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Université de Bretagne Occidentale
UFR de Droit et des Sciences Economiques
Ecole doctorale des Sciences de la Mer
La coexistence des règles applicables au contrat de
transport international de marchandises par mer :
contribution à l’étude de l’uniformité du droit
Thèse pour l’obtention du doctorat en droit
Présentée et soutenue publiquement
le 27 juin 2007
par
Gurvan BRANELLEC
Jury :
M. Olivier CACHARD, Professeur à l’Université de Nancy, Doyen de la Faculté
de droit de Nancy (Rapporteur)
Mme Cécile DE CET BERTIN, Maître de conférences à l’Université de
Bretagne Occidentale (Directrice de la thèse)
M. Philippe DELEBECQUE, Professeur à l’Université de Paris I Panthéon-
Sorbonne (Rapporteur)
M. Renaud MORTIER, Professeur à l’Université de Bretagne Occidentale
(Président du jury)
M. Martin NDENDE, Professeur à l’Université de Nantes
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2
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3
L’Université de Bretagne Occidentale n’entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans les thèses.
Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.
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4
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Je tiens à remercier :
le Professeur Le Bayon et le Professeur Tassel pour leurs précieux conseils ;
Mathieu Doat pour ses suggestions éclairées ;
le C.E.D.E.M. et la Faculté de droit pour ces conditions de travail idéales ;
Claire, Emmanuelle et Morgane pour leur présence et leurs relectures
attentives.
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6
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7
Sommaire
Introduction…………………………………………………………………….11
Partie I – La recherche d’une unification conventionnelle du droit du
transport maritime de marchandises par les Etats…………………..47
Titre I - L’unification par l’Etat et dans la convention………………………………49
Chapitre I – De la multiplicité des Etats à l’unité par la convention : une élaboration et
une adoption difficile………………………………………………………………..………51
Chapitre II – De l’unité de la convention à la multiplicité de la société internationale :
une application éclatée………………………………………………………………………93
Titre II – La désunification dans l’Etat et par les conventions
internationales……………………………………………………………………………173
Chapitre I – La désunification du droit du transport international de marchandises par
mer engendrée par la concurrence des Conventions internationales………………...…175
Chapitre II – La désunification du droit du transport international de marchandises par
mer aggravée par le droit international privé……………………………………………243
Partie II – La construction d’une uniformisation pragmatique du
droit du transport maritime de marchandises par les
opérateurs…………………………………………………………………..321
Titre I – La construction d’une uniformisation du droit par les pratiques
contractuelles……………………………………………………………………….……325
Chapitre I – L’uniformisation anticipée, dans le contrat…………………………..……327
Chapitre II – L’uniformisation différée, dans l’instance arbitrale………………..……403
Titre II – La tentative de construction d’un droit par la cristallisation des
pratiques contractuelles………………………………………………………..………445
Chapitre I – D’une uniformisation générale des pratiques à la construction d’une règle
de droit par les opérateurs………………………………………………...………………449
Chapitre II – D’une nécessaire unification par les Etats à la recherche de sa
pertinence……………………………………………………...……………………………499
Conclusion…………………………………………………………………….557
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9
Table des abréviations
AFDI : annuaire français de droit international
AFDM : Association Française du droit maritime
Annales de l’IMTM : Annales de l’Institut Méditerranéen des Transports Maritimes
BTL : Bulletin des transports et de la logistique
Bull. Cass. : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation
CA : cour d’appel
Cass. : Cour de cassation
CAF : coût, assurance, frais
CE : Communauté européenne, CEE jusqu’au 01/11/1993
CEE : Communauté économique européenne, CE après le 01/11/1993
Cf. : confer
Com. : Chambre commerciale de la Cour de cassation
CCI : Chambre de commerce internationale
CJCE : Cour de Justice des Communautés européennes
CMI : Comité Maritime International
CNUDCI : Commission des Nations unies pour le droit commercial international
(UNCITRAL)
CNUCED : Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (UNCTAD)
COGSA : Carriage of Goods by Sea Act
D. : Recueil Dalloz
D.T.S. : droit de tirage spécial
DMF : Droit maritime français
FOB : Franco-bord (free on board)
Ibid. : ibidem
Incoterms : International commercial terms
JCP : Jurisclasseurs périodiques (Semaine juridique)
JDI : Journal du Droit International ou Clunet
JMM : Journal de la marine marchande
JOCE : Journal Officiel des Communautés européennes
L. : loi
N° : numéro
NCPC : Nouveau Code de procédure civile
OMI : Organisation Maritime Internationale
ONU : Organisation des Nations unies
Op. cit. : opere citato
P. : page
RCADI : Recueil des cours de l’Académie de droit international, La Haye
RCDIP : Revue critique de droit international privé
RTD Civ : Revue trimestrielle de droit civil
RTD Com. : Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique
S. : suivant
Scapel : Revue de droit français commercial, maritime et fiscal, fondée par Paul Scapel
SFDI : Société française pour le droit international
TA : Tribunal administratif
TGI : Tribunal de grande instance
UNIDROIT : Institut international pour l’unification du droit privé
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10
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11
Introduction
« L’objet du droit uniforme est (, en effet,) d’effacer la diversité des lois
et d’exclure ainsi leurs conflits. Mais la diversité des lois est une
richesse, ou une malédiction, qui frappe notre planète depuis la Tour de
Babel et qui ne cessera que le jour où tous les hommes auront partout la
même loi, la même langue et les mêmes biens, jour où nous serons tous
corps glorieux, sans Etats et sans plaideurs, sans avocats et sans
professeurs de droit1
».
1. Le droit a uniformisé les choses nous dit Carbonnier à propos du droit des biens. Il a
« recouvert le monde bariolé des choses d’un uniforme capuchon gris »2
. Cette uniformisation
par le droit est en réalité une classification et la méthode n’est pas propre à la science
juridique. L’uniformité du droit est autre chose. Elle serait de l’essence du droit maritime,
selon Pardessus qui relève une uniformité de ce droit dans le temps. « Indépendamment des
variations qu’amènent les siècles ou les révolutions que produisent les rivalités nationales, ce
droit, immuable au milieu des bouleversements des sociétés, nous est parvenu après trente
siècles tel qu’on le vit aux premiers jours où la navigation établit des relations entre les
peuples »3
. En effet, le droit maritime a une origine lointaine. Son histoire et son évolution
sont étroitement liées à l’histoire du commerce maritime, car le droit maritime est d’abord un
droit commercial4
, le droit des relations contractuelles du commerce par mer. Il est axé sur
l’utilisation de la mer ainsi que le souligne Chauveau. « Historiquement, et surtout par
essence, c’est le droit d’un certain milieu géographique et social, la mer avec ses rivages, et la
1
Philippe Malaurie, Loi uniforme et conflits de lois, Travaux du Comité français de droit international privé,
1967, p. 83.
2
Jean Carbonnier, Droit civil Les biens – Les obligations, Collection Quadrige, PUF Paris, 1955, p. 1592.
3
Jean-Marie Pardessus, Collection des lois maritimes, Imprimeries royales, Paris 1825-1845, T 1, p. 2.
4
En droit romain, le terme de « commercium » désignait de façon très large, tous les rapports juridiques que les
individus entretenaient relativement à l’utilisation de leurs biens. Jacques Mestre et Marie-Eve Pancrazi, Droit
commercial, droit interne et aspects de droit international, LGDJ Paris 26ème
édition, 2003, n° 3. Pour le droit
français le transport par mer est une activité commerciale puisque constitue un acte de commerce par nature
« toute entreprise de manufactures, de commission, de transport par terre ou par eau ». C’est ce qui ressort du 7°
de la liste légale des actes de commerce de l’article L. 110-1 du Code de commerce.
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12
communauté des hommes qui s’y aventurent »5
. Ceux-là même qu’Aristote désignait comme
une catégorie de l’humanité en considérant qu’ « il y a trois sortes d’hommes : les vivants, les
morts et ceux qui prennent la mer »6
. Le droit maritime présente pour ces raisons, sa relative
permanence et son champ d’application, une certaine originalité par rapport au droit terrestre7
.
Celle-ci tient également, et pour certains principalement, au fait qu’il est « tout entier ordonné
autour de la nécessité de partager le risque de mer » entre les différents acteurs du transport
maritime et qu’il est, par nature, depuis qu’existent les nations, un droit international. C’est en
raison de ce dernier caractère que le droit maritime peut être un champ d’observation et de
recherche sur l’uniformité du droit. N’est-il pas un « exemple majeur » d’unification du droit
comme a pu le dire Rodière8
?
2. L’ensemble de la matière serait pourtant trop vaste et trop varié, rendant l’ouvrage
impossible. Le droit maritime est constitué d’éléments empruntés à diverses branches du
droit, du droit des biens au droit du travail en passant par le droit des obligations. Au sein de
la matière, le transport maritime et le contrat auquel il donne lieu a été choisi comme champ
de l’étude parce qu’il est éminemment international et est l’objet de tentatives renouvelées
d’uniformisation. Cette activité économique est réalisée par la conclusion de différents
contrats tels que le contrat de passage, les contrats d’affrètement de navires ou d’espace et le
contrat de transport applicable à l’acheminement de marchandises par voie maritime. Ce
dernier a pour objet le déplacement d’une unité de charge ou de colis à bord d’un navire et
donne lieu à l’établissement d’un connaissement ; il sera l’objet de l’étude.
3. Le transport international de marchandises par mer est une activité internationale par
nature. Sa réglementation résulte principalement de conventions internationales. Celles-ci ont
été élaborées et adoptées dans le but d’établir une unification du droit. L’histoire montre que
le droit applicable au transport international de marchandises par mer a d’abord été spontané
avant d’être voulu par les Etats, le besoin d’uniformité étant considéré comme la cause des
conventions internationales en la matière (section I). Cette notion d’uniformité du droit sera
5
Paul Chauveau, Traité de droit maritime, Librairies techniques, 1958, introduction générale p. 7.
6
Cette citation est largement diffusée, pourtant, il ne semble pas qu’elle soit exacte (on l’attribue à Aristote,
Platon, Socrate et même à Conrad !). Platon, dans le Critias, donne la géographie de l’Atlantide et divise le
monde en trois : le monde des vivants, celui des morts et l’océan qui sépare les deux. Il semble vraisemblable
qu’on puisse l’attribuer à Aristote évoquant la géographie de l’Atlantide décrite par Platon dans le Critias.
7
René Rodière et Emmanuel du Pontavice, Droit maritime, Dalloz, 11ème
ed. 1991, p. 5 et s. Le droit maritime
est, pour le Doyen Chauveau, le « droit de la mer et des activités qu’elle engendre ». Cette définition permet
d’insister sur le fait que cette branche du droit est concentrée sur un espace, la mer, et surtout sur son emploi. On
aborde ainsi la mer comme un espace unitaire (théorie développée entre autres par Arvid Pardo) et non comme
un territoire. Cf. cours pour le DEA de sciences juridiques de la mer, Véronique Labrot, La mer entre espace et
territoire(s)…
8
René Rodière, Introduction au droit comparé, Précis Dalloz, Paris 1979, § 70, p. 115.
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13
analysée dans sa double dimension d’idéal et de réalité (section II) avant que soit présentée
une délimitation précise du sujet traité et la problématique retenue (section III).
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14
Section I – L’uniformité du droit du transport maritime : récit et
histoire
4. Cette étude historique de la matière mettra en évidence le mouvement de balancier
entre, d’une part, la tendance des opérateurs à réaliser une uniformisation spontanée des
pratiques contractuelles (paragraphe 1) et, d’autre part, la tentative des Etats de réaliser une
unification construite du droit du transport international de marchandises par mer (paragraphe
2).
Paragraphe 1 – L’uniformisation spontanée du droit du transport
international de marchandises par mer
5. La spontanéité de l’uniformisation du droit du transport maritime de marchandises
tient au fait que ce sont moins les Etats que les parties intéressées qui y ont contribué. De
même que le Professeur Jestaz à propos de la coutume et de l’acte juridique, évoque un droit
spontané parce qu’il s’agit de sources « venues de la base »9
, le droit du transport maritime,
son histoire le montre, est « venu de la base ». En effet, le droit maritime a été au départ créé
et développé pour les besoins du transport maritime de marchandises. On fait ainsi remonter
l’origine de ce droit au moment où les hommes ont cessé de ne transporter que des butins de
guerre, pour y charger des cargaisons destinées à être troquées10
. Il a ensuite été développé de
l’Antiquité au dix-septième siècle par les marchands pour leurs besoins, avant de perdre sa
spontanéité, par l’intervention des Etats.
6. Les Grecs ont d’abord multiplié les échanges. Ils ont notamment développé un
mécanisme de crédit maritime et se sont dotés d’une juridiction maritime spécialisée. Ce sont
eux aussi qui ont eu les premiers « l’esprit du commerce international et l’idée qu’un droit
national, étranger aux barbares et aux métèques, serait un contre-sens dans le commerce
maritime »11
. Les règles applicables à cette matière avaient ainsi une vocation à être
appliquées largement et à s’étendre.
9
Pour Philippe Jestaz la coutume et l’acte juridique, sources venues de la base, constituent « un droit spontané ».
C’est en ce sens là que le terme spontané est employé. Philippe Jestaz, Les sources du droit, Dalloz Paris, 2005,
p. 37.
10
Martine Rémond-Gouilloud, Droit maritime, 2ème
ed. Pédone Paris, 1993, p. 23 et 24.
11
René Rodière, Traité général de droit maritime, introduction, Dalloz Paris, 1976, p. 13.
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15
Pour les Romains, le commerce maritime avait une importance capitale12
. Ils le facilitèrent en
instaurant la paix en Méditerranée. Sur le plan juridique, leur apport au droit en général et au
droit civil en particulier a été considérable, ils ont aussi laissé un héritage en matière
maritime. Diverses institutions du Digeste de Justinien ont eu une certaine pérennité. A titre
d’exemple, il est possible de relever une institution marquante présente dans le Digeste : il
s’agit du « receptarum » qui figure dans l’édit du Préteur. Il semble que les Romains aient
inventé cette institution. Cette notion juridique conduit à aggraver la responsabilité du
transporteur maritime par rapport à celle des autres transporteurs. Il s’agit d’une première
réglementation de la responsabilité des transporteurs maritimes. Il est ainsi intéressant de
constater qu’à une époque où les règles régissant le transport maritime de marchandises
étaient issues de la pratique, Rome a dû intervenir pour imposer, grâce à l’institution du
« receptarum », une responsabilité plus rigoureuse à l’encontre des transporteurs maritimes
que celle des autres entrepreneurs liés par un contrat de locatio conductio (le « receptarum »
concernait aussi les aubergistes et maîtres de poste »)13
. Il est difficile de ne pas faire le
rapprochement avec l’époque moderne : c’est pour régir impérativement la responsabilité du
transporteur maritime que les Etats sont intervenus dans le contrat de transport international
de marchandises par mer.
7. Ces règles élaborées par les Romains s’appliquaient concurremment avec les
coutumes portuaires en Méditerranée qui n’ont cessé de régir les relations maritimes. Le droit
maritime avait ainsi à cette époque une nature largement coutumière. La plus célèbre de ces
coutumes est la « lex rhodia de jactu »14
qui est une reprise des règles et usages consacrés par
le tribunal maritime de l’île de Rhodes, située en Méditerranée orientale, environ 900 ans
avant JC15
. En dehors de fragments, les bases de ce droit maritime Rhodien ne sont plus
connues. Cette législation qui serait une transposition d’une législation byzantine relative au
problème du jet des marchandises à la mer prévoit que si un navire en péril a pu être sauvé en
jetant par dessus bord une partie de la cargaison, tous les participants à l’expédition devront
12
En effet le blé africain était nécessaire pour nourrir les habitants de la cité et donc pour éviter les crises
sociales, soulèvements, disettes…Cf. P. J. Hesse, Séminaire d’histoire du droit maritime, dans le cadre du DEA
de Sciences juridiques de la mer, UBO, 2001.
13
René Rodière, Traité général de droit maritime, op. cit. , p. 14. Pour monsieur Gaurier, la location-conductio
aurait été associée au transport maritime vers la fin du troisième siècle avant notre ère. Il évoque d’ailleurs la
différence faite par le droit romain entre la location pour transporter des marchandises et celle pour transporter
des personnes (locatio mercium uehendarum et location uectorum uehendarum), Dominique Gaurier Le droit
maritime romain, PUR Rennes, 2004, p. 61.
14
Titre XIV, 2 du Digeste « de lege Rhodia de jactu ».
15
Thèse pour le doctorat en droit de G. N. Fayzi Chakab, La responsabilité du transporteur maritime de
marchandises (selon les règles de la Haye de 1924 et de Hambourg de 1978), Université de Nice Sophia-
Antipolis, 1999, p. 2.
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16
s’unir pour indemniser la perte16
. Cette institution est l’ancêtre de la pratique actuelle des
avaries communes et donc la source des règles d’York et d’Anvers.
8. Les premières règles de droit maritime sont ainsi nées sur les côtes méditerranéennes.
Les marchands usagers du transport maritime avaient organisé des tribunaux maritimes
chargés de juger leurs différends selon des traditions et coutumes. Ces jugements rendus au
cas par cas devinrent l’une des sources du droit maritime puis furent progressivement
transformés en recueils d’usages au Moyen-âge.
9. Après un effondrement de l’activité commerciale dans le bassin méditerranéen dû,
entre autres causes, à l’effondrement de l’Empire romain, aux invasions germaniques et à
l’instabilité politique, le Moyen-âge a vu la reprise du trafic maritime. Cette activité maritime
se développait et se structurait principalement autour de trois pôles.
La première zone était la zone méditerranéenne orientale. La zone byzantine connaissait une
collection de textes, les « basiliques » (qui, pour la plupart, ont été perdus), qui contenaient
des réponses aux principaux problèmes que les transports maritimes posaient à l’époque.
La deuxième zone mieux connue était celle de la Méditerranée occidentale. Dans cette zone, il
y avait d’abord des usages particuliers à telle ou telle ville portuaire ou à telle corporation17
.
Ceux-ci coexistaient avec des recueils d’usages plus ou moins complets dont les plus célèbres
sont le Consulat de la mer et le Guidon de la mer. Le Consulat de la mer est un recueil Catalan
du quatorzième siècle18
dont certains passages sont inspirés directement du Digeste. Le
Guidon de la mer, ouvrage de doctrine (composé à Rouen au seizième siècle) rédigé par un
auteur inconnu, est un véritable précis de droit maritime19
, il est assez long et a fait l’objet
d’ajouts successifs20
.
Enfin, la troisième zone était celle de l’Atlantique qui devint, au Moyen-âge, le véritable
centre d’activité du commerce maritime. Au départ, le « ley maryne » était d’abord de
tradition orale, puis il va être recueilli par une vaste compilation : les rôles d’Oléron21
. La
nature de ce document a été discutée : on y a vu un recueil de jurisprudence ou encore une
coutume. Ce recueil d’actes de notoriété, attestant de la jurisprudence maritime en vigueur sur
16
Martine Rémond-gouilloud op. cit. p. 23 et 24.
17
Les cités italiennes adoptèrent chacune des statuts qui sont de véritables codes maritimes : statuts d’Amalfi du
XII ème S. , Pise avec les Breve Curia Maris du XIIème S, Venise avec les Ordinamenta des Doges.
18
Bien que les Italiens en aient revendiqué la paternité au quinzième siècle, cette compilation des usages suivis
en Méditerranée est assez hétérogène. On y trouve des éléments élaborés par des autorités de grands ports
comme Marseille, Gênes ou Pise…
19
Compte rendu du Colloque de Rochefort sur l’actualité de la politique maritime de Colbert des 17 et 18 août
1983, JMM 1983, p. 2298.
20
Ajouts à la fin du Moyen-âge de trois chapitres sur l’armement en course (les corsaires) : Cours de P.J. Hesse,
op. cit.
21
Martine Rémond-Gouilloud op. cit.
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17
les côtes françaises de l’Atlantique, fut rédigé avant 126622
. On a vu son influence s’étendre
dans tout l’Atlantique et bientôt de l’Espagne à la Baltique. Ces rôles ont eu une importance
considérable et furent reproduits en tout ou partie dans les législations des pays qui les
pratiquaient, par exemple dans les lois de Wisby de l’île de Gotland en Suède au quinzième
siècle ou les lois de Westcapelle en Zèlande, et ont inspiré l’Ordonnance de la marine de
Colbert.
10. Ce qui est remarquable, sur cette période, c’est l’apparition d’un droit commercial
unifié au niveau européen par l’influence des marchands qui avaient besoin d’un droit
applicable à leurs relations et d’une certaine prévisibilité des règles applicables afin de
développer leur activité. De plus, la navigation maritime entraînant des risques particuliers
connus par tous les commerçants empruntant ce mode de transport, les mêmes causes
produisant les mêmes effets, il était logique que des règles de droit similaires naissent.
Il en résulte un droit créé par et pour les usagers de la mer, souvent antérieurement au droit
terrestre, et ce à une époque où les relations terrestres avec les pays extérieurs étaient bien
souvent embryonnaires alors que les habitants des régions côtières eux avaient, par le biais du
transport maritime, des relations économiques et juridiques avec d’autres peuples. Un tel droit
présentant un caractère particulier, aurait dû aussi corrélativement présenter un caractère
uniforme. Ce droit n’était cependant pas totalement unifié puisqu’il s’agissait d’une
agrégation de coutumes et d’usages recueillis dans des compilations différentes. Il avait
néanmoins un caractère cohérent. A ce sujet Messieurs Bonassies et Scapel parlent d’« une
adhésion de la communauté maritime à une coutume commune, lentement construite au
travers de quelques textes fondamentaux qui se virent reconnaître une valeur générale
dépassant les particularismes nationaux »23
.
L’illustration la plus frappante de ce particularisme et de l’uniformité qui découlent de ce
droit maritime au Moyen-âge est l’influence et le rôle joués par la ligue hanséatique24
. Cette
union de commerçants qui développa le commerce en mer du nord en installant des comptoirs
dans des ports étrangers, fut aussi amenée à édicter des règles et créer une juridiction
applicable à tous ses adhérents : les Recès. Cette uniformité relative, limitée à certaines zones
géographiques, va être mise à mal à l’époque moderne.
22
Ils furent rédigés à l’initiative d’Aliénor d’Aquitaine. Cette compilation devait son nom soit au fait que les
décisions ont été copiées et certifiées par un greffier ou mandataire de cette île ou au fait que ce recueil porte
principalement sur la jurisprudence émanant d’un tribunal siégeant dans l’île d’Oléron.
23
Pierre Bonassies et Christian Scapel, Traité de droit maritime, LGDJ Paris, 2006, n° 11, p. 10.
24
Réunion des grandes villes commerçantes teutoniques : Hambourg, Brême, Lubeck… in Albert Boyer, Le
droit maritime, Que sais-je, n° 1252, 1967 PUF, p. 7 et 8.
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18
11. Au seizième et dix-septième siècles, les structures du commerce par mer changèrent
par la combinaison de plusieurs phénomènes. D’abord, du fait de l’apparition des armements.
En effet, au départ, les marchands étaient des navigateurs-propriétaires de navires et
transportaient sur ceux-ci les marchandises qu’ils vendaient et qu’ils achetaient.
Progressivement, ils n’ont plus voyagé systématiquement, se faisant remplacer en mer par un
subrécargue25
. Au milieu du seizième siècle, apparaît le connaissement tel qu’on le connaît
dans son acception actuelle26
. Cette apparition du connaissement est le corollaire de celle de
l’armateur27
.
Par la suite, une modification majeure des données économiques internationales est
intervenue au dix-septième siècle. Certains pays suffisamment développés tels que la France,
l’Angleterre ou l’Espagne, commencent à disposer d’une production agricole ou de produits
manufacturés excédentaires qu’ils entreprennent d’exporter28
. Dès lors, l’expédition maritime,
fondée sur le transport de cargaisons à l’aller comme au retour, devient une opération
fructueuse en soi.
C’est à cette même époque que commence à se développer une politique protectionniste des
intérêts nationaux. Cette politique se manifeste, d’une part, avec l’essor des Etats
colonisateurs qui ont su développer des échanges maritimes bilatéraux avec les colonies
(Angleterre, France, Pays-Bas puis Espagne et Portugal) et, d’autre part, avec le
développement de phénomènes de protectionnisme des pavillons nationaux (monopole des
transports nationaux aux navires nationaux : par exemple le « Navigation Act » de Cromwell
de 1657). Ce développement du nationalisme marque le début de l’éclatement du droit
commun du Moyen-âge.
Paragraphe 2 – L’unification construite du droit du transport international
de marchandises par mer
12. L’intervention des Etats marque ainsi le passage à une unification « construite » :
l’unification part d’un sommet (les Etats). Elle a un caractère unilatéral, en ce sens que les
25
Le subrécargue est d’abord apparu comme étant l’agent des chargeurs. Il est désigné par les marchands pour
accompagner leurs cargaisons à bord, il veille à leurs intérêts et surveille le capitaine, agent de l’armateur. Dans
sa fonction plus moderne, il est désigné par l’armateur pour soulager le capitaine des fonctions commerciales.
René Rodière et Emmanuel du Pontavice, Droit maritime, op. cit. , n° 270, p. 244.
26
Par contre son endossement comme instrument négociable a été rapporté pour la première fois dans l’affaire
« Isny contre Perscat » en 1793 et dans l’affaire « Lick Barrow contre Mason » en 1794.
27
Cf infra n° 15.
28
Martine Rémond-Gouilloud op. cit. p. 25 et 26.
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19
conventions internationales (comme les lois) ne requièrent pas l’accord du destinataire (en
effet, un opérateur du transport international de marchandises par mer n’approuve pas les
conventions internationales, pourtant celles-ci peuvent s’imposer à lui)29
.
13. Ripert estime qu’« à partir du dix-septième siècle les recueils d’usages et les statuts
vont être éliminés par les lois d’Etat destinées à créer l’unité de droit dans le royaume et par
contrecoup à la détruire dans le monde » et « la France tient la première place dans cette
œuvre de codification »30
. C’est sous le règne de Louis XIV, monarque centralisateur, que fut
promulguée la « grande ordonnance sur la marine »31
d’août 1681. Dernière en date des
Ordonnances de Louis XIV, elle fut inspirée par Colbert. Cette œuvre eut un grand succès32
et
un rôle pionnier à travers le monde.
14. L’œuvre législative de la Révolution française fut assez limitée en matière maritime
même s’il est possible de relever la quasi-suppression des juridictions d’exceptions existant en
droit maritime, les amirautés gardant seulement compétence pour les affaires maritimes de
nature pénale, le commerce de mer relevant désormais des tribunaux de commerce33
. On voit
ici clairement la fin du particularisme du droit maritime avec, outre le rattachement par
rapport au droit terrestre et par conséquent la fin de l’uniformité du droit maritime.
15. A partir du dix-huitième siècle, le trafic qui était d’abord d’ordre alimentaire devient
réellement d’ordre industriel. Mais, c’est au dix-neuvième siècle que des données
technologiques vont bouleverser l’économie du droit maritime. D’une part, l’apparition des
navires à vapeur va permettre aux exploitants de navires de ne plus être tributaires des vents et
va rendre possible l’organisation d’un réseau cohérent de lignes régulières faisant escales à
jour fixe. D’autre part, la construction navale des navires en métal et non plus en bois, va
permettre un accroissement considérable de la capacité des navires (il est question de gains de
capacité de 45 %). De ces phénomènes, il résulte que la marine marchande devient une
industrie (la construction de navires en acier et la houille nécessaire à la construction coûtent
très cher). L’exploitation de lignes régulières permet une rentabilité suffisante mais nécessite
29
Philippe Jestaz, Les sources du droit, Dalloz Paris, 2005, p. 29.
30
George Ripert, Droit maritime, Dalloz Paris, 1939, tome I, n°90.
31
Elle constitue l’un des plus beaux monuments juridiques de l’administration royale : elle fut très longuement et
très soigneusement préparée. Divers personnages se sont succédés : la phase préliminaire fut confiée à La Reynie
chargé d’examiner les usages et les coutumes sur les côtes, puis élaboration législative par un maître des requêtes
au conseil du roi : Henri Lambert d’Herbigny. Une mission a été ensuite confiée à un avocat Legros et à un autre
maître des requêtes : Le Vayer de Bontigny. Enfin, la rédaction fut confiée à Bonaventure de Fourcroy.
32
Elle traite à la fois du droit public et du droit privé et elle eut une influence à la fois spatiale (en France comme
à l’étranger) et temporelle (le code napoléonien l’a à peu près reproduite), Valin, son meilleur commentateur,
assura que « elle est telle que les nations les plus jalouses de notre gloire, déposant leurs préjugés, l’ont adoptée à
l’envi comme un monument éternel de sagesse et d’intelligence ». Cf. René Josué Valin, Commentaire de
l’ordonnance de la marine de 1681, datant de 1760, 2 volumes.
33
Décret du 16-24 août 1790.
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20
un armement conséquent. Ce développement de la marine marchande permet corrélativement
aux chargeurs de ne plus être obligés de louer un navire en totalité ou partie, il leur suffit de
conclure un contrat de transport. C’est l’avènement du contrat de transport sous
connaissement34
. Les échanges commerciaux, favorisés par une politique du libre-échange sur
les mers impulsée par la Grande-Bretagne, s’intensifient. Avec la distinction des contrats
d’affrètement et de transport, « l’armateur prenait la seule qualité d’entrepreneur de transport,
satisfaisant à ce qui était devenu la seule préoccupation du chargeur : l’acheminement d’une
marchandise d’un point à un autre et sa remise en bon état au destinataire »35
.
Dès lors, la concurrence entre les compagnies de navigation qui, pour attirer la clientèle,
baissaient leurs tarifs, obligea les armateurs à rédiger des clauses d’exonérations
considérables. Les transporteurs prirent l’habitude de stipuler dans leurs contrats de transport
des clauses limitatives de responsabilité ou des clauses exonératoires de responsabilité
concernant les dommages causés à la marchandise. Celles-ci dénommées clauses que « dit
être » (négligence clause) détruisaient la force probante du connaissement sur les
caractéristiques de la marchandise. Ces pratiques étaient permises par le Code de commerce
français de l’époque qui édictait principalement des règles supplétives de la volonté des
parties. Les chargeurs subissaient ces pratiques des transporteurs organisés en unités
économiques puissantes et ne pouvaient négocier les contrats de transports auxquels ils se
contentaient d’adhérer. Profitant de cette position de force, les transporteurs allèrent jusqu’à
négliger « leurs devoirs les plus élémentaires, ce qui eut pour conséquence d’augmenter
notablement le risque des accidents ».36
Les chargeurs en étaient presque venus « à croire
cette plutôt cynique proposition que les armateurs n’ont d’autre obligation que d’encaisser le
prix du transport »37
. Outre leurs conséquences économiques sur l’activité des différents
acteurs du transport maritime (chargeurs et armateurs), ces clauses provoquèrent une
insécurité dans les opérations de crédits documentaires et notamment une perte de la valeur du
connaissement. Toutes ces conséquences expliquèrent que les victimes de cette mutation
entreprirent de lutter contre ces clauses.
Cette lutte (des chargeurs en particulier) se déroula devant les tribunaux. La jurisprudence
française de la seconde moitié du dix-huitième siècle estimait que le transporteur maritime
34
René Rodière et Emmanuel du Pontavice, Droit maritime, Précis Dalloz, 12ème
éd. 1997, n° 7, p. 10. Et
Slaheddine Mellouli, La responsabilité du transporteur maritime de marchandises, Centre d’études de
recherches et de publications, Tunis, 1993, 379 p., p. 12 et 13.
35
Paul Chauveau, Traité de droit maritime, Librairies Techniques, 1958, p . 418.
36
Georges Ripert, Droit maritime, tome II, 4ème
éd., éd. Rousseau, 1952, 1471.
37
F. Cyril James, Carriage of goods by sea, The Hague rules, 74 U., Pa. L. R. 675.
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21
pouvait s’exonérer de leur responsabilité par une clause du connaissement38
. N’obtenant pas
la satisfaction de leurs réclamations devant les tribunaux, les chargeurs français portèrent le
débat devant le Parlement39
. Malgré cette tentative40
, les clauses d’exonération continuèrent à
produire leurs effets. En France, la prise de conscience de ces phénomènes conduisit à
l’adoption de la loi Rabier du 17 mars 1905 qui a commencé à mettre fin à cette stipulation de
clauses d’irresponsabilité. Cependant, cette loi ne s’applique qu’aux seuls transports terrestres
et à ceux par eaux intérieures.
16. La première réaction législative en vue de protéger les chargeurs contre l’arbitraire des
transporteurs maritimes est venue des Etats-Unis, « alors pays de chargeurs…..aux prises avec
les armements anglais, norvégiens et des autres pays à grande flotte marchande »41
. Ce pays
possédait une marine marchande peu importante mais comptait en revanche un grand nombre
de chargeurs. Il était naturel que l’intérêt des chargeurs l’emportât sur celui des armateurs
étrangers. Le 10 juin 1892, un projet de loi fut introduit par le sénateur Michael D. Harter42
, le
« Harter Act », qui fut adopté le 13 février 189343
.
Cette loi, composée de 8 articles et dont le but était de « supprimer l’anarchie et les abus
engendrés par une liberté absolue des contrats », instaura un régime légal impératif qui
prohiba l’insertion dans les connaissements de toutes les clauses d’exonération pour pertes ou
avaries causées aux marchandises résultant de fautes ou négligences dans le chargement,
l’arrimage, la garde ou la livraison des marchandises. Le Harter Act fait ainsi la distinction
entre fautes nautiques et fautes commerciales en permettant à l’armateur de s’exonérer des
premières s’il a fait diligence pour que le navire soit en état de tenir la mer et qu’il soit
convenablement armé, équipé et approvisionné44
. L’armateur est ainsi exonéré de plein droit,
en l’absence de toute convention, des conséquences des fautes du capitaine et de l’équipage
dans la navigation et dans l’administration du navire. Ce régime est impératif45
. L’apport
principal du Harter Act, outre l’obligation qui est faite au transporteur de délivrer un
38
Il pouvait s’exonérer des fautes commerciales ou nautiques de ses différents agents. Cf. Cass. Civ. 23-02-
1864, D 1864, I, 168 et Cass. Civ. 20-01-1869, D 1869, I 94.
39
Par l’entremise d’une proposition de réforme déposée le 10 avril 1886 par deux députés du Havre MM F.
Faure et J. Siegfried qui visait à empêcher le transporteur de s’exonérer de ses fautes commerciales.
40
Puis celle renouvelée par les ministres du commerce et de la marine MM Trarieux et Lebon.
41
René Rodière, Traité de droit maritime, op. cit. tome II, n° 577.
42
Chargeur et représentant de l’Etat d’Ohio au Congrès de Washington.
43
Après une consultation des représentants des armateurs, des chargeurs, des assureurs et des grandes
corporations commerciales.
44
C’est ce qui ressort de l’article 3, cf. sur ce point Francis Sauvage, Manuel pratique du transport des
marchandises par mer, LGDJ, 1955, Paris, p. 10 et s.
45
L’article 5 du Harter Act frappe ces clauses d’une double sanction : sur le plan civil, de la nullité et sur le plan
pénal, une amende infligée à l’armateur.
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22
connaissement comportant certaines mentions46
, fut d’interdire au transporteur maritime ou à
ses préposés de s’exonérer des fautes commerciales47
. En contrepartie, fut institué un certain
nombre de causes légales d’exonération (en particulier fautes nautiques commises dans
l’administration du navire par ses préposés) et une limitation légale de responsabilité.
Le champ d’application du Harter Act est assez large. Il s’applique à tout transport de
marchandises par mer (en excluant le transport des animaux vivants) entre des ports
américains ou entre ces ports et des ports étrangers, et ce de la prise en charge de la
marchandise jusqu’après le déchargement.
17. Le Harter Act eut un grand retentissement en dehors des frontières des USA, et fut dès
le début du vingtième siècle adopté dans de nombreux pays Anglo-Saxons48
sous l’influence
des chargeurs. Cette législation est effectivement « apparu(e) aux chargeurs de tous les pays
comme la législation idéale pour la protection efficace de leurs droits, cette législation faisant
disparaître les abus les plus criants des clauses d’exonération, sans méconnaître les intérêts
légitimes des transporteurs »49
. Pourtant cette législation, du fait de son caractère unilatéral,
n’avait pas d’efficacité au plan international, les Etats ont alors pris conscience de la nécessité
d’une législation internationale du transport de marchandises par mer (en particulier d’une
réglementation impérative de la responsabilité du transporteur).
18. L’histoire des règles applicables au transport international de marchandises par mer est
récente à l’échelle du temps maritime. S’agissant des règles internationales, elles n’existent
que depuis l’avènement des Etats et encore a-t-il fallu que ceux-ci s’intéressent à ce domaine
de l’activité économique. Au début du vingtième siècle, on assiste au plan international à une
prise de conscience par les grandes nations maritimes de la nécessité pour le bon
développement du commerce par mer, de promouvoir l’élaboration d’une réglementation
homogène et uniforme. Comme le constatait Ripert en 1929 : « le trafic se trouve partout ; il a
cessé d’être national pour devenir international. C’est un nouveau type de marine marchande,
qui emprunte sa force à toutes les forces de la nation dont elle porte le pavillon, et court le
monde à la recherche du trafic qui lui est nécessaire ». Pourtant, il n’existait pas de
46
Celui-ci devait énoncer le poids ou le volume de la marchandise, ainsi que le nombre des colis et leur état
apparent (article 4) ce qui permettait de restaurer la valeur probante des énonciations du connaissement en
empêchant le transporteur d’insérer la clause « poids inconnu ».
47
Négligence, faute ou défaut dans le chargement, l’arrimage, la garde, le soin ou la livraison de toutes les
marchandises, article 1 et 2.
48
Principalement des pays dépourvus de marine marchande et dont le commerce maritime était pratiqué par des
chargeurs (on le retrouve dans le Paramount Act australien du 15 décembre 1904, dans la loi canadienne du 4
mai 1910 le Canadian Watercarriage of Goods Act mais aussi repris dans le Code de Commerce marocain du 31
mai 1919).
49
Cf. sur ce point Francis Sauvage, Manuel pratique du transport de marchandises par mer, ibid. p. 12.
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23
réglementation internationale ; seules des réglementations nationales tentaient de régir le
transport international des marchandises par mer.
19. Pour lutter contre la diversité de droits appliqués à des navires qui se côtoient en
permanence et commercent dans les mêmes ports, est créé en 1896 à Bruxelles le Comité
Maritime International (CMI). Il est chargé de promouvoir l’unification du droit. Cette
unification fut difficile à obtenir en Europe car les chargeurs de ces pays, qui essayaient
d’obtenir de leurs gouvernements une législation comparable à celle du Harter Act (plus
protectrice de leurs intérêts), se trouvèrent confrontés à la puissance des transporteurs des
pays ayant un armement important50
. Malgré cela, la prise de conscience de la nécessité d’une
législation internationale uniforme en matière de transport maritime, la pression des chargeurs
(et notamment celle des dominions anglais51
) ainsi que le développement du crédit
documentaire, firent évoluer les mentalités, ainsi « l’armement anglais se sentit sérieusement
menacé et comprit que l’entente internationale dont il avait jusqu’ici écarté le principe,
constituait la seule solution possible du problème »52
. Les différentes parties furent donc
amenées à réaliser une réforme par la voie d’une entente internationale. Ce mouvement fit
dire à Ripert que le vingtième siècle assistait à la réalisation progressive de « l’unification
internationale du droit maritime ». Il s’agissait plutôt en fait d’une « réunification
internationale de la lex maritima »53
du Moyen-âge qui avait été fragmentée dans des
codifications « rigides » nationales.
20. Cette réforme initiée par des discussions entre chargeurs et armateurs en vue d’une
rédaction des connaissements propre à satisfaire les deux parties, fut poursuivie à l’échelle
institutionnelle par les grandes nations maritimes de l’époque, avec le concours des plus
importantes associations maritimes (entre autres en liaison avec le CMI) et les représentants
des groupements intéressés. Ces nations se réunirent en conférence à La Haye en septembre
1921 (sous l’égide de l’International Law Association) en vue de l’établissement d’une
convention54
. Elles adoptèrent les règles sur les transports maritimes par connaissements,
50
France, Grande-Bretagne.
51
Se rapporter sur ce point aux décisions prises par l’Impérial Shipping Committee, qui était l’organisme qui
regroupait les chargeurs anglais et des Dominions de l’Empire britannique, en février 1921.
52
Paul de Rousiers, Les Règles de la Haye, et leur mise en application. Le point de vue des armateurs français,
Revue internationale de droit maritime (Revue d’Autran, disparue en 1923), XXXIII, 683.
53
Alexender Von Ziegler, Alternatives and methods of unification or harmonization of maritime law, Il diritto
marittimo 1999, p. 232.
54
Se réunit donc sur cette poussée, en août 1921 à Scheveningen, une assemblée préliminaire de l’Association de
droit international (comité de droit maritime) qui mit principalement aux prises des intérêts anglais (sur les 43
participants on comptait 32 britanniques) : le chef de file des armateurs anglais (Sir Norman Hill) et le chef de
file des chargeurs anglais (J.S.M. Mc Conechy). Cinq jours d’âpres discussions furent nécessaires pour mettre au
point cette Convention.
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24
connues sous le nom de « Règles de La Haye 1921». L’apport de ces Règles est qu’elles
proposent un connaissement-type55
. Le souci des délégués réunis à La Haye était d’éviter une
intervention législative car, comme l’indiquait le rapport du Président de la commission du
connaissement à la Chambre de commerce internationale, « les Règles doivent plaire et
recevoir l’appui de tous les intéressés »56
. Dans le même sens, la conférence internationale des
armateurs de Londres de 1921 exprima le vœu qu’elles soient uniformément adoptées par voie
contractuelle57
. Ces Règles sont le fruit d’un compromis entre armateurs et chargeurs : les
armateurs abandonnant aux chargeurs le principe d’une présomption de responsabilité
(responsabilité obligatoire pour les fautes de leurs préposés) ; les chargeurs, eux, devaient
accepter un certain nombre de causes d’exonération et le principe de la limitation de
responsabilité du transporteur58
. Mais, pour que ces bonnes résolutions soient appliquées, il
était nécessaire qu’elles le soient par un nombre assez grand de praticiens59
afin que le jeu de
la concurrence ne se réduisît pas à néant60
. Ces règles furent un échec car les parties en
présence ne respectèrent pas les engagements pris à La Haye. Cet échec semble avoir
plusieurs causes, la principale étant la forme même de ces règles. La rédaction sous la forme
d’un connaissement-type, inspirée du modèle anglo-saxon, est confuse : les règles
fondamentales de la réforme sont noyées au milieu d’une série de dispositions sans intérêt, ces
dispositions étant elles-mêmes placées les unes après les autres, sans qu’il soit fait de
distinction entre celles qui reproduisaient le droit commun antérieur et celles qui le
modifiaient.
S’agissant du contenu des Règles de La Haye, elles ont reproduit les principes essentiels du
Harter Act61
. L’échec de ces Règles pointa la nécessité d’une convention internationale et
donc de leur transformation en texte impératif.
55
Comme l’indiquent Messieurs Bonassies et Scapel, « il ne s’agit pas d’un texte impératif, mais d’un
connaissement-type qui ne pouvait tirer sa force que d’une référence contractuelle – et qui pouvait être écarté au
bénéfice d’une negligence clause classique ». Pierre Bonassies et Christian Scapel, Traité de droit maritime,
LGDJ Paris, 2006, n° 886, p. 571.
56
Charles Haight, rapport figurant dans la Revue d’Autran, XXXIII, 1086.
57
Massimiliano Rimaboschi, Méthodes d’unification du droit maritime, contribution à l’interprétation uniforme,
thèse pour le doctorat en droit, Edizioni Università di Trieste, 2005, p. 92.
58
Nathalie Soisson, La liberté contractuelle dans les clauses du connaissement, thèse pour le doctorat en droit,
Université Panthéon-Assas, 1992, p. 9 et s.
59
Cette condition avait été assez tôt identifiée par les armateurs français, Paul de Rousiers, Les Règles de la
Haye, et leur mise en application. Le point de vue des armateurs français, op. cit.
60
Les assureurs auraient dû refuser leur garantie lorsque le connaissement qui couvre les marchandises n’était
pas conforme à ces connaissements-types, de même les banquiers à leur tour auraient dû refuser l’escompte des
documents qui leurs étaient présentés à la suite de ventes commerciales, telles que les ventes maritimes CAF ou
FOB, cf. F. C. G. Nabi, thèse pour le doctorat en droit op. cit. p. 11.
61
L’interdiction pour l’armateur de s’exonérer des fautes commerciales de ses préposés avec, comme contre-
partie, l’exonération de plein droit des fautes nautiques et l’exonération des vices cachés du navire, le tout sous
la condition d’une diligence raisonnable apportée par l’armement à l’accomplissement de ses obligations. Le
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25
21. En octobre 1922, eu lieu à Bruxelles une nouvelle conférence diplomatique
internationale, qui adopta finalement un projet de convention qui était, malgré l’opposition
française62
, la reproduction pure et simple des Règles de La Haye. Cette convention fut signée
le 25 août 1924 par dix Etats qui représentaient à l’époque deux tiers du tonnage mondial63
.
Les ratifications furent très lentes : selon les mots de Ripert, la plupart des pays étaient
« effrayés »64
par le texte emprunté aux Règles de La Haye. Les différents Etats qui s’étaient
ralliés au texte international devaient en outre introduire dans leur législation interne les règles
de la Convention de Bruxelles65
. Les ratifications et les adhésions furent nombreuses66
.
A côté des ratifications proprement dites, et à côté des lois nationales qui ont reproduit
intégralement le texte de la Convention, on rencontre un certain nombre de lois qui ont adopté
les règles essentielles avec certaines modifications d’importances variables, et parfois en
modifiant simplement la limite de responsabilité de l’armateur67
.
problème est que parmi la multiplicité des causes d’exonération, y figurent certaines comme l’incendie inspiré
du droit coutumier britannique et qui ne pouvait pas être introduites dans la législation continentale et en
particulier celle française, sans en modifier profondément l’économie. F. Sauvage, Manuel pratique du transport
des marchandises par mer, op. cit. p. 13.
62
Malgré la demande de Georges Ripert, représentant de la France, la commission (comme la conférence
diplomatique) se refusa à toute modification de forme dans le projet de convention et à tout allégement du texte.
La seule concession obtenue fut la signature d’un protocole de clôture de la convention aux termes duquel les
Etats signataires peuvent donner effet à la Convention « soit en lui donnant force de loi, soit en introduisant dans
leur législation nationale les règles adoptées dans la convention, sous une forme appropriée à cette législation ».
63
« L’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Italie, le Japon, la Pologne, la
ville de Dantzig et la Roumanie ».
64
Georges Ripert dans une note au Dalloz sous l’arrêt de la Cour de cassation du 08-06-1948, D 1948, 553.
Celui-ci fut très critique sur ce texte, il estima ainsi lors de la première séance plénière du Sous-Comité que « it
seemed impossible that so long document containing principally rules where application was discretionary
should be introduced into internal legislation. In France the convention was considered as flawed because it
originated from a prototype bill of lading drawn up at The Hague with the aim of producing a compromise
between shipowners and shippers and of regulating completely the liability of one and the rights of the other. But
the transformation of the prototype bill of lading into an internal convention comprising clauses such as those in
article 4, which have no binding force since the article 5 the carrier is free to abandon all or some of the rights
and immunities provided for by the convention, would certainly come up against difficulties. Mr. Ripert would
like the commission to limite itself to conceding a few principles and to grouping them into five or six articles
that would form an international convention binding in all its parts. This convention would determine the types
of carriage to which the rules would apply and their obligatory character. Each state would be free, moreover, to
reproduce in its internal law the precise text of the Hague Rules. He judged that the convention, as presently
drafted, would meet with considerable opposition in the french legislature if a law had to be made of it”. Publié
in The travaux préparatoires of the Hagues Rules and of the Hague-Visby Rules, Anvers, 1997, p. 49, procès
verbal, p. 36.
65
Certains Etats comme la Grande-Bretagne se bornèrent à reprendre le texte même de la Convention sans y
apporter le moindre changement : la Grande-Bretagne adopta dès le 1er
août 1924, et avant même d’avoir ratifié
la convention, une loi interne dite « The Carriage of Goods by Sea Act 1924 » qui en reproduisait les
dispositions. La Belgique fit de même dans une loi du 20 novembre 1928 devenue l’article 91 de son Code de
Commerce. D’autres Etats par contre ont été guidés par le souci d’adapter ce texte d’origine Anglo-Saxonne à la
rédaction longue et parfois désordonnée à leur culture juridique.
66
Espagne et Hongrie en 1930, Portugal et Monaco en 1931, Etats-Unis et Roumanie en 1937, Italie, Suède,
Norvège et Danemark en 1938… (de nombreux Etats qui n’avaient pas pris part à la conférence de Bruxelles y
ont adhéré à posteriori).
67
A titre d’exemple on peut citer les Pays-Bas qui ont promulgué en 1924 une loi qui est un code complet de
l’affrètement, où l’on rencontre la plupart des règles de la convention, mais avec une rédaction différente.
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26
A l’heure actuelle, plus de cent Etats (dont plusieurs pays en développement) ont ratifié cette
Convention ou y ont adhéré. La Convention est entrée en vigueur en 1931, elle l’est toujours
et, pour des auteurs tels que Messieurs Scapel et Bonnaud, elle est « indiscutablement la
grande Convention du vingtième siècle »68
. En effet, cette Convention était issue de la réalité
du commerce et de l’entente des professionnels. C’est pour ces raisons qu’elle s’est affirmée
dans la pratique comme le droit le plus répandu dans les transports maritimes. Cet outil
conventionnel constitue une transaction destinée à vider les querelles entre les chargeurs et les
transporteurs mais n’a pas pour but d’instaurer un régime complet pour le transport de
marchandises par mer. Il vise seulement à faire reconnaître le connaissement comme étant un
document de base d’opérations de crédit et à le protéger en tant que tel. En conséquence, la
Convention ne s’applique qu’aux transports constatés par connaissement ou tout autre
document similaire formant titre pour le transport des marchandises par mer.
22. La Convention de Bruxelles de 1924, n’ayant pas eu la « sagesse de prévoir sa
périodique révision »69
, il est rapidement apparu nécessaire d’adapter celle-ci aux évolutions
de la technique. Cette révision était principalement revendiquée par les chargeurs70
. D’une
part, ils estimaient que les dispositions portant sur le régime de responsabilité du transporteur
et notamment ses possibilités d’exonération, devaient être modifiées car celles-ci étaient
floues et ambiguës. D’autre part, ils arguaient du fait que la diminution des risques maritimes
due aux progrès de la technique devait aboutir à une nouvelle répartition des risques et
notamment à la suppression de la possibilité pour les transporteurs de dégager leur
responsabilité pour des risques dorénavant facilement évitables71
. Une autre critique invoquée
contre la Convention était le fait que celle-ci ne définissait pas précisément ce qu’elle
régissait.
23. Le mouvement étant lancé, le CMI fut saisi, comme pour la Convention de 1924.
L’avant-projet72
de cette révision fut préparé au cours de réunions tenues annuellement73
.
Francis Sauvage, Manuel pratique du transport des marchandises par mer, op. cit. p. 16.
68
Christian Scapel et Jacques Bonnaud, Les conventions internationales sur le transport des marchandises,
Pratic exporte, 1992, p. 6.
69
René Rodière, La révision de la Convention de Bruxelles relative aux transports maritimes internationaux,
Bulletin des transports et des chemins de fer, 1974, p. 14-41.
70
Une première attaque fut lancée par les armateurs britanniques contre cette Convention après une décision des
tribunaux anglais (affaire S/S Muncaster Castle70
) dans laquelle un armateur avait été condamné à réparer des
dommages dus à un vice de son navire que la Chambre des Lords n’avait pas estimé entrer dans la catégorie des
vices cachés au sens de la Convention. Riverstone Meat C° versus Lancashire Shipping C°, 1961, A.C. 807, obs.
Bonassies, DMF 1963, 246.
71
René Rodière, Traité général de droit maritime, op. cit. T II 1968, n° 710 et s.
72
Une fois cet avant-projet élaboré, il fut envoyé au Gouvernement Belge qui convoqua la « Conférence
diplomatique de droit maritime ». Elle se réunit pour la première fois en mai 1967, et rejeta en bloc le projet car
celui-ci n’avait pas mis au point la manière dont la Convention serait modifiée.
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27
C’est la douzième conférence diplomatique réunie à Bruxelles en février 1968 qui a abouti à
la rédaction et à l’adoption du « Protocole portant modification de la Convention
internationale pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement signée à
Bruxelles le 25 août 1924 », dénommé par les Anglo-Saxons « Règles de Visby »74
.
Ce Protocole a précisé et étendu75
le domaine de la Convention. En effet, l’article 10 de la
Convention de Bruxelles de 1924 qui prévoyait qu’elle s’appliquerait à tout connaissement
émis dans un Etat contractant était trop sommaire et avait donné lieu à des difficultés76
. Les
rectifications apportées aux dispositions de la Convention de 1924 par ses Protocoles feront
l’objet d’une étude ultérieure, celles-ci ne modifient pas fondamentalement l’ordonnancement
de la Convention77
. Ces changements mineurs n’ont d’ailleurs pas donné pleine satisfaction
aux chargeurs et notamment à ceux des pays en développement.
Par la suite, l’abandon de l’or comme valeur étalon en 1978 a conduit à adopter une nouvelle
unité de compte afin que sa valeur suive l’évolution des principales monnaies et que la
conversion en monnaies nationales soit simple.
Le Protocole de Bruxelles du 21 décembre 1979, mis en œuvre par le Fonds Monétaire
International (FMI), a introduit le Droit de Tirage Spécial (DTS) comme unité de compte pour
le calcul des limites de responsabilité du transporteur. Il est entré en vigueur le 14 février
198478
.
Sur le plan interne, le législateur français a aligné, par la loi du 23 décembre 1986, la
réglementation française par rapport aux modifications apportées par les Protocoles de 1968
et 1979 à la Convention de 1924.
24. Les années soixante ont vu naître dans le domaine du transport maritime un élément
de discorde. Il s’agit de la volonté des pays en développement de s’insérer dans la vie
73
Conférence de Rijeka 1959 et conférence de Stockholm 1963.
74
Protocole entré en vigueur le 23-06-1977 et qui lie la France depuis sa publication par le décret n°809 du 08
juillet 1977, D 1977, L 331.
75
Le Protocole a admis que, par le jeu de la clause Paramount, soit donné effet à la Convention de 1924
modifiée, lorsque le connaissement y renvoie expressément, dans les cas où normalement elle ne s’appliquerait
pas.
76
Les tribunaux français ont eu à les régler, cf. René Rodière, La réforme de la Convention de Bruxelles de 1924
sur les transports par connaissement, Bulletin des Transports 1968, p. 90 et s.
77
La principale modification apportée par le Protocole de 1968 à la Convention pour l’unification de certaines
règles en matière de connaissement de 1924, concerne le plafond de réparation. Ce Protocole ne modifie pas les
principes de la Convention mais se borne avec quelques précisions utiles à relever les chiffres de la réparation.
En outre a été substituée dans le calcul du plafond de limitation, la référence du Franc Poincaré à celle de la
livre-or, et a été prévue une double limitation de la responsabilité du transporteur lui donnant le choix entre
« colis ou unité » et « kilogramme de poids brut » (cette mesure, prise à l’initiative des Etats-Unis, permettait de
prendre en compte les chargements par conteneurs). Par ailleurs, le plafond de responsabilité est désormais
écarté en cas de faute inexcusable et non plus seulement de dol du transporteur. Pour une étude complète cf.
Nathalie Soisson, op. cit., p. 15 et s.
78
Ratifié par la France le 18 novembre 1989.
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28
économique mondiale. Cette tentative fut appuyée par des revendications politiques. Parmi
celles-ci, les pays en développement aspirèrent à une révision du droit des transports
maritimes, estimant en effet que la Convention de Bruxelles et ses modifications favorisaient
uniquement les armateurs.
Ce remaniement du droit maritime était inspiré par des considérations diverses. Il s’agissait,
d’abord, de s’insurger contre le fait que le CMI, organe pendant longtemps unique oeuvrant
pour l’unification du droit maritime, aurait subi l’influence des vieilles nations maritimes79
.
Ensuite, il s’agissait de vues plus théoriques visant à aligner le droit du transport maritime sur
le droit des autres modes de transport80
.
25. Les pays en développement, souhaitant réviser des règles qui leur paraissaient avoir
été élaborées en leur absence par les grandes puissances maritimes au sein du CMI, ont amené
les Nations unies à se saisir de la question81
.
Ce projet de réforme du droit maritime international est apparu aux pays en développement
comme quelque chose de crucial pour eux, car celui-ci était perçu comme permettant aux pays
79
Cette observation paraît évidente puisque le CMI émane justement de ces nations, mais c’est ce qui permet
d’expliquer que celui-ci ne jouit pas d’une autorité mondiale aux yeux des Etats du tiers monde. Michel Alter, La
Convention sur les transports de marchandises par mer (Règles de Hambourg), JDI, n°4, 1979, p. 795 et s.
80
Claire Legendre, La Convention des Nations unies sur le transport de marchandises par mer, DMF, 1978, p.
388 et s.
81
Au sein des Nations unies, deux organismes avaient vu le jour au début des années 60 : la Conférence des
Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED 1964) et la Commission des Nations unies pour
le droit commercial international (CNUDCI 1966) qui avaient été créées sous la pression d’un mouvement de
défense des chargeurs des pays en développement (Asie, Afrique, Amérique latine…). Le Professeur du
Pontavice a expliqué la création de ces organismes par la volonté de faire cesser « le conflit dantesque entre le
droit maritime dominant, celui qui découle de la « common law » et les aspirations des pays en développement »,
Emmanuel du Pontavice, L’œuvre du Doyen Rodière en droit maritime, DMF 1982, p. 719. Cette révision des
règles et pratiques du connaissement a donc été inscrite dans le programme du groupe de travail de la CNUCED.
Lors de sa deuxième réunion, ce groupe de travail a souligné, dans une résolution adoptée à l’unanimité, la
nécessité de réviser la Convention. Cette résolution, adoptant certaines directives sur la manière d’examiner une
réforme de la législation du transport de marchandises par mer, avait comme but avoué d’aggraver la
responsabilité du transporteur maritime. Le groupe de travail de la réglementation internationale des transports
maritimes chargea donc la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI
1966), dont les membres sont de formation plus juridique, d’élaborer un nouveau texte conformément aux
directives du groupe de travail de la CNUCED (celle-ci étant plus un organe politique que de travail). Ce projet
ambitieux destiné à remplacer la Convention de 1924 et les Protocoles la modifiant fut combattu par certains
Pays développés à économie de marché ( Michel Alter, La Convention sur les transports de marchandises par
mer, op. cit., p. 795) qui refusaient de reconnaître compétence à la CNUCED et à la CNUDCI de s’attribuer de
telles prérogatives alors que des organismes installés de longue date avaient déjà prouvé leur efficacité dans le
domaine de la création et de l’adaptation de la législation maritime internationale (CMI). Malgré ces réticences,
la CNUCED s’est attribuée une pareille compétence de substitution lors de sa réunion à Nouvelle-Delhi en mars
1968. Composé de 21 Etats, le groupe de travail de la CNUDCI (dont le nombre important s’explique par
l’ampleur de la tâche), à l’issue de sa huitième session, a adopté un projet de convention. Ce projet fit ensuite la
navette entre la CNUCED et la CNUDCI qui l’adopta finalement lors de sa neuvième session du 12 avril au 17
mai 1976 à New York. Ces travaux préparatoires réalisés par la CNUDCI ont duré sept ans : le but de cet
organisme était « de réviser les aspects économiques et commerciaux de la législation et de la pratique
internationale dans le domaine des connaissements, sous l’angle de leur conformité aux besoins du
développement économique, notamment des Pays en voie de développement, et de formuler les
recommandations appropriées » Traduction de Nathalie Soisson in, La liberté contractuelle dans les clauses du
connaissement, thèse pour le doctorat en droit, op. cit. , p. 20.
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29
développés « d’assurer leur maîtrise sur les marchés extérieurs et en particulier sur les pays en
développement »82
.
26. Un projet a été soumis, en mars 1978, à une conférence de plénipotentiaires
convoquée par l’Assemblée générale des Nations unies à Hambourg.
La Convention des Nations unies sur le transport de marchandises par mer a été adoptée après
de nombreux débats, le 31 mars 1978, par les représentants de 72 Etats83
, en présence de 8
organisations gouvernementales et 7 organisations semi-gouvernementales. Ce projet de la
CNUDCI fut bien près de connaître l’échec en raison des clivages : d’un côté, les
représentants des pays en développement84
marquaient leur accord en faveur du projet alors
que certains grands Etats maritimes manifestaient leur intention de revenir au régime de la
Convention de 1924 ou souhaitaient encore alléger la responsabilité du transporteur.
Les Règles de Hambourg85
sont entrées en vigueur le 1er novembre 199286
(grâce à la
ratification de la Zambie)87
. Elles furent considérées par leurs instigateurs, les pays en
développement représentant les deux tiers de la conférence, comme un succès politique à
mettre à leur actif.
En ce qui concerne les sources d’inspiration de ces Règles, le Professeur du Pontavice insiste
sur « l’influence importante que les auteurs anglo-saxons passent régulièrement sous silence...
de la loi de 1966 relative à l’affrètement et au transport maritime sur la Convention de
Hambourg concernant le transport de marchandises par mer de 1978... »88
.
82
Nathalie Soisson, op. cit., p. 19.
83
Soixante-huit se prononcèrent et 4 s’abstinrent : Canada, Grèce, Libéria, Suisse.
84
L’expression pays en développement a remplacé celle de pays en voie de développement. Cette expression est
utilisée pour désigner des pays qui, malgré la diversité de leurs situations individuelles, se caractérisent par
l’étendue et l’importance de leurs déficiences (faiblesse du revenu national, insuffisance des ressources
alimentaires, sous-industrialisation …) Lexique des termes juridiques, Dalloz 15ème éd, 2005. On désigne
traditionnellement un groupe de 77 Etats au sein de l’ONU.
85
Comme ses rédacteurs l’ont expressément souhaité en hommage à l’hospitalité accordée par la ville
Hanséatique de Hambourg, Pierre Bonassies, Le domaine d’application des règles de Hambourg, in n° spécial
IMTM, L’entrée en vigueur des Règles de Hambourg, 1992, p. 15 et s.
86
Cette Convention, dénommée Règles de Hambourg, devait conformément à son article 30 entrer en vigueur
« le premier jour du mois suivant l’expiration d’un délai d’un an à compter de la date du dépôt du vingtième
instrument de ratification, d’acceptation ou d’adhésion ».
87
La France quant à elle, a signé la Convention le 18 avril 1979 et a autorisé la ratification de cette Convention
par la loi du 15 avril 1981. Malgré cela, celle-ci n’a toujours pas été ratifiée.
88
Bien entendu l’extension de la responsabilité du transporteur réalisée par les Règles de Hambourg est
également due à l’influence des dispositions similaires contenues dans les conventions internationales sur le
transport de marchandises par rail, par route ou par air, mais la formulation spécifique des règles est bien due à la
loi française de 1966. Monsieur du Pontavice, évoquant cette extension de la responsabilité du transporteur, fait
référence aux principaux apports des Règles de Hambourg qui modifient le régime de responsabilité du
transporteur : d’abord en substituant la présomption de responsabilité dont il faisait l’objet par une présomption
de faute, ensuite en renversant la charge de la preuve : le transporteur est responsable des pertes ou dommages «
à moins qu’il ne prouve que lui-même, ses préposés ou mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient
raisonnablement être exigées pour éviter l’évènement et ses conséquences » (art. 5), et enfin en supprimant la
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30
Cet historique permet de constater la pluralité de normes applicables au droit du transport
international de marchandises par mer. Cette coexistence contemporaine de différentes
normes soulève la question de l’uniformité du droit. On peut supposer que celle-ci est
souhaitée, pour des raisons pratiques, par les magistrats et autres avocats, praticiens du droit.
Qu’en est-il s’agissant de la doctrine ?
liste des cas exceptés (et en particulier en supprimant la faute nautique considérée comme défavorable aux
chargeurs). Cf. Emmanuel du Pontavice, L’œuvre du Doyen Rodière en droit maritime, DMF 1982, p. 657.
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31
Section II – L’uniformité du droit : idéal et réalité
27. Le besoin d’une certaine homogénéité ou cohérence du droit, en un mot d’une
uniformité, est exprimé classiquement. Celui-ci peut-il être vérifié ?
28. Les normes de l’ordre juridique, le « droit », règlent la conduite des hommes en
relation avec le temps et l’espace89
. Le domaine de validité spatial et temporel de la norme
peut avoir vocation à être plus ou moins étendu. Les hommes ont eu très tôt tendance à
vouloir propager les règles de droit qu’ils créaient : c’est l’apparition de l’idée d’une
communauté de droit transcendant les frontières. L’idéal d’un droit unifié était né.
La simple idée d’un droit unifié ou unique, ou en tout cas cette vocation du droit à
l’universalité, est assez ancienne (et difficile à dater de façon précise) et partagée par de
nombreux auteurs90
. Comme l’exprime le Professeur Malaurie, « la marque du génie humain
est la diversité en même temps que l’unité est un besoin qui a toujours hanté les hommes, pas
seulement dans la vie sociale, mais dans tous les domaines… »91
. On trouve déjà l’idée d’un
droit naturel en Grèce92
. Chez les Romains, c’est le jus gentium à vocation universelle93
.
L’âge des Lumières et la Révolution de 1789 ont aussi développé une telle aspiration à
l’universalité fondée sur le fait que la loi écrite, expression de la volonté générale, est la
garantie suprême de l’individu. Montesquieu et Rousseau ont placé la loi au centre de leurs
réflexions politiques. Pour les « esprits éclairés », la loi apparaissait comme le pur produit de
la raison et de l’évolution alors que les coutumes, d’origines incertaines, diverses, complexes,
étaient un symbole manifeste de l’irrationalité. A cette époque, l’homme est perçu comme
étant le sujet central du monde. C’est le moment des grandes déclarations des droits de
l’homme et du citoyen. Tout système juridique doit être organisé autour de ce sujet car il porte
en lui des principes de vie en société, des règles élémentaires, et de ce fait, immuables. Il en
89
Hans Kelsen, Théorie pure du droit, Paris, Dalloz, 2ème
éd. , 1962, p. 17.
90
Kant cherchait le « principe universel du droit », selon lequel « est juste toute action qui permet ou dont la
maxime permet à la liberté de l’arbitre de tout un chacun de coexister avec la liberté de tout autre suivant une loi
universelle », Kant, Métaphysique des mœurs, première partie, Doctrine du droit, introduction à la doctrine du
droit, préface de Michel Villey, Librairie philosophique J. Vrin Paris 1986, p. 104. Savigny basait lui sa réflexion
sur la « communauté du droit entre les différents peuples », Pierre Mayer, Droit international privé, 3ème
éd.
Montchrestien, Paris 1987.
91
Philippe Malaurie, Loi uniforme et conflits de lois, Travaux du Comité français de droit international privé,
1967, p. 83.
92
Les Grecs admettaient l’idée de normes supérieures, dont l’origine n’était pas purement humaine. On en
trouve une référence dans l’Antigone de Sophocle quand celle-ci affirmait avoir obéi « à des lois non écrites des
dieux, qui ne sont ni d’aujourd’hui ni d’hier ». Jean-Louis Thireau, Introduction historique au droit, Champs
Université Flammarion, 2001, p. 37.
93
Michel Villey, Considérations intempestives sur le droit des gens, Archives de philosophie du droit, Tome 32,
le droit international, éd. Sirey 1987, p. 13-19.
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32
résulte un droit applicable universellement. Cette conception du droit interne a inspiré des
générations de juristes et a naturellement été transposée dans l’ordre international.
29. C’est au cours du premier quart du vingtième siècle, et notamment sous l’impulsion de
Lévy-Ullmann, que des juristes, attirés par le droit comparé94
, s’orientèrent vers la recherche
d’un « droit mondial du vingtième siècle ». A cette époque, « on se plaisait à souligner les
inconvénients, sinon la contradiction intime, que présentait la disparité des lois nationales
dans un monde où se développaient intensément les relations entre Etats et qui prétendait
organiser une « Société des Nations »95
. C’est l’accroissement important des relations
internationales privées au vingtième siècle qui a déclenché un processus d’unification
internationale soutenu par des organismes tels que la CNUDCI et UNIDROIT96
. Ces
organisations à vocation universelle ont pour but d’uniformiser le droit. A une échelle
géographique plus modeste, la Communauté européenne adopte des règles de droit qui seront
les mêmes pour tous les Etats membres. Ces efforts ont été relayés par des auteurs, ainsi les
manuels d’introduction au droit comparé énoncent, à quelques exceptions près, parmi les
objectifs de leur matière, l’unification internationale du droit97
.
30. L’idéal d’uniformité du droit est ancien et concerne tant le droit interne que le droit
international. Pourtant, dans la réalité, cet idéal est-il réalisable (paragraphe 1) ou n’est-il pas
plutôt souhaitable de parvenir à une uniformité relative du droit (paragraphe 2) ?
Paragraphe 1 – L’idéal d’uniformité du droit
31. L’uniformité du droit exerce un attrait idéologique sur les esprits épris de
systématisation. Comme le souligne le Professeur Delmas-Marty, « le droit a horreur du
multiple. Sa vocation c’est l’ordre unifié et hiérarchisé, unifié parce que hiérarchisé »98
. Cette
uniformité apparaît comme un idéal de simplicité, de méthode, d’ordre. Le droit est, en effet,
l’ordre juridique. Il est destiné à régir les rapports humains, à éviter les tensions. L’uniformité
étant rarement spontanée, l’intervention du législateur est nécessaire. Dans cette optique,
94
C’est lors d’un congrès international réuni à Paris en 1900 à l’occasion de l’exposition universelle que des
juristes attirés par le droit comparé imaginèrent un « droit commun de l’humanité civilisée », fondé sur les
principes communs aux « nations civilisées », Raymond Saleilles, Congrès international de droit comparé,
LGDJ, Paris, 1900, p. 13.
95
Marc Ancel, Rapprochement, unification ou harmonisation des droits ? op. cit. , p. 3.
96
L’Institut international pour l’unification du droit privé a été créé à Rome en 1926 à l’initiative du
Gouvernement italien et du conseil de la Société des Nations. L’Institut international œuvre pour l’unification et
l’harmonisation des règles de droit privé dans le domaine économique.
97
René David et C. Jauffret-Spinosi, Les grands systèmes de droit contemporain, 10ème
éd. Paris, 1992, p. 8.
98
Mireille Delmas-Marty, Trois défis pour un droit mondial, Seuil essais, 1998, p. 104.
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33
l’unification législative apparaît comme un travail d’élaboration scientifique de la solution la
meilleure et la plus appropriée aux besoins communs. Parvenir à uniformiser le droit nécessite
un effort de recherche pour adopter un droit le plus efficace et le plus simple possible. Ces
deux qualités sont indispensables pour que ce droit réussisse l’ambitieuse tâche qui lui est
assignée : celle de devenir un droit uniforme. En effet, que souhaiter de mieux qu’un droit
unifié ou unique ?
L’uniformité paraît de ce fait être porteuse de simplification. Cette simplification résulte de la
substitution d’un droit unique à la multitude des droits applicables. L’uniformité permettra
aussi d’assurer l’effectivité du droit car « il semble que la multiplication des normes, leur
instabilité, leur excessive complexité faite de sédiments successifs pas ou peu cohérents, rend
presque impossible un respect scrupuleux du droit »99
.
32. En matière internationale, cette complexité est encore renforcée par les problèmes de
traduction ou de compréhension d’un système juridique étranger auxquels les juges vont être
confrontés lorsqu’il s’agit d’appliquer des lois étrangères qui ne leur sont pas coutumières. De
plus, les rapports internationaux ayant parfois de multiples éléments de rattachement avec
plusieurs Etats, les parties se trouvent confrontées à plusieurs droits potentiellement
applicables : on comprend l’imprévisibilité qui en découle. C’est pour cela que Messieurs
David et Jauffret-Spinosi estiment que « l’une des tâches principales qui incombent au juriste
soucieux de faciliter les rapports internationaux est de tenter de mettre fin à ces divergences ;
dans un monde où les rapports internationaux ont pris une si grande importance, il convient de
donner une assise sûre à ces rapports. Une entente doit être réalisée entre les divers pays pour
que partout soit appliqué, à un rapport donné, le même droit. Les Etats doivent élaborer et
accepter en la matière, des solutions uniformes »100
.
33. Le Professeur Battifol a assigné deux objectifs au droit international privé qui peuvent
être étendus au droit du transport international de marchandises par mer en ce qu’il concerne
lui aussi des personnes privées impliquées dans des relations juridiques internationales101
. Ces
deux objectifs sont l’harmonie internationale des solutions102
et leur prévisibilité103
.
En ce qui concerne la prévisibilité du droit, ce caractère semble inhérent à la nature même du
droit qui se veut « le triomphe (aussi durable que possible bien que jamais définitif) de la
99
B. Seiller, La reconnaissance d’un droit au droit, in L’accès au droit, colloque organisé le 8 juin 2001 par le
Centre de recherche en droit privé de l’Université de Tours, Publication de l’Université François Rabelais,
Tours, 2002, p. 42.
100
René David et Camille Jauffret-Spinosi, Les grands systèmes de droit contemporain, 11ème
éd. 2002, Dalloz
Paris, n° 7 p. 7.
101
Pierre Mayer et Vincent Heuzé, Droit international privé, Montchrestien Paris, 8ème
éd. 2004, n° 2 p. 2.
102
Henri Battifol, Aspects philosophiques du droit international privé, Dalloz, Paris, 1956, p. 212 et s.
103
Henri Battifol, Problèmes de base de philosophie du droit, LGDJ Paris, 1979, p. 131.
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34
stabilité sur le mouvement »104
. La prévisibilité est généralement associée à la lisibilité de la
règle de droit, à son accessibilité et à sa stabilité qui sont autant de caractères de la sécurité
juridique. Pour Messieurs Jacquet et Delebecque, l’adoption d’une réglementation en matière
de commerce international devrait assurer « stabilité et sécurité »105
aux relations juridiques et
favoriser ainsi le développement des échanges dans la société internationale.
Si le développement des échanges est un objectif qu’il n’est pas nécessaire de démontrer, il
faut en revanche accepter l’axiome selon lequel la sécurité juridique permet d’y parvenir. La
sécurité juridique est une notion protéiforme106
qui connaît de nombreux développements
actuels devant les juridictions administratives107
et judiciaires108
. Du fait du caractère
complexe et incertain de cette notion, il est nécessaire de la manier avec précaution.
En ce qui concerne à présent l’harmonie internationale, celle-ci permet d’assurer la
prévisibilité du droit. L’harmonie internationale idéale serait de parvenir à une législation
unique applicable aux relations internationales, en un mot d’unifier le droit.
34. Ainsi l’existence d’un droit uniforme permettrait d’éliminer les malentendus et
difficultés des civilisations qui doivent vivre ensemble109
et par ce biais faciliterait les
échanges. La diversité des lois dans le domaine des échanges commerciaux a un coût
104
M. Chevillier-Gendreau, Introduction générale au droit, Paris, Eyrolle, 1990, p. 77.
105
Jean-Michel Jacquet et Philippe Delebecque estiment que le commerce international « a un besoin vital de
droit » qu’ « il apporte aussi stabilité et sécurité » (…) et qu’ « il est à prévoir que le commerce se déployant
dans une société foncièrement homogène et où les conflits d’intérêts sont considérables et les enjeux énormes,
toutes les fins du droit seront sollicitées ». In Droit du commerce international, 3ème
édition Cours, Dalloz Paris
2002, n° 8.
106
Le Professeur Chapus relève que « les facettes du principe de sécurité juridique sont innombrables », Droit
administratif général, T1, Montchrestien 2001, p. 106.
107
Ce principe de sécurité juridique a été consacré par le Conseil d’Etat dans la décision « société KPMG » du
24/03/2006, cet arrêt faisant suite aux préoccupations relatives à la sécurité juridique figurant dans le Rapport
public 2006 de la Section du Rapport et des études du Conseil d’Etat. Paul Cassia, La sécurité juridique, un
« nouveau » principe général du droit aux multiples facettes, D 2006, n° 18, p. 1190 et s. D’autre part il faut
indiquer que le Conseil constitutionnel statue sur la conformité des lois au principe de sécurité juridique. Cf. sur
ce point B. Mathieu, La sécurité juridique : un principe constitutionnel clandestin mais efficient, Mélanges
Patrice Gélard, LGDJ Paris 1999, p. 302.
108
La Cour de cassation considère, au sujet de l’application immédiate des solutions jurisprudentielles nouvelles,
que les justiciables ne sauraient revendiquer le droit au maintien d’une jurisprudence « figée », « immuable » ou
encore « constante ». Sur ce point, entre autres, Cass. Civ. I. 09/10/2001, D 2001, J. p. 3470 ; Cass. Civ. II
08/07/2004, D 2004, J, p. 2956 ; Cass. Soc. 17/12/2004, D 2005, IR, p. 110. Cette jurisprudence et le Rapport
Molfessis sur les revirements de jurisprudence (qui a été remis au premier Président de la Cour de cassation le
30/11/2004 et qui encourage la Cour de cassation à poursuivre dans ce sens, tout en préconisant que la Cour
suprême puisse moduler dans le temps les effets de sa décision en s’abstenant d’appliquer la solution nouvelle à
certaines espèces) sont très critiqués par la doctrine. Selon d’éminents auteurs, cette rétroactivité des revirements
de jurisprudence porte atteinte à la séparation des pouvoirs, à la prohibition des arrêts de règlement mais aussi et
surtout au principe de sécurité juridique. Cf. sur ce point : C. Radé, La rétroactivité des revirements de
jurisprudence, D 2005, Chronique, p. 988. Vincent Heuzé, A propos du rapport sur les revirements de
jurisprudence, une réaction entre indignation et incrédulité, JCP éd. générale 2005, n° 14, 1 p. 671. William
Dross, La jurisprudence est-elle seulement rétroactive ? (à propos de l’application dans le temps des
revirements de jurisprudence), D 2006, Chronique p. 472.
109
En ce sens, cf. colloque sous la direction de M. Cappelletti, Nouvelles perspectives d’un droit commun de
l’Europe, Leyden et Bruxelles, 1978.
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35
économique. En effet, reprenant l’analyse économique du droit du Prix Nobel d’économie
Monsieur Coase, le Professeur Muir Watt montre que tant l’information sur le contenu d’une
loi étrangère que l’application d’une législation protectrice de l’une des parties ont un coût
économique110
.
35. En définitive un droit unifié, simple et stable, semble le meilleur moyen d’assurer aux
particuliers une certitude raisonnable quant à la loi applicable.
Pourtant, comme le souligne le Professeur Ancel : « cette unification formelle, hier tant
vantée, est aujourd’hui l’objet de critiques multiples »111
.
Paragraphe 2 - Un besoin relatif d’uniformité
36. L’idée selon laquelle le droit international a besoin d’uniformité doit être relativisée
tant en ce qui concerne la possibilité d’arriver à une telle uniformité qu’à propos de l’intérêt
d’un tel processus.
37. Il apparaît d’abord que la recherche de l’uniformité est confrontée dans la réalité à de
nombreux obstacles.
Le concept même d’uniformité du droit pose des difficultés car celle-ci peut varier sur trois
aspects :
- le champ d’application géographique de l’uniformité peut être plus ou moins large
(universel, régional, national) ;
- le champ d’application matériel (la ou les matières visées) : l’uniformité peut ne viser que
certaines matières, qu’un type d’activité ou au contraire viser toutes les branches du droit ;
- l’intensité de l’uniformité : il peut s’agir d’une uniformité matérielle ou conflictuelle, d’une
uniformité globale ou limitée ou encore absolue ou relative (elle ne s’appliquera que pour des
relations concernant des Etats contractants).
Il apparaît ainsi que parler d’uniformité peut prêter à confusion tant le terme peut désigner des
phénomènes différents.
L’uniformité absolue, totale, même si elle est concevable en théorie, est irréalisable en
pratique. L’unification absolue qui serait une unification politique, juridique, judiciaire et
linguistique est impossible du fait de la diversité des ordres juridiques et du respect de leur
indépendance. L’uniformité est actuellement présentée comme un mythe, l’usage de la
110
Horatia Muir Watt, Law and economics : quel rapport pour le droit international privé ? , in études offertes à
Jacques Ghestin, Le contrat au début du XXIème siècle, LGDJ Paris, 2001, p. 693 et 694.
111
Marc Ancel, ibid. , p. 5.
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36
dénomination « mythe » participant à l’entreprise de contestation et de déconstruction de
l’uniformité112
. Il ne viendrait à l’idée de personne aujourd’hui de proposer une uniformité
totale du droit. Cette idée apparaît même dangereuse car il y aurait un risque de totalitarisme,
d’hégémonie d’un système. L’uniformité, si elle est envisagée, l’est de façon fragmentaire.
Montesquieu développait déjà une telle idée en 1748 en écrivant qu’ « il y a certaines idées
d’uniformité qui saisissent quelques fois les grands esprits mais frappent infailliblement les
petits. Ils y trouvent un genre de perfection qu’ils reconnaissent, parce qu’il est impossible de
ne pas le découvrir, les mêmes poids dans la police, les mêmes mesures dans le commerce, les
mêmes lois dans l’Etat, la même religion dans toutes ses parties. Mais cela est-il toujours à
propos, sans exception ? Le mal de changer est-il toujours moins grand que le mal de
souffrir ? Et la grandeur du génie ne consisterait-elle pas mieux à savoir dans quel cas il faut
de l’uniformité, et dans quel cas il faut des différences ? (…) Lorsque les citoyens suivent les
lois, qu’importe qu’ils suivent la même ? »113
.
L’uniformité sera ainsi impossible dans des domaines où les divergences sont trop fortes. Il y
a ainsi une place « pour une unification limitée du droit qui ne porte qu’une atteinte partielle à
la souveraineté des Etats par le jeu des traités librement consentis et à l’objet soigneusement
délimité »114
. Les partisans du droit uniforme s’efforcent alors de dégager les matières ou
branches du droit les plus propices. Cet effort pour circonscrire le domaine d’élection d’une
réglementation uniforme est motivé par un souci d’élaborer un système de droit
intrinsèquement cohérent. Pourtant, même dans une branche du droit considérée comme
propice à l’uniformité, comme peut l’être le droit du commerce international (les relations
étant en ce domaine fortement « internationalisées »), le processus est fragmentaire : il ne
concerne que certains contrats, certaines relations. Pour atteindre une uniformité du droit, il
est nécessaire de faire le choix d’une tradition juridique, d’une législation pour élaborer le
droit uniforme ou alors de faire des compromis entre des législations, ce qui pose d’évidents
risques de désaccord entre les Etats. En outre, il est fréquent que même pour les relations qui
font l’objet d’un droit uniforme au niveau international, subsiste toujours un droit national. De
ce point de vue, l’uniformité du droit international peut avoir un effet perturbateur. Ainsi que
le souligne Monsieur Marchand, « l’harmonisation « horizontale » du droit implique en effet
112
Didier Guignard, La notion d’uniformité en droit public français, thèse pour le doctorat en droit, Université
des sciences sociales Toulouse I, 2002, p. 6 et s.
113
Montesquieu, De l’esprit des lois, éditions Flammarion, Paris 1979, tome 2, livre XXIX, chapitre XVIII p.
307 et s.
114
Philippe Malaurie, Lois uniforme et conflits de lois, Travaux du Comité français de droit international privé,
1967, p. 84.
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une désorganisation « verticale » ; ce que le droit gagne en cohérence internationale, il le perd
en rationalité nationale »115
.
38. Il apparaît alors que, malgré l’effort pour rendre le droit prévisible, cette prévisibilité
restera relative. Monsieur Muzny116
a montré que la prévisibilité du droit va dépendre de trois
paramètres : le langage, l’interprète et le temps : du langage qui limite la prévisibilité de la loi
« en raison de son abstraction » car les « mots constituent une représentation appauvrie de la
réalité qu’ils expriment » ; de l’interprète car le juge est tributaire d’un « conditionnement
social » et de « sa norme personnelle » ; et enfin du temps car « le droit subit continuellement
les caprices du temps qui passe ». La conclusion de ces constatations étant que « l’insécurité
juridique apparaît comme une insécurité structurelle, inhérente au système juridique car
impliquée par les déficiences et lacunes intrinsèques à ce système »117
.
39. L’utilité même de tendre vers l’uniformité du droit est contestable : le droit ne se doit-
il pas d’être adapté aux personnes à qui il est destiné, adapté aux matières en cause ? Par
exemple, le droit pénal étant à la fois un droit permettant de protéger la société et de réprimer
des comportements, il apparaît normal qu’il soit rigide. En revanche, le droit commercial étant
un droit visant à encadrer et faciliter la circulation des richesses (biens et services), il a besoin
de souplesse, de rapidité. Il est légitime qu’il laisse les parties assez libres d’aménager leurs
rapports. Il doit aussi pouvoir varier en fonction des impératifs conjoncturels118
, ce droit
devant évoluer au regard des conditions sociales, économiques et surtout selon la loi du
marché. En outre, y a-t-il un réel besoin d’unifier le droit ? Si ce besoin est affirmé sur le plan
économique, il est beaucoup plus contestable sur le plan juridique. En effet, plutôt que
d’essayer d’élaborer une législation unique rigide et parfois inadaptée, il suffit d’élaborer un
système permettant de choisir la loi interne applicable à une relation internationale en fonction
de critères de rattachement. C’est ce que réalisent les règles de conflits.
La diversité peut aussi apparaître comme « un facteur d’efficience »119
. Ainsi, en matière
contractuelle, les parties vont avoir à leur disposition plusieurs règles de droit. Elles pourront
choisir la réglementation la plus adaptée à leurs rapports. En outre, une règle de droit efficace
115
Sylvain Marchand, Les limites de l’uniformisation matérielle du droit de la vente internationale, mise en
œuvre de la Convention des Nations unies du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises dans le
contexte juridique suisse, Collection Genevoise, Faculté de droit de Genève, 1994, p. 30.
116
Petr Muzny, La prévisibilité normative : une notion absolument relative, Revue de la Recherche Juridique,
2006 I, p. 31 et s.
117
M. Mazen, L’insécurité inhérente au système juridique, thèse dactylographiée, faculté de droit de Dijon,
1979, p. 82.
118
On rejoint alors la fameuse phrase de Portalis tirée du Discours préliminaire au projet de Code civil (1804)
selon laquelle « Les codes des peuples se font avec le temps, mais à proprement parler on ne les fait pas ».
119
Louis Vogel, introduction :Unifier le droit : le rêve impossible ? in Unifier le droit : le rêve impossible ?
Editions Panthéon-Assas, Paris, 2001, p. 7.
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et adaptée à un pays, une région, une culture juridique ou même à une profession, ne le sera
pas forcément ailleurs. C’est pour cela que le droit apparaît plus pragmatique : il est moins
fondé sur des principes abstraits que sur des pratiques sociales. C’est le développement du
« droit négocié ». Cette méthode est très utilisée en matière de droit du commerce
international où les groupes représentatifs sont sollicités pour participer à la phase
d’élaboration d’un droit qui sera le fruit de négociation entre intérêts divergents. Ce
pragmatisme amène à abandonner toute idée d’universalisme du droit au profit d’un certain
relativisme de celui-ci. Il s’agirait de se « fonder sur le désordre apparent qui favorise la
diversité, donc le pluralisme, et de travailler à ordonner le multiple… »120
.
40. Enfin, l’utilité de parvenir à une uniformité du droit apparaît moins évidente dans la
mesure où en matière de droit international privé, les parties ont à leur disposition des outils
leur permettant de parvenir à une prévisibilité du droit applicable à leurs litiges. Ces outils
sont les contrats-types, usages du commerce international, arbitrage, autant de composantes
de ce qui a été dénommé la « Lex Mercatoria ». Cette participation des commerçants à la
formation d’un droit uniforme particulier, à la frontière imprécise et composé d’éléments
divers, constituerait la manifestation d’un droit post-moderne. Le droit moderne, élaboré par
les Etats et caractérisé par ses aspirations à l’universalisme, à l’unité de la raison juridique, à
la simplicité et à la sécurité des relations juridiques, aurait fait place à un droit complexe,
relatif, dans lequel la société civile a un rôle au stade de l’élaboration121
. Comme l’exprime le
Professeur Terré, « le pluralisme, c’est la société contre l’Etat. Ou, plus exactement, les
sociétés, les groupements contre l’Etat »122
. Dans le même ordre d’idée, le Professeur
Delmas-Marty constate « l’apparition d’un nouveau processus d’engendrement des normes
fondé sur l’affaiblissement du processus hiérarchique. C’est cet affaiblissement qui entraîne
un recul de l’Etat au profit d’un marché sans frontières, dont il semble que le véritable pilier
soit le contrat, au risque de devenir « celui d’un totalitarisme du marché »123
»124
. Cette
intervention des opérateurs du commerce international ne réalise-t-elle pas une appropriation,
ou comme Monsieur Putzeys la qualifie, une « privatisation du processus d’uniformisation du
120
Mireille Delmas-Marty, Trois défis pour un droit mondial, Seuil essais, 1998, p. 76.
121
André-Jean Arnaud, Entre modernité et mondialisation, cinq leçons de philosophie du droit et de l’Etat, Droit
et société, LGDJ 1998, p. 152 et 153.
122
Dominique Terré, Le pluralisme du droit, in Le pluralisme, Archives de philosophie du droit, T. 49, 2005, p.
78.
123
Laurence Boy, Les « utilités » du contrat, in Les petites affiches, n° 109, 10 septembre 1997, p. 3 et s.
124
Mireille Delmas-Marty, op. cit. p. 84.
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droit »125
? Une réponse à cette question pourra être apportée par une étude de la coexistence
des règles applicables au contrat de transport international de marchandises par mer.
125
Jacques Putzeys, Le droit uniforme désuniformisé, in Uniform law in Practice (International Congress Rome
7-10 :09 :1987), New York, éd. Oceana, Rome, éd. Unidroit, 1988, p. 447.
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  • 1. Université de Bretagne Occidentale UFR de Droit et des Sciences Economiques Ecole doctorale des Sciences de la Mer La coexistence des règles applicables au contrat de transport international de marchandises par mer : contribution à l’étude de l’uniformité du droit Thèse pour l’obtention du doctorat en droit Présentée et soutenue publiquement le 27 juin 2007 par Gurvan BRANELLEC Jury : M. Olivier CACHARD, Professeur à l’Université de Nancy, Doyen de la Faculté de droit de Nancy (Rapporteur) Mme Cécile DE CET BERTIN, Maître de conférences à l’Université de Bretagne Occidentale (Directrice de la thèse) M. Philippe DELEBECQUE, Professeur à l’Université de Paris I Panthéon- Sorbonne (Rapporteur) M. Renaud MORTIER, Professeur à l’Université de Bretagne Occidentale (Président du jury) M. Martin NDENDE, Professeur à l’Université de Nantes tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 3. 3 L’Université de Bretagne Occidentale n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 5. Je tiens à remercier : le Professeur Le Bayon et le Professeur Tassel pour leurs précieux conseils ; Mathieu Doat pour ses suggestions éclairées ; le C.E.D.E.M. et la Faculté de droit pour ces conditions de travail idéales ; Claire, Emmanuelle et Morgane pour leur présence et leurs relectures attentives. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 7. 7 Sommaire Introduction…………………………………………………………………….11 Partie I – La recherche d’une unification conventionnelle du droit du transport maritime de marchandises par les Etats…………………..47 Titre I - L’unification par l’Etat et dans la convention………………………………49 Chapitre I – De la multiplicité des Etats à l’unité par la convention : une élaboration et une adoption difficile………………………………………………………………..………51 Chapitre II – De l’unité de la convention à la multiplicité de la société internationale : une application éclatée………………………………………………………………………93 Titre II – La désunification dans l’Etat et par les conventions internationales……………………………………………………………………………173 Chapitre I – La désunification du droit du transport international de marchandises par mer engendrée par la concurrence des Conventions internationales………………...…175 Chapitre II – La désunification du droit du transport international de marchandises par mer aggravée par le droit international privé……………………………………………243 Partie II – La construction d’une uniformisation pragmatique du droit du transport maritime de marchandises par les opérateurs…………………………………………………………………..321 Titre I – La construction d’une uniformisation du droit par les pratiques contractuelles……………………………………………………………………….……325 Chapitre I – L’uniformisation anticipée, dans le contrat…………………………..……327 Chapitre II – L’uniformisation différée, dans l’instance arbitrale………………..……403 Titre II – La tentative de construction d’un droit par la cristallisation des pratiques contractuelles………………………………………………………..………445 Chapitre I – D’une uniformisation générale des pratiques à la construction d’une règle de droit par les opérateurs………………………………………………...………………449 Chapitre II – D’une nécessaire unification par les Etats à la recherche de sa pertinence……………………………………………………...……………………………499 Conclusion…………………………………………………………………….557 tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 9. 9 Table des abréviations AFDI : annuaire français de droit international AFDM : Association Française du droit maritime Annales de l’IMTM : Annales de l’Institut Méditerranéen des Transports Maritimes BTL : Bulletin des transports et de la logistique Bull. Cass. : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation CA : cour d’appel Cass. : Cour de cassation CAF : coût, assurance, frais CE : Communauté européenne, CEE jusqu’au 01/11/1993 CEE : Communauté économique européenne, CE après le 01/11/1993 Cf. : confer Com. : Chambre commerciale de la Cour de cassation CCI : Chambre de commerce internationale CJCE : Cour de Justice des Communautés européennes CMI : Comité Maritime International CNUDCI : Commission des Nations unies pour le droit commercial international (UNCITRAL) CNUCED : Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (UNCTAD) COGSA : Carriage of Goods by Sea Act D. : Recueil Dalloz D.T.S. : droit de tirage spécial DMF : Droit maritime français FOB : Franco-bord (free on board) Ibid. : ibidem Incoterms : International commercial terms JCP : Jurisclasseurs périodiques (Semaine juridique) JDI : Journal du Droit International ou Clunet JMM : Journal de la marine marchande JOCE : Journal Officiel des Communautés européennes L. : loi N° : numéro NCPC : Nouveau Code de procédure civile OMI : Organisation Maritime Internationale ONU : Organisation des Nations unies Op. cit. : opere citato P. : page RCADI : Recueil des cours de l’Académie de droit international, La Haye RCDIP : Revue critique de droit international privé RTD Civ : Revue trimestrielle de droit civil RTD Com. : Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique S. : suivant Scapel : Revue de droit français commercial, maritime et fiscal, fondée par Paul Scapel SFDI : Société française pour le droit international TA : Tribunal administratif TGI : Tribunal de grande instance UNIDROIT : Institut international pour l’unification du droit privé tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 11. 11 Introduction « L’objet du droit uniforme est (, en effet,) d’effacer la diversité des lois et d’exclure ainsi leurs conflits. Mais la diversité des lois est une richesse, ou une malédiction, qui frappe notre planète depuis la Tour de Babel et qui ne cessera que le jour où tous les hommes auront partout la même loi, la même langue et les mêmes biens, jour où nous serons tous corps glorieux, sans Etats et sans plaideurs, sans avocats et sans professeurs de droit1 ». 1. Le droit a uniformisé les choses nous dit Carbonnier à propos du droit des biens. Il a « recouvert le monde bariolé des choses d’un uniforme capuchon gris »2 . Cette uniformisation par le droit est en réalité une classification et la méthode n’est pas propre à la science juridique. L’uniformité du droit est autre chose. Elle serait de l’essence du droit maritime, selon Pardessus qui relève une uniformité de ce droit dans le temps. « Indépendamment des variations qu’amènent les siècles ou les révolutions que produisent les rivalités nationales, ce droit, immuable au milieu des bouleversements des sociétés, nous est parvenu après trente siècles tel qu’on le vit aux premiers jours où la navigation établit des relations entre les peuples »3 . En effet, le droit maritime a une origine lointaine. Son histoire et son évolution sont étroitement liées à l’histoire du commerce maritime, car le droit maritime est d’abord un droit commercial4 , le droit des relations contractuelles du commerce par mer. Il est axé sur l’utilisation de la mer ainsi que le souligne Chauveau. « Historiquement, et surtout par essence, c’est le droit d’un certain milieu géographique et social, la mer avec ses rivages, et la 1 Philippe Malaurie, Loi uniforme et conflits de lois, Travaux du Comité français de droit international privé, 1967, p. 83. 2 Jean Carbonnier, Droit civil Les biens – Les obligations, Collection Quadrige, PUF Paris, 1955, p. 1592. 3 Jean-Marie Pardessus, Collection des lois maritimes, Imprimeries royales, Paris 1825-1845, T 1, p. 2. 4 En droit romain, le terme de « commercium » désignait de façon très large, tous les rapports juridiques que les individus entretenaient relativement à l’utilisation de leurs biens. Jacques Mestre et Marie-Eve Pancrazi, Droit commercial, droit interne et aspects de droit international, LGDJ Paris 26ème édition, 2003, n° 3. Pour le droit français le transport par mer est une activité commerciale puisque constitue un acte de commerce par nature « toute entreprise de manufactures, de commission, de transport par terre ou par eau ». C’est ce qui ressort du 7° de la liste légale des actes de commerce de l’article L. 110-1 du Code de commerce. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 12. 12 communauté des hommes qui s’y aventurent »5 . Ceux-là même qu’Aristote désignait comme une catégorie de l’humanité en considérant qu’ « il y a trois sortes d’hommes : les vivants, les morts et ceux qui prennent la mer »6 . Le droit maritime présente pour ces raisons, sa relative permanence et son champ d’application, une certaine originalité par rapport au droit terrestre7 . Celle-ci tient également, et pour certains principalement, au fait qu’il est « tout entier ordonné autour de la nécessité de partager le risque de mer » entre les différents acteurs du transport maritime et qu’il est, par nature, depuis qu’existent les nations, un droit international. C’est en raison de ce dernier caractère que le droit maritime peut être un champ d’observation et de recherche sur l’uniformité du droit. N’est-il pas un « exemple majeur » d’unification du droit comme a pu le dire Rodière8 ? 2. L’ensemble de la matière serait pourtant trop vaste et trop varié, rendant l’ouvrage impossible. Le droit maritime est constitué d’éléments empruntés à diverses branches du droit, du droit des biens au droit du travail en passant par le droit des obligations. Au sein de la matière, le transport maritime et le contrat auquel il donne lieu a été choisi comme champ de l’étude parce qu’il est éminemment international et est l’objet de tentatives renouvelées d’uniformisation. Cette activité économique est réalisée par la conclusion de différents contrats tels que le contrat de passage, les contrats d’affrètement de navires ou d’espace et le contrat de transport applicable à l’acheminement de marchandises par voie maritime. Ce dernier a pour objet le déplacement d’une unité de charge ou de colis à bord d’un navire et donne lieu à l’établissement d’un connaissement ; il sera l’objet de l’étude. 3. Le transport international de marchandises par mer est une activité internationale par nature. Sa réglementation résulte principalement de conventions internationales. Celles-ci ont été élaborées et adoptées dans le but d’établir une unification du droit. L’histoire montre que le droit applicable au transport international de marchandises par mer a d’abord été spontané avant d’être voulu par les Etats, le besoin d’uniformité étant considéré comme la cause des conventions internationales en la matière (section I). Cette notion d’uniformité du droit sera 5 Paul Chauveau, Traité de droit maritime, Librairies techniques, 1958, introduction générale p. 7. 6 Cette citation est largement diffusée, pourtant, il ne semble pas qu’elle soit exacte (on l’attribue à Aristote, Platon, Socrate et même à Conrad !). Platon, dans le Critias, donne la géographie de l’Atlantide et divise le monde en trois : le monde des vivants, celui des morts et l’océan qui sépare les deux. Il semble vraisemblable qu’on puisse l’attribuer à Aristote évoquant la géographie de l’Atlantide décrite par Platon dans le Critias. 7 René Rodière et Emmanuel du Pontavice, Droit maritime, Dalloz, 11ème ed. 1991, p. 5 et s. Le droit maritime est, pour le Doyen Chauveau, le « droit de la mer et des activités qu’elle engendre ». Cette définition permet d’insister sur le fait que cette branche du droit est concentrée sur un espace, la mer, et surtout sur son emploi. On aborde ainsi la mer comme un espace unitaire (théorie développée entre autres par Arvid Pardo) et non comme un territoire. Cf. cours pour le DEA de sciences juridiques de la mer, Véronique Labrot, La mer entre espace et territoire(s)… 8 René Rodière, Introduction au droit comparé, Précis Dalloz, Paris 1979, § 70, p. 115. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 13. 13 analysée dans sa double dimension d’idéal et de réalité (section II) avant que soit présentée une délimitation précise du sujet traité et la problématique retenue (section III). tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 14. 14 Section I – L’uniformité du droit du transport maritime : récit et histoire 4. Cette étude historique de la matière mettra en évidence le mouvement de balancier entre, d’une part, la tendance des opérateurs à réaliser une uniformisation spontanée des pratiques contractuelles (paragraphe 1) et, d’autre part, la tentative des Etats de réaliser une unification construite du droit du transport international de marchandises par mer (paragraphe 2). Paragraphe 1 – L’uniformisation spontanée du droit du transport international de marchandises par mer 5. La spontanéité de l’uniformisation du droit du transport maritime de marchandises tient au fait que ce sont moins les Etats que les parties intéressées qui y ont contribué. De même que le Professeur Jestaz à propos de la coutume et de l’acte juridique, évoque un droit spontané parce qu’il s’agit de sources « venues de la base »9 , le droit du transport maritime, son histoire le montre, est « venu de la base ». En effet, le droit maritime a été au départ créé et développé pour les besoins du transport maritime de marchandises. On fait ainsi remonter l’origine de ce droit au moment où les hommes ont cessé de ne transporter que des butins de guerre, pour y charger des cargaisons destinées à être troquées10 . Il a ensuite été développé de l’Antiquité au dix-septième siècle par les marchands pour leurs besoins, avant de perdre sa spontanéité, par l’intervention des Etats. 6. Les Grecs ont d’abord multiplié les échanges. Ils ont notamment développé un mécanisme de crédit maritime et se sont dotés d’une juridiction maritime spécialisée. Ce sont eux aussi qui ont eu les premiers « l’esprit du commerce international et l’idée qu’un droit national, étranger aux barbares et aux métèques, serait un contre-sens dans le commerce maritime »11 . Les règles applicables à cette matière avaient ainsi une vocation à être appliquées largement et à s’étendre. 9 Pour Philippe Jestaz la coutume et l’acte juridique, sources venues de la base, constituent « un droit spontané ». C’est en ce sens là que le terme spontané est employé. Philippe Jestaz, Les sources du droit, Dalloz Paris, 2005, p. 37. 10 Martine Rémond-Gouilloud, Droit maritime, 2ème ed. Pédone Paris, 1993, p. 23 et 24. 11 René Rodière, Traité général de droit maritime, introduction, Dalloz Paris, 1976, p. 13. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 15. 15 Pour les Romains, le commerce maritime avait une importance capitale12 . Ils le facilitèrent en instaurant la paix en Méditerranée. Sur le plan juridique, leur apport au droit en général et au droit civil en particulier a été considérable, ils ont aussi laissé un héritage en matière maritime. Diverses institutions du Digeste de Justinien ont eu une certaine pérennité. A titre d’exemple, il est possible de relever une institution marquante présente dans le Digeste : il s’agit du « receptarum » qui figure dans l’édit du Préteur. Il semble que les Romains aient inventé cette institution. Cette notion juridique conduit à aggraver la responsabilité du transporteur maritime par rapport à celle des autres transporteurs. Il s’agit d’une première réglementation de la responsabilité des transporteurs maritimes. Il est ainsi intéressant de constater qu’à une époque où les règles régissant le transport maritime de marchandises étaient issues de la pratique, Rome a dû intervenir pour imposer, grâce à l’institution du « receptarum », une responsabilité plus rigoureuse à l’encontre des transporteurs maritimes que celle des autres entrepreneurs liés par un contrat de locatio conductio (le « receptarum » concernait aussi les aubergistes et maîtres de poste »)13 . Il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec l’époque moderne : c’est pour régir impérativement la responsabilité du transporteur maritime que les Etats sont intervenus dans le contrat de transport international de marchandises par mer. 7. Ces règles élaborées par les Romains s’appliquaient concurremment avec les coutumes portuaires en Méditerranée qui n’ont cessé de régir les relations maritimes. Le droit maritime avait ainsi à cette époque une nature largement coutumière. La plus célèbre de ces coutumes est la « lex rhodia de jactu »14 qui est une reprise des règles et usages consacrés par le tribunal maritime de l’île de Rhodes, située en Méditerranée orientale, environ 900 ans avant JC15 . En dehors de fragments, les bases de ce droit maritime Rhodien ne sont plus connues. Cette législation qui serait une transposition d’une législation byzantine relative au problème du jet des marchandises à la mer prévoit que si un navire en péril a pu être sauvé en jetant par dessus bord une partie de la cargaison, tous les participants à l’expédition devront 12 En effet le blé africain était nécessaire pour nourrir les habitants de la cité et donc pour éviter les crises sociales, soulèvements, disettes…Cf. P. J. Hesse, Séminaire d’histoire du droit maritime, dans le cadre du DEA de Sciences juridiques de la mer, UBO, 2001. 13 René Rodière, Traité général de droit maritime, op. cit. , p. 14. Pour monsieur Gaurier, la location-conductio aurait été associée au transport maritime vers la fin du troisième siècle avant notre ère. Il évoque d’ailleurs la différence faite par le droit romain entre la location pour transporter des marchandises et celle pour transporter des personnes (locatio mercium uehendarum et location uectorum uehendarum), Dominique Gaurier Le droit maritime romain, PUR Rennes, 2004, p. 61. 14 Titre XIV, 2 du Digeste « de lege Rhodia de jactu ». 15 Thèse pour le doctorat en droit de G. N. Fayzi Chakab, La responsabilité du transporteur maritime de marchandises (selon les règles de la Haye de 1924 et de Hambourg de 1978), Université de Nice Sophia- Antipolis, 1999, p. 2. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 16. 16 s’unir pour indemniser la perte16 . Cette institution est l’ancêtre de la pratique actuelle des avaries communes et donc la source des règles d’York et d’Anvers. 8. Les premières règles de droit maritime sont ainsi nées sur les côtes méditerranéennes. Les marchands usagers du transport maritime avaient organisé des tribunaux maritimes chargés de juger leurs différends selon des traditions et coutumes. Ces jugements rendus au cas par cas devinrent l’une des sources du droit maritime puis furent progressivement transformés en recueils d’usages au Moyen-âge. 9. Après un effondrement de l’activité commerciale dans le bassin méditerranéen dû, entre autres causes, à l’effondrement de l’Empire romain, aux invasions germaniques et à l’instabilité politique, le Moyen-âge a vu la reprise du trafic maritime. Cette activité maritime se développait et se structurait principalement autour de trois pôles. La première zone était la zone méditerranéenne orientale. La zone byzantine connaissait une collection de textes, les « basiliques » (qui, pour la plupart, ont été perdus), qui contenaient des réponses aux principaux problèmes que les transports maritimes posaient à l’époque. La deuxième zone mieux connue était celle de la Méditerranée occidentale. Dans cette zone, il y avait d’abord des usages particuliers à telle ou telle ville portuaire ou à telle corporation17 . Ceux-ci coexistaient avec des recueils d’usages plus ou moins complets dont les plus célèbres sont le Consulat de la mer et le Guidon de la mer. Le Consulat de la mer est un recueil Catalan du quatorzième siècle18 dont certains passages sont inspirés directement du Digeste. Le Guidon de la mer, ouvrage de doctrine (composé à Rouen au seizième siècle) rédigé par un auteur inconnu, est un véritable précis de droit maritime19 , il est assez long et a fait l’objet d’ajouts successifs20 . Enfin, la troisième zone était celle de l’Atlantique qui devint, au Moyen-âge, le véritable centre d’activité du commerce maritime. Au départ, le « ley maryne » était d’abord de tradition orale, puis il va être recueilli par une vaste compilation : les rôles d’Oléron21 . La nature de ce document a été discutée : on y a vu un recueil de jurisprudence ou encore une coutume. Ce recueil d’actes de notoriété, attestant de la jurisprudence maritime en vigueur sur 16 Martine Rémond-gouilloud op. cit. p. 23 et 24. 17 Les cités italiennes adoptèrent chacune des statuts qui sont de véritables codes maritimes : statuts d’Amalfi du XII ème S. , Pise avec les Breve Curia Maris du XIIème S, Venise avec les Ordinamenta des Doges. 18 Bien que les Italiens en aient revendiqué la paternité au quinzième siècle, cette compilation des usages suivis en Méditerranée est assez hétérogène. On y trouve des éléments élaborés par des autorités de grands ports comme Marseille, Gênes ou Pise… 19 Compte rendu du Colloque de Rochefort sur l’actualité de la politique maritime de Colbert des 17 et 18 août 1983, JMM 1983, p. 2298. 20 Ajouts à la fin du Moyen-âge de trois chapitres sur l’armement en course (les corsaires) : Cours de P.J. Hesse, op. cit. 21 Martine Rémond-Gouilloud op. cit. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 17. 17 les côtes françaises de l’Atlantique, fut rédigé avant 126622 . On a vu son influence s’étendre dans tout l’Atlantique et bientôt de l’Espagne à la Baltique. Ces rôles ont eu une importance considérable et furent reproduits en tout ou partie dans les législations des pays qui les pratiquaient, par exemple dans les lois de Wisby de l’île de Gotland en Suède au quinzième siècle ou les lois de Westcapelle en Zèlande, et ont inspiré l’Ordonnance de la marine de Colbert. 10. Ce qui est remarquable, sur cette période, c’est l’apparition d’un droit commercial unifié au niveau européen par l’influence des marchands qui avaient besoin d’un droit applicable à leurs relations et d’une certaine prévisibilité des règles applicables afin de développer leur activité. De plus, la navigation maritime entraînant des risques particuliers connus par tous les commerçants empruntant ce mode de transport, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il était logique que des règles de droit similaires naissent. Il en résulte un droit créé par et pour les usagers de la mer, souvent antérieurement au droit terrestre, et ce à une époque où les relations terrestres avec les pays extérieurs étaient bien souvent embryonnaires alors que les habitants des régions côtières eux avaient, par le biais du transport maritime, des relations économiques et juridiques avec d’autres peuples. Un tel droit présentant un caractère particulier, aurait dû aussi corrélativement présenter un caractère uniforme. Ce droit n’était cependant pas totalement unifié puisqu’il s’agissait d’une agrégation de coutumes et d’usages recueillis dans des compilations différentes. Il avait néanmoins un caractère cohérent. A ce sujet Messieurs Bonassies et Scapel parlent d’« une adhésion de la communauté maritime à une coutume commune, lentement construite au travers de quelques textes fondamentaux qui se virent reconnaître une valeur générale dépassant les particularismes nationaux »23 . L’illustration la plus frappante de ce particularisme et de l’uniformité qui découlent de ce droit maritime au Moyen-âge est l’influence et le rôle joués par la ligue hanséatique24 . Cette union de commerçants qui développa le commerce en mer du nord en installant des comptoirs dans des ports étrangers, fut aussi amenée à édicter des règles et créer une juridiction applicable à tous ses adhérents : les Recès. Cette uniformité relative, limitée à certaines zones géographiques, va être mise à mal à l’époque moderne. 22 Ils furent rédigés à l’initiative d’Aliénor d’Aquitaine. Cette compilation devait son nom soit au fait que les décisions ont été copiées et certifiées par un greffier ou mandataire de cette île ou au fait que ce recueil porte principalement sur la jurisprudence émanant d’un tribunal siégeant dans l’île d’Oléron. 23 Pierre Bonassies et Christian Scapel, Traité de droit maritime, LGDJ Paris, 2006, n° 11, p. 10. 24 Réunion des grandes villes commerçantes teutoniques : Hambourg, Brême, Lubeck… in Albert Boyer, Le droit maritime, Que sais-je, n° 1252, 1967 PUF, p. 7 et 8. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 18. 18 11. Au seizième et dix-septième siècles, les structures du commerce par mer changèrent par la combinaison de plusieurs phénomènes. D’abord, du fait de l’apparition des armements. En effet, au départ, les marchands étaient des navigateurs-propriétaires de navires et transportaient sur ceux-ci les marchandises qu’ils vendaient et qu’ils achetaient. Progressivement, ils n’ont plus voyagé systématiquement, se faisant remplacer en mer par un subrécargue25 . Au milieu du seizième siècle, apparaît le connaissement tel qu’on le connaît dans son acception actuelle26 . Cette apparition du connaissement est le corollaire de celle de l’armateur27 . Par la suite, une modification majeure des données économiques internationales est intervenue au dix-septième siècle. Certains pays suffisamment développés tels que la France, l’Angleterre ou l’Espagne, commencent à disposer d’une production agricole ou de produits manufacturés excédentaires qu’ils entreprennent d’exporter28 . Dès lors, l’expédition maritime, fondée sur le transport de cargaisons à l’aller comme au retour, devient une opération fructueuse en soi. C’est à cette même époque que commence à se développer une politique protectionniste des intérêts nationaux. Cette politique se manifeste, d’une part, avec l’essor des Etats colonisateurs qui ont su développer des échanges maritimes bilatéraux avec les colonies (Angleterre, France, Pays-Bas puis Espagne et Portugal) et, d’autre part, avec le développement de phénomènes de protectionnisme des pavillons nationaux (monopole des transports nationaux aux navires nationaux : par exemple le « Navigation Act » de Cromwell de 1657). Ce développement du nationalisme marque le début de l’éclatement du droit commun du Moyen-âge. Paragraphe 2 – L’unification construite du droit du transport international de marchandises par mer 12. L’intervention des Etats marque ainsi le passage à une unification « construite » : l’unification part d’un sommet (les Etats). Elle a un caractère unilatéral, en ce sens que les 25 Le subrécargue est d’abord apparu comme étant l’agent des chargeurs. Il est désigné par les marchands pour accompagner leurs cargaisons à bord, il veille à leurs intérêts et surveille le capitaine, agent de l’armateur. Dans sa fonction plus moderne, il est désigné par l’armateur pour soulager le capitaine des fonctions commerciales. René Rodière et Emmanuel du Pontavice, Droit maritime, op. cit. , n° 270, p. 244. 26 Par contre son endossement comme instrument négociable a été rapporté pour la première fois dans l’affaire « Isny contre Perscat » en 1793 et dans l’affaire « Lick Barrow contre Mason » en 1794. 27 Cf infra n° 15. 28 Martine Rémond-Gouilloud op. cit. p. 25 et 26. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 19. 19 conventions internationales (comme les lois) ne requièrent pas l’accord du destinataire (en effet, un opérateur du transport international de marchandises par mer n’approuve pas les conventions internationales, pourtant celles-ci peuvent s’imposer à lui)29 . 13. Ripert estime qu’« à partir du dix-septième siècle les recueils d’usages et les statuts vont être éliminés par les lois d’Etat destinées à créer l’unité de droit dans le royaume et par contrecoup à la détruire dans le monde » et « la France tient la première place dans cette œuvre de codification »30 . C’est sous le règne de Louis XIV, monarque centralisateur, que fut promulguée la « grande ordonnance sur la marine »31 d’août 1681. Dernière en date des Ordonnances de Louis XIV, elle fut inspirée par Colbert. Cette œuvre eut un grand succès32 et un rôle pionnier à travers le monde. 14. L’œuvre législative de la Révolution française fut assez limitée en matière maritime même s’il est possible de relever la quasi-suppression des juridictions d’exceptions existant en droit maritime, les amirautés gardant seulement compétence pour les affaires maritimes de nature pénale, le commerce de mer relevant désormais des tribunaux de commerce33 . On voit ici clairement la fin du particularisme du droit maritime avec, outre le rattachement par rapport au droit terrestre et par conséquent la fin de l’uniformité du droit maritime. 15. A partir du dix-huitième siècle, le trafic qui était d’abord d’ordre alimentaire devient réellement d’ordre industriel. Mais, c’est au dix-neuvième siècle que des données technologiques vont bouleverser l’économie du droit maritime. D’une part, l’apparition des navires à vapeur va permettre aux exploitants de navires de ne plus être tributaires des vents et va rendre possible l’organisation d’un réseau cohérent de lignes régulières faisant escales à jour fixe. D’autre part, la construction navale des navires en métal et non plus en bois, va permettre un accroissement considérable de la capacité des navires (il est question de gains de capacité de 45 %). De ces phénomènes, il résulte que la marine marchande devient une industrie (la construction de navires en acier et la houille nécessaire à la construction coûtent très cher). L’exploitation de lignes régulières permet une rentabilité suffisante mais nécessite 29 Philippe Jestaz, Les sources du droit, Dalloz Paris, 2005, p. 29. 30 George Ripert, Droit maritime, Dalloz Paris, 1939, tome I, n°90. 31 Elle constitue l’un des plus beaux monuments juridiques de l’administration royale : elle fut très longuement et très soigneusement préparée. Divers personnages se sont succédés : la phase préliminaire fut confiée à La Reynie chargé d’examiner les usages et les coutumes sur les côtes, puis élaboration législative par un maître des requêtes au conseil du roi : Henri Lambert d’Herbigny. Une mission a été ensuite confiée à un avocat Legros et à un autre maître des requêtes : Le Vayer de Bontigny. Enfin, la rédaction fut confiée à Bonaventure de Fourcroy. 32 Elle traite à la fois du droit public et du droit privé et elle eut une influence à la fois spatiale (en France comme à l’étranger) et temporelle (le code napoléonien l’a à peu près reproduite), Valin, son meilleur commentateur, assura que « elle est telle que les nations les plus jalouses de notre gloire, déposant leurs préjugés, l’ont adoptée à l’envi comme un monument éternel de sagesse et d’intelligence ». Cf. René Josué Valin, Commentaire de l’ordonnance de la marine de 1681, datant de 1760, 2 volumes. 33 Décret du 16-24 août 1790. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 20. 20 un armement conséquent. Ce développement de la marine marchande permet corrélativement aux chargeurs de ne plus être obligés de louer un navire en totalité ou partie, il leur suffit de conclure un contrat de transport. C’est l’avènement du contrat de transport sous connaissement34 . Les échanges commerciaux, favorisés par une politique du libre-échange sur les mers impulsée par la Grande-Bretagne, s’intensifient. Avec la distinction des contrats d’affrètement et de transport, « l’armateur prenait la seule qualité d’entrepreneur de transport, satisfaisant à ce qui était devenu la seule préoccupation du chargeur : l’acheminement d’une marchandise d’un point à un autre et sa remise en bon état au destinataire »35 . Dès lors, la concurrence entre les compagnies de navigation qui, pour attirer la clientèle, baissaient leurs tarifs, obligea les armateurs à rédiger des clauses d’exonérations considérables. Les transporteurs prirent l’habitude de stipuler dans leurs contrats de transport des clauses limitatives de responsabilité ou des clauses exonératoires de responsabilité concernant les dommages causés à la marchandise. Celles-ci dénommées clauses que « dit être » (négligence clause) détruisaient la force probante du connaissement sur les caractéristiques de la marchandise. Ces pratiques étaient permises par le Code de commerce français de l’époque qui édictait principalement des règles supplétives de la volonté des parties. Les chargeurs subissaient ces pratiques des transporteurs organisés en unités économiques puissantes et ne pouvaient négocier les contrats de transports auxquels ils se contentaient d’adhérer. Profitant de cette position de force, les transporteurs allèrent jusqu’à négliger « leurs devoirs les plus élémentaires, ce qui eut pour conséquence d’augmenter notablement le risque des accidents ».36 Les chargeurs en étaient presque venus « à croire cette plutôt cynique proposition que les armateurs n’ont d’autre obligation que d’encaisser le prix du transport »37 . Outre leurs conséquences économiques sur l’activité des différents acteurs du transport maritime (chargeurs et armateurs), ces clauses provoquèrent une insécurité dans les opérations de crédits documentaires et notamment une perte de la valeur du connaissement. Toutes ces conséquences expliquèrent que les victimes de cette mutation entreprirent de lutter contre ces clauses. Cette lutte (des chargeurs en particulier) se déroula devant les tribunaux. La jurisprudence française de la seconde moitié du dix-huitième siècle estimait que le transporteur maritime 34 René Rodière et Emmanuel du Pontavice, Droit maritime, Précis Dalloz, 12ème éd. 1997, n° 7, p. 10. Et Slaheddine Mellouli, La responsabilité du transporteur maritime de marchandises, Centre d’études de recherches et de publications, Tunis, 1993, 379 p., p. 12 et 13. 35 Paul Chauveau, Traité de droit maritime, Librairies Techniques, 1958, p . 418. 36 Georges Ripert, Droit maritime, tome II, 4ème éd., éd. Rousseau, 1952, 1471. 37 F. Cyril James, Carriage of goods by sea, The Hague rules, 74 U., Pa. L. R. 675. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 21. 21 pouvait s’exonérer de leur responsabilité par une clause du connaissement38 . N’obtenant pas la satisfaction de leurs réclamations devant les tribunaux, les chargeurs français portèrent le débat devant le Parlement39 . Malgré cette tentative40 , les clauses d’exonération continuèrent à produire leurs effets. En France, la prise de conscience de ces phénomènes conduisit à l’adoption de la loi Rabier du 17 mars 1905 qui a commencé à mettre fin à cette stipulation de clauses d’irresponsabilité. Cependant, cette loi ne s’applique qu’aux seuls transports terrestres et à ceux par eaux intérieures. 16. La première réaction législative en vue de protéger les chargeurs contre l’arbitraire des transporteurs maritimes est venue des Etats-Unis, « alors pays de chargeurs…..aux prises avec les armements anglais, norvégiens et des autres pays à grande flotte marchande »41 . Ce pays possédait une marine marchande peu importante mais comptait en revanche un grand nombre de chargeurs. Il était naturel que l’intérêt des chargeurs l’emportât sur celui des armateurs étrangers. Le 10 juin 1892, un projet de loi fut introduit par le sénateur Michael D. Harter42 , le « Harter Act », qui fut adopté le 13 février 189343 . Cette loi, composée de 8 articles et dont le but était de « supprimer l’anarchie et les abus engendrés par une liberté absolue des contrats », instaura un régime légal impératif qui prohiba l’insertion dans les connaissements de toutes les clauses d’exonération pour pertes ou avaries causées aux marchandises résultant de fautes ou négligences dans le chargement, l’arrimage, la garde ou la livraison des marchandises. Le Harter Act fait ainsi la distinction entre fautes nautiques et fautes commerciales en permettant à l’armateur de s’exonérer des premières s’il a fait diligence pour que le navire soit en état de tenir la mer et qu’il soit convenablement armé, équipé et approvisionné44 . L’armateur est ainsi exonéré de plein droit, en l’absence de toute convention, des conséquences des fautes du capitaine et de l’équipage dans la navigation et dans l’administration du navire. Ce régime est impératif45 . L’apport principal du Harter Act, outre l’obligation qui est faite au transporteur de délivrer un 38 Il pouvait s’exonérer des fautes commerciales ou nautiques de ses différents agents. Cf. Cass. Civ. 23-02- 1864, D 1864, I, 168 et Cass. Civ. 20-01-1869, D 1869, I 94. 39 Par l’entremise d’une proposition de réforme déposée le 10 avril 1886 par deux députés du Havre MM F. Faure et J. Siegfried qui visait à empêcher le transporteur de s’exonérer de ses fautes commerciales. 40 Puis celle renouvelée par les ministres du commerce et de la marine MM Trarieux et Lebon. 41 René Rodière, Traité de droit maritime, op. cit. tome II, n° 577. 42 Chargeur et représentant de l’Etat d’Ohio au Congrès de Washington. 43 Après une consultation des représentants des armateurs, des chargeurs, des assureurs et des grandes corporations commerciales. 44 C’est ce qui ressort de l’article 3, cf. sur ce point Francis Sauvage, Manuel pratique du transport des marchandises par mer, LGDJ, 1955, Paris, p. 10 et s. 45 L’article 5 du Harter Act frappe ces clauses d’une double sanction : sur le plan civil, de la nullité et sur le plan pénal, une amende infligée à l’armateur. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 22. 22 connaissement comportant certaines mentions46 , fut d’interdire au transporteur maritime ou à ses préposés de s’exonérer des fautes commerciales47 . En contrepartie, fut institué un certain nombre de causes légales d’exonération (en particulier fautes nautiques commises dans l’administration du navire par ses préposés) et une limitation légale de responsabilité. Le champ d’application du Harter Act est assez large. Il s’applique à tout transport de marchandises par mer (en excluant le transport des animaux vivants) entre des ports américains ou entre ces ports et des ports étrangers, et ce de la prise en charge de la marchandise jusqu’après le déchargement. 17. Le Harter Act eut un grand retentissement en dehors des frontières des USA, et fut dès le début du vingtième siècle adopté dans de nombreux pays Anglo-Saxons48 sous l’influence des chargeurs. Cette législation est effectivement « apparu(e) aux chargeurs de tous les pays comme la législation idéale pour la protection efficace de leurs droits, cette législation faisant disparaître les abus les plus criants des clauses d’exonération, sans méconnaître les intérêts légitimes des transporteurs »49 . Pourtant cette législation, du fait de son caractère unilatéral, n’avait pas d’efficacité au plan international, les Etats ont alors pris conscience de la nécessité d’une législation internationale du transport de marchandises par mer (en particulier d’une réglementation impérative de la responsabilité du transporteur). 18. L’histoire des règles applicables au transport international de marchandises par mer est récente à l’échelle du temps maritime. S’agissant des règles internationales, elles n’existent que depuis l’avènement des Etats et encore a-t-il fallu que ceux-ci s’intéressent à ce domaine de l’activité économique. Au début du vingtième siècle, on assiste au plan international à une prise de conscience par les grandes nations maritimes de la nécessité pour le bon développement du commerce par mer, de promouvoir l’élaboration d’une réglementation homogène et uniforme. Comme le constatait Ripert en 1929 : « le trafic se trouve partout ; il a cessé d’être national pour devenir international. C’est un nouveau type de marine marchande, qui emprunte sa force à toutes les forces de la nation dont elle porte le pavillon, et court le monde à la recherche du trafic qui lui est nécessaire ». Pourtant, il n’existait pas de 46 Celui-ci devait énoncer le poids ou le volume de la marchandise, ainsi que le nombre des colis et leur état apparent (article 4) ce qui permettait de restaurer la valeur probante des énonciations du connaissement en empêchant le transporteur d’insérer la clause « poids inconnu ». 47 Négligence, faute ou défaut dans le chargement, l’arrimage, la garde, le soin ou la livraison de toutes les marchandises, article 1 et 2. 48 Principalement des pays dépourvus de marine marchande et dont le commerce maritime était pratiqué par des chargeurs (on le retrouve dans le Paramount Act australien du 15 décembre 1904, dans la loi canadienne du 4 mai 1910 le Canadian Watercarriage of Goods Act mais aussi repris dans le Code de Commerce marocain du 31 mai 1919). 49 Cf. sur ce point Francis Sauvage, Manuel pratique du transport de marchandises par mer, ibid. p. 12. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 23. 23 réglementation internationale ; seules des réglementations nationales tentaient de régir le transport international des marchandises par mer. 19. Pour lutter contre la diversité de droits appliqués à des navires qui se côtoient en permanence et commercent dans les mêmes ports, est créé en 1896 à Bruxelles le Comité Maritime International (CMI). Il est chargé de promouvoir l’unification du droit. Cette unification fut difficile à obtenir en Europe car les chargeurs de ces pays, qui essayaient d’obtenir de leurs gouvernements une législation comparable à celle du Harter Act (plus protectrice de leurs intérêts), se trouvèrent confrontés à la puissance des transporteurs des pays ayant un armement important50 . Malgré cela, la prise de conscience de la nécessité d’une législation internationale uniforme en matière de transport maritime, la pression des chargeurs (et notamment celle des dominions anglais51 ) ainsi que le développement du crédit documentaire, firent évoluer les mentalités, ainsi « l’armement anglais se sentit sérieusement menacé et comprit que l’entente internationale dont il avait jusqu’ici écarté le principe, constituait la seule solution possible du problème »52 . Les différentes parties furent donc amenées à réaliser une réforme par la voie d’une entente internationale. Ce mouvement fit dire à Ripert que le vingtième siècle assistait à la réalisation progressive de « l’unification internationale du droit maritime ». Il s’agissait plutôt en fait d’une « réunification internationale de la lex maritima »53 du Moyen-âge qui avait été fragmentée dans des codifications « rigides » nationales. 20. Cette réforme initiée par des discussions entre chargeurs et armateurs en vue d’une rédaction des connaissements propre à satisfaire les deux parties, fut poursuivie à l’échelle institutionnelle par les grandes nations maritimes de l’époque, avec le concours des plus importantes associations maritimes (entre autres en liaison avec le CMI) et les représentants des groupements intéressés. Ces nations se réunirent en conférence à La Haye en septembre 1921 (sous l’égide de l’International Law Association) en vue de l’établissement d’une convention54 . Elles adoptèrent les règles sur les transports maritimes par connaissements, 50 France, Grande-Bretagne. 51 Se rapporter sur ce point aux décisions prises par l’Impérial Shipping Committee, qui était l’organisme qui regroupait les chargeurs anglais et des Dominions de l’Empire britannique, en février 1921. 52 Paul de Rousiers, Les Règles de la Haye, et leur mise en application. Le point de vue des armateurs français, Revue internationale de droit maritime (Revue d’Autran, disparue en 1923), XXXIII, 683. 53 Alexender Von Ziegler, Alternatives and methods of unification or harmonization of maritime law, Il diritto marittimo 1999, p. 232. 54 Se réunit donc sur cette poussée, en août 1921 à Scheveningen, une assemblée préliminaire de l’Association de droit international (comité de droit maritime) qui mit principalement aux prises des intérêts anglais (sur les 43 participants on comptait 32 britanniques) : le chef de file des armateurs anglais (Sir Norman Hill) et le chef de file des chargeurs anglais (J.S.M. Mc Conechy). Cinq jours d’âpres discussions furent nécessaires pour mettre au point cette Convention. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 24. 24 connues sous le nom de « Règles de La Haye 1921». L’apport de ces Règles est qu’elles proposent un connaissement-type55 . Le souci des délégués réunis à La Haye était d’éviter une intervention législative car, comme l’indiquait le rapport du Président de la commission du connaissement à la Chambre de commerce internationale, « les Règles doivent plaire et recevoir l’appui de tous les intéressés »56 . Dans le même sens, la conférence internationale des armateurs de Londres de 1921 exprima le vœu qu’elles soient uniformément adoptées par voie contractuelle57 . Ces Règles sont le fruit d’un compromis entre armateurs et chargeurs : les armateurs abandonnant aux chargeurs le principe d’une présomption de responsabilité (responsabilité obligatoire pour les fautes de leurs préposés) ; les chargeurs, eux, devaient accepter un certain nombre de causes d’exonération et le principe de la limitation de responsabilité du transporteur58 . Mais, pour que ces bonnes résolutions soient appliquées, il était nécessaire qu’elles le soient par un nombre assez grand de praticiens59 afin que le jeu de la concurrence ne se réduisît pas à néant60 . Ces règles furent un échec car les parties en présence ne respectèrent pas les engagements pris à La Haye. Cet échec semble avoir plusieurs causes, la principale étant la forme même de ces règles. La rédaction sous la forme d’un connaissement-type, inspirée du modèle anglo-saxon, est confuse : les règles fondamentales de la réforme sont noyées au milieu d’une série de dispositions sans intérêt, ces dispositions étant elles-mêmes placées les unes après les autres, sans qu’il soit fait de distinction entre celles qui reproduisaient le droit commun antérieur et celles qui le modifiaient. S’agissant du contenu des Règles de La Haye, elles ont reproduit les principes essentiels du Harter Act61 . L’échec de ces Règles pointa la nécessité d’une convention internationale et donc de leur transformation en texte impératif. 55 Comme l’indiquent Messieurs Bonassies et Scapel, « il ne s’agit pas d’un texte impératif, mais d’un connaissement-type qui ne pouvait tirer sa force que d’une référence contractuelle – et qui pouvait être écarté au bénéfice d’une negligence clause classique ». Pierre Bonassies et Christian Scapel, Traité de droit maritime, LGDJ Paris, 2006, n° 886, p. 571. 56 Charles Haight, rapport figurant dans la Revue d’Autran, XXXIII, 1086. 57 Massimiliano Rimaboschi, Méthodes d’unification du droit maritime, contribution à l’interprétation uniforme, thèse pour le doctorat en droit, Edizioni Università di Trieste, 2005, p. 92. 58 Nathalie Soisson, La liberté contractuelle dans les clauses du connaissement, thèse pour le doctorat en droit, Université Panthéon-Assas, 1992, p. 9 et s. 59 Cette condition avait été assez tôt identifiée par les armateurs français, Paul de Rousiers, Les Règles de la Haye, et leur mise en application. Le point de vue des armateurs français, op. cit. 60 Les assureurs auraient dû refuser leur garantie lorsque le connaissement qui couvre les marchandises n’était pas conforme à ces connaissements-types, de même les banquiers à leur tour auraient dû refuser l’escompte des documents qui leurs étaient présentés à la suite de ventes commerciales, telles que les ventes maritimes CAF ou FOB, cf. F. C. G. Nabi, thèse pour le doctorat en droit op. cit. p. 11. 61 L’interdiction pour l’armateur de s’exonérer des fautes commerciales de ses préposés avec, comme contre- partie, l’exonération de plein droit des fautes nautiques et l’exonération des vices cachés du navire, le tout sous la condition d’une diligence raisonnable apportée par l’armement à l’accomplissement de ses obligations. Le tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 25. 25 21. En octobre 1922, eu lieu à Bruxelles une nouvelle conférence diplomatique internationale, qui adopta finalement un projet de convention qui était, malgré l’opposition française62 , la reproduction pure et simple des Règles de La Haye. Cette convention fut signée le 25 août 1924 par dix Etats qui représentaient à l’époque deux tiers du tonnage mondial63 . Les ratifications furent très lentes : selon les mots de Ripert, la plupart des pays étaient « effrayés »64 par le texte emprunté aux Règles de La Haye. Les différents Etats qui s’étaient ralliés au texte international devaient en outre introduire dans leur législation interne les règles de la Convention de Bruxelles65 . Les ratifications et les adhésions furent nombreuses66 . A côté des ratifications proprement dites, et à côté des lois nationales qui ont reproduit intégralement le texte de la Convention, on rencontre un certain nombre de lois qui ont adopté les règles essentielles avec certaines modifications d’importances variables, et parfois en modifiant simplement la limite de responsabilité de l’armateur67 . problème est que parmi la multiplicité des causes d’exonération, y figurent certaines comme l’incendie inspiré du droit coutumier britannique et qui ne pouvait pas être introduites dans la législation continentale et en particulier celle française, sans en modifier profondément l’économie. F. Sauvage, Manuel pratique du transport des marchandises par mer, op. cit. p. 13. 62 Malgré la demande de Georges Ripert, représentant de la France, la commission (comme la conférence diplomatique) se refusa à toute modification de forme dans le projet de convention et à tout allégement du texte. La seule concession obtenue fut la signature d’un protocole de clôture de la convention aux termes duquel les Etats signataires peuvent donner effet à la Convention « soit en lui donnant force de loi, soit en introduisant dans leur législation nationale les règles adoptées dans la convention, sous une forme appropriée à cette législation ». 63 « L’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Italie, le Japon, la Pologne, la ville de Dantzig et la Roumanie ». 64 Georges Ripert dans une note au Dalloz sous l’arrêt de la Cour de cassation du 08-06-1948, D 1948, 553. Celui-ci fut très critique sur ce texte, il estima ainsi lors de la première séance plénière du Sous-Comité que « it seemed impossible that so long document containing principally rules where application was discretionary should be introduced into internal legislation. In France the convention was considered as flawed because it originated from a prototype bill of lading drawn up at The Hague with the aim of producing a compromise between shipowners and shippers and of regulating completely the liability of one and the rights of the other. But the transformation of the prototype bill of lading into an internal convention comprising clauses such as those in article 4, which have no binding force since the article 5 the carrier is free to abandon all or some of the rights and immunities provided for by the convention, would certainly come up against difficulties. Mr. Ripert would like the commission to limite itself to conceding a few principles and to grouping them into five or six articles that would form an international convention binding in all its parts. This convention would determine the types of carriage to which the rules would apply and their obligatory character. Each state would be free, moreover, to reproduce in its internal law the precise text of the Hague Rules. He judged that the convention, as presently drafted, would meet with considerable opposition in the french legislature if a law had to be made of it”. Publié in The travaux préparatoires of the Hagues Rules and of the Hague-Visby Rules, Anvers, 1997, p. 49, procès verbal, p. 36. 65 Certains Etats comme la Grande-Bretagne se bornèrent à reprendre le texte même de la Convention sans y apporter le moindre changement : la Grande-Bretagne adopta dès le 1er août 1924, et avant même d’avoir ratifié la convention, une loi interne dite « The Carriage of Goods by Sea Act 1924 » qui en reproduisait les dispositions. La Belgique fit de même dans une loi du 20 novembre 1928 devenue l’article 91 de son Code de Commerce. D’autres Etats par contre ont été guidés par le souci d’adapter ce texte d’origine Anglo-Saxonne à la rédaction longue et parfois désordonnée à leur culture juridique. 66 Espagne et Hongrie en 1930, Portugal et Monaco en 1931, Etats-Unis et Roumanie en 1937, Italie, Suède, Norvège et Danemark en 1938… (de nombreux Etats qui n’avaient pas pris part à la conférence de Bruxelles y ont adhéré à posteriori). 67 A titre d’exemple on peut citer les Pays-Bas qui ont promulgué en 1924 une loi qui est un code complet de l’affrètement, où l’on rencontre la plupart des règles de la convention, mais avec une rédaction différente. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 26. 26 A l’heure actuelle, plus de cent Etats (dont plusieurs pays en développement) ont ratifié cette Convention ou y ont adhéré. La Convention est entrée en vigueur en 1931, elle l’est toujours et, pour des auteurs tels que Messieurs Scapel et Bonnaud, elle est « indiscutablement la grande Convention du vingtième siècle »68 . En effet, cette Convention était issue de la réalité du commerce et de l’entente des professionnels. C’est pour ces raisons qu’elle s’est affirmée dans la pratique comme le droit le plus répandu dans les transports maritimes. Cet outil conventionnel constitue une transaction destinée à vider les querelles entre les chargeurs et les transporteurs mais n’a pas pour but d’instaurer un régime complet pour le transport de marchandises par mer. Il vise seulement à faire reconnaître le connaissement comme étant un document de base d’opérations de crédit et à le protéger en tant que tel. En conséquence, la Convention ne s’applique qu’aux transports constatés par connaissement ou tout autre document similaire formant titre pour le transport des marchandises par mer. 22. La Convention de Bruxelles de 1924, n’ayant pas eu la « sagesse de prévoir sa périodique révision »69 , il est rapidement apparu nécessaire d’adapter celle-ci aux évolutions de la technique. Cette révision était principalement revendiquée par les chargeurs70 . D’une part, ils estimaient que les dispositions portant sur le régime de responsabilité du transporteur et notamment ses possibilités d’exonération, devaient être modifiées car celles-ci étaient floues et ambiguës. D’autre part, ils arguaient du fait que la diminution des risques maritimes due aux progrès de la technique devait aboutir à une nouvelle répartition des risques et notamment à la suppression de la possibilité pour les transporteurs de dégager leur responsabilité pour des risques dorénavant facilement évitables71 . Une autre critique invoquée contre la Convention était le fait que celle-ci ne définissait pas précisément ce qu’elle régissait. 23. Le mouvement étant lancé, le CMI fut saisi, comme pour la Convention de 1924. L’avant-projet72 de cette révision fut préparé au cours de réunions tenues annuellement73 . Francis Sauvage, Manuel pratique du transport des marchandises par mer, op. cit. p. 16. 68 Christian Scapel et Jacques Bonnaud, Les conventions internationales sur le transport des marchandises, Pratic exporte, 1992, p. 6. 69 René Rodière, La révision de la Convention de Bruxelles relative aux transports maritimes internationaux, Bulletin des transports et des chemins de fer, 1974, p. 14-41. 70 Une première attaque fut lancée par les armateurs britanniques contre cette Convention après une décision des tribunaux anglais (affaire S/S Muncaster Castle70 ) dans laquelle un armateur avait été condamné à réparer des dommages dus à un vice de son navire que la Chambre des Lords n’avait pas estimé entrer dans la catégorie des vices cachés au sens de la Convention. Riverstone Meat C° versus Lancashire Shipping C°, 1961, A.C. 807, obs. Bonassies, DMF 1963, 246. 71 René Rodière, Traité général de droit maritime, op. cit. T II 1968, n° 710 et s. 72 Une fois cet avant-projet élaboré, il fut envoyé au Gouvernement Belge qui convoqua la « Conférence diplomatique de droit maritime ». Elle se réunit pour la première fois en mai 1967, et rejeta en bloc le projet car celui-ci n’avait pas mis au point la manière dont la Convention serait modifiée. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 27. 27 C’est la douzième conférence diplomatique réunie à Bruxelles en février 1968 qui a abouti à la rédaction et à l’adoption du « Protocole portant modification de la Convention internationale pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement signée à Bruxelles le 25 août 1924 », dénommé par les Anglo-Saxons « Règles de Visby »74 . Ce Protocole a précisé et étendu75 le domaine de la Convention. En effet, l’article 10 de la Convention de Bruxelles de 1924 qui prévoyait qu’elle s’appliquerait à tout connaissement émis dans un Etat contractant était trop sommaire et avait donné lieu à des difficultés76 . Les rectifications apportées aux dispositions de la Convention de 1924 par ses Protocoles feront l’objet d’une étude ultérieure, celles-ci ne modifient pas fondamentalement l’ordonnancement de la Convention77 . Ces changements mineurs n’ont d’ailleurs pas donné pleine satisfaction aux chargeurs et notamment à ceux des pays en développement. Par la suite, l’abandon de l’or comme valeur étalon en 1978 a conduit à adopter une nouvelle unité de compte afin que sa valeur suive l’évolution des principales monnaies et que la conversion en monnaies nationales soit simple. Le Protocole de Bruxelles du 21 décembre 1979, mis en œuvre par le Fonds Monétaire International (FMI), a introduit le Droit de Tirage Spécial (DTS) comme unité de compte pour le calcul des limites de responsabilité du transporteur. Il est entré en vigueur le 14 février 198478 . Sur le plan interne, le législateur français a aligné, par la loi du 23 décembre 1986, la réglementation française par rapport aux modifications apportées par les Protocoles de 1968 et 1979 à la Convention de 1924. 24. Les années soixante ont vu naître dans le domaine du transport maritime un élément de discorde. Il s’agit de la volonté des pays en développement de s’insérer dans la vie 73 Conférence de Rijeka 1959 et conférence de Stockholm 1963. 74 Protocole entré en vigueur le 23-06-1977 et qui lie la France depuis sa publication par le décret n°809 du 08 juillet 1977, D 1977, L 331. 75 Le Protocole a admis que, par le jeu de la clause Paramount, soit donné effet à la Convention de 1924 modifiée, lorsque le connaissement y renvoie expressément, dans les cas où normalement elle ne s’appliquerait pas. 76 Les tribunaux français ont eu à les régler, cf. René Rodière, La réforme de la Convention de Bruxelles de 1924 sur les transports par connaissement, Bulletin des Transports 1968, p. 90 et s. 77 La principale modification apportée par le Protocole de 1968 à la Convention pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement de 1924, concerne le plafond de réparation. Ce Protocole ne modifie pas les principes de la Convention mais se borne avec quelques précisions utiles à relever les chiffres de la réparation. En outre a été substituée dans le calcul du plafond de limitation, la référence du Franc Poincaré à celle de la livre-or, et a été prévue une double limitation de la responsabilité du transporteur lui donnant le choix entre « colis ou unité » et « kilogramme de poids brut » (cette mesure, prise à l’initiative des Etats-Unis, permettait de prendre en compte les chargements par conteneurs). Par ailleurs, le plafond de responsabilité est désormais écarté en cas de faute inexcusable et non plus seulement de dol du transporteur. Pour une étude complète cf. Nathalie Soisson, op. cit., p. 15 et s. 78 Ratifié par la France le 18 novembre 1989. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 28. 28 économique mondiale. Cette tentative fut appuyée par des revendications politiques. Parmi celles-ci, les pays en développement aspirèrent à une révision du droit des transports maritimes, estimant en effet que la Convention de Bruxelles et ses modifications favorisaient uniquement les armateurs. Ce remaniement du droit maritime était inspiré par des considérations diverses. Il s’agissait, d’abord, de s’insurger contre le fait que le CMI, organe pendant longtemps unique oeuvrant pour l’unification du droit maritime, aurait subi l’influence des vieilles nations maritimes79 . Ensuite, il s’agissait de vues plus théoriques visant à aligner le droit du transport maritime sur le droit des autres modes de transport80 . 25. Les pays en développement, souhaitant réviser des règles qui leur paraissaient avoir été élaborées en leur absence par les grandes puissances maritimes au sein du CMI, ont amené les Nations unies à se saisir de la question81 . Ce projet de réforme du droit maritime international est apparu aux pays en développement comme quelque chose de crucial pour eux, car celui-ci était perçu comme permettant aux pays 79 Cette observation paraît évidente puisque le CMI émane justement de ces nations, mais c’est ce qui permet d’expliquer que celui-ci ne jouit pas d’une autorité mondiale aux yeux des Etats du tiers monde. Michel Alter, La Convention sur les transports de marchandises par mer (Règles de Hambourg), JDI, n°4, 1979, p. 795 et s. 80 Claire Legendre, La Convention des Nations unies sur le transport de marchandises par mer, DMF, 1978, p. 388 et s. 81 Au sein des Nations unies, deux organismes avaient vu le jour au début des années 60 : la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED 1964) et la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI 1966) qui avaient été créées sous la pression d’un mouvement de défense des chargeurs des pays en développement (Asie, Afrique, Amérique latine…). Le Professeur du Pontavice a expliqué la création de ces organismes par la volonté de faire cesser « le conflit dantesque entre le droit maritime dominant, celui qui découle de la « common law » et les aspirations des pays en développement », Emmanuel du Pontavice, L’œuvre du Doyen Rodière en droit maritime, DMF 1982, p. 719. Cette révision des règles et pratiques du connaissement a donc été inscrite dans le programme du groupe de travail de la CNUCED. Lors de sa deuxième réunion, ce groupe de travail a souligné, dans une résolution adoptée à l’unanimité, la nécessité de réviser la Convention. Cette résolution, adoptant certaines directives sur la manière d’examiner une réforme de la législation du transport de marchandises par mer, avait comme but avoué d’aggraver la responsabilité du transporteur maritime. Le groupe de travail de la réglementation internationale des transports maritimes chargea donc la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI 1966), dont les membres sont de formation plus juridique, d’élaborer un nouveau texte conformément aux directives du groupe de travail de la CNUCED (celle-ci étant plus un organe politique que de travail). Ce projet ambitieux destiné à remplacer la Convention de 1924 et les Protocoles la modifiant fut combattu par certains Pays développés à économie de marché ( Michel Alter, La Convention sur les transports de marchandises par mer, op. cit., p. 795) qui refusaient de reconnaître compétence à la CNUCED et à la CNUDCI de s’attribuer de telles prérogatives alors que des organismes installés de longue date avaient déjà prouvé leur efficacité dans le domaine de la création et de l’adaptation de la législation maritime internationale (CMI). Malgré ces réticences, la CNUCED s’est attribuée une pareille compétence de substitution lors de sa réunion à Nouvelle-Delhi en mars 1968. Composé de 21 Etats, le groupe de travail de la CNUDCI (dont le nombre important s’explique par l’ampleur de la tâche), à l’issue de sa huitième session, a adopté un projet de convention. Ce projet fit ensuite la navette entre la CNUCED et la CNUDCI qui l’adopta finalement lors de sa neuvième session du 12 avril au 17 mai 1976 à New York. Ces travaux préparatoires réalisés par la CNUDCI ont duré sept ans : le but de cet organisme était « de réviser les aspects économiques et commerciaux de la législation et de la pratique internationale dans le domaine des connaissements, sous l’angle de leur conformité aux besoins du développement économique, notamment des Pays en voie de développement, et de formuler les recommandations appropriées » Traduction de Nathalie Soisson in, La liberté contractuelle dans les clauses du connaissement, thèse pour le doctorat en droit, op. cit. , p. 20. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 29. 29 développés « d’assurer leur maîtrise sur les marchés extérieurs et en particulier sur les pays en développement »82 . 26. Un projet a été soumis, en mars 1978, à une conférence de plénipotentiaires convoquée par l’Assemblée générale des Nations unies à Hambourg. La Convention des Nations unies sur le transport de marchandises par mer a été adoptée après de nombreux débats, le 31 mars 1978, par les représentants de 72 Etats83 , en présence de 8 organisations gouvernementales et 7 organisations semi-gouvernementales. Ce projet de la CNUDCI fut bien près de connaître l’échec en raison des clivages : d’un côté, les représentants des pays en développement84 marquaient leur accord en faveur du projet alors que certains grands Etats maritimes manifestaient leur intention de revenir au régime de la Convention de 1924 ou souhaitaient encore alléger la responsabilité du transporteur. Les Règles de Hambourg85 sont entrées en vigueur le 1er novembre 199286 (grâce à la ratification de la Zambie)87 . Elles furent considérées par leurs instigateurs, les pays en développement représentant les deux tiers de la conférence, comme un succès politique à mettre à leur actif. En ce qui concerne les sources d’inspiration de ces Règles, le Professeur du Pontavice insiste sur « l’influence importante que les auteurs anglo-saxons passent régulièrement sous silence... de la loi de 1966 relative à l’affrètement et au transport maritime sur la Convention de Hambourg concernant le transport de marchandises par mer de 1978... »88 . 82 Nathalie Soisson, op. cit., p. 19. 83 Soixante-huit se prononcèrent et 4 s’abstinrent : Canada, Grèce, Libéria, Suisse. 84 L’expression pays en développement a remplacé celle de pays en voie de développement. Cette expression est utilisée pour désigner des pays qui, malgré la diversité de leurs situations individuelles, se caractérisent par l’étendue et l’importance de leurs déficiences (faiblesse du revenu national, insuffisance des ressources alimentaires, sous-industrialisation …) Lexique des termes juridiques, Dalloz 15ème éd, 2005. On désigne traditionnellement un groupe de 77 Etats au sein de l’ONU. 85 Comme ses rédacteurs l’ont expressément souhaité en hommage à l’hospitalité accordée par la ville Hanséatique de Hambourg, Pierre Bonassies, Le domaine d’application des règles de Hambourg, in n° spécial IMTM, L’entrée en vigueur des Règles de Hambourg, 1992, p. 15 et s. 86 Cette Convention, dénommée Règles de Hambourg, devait conformément à son article 30 entrer en vigueur « le premier jour du mois suivant l’expiration d’un délai d’un an à compter de la date du dépôt du vingtième instrument de ratification, d’acceptation ou d’adhésion ». 87 La France quant à elle, a signé la Convention le 18 avril 1979 et a autorisé la ratification de cette Convention par la loi du 15 avril 1981. Malgré cela, celle-ci n’a toujours pas été ratifiée. 88 Bien entendu l’extension de la responsabilité du transporteur réalisée par les Règles de Hambourg est également due à l’influence des dispositions similaires contenues dans les conventions internationales sur le transport de marchandises par rail, par route ou par air, mais la formulation spécifique des règles est bien due à la loi française de 1966. Monsieur du Pontavice, évoquant cette extension de la responsabilité du transporteur, fait référence aux principaux apports des Règles de Hambourg qui modifient le régime de responsabilité du transporteur : d’abord en substituant la présomption de responsabilité dont il faisait l’objet par une présomption de faute, ensuite en renversant la charge de la preuve : le transporteur est responsable des pertes ou dommages « à moins qu’il ne prouve que lui-même, ses préposés ou mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées pour éviter l’évènement et ses conséquences » (art. 5), et enfin en supprimant la tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 30. 30 Cet historique permet de constater la pluralité de normes applicables au droit du transport international de marchandises par mer. Cette coexistence contemporaine de différentes normes soulève la question de l’uniformité du droit. On peut supposer que celle-ci est souhaitée, pour des raisons pratiques, par les magistrats et autres avocats, praticiens du droit. Qu’en est-il s’agissant de la doctrine ? liste des cas exceptés (et en particulier en supprimant la faute nautique considérée comme défavorable aux chargeurs). Cf. Emmanuel du Pontavice, L’œuvre du Doyen Rodière en droit maritime, DMF 1982, p. 657. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 31. 31 Section II – L’uniformité du droit : idéal et réalité 27. Le besoin d’une certaine homogénéité ou cohérence du droit, en un mot d’une uniformité, est exprimé classiquement. Celui-ci peut-il être vérifié ? 28. Les normes de l’ordre juridique, le « droit », règlent la conduite des hommes en relation avec le temps et l’espace89 . Le domaine de validité spatial et temporel de la norme peut avoir vocation à être plus ou moins étendu. Les hommes ont eu très tôt tendance à vouloir propager les règles de droit qu’ils créaient : c’est l’apparition de l’idée d’une communauté de droit transcendant les frontières. L’idéal d’un droit unifié était né. La simple idée d’un droit unifié ou unique, ou en tout cas cette vocation du droit à l’universalité, est assez ancienne (et difficile à dater de façon précise) et partagée par de nombreux auteurs90 . Comme l’exprime le Professeur Malaurie, « la marque du génie humain est la diversité en même temps que l’unité est un besoin qui a toujours hanté les hommes, pas seulement dans la vie sociale, mais dans tous les domaines… »91 . On trouve déjà l’idée d’un droit naturel en Grèce92 . Chez les Romains, c’est le jus gentium à vocation universelle93 . L’âge des Lumières et la Révolution de 1789 ont aussi développé une telle aspiration à l’universalité fondée sur le fait que la loi écrite, expression de la volonté générale, est la garantie suprême de l’individu. Montesquieu et Rousseau ont placé la loi au centre de leurs réflexions politiques. Pour les « esprits éclairés », la loi apparaissait comme le pur produit de la raison et de l’évolution alors que les coutumes, d’origines incertaines, diverses, complexes, étaient un symbole manifeste de l’irrationalité. A cette époque, l’homme est perçu comme étant le sujet central du monde. C’est le moment des grandes déclarations des droits de l’homme et du citoyen. Tout système juridique doit être organisé autour de ce sujet car il porte en lui des principes de vie en société, des règles élémentaires, et de ce fait, immuables. Il en 89 Hans Kelsen, Théorie pure du droit, Paris, Dalloz, 2ème éd. , 1962, p. 17. 90 Kant cherchait le « principe universel du droit », selon lequel « est juste toute action qui permet ou dont la maxime permet à la liberté de l’arbitre de tout un chacun de coexister avec la liberté de tout autre suivant une loi universelle », Kant, Métaphysique des mœurs, première partie, Doctrine du droit, introduction à la doctrine du droit, préface de Michel Villey, Librairie philosophique J. Vrin Paris 1986, p. 104. Savigny basait lui sa réflexion sur la « communauté du droit entre les différents peuples », Pierre Mayer, Droit international privé, 3ème éd. Montchrestien, Paris 1987. 91 Philippe Malaurie, Loi uniforme et conflits de lois, Travaux du Comité français de droit international privé, 1967, p. 83. 92 Les Grecs admettaient l’idée de normes supérieures, dont l’origine n’était pas purement humaine. On en trouve une référence dans l’Antigone de Sophocle quand celle-ci affirmait avoir obéi « à des lois non écrites des dieux, qui ne sont ni d’aujourd’hui ni d’hier ». Jean-Louis Thireau, Introduction historique au droit, Champs Université Flammarion, 2001, p. 37. 93 Michel Villey, Considérations intempestives sur le droit des gens, Archives de philosophie du droit, Tome 32, le droit international, éd. Sirey 1987, p. 13-19. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 32. 32 résulte un droit applicable universellement. Cette conception du droit interne a inspiré des générations de juristes et a naturellement été transposée dans l’ordre international. 29. C’est au cours du premier quart du vingtième siècle, et notamment sous l’impulsion de Lévy-Ullmann, que des juristes, attirés par le droit comparé94 , s’orientèrent vers la recherche d’un « droit mondial du vingtième siècle ». A cette époque, « on se plaisait à souligner les inconvénients, sinon la contradiction intime, que présentait la disparité des lois nationales dans un monde où se développaient intensément les relations entre Etats et qui prétendait organiser une « Société des Nations »95 . C’est l’accroissement important des relations internationales privées au vingtième siècle qui a déclenché un processus d’unification internationale soutenu par des organismes tels que la CNUDCI et UNIDROIT96 . Ces organisations à vocation universelle ont pour but d’uniformiser le droit. A une échelle géographique plus modeste, la Communauté européenne adopte des règles de droit qui seront les mêmes pour tous les Etats membres. Ces efforts ont été relayés par des auteurs, ainsi les manuels d’introduction au droit comparé énoncent, à quelques exceptions près, parmi les objectifs de leur matière, l’unification internationale du droit97 . 30. L’idéal d’uniformité du droit est ancien et concerne tant le droit interne que le droit international. Pourtant, dans la réalité, cet idéal est-il réalisable (paragraphe 1) ou n’est-il pas plutôt souhaitable de parvenir à une uniformité relative du droit (paragraphe 2) ? Paragraphe 1 – L’idéal d’uniformité du droit 31. L’uniformité du droit exerce un attrait idéologique sur les esprits épris de systématisation. Comme le souligne le Professeur Delmas-Marty, « le droit a horreur du multiple. Sa vocation c’est l’ordre unifié et hiérarchisé, unifié parce que hiérarchisé »98 . Cette uniformité apparaît comme un idéal de simplicité, de méthode, d’ordre. Le droit est, en effet, l’ordre juridique. Il est destiné à régir les rapports humains, à éviter les tensions. L’uniformité étant rarement spontanée, l’intervention du législateur est nécessaire. Dans cette optique, 94 C’est lors d’un congrès international réuni à Paris en 1900 à l’occasion de l’exposition universelle que des juristes attirés par le droit comparé imaginèrent un « droit commun de l’humanité civilisée », fondé sur les principes communs aux « nations civilisées », Raymond Saleilles, Congrès international de droit comparé, LGDJ, Paris, 1900, p. 13. 95 Marc Ancel, Rapprochement, unification ou harmonisation des droits ? op. cit. , p. 3. 96 L’Institut international pour l’unification du droit privé a été créé à Rome en 1926 à l’initiative du Gouvernement italien et du conseil de la Société des Nations. L’Institut international œuvre pour l’unification et l’harmonisation des règles de droit privé dans le domaine économique. 97 René David et C. Jauffret-Spinosi, Les grands systèmes de droit contemporain, 10ème éd. Paris, 1992, p. 8. 98 Mireille Delmas-Marty, Trois défis pour un droit mondial, Seuil essais, 1998, p. 104. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 33. 33 l’unification législative apparaît comme un travail d’élaboration scientifique de la solution la meilleure et la plus appropriée aux besoins communs. Parvenir à uniformiser le droit nécessite un effort de recherche pour adopter un droit le plus efficace et le plus simple possible. Ces deux qualités sont indispensables pour que ce droit réussisse l’ambitieuse tâche qui lui est assignée : celle de devenir un droit uniforme. En effet, que souhaiter de mieux qu’un droit unifié ou unique ? L’uniformité paraît de ce fait être porteuse de simplification. Cette simplification résulte de la substitution d’un droit unique à la multitude des droits applicables. L’uniformité permettra aussi d’assurer l’effectivité du droit car « il semble que la multiplication des normes, leur instabilité, leur excessive complexité faite de sédiments successifs pas ou peu cohérents, rend presque impossible un respect scrupuleux du droit »99 . 32. En matière internationale, cette complexité est encore renforcée par les problèmes de traduction ou de compréhension d’un système juridique étranger auxquels les juges vont être confrontés lorsqu’il s’agit d’appliquer des lois étrangères qui ne leur sont pas coutumières. De plus, les rapports internationaux ayant parfois de multiples éléments de rattachement avec plusieurs Etats, les parties se trouvent confrontées à plusieurs droits potentiellement applicables : on comprend l’imprévisibilité qui en découle. C’est pour cela que Messieurs David et Jauffret-Spinosi estiment que « l’une des tâches principales qui incombent au juriste soucieux de faciliter les rapports internationaux est de tenter de mettre fin à ces divergences ; dans un monde où les rapports internationaux ont pris une si grande importance, il convient de donner une assise sûre à ces rapports. Une entente doit être réalisée entre les divers pays pour que partout soit appliqué, à un rapport donné, le même droit. Les Etats doivent élaborer et accepter en la matière, des solutions uniformes »100 . 33. Le Professeur Battifol a assigné deux objectifs au droit international privé qui peuvent être étendus au droit du transport international de marchandises par mer en ce qu’il concerne lui aussi des personnes privées impliquées dans des relations juridiques internationales101 . Ces deux objectifs sont l’harmonie internationale des solutions102 et leur prévisibilité103 . En ce qui concerne la prévisibilité du droit, ce caractère semble inhérent à la nature même du droit qui se veut « le triomphe (aussi durable que possible bien que jamais définitif) de la 99 B. Seiller, La reconnaissance d’un droit au droit, in L’accès au droit, colloque organisé le 8 juin 2001 par le Centre de recherche en droit privé de l’Université de Tours, Publication de l’Université François Rabelais, Tours, 2002, p. 42. 100 René David et Camille Jauffret-Spinosi, Les grands systèmes de droit contemporain, 11ème éd. 2002, Dalloz Paris, n° 7 p. 7. 101 Pierre Mayer et Vincent Heuzé, Droit international privé, Montchrestien Paris, 8ème éd. 2004, n° 2 p. 2. 102 Henri Battifol, Aspects philosophiques du droit international privé, Dalloz, Paris, 1956, p. 212 et s. 103 Henri Battifol, Problèmes de base de philosophie du droit, LGDJ Paris, 1979, p. 131. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 34. 34 stabilité sur le mouvement »104 . La prévisibilité est généralement associée à la lisibilité de la règle de droit, à son accessibilité et à sa stabilité qui sont autant de caractères de la sécurité juridique. Pour Messieurs Jacquet et Delebecque, l’adoption d’une réglementation en matière de commerce international devrait assurer « stabilité et sécurité »105 aux relations juridiques et favoriser ainsi le développement des échanges dans la société internationale. Si le développement des échanges est un objectif qu’il n’est pas nécessaire de démontrer, il faut en revanche accepter l’axiome selon lequel la sécurité juridique permet d’y parvenir. La sécurité juridique est une notion protéiforme106 qui connaît de nombreux développements actuels devant les juridictions administratives107 et judiciaires108 . Du fait du caractère complexe et incertain de cette notion, il est nécessaire de la manier avec précaution. En ce qui concerne à présent l’harmonie internationale, celle-ci permet d’assurer la prévisibilité du droit. L’harmonie internationale idéale serait de parvenir à une législation unique applicable aux relations internationales, en un mot d’unifier le droit. 34. Ainsi l’existence d’un droit uniforme permettrait d’éliminer les malentendus et difficultés des civilisations qui doivent vivre ensemble109 et par ce biais faciliterait les échanges. La diversité des lois dans le domaine des échanges commerciaux a un coût 104 M. Chevillier-Gendreau, Introduction générale au droit, Paris, Eyrolle, 1990, p. 77. 105 Jean-Michel Jacquet et Philippe Delebecque estiment que le commerce international « a un besoin vital de droit » qu’ « il apporte aussi stabilité et sécurité » (…) et qu’ « il est à prévoir que le commerce se déployant dans une société foncièrement homogène et où les conflits d’intérêts sont considérables et les enjeux énormes, toutes les fins du droit seront sollicitées ». In Droit du commerce international, 3ème édition Cours, Dalloz Paris 2002, n° 8. 106 Le Professeur Chapus relève que « les facettes du principe de sécurité juridique sont innombrables », Droit administratif général, T1, Montchrestien 2001, p. 106. 107 Ce principe de sécurité juridique a été consacré par le Conseil d’Etat dans la décision « société KPMG » du 24/03/2006, cet arrêt faisant suite aux préoccupations relatives à la sécurité juridique figurant dans le Rapport public 2006 de la Section du Rapport et des études du Conseil d’Etat. Paul Cassia, La sécurité juridique, un « nouveau » principe général du droit aux multiples facettes, D 2006, n° 18, p. 1190 et s. D’autre part il faut indiquer que le Conseil constitutionnel statue sur la conformité des lois au principe de sécurité juridique. Cf. sur ce point B. Mathieu, La sécurité juridique : un principe constitutionnel clandestin mais efficient, Mélanges Patrice Gélard, LGDJ Paris 1999, p. 302. 108 La Cour de cassation considère, au sujet de l’application immédiate des solutions jurisprudentielles nouvelles, que les justiciables ne sauraient revendiquer le droit au maintien d’une jurisprudence « figée », « immuable » ou encore « constante ». Sur ce point, entre autres, Cass. Civ. I. 09/10/2001, D 2001, J. p. 3470 ; Cass. Civ. II 08/07/2004, D 2004, J, p. 2956 ; Cass. Soc. 17/12/2004, D 2005, IR, p. 110. Cette jurisprudence et le Rapport Molfessis sur les revirements de jurisprudence (qui a été remis au premier Président de la Cour de cassation le 30/11/2004 et qui encourage la Cour de cassation à poursuivre dans ce sens, tout en préconisant que la Cour suprême puisse moduler dans le temps les effets de sa décision en s’abstenant d’appliquer la solution nouvelle à certaines espèces) sont très critiqués par la doctrine. Selon d’éminents auteurs, cette rétroactivité des revirements de jurisprudence porte atteinte à la séparation des pouvoirs, à la prohibition des arrêts de règlement mais aussi et surtout au principe de sécurité juridique. Cf. sur ce point : C. Radé, La rétroactivité des revirements de jurisprudence, D 2005, Chronique, p. 988. Vincent Heuzé, A propos du rapport sur les revirements de jurisprudence, une réaction entre indignation et incrédulité, JCP éd. générale 2005, n° 14, 1 p. 671. William Dross, La jurisprudence est-elle seulement rétroactive ? (à propos de l’application dans le temps des revirements de jurisprudence), D 2006, Chronique p. 472. 109 En ce sens, cf. colloque sous la direction de M. Cappelletti, Nouvelles perspectives d’un droit commun de l’Europe, Leyden et Bruxelles, 1978. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 35. 35 économique. En effet, reprenant l’analyse économique du droit du Prix Nobel d’économie Monsieur Coase, le Professeur Muir Watt montre que tant l’information sur le contenu d’une loi étrangère que l’application d’une législation protectrice de l’une des parties ont un coût économique110 . 35. En définitive un droit unifié, simple et stable, semble le meilleur moyen d’assurer aux particuliers une certitude raisonnable quant à la loi applicable. Pourtant, comme le souligne le Professeur Ancel : « cette unification formelle, hier tant vantée, est aujourd’hui l’objet de critiques multiples »111 . Paragraphe 2 - Un besoin relatif d’uniformité 36. L’idée selon laquelle le droit international a besoin d’uniformité doit être relativisée tant en ce qui concerne la possibilité d’arriver à une telle uniformité qu’à propos de l’intérêt d’un tel processus. 37. Il apparaît d’abord que la recherche de l’uniformité est confrontée dans la réalité à de nombreux obstacles. Le concept même d’uniformité du droit pose des difficultés car celle-ci peut varier sur trois aspects : - le champ d’application géographique de l’uniformité peut être plus ou moins large (universel, régional, national) ; - le champ d’application matériel (la ou les matières visées) : l’uniformité peut ne viser que certaines matières, qu’un type d’activité ou au contraire viser toutes les branches du droit ; - l’intensité de l’uniformité : il peut s’agir d’une uniformité matérielle ou conflictuelle, d’une uniformité globale ou limitée ou encore absolue ou relative (elle ne s’appliquera que pour des relations concernant des Etats contractants). Il apparaît ainsi que parler d’uniformité peut prêter à confusion tant le terme peut désigner des phénomènes différents. L’uniformité absolue, totale, même si elle est concevable en théorie, est irréalisable en pratique. L’unification absolue qui serait une unification politique, juridique, judiciaire et linguistique est impossible du fait de la diversité des ordres juridiques et du respect de leur indépendance. L’uniformité est actuellement présentée comme un mythe, l’usage de la 110 Horatia Muir Watt, Law and economics : quel rapport pour le droit international privé ? , in études offertes à Jacques Ghestin, Le contrat au début du XXIème siècle, LGDJ Paris, 2001, p. 693 et 694. 111 Marc Ancel, ibid. , p. 5. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 36. 36 dénomination « mythe » participant à l’entreprise de contestation et de déconstruction de l’uniformité112 . Il ne viendrait à l’idée de personne aujourd’hui de proposer une uniformité totale du droit. Cette idée apparaît même dangereuse car il y aurait un risque de totalitarisme, d’hégémonie d’un système. L’uniformité, si elle est envisagée, l’est de façon fragmentaire. Montesquieu développait déjà une telle idée en 1748 en écrivant qu’ « il y a certaines idées d’uniformité qui saisissent quelques fois les grands esprits mais frappent infailliblement les petits. Ils y trouvent un genre de perfection qu’ils reconnaissent, parce qu’il est impossible de ne pas le découvrir, les mêmes poids dans la police, les mêmes mesures dans le commerce, les mêmes lois dans l’Etat, la même religion dans toutes ses parties. Mais cela est-il toujours à propos, sans exception ? Le mal de changer est-il toujours moins grand que le mal de souffrir ? Et la grandeur du génie ne consisterait-elle pas mieux à savoir dans quel cas il faut de l’uniformité, et dans quel cas il faut des différences ? (…) Lorsque les citoyens suivent les lois, qu’importe qu’ils suivent la même ? »113 . L’uniformité sera ainsi impossible dans des domaines où les divergences sont trop fortes. Il y a ainsi une place « pour une unification limitée du droit qui ne porte qu’une atteinte partielle à la souveraineté des Etats par le jeu des traités librement consentis et à l’objet soigneusement délimité »114 . Les partisans du droit uniforme s’efforcent alors de dégager les matières ou branches du droit les plus propices. Cet effort pour circonscrire le domaine d’élection d’une réglementation uniforme est motivé par un souci d’élaborer un système de droit intrinsèquement cohérent. Pourtant, même dans une branche du droit considérée comme propice à l’uniformité, comme peut l’être le droit du commerce international (les relations étant en ce domaine fortement « internationalisées »), le processus est fragmentaire : il ne concerne que certains contrats, certaines relations. Pour atteindre une uniformité du droit, il est nécessaire de faire le choix d’une tradition juridique, d’une législation pour élaborer le droit uniforme ou alors de faire des compromis entre des législations, ce qui pose d’évidents risques de désaccord entre les Etats. En outre, il est fréquent que même pour les relations qui font l’objet d’un droit uniforme au niveau international, subsiste toujours un droit national. De ce point de vue, l’uniformité du droit international peut avoir un effet perturbateur. Ainsi que le souligne Monsieur Marchand, « l’harmonisation « horizontale » du droit implique en effet 112 Didier Guignard, La notion d’uniformité en droit public français, thèse pour le doctorat en droit, Université des sciences sociales Toulouse I, 2002, p. 6 et s. 113 Montesquieu, De l’esprit des lois, éditions Flammarion, Paris 1979, tome 2, livre XXIX, chapitre XVIII p. 307 et s. 114 Philippe Malaurie, Lois uniforme et conflits de lois, Travaux du Comité français de droit international privé, 1967, p. 84. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 37. 37 une désorganisation « verticale » ; ce que le droit gagne en cohérence internationale, il le perd en rationalité nationale »115 . 38. Il apparaît alors que, malgré l’effort pour rendre le droit prévisible, cette prévisibilité restera relative. Monsieur Muzny116 a montré que la prévisibilité du droit va dépendre de trois paramètres : le langage, l’interprète et le temps : du langage qui limite la prévisibilité de la loi « en raison de son abstraction » car les « mots constituent une représentation appauvrie de la réalité qu’ils expriment » ; de l’interprète car le juge est tributaire d’un « conditionnement social » et de « sa norme personnelle » ; et enfin du temps car « le droit subit continuellement les caprices du temps qui passe ». La conclusion de ces constatations étant que « l’insécurité juridique apparaît comme une insécurité structurelle, inhérente au système juridique car impliquée par les déficiences et lacunes intrinsèques à ce système »117 . 39. L’utilité même de tendre vers l’uniformité du droit est contestable : le droit ne se doit- il pas d’être adapté aux personnes à qui il est destiné, adapté aux matières en cause ? Par exemple, le droit pénal étant à la fois un droit permettant de protéger la société et de réprimer des comportements, il apparaît normal qu’il soit rigide. En revanche, le droit commercial étant un droit visant à encadrer et faciliter la circulation des richesses (biens et services), il a besoin de souplesse, de rapidité. Il est légitime qu’il laisse les parties assez libres d’aménager leurs rapports. Il doit aussi pouvoir varier en fonction des impératifs conjoncturels118 , ce droit devant évoluer au regard des conditions sociales, économiques et surtout selon la loi du marché. En outre, y a-t-il un réel besoin d’unifier le droit ? Si ce besoin est affirmé sur le plan économique, il est beaucoup plus contestable sur le plan juridique. En effet, plutôt que d’essayer d’élaborer une législation unique rigide et parfois inadaptée, il suffit d’élaborer un système permettant de choisir la loi interne applicable à une relation internationale en fonction de critères de rattachement. C’est ce que réalisent les règles de conflits. La diversité peut aussi apparaître comme « un facteur d’efficience »119 . Ainsi, en matière contractuelle, les parties vont avoir à leur disposition plusieurs règles de droit. Elles pourront choisir la réglementation la plus adaptée à leurs rapports. En outre, une règle de droit efficace 115 Sylvain Marchand, Les limites de l’uniformisation matérielle du droit de la vente internationale, mise en œuvre de la Convention des Nations unies du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises dans le contexte juridique suisse, Collection Genevoise, Faculté de droit de Genève, 1994, p. 30. 116 Petr Muzny, La prévisibilité normative : une notion absolument relative, Revue de la Recherche Juridique, 2006 I, p. 31 et s. 117 M. Mazen, L’insécurité inhérente au système juridique, thèse dactylographiée, faculté de droit de Dijon, 1979, p. 82. 118 On rejoint alors la fameuse phrase de Portalis tirée du Discours préliminaire au projet de Code civil (1804) selon laquelle « Les codes des peuples se font avec le temps, mais à proprement parler on ne les fait pas ». 119 Louis Vogel, introduction :Unifier le droit : le rêve impossible ? in Unifier le droit : le rêve impossible ? Editions Panthéon-Assas, Paris, 2001, p. 7. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 38. 38 et adaptée à un pays, une région, une culture juridique ou même à une profession, ne le sera pas forcément ailleurs. C’est pour cela que le droit apparaît plus pragmatique : il est moins fondé sur des principes abstraits que sur des pratiques sociales. C’est le développement du « droit négocié ». Cette méthode est très utilisée en matière de droit du commerce international où les groupes représentatifs sont sollicités pour participer à la phase d’élaboration d’un droit qui sera le fruit de négociation entre intérêts divergents. Ce pragmatisme amène à abandonner toute idée d’universalisme du droit au profit d’un certain relativisme de celui-ci. Il s’agirait de se « fonder sur le désordre apparent qui favorise la diversité, donc le pluralisme, et de travailler à ordonner le multiple… »120 . 40. Enfin, l’utilité de parvenir à une uniformité du droit apparaît moins évidente dans la mesure où en matière de droit international privé, les parties ont à leur disposition des outils leur permettant de parvenir à une prévisibilité du droit applicable à leurs litiges. Ces outils sont les contrats-types, usages du commerce international, arbitrage, autant de composantes de ce qui a été dénommé la « Lex Mercatoria ». Cette participation des commerçants à la formation d’un droit uniforme particulier, à la frontière imprécise et composé d’éléments divers, constituerait la manifestation d’un droit post-moderne. Le droit moderne, élaboré par les Etats et caractérisé par ses aspirations à l’universalisme, à l’unité de la raison juridique, à la simplicité et à la sécurité des relations juridiques, aurait fait place à un droit complexe, relatif, dans lequel la société civile a un rôle au stade de l’élaboration121 . Comme l’exprime le Professeur Terré, « le pluralisme, c’est la société contre l’Etat. Ou, plus exactement, les sociétés, les groupements contre l’Etat »122 . Dans le même ordre d’idée, le Professeur Delmas-Marty constate « l’apparition d’un nouveau processus d’engendrement des normes fondé sur l’affaiblissement du processus hiérarchique. C’est cet affaiblissement qui entraîne un recul de l’Etat au profit d’un marché sans frontières, dont il semble que le véritable pilier soit le contrat, au risque de devenir « celui d’un totalitarisme du marché »123 »124 . Cette intervention des opérateurs du commerce international ne réalise-t-elle pas une appropriation, ou comme Monsieur Putzeys la qualifie, une « privatisation du processus d’uniformisation du 120 Mireille Delmas-Marty, Trois défis pour un droit mondial, Seuil essais, 1998, p. 76. 121 André-Jean Arnaud, Entre modernité et mondialisation, cinq leçons de philosophie du droit et de l’Etat, Droit et société, LGDJ 1998, p. 152 et 153. 122 Dominique Terré, Le pluralisme du droit, in Le pluralisme, Archives de philosophie du droit, T. 49, 2005, p. 78. 123 Laurence Boy, Les « utilités » du contrat, in Les petites affiches, n° 109, 10 septembre 1997, p. 3 et s. 124 Mireille Delmas-Marty, op. cit. p. 84. tel-00511315,version1-24Aug2010
  • 39. 39 droit »125 ? Une réponse à cette question pourra être apportée par une étude de la coexistence des règles applicables au contrat de transport international de marchandises par mer. 125 Jacques Putzeys, Le droit uniforme désuniformisé, in Uniform law in Practice (International Congress Rome 7-10 :09 :1987), New York, éd. Oceana, Rome, éd. Unidroit, 1988, p. 447. tel-00511315,version1-24Aug2010