a écrit dans de nombreux journaux
services spéciaux ou même des gens de (l'Humanité ­ sous un pseudonyme, La
l’ANC.
Croix, Le Monde, Marianne) et parlé
La lutte a été tellement dure en 1985­ sur de nombreuses antennes (France
1986. Il fallait conquérir le terrain. Ça Info, France Inter, France Culture,
s’est fait à la serpe et c’était une vraie RFI, A2, FR3...)
guerre.
Elle écrit toujours dans Le Monde
La réconciliation ne peut être qu’un diplomatique et vit en France depuis sa
processus à long terme et doit passer par retraite prise il y a cinq ans. Elle se
des choix sociaux.  Propos recueillis par rend encore en Afrique Australe et est
Laura Laufer régulièrement invitée en Afrique du
Sud où elle séjourne au moins deux
* Extraits ­ Version intégrale de l'entretien mois par an. 
disponible sur le site : www.lauralaufer.com
8

Cycle “Juifs dans le monde”

P.N.M. Janvier 2010

L’Angleterre et ses juifs - Mythes et réalités

P

as de pogromes en Angleterre, tales cependant : la première est que de développement économique et d’en­
pas d’Affaire Dreyfus non plus. l’accès (graduel) aux droits et libertés richissement matériel. Le respect de
Pas de controverses majeures, et publics se fera, dans ce pays où les ré­ ces grandes familles juives, en général
dès le XIXe siècle un premier mi­ volutions sociales ne furent jamais à d’origine portugaise ou italienne, les
nistre, Disraeli, qui se réclamera tou­ l’ordre du jour, au profit d’une élite Aguilar, Pereira, Ricardo, Montefiore,
jours avec ostentation de ses riche et conservatrice (sur les six pre­ Marks (l’enseigne Marks & Spencer
origines… De grandes familles cé­ miers députés juifs à la Chambre des est restée l’enseigne juive par excel­
lèbres et respectées, le plaidoyer poi­ communes, cinq étaient conservateurs, lence), Saphir, Lindsay, etc., distingue
gnant du pourtant détestable Shylock trois étaient de la famille Rothschild) ; d’abord de grandes réussites économi­
dans Le Marchand de Venise, l’accueil la deuxième est que, une fois acquis, ques.
fait dès le XVIIIe siècle à tant de réfu­ ces droits et ces libertés ne seront Pour résumer, on peut dire que le Shy­
giés venus d’Europe centrale : l’An­ jamais remis en cause.
lock de Shakespeare, méchant et mal­
gleterre n’aurait­elle pas constitué On a invoqué, pour expliquer le “philo­ heureux, symbolisait encore le juif
pour les juifs un havre de paix, une sémitisme” anglais, un certain paral­ médiéval, acteur économique mineur.
terre d’exception ? La réalité est autre­ lélisme entre deux cultures religieuses Le juif non plus redouté mais écouté,
ment plus contradictoire et plus nourries de références constantes à décideur politique et stimulant cultu­
sombre.
l’Ancien Testament,
entre
des rel, incarné par la puissante figure de
Il est bon de commencer par une bana­ structures familiales et sociales valori­ Disraeli, apparaît en contrepoint d’une
lité de géopolitique : insulaire, à sant le passé et la tradition, un intérêt réussite économique, intellectuelle et
l’écart des grandes invasions et des partagé pour le commerce… Ces argu­ politique nationale dont il est le sym­
grands courants migratoires qui ont fa­ ments sont ambigus car, à supposer bole et même l’incarnation.
çonné le reste de l’Europe, longtemps qu’ils soient fondés, ils pouvaient tout Certes, les sentiments troubles à
orientée en priorité vers ses propres aussi bien expliquer une concurrence, l’égard des juifs, mélange d’angoisse,
frontières intérieures (Écosse, Irlande, et s’agissant du commerce, les adver­ de cruauté et de séduction, ont existé
Pays de Galles) et vers la viabilisation saires de la réadmission des juifs ne en Grande­Bretagne comme ailleurs :
dans la douleur d’un système politique s’étaient pas fait faute,
en témoigne toute une
original (Grande Charte, guerre des nous l’avons vu, de les
littérature populaire,
Deux Roses, “Glorious Revolu­ employer. Il semble
certains personnages
tion”…)*, la Grande­Bretagne a été, plus raisonnable de
des romans de Di­
depuis l’accomplissement de son uni­ penser que la disper­
ckens ou de Walter
té, un pays où les décisions politiques sion même des juifs,
Scott. Ainsi dans Oli­
ont toujours été commandées par des liée à leur fort senti­
ver Twist, le célèbre
préoccupations économiques, et parti­ ment identitaire, ait été
Fagin, personnage si­
culièrement commerciales. Le “prag­ perçue comme un atout
nistre des bas­fonds
matisme”, “l’empirisme”, voire le “li­ potentiel, pouvant faci­
londoniens qui oblige
béralisme”
qui
sont
souvent liter l’accès des capi­
une bande d’orphelins
revendiqués par les Anglais comme taux britanniques à des
à commettre toutes
leur marque de fabrique, expriment marchés difficilement Un prêteur juif anglais
sortes de petits délits
dans l’ordre des idées cette subordina­ accessibles, et tout par­
qui conduiront nombre
tion des principes aux calculs d’inté­ ticulièrement à ce Moyen­Orient, d’entre eux à la pendaison**. Mais ces
rêts. Que la Grande­Bretagne ait été plaque tournante à mi­chemin des sentiments n’ont jamais eu d’expres­
par ailleurs un pays fortement Indes, où dès le XVIIe siècle les mi­ sion politique, à la différence de la
christianisé n’a rien changé à cette su­ lieux d’affaires étaient conscients France ou de l’Allemagne, si l’on ex­
bordination : l’anglicanisme, imbriqué qu’une partie décisive allait se jouer. cepte peut­être le début des années
dans les autres structures étatiques, a Les Anglais avaient compris très tôt 1930, où la crise économique de 1929
que la religion est un vecteur et ses terribles répercussions sociales
été un instrument au service
du commerce ; et tout un ont pu alimenter un temps les thèses ra­
d’un consensus national fa­
pan de leur pratique poli­ cistes et fascistes d’Oswald Mosley,
vorable aux intérêts d’une
tique, extérieure comme personnage complexe passé du conser­
opulente gentry.
institutionnelle, dérive de cet vatisme traditionnel au travaillisme,
Les juifs sont arrivés en An­
axiome.
puis fondateur, sous les auspices de
gleterre avec Guillaume le
e siècle,
C’est pourquoi il ne faut Mussolini, de la British Union of Fas­
Conquérant. Au XII
peut­être pas se hâter de cists qui fustigeait à la fois le “capita­
ils sont expulsés en tant
mettre au compte de “l’ex­ lisme juif”, l’immigration et le
qu’éléments allogènes.
centricité anglaise” l’accepta­ mouvement ouvrier et qui organisa
Quand, en 1655, Cromwell
tion par les élites dirigeantes sous le nom de “chemises noires”, un
convoque à Whitehall une
des stupéfiantes professions important réseau paramilitaire directe­
conférence pour décider de Benjamin Disraeli
de foi philosémites de Dis­ ment copié sur le modèle italien. Tenta­
leur réadmission, le débat,
(1804­1881)
raeli, futur premier ministre tive éphémère au demeurant, parce que
derrière un assaut de ré­
férences bibliques, voit s’opposer deux conservateur, qui, converti par son les cercles dirigeants, abrités de toute
conceptions antagoniques de l’écono­ père à l’anglicanisme, n’en professait menace révolutionnaire, élaboraient dé­
mie : les antijuifs plaident pour le pas moins en termes péremptoires la jà la politique proche­orientale qui al­
maintien d’un statu quo dans les “supériorité des sémites” sur les lait aboutir à la déclaration Balfour et à
échanges et voient dans le dynamisme “Francs au nez plat”. Loin d’être des la création d’un home juif en Palestine
économique des juifs un facteur de dé­ provocations gratuites, ces propos susceptible d’asseoir, au détriment no­
stabilisation, alors que les autres ap­ avaient pour fonction, et ont eu pour ef­ tamment de la France, le poids des inté­
pellent de leurs vœux la libéralisation fet, d’agir à la façon d’un aiguillon sur rêts britanniques dans cette région du
des échanges, la concurrence et l’ou­ un capitalisme auquel il s’agissait d’in­ monde.
suffler en permanence hardiesse et es­ Voilà ce que recouvre en fait le “philo­
verture à de nouveaux marchés.
sémitisme” anglais. Une contre­
Réinstallés dans la société britannique, prit de conquête.
les juifs connaîtront une émancipation L’apport idéologique et culturel des épreuve nous en est fournie par le com­
politique parallèle à celle des juifs de juifs a été valorisé dans l’exacte me­ portement des divers gouvernements
France. Avec deux différences capi­ sure où il se doublait d’une promesse britanniques après l’accession de Hit­

ler au pouvoir.
Défiants à l’é­
gard d’une nou­
velle vague d’­
immigration jui­
ve venue de l’Est
et qui, comme en
France, était es­
sentiellement
Arthur James Balfour
une immigration
(1848­1930)
ouvrière où se
trouvaient beaucoup d’éléments politi­
sés et combatifs, soucieux au moins
dans un premier temps de ménager le
nazisme, ils fermèrent les frontières
aux réfugiés juifs venus d’Allemagne,
sans s’opposer toutefois à l’adoption
de leurs enfants par les familles an­
glaises qui en feraient la demande.
C’est ainsi que des centaines de fa­
milles furent séparées, les parents res­
tés en Allemagne ayant fait, en toute
connaissance de cause, le choix de
sauver la vie de leurs enfants. 
J.M. Galano

* NDLR Magna Carta : Grande Charte des
libertés (1215) - Guerre des Deux Roses :
1425­1455) - Glorious Revolution (1688)
: Guillaume d’Orange chasse le roi James
II (Stuart)
** Fagin sera pendu lui­même, et Dickens le
dépeint alors comme pitoyable autant que
monstrueux. Ce personnage a beaucoup
intéressé le cinéma, notamment Alec Gui­
ness et Roman Polanski. A noter la bande
dessinée de l’Américain Will Eisner Fagin
le juif (Delcour 2004), qui s’efforce de re­
placer le personnage de Fagin dans le
contexte social de l’époque.

Le saviez­vous ?
“Déclaration Balfour” : lettre ouver­
te adressée le 2 novembre 1917 par
Arthur James Balfour, alors ministre
des Affaires étrangères du Royaume­
Uni, à Lionel Walter Rothschild,
proche de Chaïm Weizman, alors
président de la Fédération Sioniste :
“Cher Lord Rothschild, J'ai le plaisir
de vous adresser, au nom du gouver­
nement de Sa Majesté, la déclaration
ci­dessous de sympathie à l'adresse
des aspirations sionistes, déclaration
soumise au cabinet et approuvée par
lui. Le gouvernement de Sa Majesté
envisage favorablement l'établisse­
ment en Palestine d'un foyer national
pour le peuple juif, et emploiera tous
ses efforts pour faciliter la réalisation
de cet objectif, étant clairement en­
tendu que rien ne sera fait qui puisse
porter atteinte ni aux droits civiques
et religieux des collectivités non
juives existant en Palestine, ni aux
droits et au statut politique dont les
Juifs jouissent dans tout autre pays.
Je vous serais reconnaissant de bien
vouloir porter cette déclaration à la
connaissance de la Fédération sio­
niste.”
Furent­ils “clairement entendus” ces
derniers mots, qui ne sont pas sans
actualité ? 

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La Presse Nouvelle Magazine 272 janvier 2010

  • 1. La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toute les manifestations d'antisémitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Moyen–Orient sur la base du droit de l'Etat d'Israël à la sécurité et sur la reconnaissance du droit à un Etat du peuple palestinien. MENSUEL EDITE PAR L'U.J.R.E. Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide N° 272 – Janvier 2010 – 28e ANNÉE Le mot du Président CYCLE "ÊTRE JUIF AU XXIE SIÈCLE ?" 2 27 janvier 1945 - 65e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz “Les gens ont été libérés, l’humanité pas” Shimon Peres Être juif après Gaza E. Benbassa 4 Respecter le contrat laïque R. Azria 4 À LIRE Les Arabes et la Shoah L'antisémitisme à gauche Lumière au quatrième SOCIÉTÉ HISTOIRE Les philosophes français des Lumières et la question juive [Partie I] F. Mathieu 5 CYCLE "JUIFS DANS LE MONDE" L'Angleterre et ses juifs ­ Mythes et réalités CULTURE Résistance Ent raid té i e idar úol D. Vidal 3 O. Gebuhrer 6 R. Wlos 6 Monsieur Brice, les patrons et le racisme J. Franck 3 Débat en faveur des thèses racistes dénoncé par le syndicat des journalistes SNJ­CGT 3 Le “vénérable” Pie XII PNM 5 J­M. Galano 8 Joseph Kosma ­ Itinéraire S. Arfouilloux 7 Invictus de Clint Eastwood et entretien avec Anne Dissez L. Laufer 7 Haïti, perle des Caraïbes, île martyre depuis des siècles Le 12 janvier, Port­au­Prince subit un séisme de magnitude sept sur l'échelle de Richter. Le dernier bilan, provisoire, fait état* de 75.000 morts, 250.000 blessés et d’un million de sans­ abri. La ville n'est que dé­ combres. Tout manque : l'eau, la nourriture, les soins. N'hésitez pas à exprimer votre solidarité en adressant vos dons au Secours Populaire Français, par virement (CCP 2333 S), en ligne (www.secourspopulaire.fr) ou par chèque adressé au Secours populaire français ­ Haïti Urgence ­ BP 3303 ­ 75123 Paris Cedex 03. * Source : Direction de la protection civile haïtienne Agir ! Claudie Bassi-Lederman A Le N° 5,50 € rrêter le massacre. Enrayer la dynami­ que d’un système qui engendre la mi­ sère, le chômage, la précarité, la détresse matérielle et morale, qui suscite ou entre­ tient l’intolérance, la peur de l’inconnu, la haine et le racisme. Arrêter de financer des expéditions militaires destinées à exporter “la démocratie”. Que reste­t­il de 2009 ? “La crise plané­ taire”, “le réchauffement planétaire” aux allures de catastrophes naturelles et qui permettent de passer sous silence les causes de nos difficultés, à savoir les politiques décidées au niveau mondial, au niveau de l’Union européenne et au niveau national, dans un but de rentabilité et de destruction des services publics. Démocratie l’Union Européenne avec 78 millions de pauvres, la France avec 3,7 mil­ lions de travailleurs pauvres ! Démocratie lorsque le Pouvoir ne respecte le suffrage populaire que s’il répond à ses attentes : voir le Référendum sur la Consti­ tution européenne. Démocratie la Hongrie et les pays Baltes où la liberté d’opinion autorise la haine raciale ! Démocratie quand, de connivence avec ses pairs et dans le cadre de l’OTAN, voire de l’ONU, le chef de l’Etat envoie des troupes faire la guerre pour apporter aux popula­ tions… la démocratie ! 2009, dans nos mémoires, cela restera la guerre de Gaza. Le but avoué était d’écraser le Hamas, il est toujours présent. Ce ne fut pas la seule, certes ! Guerre en Afghanistan. Guerre au Yémen ? Sans parler des guerres honteuses ici ou là. Et 2010 ? Les perspectives sont alarmantes. Poursuite du démantèlement de ce qui reste du service public. Davantage d’impôts. Da­ vantage de chômage. Médicaments plus chers et moins bien remboursés. Retraites dévalorisées… Persistance des discrimina­ tions qui sapent les fondements de notre République. nous d’agir ensemble pour développer des solidarités, donner vie à l’égalité et à la citoyenneté, reconnaître les droits de tous ceux qui résident sur notre sol. La grève des travailleurs sans papiers a ainsi été un mouvement de grande portée poli­ A Le 17 janvier 1945, l’Armée rouge a li­ béré Varsovie des nazis. Plus de la moi­ tié de la population d’avant­guerre, esti­ mée à 1,3 millions d’habitants était morte, dont 98% de sa population juive. La ville n’était plus que décombres. Anticipant l’avancée de l’Armée rouge, les SS du camp d’Auschwitz, proche de Cracovie, procèdent à un dernier appel et commencent l’évacuation du camp le 18 janvier 1945. Quelques 60.000 dépor­ tés ont entrepris ainsi les dramatiques marches de la mort. Quand le 27 janvier, les soviétiques li­ bèrent Auschwitz, ils découvrent 7.000 êtres humains à demi­morts. Ils ont aus­ si découvert 350.000 costumes d’hom­ mes, 837.000 vêtements de femmes. Et 8.000 kilos de cheveux humains. Traduit de Jewdays (jewishcurrents.org) par N.Mokobodzki tique, en soi et par le soutien et la solidarité d’une part importante de la population. De­ puis toujours, les employeurs sont friands de cette main­d’œuvre étrangère, corvéable à merci car soustraite au Droit du travail et qu’on peut désigner à la vindicte. A nous d’agir, parce que nous avons besoin d’un enseignement et d’une recherche de qualité, de bons médecins, de bons hôpi­ taux, de logements décents, de justice ­ et non de guerres. Agir aussi avec un bulletin de vote, même si les gouvernements découpent sans arrêt la carte électorale. Les voix, ça se compte. Et plus nous serons nombreux à faire savoir au Président de la République que ses choix ne nous conviennent pas, plus il sera obligé d’en tenir compte. On peut tout changer. Les exemples ne manquent pas, en Amérique latine, aux Etats­Unis. Bien des gens de par le monde agissent avec intelligence, cœur et opiniâtreté pour construire une démocratie participative. 
  • 2. 2 Le mot du Président ’année 2009 a été marquée par des évé­ nements d’importance sur lesquels il est bon de jeter un regard rétrospectif afin d’en tirer les leçons et d'agir pour que 2010 soit meilleure. 2009 est caractérisée par la crise is­ sue de l’éclatement d’une “bulle” spéculative en 2008. Cette crise si­ gnifie pour la plus grande partie de la population : détérioration du pou­ voir d’achat, chômage et aggravation des conditions de vie. On en pré­ voyait la sortie pour 2010, laquelle est, à ce jour, encore en attente. La crise trouve son origine dans un système économique dont le seul moteur est l’intérêt privé et le profit financier. Ce moteur est malade : il ne permet plus le développement économique et social. Cela explique en grande partie l’échec de la confé­ rence de Copenhague à imposer le respect de l’environnement. Les différents plans de relance adoptés ici ou là dans le monde sont d’une efficacité douteuse car ils ne s’attaquent pas à la racine du mal : le profit. Ainsi voit­on en ce début 2010, la bulle financière éclatée en 2008 se reformer, entraînant un nouveau risque de krach. Mais les conséquences de cette crise sont en­ core aggravées par la politique sar­ kozyste : recul des aides sociales, coupes claires dans les services pu­ blics. Sur le plan international, chacun a en tête l’attaque israélienne de Gaza, le très lourd bilan de celle­ci en vic­ times palestiniennes et le blocus qui s'en est suivi, empêchant la répara­ tion des dégâts causés par Tsahal tandis que le conflit n’a toujours pas trouvé d’issue pacifique depuis plus de 60 ans, faute de volonté politique israélienne. De plus, l’OTAN continue d’inter­ venir en Afghanistan tandis que la si­ tuation iranienne est plus que préoc­ cupante. Certains pensaient, comme le jury Nobel, que l’élection de Ba­ rack Obama était une promesse de paix. A cet espoir correspond à ce jour une grave déception. Dans ces deux domaines, seul l’en­ gagement des peuples pour affirmer leur désir de changement et de paix peut apporter une amélioration. Il faut un fort mouvement social pour enrayer la crise et préparer l’avenir. Il faut un engagement de la société civile mondiale pour imposer un nouvel ordre international basé sur des relations pacifiques. Exprimer ces souhaits, c’est déjà for­ muler les meilleurs vœux possibles pour l’année 2010, que je voudrais heureuse pour chacun de nos lec­ teurs.  Jacques Lewkowicz président de l'UJRE Hommage à “Jacques Sylvère” - rédacteur de la Pnh Marcel Cerf nous a quittés. Il avait te­ nu la page historique dans la PNH, dont cette année ouvre le 45e anniversaire. L’UJRE se devait d’être présente à ses obsèques. Vice­président de la Société des amis de la Commune de Pa­ ris–1871, il était passionnément curieux de tout, ouvert à tout ; ses yeux pé­ tillaient de bonté, d’amour, de tolé­ rance. Quand nous lui avions demandé d’écrire quelques lignes sur l’époque de la Naïe Presse, il avait, deux se­ maines avant sa mort, écrit ces mots qui témoignent de la fraîcheur, de la jeu­ nesse d’esprit d’un homme qui n’était plus que souffrance : “Chroniqueur historique à la Presse Nouvelle, version française de la Naïe Presse, j'ai pris le pseudonyme de Jacques Sylvère. A la Presse Nouvelle, j'ai pu apprécier les grandes qualités rédactionnelles du rédacteur en chef. Ce fin lettré était très estimé de tous ses collaborateurs. C'était un homme affable et courtois. Il avait une haute conception de la justice. Loyal et bon, il savait, néanmoins, prendre des déci­ sions énergiques quand les cir­ constances l'exigeaient. IL était, par ailleurs, polyglotte et érudit. En 1977, j'ai été missionné par le jour­ nal pour me rendre en Israël afin de rendre compte de la Conférence inter­ nationale pour la paix. Coïncidence ex­ ceptionnelle, au même moment, Anouar el­Sadate se proposait de négocier avec l'Etat hébreu dans le respect du droit des Palestiniens. Il a effectué un voyage historique en Israël. Ma mission de correspondant pour la PNH a pris une tout autre dimension. Dans l'avion, j'ai rencontré Mendès­France qui s'était dé­ placé pour la circonstance.” La souffrance devenant intenable, il n'en put écrire davantage, nous laissant sur notre faim. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette grande figure infini­ ment fraternelle. Qu’il suffise de dire qu’à l’issue de la cérémonie, l’as­ sistance chanta en chœur et à pleins poumons Le temps des cerises. Une forme de communion, rare dans un ci­ metière, qui nous unit tous dans l’amour de l’humanité et de la dignité humaine qui marque l’esprit de la Commune. Jusqu’au bout, Marcel aura eu l’art de partager, de donner...  pour l'UJRE, N. Mokobodzki P.N.M. Janvier 2010 Carnet Claudine, sa fille Cypora et Grégory, ses petits­enfants, Adam, son arrière­petit­fils Toute sa famille, Tous ses amis, font part avec infiniment de chagrin du décès de Marcel CERF Historien de la Commune de Paris–1871 survenu le 1er janvier 2010 dans sa 99e année Claudine CERF Cypora et Grégory GUTIERREZ A l erte à l ’ ant i s émi t i s me e t au x menées fas ci stes en H ongri e ! Communiqué : L’UJRE proclame sa solidarité avec Vilmös Hanti, président de l’As­ sociation antifasciste hongroise ­ MEASZ ­ association de résistants et antifascistes hongrois. Le site d’extrême droite “HUNHIR”, tenu par des membres de la “Garde Hongroise”, officiellement interdite, dénonce “les juifs traîtres à la patrie, les suc­ cesseurs des terroristes” et déclare qu’il faudra, quant à Hanti, “le pendre par les poignets et allumer le feu en dessous pour que la graisse tombe goutte à goutte”. Ce­ la fait quelque temps que des amis hongrois nous faisaient part d’une inquiétante montée de l’antisémitisme orchestrée par l’extrême droite. Nous n’avons pu vérifier si M. Hanti est juif ou non. En tout état de cause, notre solidarité antifasciste lui est acquise.  UJRE, Paris, le 30 décembre 2009 Courrier des lecteurs - Vous réagissez ? G. Jamet (Paris) : Chers amis, tout d'abord mes vœux de santé, paix et bonheur à tous. L'année commençante l'a été sous de bons augures car le nu­ méro 271 de la PNM m'en rend la lec­ ture toujours plus indispensable et revigorante. (…) À propos de l'encart sur Pie XII (… voici un) courriel d'An­ nie Lacroix­Riz, professeure d'histoire à Paris 7, auteure entre autres, de Vati­ can,l'Europe et le Reich (…) Son site apporte des preuves à l'ignominie de Pie XII "le pape d'Hitler". (…) Jean­ Paul II n'en sort pas non plus indemne. Petit bémol, la critique cinématogra­ phique de Laura Laufer est bien sévère pour le cinéma de la cuvée 2009 tout en louant Vincere qui pour moi a deux dé­ faut majeurs parce que lourds de retom­ bées : le pathos qui empêche toute réflexion, et la psychologisation des chefs fascistes, très tendance dans l'histoire aujourd'hui, qui permet d'éli­ miner toute référence au système politi­ co­économique qui en a permis – et la permet toujours ­ l'éclosion et le "nous ne savions pas". A ce propos, c'est ou­ blier le film de la Palestinienne ­ certes sorti fin 2008 ­ Le sel de la mer de An­ nemarie Jacir et des films français comme Welcome, Walter, Retour en ré­ sistance, et celui que les médias et les grands distributeurs ont vite mis au re­ but : A l'origine de Xavier Giannoli. L'intervention sur A2 de François Clu­ zet en faveur de Salah Hamouri y se­ rait­elle pour quelque chose, sachant que l'Union des patrons juifs (!) vient d'honorer B. Hortefeux pour ses com­ bats contre l'antisémitisme ? Ah, comme notre rédactrice, j'ai omis L'ar­ mée du crime... Bien fidèlement.  Alice Gibard (St. Pierre de Chandieu) : Bien que mes courriers n'aient jamais été publiés, et l'on peut se demander pourquoi, peut­être parce qu'ils ne vous conviennent pas idéologiquement, je persiste cependant puisque vous sollicitez des témoignages sur l'identité juive, ou ce que signifie être juif pour chacun. [… suit le témoignage ...] Espérant que ces quelques lignes aideront à animer un dé­ bat, qui hélas n'en finit pas ! Amicalement tout de même.  Chère amie, l'équipe de “bénévoles­intermittents” de notre association et de la rédaction de notre journal est parfois débordée de travail, c'est notre seule ex­ cuse – mauvaise, nous en sommes conscients – pour ne pas vous avoir répondu. Cette équipe est néanmoins fière de poursuivre la publication de la Pnm et d'œu­ vrer à la création du prochain Espace de Mémoire dédié aux résistants juifs de la M.o.i. Sur le “cycle opinions” évoqué, s'il est vrai que notre programmation initiale 2009/2010 prévoyait de publier l'avis d'un certain nombre de “personna­ lités”, et pourquoi pas, la tenue d'un colloque, notre programme est adaptable et vous nous rappelez fort justement que la parole appartient autant à nos lec­ teurs... Nous reportons donc la publication intégrale de votre contribution à un numéro à paraître d'ici fin juin, et consacré au débat alimenté par nos lecteurs ; en vous remerciant d'avance de votre compréhension. La question est : "Être juif au XXIe siècle". Des candidats à la réponse ? A vos plumes !  Pnm Souscription* n° 51 - du 15/12/09 au15/01/10 Vos dons permettent à l'UJRE de se maintenir au 14 rue de Paradis (loyer mensuel : 1300 €), de poursuivre la publication de la Presse Nouvelle Magazine et d'accueillir nos associations amies : Théâtre Abi Gezint, Choeur Golgevit, Mémoire des Résistants Juifs de la MOI, Amis de la CCE, Jeunes Juifs Laïques. Grand merci !!! Jacques Lewkowicz président de l’UJRE Nom Montant Nom Montant Total 770 (*) sauf mention explicite (adhésion, réabonnement ou don), les règlements reçus sont imputés en priorité en renouvellement d’abonnement, puis en don. Pour rappel, 66% des montants d’adhésion à l’UJRE et des dons sont déductibles des revenus déclarables. Nous prions les abonnés à la PNM de bien vouloir renouveler spontanément leur abonnement, pour nous épargner des frais de relance. Votre PNM vous en remercie d’avance.
  • 3. P.N.M. Janvier 2010 À lire Billet d'humeur “Les Arabes et la Shoah” N ew York, le 29 novembre 1947 : l’Assemblée générale des Na­ tions unies décide de partager la Palestine en un Etat juif, un Etat arabe et une zone internationale pour Jérusalem et les Lieux saints. Mais le monde arabe re­ fuse cette décision. Pourquoi, demande­t­il, le génocide des Juifs, perpétré en Europe par les nazis avec la complicité de nom­ breux gouvernements, devrait­il être “réparé” aux dépens des Palestiniens, qui n’en portent aucune responsabilité ? A cette question, les propagandistes is­ raéliens répondent de longue date en excipant le personnage de Hadj Amine al­Husseini. Issu d’une des deux grandes familles palestiniennes, nommé Grand Mufti par la puissance manda­ taire britannique, il se retournera contre son “parrain” au point de passer le gros de la Seconde Guerre mondiale à Rome et Berlin. Dans les Balkans, il ira jus­ qu’à créer une Légion SS musulmane. Franco­libanais, professeur à la Sc­ hool of Oriental and African Studies de l'Université de Londres, Gilbert Achcar, Magazine Progressiste Juif édité par l'U.J.R.E N° de commission paritaire 0614 G 89897 Directeur de la publication Jacques LEWKOWICZ Administrateur Sylvain Goldstein Rédacteur en chef Roland Wlos Conseil de rédaction Claudie Bassi­Lederman, Jacques Dimet, Jeannette Galili­Lafon, Patrick Kamenka, Nicole Mokobodzki Secrétaire de rédaction Gestion des abonnements Raymonde Staroswiecki Rédaction – Administration 14, rue de Paradis 75010 PARI S Tel : 01 47 70 62 16 Fax : 01 45 23 00 96 Courriel : lujre@orange.fr Site : http://ujre.monsite.orange.fr (bulletin d'abonnement téléchargeable) Tarif d'abonnement : France et Union Européenne : 6 mois 28 euros 1 an 55 euros Etranger (hors U.E.) 70 euros IMPRIMERIE DE CHABROL PARIS BULLETIN D'ABONNEMENT Je souhaite m'abonner à votre journal "pas comme les autres" magazine progressiste juif. Je vous adresse ci–joint mes nom, adresse postale, date de naissance, mèl et téléphone PA R R A I N A G E (10 € pour 3 mois) J' O F F R E U N A B O N N E M E N T À : Nom et Prénom ......................... Adresse ..................................... Téléphone ................................. Courriel ..................................... 3 Monsieur Brice, les patrons et le racisme dans son dernier livre, Les Arabes et la Shoah. La guerre israélo­arabe des récits*, éclaire cette triste destinée sans rien en dissimuler : ni le degré de la collaboration du Mufti avec Mus­ solini et Hitler, qui l’amènera à approuver le judéocide ; ni le peu de Palestiniens enrôlés sous le drapeau nazi, quelques dizaines contre 9.000 engagés dans l’ar­ mée britannique ; ni, au­delà, le caractère marginal de ce choix dans le mouvement national pa­ lestinien et arabe. Mais Achcar va plus loin : des années 1930 au début du XXIe siècle, il cerne de plus près qu’on ne l’avait jamais fait l’attitude des Arabes face au nazisme. Impossible de résumer ici, en quelques lignes, les quelques cinq cents pages de cette démonstration argumentée et do­ cumentée. Comme dans le cas du Mufti, l’auteur montre comment, avant­guerre, la lo­ gique selon laquelle “l’ennemi de mon ennemi est mon ami**” poussa une frange du mouvement national à recher­ cher le soutien des dictatures ; et, après­ guerre, comment la disparition de la Pa­ lestine et l’expulsion de 900 000 des siens, puis le conflit israélo­arabe qui s’ensuivit amena certains dirigeants arabes à relativiser l’ampleur du judéo­ cide, voire à accueillir – comme les Etats­Unis d’ailleurs ­ d’anciens nazis. Pour autant, démontre­t­il, le négation­ nisme, proprement dit, ne s’est pas en­ raciné dans des opinions qui n’ont jamais eu de sympathie pour le na­ zisme. Voici une dizaine d’années, le grand intellectuel américano­palestinien Ed­ ward Saïd écrivait*** : “La thèse selon laquelle l’Holocauste ne serait qu’une fabrication des sionistes circule ici et là de manière inacceptable. Pourquoi at­ tendons­nous du monde entier qu’il prenne conscience de nos souffrances en tant qu’Arabes si nous ne sommes pas en mesure de prendre conscience de celles des autres, quand bien même il s’agit de nos oppresseurs, et si nous nous révélons incapables de traiter avec les faits dès lors qu’ils dérangent la vi­ sion simpliste d’intellectuels bien­pen­ sants qui refusent de voir le lien qui existe entre l’Holocauste et Israël ? ”  Dominique Vidal * Gilbert Achcar, Les Arabes et la Shoah. La guerre israélo­arabe des récits, Sindbad­ Actes Sud, Arles, 2009, 528 p., 26 €. ** N’oublions pas que l’Organisation sio­ niste mondiale conclut avec le gouverne­ ment nazi, dès août 1933, l’accord dit de la Haavara, grâce auquel plusieurs dizaines de milliers de juifs allemands purent ga­ gner la Palestine avec une partie de leur capital, sous forme d’exportations du Reich. Pis : fin 1940, le Lehi d’Itzhak Sha­ mir ­ dit aussi groupe Stern, issu d’une scission de l’Irgoun fondée par Zeev Jabo­ tinsky ­ avait adressé au Reich une lettre lui proposant une alliance stratégique. Mais nul, à l’époque, n’imaginait la Shoah… *** Le Monde diplomatique, août 1998. Monsieur Brice est ministre de l'Inté­ rieur. L'Union des Patrons Juifs de France (UPJF) l'a honoré récemment d'une distinction, reconnaissant dans cet humaniste un pourfendeur du ra­ cisme et de l'antisémitisme. On ne peut qu'applaudir. Je m'autorise toutefois quelques bémols dans l'admiration : Un comparse du chanoine Nicolas, le maître de tous les Français, ne peut rien refuser au patronat, quelle que soit sa forme. L'UPJF n'est pas un syndicat mais un or­ ganisme de combat raciste, prenant pour cible tout ce qui est arabe et pa­ lestinien. Les opposants à Netanya­ hou, les partisans de la paix au Proche­Orient, les musulmans de toutes obédiences sont des antisémites, les immigrés, les progressistes sont des LE SNJ-CGT antisémites. Monsieur Brice est contre cet "antisémitisme" là. Il est aussi contre le racisme anti­mu­ sulman. La preuve : lors de l'Universi­ té d'été de son parti (l'UMP), il a serré la main d'un jeune arabe. En ajoutant finement : "Un, ça va. Les problèmes arrivent quand ils sont nombreux". Joignant le geste à la parole, lorsqu'il était ministre de l'Immigration, il se plaisait à faire du chiffre en expulsant beaucoup de "ces gens­là". Je note que son successeur, Monsieur Éric le sur­ passe. Buvant le calice jusqu'à la lie, j'ai consulté le site de l'Union des Patrons Juifs. Le style et le fond m'ont, à quelques mots près, ramené en 1942, au sortir de l'adolescence. C'est vrai­ ment la lie.  Jacques Franck Société COMMUNIQUE Le Syndicat National des Journalistes CGT dénonce un débat en faveur des thèses racistes sur France Télévisions La direction de France Télévisions a décidé de s’inscrire dans l’infâme débat sur l’identité nationale en donnant la parole jeudi 14 janvier sur France 2 au ministre des expulsions Eric Besson face à Marine Le Pen, représentante de l’extrême droite. Il est totalement inadmissible pour le SNJ­CGT qu’un tel spectacle ait lieu sur les antennes du service public qui, comme on le voit déjà dans le cadre de ce débat, servira encore mieux à flatter les mauvais instincts, à stigmatiser l’autre, à dé­ noncer l’étranger et faire le lit des thèses racistes et xénophobes que soutient de­ puis toujours le FN. Les journalistes de France Télévisions et des autres medias ne seront pas les faire­valoir d’un débat aux relents nationalistes, islamophobes et démagogiques voulus par le gouvernement Fillon­Sarkozy à la veille des régionales. Tout cela n’est pas sans remettre au goût du jour les veilles formules haineuses de "la France aux Français" Faut­il rappeler que le racisme n’est pas une opinion mais un délit ? Le SNJ­CGT appelle à ce que ce débat, indigne du pays des droits de l’Homme, soit déprogrammé. Nous appelons les autres syndicats, la profession à se joindre à notre demande de retrait de ce débat. TOUS ENSEMBLE FAISONS ÉCHEC À LA BANALISATION DES IDÉES RACISTES, ANTI­ SÉMITES ET XÉNOPHOBES. FAISONS ÉCHEC À UNE ÉMISSION, VÉRITABLE INSULTE AU PEUPLE FRANÇAIS.  Montreuil, le 13 janvier 2010 Assemblée Générale Menschel et Romanska Du 1er au 21 février, la pièce du dramaturge israélien, Hanokh Levin (1943­1999) explore ce “terrible paradoxe : comme elle est grande, la petitesse humaine” ! Menschel et Romanska, qui se savent être le destin l’un de l’autre, ne s’y résignent pas. L’énergie qu’ils ne met­ tent pas à transcender leur condition d’insecte humain, ils la dilapident en de vaines mesquineries... Mise en scène : Olivier Balazuc Interprétation : Daniel Kenigsberg Horaires : du 1er au 5 février, du 11 au 13, du 18 au 20 à 21h, les dimanche 7, 14 et 21 à 17h 30. Théâtre de la Vieille Grille 1, rue du Puits­de­l'Ermite 75005 Paris Information : 08 99 65 13 55 (N° 899) Merci à tous les adhérents de l'UJRE de prendre note de notre pro­ chaine assemblée générale, le Samedi 27 mars 2010 Partie privée réservée aux adhérents à jour de leur cotisation 15:00 Rapport moral, rapport financier, vote des orientations, divers. Partie artistique - publique et gratuite Invitez largement, famille et amis ! 17:00 Extraits du spectacle Dona, Dona par Claude Liberman et ses musiciens [ klezmer & yiddish chanté en français ] suivi du traditionnel pot de l'amitié
  • 4. 4 C Cycle opinions : être Juif au XXIeme siècle Respecter le contrat laïque Être juif après Gaza omment être juif aujourd’hui après Gaza ? Je me pose cette question non seulement en tant que Juive vivant en diaspora, mais aussi comme une fille d’Israël, qui a grandi dans ce pays et qui a dé­ jà assisté à d’autres exactions graves à l’endroit des Palestiniens. Cette question aurait certes pu être posée en maintes autres circon­ stances. Mais peut­être aujourd’hui plus que jamais, devant le monde qui a vu défiler les images d’horreur des offensives israéliennes contre Gaza, devant l’immense empathie ressentie face aux destructions et au meurtre de centaines de civils palestiniens, 700 au moins sur les 1400 tués, face aux privations, aux humiliations et aux mauvais traitements infligés par une armée pourtant présentée par son ministre de la Défense, l’ex­travailliste Ehud Ba­ rak, comme l’armée la plus morale du monde, peut­être aujourd’hui, plus que jamais, garder le si­ lence reviendrait à accep­ ter l’inacceptable. Les Juifs qui ont subi per­ sécutions, pogromes et plus tard, pendant la Se­ conde Guerre mondiale, anéantissement, ont le devoir de se poser tous les jours cette question s’ils souhaitent encore regarder ceux qui les entourent droit dans les yeux, sans avoir honte. Être juif n’est pas seulement adhérer à une foi, observer une pratique, mais avant tout, surtout dans un monde largement sécularisé, assumer une position éthique, qui rend co­ responsable de tout acte, non seule­ ment venant de soi, mais aussi d’Israël comme Etat, tant le judaïsme d’aujourd’hui ne se conçoit plus sans l’attachement à ce pays. L’Holocauste et Israël sont les deux marqueurs identitaires de la plupart des Juifs de diaspora et pour cette raison, ceux­ci ont le devoir de criti­ quer Israël et la manière dont il a mené cette guerre inhumaine contre Gaza. Le soutien à Israël ne peut qu’être exigeant, pour que ce pays continue à exister. Cette exigence n’a rien à voir avec un soutien inconditionnel du Hamas ou du terrorisme. C’est avec la même intransigeance éthique qu’il convient d’inciter les forces politiques palestiniennes, y compris le Hamas, à continuer de demander, avec force et conviction, et aussi bonne volonté, la création d’un Etat palestinien indépendant dans les frontières de 1967. La sur­ vie d’Israël lui­même en dépend. C’est à la diaspora juive de deman­ der aux Etats dont ils sont les ci­ toyens, surtout en Europe, de sortir de la pesante culpabilité qui les écrase en raison de l’Holocauste et de regarder avec plus de clair­ voyance du côté palestinien. Il ne sert à rien d’enterrer le rapport de Richard Goldstone, devenu traître au judaïsme parce qu’il a dénoncé ce qui s’est passé pendant les offensives contre Gaza, y compris les crimes de guerre. Le même rapport ne condamne­t­il pas aussi, pour crimes de guerre, le Hamas, qui n’a cessé d’envoyer ses roquettes vers le sud d’Israël, mettant en danger la vie de civils innocents ? Israël a perdu pour la première fois la guerre des médias. C’est mainte­ nant qu’il est urgent de revenir aux fondements de l’éthique juive, sauf à accepter un regain croissant d’anti­ sémitisme. Si Israël représentait hier la sécurité pour ceux qui avaient vécu la catastro­ phe des années noires de guerre, et pour leurs des­ cendants, aujourd’hui le tabou de l’Holocauste a sauté (et ce, depuis la se­ conde Intifada) et rien n’arrêtera la vague antisémite qui gonfle si Israël continue dans la voie de l’inhumanité. Israël est en grande partie res­ ponsable de la montée d’un nouvel antisémitisme. Celui­ci est certes in­ tolérable et rien ne le justifie. Mais le fait est qu’il se confond avec la cri­ tique virulente des dérives inaccep­ tables de cet Etat, mettant dans le même sac Israéliens et Juifs. Et si Is­ raël souhaite encore compter avec l’aide et le soutien de la diaspora juive, il est temps qu’il change son mode d’action. L’amour aveugle des Juifs pour un Israël devenu autiste pourrait bien faiblir face au rejet dont ils sont la cible aujourd’hui dans les pays dont ils sont citoyens à part entière. Être juif, c’est avant tout avoir ce re­ gard porté sur soi et sur autrui pour établir invariablement la balance entre soi et le monde. Le nationa­ lisme effréné est son ennemi mortel, l’universalisme son salut.  Esther Benbassa 31/12/2009 www.estherbenbassa.net NDLR Esther Benbassa est Directrice d’Etudes à l’École Pratique des Hautes études (Sorbonne, Paris), spécialiste d’histoire des juifs et d’histoire contempo­ raine, intellectuelle publique. Elle vient de publier Etre juif après Gaza (Paris, CNRS Éditions, 2009), 4 €. P.N.M. Janvier 2010 Régine Azria est sociologue, chercheuse au Centre d'études interdisciplinaires des faits religieux (CEIFR) de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Existe­t­il à vos yeux une communau­ té juive de France? e récuse le terme de communauté juive. C’est un déni des acquis de la Révolution française. L’existence des institutions communautaires est autre chose. Elles sont d’ailleurs di­ verses, elles n’ont pas les mêmes fonctions et les mêmes orientations idéologiques. Beaucoup de juifs en France ne se reconnaissent pas dans le terme de communauté juive, même si l’on peut affirmer qu’il y a consensus, par exemple, contre l’antisémitisme. Cette notion de communauté est une notion piège. Ceci est le résultat d’ailleurs de la séparation en France de l’Église et de l’Etat, de la laïcité. Pour autant il n'est pas question de nier la réalité d'un judaïsme organisé en France. Peut­on parler de retour du phéno­ mène religieux parmi les juifs de France ? ’est un phénomène qui est lié à l’histoire du judaïsme en France marqué, notamment après la guerre d’Algérie, par la montée du ju­ daïsme traditionnel venant des juifs d’Afrique du Nord, qui avaient une pratique plus culturelle que cultuelle. Il est clair que certains quartiers des grandes villes ont été marqués par ce phénomène avec la réapparition et la visibilité d’une vie juive collective. Ce genre de pratique avait connu un net recul après la guerre, d'une part parce que les juifs pratiquants parmi les juifs ashkénazes (boutiquiers, tailleurs etc.) étaient très minori­ taires et d'autre part, parce que leurs pratiques étaient davantage tournées vers le politique. L’arrivée des juifs d’Afrique du Nord a redonné vie à un nouveau type de “rue juive”, avec une volon­ té d’être plus visible. Ceci s’ex­ plique aussi par le travail effectué par les loubavitch auprès des séfa­ rades et notamment auprès des jeunes. Il faut aussi prendre en compte l’élection en 1981 du rabbin Sirat puis celle du rabbin Sitruk. On est ainsi passé d'un Consistoire relative­ ment modéré religieusement et con­ sensuel, au rigorisme. Ce change­ ment de cap a été marqué également par l'ouverture d’écoles juives ultra­ religieuses, venant en parallèle de la crise de l’école publique et de la mul­ tiplication des incidents inter­com­ munautaires dans les quartiers “sensibles” de plusieurs villes. J C La prise de conscience identitaire au sein de la population juive de France s’est faite progressivement et a commencé par rapport à Israël. Le besoin de se montrer juif à l'exté­ rieur, dans la rue, éventuellement en mettant une kippa, la volonté d’af­ ficher son identité notamment après la Guerre des Six jours, alors qu’au­ paravant la pratique était plutôt : juif chez soi, citoyen au dehors. Y a­t­il dans le phénomène reli­ gieux une recherche d'idéal en rai­ son de la perte des valeurs dans les sociétés modernes ? D evant la crise des valeurs, il est sûr qu’il y a recherche de certi­ tudes, d’encadrement. La crise des grandes idéologies a créé un vide. Le fait que les mariages entre juifs et non juifs soient monnaie courante plaide pour une ouverture, une sécu­ larisation. C’est un signe important. L’image de la Nation et de la laïcité a changé en France depuis la grande vague de 68 qui a provoqué un télescopage dans la société en heur­ tant le concept de la “nation, une et indivisible”. La société française s’est découverte plurielle, phénomène auquel elle n’était pas préparée. Ces changements vont de pair avec l’attachement des juifs français à l'égard d'Israël. L'image de ce pays a changé : on est passé de l’idée de re­ fuge contre l’antisémitisme après la deuxième guerre mondiale, à Israël, terre de la promesse messianique. En France, on peut pratiquer sa reli­ gion comme on le veut et c’est plus facile pour un juif que pour un mu­ sulman. Il n’est pas dangereux de se dire juif en France. Il y a d’ailleurs de plus en plus d’écoles religieuses confessionnelles et de ce qu’on appelle au Canada les “accommodements raisonnables” pour garantir aux élèves et étudiants juifs pratiquants, le respect du shab­ bat ou de kippour. Le Consistoire négocie par exemple avec l’Educa­ tion Nationale pour éviter de fixer les examens lors des fêtes juives. La République et la laïcité, contrai­ rement aux idées reçues, ne sont pas menacées par ces pratiques, pour au­ tant que les “pratiquants” respectent de leur côté le contrat laïque.  Régine Azria Propos recueillis par Patrick Kamenka * Régine Azria, Le Judaïsme, La Découverte, Coll. Repères, Paris, 2003, 128 p., 9,50 €
  • 5. Histoire P.N.M. Janvier 2010 5 Les philosophes français des Lumières et la question juive De l’antijudaïsme au décret de la Constituante qui accorde aux Juifs la citoyenneté Ie partie A lors qu’au XVIIe siècle l’Église avait réussi à contenir et brider le mouve­ ment humaniste du XVIe, le XVIIIe se caractérise par une détestation de la religiosité qui avait prévalu au siècle précédent. Pour combattre l’Église et, plus généralement le christianisme, on attaque les livres auxquels celui­ci se réfère, notam­ ment l’Ancien Testament, d’où un antijudaïsme qui est en contradiction avec l’esprit de tolérance professé et, dans une certaine mesure, avec les légers progrès accomplis dans le traitement politique réservé à la communauté juive essentiellement localisée en Alsace, en Avignon et à Bordeaux. François Marie Arouet, dit Voltaire (1694­1778) Voltaire, philosophe anticlérical, est le tenant d’un antijudaïsme qui en­ tend démasquer la Bible pour saper les fondements de l’Église. La Bible est pour lui un tissu de plagiats : “Les Juifs firent […] de l’histoire et de la fable ancienne ce que les fri­ piers font de leurs vieux habits ; ils les retournent et les vendent comme neufs le plus chèrement qu’ils peuvent.” Il se régale ainsi, avec l’ironie qu’on lui connaît, d’une liste d’emprunts aux Phéniciens, aux Égyptiens, aux Chaldéens, à la mythologie grecque, entre autres. Dire que la Bible est le point de rencontre de toutes les my­ thologies, c’était pour Voltaire lui ôter ses origines divines, son statut de livre saint. Par ailleurs, Voltaire voue aux Juifs une hostilité qui se traduit par la reprise de clichés, cari­ catures et accusations en vigueur de­ puis le Moyen Âge. Il explique, par exemple, les métiers ambulants que doivent pratiquer certains Juifs comme une persistance de “leur va­ gabondage dans le désert”. Et accu­ mule les qualifications les plus outrancières : la nation juive est “la plus détestable qui ait jamais souillé la terre”, “une horde de voleurs et d’usuriers” ; mais concède tout de même qu’au moins, ils n’ont pas été anthropophages : “C’eut été la seule chose qui eut manqué au peuple de Dieu pour être le plus abominable de la terre”. Voltaire, antisémite ? Tout de même non, car il se disculpe en dressant un tableau des sévices que le monde chrétien a fait subir aux Juifs : “Ma tendresse pour vous n’a plus qu’un mot à vous dire. Nous vous avons pendus entre deux chiens pendant des siècles ; nous vous avons arraché les dents pour vous forcer à nous donner votre argent ; nous vous avons chassés plusieurs fois par avarice, et nous vous avons rappelés par avance et par bêtise ; nous vous faisons payer encore dans plus d’une ville la liberté de respirer l’air ; nous vous avons sacrifiés à Dieu dans plus d’un royaume ; nous vous avons brûlés en holocaustes : car je ne veux pas, à votre exemple, dissimuler que nous ayons offert à Dieu des sacrifices de sang humain.” On a cherché à expliquer la partialité de celui qui reste le pourfendeur du fanatisme, de celui pour qui la “philosophie” doit favoriser l’esprit de tolérance. Il faut peut­être remon­ ter, pour cela aux années 1750­1753 que Voltaire passe à la cour de Frédé­ ric II à Berlin et Potsdam. Voltaire qui accumule une fortune colossale en spéculant sur l’approvisionnement des armées eut une histoire fraudu­ leuse d’achat et de vente de titres confiés à un banquier juif, Hirschel. Un procès entre les deux hommes s’ensuivit. L’affaire étant plus qu’em­ brouillée, les juges prussiens impo­ sèrent un accord que Voltaire n’accepta pas. Celui­ci falsifia des do­ cuments et cria haut et fort qu’il avait été trompé, ce qui mit Frédéric II, sourcilleux en matière de (sa) justice, dans une telle colère qu’il écrivit en français une comédie versi­ fiée, Le Procès de Tantalus, pastiche du procès Voltaire­ Hirschel où l’un était dépeint comme un gredin et l’autre comme une fripouille. L’Esprit des lois, œuvre majeure de Montesquieu après Les Lettres per­ sanes, dont certaines idées, telle la sé­ paration des pouvoirs, seront reprises dans les constitutions américaine et française, est un texte fondateur des principes de tolérance, qui contient une idée nouvelle, révolutionnaire : il convient de ne pas juger les Juifs, mais de se juger par les Juifs. À l’en­ contre du scepticisme de nombre de ses contemporains, il ne considère pas les religions comme des va­ riantes d’une même erreur fon­ damentale, mais, examinant celles­ci en tant qu’institutions, il leur recon­ naît l’utilité d’un appareil idéolo­ gique structurant, car “on tient beaucoup aux choses dont on est continuellement occupé.” Le judaïsme cultive, selon lui, les deux caractères essentiels d’une reli­ gion : un culte riche et un fonds éle­ vé. On peut faire changer de religion un “peuple barbare” en raison de la superficialité de celle­ci ; en re­ vanche, la religion juive est trop forte, trop distincte des autres, pour qu’on puisse obtenir des conversions faciles : même éloigné par les per­ sécutions de sa pratique religieuse originelle – Montesquieu pense aux “Nouveaux Chrétiens” – un Juif lui reste lié. Cette distinction, la religion hébraïque la doit, pense­t­il, au fait qu’elle est première, fondatrice : “La religion juive est un vieux tronc qui a produit deux branches qui ont couvert toute la terre, je veux dire le Mahométisme et le Christianisme ; ou plutôt c’est une mère qui a engen­ dré deux filles qui l’ont accablée de mille plaies : car, en fait de religion, les plus proches sont les plus grandes ennemies. Mais, quelques mauvais traitements qu’elle en ait reçus, elle ne laisse pas de se glori­ fier de les avoir mises au monde ; elle se sert de l’une et de l’autre pour embrasser le monde entier, tan­ dis que d’un autre côté sa vieillesse vénérable embrasse tous les temps.” Lors, Montesquieu dénonce à maintes reprises les exactions com­ mises par les Chrétiens à l’endroit des Juifs. Entre autres : “Ce qui se passa en Angleterre donnera une idée de ce qu’on fit dans d’autres pays. Le roi Jean ayant fait empri­ sonner les Juifs pour avoir leur bien, il y en eut peu qui n’eussent au moins quelque œil crevé. Ce roi fai­ sait ainsi sa chambre de justice. Un d’eux, à qui on arracha sept dents, une chaque jour, donna dix mille marcs d’argent à la huitième. Henri III tira d’Aaron, juif d’York, quatorze mille marcs d’argent, et dix mille pour la reine. Dans ces temps­là, on faisait violemment ce qu’on fait au­ jourd’hui en Pologne avec quelque mesure. Les rois ne pouvant fouiller dans la bourse de leurs sujets, à cause de leurs privilèges, mettaient à la torture les Juifs, qu’on ne regar­ dait pas comme citoyens.”  [ à suivre ] François Mathieu Charles­Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, dit Montesquieu (1689­1755) Le “vénérable” Pie XII Lu sur le site du Crif “ Le B'nai B'rith a décidé de mener une action contre le projet de béatifi­ cation de Pie XII. Le BBF* a écrit au Nonce Apostolique de France, rédigé un communiqué de presse et lancé la pétition ci–dessous : Contre la béatifi­ cation de Pie XII ­ Le B'nai B'rith, Or­ ganisation non gouvernementale juive, humaniste et pluraliste, a pris con­ naissance de la signature, le 19 décembre par le Pape Benoît XVI, du décret déclarant Pie XII, Pape de 1939 à 1958, “vénérable” compte tenu de “ses vertus héroïques” en vue de sa béatification. Il est avéré historique­ ment qu'à l'époque dramatique où le peuple juif subissait la barbarie nazie, le Pape Pie XII, autorité suprême de la chrétienté a, par son silence et sa pas­ sivité apparente à l'égard de ce drame, laissé implicitement mais en pleine conscience s'accomplir les crimes na­ zis. Nous demandons d'attendre jusqu'à ce que l'ouverture des archives du Va­ tican ait pu faire la lumière sur l'atti­ tude de Pie XII avant d'envisager sa béatification. Le B'nai B'rith appelle à signer cette pétition : http://contrela­ beatificationdepiexii.bbpetition.org * BBF : B'naï B'rith de France N ” ous avons publié dans la PNM de décembre le communiqué de l'Ujre exprimant, face à la procédure de béatification du pape Pie XII, colère et indignation, les archives du Vatican concernant cette période étant toujours fermées... La béatification de ce “vénérable serviteur de Dieu” se­ rait d'autant plus contestable qu'à son attitude envers les juifs, il faut ajouter la passivité dont il a fait preuve et les liens qu'il a entretenus avec le pou­ voir nazi. Faut­il rappeler qu'il a confié au futur Paul VI le soin d'or­ ganiser la “filière des rats”, grâce à quoi nombre de criminels de guerre nazis sont allés reprendre du service en Amérique latine ?  Pnm
  • 6. 6 Culture Poi nt d e vue vu P.N.M. Janvier 2010 à propos du livre “L’ ant i s é mi t i s me à ga u ch e ” de Michel Dreyfus Ce qui suit est le condensé d’une critique beaucoup plus complète qu’on trouvera sur le site de l'UJRE (rubrique PNM). Nous prions l’auteur de l’ouvrage et nos lecteurs ayant accès à Internet de se référer au texte complet. [Pour les autres, texte adressé à la demande ] L e livre dont il s’agit est écrit par une plume clairement de gauche. On devrait louer l’au­ teur de traiter d’une question sem­ blable aujourd’hui, aussi douloureuse qu’elle soit : tout doit être ouvert, l’élan d’une gauche nouvelle est à ce prix. L’auteur met l’eau à la bouche en citant les hallucinants anathèmes pro­ férés lors de la dernière assemblée du Crif par son Président dont l’Histoire a déjà oublié le nom. On s’attend ainsi à un travail majeur. Or sa lecture m’a plongé dans un malaise croissant et la brièveté rela­ tive de cette chronique ne traitera que de ce qui l’a provoqué. L’auteur de ces lignes a parfaitement conscience du biais qu’il introduit, ce faisant . L’ouvrage est celui d’un historien. Toute prétention à le critiquer sur sa méthodologie devrait être de ma part a priori exclue. On ne peut cependant s’interdire l’observation suivante : les références sont nombreuses, étayées ; mais la règle change relativement au Pcf. Pourquoi cette exception ? Là, les citations, références sont (trop) rare­ ment de première main ; l’auteur ne s’est­il pas posé la question de l’alté­ ration que cela pouvait introduire dans son étude ? Trois remarques ici : Le rapport à Marx du mouvement ouvrier français est étrangement étu­ dié. L’auteur y fait certes de nom­ breuses références. Il s’arrête longuement sur un écrit du jeune Marx , “A propos de la question jui­ ve”. Que cet écrit fasse partie du sujet est hors de doute. Est­il possible avec les yeux d’aujourd’hui de faire cette lecture avec “attention et probité” comme le dit l’auteur qui cite Robert Mandrou ? Or la question est dans le fait que la démarche de Marx telle qu’elle s’affirmera année après année consiste à nourrir une conception phi­ losophique et politique des connais­ sances scientifiques les plus avancées de son temps : l’antisémitisme ne peut trouver place dans ce discours. D’où vient alors qu’en lisant le livre, on puisse avoir le sentiment que chez l’auteur subsiste un doute ? Il se contente d’apporter des regards contradictoires au sujet d’un antisémi­ tisme possible chez Marx. Seul comme parti politique, le Pcf se porta à la tête du combat sans merci contre le fascisme, seul comme Parti, il dénonça Munich. Il commit d’autres actes significatifs avant que ne soit signé le Pacte germa­ no­soviétique dont Michel Dreyfus ou­ blie de préciser qu’il fut précédé d’une conférence militaire tripartite entre le Royaume­Uni, la France et l’URSS, con­ férence qui avorta par la faute exclusive de la France et de la Grande–Bretagne. Si l’on parle du Pacte, alors il faut tout dire : ou bien la question de l’anti­ sémitisme est traitée en l'isolant de l’ensemble des questions politiques centrales qui déterminent le sort de la civilisation humaine ; ou bien l'on re­ fuse cette problématique qui expose à une étude complètement biaisée . Et c’est bien là le problème que Mi­ chel Dreyfus ne résout pas. Le Pcf se posa ces questions à n’en pas douter. On ne pourrait comprendre qu’il ait créé la MOE, plus tard la MOI, et à l’intérieur d’icelle une section juive, s’il ne s’y était pas confronté, même de façon partielle et très insatisfai­ sante. Pour Michel Dreyfus, la créa­ tion de ces organes reste une énigme. Son traitement de l’UJRE est parfaite­ ment méprisant, sans aucune ombre de justification. Il ne semble pas mesurer la psycholo­ gie des acteurs de l’époque. Ces im­ migrés juifs, la plupart pauvres, issus de l’Est européen où la seule perspec­ tive consistait à finir éventuellement pendus à un croc de boucher, n’avaient qu’une envie : en finir avec une identité qui les condamnait au mieux aux ghettos dont ils fuyaient l’étouffement. Ils cherchaient de l’air et le trouvèrent en France, mais seule­ ment au sein du mouvement démocra­ tique, spécifiquement au Pcf auquel ils donnèrent nombre de dirigeants à tous niveaux. Mais il faut aller au bout : page 213, l’auteur cite Georges Marchais dans l’Humanité assorti d’un commentaire de Cohn Bendit. L’auteur dit à ce su­ jet que le mouvement étudiant sera “scandalisé par ce propos”. De quel “propos” s’agit­il ? De celui que Cohn­Bendit prête à “l’intention supposée” de G Marchais, du “pro­ pos” que G Marchais n’a jamais te­ nu ? Et quel “épisode” ne sera jamais oublié sinon celui d’une parfaite manipulation ? Aucun parti sinon le Pcf ne se sera vu traîné ainsi dans la boue pour antisémitisme. Il est vrai que les autres sont blancs comme neige à cet égard ; ce n’est pas ce que dit Michel Dreyfus. Mais alors pour­ quoi cette piqûre de rappel ? Troisième remarque et conclusion : Michel Dreyfus répète à de nom­ breuses reprises que les “dérapages communistes” ne font pas doctrine. C'est à son honneur. Il est douteux qu’il ait réalisé que l’antisémitisme est un corps étranger absolument à tout ce pour quoi le Pcf se bat ; corps étran­ ger au marxisme, corps étranger à TOUS les écrits de Lénine sans excep­ tion, corps étranger à tout ce que de­ vrait être une pensée de gauche. Par contre, Michel Dreyfus le note de temps à autre, l’antisémitisme est un courant de droite et d’extrême droite. Toutefois ce constat est insuffisant. La lutte à mort contre le judéo­bolché­ visme est l’un des éléments centraux du nazisme et cela ne se trouve nulle part dans le livre de Michel Dreyfus. Sans doute, le Pcf n’en prit pas conscience comme il eût été indispen­ sable, ni n’en prit conscience à temps. Malgré ses faiblesses ici soulignées, le livre de Michel Dreyfus, s’il manque le coche d’une réplique sans appel au président du Crif, est un avertissement. L’auteur de cette critique en est con­ vaincu : il ne s’agit pas de voir que le ventre est fécond ; le fait que l’anti­ sémitisme soit étranger absolument à tout ce que représente le Pcf est main­ tenant une question qu’il ne peut plus considérer comme allant de soi.  Olivier Gebuhrer Critique d' * Michel Dreyfus, L'antisémtisme à gauche ­ Histoire d'un paradoxe de 1830 à nos jours, La Découverte, coll. Sciences Humaines, Pa­ ris, 348 p., 23 €. “Lumière au quatrième ” de Rosette Alezard N otre amie Rosette Alezard a publié récemment un livre émouvant : “Lu­ mière au quatrième”. Au fil des pages, elle égrène les souvenirs de ce qu’elle a vécu. Comme beaucoup d’autres enfants juifs dans les années 40 le feront sans doute, j’y ai trouvé beaucoup de similitudes avec ce que j’ai vécu moi­même. En particulier durant ces années où nous devions nous cacher pour échapper au destin tragique promis par l’occupant nazi et ses complices vi­ chystes. Les épisodes qui relatent cette période sont d’autant plus mémorables qu’ils nous montrent comment la mobilisation des habitants d’un village a parti­ cipé au quotidien à cette action de solidarité. L’action de ces femmes et de ces hommes qui n’ont pas ménagé leur peine en s’engageant comme ils l’ont fait pour sauver des juifs et, au­delà des résistants, des communistes… constitue une facette importante de la Résistance bien sou­ vent sous­estimée et non prise en compte comme telle. Ce qu’ils ont fait avec modestie et en dépit des risques encourus, ils l’ont fait par bonté et générosité. Bien souvent, c’était le fait de gens simples qui, aux heures les plus noires, ont courageusement relevé le défi de l’humanisme contre la barbarie. En sauvant ne serait­ce qu'une vie, ils ont du même coup sauvé l’honneur de leur pays ­ aux antipodes de l’action et du débat sur l’identité nationale, initiés par le tandem Eric Besson et Nicolas Sarkozy qui, eux, déshonorent notre pays, notamment, mais pas seulement, lorsqu’ils renvoient des Afghans dans leur pays en guerre. Ce que l’auteure raconte, non sans humour et en restituant ses réflexions en­ fantines sur ce que fut la vie avant les années terribles, en dit long sur son vécu quotidien et celui de sa famille. Ce qui frappe au travers des séquences qui forment son récit, c’est que les diffi­ cultés dues à la pauvreté, les privations, la promiscuité… n’ont jamais altéré leur sens de la dignité ni l’espoir qui n’a jamais cessé de les habiter, grâce à quoi ils ont toujours été partie prenante de la vie sociale et culturelle. De retour à Paris, Rosette retrouve son quartier populaire du 11ème et les rap­ ports conviviaux de ses habitants et voisins ; la joie des retrouvailles n’estom­ pant pas le vide laissé par les êtres chers qui ne sont pas revenus. Sans grandiloquence et avec beaucoup de délicatesse, Rosette nous livre un té­ moignage original en nous relatant le sort d'une jeune française juive com­ muniste. Témoignage particulièrement bienvenu en ces temps où le pouvoir cherche à nous opposer les uns aux autres pour mieux déconstruire tout ce qui fonde la raison d’espérer. Rosette a eu l’heureuse idée de joindre le texte autobiographique que sa mère Chaja écrivit en 1963 et qui donne à voir la situation des juifs dans cette Pologne d’hier que d’aucuns appellent le yiddishland. Le livre refermé, l’on a envie de dire : “Merci, Rosette, pour ton livre, véritable témoignage vrai et sincère d’un monde dont les tares, sont, sous d’autres formes, restées fondamentalement les mêmes et qu’il nous faudra bien changer”.  Roland Wlos * Rosette Alezard, Lumière au quatrième, suivi de La petite ouvrière de Var­ sovie par Rosette Alezard – Chaja Zilbertin, Publibook, 2009, 175 p., 20 €
  • 7. P.N.M. Janvier 2010 Invictus Jo s eph Ko s ma l'itinéraire d’un musicien engagé T rait d’union entre Miles Davis Cannes pour Juliette ou La Clé des et Bertolt Brecht, entre la mu­ Songes de Marcel Carné. sique savante et les traditions La collaboration avec les poètes lui populaires, la musique de Joseph vaut un succès durable : Desnos, Kosma, juif hongrois né en 1905 à Aragon, Queneau… Prévert publie Budapest, imprime une marque du­ son recueil poétique Paroles en rable autant dans la chanson que 1946. Le succès de ce volume est dans la musique de cinéma, pour les­ immense. Kosma met en musique un quelles il saura inventer des formes grand nombre de textes, dont cer­ nouvelles. Mais le com­ tains font ainsi le tour positeur des Feuilles du monde Barbara, mortes est aussi un mu­ Chanson des escar­ sicien classique. gots qui vont à l’en­ terrement, En sortant Au conservatoire de de l’école… Budapest, qui lui délivre son diplôme de Les témoignages sur composition et de di­ le musicien le pré­ rection d’orchestre en sentent comme un 1926, Kosma croise Bé­ bourreau de travail. la Bartók. Il est ensuite Joseph Kosma (1905­1969) Lui­même raconte de passage à Berlin qu’il composait au dans les années 1930 en tant que piano des jours entiers sans bouger. chef d’orchestre assistant de l’Opéra Son œuvre s’illustre aussi par des National, après un départ forcé de la pièces classiques, parmi lesquelles Hongrie. Grâce aux contacts qu’il de la musique de chambre : Trois noue avec Bertolt Brecht et Hanns mouvements pour flûte et piano, Duo Eisler, à sa formation classique se pour contrebasse et piano. superpose le goût pour une musique Il aborde la création lyrique avec des empruntant aux chansons leur légè­ œuvres qui célèbrent des luttes so­ reté et leur ancrage dans vie, en ciales, comme la Ballade de celui même temps qu’un engagement aux qui chanta dans les supplices, sur un côtés du peuple. texte d’Aragon dédié à Gabriel Péri. Mais l’Allemagne vit ses dernières Sa passion pour le chant choral heures de liberté. En 1933, fuyant les trouve à s’exprimer dans la chro­ persécutions des juifs, des artistes et nique en sept tableaux de la Com­ créateurs, de tous ceux qui ne se mune de Paris : À l’assaut du ciel, en ralliaient pas à l’idéologie et l’esthé­ 1951, une fresque musicale sur des tique nazies, il émigre en France. textes d’Henri Bassis, pour la cho­ Kosma s’associe alors à un groupe rale populaire Guy Môquet. de jeunes gens menant une vie liber­ Fort de cette expérience, il décide de taire, parmi eux Jean­Louis Bar­ composer un opéra sur les Canuts de rault, Jacques Prévert, Robert Lyon, tisserands en soie qui furent Desnos, Darius Milhaud et Arthur vainqueurs des forces de l’ordre et Honegger. maîtres de la ville en 1831, avec sur Exilé, Kosma est contraint de gagner leurs drapeaux la fière devise : sa vie immédiatement. Il le fait sans “Vivre en travaillant…”. Sur un li­ trahir ni la poésie ni la musique, vret de Jacques Gaucheron, cet ora­ avec des chansons et des musiques torio est créé à Berlin en 1959. de film. Prévert le présente à Jean Un Amour électronique, opéra­bouffe Renoir et une collaboration s’établit en un acte écrit spécialement pour les avec d’abord Le Crime de M. Lange Jeunesses musicales de France, fait en 1935, puis La Grande Illusion, La l’objet d’une tournée dès 1960. Joué à Bête humaine, La Règle du Jeu. Budapest en 1963, il dénonce lui aus­ Kosma sait poser son style, dans le­ si les hommes réduits à l’état de ma­ quel la musique participe à la chine. Les Hussards, en 1969, année construction d’un univers en même de sa mort, poursuivent son renouvel­ temps que la lumière, les décors et la lement du genre de l’opéra. photographie. Grâce à la protection Musique authentiquement populaire, de Prévert, il continue à travailler l’œuvre de Kosma amorce une récon­ dans la clandestinité pendant la ciliation avec la composition clas­ guerre, écrivant notamment la mu­ sique contemporaine. Avec Prévert, sique des Visiteurs du soir en 1942. Kosma a donné des ailes mélodiques L’abondance des musiques de film à la poésie, Schubert n’en avait­il pas réalisées après guerre est impression­ fait autant en son temps ?  nante, il remporte en 1951 le prix de la meilleure partition musicale à Sébastien Arfouilloux 7 de Clint Eastwood Culture L a libération il y aura bientôt vingt ans de Nelson Man­ dela, leader du Congrès National Africain (ANC), après vingt­sept ans de prison et son élection en 1994 à la tête de l’Etat sud­africain marquent de manière irréver­ sible la fin du régime raciste, le terrible Apartheid. Quelques mois plus tard, l’historique victoire des Spring­ boks, équipe de rugby adorée des Blancs et haïe des Noirs, lors de la coupe du monde de rugby, fut un des symboles de La Naissance de cette nation. C’est ce qu’a parfaitement compris Clint Eastwood. Ni hagiographie, ni bio­ graphie, Eastwood se concentre sur son sujet : montrer comment Mandela, arrivé à la Présidence, profitera de l’occasion que lui offre ce match pour lancer sa politique de réconciliation. Eastwood est ici porté par sa foi en une action et des personnages qui d’ailleurs le méritent : ténacité et courage pour Mandela et Pienaar, capitaine des Boks, incarnés par les excellents Morgan Freeman et Matt Damon. Et le film, dès l’ouverture, annonce la couleur : les Noirs jouent au football sur un terrain de fortune quand de l’autre côté de la route, les Blancs jouent au rugby sur un terrain entretenu et parfaitement protégé. Ce qui s’oppose ici, marche par deux : Noirs ­ Blancs, Mandela ­ Pienaar ; football ­ rugby ; garde rapprochée noire de Mandela et blancs nervis des an­ ciens services spéciaux. Au début, chacun joue séparé. Au final, tous marchent ensemble. Ce qui compte en sport comme en politique, c’est de faire équipe. Le tout est d’y croire. Comme ses personnages, le film avance, sincère, vrai, émouvant et malgré les raccourcis inévitables dans une fiction de deux heures, plutôt bien docu­ menté. Eastwood a visé l’essentiel en un tir juste. Droit au but !  Laura Laufer Entretien* avec Anne Dissez Que pensez­vous du film ? Eastwood a bien compris le contexte où la très grande majorité des Blancs avaient une trouille bleue, comme lors du départ des colons d’Algérie en 1962. En réalité, le contexte international était différent et c’était mal connaître le peuple et toutes les négociations qui avaient eu lieu avant entre l’ANC et les différents pays comme les Etats­Unis, la Grande­Bretagne... Les pays occidentaux exigeaient qu’il n’y ait pas de procès de Nuremberg ou de règlements de compte. Même en Afrique du Sud, aujourd’hui, on magnifie les luttes des townships et on passe sous silence le rôle de la pression internationale sur le régime. Le portrait qu’Eastwood fait de Mandela, que j’ai rencontré professionnellement, est très juste. Cet homme qui est le père de la nation, à l’humanité visible, est en même temps un homme de parti respectant les décisions de l’ANC. Quand la Coupe du Monde de rugby en 1995 a commencé, avec la volonté politi­ que de Mandela d’admettre l’équipe, plus les Springboks gagnaient, plus les Noirs s’y intéressaient. Au moment de cette finale, on avait l’impression que les oiseaux s’étaient tus. Il y avait un silence ! Je vais à Soweto, la ville était un désert. Quand il y a eu le coup de sifflet final, ça n’a été qu’une immense clameur dans toute l’Afrique du Sud ! Le plus important a été la Commission Vérité et Réconciliation, fruit d’une né­ Qui est Anne Dissez ? gociation entre les divers mouvements Ancienne animatrice d'un sud­africains ainsi qu'avec certains pays Mouvement Anti­Apartheid étrangers. en France, dans les années La commission a effacé beaucoup de 1980. Journaliste pour RFI deux ans en traces, ou élucidé des actes du passé. Algérie qu'elle a dû quitter menacée Desmond Tutu a mené ça, leur deman­ par les islamistes. dant de dire pardon, et traduit au tribu­ Grand reporter en Afrique du Sud, elle nal des gens de l’extrême droite et des a écrit dans de nombreux journaux services spéciaux ou même des gens de (l'Humanité ­ sous un pseudonyme, La l’ANC. Croix, Le Monde, Marianne) et parlé La lutte a été tellement dure en 1985­ sur de nombreuses antennes (France 1986. Il fallait conquérir le terrain. Ça Info, France Inter, France Culture, s’est fait à la serpe et c’était une vraie RFI, A2, FR3...) guerre. Elle écrit toujours dans Le Monde La réconciliation ne peut être qu’un diplomatique et vit en France depuis sa processus à long terme et doit passer par retraite prise il y a cinq ans. Elle se des choix sociaux.  Propos recueillis par rend encore en Afrique Australe et est Laura Laufer régulièrement invitée en Afrique du Sud où elle séjourne au moins deux * Extraits ­ Version intégrale de l'entretien mois par an.  disponible sur le site : www.lauralaufer.com
  • 8. 8 Cycle “Juifs dans le monde” P.N.M. Janvier 2010 L’Angleterre et ses juifs - Mythes et réalités P as de pogromes en Angleterre, tales cependant : la première est que de développement économique et d’en­ pas d’Affaire Dreyfus non plus. l’accès (graduel) aux droits et libertés richissement matériel. Le respect de Pas de controverses majeures, et publics se fera, dans ce pays où les ré­ ces grandes familles juives, en général dès le XIXe siècle un premier mi­ volutions sociales ne furent jamais à d’origine portugaise ou italienne, les nistre, Disraeli, qui se réclamera tou­ l’ordre du jour, au profit d’une élite Aguilar, Pereira, Ricardo, Montefiore, jours avec ostentation de ses riche et conservatrice (sur les six pre­ Marks (l’enseigne Marks & Spencer origines… De grandes familles cé­ miers députés juifs à la Chambre des est restée l’enseigne juive par excel­ lèbres et respectées, le plaidoyer poi­ communes, cinq étaient conservateurs, lence), Saphir, Lindsay, etc., distingue gnant du pourtant détestable Shylock trois étaient de la famille Rothschild) ; d’abord de grandes réussites économi­ dans Le Marchand de Venise, l’accueil la deuxième est que, une fois acquis, ques. fait dès le XVIIIe siècle à tant de réfu­ ces droits et ces libertés ne seront Pour résumer, on peut dire que le Shy­ giés venus d’Europe centrale : l’An­ jamais remis en cause. lock de Shakespeare, méchant et mal­ gleterre n’aurait­elle pas constitué On a invoqué, pour expliquer le “philo­ heureux, symbolisait encore le juif pour les juifs un havre de paix, une sémitisme” anglais, un certain paral­ médiéval, acteur économique mineur. terre d’exception ? La réalité est autre­ lélisme entre deux cultures religieuses Le juif non plus redouté mais écouté, ment plus contradictoire et plus nourries de références constantes à décideur politique et stimulant cultu­ sombre. l’Ancien Testament, entre des rel, incarné par la puissante figure de Il est bon de commencer par une bana­ structures familiales et sociales valori­ Disraeli, apparaît en contrepoint d’une lité de géopolitique : insulaire, à sant le passé et la tradition, un intérêt réussite économique, intellectuelle et l’écart des grandes invasions et des partagé pour le commerce… Ces argu­ politique nationale dont il est le sym­ grands courants migratoires qui ont fa­ ments sont ambigus car, à supposer bole et même l’incarnation. çonné le reste de l’Europe, longtemps qu’ils soient fondés, ils pouvaient tout Certes, les sentiments troubles à orientée en priorité vers ses propres aussi bien expliquer une concurrence, l’égard des juifs, mélange d’angoisse, frontières intérieures (Écosse, Irlande, et s’agissant du commerce, les adver­ de cruauté et de séduction, ont existé Pays de Galles) et vers la viabilisation saires de la réadmission des juifs ne en Grande­Bretagne comme ailleurs : dans la douleur d’un système politique s’étaient pas fait faute, en témoigne toute une original (Grande Charte, guerre des nous l’avons vu, de les littérature populaire, Deux Roses, “Glorious Revolu­ employer. Il semble certains personnages tion”…)*, la Grande­Bretagne a été, plus raisonnable de des romans de Di­ depuis l’accomplissement de son uni­ penser que la disper­ ckens ou de Walter té, un pays où les décisions politiques sion même des juifs, Scott. Ainsi dans Oli­ ont toujours été commandées par des liée à leur fort senti­ ver Twist, le célèbre préoccupations économiques, et parti­ ment identitaire, ait été Fagin, personnage si­ culièrement commerciales. Le “prag­ perçue comme un atout nistre des bas­fonds matisme”, “l’empirisme”, voire le “li­ potentiel, pouvant faci­ londoniens qui oblige béralisme” qui sont souvent liter l’accès des capi­ une bande d’orphelins revendiqués par les Anglais comme taux britanniques à des à commettre toutes leur marque de fabrique, expriment marchés difficilement Un prêteur juif anglais sortes de petits délits dans l’ordre des idées cette subordina­ accessibles, et tout par­ qui conduiront nombre tion des principes aux calculs d’inté­ ticulièrement à ce Moyen­Orient, d’entre eux à la pendaison**. Mais ces rêts. Que la Grande­Bretagne ait été plaque tournante à mi­chemin des sentiments n’ont jamais eu d’expres­ par ailleurs un pays fortement Indes, où dès le XVIIe siècle les mi­ sion politique, à la différence de la christianisé n’a rien changé à cette su­ lieux d’affaires étaient conscients France ou de l’Allemagne, si l’on ex­ bordination : l’anglicanisme, imbriqué qu’une partie décisive allait se jouer. cepte peut­être le début des années dans les autres structures étatiques, a Les Anglais avaient compris très tôt 1930, où la crise économique de 1929 que la religion est un vecteur et ses terribles répercussions sociales été un instrument au service du commerce ; et tout un ont pu alimenter un temps les thèses ra­ d’un consensus national fa­ pan de leur pratique poli­ cistes et fascistes d’Oswald Mosley, vorable aux intérêts d’une tique, extérieure comme personnage complexe passé du conser­ opulente gentry. institutionnelle, dérive de cet vatisme traditionnel au travaillisme, Les juifs sont arrivés en An­ axiome. puis fondateur, sous les auspices de gleterre avec Guillaume le e siècle, C’est pourquoi il ne faut Mussolini, de la British Union of Fas­ Conquérant. Au XII peut­être pas se hâter de cists qui fustigeait à la fois le “capita­ ils sont expulsés en tant mettre au compte de “l’ex­ lisme juif”, l’immigration et le qu’éléments allogènes. centricité anglaise” l’accepta­ mouvement ouvrier et qui organisa Quand, en 1655, Cromwell tion par les élites dirigeantes sous le nom de “chemises noires”, un convoque à Whitehall une des stupéfiantes professions important réseau paramilitaire directe­ conférence pour décider de Benjamin Disraeli de foi philosémites de Dis­ ment copié sur le modèle italien. Tenta­ leur réadmission, le débat, (1804­1881) raeli, futur premier ministre tive éphémère au demeurant, parce que derrière un assaut de ré­ férences bibliques, voit s’opposer deux conservateur, qui, converti par son les cercles dirigeants, abrités de toute conceptions antagoniques de l’écono­ père à l’anglicanisme, n’en professait menace révolutionnaire, élaboraient dé­ mie : les antijuifs plaident pour le pas moins en termes péremptoires la jà la politique proche­orientale qui al­ maintien d’un statu quo dans les “supériorité des sémites” sur les lait aboutir à la déclaration Balfour et à échanges et voient dans le dynamisme “Francs au nez plat”. Loin d’être des la création d’un home juif en Palestine économique des juifs un facteur de dé­ provocations gratuites, ces propos susceptible d’asseoir, au détriment no­ stabilisation, alors que les autres ap­ avaient pour fonction, et ont eu pour ef­ tamment de la France, le poids des inté­ pellent de leurs vœux la libéralisation fet, d’agir à la façon d’un aiguillon sur rêts britanniques dans cette région du des échanges, la concurrence et l’ou­ un capitalisme auquel il s’agissait d’in­ monde. suffler en permanence hardiesse et es­ Voilà ce que recouvre en fait le “philo­ verture à de nouveaux marchés. sémitisme” anglais. Une contre­ Réinstallés dans la société britannique, prit de conquête. les juifs connaîtront une émancipation L’apport idéologique et culturel des épreuve nous en est fournie par le com­ politique parallèle à celle des juifs de juifs a été valorisé dans l’exacte me­ portement des divers gouvernements France. Avec deux différences capi­ sure où il se doublait d’une promesse britanniques après l’accession de Hit­ ler au pouvoir. Défiants à l’é­ gard d’une nou­ velle vague d’­ immigration jui­ ve venue de l’Est et qui, comme en France, était es­ sentiellement Arthur James Balfour une immigration (1848­1930) ouvrière où se trouvaient beaucoup d’éléments politi­ sés et combatifs, soucieux au moins dans un premier temps de ménager le nazisme, ils fermèrent les frontières aux réfugiés juifs venus d’Allemagne, sans s’opposer toutefois à l’adoption de leurs enfants par les familles an­ glaises qui en feraient la demande. C’est ainsi que des centaines de fa­ milles furent séparées, les parents res­ tés en Allemagne ayant fait, en toute connaissance de cause, le choix de sauver la vie de leurs enfants.  J.M. Galano * NDLR Magna Carta : Grande Charte des libertés (1215) - Guerre des Deux Roses : 1425­1455) - Glorious Revolution (1688) : Guillaume d’Orange chasse le roi James II (Stuart) ** Fagin sera pendu lui­même, et Dickens le dépeint alors comme pitoyable autant que monstrueux. Ce personnage a beaucoup intéressé le cinéma, notamment Alec Gui­ ness et Roman Polanski. A noter la bande dessinée de l’Américain Will Eisner Fagin le juif (Delcour 2004), qui s’efforce de re­ placer le personnage de Fagin dans le contexte social de l’époque. Le saviez­vous ? “Déclaration Balfour” : lettre ouver­ te adressée le 2 novembre 1917 par Arthur James Balfour, alors ministre des Affaires étrangères du Royaume­ Uni, à Lionel Walter Rothschild, proche de Chaïm Weizman, alors président de la Fédération Sioniste : “Cher Lord Rothschild, J'ai le plaisir de vous adresser, au nom du gouver­ nement de Sa Majesté, la déclaration ci­dessous de sympathie à l'adresse des aspirations sionistes, déclaration soumise au cabinet et approuvée par lui. Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établisse­ ment en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement en­ tendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sio­ niste.” Furent­ils “clairement entendus” ces derniers mots, qui ne sont pas sans actualité ? 