1. Paris, le 25 octobre 2019
Madame l’ambassadrice Jamie McCourt,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Monsieur le préfet,
Monsieur le Grand Rabbin de France,
Messieurs les représentants des cultes,
Mesdames et Messieurs les représentants de la société civile,
Chers amis,
Il y a un an presque jour pour jour la « paix » de shabbat, en hébreu le « shabbat
shalom », a été brisée lorsqu’un homme armé est entré dans une synagogue de la ville de
Pittsburgh et a ouvert le feu en criant « tous les Juifs doivent mourir ».
Nous sommes ici réunis pour commémorer le triste anniversaire de cet attentat antisémite et je
tiens à vous remercier pour votre présence car elle est importante.
Elle est importante car nous sommes les témoins de la mémoire de ces onze individus, visés
et assassinés parce que juifs. Onze victimes et six blessés graves, ce sont autant de familles
ébranlées – et je salue la présence courageuse de la famille Feinberg. Et je ne peux m’empêcher
d’avoir immédiatement aussi une pensée pour les familles Halimi, Monsonégo, Sandler, Attab,
Cohen, Braham, Knoll et pour la famille Saada, particulièrement chère à mon cœur.
Au nom de l’American Jewish Committee et de son bureau parisien, je souhaite rendre
hommage à Joyce Feinberg, à toutes les victimes de l’attaque de Pittsburg et à toutes celles que
la haine antisémite a frappé ces dernières années aussi en France et en Europe. Nous
continuerons inlassablement de rappeler et d’honorer leurs souvenirs.
C’est avec gravité mais aussi avec colère que je m’exprime aujourd’hui devant vous. Colère
parce qu’engagée depuis seulement quelques années dans la lutte contre l’antisémitisme, je me
trouve déjà trop habituée à ce genre de cérémonies.
Au petit groupe que nous étions il y a quelques jours devant l’ambassade d’Allemagne après
l’attaque de la synagogue de Halle j’exprimais ce sentiment étrange et acide de « déjà vu ». Je
repensais au même petit groupe que nous étions l’année dernière devant cette ambassade le soir
de l’attaque de Pittsburgh.
2. Les préjugés et la violence antisémite sont en augmentation en Europe depuis près de vingt ans
et nous observons aujourd’hui le même phénomène de l’autre côté de l’Atlantique. Si nos amis
et collègues américains ont été sous le choc, nous l’avons été tout autant. Vus d’Europe, vus de
France, les États-Unis sont perçus par les Juifs comme un sanctuaire - et combien sommes-nous
à s’être rêvés « heureux comme les Juifs de New York » ?
Depuis quelques années, nous nous inquiétions pourtant d’observer la montée du populisme et
du suprémacisme, la popularité de l’intersectionnalité et du mouvement BDS notamment sur
les campus des universités américaines, et la libération d’une parole haineuse, fausse et
complotiste, notamment sur internet – tous ces phénomènes convergeant vers la haine des Juifs.
L’enquête d’opinion que l’American Jewish Committee a mené et dont les résultats ont été
publiés cette semaine confirme la tendance et le sentiment d’insécurité vécue par les citoyens
juifs américains: 88% des interrogés, toutes tendances religieuses et politiques confondues,
considèrent que l’antisémitisme est un problème sérieux aux États-Unis ; 47% des Juifs
américains interrogés déclarent que l’institution juive à laquelle ils sont rattachés a déjà été
l’objet d’attaques, de graffitis ou de menaces antisémites ; aussi, un tiers des Juifs américains
interrogés déclarent éviter de porter des signes distinctifs de leur identité juive à l’extérieur.
Enfin, interrogés sur les sources de l’antisémitisme, la large majorité des Juifs américains
interrogés s’accordent pour en désigner trois principales : les idées d’extrême droite (à 89%),
l’extrémisme véhiculé au nom de l’islam (à 85%) et les idées d’extrême gauche (à 64%).
Alors que faire ?
Depuis des dizaines d’années, l’American Jewish Committee se mobilise en Europe, aux États-
Unis et ailleurs dans le monde pour alerter et encourager les opinions publiques et les
gouvernements à prendre la mesure de la menace que l’antisémitisme fait peser sur nos sociétés.
Nous ainsi que tous les représentants que je vois ici présents ne l’avons que trop répété : la
menace antisémite n’est pas l’affaire des Juifs, elle met en péril nos fondements démocratiques,
elle est l’affaire de tous les citoyens et le combat contre ce fléau doit transcender les clivages
politiques. C’est pourquoi nous avons encouragé au Congrès américain la mise en place d’une
Taskforce bipartisane de lutte contre l’antisémitisme qui compte aujourd’hui plus de 174
membres. Aussi, au lendemain de l’attaque de Pittsburgh, avec le hashtag #ShowUpforShabbat,
nous avons appelé toutes les communautés juives et non-juives, tout notre réseau diplomatique
et politique et nos alliés un peu partout dans le monde à se rendre à la synagogue pour shabbat.
Nous n’imaginions pas l’élan de solidarité auquel nous allions assister : 250 millions
3. d’utilisateurs ont arboré le hashtag #ShowUpForShabbat sur les réseaux sociaux, l’initiative a
été relayée dans quatre-vingt pays et soutenue par de nombreuses personnalités politiques, de
Tony Blair à Benjamin Netanyahou, des citoyens de toutes les confessions ont fait la queue
devant des synagogues un peu partout aux États-Unis. Face à l’attaque antisémite la plus
meurtrière de l’histoire des États-Unis, #ShowUpforShabbat est devenu le plus large
mouvement de solidarité exprimée envers les citoyens juifs.
Je pourrais m’attarder sur tous les combats qu’il reste à mener pour accroître l’efficacité de
l’action contre l’antisémitisme mais pour aujourd’hui, parce que nous sommes là avant tout
pour honorer la mémoire des victimes de Pittsburgh, je souhaite terminer par cette note d’espoir.
Nous relançons ce week-end l’initiative #ShowUpForShabbat : des dizaines de synagogues aux
États-Unis ouvriront leurs portes ce soir et demain à des citoyens de tous horizons et je vous
invite à faire usage de ce hashtag sur les réseaux sociaux.
Au nom de la solidarité et de l’amitié transatlantique, au nom de Joyce Feinberg, de la mémoire
de chaque victime de Pittsburg et de toutes les victimes de la haine, démontrons une fois encore
notre unité, notre résilience, et réparons, chacun à notre manière, la paix de shabbat.
Je vous remercie.