SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  142
UNIVERSITE DE DROIT, D'ECONOMIE ET DES SCIENCES
D'AIX-MARSEILLE
********************
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
D'AIX-MARSEILLE
********************
TITRE:
EXECUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE ET LES VOIES
DE RECOURS CONTRE LA SENTENCE RENDUE
MEMOIRE:
Pour le D.E.S.S. transports maritimes et aériens
Option droit maritime & droit des transports
Présenté par Mme Bronwyn MCARDLE FROISSARD
DIRECTEUR DE RECHERCHES: M. C. SCAPEL
Année de soutenance: 1999
1
Remerciements:
Je souhaite remercier M. Christian Scapel de m'avoir accueilli dans son D.E.S.S. Cette année
universitaire m'a donné la possibilité de découvrir et d'apprécier le droit maritime et le droit
français.
Je tiens également à remercier M. Christian Scapel et M. le Professeur Pierre Bonnassies pour
leurs conseils et encouragements lors de la préparation de ce mémoire.
Je suis également très reconnaissante envers M. Mohamed Torchani, qui m'a aidé à trouver les
documents utiles à la rédaction de cette étude.
Je désire enfin remercier Mme Karen Maxwell de Lincoln's Inn et M. Michael Moon de Shaw &
Croft, qui m'ont fourni des informations utiles sur le droit d'arbitrage maritime anglais.
2
SOMMAIRE
(une table des matières détaillées figure à la fin de cette étude)
INTRODUCTION.........................................................................................................................................................4
PARTIE 1....................................................................................................................................................................10
CHAPITRE 1: EVOLUTION DES CONVENTIONS INTERNATIONALES FACILITANT L'EXÉCUTION
DE LA SENTENCE ARBITRALE...........................................................................................................................11
CHAPITRE 2: LES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION DE NEW YORK DE 1958................................18
CHAPITRE 3: DEUX DÉCISIONS POLÉMIQUES..............................................................................................46
CHAPITRE 4 : CONVENTIONS RÉGIONALES..................................................................................................58
CHAPITRE 5: D'AUTRES CONVENTIONS INTERNATIONALES.................................................................62
CHAPITRE 6: INSTRUMENTS INTERNATIONAUX FACULTATIFS...........................................................67
PARTIE 2 ...................................................................................................................................................................73
CHAPITRE 1: EFFETS DES RÉFORMES DU DROIT NATIONAL SUR L'EXÉCUTION DE LA
SENTENCE ARBITRALE ET LES VOIES DE RECOURS.................................................................................74
CHAPITRE 2: EXÉCUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE.......................................................................84
CHAPITRE 3: RECOURS CONTRE LA SENTENCE ARBITRALE.................................................................92
CONCLUSION.........................................................................................................................................................107
BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................................................108
ANNEXE I :LE PROTOCOLE DE 1923 & LA CONVENTION DE 1927........................................................111
ANNEXE II :LA CONVENTION DE NEW YORK DE 1958.............................................................................116
ANNEXE III: CONVENTION EUROPEENNE SUR L'ARBITRAGE COMMERCIAL INTERNATIONAL
DE 1961 ET ARRANGEMENT DE 1962...............................................................................................................120
ANNEXE IV : ARTICLES 1442-1507 DU NCPC.................................................................................................127
ANNEXE V: LOI-TYPE DE LA CNUDCI SUR L'ARBITRAGE COMMERCIAL INTERNATIONAL.....131
ANNEXE VI : L'ARBITRATION ACT, 1996.......................................................................................................139
3
INTRODUCTION
L'arbitrage est devenu le moyen reconnu de régler les différends du commerce international. Les
différends soumis aux grands centres internationaux d'arbitrage, augmentent régulièrement en
nombre et en importance. La mondialisation, qui multiplie les possibilités de conflits, est à
l'origine de l'essor de cette justice privée. Dans certaines activités, comme le maritime, il existe
une longue tradition d'arbitrage. Mais d'autres secteurs commencent à considérer l'arbitrage
comme alternative à la justice étatique. En France, la Cour de conciliation et d'arbitrage de la
logistique et du transport a été officiellement présentée le 3 juin dernier.1
L'objet de l'arbitrage est d'aboutir à une sentence qui sera exécutée spontanément par les parties.
Si les parties arrivent à un accord avant la fin de la procédure arbitrale, qui peut être transformée
en sentence, c'est encore mieux. A défaut de l'exécution spontanée, la sentence doit être capable
d'exécution forcée.
i) Exécution volontaire
En majorité les sentences arbitrales sont exécutées spontanément.2
Comment expliquer le fait que
la partie perdante exécute la sentence sans tenter de la contester? On peut offrir plusieurs
explications:
Tout d'abord, on peut considérer l'état d'esprit des parties qui ont recours à l'arbitrage. Même si
les parties ne s'accordent pas entièrement, elles s'entendent dans le désaccord: elles veulent une
solution rapide et finale. C'est un des attraits de l'arbitrage. Si elles veulent un procès avec un ou
deux niveaux de juridiction, elles s'adressent à un tribunal étatique. Dans le secteur maritime,
l'arbitrage est accepté comme une partie du jeu.
Les parties peuvent exécuter la sentence pour des raisons commerciales. Dans des affaires
maritimes, il n'est pas inhabituel qu'elles aient d'autres affaires commerciales en cours, qu'elles
ont intérêt à garder, surtout quand elles sont indemnisées par leurs sociétés d'assurance pour une
perte financière due à la sentence. On peut penser aussi qu'elles craignent une mauvaise
publicité, dans un secteur où la concurrence est rude.
Les institutions d'arbitrage se réfèrent aussi, bien entendu, à la qualité de l'arbitrage. La C.C.I. a
fondé sa cour d'arbitrage en 1923 et a une longue expérience dans ce domaine. La London
Maritime Arbitrators Association (L.M.A.A.), a été fondée en 1960 mais ses racines et traditions
remontent à plus de 300 ans et sont liées avec à l'histoire du Baltic Exchange. L'activité de la
Chambre Arbitrale de Paris (C.A.M.P.) augmente régulièrement chaque année.3
1
Orange (Martine): "Les entreprises préfèrent l'arbitrage au tribunal" Le Monde, 1 juin, 1999.
Voir aussi De Fos (Guillemette): "Arbitrage en Transport et Logistique, B.T.L., 22 février 1999, page 131.
2
Le chiffre de 90 % des sentences C.C.I. exécutées volontairement a été avancé il y a quelques années. Voir Block
(Guy): "Les contestations pouvant naître de l'organisation, du déroulement ou de l'exécution des procédures
arbitrales." RDAI 1996, p. 179
3
Voir "L'arbitrage maritime à Londres et à Paris: La London Maritime Arbitrators' Association et la Chambre
Maritime de Paris.": Madg (Juliette), Mémoire (1994), Centre de Droit Maritime et des Transports.
4
Les arbitres sont choisis, soit par les parties, soit par les institutions d'arbitrage pour leur
professionnalisme et expérience. A la différence d'un procès devant une cour étatique, les parties
peuvent choisir la procédure. Les arbitres essayent de trouver des solutions souples pour
résoudre les incidents procéduraux. Ils font en sorte, que même si une partie au moins n'est pas
satisfaite du résultat, elles sont prêtes à l'accepter. Quantité de problèmes sont réglés en amont
pour limiter la possibilité de conflits plus tard.
ii) Recours au juge étatique
Toute convention d'arbitrage impliquera que les parties exécutent la sentence. La sentence
arbitrale est res judicata.4
Cependant, si la sentence n'est pas exécutée volontairement, la partie
qui a obtenu gain de cause, est obligée de s'adresser au juge étatique pour obtenir l'exequatur de
la sentence. Il est important que la sentence soit capable d'exécution forcée, à la fois sur le plan
national et international.
La tendance actuelle est de faciliter l'exequatur de la sentence arbitrale. Au niveau national, les
Etats ont reconnu l'importance de l'arbitrage dans le commerce national et international. De
nombreux pays ont modernisé leurs droits nationaux pendant ces dernières vingt années. En
Angleterre, l'une des raisons de la réforme de la loi sur l'arbitrage en 1996, était la perception que
les voies de recours contre la sentence arbitrale étaient trop compliquées et Londres était en
danger de perdre sa position comme un des grands centres mondiaux d'arbitrage.5
Ces réformes ont été accompagnées par une approche plus positive des juges étatiques vers
l'arbitrage. Ils respectent la volonté des parties de régler leurs différends par voie arbitrale et sont
prêts à ordonner l'exequatur de la sentence.
Grâce aux conventions internationales, en particulier celle de New York de 19586
, il est plus
facile de faire exécuter une sentence arbitrale à l'échelon international qu'un jugement d'un
tribunal étatique. C'est un des avantages majeurs de l'arbitrage et l'une des raisons pour l'envolée
de sa popularité ces dernières années.
Néanmoins, pour obtenir l'exequatur de la sentence, il existe certaines règles qu'il faut
absolument respecter:
A) Convention d'arbitrage
La convention d'arbitrage prouve la volonté des parties de soustraire leur différend du domaine
des tribunaux étatiques.
En général, les clauses compromissoires inscrites dans les contrats-types, ne présentent pas, en
4
L'article III de la Convention de New York de 1958. L'article 1476 du NCPC français pour l'arbitrage interne et
également pour l'arbitrage international par renvoi opéré par l'article 1500 du NCPC.
En droit anglais, les articles 58 §1 et 101 de l'Arbitration Act, 1996.
5
Voir Clause 1 du "1997 Supplementary Report on the Arbitration Act, 1996 par le Departmental Advisory
Committee on Arbitration Law," Arbitration International, Volume 13, N° 3, p.317.
6
Convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères (New York, 10 juin 1958)
5
elles-mêmes, de difficultés. Les clauses compromissoires, dans les chartes-parties, par exemple,
sont écrites par des juristes spécialisés et les parties sont des professionnels qui n'ont pas besoin
de la protection fournie par les tribunaux étatiques.
Des problèmes surgissent quand les clauses compromissoires sont écrites par des non-
spécialistes, et s'avèrent être ambiguës, imprécises, incomplètes, précaires, annulables ou portent
sur une matière inarbitrables.
Les problèmes se présentent également quand l'une des parties n'est pas une partie au contrat
comportant la clause compromissoire, par exemple, l'opposabilité de la clause insérée dans une
charte-partie au tiers porteur du connaissement. 7
B) Principes fondamentaux de la procédure
L'arbitrage relève de l'ordre privé, mais il existe des principes fondamentaux de procédure qui
doivent être respectés. Leur non-observation ouvre des voies de recours contre la sentence à une
partie perdante dilatoire ou de mauvaise foi.
Ces principes se trouvent dans la Convention de New York de 1958, par exemple, le principe de
la contradiction.8
Ils sont tellement fondamentaux et universels que la plupart des juges étatiques
retrouvent les équivalents dans leur droit interne.9
Le juge d'exequatur doit mettre en balance,
l'intérêt d'avoir des sentences définitives, avec les risques d'injustice à l'encontre d'une des parties
impliquée par l'arbitrage. Cela illustre l'importance de l'expertise des arbitres dans le
déroulement de l'arbitrage. "Justice must not only be done: it must also be seen to be done."
En plus, la plupart des tribunaux étatiques refusent d'ordonner l'exequatur d'une sentence
arbitrale si elle est contraire à l'ordre public. Chaque ordre judiciaire forme sa propre conception
d'ordre public et il y a des divergences parmi les Etats.10
C) Siège d'arbitrage
L'exécution de la sentence sera énormément facilitée si elle a été rendue dans un pays qui est un
contractant de la Convention de 1958 et son exequatur est demandé dans un autre pays adhérent.
Etant donné le grand succès de cette convention et le nombre de ses adhérants, il est rare
aujourd'hui que le pays d'exécution de la sentence n'ait pas ratifié la Convention.
La Convention de 1958 prévoit que l'annulation de la sentence "par une autorité compétente du
pays dans lequel ou d'auprès la loi duquel elle a été rendue" peut justifier le refus d'exequatur.11
Cela montre l'importance du choix du lieu d'arbitrage. Il vaut mieux choisir un pays où les voies
de recours, menant à l'annulation de la sentence, sont restreintes et claires.
7
"L'Arbitrage Multipartite":Willocq (Florence), Mémoire (1998), Centre de Droit Maritime et des Transports.
8
L'article V de la Convention de 1958.
9
Voir l'article 1502 du NCPC français. En droit anglais, les articles 67 à 68 et 103 de l'Arbitration Act, 1996.
10
L'article V.2 (b) de la Convention de 1958; les articles 1484 .6 et 1502.5 du NCPC et les article 103.3 et 81.1 (c)
de l'Arbitration Act, 1996 en Angleterre. Voir aussi paragraphe 2.8.2.1 de notre étude.
11
L'article V § 1 (e) de la Convention de 1958.
6
Les droits d'arbitrage international de certains pays, comme la France, vont au-delà des
exigences requises par la Convention de 1958 pour la reconnaissance et l'exécution de la
sentence arbitrale étrangère. En France, à la différence de la Convention de 1958, l'annulation de
la sentence dans son pays d'origine n'est pas reconnue comme grief pour un refus d'exequatur.12
Cette situation peut mener à l'incertitude avec une sentence annulée dans un pays mais reconnue
dans un autre.
iii) Le Droit Applicable à l'Arbitrage Commercial International
Le recours à l'arbitrage est particulièrement utilisé dans certains secteurs d'activités, qui par leur
nature concernent le négoce international et les parties sont souvent de nationalités différentes: le
maritime, l'assurance, la construction et les travaux publics. Néanmoins, les conventions
internationales et le droit national qui s'appliquent pour tous ces secteurs sont grosso modo les
mêmes. Ils relèvent tous de l'arbitrage commercial international. L'arbitrage commercial
international est régi en France par la Convention de 1958 et les articles 1492 à 1507 du NCPC.
En Angleterre, il est régi également par la Convention de 1958 et aussi l'Arbitration Act, 1996.
La même jurisprudence concerne toutes les branches de l'arbitrage commercial international
sauf, bien entendu, pour les différences qui surgissent dues aux pratiques particulières de chaque
secteur. Les arbitres et juristes spécialistes en arbitrage maritime, par exemple, ne peuvent
ignorer les décisions juridiques dans les autres secteurs d'activité. Etant donné l'importance du
"Precedent" en droit anglais, il est particulièrement vrai pour l'arbitrage à Londres. Pour cette
raison, nous ne nous bornerons pas à étudier la jurisprudence maritime. Nous nous référons
également aux décisions juridiques touchant d'autres secteurs et qui affectent également
l'arbitrage maritime.
L'arbitrage interne français est régi par les articles 1442 à 1491 du NCPC. Le droit anglais ne
distingue pas en principe entre l'arbitrage interne et international et les dispositions de
l'Arbitration Act, 1996 régissent les deux. Dans notre étude, nous regarderons les deux formes de
l'arbitrage. Néanmoins, étant donné que l'activité maritime est par sa nature internationale, nous
nous concentrerons sur l'arbitrage international.
iv) Arbitrage Maritime: l'étendue et le droit applicable
L'arbitrage maritime a le vent en poupe.13
Historiquement la plupart des disputes touchant des
contrats maritimes ont été résolues par l'arbitrage par opposition aux tribunaux étatiques. Les
chartes-parties types prévoient l'arbitrage presque toujours et lorsque tel n'est pas le cas, une
clause compromissoire manuscrite est habituellement ajoutée au contrat. Les professionnels de
ce secteur préfèrent que leurs disputes soient réglées discrètement par un arbitre spécialisé dans
ce domaine que par un juge étatique. Les litiges présentent souvent un caractère international et
les parties préfèrent également plaider devant un arbitre neutre et de nationalité différente de la
leur.14
12
Ce grief n'est pas mentionné dans l'article 1502 du NCPC qui a un caractère limitatif.
13
Jambu-Merlin R: "L'arbitrage maritime", Mélange Rodière
14
Redmond-Gouillard (Martine): Droit Maritime, Edition Pedone (1993), page 28
Voir aussi l'Handbook of Arbitration Practice: Bernstein (Ronald), Tachaberry (John) et Marriot (Arthur), Chapitre
4
7
Il existe un réseau complet d'institutions d'arbitrage maritime à travers le monde.15
Même si la
flotte Britannique a beaucoup diminuée, Londres reste un centre privilègié d'arbitrage, grâce à sa
réputation et la présence sur place des experts d'arbitrage maritime et des organisations
maritimes: Lloyds of London, le Institute of Chartered Shipbrokers, Lloyd's Registrer of
Shipping, IMO et les Protection and Indemnity Clubs britanniques.
Les chartes-parties types stipulent la plupart de temps: "Arbitration in London" et le contrat-type
"Lloyds Form of Salvage" prévoit également l'arbitrage à Londres. Cependant, la majorité des
plaideurs qui apparaissent devant la LMAA ne sont pas anglais. Il est important que la partie qui
a obtenue gain de cause , puisse obtenir l'exequatur de la décision arbitrale dans un Etat où le
"perdant" est résident ou a des actifs, dans l'éventualité où celui-ci n'exécute pas spontanément la
décision.
Les Règles de Hambourg (article 22 de la Convention) prévoient l'arbitrage pour le transport de
marchandises par mer. Cependant, la plus importante Convention pour l'arbitrage, y compris
l'arbitrage maritime, est celle de New York de 1958.
Il y a peu de jurisprudence récente concernant l'exécution des sentences d'arbitrage dans le
secteur maritime. Dans un article concernant l'arbitrage et le transport des marchandises par mer,
un juriste anglais a suggéré la raison à ce manquement. Il a également mentionné l'importance de
l'exécution des sentences maritimes.
" Cases involving the enforcement of maritime awards are few and far between. This may be due
to the policy of suing the owners of the vessel in personam and the actual vessel in rem. Therefore,
the party who receives an arbitral award in its favour can usually satisfy the award though the in
rem seizure of the vessel. Nevertheless, the enforceability of a maritime cargo award is still
important for several reasons. First, the vessel may be worth less than the award itself and a party
may have to seek enforcement where additional funds exist. Secondly, the losing party can just as
easily petition the court to vacate the arbitral award as the other party can petition to enforce the
award. Thirdly, an enforcing court may wish to review the arbitral award to ensure that legitimate
national interests were considered by the arbitrators."16
En plus, les parties arrivent souvent à un accord avant le début de l'ouverture du procès devant le
juge étatique, quelquefois pour éviter une mauvaise publicité. Nous pouvons aussi penser que
l'abolition de la procédure "special categories" par l'Arbitration Act, 1996 a contribué à réduire
la jurisprudence dans ce domaine.17
v) Parties 1 et 2 de notre étude
Nous commencerons par examiner l'évolution des conventions internationales de l'arbitrage et
leur effet sur l'exequatur de la sentence arbitrale (chapitre I.1). La Convention de 1958 est la
charnière de l'arbitrage international et nous étudierons ses dispositions en détail. Nous nous
référerons à quelques décisions judiciaires polémiques concernant l'interprétation de cette
15
La London Maritime Arbitrators Associaton (LMAA); la Chambre Arbitrale Maritime à Paris (CAMP); Society of
Maritime Arbitrators of New York; d'autres organismes régionaux fonctionnent à Montréal, San Francisco, Hong
Kong et Pékin.
16
Curtin (Kenneth-Michael): "Arbitrating maritime cargo disputes-future problems and considerations".
L.M.C.L.Q 1997, p. 31
17
Voir Paragraphe II.1.3.1
8
convention. Elles illustrent certaines difficultés actuelles d'arbitrage international (chapitres I.2 et
I.3). Nous ne nous attarderons pas sur les autres conventions internationales car leurs
dispositions ont moins d'importance pratique pour notre étude (chapitres I.4 et I.5). Nous
mentionnerons les instruments internationaux facultatifs d'arbitrage et surtout la Loi-type de la
CNUDCI. Ce document a été utilisé comme modèle pour la réforme de nombreuses lois
nationales sur l'arbitrage. Son adoption aide à l'harmonisation des droits nationaux d'arbitrage et
par conséquent, l'exequatur des sentences arbitrales à l'échelon international (chapitre I.6).
La deuxième partie de notre étude concerne les droit national. Nous examinerons les réformes
des droits français et anglais de l'arbitrage. Ces réformes ont simplifié les voies de recours dans
les deux pays (chapitre II.1). Ensuite, nous étudierons les dispositions nationales concernant
l'exécution de la sentence et les voies de recours (chapitres II.2 et II.3). Finalement, nous
conclurons sur la position actuelle concernant l'obtention de l'exequatur d'une sentence arbitrale,
d'un point de vue juridique et pratique.
9
Partie 1
Conventions internationales et instruments internationaux
facultatif d'arbitrage
10
Chapitre 1: Evolution des Conventions internationales facilitant l'exécution de
la sentence arbitrale
I.1.1 Conventions internationales
Grâce à l'existence des conventions internationales et en particulier celle de New York de 1958,
il est plus facile, en pratique de faire exécuter une sentence arbitrale internationale qu'un
jugement étatique à l'échelon international.
Cela explique en partie, sa popularité dans les affaires maritimes où le siège de l'arbitrage est
souvent dans un pays différent de celui de son exécution et il est impératif qu'on puisse faire
exécuter la sentence au niveau international. La plupart des arbitrages de la L.M.A.A. impliquent
des étrangers. On choisit le pays de l'exécution de la sentence pour des raisons différentes du
siège de l'arbitrage: il est choisi en prenant en compte la présence des actifs de la partie qui a
"perdu" à l'arbitrage et la facilité avec laquelle on peut faire exécuter la sentence. En ce qui
concerne le secteur maritime, il peut s'agir d'un Etat où le créditeur peut faire saisir le navire de
son débiteur.
I.1.2 Conventions bilatérales
A l'origine, ces conventions étaient des accords bilatéraux, souvent entre les pays voisins.
Plusieurs conventions bilatérales conclues en matière d'effets des jugements étatiques étrangers
prévoient expressément l'assimilation des sentences arbitrales aux jugements et soumettent
l'exequatur des unes et des autres aux mêmes conditions. Il existe notamment des conventions
conclues entre la France et la Suisse (1869), la Belgique (1899) et l'Italie (1930). Cependant leur
importance pratique a largement diminué dû au succès des conventions multilatérales et surtout
celle de New York de 1958.
Il est assez rare en France qu'une partie invoque, au soutien ou à l'opposition de l'exequatur d'une
sentence arbitrale, une convention bilatérale liant la France et le pays sur le territoire duquel la
sentence a été rendue. Néanmoins dans une affaire jugée par la Cour de Cassation le 2 juin 1987,
la Convention franco-belge du 8 juillet 1899 était opposée par les défenseurs à l'exequatur d'une
sentence rendue en Belgique et la Cour a motivé sa décision d'un moyen unique, celui de l'article
11, 1° de la Convention de 1899.18
L'article VII de la Convention de 1958 prévoit l'existence d'autres accords signés par ses
adhérents concernant la reconnaissance et l'exécution des sentences. Mais les conventions
bilatérales ne comportent pas toujours des dispositions relatives à leurs rapports avec d'autres
traités; c'est le cas pour la convention franco-belge de 1899. Un conflit peut apparaître si une
sentence remplit les conditions requises par la convention de 1958 mais pas celles de 1899. Un
auteur a constaté: "qu'un accord de plus en plus général se réalise en doctrine pour le [conflit]
résoudre par la règle dit 'l'efficacité maximale', dont l'effet est ici d'appliquer toujours sur la
convention la plus favorable à l'exécution, même si elle n'est ni la plus récente ni la plus
18
Epoux Vogeleer c/ Guide de l'Automobilitste: Rev. arb. 1988, page 282, voir aussi note de Pierre Mayer, page
284.
11
'spéciale'19
".
I.1.3 Conventions multilatérales
Les objectifs des conventions et quelques difficultés d'interprétation et d'application :
L'arbitrage a une longue histoire, mais les deux premiers traités multilatéraux de l'époque
contemporaine ont été élaborés sous les auspices de la Société des Nations à Genève. Le premier
fût le Protocole de Genève de 1923 et le deuxième, la Convention de Genève de 1927. Ils ont été
largement rendus caduques par la Convention de 1958. Néanmoins ils ont marqué une première
étape sur la reconnaissance des conventions d'arbitrage et la reconnaissance et l'exécution des
sentences arbitrales internationales. Ils sont encore relevants pour les pays qui les ont ratifiés
mais n'ont pas ratifié la Convention de 1958.20
Les objectifs de ces trois traités sont l'exécution des conventions d'arbitrages et de faciliter
l'exequatur des sentences arbitrales en dehors du pays d'origine. Un autre objectif qui n'est pas
mentionné dans les traités, mais qui est implicite, est d'harmoniser les conditions requises pour
l'exécution des conventions d'arbitrage et l'exequatur des sentences arbitrales et également les
griefs recevables pour le refus de ceux-ci au niveau international.
La doctrine est divisée sur lequel des objectifs est le plus important: la facilité de faire exécuter
la sentence arbitrale ou avoir les règles uniformes au niveau mondial qui évitent la confusion,
l'incertitude et aussi le forum shopping.21
Nous allons voir ci-dessous que même si une certaine uniformité a été atteinte, il reste toujours
des imperfections. Les traités n'ont pas été toujours interprétés de la même manière par les juges
étatiques. Certains Etats qui ont ratifié ces trois traités, ont également ratifié des conventions
régionales concernant l'arbitrage et donc ils sont sujets à des régimes différents.22
La ratification
de la Convention de Genève de 1961 est un bon exemple, elle a été ratifiée par une trentaine
d'états dont la France.
En outre, il y a des divergences entre les dispositions des traités et les droits nationaux. Le droit
commun français a des dispositions qui sont moins contraignantes sur la reconnaissance et
l'exécution des sentences arbitrales, que celles de la Convention de 1958.23
L'Angleterre a une
longue tradition d'arbitrage dans certains secteurs, comme le maritime. Par conséquent, le droit
anglais a été développé au fur et au mesure pendant les siècles et est très complexe. En plus, il ne
distingue pas, en principe, entre l'arbitrage interne et international.
19
Note de Pierre Mayer, rev. arb. 1988, page 286. Il a remarqué aussi les problèmes associés avec cette opinion.
20
Liste des pays qui ont ratifié la convention de Genève de 1927 mais pas celle de 1958: Les Iles Caïmans; la
Zambie; Samoa de l'Ouest; le Portugal; le Malte; la Guyane; la Grenade. Liste du Robert J. D. Stevenson: "Public
Policy and Fraud as a ground of challenge to Foreign Judgements and Arbitration Awards.", Arbitration, 1993, p.
168. Il faut être vigilant parce qu'il y a régulièrement des nouveaux pays qui accèdent à la Convention de 1958.
21
Pour un avis en faveur des mesures le plus favorable à l'exécution de la sentence aux dépens de l'harmonisation,
voir "L'exécution des sentences arbitrales dans le monde de demain": Paulsson ( Jan), rev. arb. 1998, page 640
22
"Reflections on the Effectiveness of International Arbitration Awards": George R. Delaume, Journal of
International Arbitration, 1995, volume 1, page 5
23
Les griefs reconnus pour refuser l'exequatur d'une sentence arbitrale sont plus restreints en droit français que ceux
de la Convention de 1958. Voir les articles 1502 et 1504 du NCPC et l'article V de la Convention de 1958.
12
Cette divergence peut occasionner des résultats bizarres et le désordre. Dans l'affaire
Hilmarton,24
par exemple, une sentence arbitrale a été annulée par un tribunal étatique dans son
pays d'origine, la Suisse, mais a été reconnue en France. Ensuite, une deuxième sentence a été
rendue par l'ICC en Suisse, qui a aussi été reconnue en France par la Cour d'Appel de Versailles.
Pendant une période, il existait deux sentences conflictuelles, toutes les deux avaient la valeur de
la chose jugée25
en France, avant que la Cour de Cassation casse la décision de la Cour d'Appel.
La doctrine est aussi divisée sur le niveau de contrôle que les états doivent exercer sur les
sentences arbitrales. Il y a des auteurs qui estiment le droit français trop libéral et préconisent
plus de contrôle étatique sur ce système du justice privé. Il faut également établir un équilibre
entre d'un côté le respect de la volonté des parties à régler leurs litiges par voie arbitrale et d'un
autre côté la nécessité de protéger une partie en cas d'irrégularité dans la procédure de l'arbitrage.
Malgré leurs imperfections, les traités, et en particulier la Convention de 1958, avec la "loi-type"
de la CNUDCI ont réussi à obtenir un certain degré d'uniformité.
L'analyse des mécanismes mis en place par les trois traités est d'un intérêt pratique limité pour
solliciter l'exequatur d'une sentence arbitrale en France et Angleterre.26
En revanche, elle est utile
pour savoir comment les sentences rendues dans ces deux pays sont capables d'être exécutées
dans les autres Etats contractants de la Convention de 1958.
Nous commencerons par regarder brièvement les deux premiers traités pour comprendre
l'évolution de l'arbitrage commercial international, avant d'étudier en détail la convention de
1958.
I.1.4 Protocole de Genève du 24 septembre 1923
Ce protocole "relatif aux clauses d'arbitrage" est entré en vigueur le 28 juillet 1924. Il a été ratifié
par la France le 7 mai 192827
et la Grande-Bretagne le 27 septembre 1927.
Il concerne principalement la reconnaissance de la validité des conventions d'arbitrage et la
compétence des Etats pour régler la procédure d'arbitrage. Il reconnaît un des principes qui est
devenu fondamental dans l'arbitrage: la volonté des parties. L'article 2 stipule que "la procédure
de l'arbitrage, y compris la constitution du tribunal arbitrale, est réglée par la volonté des parties
et la loi du territoire duquel l'arbitrage a lieu." Les Etats contractants s'engagent à assurer
l'exécution des conventions d'arbitrage (article 4) et en plus, l'exécution des sentences arbitrales
suite à la procédure arbitrale (article 3).
Il se limite aux conventions d'arbitrage conclues entre parties soumises respectivement à la
juridiction d'Etats contractants différents (qui peut être soit par leur nationalité, leur domicile,
24
Voir paragraphe 3 de notre étude..
25
Grâce à l'article 1476 du NCPC.
26
Etant donné que les griefs reconnus pour refuser l'exequatur de la sentence arbitrale sont plus restreints en droit
français que ceux de la Convention, la plupart des demandes d'exequatur sont fondées sont les dispositions du
droit national. En Angleterre, la plupart des demandes de l"exequatur sont faites par une action en application de
l'article 66 de la loi de 1996. Voir paragraphe II.2.4.3
27
Décret de promulgation du 11 juillet 1928, J.O. 23-24 juillet 1928
13
leur siège social ou leur établissement principal) (article 1).28
Beaucoup d'Etats, dont la France et la Grande-Bretagne, ont appliqué la réserve contenue dans
son article 1, que le Protocole ne s'appliquait qu'aux conventions d'arbitrage considérées comme
commercialles par leur droit national.
Malgré ses limites, le Protocole a été la première étape prise vers la reconnaissance et l'exécution
des conventions d'arbitrage et des sentences arbitrales au plan international.
I.1.5 Convention de Genève du 26 septembre 1927
3. La "convention pour l'exécution des sentences arbitrales étrangères" est entrée en vigueur le
25 juillet 1929. Elle a été ratifiée par la plupart des pays européens, dont la Grande-Bretagne le 2
juillet 193029
et la France le 13 mai 1931.30
Son objectif était d'étendre le champ d'application du Protocole de 1923 à la reconnaissance et
l'exécution des sentences visées par ce Protocole sur le territoire de tous les Etats adhérents.31
Elle
donne une aide restreinte à une partie qui veut faire reconnaître et exécuter une sentence dans un
pays autre que celui où elle a été rendue. L'article 1 met un certain nombre de preuves à la charge
du demandeur qui ne sont pas faciles à satisfaire. Pour obtenir l'exécution, l'article 1 prévoit
qu'il est nécessaire:
"(a) Que la sentence ait été rendue à la suite d'un compromis ou d'une clause compromissoire valable
d'après la législation qui leur est applicable;
(b) Que, d'après la loi du pays où elle est invoquée, l'objet de la sentence soit susceptible d'être réglé
par voie d'arbitrage;
(c) Que la sentence ait été prononcée par le tribunal arbitral prévu par le compromis ou la clause
compromissoire, ou constitué à l'accord des parties et aux règles de droit applicables à la procédure
d'arbitrage;
(d) Que la sentence soit devenue définitive dans le pays où elle a été rendue, en ce sens qu'elle ne sera
pas considérée comme telle si elle est susceptible d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation
(dans les pays où ces procédures existent), ou s'il est prouvé qu'une procédure tendant à contester la
validité de la sentence est en cours;
(e) Que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence ne soit pas contraire à l'ordre public ou aux
principes du droit public du pays où elle est invoquée."
Les références à la loi du pays où la sentence a été rendue et aux principes du droit du pays où la
reconnaissance ou l'exécution sont demandées, ne facilitent ni l'uniformité du l'arbitrage
commercial international au niveau mondial, ni l'exécution de la sentence arbitrale.
Il faut également prouver le caractère "définitif" de la sentence, c'est-à-dire, qu'elle n'est pas
susceptible d'appel. Cette exigence conduit à la nécessité d'obtenir un "double exequatur,"
d'abord au pays d'origine, et ensuite au pays d'exécution. Il s'agit d'un grand handicap pour la
personne qui veut faire exécuter une sentence arbitrale internationale dans un pays autre que
celui où elle a été rendue.
28
Traité de l'arbitrage commercial international: Fouchard (PH.); Gaillard (E.); et Goldman (B.), page 140
29
Voir l'Arbitation Act 1950 et l'article 99 de l'Arbitration Act 1996
30
Décret de promulgation, 25 juillet 1931, J.O. 11 août 1931, page 8752
31
Droit de pratique de l'arbitrage commercial international: Redfern & Hunter
14
La Convention de 1927 a cependant fait une grande étape vers la reconnaissance et l'exécution de
la sentence arbitrale dans le fait qu'elle exclut la révision de fond de la sentence. En outre elle
formule certaines règles matérielles qui constitueront désormais les conditions universelles de
régularité internationale de la sentence et nous les retrouverons dans la Convention de 1958, par
exemple, le droit de la défense (article V, paragraphe 1, b).32
Avec l'essor du commerce international après la deuxième guerre mondiale, il était évident que
ces deux traités ne suffisaient plus. La C.C.I. prit l'initiative et a soumis un nouveau texte à
l'ONU en 1953. Le Comité Economique et Social des Nations Unies rédigea un nouveau projet,
plus restreint que celui de la C.C.I. en 1955. Une conférence internationale sous l'égide de l'ONU
fût convoquée à New York en mai 1958 et aboutit à l'adoption de la Convention de 1958. Le
texte se rapprochait plus du texte de la C.C.I. que celui du Comité Economique et Social des
Nations Unies. Elle reste le principal traité multilatéral sur l'arbitrage international.33
A l'occasion du quarantième anniversaire de cette convention en 1998, l'avis général de la
doctrine était que la convention était un succès.34
Elle a été décrite comme la grande histoire de
réussite de l'arbitrage commercial international par un éminent juge anglais.35
En effet, même
avec ses imperfections, il ne faut pas la modifier ou adopter une nouvelle convention.36
Un
changement peut mener à la confusion au niveau international, tenant compte du nombre de
ratifications: 119 Etats en juillet 1998, y compris, la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la
Chine, le Canada, l'Allemagne et la Fédération de Russie. En effet, il est plus facile de noter des
absences comme, dans le monde arabe (Iraq, Iran), en Afrique (Zaïre) et en Amérique latine
(Brésil).37
Grâce à son succès, il est recommandé par la C.C.I. et d'autres organismes d'arbitrage, à toute
partie de vérifier avant de conclure une clause d'arbitrage international si l'Etat de son
cocontractant et, le cas échéant, du lieu d'arbitrage, a ratifié la convention de 1958, ou au moins
s'il a signé d'autres traités multilatéraux ou bilatéraux offrant les mêmes garanties.38
Etant donné qu'elle est la charnière de l'arbitrage international, nous étudierons cette convention
en détail.
I.1.6 Convention de New York de 1958
La convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences
32
Traité de l'arbitrage commercial international: .Fouchard (Ph), Gaillard (E), Goldman (B) page 141.
33
Traité de l'arbitrage commercial international, page 142,
34
Le juge anglais, Lord Mustill a écrit que la Convention de 1958 pourrait: "prétendre au rang de l'exemple le plus
efficace des législations internationales dans l'histoire entière du droit commercial." Citation rapporté dans l'article
"L'exécution des sentences arbitrales en dépit d'une annulation en fonction d'un critère local (ACL)": Paulsson
(Jan), Bulletin de la Cour International de la CCI, mai 1998, page 16.
35
Lord Steyn: "That Convention [ New York Convention of 1958] has now entered into force in the laws of some 80
countries. It is the great succes story of international commercial arbitration." Rosseel N.V. v. Oriental
Commercial & Shipping Co. (U.K.) Ltd., [1991] 2 lloyd's Rep. , page 629.
36
"L'exécution des sentences arbitrales dans le monde de demain": Paulsson (Jan), rev.arb. 1998, page 4.
37
Liste des Etats Contractants contenue dans la brochure de présentation de l'arbitrage de la CCI (1998), p. 5.
38
La brochure de présentation de l'arbitrage de la CCI (1998), page 5.
15
arbitrales est entrée en vigueur le 7 juin 1959. La France l'a ratifiée le 26 juin 1959.39
Le
Royaume-Uni l'a ratifiée tardivement le 24 septembre 1975.40
Dans l'article VII, elle prévoit que
les traités de 1923 et 1927: "cesseront de produire leurs effets entre les Etats contractants" quand
ils seront liés par celui de 1958.41
Elle a fait de grand progrès par rapport au Protocole de 1923 et à la convention de 1927. Elle a
réduit le nombre de griefs susceptibles de mener au refus de l'exequatur de la sentence arbitrale.
En plus, la preuve est maintenue à la charge de la partie qui oppose l'exequatur de la sentence
(article V). Dès que la partie qui demande l'exequatur a produit des documents qui sont
mentionnés dans l'article IV, la partie qui l'oppose devra montrer pourquoi le juge étatique ne
doit pas accorder l'exequatur.42
En outre elle ne requiert pas le "double-exequatur" de la
convention de 1927. La Convention de 1958 n'exige pas que la sentence soit "définitive", dans
son pays d'origine mais simplement "obligatoire". La procédure d'exequatur n'est pas précisée
par la Convention et reste dans le domaine de compétence de chaque Etat contractant mais elle
ne doit pas être plus rigoureuse que celle de sentences nationales (articles III et IV).
I.1.6.1 La Convention de 1958 et les droits nationaux anglais et français.
Les exigences du droit français pour la reconnaissance et l'exécution d'une sentence arbitrale sont
moins contraignantes que celles de la Convention de 1958. Il est donc rare qu'une partie se
prévale de la Convention de 1958 pour demander l'exequatur d'une sentence arbitrale en France.
En Angleterre le demandeur a le choix: le droit anglais ne distingue pas, en principe, entre la
sentence arbitrale rendue sur le territoire national ou à l'étranger. La demande d'exequatur peut
être faite par une action en application de l'article 66 de l'Arbitration Act 1996 comme pour une
sentence rendue en Angleterre. En plus, le demandeur peut solliciter l'exequatur sous les
dispositions de la Section III43
de la loi de 1996 qui concerne les sentences arbitrales rendues
dans les Etats contractants de la Convention de 1958.44
Les griefs recevables pour le refus
d'exequatur sont plus limités sous le régime de la Section III que ceux de l'article 66.
En droit français, nous retrouvons les dispositions de la Convention de 1958, avec certaines
omissions45
et modifications dans les articles 1498 à 1507 du NCPC. Le style du droit français
est plus synthétisé que celui de la Convention. A la différence de la Section III de la loi anglaise
de 1996, le droit commun français, ne réserve pas un "traitement" spécial pour les sentences qui
relèvent de la Convention de 1958. Les dispositions applicables à l'exequatur d'une sentence
arbitrale internationale sont les mêmes pour toute sentence, même pour une sentence rendue en
39
Décret du 1 septembre 1959.
40
L' Arbitration Act 1950.
41
La Convention de 1958, se réfère à la "reconnaissance et l'exécution" des sentences arbitrales. Cependant, dans
l'intérêt de brièveté, nous referons simplement à l'exequatur de la sentence sauf quand la reconnaissance de la
sentence est uniquement en question.
Voir § 2.3 de notre étude.
42
Il existe aussi des griefs qui peuvent être soulevés par le juge d'office (article VI)
43
les articles 99 à 104 de l'Arbitration Act, 1966
44
Section III de la loi de 1996 concerne exclusivement les sentences arbitrales qui relèvent de la Convention de
1958 et qui ont été rendues dans un autre Etat contractant. L'exception est l'article 99 de la loi de 1996 qui
mentionne les sentences qui relèvent de la Convention de 1927.
45
Notamment l'article V § 1 (e) et l'article VI de la Convention n'ont pas d'équivalents en droit français. Voir
paragraphe 2.10.3 de notre étude.
16
France.46
Le style et le language de la Section III de la loi anglaise de 1996 sont plus fidèle à la
Convention que ceux du droit français. Les rédacteurs de la loi de 1996 ont fait quelques
modifications pour faciliter le lecteur, mais elle demeure une transposition très fidèle de la
Convention au droit anglais. En outre, le droit anglais a gardé tous les griefs, mentionnées dans
la Convention qui peuvent être invoqués pour refuser l'exequatur d'une sentence.47
Un lecteur de
la convention de 1958 doit ainsi estimer facilement si un juge anglais accorde ou non l'exequatur
d'une sentence.
Cependant, nous ne pouvons pas toujours anticiper l'interprétation que les juges britanniques
feront des dispositions de la Convention et 1958 et de la Section III de la loi de 1996. La
tendance aujourd'hui est d'accorder l'exequatur, si possible, et de donner une interprétation
restreinte des griefs qui peuvent être invoqués pour le refuser. Dans ce paragraphe, nous ferons
référence aux dispositions de la Section III qui correspondent à celles de la Convention de 1958.
Etant donné qu'elles sont pour la plupart une transposition sans modification de la Convention,
cela évitera de les répéter dans la deuxièmement partie de notre étude. Nous remarquerons
également l'interprétation que les juges britanniques ont fait des dispositions de la Convention et
aussi de la Section III de la loi anglaise.
Nous mentionnerons les dispositions françaises qui correspondent à celles de la Convention et
nous commenterons simplement l'interprétation de la Convention par l'ordre judiciaire français.
Nous examinerons l'interprétation des articles 1498 à 1507 du NCPC, par l'ordre judiciaire
français en détail, dans la deuxième partie de notre étude. Les articles 1498 à 1507 du NCPC ont
le même emploi que l'article 66 de la loi anglaise de 1996. Ce sont les dispositions le plus
souvent invoquées pour obtenir l'exequatur d'une sentence qui concerne le commerce
international. Nous examinerons également les dispositions de l'article 66 de la loi anglaise dans
la deuxième partie de notre étude sur le droit national.
46
Sauf dans un mesure: la partie qui oppose l'exécution d'une sentence, demande l'annulation d'une sentence rendue
en France. Elle oppose l'ordonnance d'exequatur d'une sentence rendue à l'étranger.
47
Elle a garde les griefs mentionnés à l'article V § 1 (e) et aussi l'article VI qui n'ont pas d'équivalent en droit
français.
17
Chapitre 2: Les dispositions de la Convention de New York de 1958.
La Convention traite grosso modo, deux aspects fondamentaux de l'arbitrage commercial
international: l'exécution de la convention d'arbitrage et l'exequatur de la sentence. Comme son
l'objectif principal est de faciliter l'accueil des sentences dans les Etats faisant partie de la
Convention, il convient de traiter son premier aspect avant d'aborder le deuxième.
Cependant, les deux aspects ne peuvent pas être complètement séparés. La validité de la sentence
dépend de la volonté des parties à soumettre leur différend à l'arbitrage. Les juges étatiques
donnent souvent une interprétation stricte de la convention d'arbitrage qui privent les parties de
la protection des tribunaux étatiques. Nous examinerons ci-dessus, quelques cas où la partie
"perdante" a essayé d'éviter l'exécution de la sentence en invoquant l'invalidité de la convention
d'arbitrage.
I.2.1 Convention d'arbitrage
I.2.1.1 Texte:
L'article II de la convention prévoit que:
"1. Chacun des Etats contractants reconnaît la convention écrite par laquelle les parties s'obligent à
soumettre à un arbitrage tous les différends ou certains de différends qui se sont élevés ou pourraient
s'élever entre elles au sujet d'un rapport de droit déterminé, contractuel ou non contractuel, portant sur
une question susceptible d'être réglée par voie d'arbitrage.
2. On entend par "convention écrite" une clause compromissoire insérée dans un contrat, ou un
compromis, signés par les parties ou48
contenus dans un échange de lettres ou de télégrammes."
La convention ne donne pas la définition d'une convention d'arbitrage qui peut être exécutée sous
ses dispositions. Elle ne spécifie pas, non plus, les questions qui sont susceptibles d'être réglées
par voie d'arbitrage.
A.J. van den Berg a indiqué que ce manquement était dû au fait que l'article II a été inséré dans
la Convention en dernière minute et qu'il a troublé les Cours dans une certaine mesure. La
Convention ne parle nettement que des sentences arbitrales, c'est-à-dire des sentences arbitrales
étrangères, dont une sentence rendue dans un autre Etat ou qui ne sont pas considérées comme
"nationales" dans leur pays d'origine. Par contre, elle ne donne pas une définition des
conventions d'arbitrage qui tombent dans son champ d'application.49
Les législations nationales définissent donc la façon dont doit être convenue la convention
d'arbitrage et il est certain qu'une sentence arbitrale peut se voir refuser l'exequatur si elle a été
48
Soulignement ajouté.
49
The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg ( Albert Jan) page 383.
18
rendue sur la base d'une convention d'arbitrage jugée inexistante ou nulle. L'article V § 1(a) de la
Convention donne au juge de l'exequatur la possibilité de refuser celui-ci si la convention
d'arbitrage n'est pas valable.
L'article II de la Convention prévoit que la convention d'arbitrage est "écrite". Elle n'exige ni que
la convention soit signée par toutes les parties ni qu'elle soit contenue dans un seul document.
Cependant, l'article VII de la Convention contient une clause "de régime le plus favorable", ne
privant "aucune partie intéressée de la faculté de se prévaloir d'une sentence arbitrale de la
manière et dans la mesure admise par la législation et les traités du pays où la sentence est
invoquée."50
Cette disposition s'avère utile dans le cas où il est impossible d'obtenir l'exequatur
en s'appuyant sur une convention d'arbitrage prévue par la Convention de 1958, en particulier
lorsque la convention d'arbitrage n'est pas écrite. Il vaut mieux invoquer un droit national ou un
traité plus favorable que de fonder sa demande sur la Convention de 1958. En Angleterre, il est
possible de faire exécuter une sentence arbitrale fondée sur une convention d'arbitrage non-écrite
par une action on the award.51
La Convention européenne de 1961 dans son article 1 § 2 prévoit que la convention d'arbitrage
n'a pas à être expressément signée par les parties. Elle ajoute aux télégrammes le télex, mais
surtout, elle reconnaît toutes les formes permises par les lois nationales.52
I.2.1.2 Jurisprudence concernant la convention d'arbitrage:
Dans le domaine maritime, la Cour de Cassation53
a récemment motivé une décision sur un
moyen unique fondé sur l'article II de la Convention. En espèce la Cour a statué qu'une clause
compromissoire insérée dans une charte-partie n'était pas opposable au destinataire de la
marchandise si la clause compromissoire n'était pas portée à son attention et acceptée par lui au
plus tard au moment de la livraison. Le fait que le connaissement mentionnait que le transport
était effectué selon les termes de la charte-partie, dont une copie pouvait être obtenue auprès du
chargeur ou de l'affréteur ne suffisait pas. La Cour a statué:
"Vu l'article 2 de la convention de New York du 10 juin 1958;
Attendu que pour être opposable au destinataire, une clause compromissoire insérée dans un
connaissement doit avoir été portée à sa connaissance et avoir été acceptée par lui, au plus tard au
moment où, recevant livraison de la marchandise, il avait adhéré au contrat du transport."
50
Voir paragraphe 2.10.1 de notre étude.
51
Etant donné sa nature difficile, il est rare qu'une partie intente une action on the award pour faire exécuter une
sentence si elle a le choix. Voir paragraphe II.2.4.5 de notre étude.
52
La Convention européenne de 1961 a été ratifiée par la France le 16 décembre 1966 mais elle n'a pas été ratifiée
par le Royaume-Uni. Voir paragraphe 4.1 de notre étude.
53
Cass. Com. 29 novembre 1994, CDE Chimie c/ Tolt Nielsen, navire "Stolt Osprey,
Revue de droit commercial, maritime, aérien et des transports, 1995, page 61
19
Dans un arrêt du 3 juillet 1997, la Cour de Cassation a statué dans la même sens mais cette fois,
en fondant sa décision sur le droit commun français:54
"Vu les articles 1134 du code civil et 1492 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article
455 du même Code;
Attendu qu'en matière d'arbitrage international, la clause compromissoire par référence à un document
qui la stipule est valable lorsque la partie à laquelle on l'oppose en a eu connaissance au moment de la
conclusion du contrat et qu'elle a, fut-ce par son silence, accepté cette référence."
Récemment la Cour d'Appel de Paris a montré que l'ordre judiciaire peut arriver au même
résultat en se réferant au lex mercatoria.
En espèce, la Cour d'Appel de Paris55
s'est référée aux usages du commerce international pour
motiver une décision concernant une convention d'arbitrage contenue dans un contrat
international. La Cour a opposé une clause compromissoire à un homme d'affaires, M. Orri, qui
n'avait pas personnellement signé le contrat comportant la clause compromissoire. Néanmoins, il
était présent quand ce contrat était signé par un de ses collègues avec la Société des Lubrifiants
Elf Aquitaine (Elf). En plus, M. Orri a signé un autre contrat avec Elf pendant la même réunion.
En outre, il avait déjà traité des affaires commerciales avec Elf qui l'avait considéré comme leur
cocontractant dans les deux contrats. La Cour a déduit que c'était au moyen d'un subterfuge qu'il
s'était effacé pour faire signer le contrat comportant la clause compromissoire par son collègue et
que cette manoeuvre constituait une fraude manifeste destinée à occulter le véritable contractant
d'Elf. La Cour a statué:
"Considérant que selon les usages du commerce international la clause compromissoire insérée dans un
contrat international a une validité et une efficacité propres qui commandent d'en étendre l'application aux
parties directement impliquées dans l'exécution du contrat et les litiges qui peuvent en résulter, dès lors qu'il
est établi que leur situation contractuelle, leurs activités et les relations commerciales habituelles existant
entre parties font présumer qu'elles ont accepté la clause d'arbitrage, dont elles connaissaient l'existence et la
portée, bien qu'elles n'aient pas été signataires du contrat qui la stipulait; ....
Considérant que dès lors ce n'est que par un subterfuge que le véritable contractant d'Elf s'est effacé
pour laisser place à un comparse, M. Archaniotakis, dont il n'est pas même établi qu'il ait eu qualité
pour s'engager "Saudi Europe Lines";
Considérant que cette manoeuvre est constitutive d'une fraude manifeste destinée à occulter le
véritable contractant qui est M. Orri personnellement."
L'article 100 § 2 (a) de l'Arbitration Act 1996 correspond à l'article 2 de la Convention de 1958.56
En droit commun français d'arbitrage international, "l'existence d'une sentence arbitrale est
établie par la production de l'original accompagné de la convention d'arbitrage ou des copies de
ces documents réunissant les conditions requises pour leur authenticité".57
I.2.1.3 Obligation des Etats contractants de respecter la convention d'arbitrage
La convention prévoit à l'article II § 3 que:
54
Société Prodexport c/ Société FMT productions, rev. arb., 1997 n°3.
55
Orri c/ société des Lubrifiants Elf Aquitaine, Cour d'appel de Paris, 11 janvier 1990. rev. arb. 1992, page 95
56
L'article 100 § 2 de l'Arbitration Act, 1996: "a. l'expression 'convention d'arbitrage' désigne une convention
d'arbitrage stipulée par écrit."
57
Voir l'article 1498 du NCPC.
20
"Le tribunal d'un Etat contractant, saisi d'un litige sur une question au sujet de laquelle les parties ont
conclu une convention au sens du présent article, renverra les parties à l'arbitrage, à la demande de
l'une d'elles, à moins qu'il ne constate que ladite convention est caduque, inopérante ou non
susceptible d'être appliquée."
Cet article est impératif: le juge doit renvoyer les parties à l'arbitrage. Il a un certain pouvoir
d'appréciation en ce qui concerne la convention d'arbitrage et il peut décider si une convention
est ou n'est pas valable. Les clauses compromissoires sont souvent interprétées restrictivement
par les tribunaux étatiques, étant donné qu'elles peuvent priver une partie d'un recours devant les
tribunaux étatiques.
Cette disposition correspond à l'article 9.1 de l'Arbitration Act, 1996 qui prévoit qu'une partie à
une convention d'arbitrage, qui est poursuivie devant un tribunal étatique, peut demander à la
juridiction saisie "de se déclarer incompétente dans les limites du différend concerné."58
I.2.2 Champ d'application de la Convention
Dans l'article I, en définissant son champ d'application, la Convention adopte une approche
internationale:
"La présente Convention s'applique à la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales rendues
sur le territoire d'un Etat autre que celui où la reconnaissance et l'exécution des sentences sont
demandées, et issues de différends entre personnes physiques ou morales. Elle s'applique également
aux sentences arbitrales qui ne sont pas considérées comme nationales dans l'Etat où leur
reconnaissance et leur exécution sont demandées."
Le champ d'application de la convention de 1958 est plus large que celle de 1927. L'article 1 de
celle-ci dispose que la sentence "aura été rendue dans un territoire relevant de l'une des Hautes
Parties contractantes auquel s'applique la présente convention et entre personnes soumises à la
juridiction de l'une des Hautes Parties contractantes."59
La Convention de 1958 ne fait aucun référence à la nationalité des parties. La Convention
s'applique quand la sentence est rendue à l'étranger entre parties qui ont la même nationalité.
Dans l'arrêt Norsolor, la Cour d'Appel de Paris et la Cour de Cassation ont appliqué la
convention malgré le fait que le bénéficiaire de la sentence soit une entreprise turque. Les arrêts
ont été rendus avant la ratification de la Convention par la Turquie.60
La Convention limite son champ d'application dans son titre à des "sentences arbitrales
étrangères." L'article I prévoit son application à deux catégories de sentences: les sentences
rendues à l'étranger et celles qui ne sont pas considérées comme "nationales". Son champ
d'application est très large et il n'est pas nécessaire que la sentence soit rendue dans un Etat
contractant.
58
L'article 9 § 4 énonce que: "La juridiction saisie d'une demande de dessaisissement en application du présent
article se déclare incompétent à moins qu'elle ne constate que la convention est nulle, inopérante ou non
susceptible d'être exécutée."
59
Soulignement ajouté.
60
Rev. arb. 1985, page 431; voir aussi Traité de l'arbitrage commercial international: Fouchard (Ph), Gaillard (E.) et
Goldman (B.), page 146.
21
Il y n'a aucune exigence sur le fait que les sentences doivent être "internationales" ou concernent
le commerce international. La sentence rendue à l'étranger peut s'agir d'une affaire nationale dans
ce pays. Chaque pays contractant peut définir les sentences qui ne sont pas considérées comme
"nationales."61
A.J. van den Berg a fait la remarque suivante concernant les sentences qui ne sont
pas considérées comme nationales dans leur pays d'origine:
"The second criterion will be applicable only if a court '62
considers' an award as non-domestic. It
means that a court has the discretion whether or not to apply the second criterion, and hence the
Convention, to an award made within its own territory. The discretionary power is the result of the
second criterion being a compromise63
."
Les dispositions françaises concernant l'arbitrage retiennent cette distinction mais parlent de
"l'arbitrage interne" et de "l'arbitrage international.64
"
L'article 100 § 1 de l'Arbitration Act, 1996 définie les sentences relevant de la Convention de
1958 et auxquelles sa Section III s'applique65
. Cette Section prévoit que la reconnaissance et
l'exécution d'une de ces sentences seraient accordées suivant une procédure basée strictement sur
les dispositions de la Convention.
I.2.2.1 Arbitrage Institutionnel.
La Convention prévoit à l'Article I § 2 que:
"On entend par 'sentences arbitrales' non seulement les sentences rendues par des arbitres nommés
pour des cas déterminés, mais également celles qui sont rendues par des organes d'arbitrages
permanents auxquels les parties sont soumises".
La Convention ne donne pas une définition des "sentences arbitrales" mais il est clair que ses
dispositions ne s'appliquent pas simplement à l'arbitrage ad hoc mais aussi à l'arbitrage
institutionnel comme celui de la C.C.I..
I.2.3 Reconnaissance et exécution de la sentence arbitrale
La Convention les traite d'une façon jumelée.66
Elle se réfère à la reconnaissance et l'exécution
des sentences arbitrales dans l'article I § 1 et 3, l'article III, l'article IV § 1, et l'article V § 1 et 2.
L'exception est l'article VI, concernant la suspension et l'annulation d'une sentence.
Le début de l'article III prévoit l'obligation d'un Etat contractant à reconnaître une sentence
61
The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A.J.), page 384
62
Soulignement d'auteur.
63
The New York Arbitration Convention of 1958, page 25
64
Voir articles 1492 à 1507 du NCPC.
65
L'article 100 § 1 de l'Arbitration Act, 1996: "Au sens de la présente section, l'expression 'sentence relevant de la
Convention' désigne une sentence rendue sur convention d'arbitrage et sur le territoire d'un Etat (autre que le
Royaume-Uni qui est partie à la Convention de New York."
66
Elles sont aussi traitées d'une façon jumelée en droit commun français de l'arbitrage international, voir articles
1498 à 1507 du NCPC.
22
arbitrale: il devrait reconnaître une sentence arbitrale qui est devenue "obligatoire67
" selon les
conditions mentionnées dans la Convention.
En pratique il est rare que la reconnaissance d'une sentence soit demandée sans son exécution.
L'inclusion de "reconnaissance" dans la Convention est plutôt une clause de style:
traditionnellement on la prévoit dans les conventions internationales concernant la
reconnaissance et l'exécution des jugements et sentences arbitrales.68
Elle était aussi inclue dans
la Convention de 1927.
N.B: Afin d'alléger le texte, nous referrons simplement à l'exequatur de la sentence (sauf quand
le reconnaissement de la sentence est uniquement en question).
Néanmoins la reconnaissance peut avoir des effets négatifs, par exemple, elle peut être invoquée
comme moyen de défense dans une procédure judiciaire portant sur ce qui a été tranché par une
sentence arbitrale. La sentence a l'autorité de chose jugée relativement à la contestation qu'elle a
tranchée.69
La sentence a aussi l'autorité de chose jugée en droit français.70
En droit anglais une sentence
arbitrale qui relèvent de la Convention de New York est considérée comme ayant l'autorité de la
chose jugée.71
En Angleterre, les sentences arbitrales qui ne relèvent pas de la Convention ont
également l'autorité de la chose jugée.72
I.2.4 Les Réserves: Réciprocité et commercialité
La convention prévoit à l'article 1, alinéa 3 de la Convention deux réserves:
" Au moment de signer ou de ratifier la présente Convention, d'y adhérer ou de la faire notification
d'extension prévue à l'article 10, tout Etat pourra, sur la base de la réciprocité, déclarer qu'il appliquera
la Convention à la reconnaissante et à l'exécution des seules sentences rendues sur le territoire d'un
autre Etat contractant. Il pourra également déclarer qu'il appliquera la Convention uniquement aux
différends issus de rapports de droits, contractuels ou non contractuels, qui sont considérés comme
commerciaux par sa loi nationale."
La réciprocité est une réserve importante. Soixante-cinq des Etats contractants ont fait usage de
cette réserve pour ne pas reconnaître ou faire exécuter que des sentences émises dans les autres
pays contractants dont la France et le Royaume-Uni.73
Il est recommandé, avant de conclure une
convention d'arbitrage international, de choisir un pays contractant de la Convention de 1958
comme le siège de l'arbitrage afin d'augmenter les chances de faire exécuter la convention
d'arbitrage et d'exécuter la sentence. Néanmoins l'importance de cette réserve continue de
67
Nous étudierons la signification du mot "obligatoire " dans le context de l'article V, § 2, (e).
68
The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 244.
69
Article III de la Convention de 1958.
70
L'article 1476 du NCPC.
71
L'article 101 § 1) de l'Arbitration Act, 1996: "Une sentence relevant de la Convention de New York est
considérée comme ayant l'autorité de la chose jugée entre les parties et peut être invoquée par elles à cet effet en
défense, en compensation ou à un autre titre, dans toute procédure judiciaire se déroulant en Angleterre, au Pays
de Galles ou en Irlande du Nord."
72
L'article 58 de la loi de 1996.
73
Selon la liste des Etats contractants (au 1 juillet 1998) de la brochure de la C.C.I.
23
diminuer comme de plus en plus d'Etats adhérent à la Convention. En plus, les articles 35 et 36
de la loi-type de la CNUDCI ne la prévoit pas comme une raison de refus de reconnaître ou
d'exécuter une sentence74
.
La réserve de commercialité est contenue dans la Convention de 1927. Elle a été inclue dans la
Convention de 1958 pour faciliter l'adhésion des pays du droit civil. Ces pays distinguent entre
les transactions commerciales et non-commerciales.75
Trente-huit Etats utilisent cette réserve pour appliquer la convention aux seuls différends issus de
relations juridiques que la loi nationale considère comme étant d'ordre commercial.76
La France a
fait usage de cette réserve quand elle a ratifié la Convention mais l'a retirée plus tard par lettre au
secrétaire général de l'ONU du 17 novembre 1989. Cette clause peut occasionner des incertitudes
quand chaque Etat donne sa propre définition de commercialité. En générale, les tribunaux
attribuent une interprétation large à commercialité.
I.2.5 La Procédure
I.2.5.1 Reconnaissance de l'autorité de la sentence arbitrale
La Convention de 1958 ne prévoit pas de procédure pour l'exequatur des sentences. L'article III
prévoit simplement que chaque Etat contractant s'engage à reconnaître "l'autorité d'une sentence
arbitrale et accordera l'exécution conformément aux règles de procédure suivies" dans l'Etat
d'exécution et aux conditions précisées par la Convention. Elle exige que les Etats n'imposent
pas de "conditions" sensiblement plus rigoureuses, ni de frais de justice sensiblement plus élevés,
que ceux qui sont imposés pour la reconnaissance ou l'exécution des sentences arbitrales
nationales." En Angleterre, cela concerne l'article 10277
de l'Arbitration Act 1996 et en France les
dispositions en question sont dans l'article 1498 et suivants du NCPC.
L'article III peut aussi être considéré comme la base pour l'application des règles de procédure
qui ne sont pas mentionnées dans la Convention, par exemple, les délais de prescription pour
intenter une action pour faire exécuter une sentence arbitrale.78
Les règles de procédure de l'article III ne touchent pas les conditions pour l'exequatur de la
sentence mais sont limitées à des questions de procédure, par exemple, l'autorité compétente
d'Etat d'accueil de la sentence.79
Les conditions pour l'exequatur de la sentence sont uniquement
celles de la Convention. Les règles de procédure du pays d'accueil de la sentence ne peuvent pas
déroger aux principes incorporés par les articles IV-VI.80
74
Voir chapitre 4 de notre étude
75
The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 50.
76
Selon la liste des Etats contractants (au 1 juillet 1998) de la brochure de la C.C.I.
77
L'article 102 de l'Arbitration Act énumére les preuves à fournir par la partie qui demande l'exequatur d'une
sentence arbitrale.
78
The New York Arbitration Convention of 1958:van den Berg, page 240.
79
En France, le juge d'exequatur est le Président de Tribunal de grande instance. En Angleterre, la demande est faite
devant la Commercial Court.
80
The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 239
24
L'article III de la Convention de 1958 a été récemment interprété par la Cour d'Appel de Paris.81
En espèce, la cour a confirmé l'ordonnance ayant accordé l'exequatur de sentences arbitrales
rendues à Amman en 1994 et 1995, qui avait condamné la Compagnie interarabe de garantie des
investissements à payer à la Banque arabe et internationale d'investissement diverses sommes au
titre d'une garantie contractée auprès de cet organisme régional d'assurance.
La partie opposant l'exequatur des sentences, a soutenu que l'article 12 de la loi jordanienne sur
l'arbitrage imposait de les soumettre d'abord à l'homologation d'un tribunal étatique jordanien qui
seul pouvait mettre fin à l'arbitrage, avant de demander l'exequatur en France. Elle a prétendu
que si les sentences n'étaient pas approuvées en Jordanie, elles seraient dépourvues d'existence et
ne constitueraient pas des sentences au sens de l'article 1498 du NCPC et par conséquent elles ne
seraient pas susceptibles d'exécution en France.
La Cour a rejeté cet argument et a confirmé l'ordonnance d'exequatur. Elle s'est référée d'abord à
l'article VII de la Convention de 1958, applicable en l'espèce et elle a statué que les dispositions
de cette Convention: "ne privent aucune partie du droit qu'elle pourrait avoir de se prévaloir
d'une sentence arbitrale de la manière et dans la mesure admise par la législation ou les Traités
du pays où la sentence est invoquée."
Ensuite la Cour s'est référée à l'article III de la Convention qui précise que l'exequatur de la
sentence étrangère est accordé conformément aux règles de procédure du pays où la sentence est
invoquée. Cette référence permet au juge français d'appliquer les articles 1498 et 1499 du NCPC,
qui définissent les conditions de forme requises pour l'exequatur d'une sentence étrangère en
France. Si ces conditions sont réunies, l'existence de la sentence est établie au sens du droit
français. La cour a conclu de ces deux dispositions que "le juge ne peut refuser l'exequatur
lorsque son droit national l'autorise." La cour a constaté que:
"les seules dispositions du droit français applicables à la reconnaissance et à l'exécution en France des
sentences étrangères sont, à l'exclusion de toute référence au droit interne de l'Etat où s'est déroulé
l'arbitrage, les articles 1498 et 1499 du nouveau Code de procédure civile français qui disposent pour
le premier que les sentences arbitrales étrangères sont reconnues en France et peuvent y être déclarées
exécutoires si leur existence est établie et si elles ne sont pas manifestement contraires à l'ordre public
international et pour le second, que l'existence d'une sentence arbitrale est établie par la production de
l'original accompagné de la convention d'arbitrage ou des copies de ces documents réunissent les
conditions requises pour leur authenticité."
La seconde disposition mentionnée par la cour qui se trouve à l'article 1499 du NCPC et que
concerne l'authenticité des documents correspond à l'article IV de la Convention de 1958 qui
nous étudierons dans le paragraphe suivant.
I.2.5.2 Conditions d'exéquatur.
L'article IV stipule que la partie qui demande l'exequatur doit simplement produire l'original de
la sentence et la convention d'arbitrage ou des copies conformes. Si ces documents ne sont pas
dans une langue officielle du pays où l'exequatur est demandé, il faut produire une traduction
officielle. Le juge d'exequatur peut vérifier l'intégrité des documents et l'identité des parties et
des arbitres.
81
Inter-Arab Investment Guarantee Corporation c/ Banque arabe et internationale d'investissement SA (BAII) ,
Cour d'appel de Paris du 23 octobre 1997, rev. arb. 1998, page 143.
25
Une fois que le demandeur a fourni les documents mentionnés dans l'article IV, le juge accordera
(il n'a pas de discrétion) l'exequatur à moins qu'il n'existe un des griefs mentionnés dans l'article
V. L'intention des auteurs de la Convention était de limiter les griefs à ceux énumérés dans la
Convention.
Cependant, l'article VI prévoit que le juge peut surseoir à statuer sur l'exequatur de la sentence si
l'annulation ou la suspension de la sentence est demandée dans le pays où la sentence a été
rendue.
Les articles IV et V sont d'une grande importance et ont facilité la tache du demandeur
d'exequatur par rapport à Convention de 1927. Dans celle de 1927, le demandeur était obligé de
démontrer que toutes les conditions nécessaires pour l'exequatur étaient satisfaites. La
Convention de 1958 a complètement renversé la charge de la preuve. C'est à la partie qui oppose
l'exequatur de prouver l'existence d'un des griefs mentionnés à l'article V de la Convention.
Les articles 1477 et 1499 du NCPC français contiennent des dispositions qui sont similaires à
celles l'article IV de la Convention.82
Le contenu de l'article 102 de l'Arbitration Act 1996
correspond exactement à celui de l'article IV de la Convention.83
.
I.2.6 Griefs reconnus par la Convention
L'examen de griefs n'inclut pas une révision de fond de la sentence et les griefs qui peuvent être
invoqués sont limités à ceux qui sont mentionnés dans l'article V.
A. J. van den Berg a remarqué que:
"Another improvement is that the grounds mentioned in Article V are exhaustive. Enforcement may be
refused 'only if' the party against whom the award is invoked is able to prove one of the grounds listed
in Article V(1), or if the court finds that the enforcement of the award would violate its public policy
(Art. V (2)). Thus the respondent can no longer assert any cause for invalidity of the award under the
law governing the arbitration as could happen under the Geneve Convention. This main feature has
also been unanimously affirmed by the courts.
A further main feature of the grounds for refusal is that no review of the merits of the arbitral award
is allowed. The feature that Article V does not allow a review of the merits of the arbitral award has
also been affirmed by the courts".84
82
Ces dispositions prévoient que le demandeur d'exequatur doit déposer la convention d'arbitrage et la sentence
arbitrale auprès du Tribunal de grande instance. Si ces documents ne sont pas en langue française, il faut
également déposer une traduction. La sentence arbitrale sera reconnue et exécutée en France si elle n'est pas
"manifestement contraire à l'ordre public international (soulignement ajouté). Le juge peut aussi refuser la
reconnaissance et l'exécution si la partie qui s'y oppose montre un des griefs énumérés à l'article 1502 du NCPC
que correspondent grosso modo à ceux de la convention de 1958 sauf que le droit français ne prévoit pas que
l'annulation ou la suspension de la sentence arbitrale dans son pays d'origine sont des griefs motivant le refus
d'exequatur. Voir paragraphe 2.9 de notre étude.
83
En droit anglais, une fois les documents énumérés par l'article 102 sont produits, le juge étatique doit accorder
l'exequatur d'une sentence relevant de la Convention, à moins que la partie qui s'y oppose ne prouve l'existence
d'un des griefs énumérés à l'article 103 de la loi de 1996. Les griefs énumérés par l'article 103 correspondent à
ceux de l'article V de la Convention de 1958. La seule différence est que le droit anglais n'exige pas que la
sentence et la convention d'arbitrage soient fournies "en même temps".
84
The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 265
26
A. J. Van den Berg a aussi noté la discrétion du juge quand l'existence d'un des griefs
mentionnés à l'article V est démontré. Il n'est pas obligé de refuser l'exquatur de la sentence:
"It is to be noted that the opening lines of the first and second paragragh of Article V employ a
permissive rather that mandatory language: enforcement 'may be' refused. For the first paragragh it
means that even if a party against whom the award is invoked proves the existence of one of the
grounds for refusal of enforcement, the court still has a certain discretion to overrule the defence and
to grant the enforcement of the award. Such overruling would be appropriate, for example, in the
case where the respondent can be deemed to be estopped from invoking the ground for refusal. For
the second paragraph it would mean that a court can decide that, although the award would violate
the domestic public policy of the court's own law, the violation is not such as to prevent enforcement
of the award in international relations."85
La Convention distingue au total, deux séries de griefs qui pourraient mener à un refus de
l'exequatur de la sentence. Les premiers sont contenus dans l'article V, § 1 et touchent à:
l'invalidité de la convention d'arbitrage et l'incapacité des parties; la violation du principe du
contradictoire; le dépassement par l'arbitre des termes de sa mission; l'irrégularité affectant la
composition du tribunal arbitral ou des vices de procédure d'arbitrage et l'absence de validité de
la sentence d'arbitrage. Ils doivent être invoqués par la partie qui oppose l'exequatur de la
sentence.
La deuxième série de griefs est contenue dans l'article V, § 2 et ils peuvent être invoqués par le
juge d'exequatur lui-même. Ils concernent l'arbitrabilité du litige et l'ordre public. A la différence
de la première série de griefs, qui concernent principalement le contenu du litige, la deuxième
série de griefs touche les conceptions fondamentales d'Etat d'accueil de la sentence et expliquent
cette distinction. Il s'agit d'un domaine d'intérêt capital pour les Etats et ils ne délèguent pas leur
protection à un tiers.
Ces griefs de la Convention correspondent à ceux de l'article 103 de l'Arbitration Act, 1996 pour
les sentences relevant de la Convention de 1958. Les auteurs de Russell on Arbitration ont
remarqué que les griefs mentionnés dans l'article 103 sont limitatifs. Ils ont aussi commenté sur
le pouvoir discrétionnaire du juge:
"These grounds are exhaustive, and if none are present the award will be enforced.... The onus of
proving the existence of a ground rests upon the party opposing enforcement, but that may not be the
end of the matter. Once the ground is established the court has a discretion whether or not to enforce
the award. In some cases there is little latitude for discretion (where the Respondent has no capacity
to enter into an arbitration agreement the court can only refuse to recognise and enforce the award.
See s. 103 (2) (a) of the Arbitration Act 1996) but in other cases the scope is greater (where there was
was some minor departure from the procedure agreed by the parties the court may in its discretion
decide to enforce the award)."86
La plupart de griefs mentionnés à l'article V de la Convention se trouve à l'article 1502 du
NCPC. Les griefs énumérés par l'article 1502 ont également un caractère limitatif.
I.2.7 Griefs invoqués par la partie qui oppose l'exequatur de la sentence arbitrale
I.2.7.1 Incapacité des parties et invalidité de la convention d'arbitrage
85
The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 265; soulignement ajouté par l'auteur
86
Russell on Arbitration: Sutton (David), Kendall (John) et Gill (Judith), page 404.
27
L'article V,§ 1 (a) permet le refus d'exequatur de la sentence, s'il est démontré que:
" les parties à la convention visée à l'article 2 étaient, en vertu de la loi à elles applicables, frappés
d'une incapacité, ou que ladite convention n'est pas valable en vertu de la loi à laquelle les parties
l'ont subordonnée ou, à défaut d'une indication à cet égard, en vertu de la loi du pays où la
sentence a été rendue."
Dans la Convention de 1927, l'incapacité de la partie qui oppose l'exequatur est traitée
uniquement dans le cas où elle n'a pas été "régulièrement représentée"87
dans la procédure
arbitrale. La Convention de New York prévoit aussi le grief de l'incapacité d'une partie à
conclure la convention d'arbitrage. Elle retient le grief concernant le cas où une partie n'est pas
régulièrement représentée qui se trouve dans l'article V,§ 1 (b) de la Convention de 1958.88
L'article V, § 1 (a) contient deux griefs qui peuvent entraîner le refus l'exequatur de la sentence
arbitrale:
⇒ l'incapacité des parties qui est déterminée "par la loi applicable aux parties" dont elle ne
précise rien; et
⇒ l'invalidité de la convention d'arbitrage qui est déterminée selon la loi choisie par les parties
ou à défaut la loi du pays où la sentence a été rendue.
Etant donné que la convention ne spécifie pas le droit applicable à l'incapacité des parties, il est
nécessaire de résoudre cette question par les règles de conflits de lois de pays où l'exequatur est
demandé. Ces règles changent d'un pays à un autre.89
L'incapacité des parties peut couvrir une variété de raisons: des mineurs qui n'ont pas le droit de
conclure des contrats et des sociétés qui ne sont pas encore immatriculées.
l'article V § 1 (a) s'applique aussi à la question de la capacité d'un Etat ou des personnes de droit
public de conclure une convention d'arbitrage. La Convention ne contient pas une disposition
spécifique concernant la capacité d'un Etat à conclure une convention d'arbitrage. Cependant, la
phrase "différends entre personnes physiques ou morales" de l'article I § 1, montre qu'il était
entendu que les sentences arbitrales dont un Etat était une partie n'étaient pas exclues de son
champ d'application.
Il est généralement reconnu par la doctrine que la Convention s'applique aux conventions et
sentences d'arbitrages dont un Etat (ou une personne morale de droit public) est une partie et qui
concernent le commerce international.90
La Convention permet à l'Etat d'accueil de la sentence,
d'exercer son contrôle sur la capacité des signataires de la convention d'arbitrage à engager l'Etat
87
Article 2 paragraphe (b) de la Convention de Genève de 1927: "Que la partie contre laquelle la sentence est
invoquée n'a pas eu, en temps utile, connaissance de la procédure arbitrale, de manière à pouvoir faire valoir ses
moyens ou, qu'étant incapable, elle n'y a pas été régulièrement représentée.".
88
Article V, paragraphe 1, (b) prévoit qu'un juge peut refuser d'accorder l'exequatur de la sentence arbitrale si la
partie que l'oppose n'était pas dûment informé de la désignation de l'arbitrage ou la procédure d'arbitrage, "ou qu'il
lui a été impossible, pour une autre raison, de faire valoir ses moyens."
89
The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A.J.), page 27
90
The New York Arbitration Convention of 1958: A.J. van den Berg, page 279. Voir également l'article
"Enforcement against a foreign state of an arbitral award annulled in the foreign state": Delaume (George),
RDAI, N° 2, 1997, page 253.
28
en cause.
La question de la capacité des Etats (ou des personnes morales de droit public) à conclure des
conventions d'arbitrage est mentionnée expressément dans la Convention Européenne de 1961.91
Un juriste anglais a remarqué que le grief de l'invalidité de la convention d'arbitrage est rarement
accepté par les tribunaux étatiques, à moins qu'il soit contenu dans un connaissement:
" this exception is rarely accepted by courts for a number of reasons: First, contracts of carriage are
form contracts and are written by experienced lawyers who employ language that unambiguously
stretches the scope of the arbitral clause to the maximum allowable by law. Secondly, there is a
"powerful presumption" that that arbitrators act within their powers and courts rarely second guess
an arbitrator's construction of the parties' arbitral agreement."92
La partie qui oppose l'exécution de la sentence, invoque la plupart du temps l'article II § 2 au lieu
de l'article V § 1 (a) pour contester la validité de la convention d'arbitrage. A J van den Berg a
noté que:
"By far, the greatest number of cases in which the respondent relied on Article V (1) (a) concerned, namely, an
alleged formal invalidity under l'article II (2) of the Convention. This is not surprising since Article II (2) poses
fairly demanding requirements for the form of the arbitration agreement.93
"
I.2.7.1.1 Droit applicable à la convention d'arbitrage
La Convention reconnaît que les parties peuvent subir la convention à une loi, autre que celui du
siège de l'arbitrage. C'est consistant avec l'esprit international de la convention et l'importance
qu'elle accorde à la volonté des parties.
L'article V § 1 (a) se réfère à la convention d'arbitrage au lieu du contrat qui la contient. En
droit anglais l'autonomie de la convention d'arbitrage est reconnue.94
Il existe néanmoins des cas
où le juge étatique sera réticent à accorder l'exequatur d'une sentence à cause de l'invalidité ou de
l'illicite du contrat qui la contient.95
Néanmoins, quand le contrat est sujet à une loi étrangère,
surtout où il n'y a pas d'équivalent des règles anglaises concernant l'illicite du contrat, l'exequatur
de la sentence sera en général accordée.96
Le droit français reconnaît également l'autonomie de la
convention d'arbitrage.
L'article V § 1 (a) correspond au grief de l'article 1502 1° du NCPC, mais il est plus synthétique
et mentionne simplement "si l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage ou sur une convention
nulle ou expirée."97
91
Article II § 1 "Dans les cas visés à l'article 1, de la présente Convention, les personnes morales qualifiées, par la
loi qui leur est applicable, de 'personnes morales de droit public' ont la faculté de conclure valablement des
conventions d'arbitrage."
92
"Arbitrating maritime cargo disputes-future problems et considerations": Curtin, L.M.C.L.Q. 1997.50
93
The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A.J.), page 284.
94
L'article 7 de l'Arbitration Act, 1996.
95
Par exemple, si le contrat était régi par le droit anglais et l'exécution serait contraire à l'ordre public à cause d'une
fraude.
96
Voir Sion Soleimany v. Abner Soleimany, décision non publiée du juge Langan Q.C. du 21 mars 1997.
97
Le même grief existe en droit interne français, voir l'article 1484 1°.
29
L'article 103 § 2 (a) et (b) de l'Arbitration Act, 1996 reprend presque mot à mot les dispositions
de l'article V § 1 (a) de la Convention.
I.2.7.2 Violation du principe du contradictoire
L'article V, § 1, (b) autorise le refus d'exequatur de la sentence s'il est prouvé:
"que la partie contre laquelle, la sentence est invoquée n'a pas été dûment informée de la désignation
de l'arbitre ou de la procédure de l'arbitrage, ou qu'il lui a été impossible, pour une autre raison, de
faire valoir ses moyens"
Le champ d'application de ce grief est plus large que l'article 2 § 1 (b) de la Convention de 1927:
"Que la partie contre laquelle la sentence est invoquée n'a pas eu, en temps utile, connaissance de
la procédure arbitrale, de manière à pouvoir faire valoir ses moyens ...." Malgré le fait que cette
disposition ne spécifie pas que la partie défenderesse doit être avisée en temps, on considère
qu'elle couvre généralement toute violation sérieuse du principe du contradictoire.98
La formule de l'article V, § 1 (b) vise l'impossibilité d'une partie à faire valoir ses moyens. Si la
partie décide de ne prévaloir à des droits ou moyens, par exemple, de ne pas assister à des
audiences d'arbitrage, il n'y a aucune violation. En revanche, si elle n'est pas informée des dates
des audiences, il y a une violation.
L'article V, § 1 (b) concerne les principes fondamentaux de "due process." Il ne se réfère pas à
une loi nationale mais donne sa propre conception des principes fondamentaux internationaux
dont la simple violation lui parait commander le refus de l'exequatur. Il est suffisamment général
pour que le juge saisi puisse y retrouver sa propre conception du principe du contradictoire.
Le principe du contradictoire peut ainsi être considéré comme une exigence élémentaire de
justice et par conséquent sa violation peut être soulevée par le juge d'office comme motif de
refus d'exequatur de la sentence sur le fondement de l'ordre public (article V § 2 (b) de la
Convention).99
Si le juge constate une violation du contradictoire, qui n'était pas invoquée par la
partie défenderesse, il peut refuser d'ordonner l'exequatur de la sentence sur la base de l'article V,
§ 2 (b).
Il faut aussi considérer le rapport entre l'article V, § 1 (b) et l'article V § 1(d). Celui-ci prévoit
que si la constitution du tribunal arbitral ou la procédure arbitrale est conforme à un accord des
parties, la loi de siège n'est pas applicable. Néanmoins, cette disposition est restreinte par le
principe fondamental du contradictoire.100
Ce grief a été fréquemment invoqué par des parties qui s'opposent à l'exequatur mais il réussit
rarement. A.J van den Berg a remarqué que:
"Although ground b has frequently been invoked by respondents, the courts have rarely held that the
requirements of due process have been violated. There exists an almost uniform interpretation -
corresponding to the "pro-enforcement bias" of the Convention - that a violation of due process is to
be accepted in serious cases only."
98
The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A.J.), page 297.
99
Traite d'arbitrage international commercial: Fouchard (Ph.), Gaillard (E.) et Goldman (B.) page 1001
100
The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A.J.), page 310.
30
L'article V, § 1, (b) correspond à celui de l'article 1504, 4° du NCPC qui s'applique "lorsque le
principe de la contradiction n'a pas été respecté."101
L'article 103, § 2 (c) de l'Arbitration Act,
1996 reprend les termes de l'article V § 1 (b) mot pour mot.
I.2.7.3 Dépassement des termes de la convention d'arbitrage par l'arbitre
L'article V § 1 (c) permet le refus de l'exequatur, s'il est prouvé que:
"la sentence porte sur un différend non visé dans le compromis ou n'entrant pas dans les prévisions de
la clause compromissoire, ou qu'elle contient des décisions qui dépassent les termes du compromis ou
de la clause compromissoire; toutefois, si les dispositions de la sentence qui ont trait à des questions
soumises à l'arbitrage peuvent être dissociées de celles qui ont trait à des questions non soumises à
l'arbitrage, les premières pourront être reconnues et exécutées."
L'article V § 1 (c) ne concerne pas le cas où l'arbitre n'a aucune autorité. Cette situation est
couverte par l'article V § 1 (a).
L'article V § 1 (c) se divise en deux parties:
⇒ il vise le cas où un arbitre dépasse les termes de la convention d'arbitrage;
⇒ il concerne le cas où le refus de l'exequatur peut se limiter à la partie qui dépasse la
convention d'arbitrage, à condition qu'elle soit détachable du reste de la sentence.
Cette dernière précision est fidèle à l'esprit de la Convention de faciliter l'exécution de la
sentence, quand il est possible.
La deuxième partie de grief de l'article V § 1 (c), qui concerne l'exequatur de la partie de la
sentence est ultra petita (au-delà des choses demandées). Elle était destinée à remplacer l'article
2 § 2 de la Convention de 1927.102
Néanmoins les deux dispositions se distinguent. L'article 2 § 2
de la Convention de 1927 concerne une sentence qui est infra petita (en-deça de la demande). La
Convention de 1958, par contre, ne mentionne pas les sentences infra petita.
A la différence aussi de la disposition de 1927, elle ne parle ni d'ajourner la décision de
reconnaître ou exécuter la sentence ni de demander une garantie. L'article 2, § 2 de la
Convention de 1927 accordait une certaine discrétion au juge d'exequatur. Cette discrétion est
plus notable dans la version anglaise: "[the competent authority] can, if it thinks fit, postpone
such recognition or enforcement or grant it subject to such guarantee as that authority may
decide."
L'article V § 1 (c) n'est pas souvent appliqué par les cours. Il ne pose pas de problème
d'interprétation sauf pour des sentences infra petita:
"Ground c concerning the award made by the arbitrator in excess of his authority (extra or ultra
petita) has scarely been applied in practice. This ground does not seem to pose problems of
interpretation, except for the question of an award which does not dispose of all questions submitted
to the arbitrator's decision (infra petita), a case not envisaged by the text of ground c".103
101
Le même grief existe en droit d'arbitrage interne français, voir l'article 1484 4° du NCPC.
102
The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A J), page 318.
103
The New York Arbitration Convention of 1958, van den Berg (A J), page 319.
31
L'article V,§ 1, (c) correspond à celui de l'article 103, § 2 (d)104
. La loi de 1996 reproduit les
termes de l'article V § 1 (c) mais elle emploie une language plus clair pour le lecteur.105
L'article V § 1 (c) se distingue de celui de l'article 1502 3106
du NCPC qui prévoit qu'une partie
peut opposer l'exequatur de la sentence : "Si l'arbitre a statué sans se conformer à la mission qui
lui avait été conférée."
L'article 1507 3° prévoit de sanctionner ultra petita et aussi infra petita. Le droit français permet
de sanctionner la méconnaissance de l'arbitre quant à son pouvoir sur l'appréciation de fond du
litige.107
I.2.7.4 Irrégularité dans la composition du tribunal arbitral ou vices de procédure
L'article V, 1 (d) permet le refus d'exequatur de la sentence:
"lorsque la constitution du tribunal arbitral ou la procédure d'arbitrage n'a pas été conforme à la
convention des parties ou, à défaut de convention, qu'elle n'a pas été conforme à la loi du pays où
l'arbitrage a eu lieu."108
Ce grief est aussi plus restrictif que celui de la Convention de 1927 qui prévoit à l'article 1 § 2
(d) que le demandeur doit démontrer:
"que la sentence ait été prononcée par le tribunal arbitral prévu par le compromis ou la clause
compromissoire, ou constitué conformément à l'accord des parties et109
aux règles de droit applicables
à la procédure d'arbitrage."
Ce grief monte le désir des redacteurs de la Convention de 1958 de réduire l'importance de la loi
du lieu où la sentence a été rendue quand la demande d'exequatur est faite dans un autre Etat
contractant.
Par contre, il montre l'importance que la Convention attache à la volonté des parties. La
constitution du tribunal et la procédure doivent être conformes à la volonté des parties ou à
défaut du pays du lieu de l'arbitrage. Le dernier est supplétif et dépend du fait que les parties
n'ont pas choisi une autre loi ou si leur "accord" ne couvre pas toutes les questions concernant la
composition du tribunal d'arbitrage et la procédure. La volonté des parties est limitée par le
principe du contradictoire de l'article V § 1 (b) et les considérations de l'ordre public de l'article
V § 2 (b) de la Convention.110
Les parties peuvent nommer la loi applicable dans la convention d'arbitrage. Alternativement, ils
104
Il correspond aussi au grief de l'article IV de l'Arbitration Act pour les sentences qui ne relèvent pas de la
Convention de 1958.
105
Ce grief ressemble aussi à celui de l'article 67 de l'Arbitration Act, 1996 (Recours contre la sentence arbitrale
pour défaut de compétence).
106
Le même grief existe en l'arbitrage interne française, voir l'article 1484 3° NCPC.
107
Traité de l'arbitrage commercial international: Fouchard (Ph.), Gaillard (E.) et Goldman (B.), page 1003.
108
Soulignement ajouté. L'article V § 1 (d) contient deux griefs. Le premier concerne la composition du tribunal
arbitral et le deuxième la non-conformité à la convention d'arbitrage.
109
Soulignement ajouté.
110
The New York Arbitration Convention of 1958: A J van den Berg, page 331.
32
peuvent le faire par référence aux règlements d'une institution d'arbitrage, par exemple, s'ils
décident d'appliquer les règlements de la LMAA, ces règlements stipulent que l'arbitrage sera
gouverné par la loi anglaise.
Ce grief est plus sévère que celui du droit commun français qui prévoit dans l'article 1507 2°111
du NCPC que la reconnaissance et l'exécution de la sentence peuvent être refusées :
"Si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l'arbitre unique irrégulièrement désigné".
Le droit commun français sanctionne la non-conformité de la composition du tribunal à la
volonté des parties. Mais elle ne la sanctionne pas lorsque l'irrégularité résulte, en absence
d'accord des parties, de la méconnaissance de la loi du siège de l'arbitrage.112
Le droit français ne fait aucune référence à la procédure et il ne sanctionne pas les violations de
règles de procédure sauf quand il est démontré que l'arbitre n'a pas statué conformément à sa
mission au sens de l'article 1502 3.°
La faiblesse du grief de la Convention est qu'elle ne fait aucune distinction entre les irrégularités
procédurales qui peuvent causer un refus d'exequatur de la sentence. Si les parties n'adoptent pas
leur propre règlement, toutes les irrégularités procédurales de la loi du siège de l'arbitrage sont
prises en compte.
Néanmoins, les auteurs de Russell on Arbitration étaient d'avis que si la partie qui oppose
l'exequatur de la sentence a participé dans l'arbitrage sans objection, ou si la non-conformité à la
procédure était très mineur, il est peu probable qu'un juge anglais refuserait l'exequatur en se
fondant sur les dispositions de l'article 103 de la loi de 1996.113
Les termes de l'article 103 § 2 (e)
de la loi de 1996, sont identiques à ceux de l'article V § 1 (d) de la Convention.
I.2.7.5 Invalidité de la sentence arbitrale
I.2.7.5.1 Abolition du"double-exequatur".
L'article V, 1 (e) permet au juge étatique de refuser l'exequatur lorsqu'il est démontré:
"Que la sentence n'est pas encore devenue obligatoire pour les parties ou a été annulée ou suspendue
par une autorité compétente du pays dans lequel, ou d'après la loi duquel, la sentence a été rendue."
L'article I, § 2 (d) de la Convention de 1927 exige que la partie qui demande l'exequatur de la
sentence prouve qu'elle est "devenue définitive114
dans le pays où elle a été
rendue".115
L'interprétation judiciaire du mot " définitive" avait pour effet, que la partie qui
voulait faire exécuter une sentence à l'étranger, était obligée d'obtenir un double exequatur,
d'abord dans le pays d'origine de la sentence et ensuite dans le pays d'exécution.
111
Elle correspond à l'article 1484 2° NCPC pour l'arbitrage interne français.
112
Traité de l'arbitrage commercial international: Fouchard (Ph.), Gaillard (E.) et Goldman (B.) page 1005
113
Sutton (David), Kendall (John) et Gill (Judith):Russell on Arbitration, page 407.
114
Soulignement ajouté.
115
L'article 1 § 2 (d) de la Convention de 1927 prévoit: "Que la sentence soit devenue définitive dans le pays où elle
a été rendue, en ce sens qu'elle ne sera pas considérée comme telle si elle est susceptible d'opposition, d'appel ou
de pourvoi en cassation (dans le pays où ces procédures existent), ou s'il est prouvé qu'une procédure tendant à
contester la validité de la sentence est en cours."
33
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale
Execution de la sentence arbitrale

Contenu connexe

Tendances

Les moyens de paiement export
Les moyens de paiement exportLes moyens de paiement export
Les moyens de paiement export
cciducher
 
Commissionnaire de transport
Commissionnaire de transportCommissionnaire de transport
Commissionnaire de transport
Rabah HELAL
 
Assurance maritime et_le_transport_multimodal
Assurance maritime et_le_transport_multimodalAssurance maritime et_le_transport_multimodal
Assurance maritime et_le_transport_multimodal
Rabah HELAL
 
S 1 introduction au cours et à la logistique internationale
S 1   introduction au cours et à la logistique internationaleS 1   introduction au cours et à la logistique internationale
S 1 introduction au cours et à la logistique internationale
BobDurelle
 
Procedure dedouanement
Procedure dedouanementProcedure dedouanement
Procedure dedouanement
omar lhasnaoui
 
Logistique terminaux conteneurs
  Logistique terminaux conteneurs  Logistique terminaux conteneurs
Logistique terminaux conteneurs
Rabah HELAL
 

Tendances (20)

Les moyens de paiement export
Les moyens de paiement exportLes moyens de paiement export
Les moyens de paiement export
 
Le cout du transport
Le cout du transportLe cout du transport
Le cout du transport
 
Presentation
PresentationPresentation
Presentation
 
Le transport maritime
Le transport maritimeLe transport maritime
Le transport maritime
 
Commissionnaire de transport
Commissionnaire de transportCommissionnaire de transport
Commissionnaire de transport
 
Assurance maritime et_le_transport_multimodal
Assurance maritime et_le_transport_multimodalAssurance maritime et_le_transport_multimodal
Assurance maritime et_le_transport_multimodal
 
Transport international
Transport internationalTransport international
Transport international
 
S 1 introduction au cours et à la logistique internationale
S 1   introduction au cours et à la logistique internationaleS 1   introduction au cours et à la logistique internationale
S 1 introduction au cours et à la logistique internationale
 
Transport maritime
Transport maritimeTransport maritime
Transport maritime
 
vers une optimisation de la chaine logistique.pptx
vers une optimisation de la chaine logistique.pptxvers une optimisation de la chaine logistique.pptx
vers une optimisation de la chaine logistique.pptx
 
Transport terrestre de marchandise
Transport terrestre de marchandiseTransport terrestre de marchandise
Transport terrestre de marchandise
 
Logistique Internationale
Logistique InternationaleLogistique Internationale
Logistique Internationale
 
Entreprises en difficulté - Les Procédures collectives et amiables !
Entreprises en difficulté - Les Procédures collectives et amiables !Entreprises en difficulté - Les Procédures collectives et amiables !
Entreprises en difficulté - Les Procédures collectives et amiables !
 
Rapport stage Problématique commerce international
Rapport stage Problématique commerce internationalRapport stage Problématique commerce international
Rapport stage Problématique commerce international
 
Tableau De Bord De L activite Logistique
Tableau De Bord De L activite LogistiqueTableau De Bord De L activite Logistique
Tableau De Bord De L activite Logistique
 
Procedure dedouanement
Procedure dedouanementProcedure dedouanement
Procedure dedouanement
 
Logistique terminaux conteneurs
  Logistique terminaux conteneurs  Logistique terminaux conteneurs
Logistique terminaux conteneurs
 
Le transport maritime (Rapport d'exposé)
Le transport maritime (Rapport d'exposé)Le transport maritime (Rapport d'exposé)
Le transport maritime (Rapport d'exposé)
 
Rapport de projet
Rapport de projetRapport de projet
Rapport de projet
 
Guide 03 : Le guide de la scénarisation pédagogique e-learning.
Guide 03 : Le guide de la scénarisation  pédagogique e-learning.Guide 03 : Le guide de la scénarisation  pédagogique e-learning.
Guide 03 : Le guide de la scénarisation pédagogique e-learning.
 

Similaire à Execution de la sentence arbitrale

Loi applicable aux contrats maritimes
Loi applicable aux contrats maritimesLoi applicable aux contrats maritimes
Loi applicable aux contrats maritimes
Rabah HELAL
 
Principe de compétence compétence
Principe de compétence compétencePrincipe de compétence compétence
Principe de compétence compétence
Rabah HELAL
 
Connaissement et-contentieux
Connaissement et-contentieuxConnaissement et-contentieux
Connaissement et-contentieux
Rabah HELAL
 
Contrat ineternational par mer
  Contrat ineternational par mer  Contrat ineternational par mer
Contrat ineternational par mer
Rabah HELAL
 
Memoire mona grid_maritime
Memoire mona grid_maritimeMemoire mona grid_maritime
Memoire mona grid_maritime
Rabah HELAL
 
Paiement du fret
Paiement du fretPaiement du fret
Paiement du fret
Rabah HELAL
 
Faye new memoire_-_la_livraison_sans_connaissement
Faye new memoire_-_la_livraison_sans_connaissementFaye new memoire_-_la_livraison_sans_connaissement
Faye new memoire_-_la_livraison_sans_connaissement
martherose
 
Z la liberté contractuelle 546 pages
 Z la  liberté contractuelle 546 pages Z la  liberté contractuelle 546 pages
Z la liberté contractuelle 546 pages
Rabah HELAL
 
Liberté contractuell
Liberté contractuellLiberté contractuell
Liberté contractuell
Rabah HELAL
 
Z la liberté contractuelle 546 pages
      Z la  liberté contractuelle 546 pages      Z la  liberté contractuelle 546 pages
Z la liberté contractuelle 546 pages
Rabah HELAL
 
Liberte contractuel
  Liberte contractuel  Liberte contractuel
Liberte contractuel
Rabah HELAL
 
Faut il supprimer la limitation de responsabilité en matière de créances ma...
  Faut il supprimer la limitation de responsabilité en matière de créances ma...  Faut il supprimer la limitation de responsabilité en matière de créances ma...
Faut il supprimer la limitation de responsabilité en matière de créances ma...
Rabah HELAL
 
Les garanties p&i
Les garanties p&iLes garanties p&i
Les garanties p&i
Rabah HELAL
 
Dess garantiesp&i
  Dess garantiesp&i  Dess garantiesp&i
Dess garantiesp&i
Rabah HELAL
 
Responsabilité du transporteur
  Responsabilité du transporteur  Responsabilité du transporteur
Responsabilité du transporteur
Rabah HELAL
 
Livraison sans_connaissement
  Livraison sans_connaissement  Livraison sans_connaissement
Livraison sans_connaissement
Rabah HELAL
 
La livraison_sans_connaissement
 La livraison_sans_connaissement La livraison_sans_connaissement
La livraison_sans_connaissement
Rabah HELAL
 

Similaire à Execution de la sentence arbitrale (20)

Loi applicable aux contrats maritimes
Loi applicable aux contrats maritimesLoi applicable aux contrats maritimes
Loi applicable aux contrats maritimes
 
Principe de compétence compétence
Principe de compétence compétencePrincipe de compétence compétence
Principe de compétence compétence
 
LA CONVENCTION DE ROM.doc
LA CONVENCTION DE ROM.docLA CONVENCTION DE ROM.doc
LA CONVENCTION DE ROM.doc
 
Connaissement et-contentieux
Connaissement et-contentieuxConnaissement et-contentieux
Connaissement et-contentieux
 
Contrat ineternational par mer
  Contrat ineternational par mer  Contrat ineternational par mer
Contrat ineternational par mer
 
Memoire mona grid_maritime
Memoire mona grid_maritimeMemoire mona grid_maritime
Memoire mona grid_maritime
 
Paiement du fret
Paiement du fretPaiement du fret
Paiement du fret
 
Faye new memoire_-_la_livraison_sans_connaissement
Faye new memoire_-_la_livraison_sans_connaissementFaye new memoire_-_la_livraison_sans_connaissement
Faye new memoire_-_la_livraison_sans_connaissement
 
Z la liberté contractuelle 546 pages
 Z la  liberté contractuelle 546 pages Z la  liberté contractuelle 546 pages
Z la liberté contractuelle 546 pages
 
Liberté contractuell
Liberté contractuellLiberté contractuell
Liberté contractuell
 
Z la liberté contractuelle 546 pages
      Z la  liberté contractuelle 546 pages      Z la  liberté contractuelle 546 pages
Z la liberté contractuelle 546 pages
 
Liberte contractuel
  Liberte contractuel  Liberte contractuel
Liberte contractuel
 
Faut il supprimer la limitation de responsabilité en matière de créances ma...
  Faut il supprimer la limitation de responsabilité en matière de créances ma...  Faut il supprimer la limitation de responsabilité en matière de créances ma...
Faut il supprimer la limitation de responsabilité en matière de créances ma...
 
Reglamento arbitraje fr
Reglamento arbitraje frReglamento arbitraje fr
Reglamento arbitraje fr
 
Cr Colloque Consultation Outre Mer Palais Bourbon 03 12 2009
Cr Colloque Consultation Outre Mer   Palais Bourbon  03 12 2009Cr Colloque Consultation Outre Mer   Palais Bourbon  03 12 2009
Cr Colloque Consultation Outre Mer Palais Bourbon 03 12 2009
 
Les garanties p&i
Les garanties p&iLes garanties p&i
Les garanties p&i
 
Dess garantiesp&i
  Dess garantiesp&i  Dess garantiesp&i
Dess garantiesp&i
 
Responsabilité du transporteur
  Responsabilité du transporteur  Responsabilité du transporteur
Responsabilité du transporteur
 
Livraison sans_connaissement
  Livraison sans_connaissement  Livraison sans_connaissement
Livraison sans_connaissement
 
La livraison_sans_connaissement
 La livraison_sans_connaissement La livraison_sans_connaissement
La livraison_sans_connaissement
 

Execution de la sentence arbitrale

  • 1. UNIVERSITE DE DROIT, D'ECONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX-MARSEILLE ******************** FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D'AIX-MARSEILLE ******************** TITRE: EXECUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE ET LES VOIES DE RECOURS CONTRE LA SENTENCE RENDUE MEMOIRE: Pour le D.E.S.S. transports maritimes et aériens Option droit maritime & droit des transports Présenté par Mme Bronwyn MCARDLE FROISSARD DIRECTEUR DE RECHERCHES: M. C. SCAPEL Année de soutenance: 1999 1
  • 2. Remerciements: Je souhaite remercier M. Christian Scapel de m'avoir accueilli dans son D.E.S.S. Cette année universitaire m'a donné la possibilité de découvrir et d'apprécier le droit maritime et le droit français. Je tiens également à remercier M. Christian Scapel et M. le Professeur Pierre Bonnassies pour leurs conseils et encouragements lors de la préparation de ce mémoire. Je suis également très reconnaissante envers M. Mohamed Torchani, qui m'a aidé à trouver les documents utiles à la rédaction de cette étude. Je désire enfin remercier Mme Karen Maxwell de Lincoln's Inn et M. Michael Moon de Shaw & Croft, qui m'ont fourni des informations utiles sur le droit d'arbitrage maritime anglais. 2
  • 3. SOMMAIRE (une table des matières détaillées figure à la fin de cette étude) INTRODUCTION.........................................................................................................................................................4 PARTIE 1....................................................................................................................................................................10 CHAPITRE 1: EVOLUTION DES CONVENTIONS INTERNATIONALES FACILITANT L'EXÉCUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE...........................................................................................................................11 CHAPITRE 2: LES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION DE NEW YORK DE 1958................................18 CHAPITRE 3: DEUX DÉCISIONS POLÉMIQUES..............................................................................................46 CHAPITRE 4 : CONVENTIONS RÉGIONALES..................................................................................................58 CHAPITRE 5: D'AUTRES CONVENTIONS INTERNATIONALES.................................................................62 CHAPITRE 6: INSTRUMENTS INTERNATIONAUX FACULTATIFS...........................................................67 PARTIE 2 ...................................................................................................................................................................73 CHAPITRE 1: EFFETS DES RÉFORMES DU DROIT NATIONAL SUR L'EXÉCUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE ET LES VOIES DE RECOURS.................................................................................74 CHAPITRE 2: EXÉCUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE.......................................................................84 CHAPITRE 3: RECOURS CONTRE LA SENTENCE ARBITRALE.................................................................92 CONCLUSION.........................................................................................................................................................107 BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................................................................108 ANNEXE I :LE PROTOCOLE DE 1923 & LA CONVENTION DE 1927........................................................111 ANNEXE II :LA CONVENTION DE NEW YORK DE 1958.............................................................................116 ANNEXE III: CONVENTION EUROPEENNE SUR L'ARBITRAGE COMMERCIAL INTERNATIONAL DE 1961 ET ARRANGEMENT DE 1962...............................................................................................................120 ANNEXE IV : ARTICLES 1442-1507 DU NCPC.................................................................................................127 ANNEXE V: LOI-TYPE DE LA CNUDCI SUR L'ARBITRAGE COMMERCIAL INTERNATIONAL.....131 ANNEXE VI : L'ARBITRATION ACT, 1996.......................................................................................................139 3
  • 4. INTRODUCTION L'arbitrage est devenu le moyen reconnu de régler les différends du commerce international. Les différends soumis aux grands centres internationaux d'arbitrage, augmentent régulièrement en nombre et en importance. La mondialisation, qui multiplie les possibilités de conflits, est à l'origine de l'essor de cette justice privée. Dans certaines activités, comme le maritime, il existe une longue tradition d'arbitrage. Mais d'autres secteurs commencent à considérer l'arbitrage comme alternative à la justice étatique. En France, la Cour de conciliation et d'arbitrage de la logistique et du transport a été officiellement présentée le 3 juin dernier.1 L'objet de l'arbitrage est d'aboutir à une sentence qui sera exécutée spontanément par les parties. Si les parties arrivent à un accord avant la fin de la procédure arbitrale, qui peut être transformée en sentence, c'est encore mieux. A défaut de l'exécution spontanée, la sentence doit être capable d'exécution forcée. i) Exécution volontaire En majorité les sentences arbitrales sont exécutées spontanément.2 Comment expliquer le fait que la partie perdante exécute la sentence sans tenter de la contester? On peut offrir plusieurs explications: Tout d'abord, on peut considérer l'état d'esprit des parties qui ont recours à l'arbitrage. Même si les parties ne s'accordent pas entièrement, elles s'entendent dans le désaccord: elles veulent une solution rapide et finale. C'est un des attraits de l'arbitrage. Si elles veulent un procès avec un ou deux niveaux de juridiction, elles s'adressent à un tribunal étatique. Dans le secteur maritime, l'arbitrage est accepté comme une partie du jeu. Les parties peuvent exécuter la sentence pour des raisons commerciales. Dans des affaires maritimes, il n'est pas inhabituel qu'elles aient d'autres affaires commerciales en cours, qu'elles ont intérêt à garder, surtout quand elles sont indemnisées par leurs sociétés d'assurance pour une perte financière due à la sentence. On peut penser aussi qu'elles craignent une mauvaise publicité, dans un secteur où la concurrence est rude. Les institutions d'arbitrage se réfèrent aussi, bien entendu, à la qualité de l'arbitrage. La C.C.I. a fondé sa cour d'arbitrage en 1923 et a une longue expérience dans ce domaine. La London Maritime Arbitrators Association (L.M.A.A.), a été fondée en 1960 mais ses racines et traditions remontent à plus de 300 ans et sont liées avec à l'histoire du Baltic Exchange. L'activité de la Chambre Arbitrale de Paris (C.A.M.P.) augmente régulièrement chaque année.3 1 Orange (Martine): "Les entreprises préfèrent l'arbitrage au tribunal" Le Monde, 1 juin, 1999. Voir aussi De Fos (Guillemette): "Arbitrage en Transport et Logistique, B.T.L., 22 février 1999, page 131. 2 Le chiffre de 90 % des sentences C.C.I. exécutées volontairement a été avancé il y a quelques années. Voir Block (Guy): "Les contestations pouvant naître de l'organisation, du déroulement ou de l'exécution des procédures arbitrales." RDAI 1996, p. 179 3 Voir "L'arbitrage maritime à Londres et à Paris: La London Maritime Arbitrators' Association et la Chambre Maritime de Paris.": Madg (Juliette), Mémoire (1994), Centre de Droit Maritime et des Transports. 4
  • 5. Les arbitres sont choisis, soit par les parties, soit par les institutions d'arbitrage pour leur professionnalisme et expérience. A la différence d'un procès devant une cour étatique, les parties peuvent choisir la procédure. Les arbitres essayent de trouver des solutions souples pour résoudre les incidents procéduraux. Ils font en sorte, que même si une partie au moins n'est pas satisfaite du résultat, elles sont prêtes à l'accepter. Quantité de problèmes sont réglés en amont pour limiter la possibilité de conflits plus tard. ii) Recours au juge étatique Toute convention d'arbitrage impliquera que les parties exécutent la sentence. La sentence arbitrale est res judicata.4 Cependant, si la sentence n'est pas exécutée volontairement, la partie qui a obtenu gain de cause, est obligée de s'adresser au juge étatique pour obtenir l'exequatur de la sentence. Il est important que la sentence soit capable d'exécution forcée, à la fois sur le plan national et international. La tendance actuelle est de faciliter l'exequatur de la sentence arbitrale. Au niveau national, les Etats ont reconnu l'importance de l'arbitrage dans le commerce national et international. De nombreux pays ont modernisé leurs droits nationaux pendant ces dernières vingt années. En Angleterre, l'une des raisons de la réforme de la loi sur l'arbitrage en 1996, était la perception que les voies de recours contre la sentence arbitrale étaient trop compliquées et Londres était en danger de perdre sa position comme un des grands centres mondiaux d'arbitrage.5 Ces réformes ont été accompagnées par une approche plus positive des juges étatiques vers l'arbitrage. Ils respectent la volonté des parties de régler leurs différends par voie arbitrale et sont prêts à ordonner l'exequatur de la sentence. Grâce aux conventions internationales, en particulier celle de New York de 19586 , il est plus facile de faire exécuter une sentence arbitrale à l'échelon international qu'un jugement d'un tribunal étatique. C'est un des avantages majeurs de l'arbitrage et l'une des raisons pour l'envolée de sa popularité ces dernières années. Néanmoins, pour obtenir l'exequatur de la sentence, il existe certaines règles qu'il faut absolument respecter: A) Convention d'arbitrage La convention d'arbitrage prouve la volonté des parties de soustraire leur différend du domaine des tribunaux étatiques. En général, les clauses compromissoires inscrites dans les contrats-types, ne présentent pas, en 4 L'article III de la Convention de New York de 1958. L'article 1476 du NCPC français pour l'arbitrage interne et également pour l'arbitrage international par renvoi opéré par l'article 1500 du NCPC. En droit anglais, les articles 58 §1 et 101 de l'Arbitration Act, 1996. 5 Voir Clause 1 du "1997 Supplementary Report on the Arbitration Act, 1996 par le Departmental Advisory Committee on Arbitration Law," Arbitration International, Volume 13, N° 3, p.317. 6 Convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères (New York, 10 juin 1958) 5
  • 6. elles-mêmes, de difficultés. Les clauses compromissoires, dans les chartes-parties, par exemple, sont écrites par des juristes spécialisés et les parties sont des professionnels qui n'ont pas besoin de la protection fournie par les tribunaux étatiques. Des problèmes surgissent quand les clauses compromissoires sont écrites par des non- spécialistes, et s'avèrent être ambiguës, imprécises, incomplètes, précaires, annulables ou portent sur une matière inarbitrables. Les problèmes se présentent également quand l'une des parties n'est pas une partie au contrat comportant la clause compromissoire, par exemple, l'opposabilité de la clause insérée dans une charte-partie au tiers porteur du connaissement. 7 B) Principes fondamentaux de la procédure L'arbitrage relève de l'ordre privé, mais il existe des principes fondamentaux de procédure qui doivent être respectés. Leur non-observation ouvre des voies de recours contre la sentence à une partie perdante dilatoire ou de mauvaise foi. Ces principes se trouvent dans la Convention de New York de 1958, par exemple, le principe de la contradiction.8 Ils sont tellement fondamentaux et universels que la plupart des juges étatiques retrouvent les équivalents dans leur droit interne.9 Le juge d'exequatur doit mettre en balance, l'intérêt d'avoir des sentences définitives, avec les risques d'injustice à l'encontre d'une des parties impliquée par l'arbitrage. Cela illustre l'importance de l'expertise des arbitres dans le déroulement de l'arbitrage. "Justice must not only be done: it must also be seen to be done." En plus, la plupart des tribunaux étatiques refusent d'ordonner l'exequatur d'une sentence arbitrale si elle est contraire à l'ordre public. Chaque ordre judiciaire forme sa propre conception d'ordre public et il y a des divergences parmi les Etats.10 C) Siège d'arbitrage L'exécution de la sentence sera énormément facilitée si elle a été rendue dans un pays qui est un contractant de la Convention de 1958 et son exequatur est demandé dans un autre pays adhérent. Etant donné le grand succès de cette convention et le nombre de ses adhérants, il est rare aujourd'hui que le pays d'exécution de la sentence n'ait pas ratifié la Convention. La Convention de 1958 prévoit que l'annulation de la sentence "par une autorité compétente du pays dans lequel ou d'auprès la loi duquel elle a été rendue" peut justifier le refus d'exequatur.11 Cela montre l'importance du choix du lieu d'arbitrage. Il vaut mieux choisir un pays où les voies de recours, menant à l'annulation de la sentence, sont restreintes et claires. 7 "L'Arbitrage Multipartite":Willocq (Florence), Mémoire (1998), Centre de Droit Maritime et des Transports. 8 L'article V de la Convention de 1958. 9 Voir l'article 1502 du NCPC français. En droit anglais, les articles 67 à 68 et 103 de l'Arbitration Act, 1996. 10 L'article V.2 (b) de la Convention de 1958; les articles 1484 .6 et 1502.5 du NCPC et les article 103.3 et 81.1 (c) de l'Arbitration Act, 1996 en Angleterre. Voir aussi paragraphe 2.8.2.1 de notre étude. 11 L'article V § 1 (e) de la Convention de 1958. 6
  • 7. Les droits d'arbitrage international de certains pays, comme la France, vont au-delà des exigences requises par la Convention de 1958 pour la reconnaissance et l'exécution de la sentence arbitrale étrangère. En France, à la différence de la Convention de 1958, l'annulation de la sentence dans son pays d'origine n'est pas reconnue comme grief pour un refus d'exequatur.12 Cette situation peut mener à l'incertitude avec une sentence annulée dans un pays mais reconnue dans un autre. iii) Le Droit Applicable à l'Arbitrage Commercial International Le recours à l'arbitrage est particulièrement utilisé dans certains secteurs d'activités, qui par leur nature concernent le négoce international et les parties sont souvent de nationalités différentes: le maritime, l'assurance, la construction et les travaux publics. Néanmoins, les conventions internationales et le droit national qui s'appliquent pour tous ces secteurs sont grosso modo les mêmes. Ils relèvent tous de l'arbitrage commercial international. L'arbitrage commercial international est régi en France par la Convention de 1958 et les articles 1492 à 1507 du NCPC. En Angleterre, il est régi également par la Convention de 1958 et aussi l'Arbitration Act, 1996. La même jurisprudence concerne toutes les branches de l'arbitrage commercial international sauf, bien entendu, pour les différences qui surgissent dues aux pratiques particulières de chaque secteur. Les arbitres et juristes spécialistes en arbitrage maritime, par exemple, ne peuvent ignorer les décisions juridiques dans les autres secteurs d'activité. Etant donné l'importance du "Precedent" en droit anglais, il est particulièrement vrai pour l'arbitrage à Londres. Pour cette raison, nous ne nous bornerons pas à étudier la jurisprudence maritime. Nous nous référons également aux décisions juridiques touchant d'autres secteurs et qui affectent également l'arbitrage maritime. L'arbitrage interne français est régi par les articles 1442 à 1491 du NCPC. Le droit anglais ne distingue pas en principe entre l'arbitrage interne et international et les dispositions de l'Arbitration Act, 1996 régissent les deux. Dans notre étude, nous regarderons les deux formes de l'arbitrage. Néanmoins, étant donné que l'activité maritime est par sa nature internationale, nous nous concentrerons sur l'arbitrage international. iv) Arbitrage Maritime: l'étendue et le droit applicable L'arbitrage maritime a le vent en poupe.13 Historiquement la plupart des disputes touchant des contrats maritimes ont été résolues par l'arbitrage par opposition aux tribunaux étatiques. Les chartes-parties types prévoient l'arbitrage presque toujours et lorsque tel n'est pas le cas, une clause compromissoire manuscrite est habituellement ajoutée au contrat. Les professionnels de ce secteur préfèrent que leurs disputes soient réglées discrètement par un arbitre spécialisé dans ce domaine que par un juge étatique. Les litiges présentent souvent un caractère international et les parties préfèrent également plaider devant un arbitre neutre et de nationalité différente de la leur.14 12 Ce grief n'est pas mentionné dans l'article 1502 du NCPC qui a un caractère limitatif. 13 Jambu-Merlin R: "L'arbitrage maritime", Mélange Rodière 14 Redmond-Gouillard (Martine): Droit Maritime, Edition Pedone (1993), page 28 Voir aussi l'Handbook of Arbitration Practice: Bernstein (Ronald), Tachaberry (John) et Marriot (Arthur), Chapitre 4 7
  • 8. Il existe un réseau complet d'institutions d'arbitrage maritime à travers le monde.15 Même si la flotte Britannique a beaucoup diminuée, Londres reste un centre privilègié d'arbitrage, grâce à sa réputation et la présence sur place des experts d'arbitrage maritime et des organisations maritimes: Lloyds of London, le Institute of Chartered Shipbrokers, Lloyd's Registrer of Shipping, IMO et les Protection and Indemnity Clubs britanniques. Les chartes-parties types stipulent la plupart de temps: "Arbitration in London" et le contrat-type "Lloyds Form of Salvage" prévoit également l'arbitrage à Londres. Cependant, la majorité des plaideurs qui apparaissent devant la LMAA ne sont pas anglais. Il est important que la partie qui a obtenue gain de cause , puisse obtenir l'exequatur de la décision arbitrale dans un Etat où le "perdant" est résident ou a des actifs, dans l'éventualité où celui-ci n'exécute pas spontanément la décision. Les Règles de Hambourg (article 22 de la Convention) prévoient l'arbitrage pour le transport de marchandises par mer. Cependant, la plus importante Convention pour l'arbitrage, y compris l'arbitrage maritime, est celle de New York de 1958. Il y a peu de jurisprudence récente concernant l'exécution des sentences d'arbitrage dans le secteur maritime. Dans un article concernant l'arbitrage et le transport des marchandises par mer, un juriste anglais a suggéré la raison à ce manquement. Il a également mentionné l'importance de l'exécution des sentences maritimes. " Cases involving the enforcement of maritime awards are few and far between. This may be due to the policy of suing the owners of the vessel in personam and the actual vessel in rem. Therefore, the party who receives an arbitral award in its favour can usually satisfy the award though the in rem seizure of the vessel. Nevertheless, the enforceability of a maritime cargo award is still important for several reasons. First, the vessel may be worth less than the award itself and a party may have to seek enforcement where additional funds exist. Secondly, the losing party can just as easily petition the court to vacate the arbitral award as the other party can petition to enforce the award. Thirdly, an enforcing court may wish to review the arbitral award to ensure that legitimate national interests were considered by the arbitrators."16 En plus, les parties arrivent souvent à un accord avant le début de l'ouverture du procès devant le juge étatique, quelquefois pour éviter une mauvaise publicité. Nous pouvons aussi penser que l'abolition de la procédure "special categories" par l'Arbitration Act, 1996 a contribué à réduire la jurisprudence dans ce domaine.17 v) Parties 1 et 2 de notre étude Nous commencerons par examiner l'évolution des conventions internationales de l'arbitrage et leur effet sur l'exequatur de la sentence arbitrale (chapitre I.1). La Convention de 1958 est la charnière de l'arbitrage international et nous étudierons ses dispositions en détail. Nous nous référerons à quelques décisions judiciaires polémiques concernant l'interprétation de cette 15 La London Maritime Arbitrators Associaton (LMAA); la Chambre Arbitrale Maritime à Paris (CAMP); Society of Maritime Arbitrators of New York; d'autres organismes régionaux fonctionnent à Montréal, San Francisco, Hong Kong et Pékin. 16 Curtin (Kenneth-Michael): "Arbitrating maritime cargo disputes-future problems and considerations". L.M.C.L.Q 1997, p. 31 17 Voir Paragraphe II.1.3.1 8
  • 9. convention. Elles illustrent certaines difficultés actuelles d'arbitrage international (chapitres I.2 et I.3). Nous ne nous attarderons pas sur les autres conventions internationales car leurs dispositions ont moins d'importance pratique pour notre étude (chapitres I.4 et I.5). Nous mentionnerons les instruments internationaux facultatifs d'arbitrage et surtout la Loi-type de la CNUDCI. Ce document a été utilisé comme modèle pour la réforme de nombreuses lois nationales sur l'arbitrage. Son adoption aide à l'harmonisation des droits nationaux d'arbitrage et par conséquent, l'exequatur des sentences arbitrales à l'échelon international (chapitre I.6). La deuxième partie de notre étude concerne les droit national. Nous examinerons les réformes des droits français et anglais de l'arbitrage. Ces réformes ont simplifié les voies de recours dans les deux pays (chapitre II.1). Ensuite, nous étudierons les dispositions nationales concernant l'exécution de la sentence et les voies de recours (chapitres II.2 et II.3). Finalement, nous conclurons sur la position actuelle concernant l'obtention de l'exequatur d'une sentence arbitrale, d'un point de vue juridique et pratique. 9
  • 10. Partie 1 Conventions internationales et instruments internationaux facultatif d'arbitrage 10
  • 11. Chapitre 1: Evolution des Conventions internationales facilitant l'exécution de la sentence arbitrale I.1.1 Conventions internationales Grâce à l'existence des conventions internationales et en particulier celle de New York de 1958, il est plus facile, en pratique de faire exécuter une sentence arbitrale internationale qu'un jugement étatique à l'échelon international. Cela explique en partie, sa popularité dans les affaires maritimes où le siège de l'arbitrage est souvent dans un pays différent de celui de son exécution et il est impératif qu'on puisse faire exécuter la sentence au niveau international. La plupart des arbitrages de la L.M.A.A. impliquent des étrangers. On choisit le pays de l'exécution de la sentence pour des raisons différentes du siège de l'arbitrage: il est choisi en prenant en compte la présence des actifs de la partie qui a "perdu" à l'arbitrage et la facilité avec laquelle on peut faire exécuter la sentence. En ce qui concerne le secteur maritime, il peut s'agir d'un Etat où le créditeur peut faire saisir le navire de son débiteur. I.1.2 Conventions bilatérales A l'origine, ces conventions étaient des accords bilatéraux, souvent entre les pays voisins. Plusieurs conventions bilatérales conclues en matière d'effets des jugements étatiques étrangers prévoient expressément l'assimilation des sentences arbitrales aux jugements et soumettent l'exequatur des unes et des autres aux mêmes conditions. Il existe notamment des conventions conclues entre la France et la Suisse (1869), la Belgique (1899) et l'Italie (1930). Cependant leur importance pratique a largement diminué dû au succès des conventions multilatérales et surtout celle de New York de 1958. Il est assez rare en France qu'une partie invoque, au soutien ou à l'opposition de l'exequatur d'une sentence arbitrale, une convention bilatérale liant la France et le pays sur le territoire duquel la sentence a été rendue. Néanmoins dans une affaire jugée par la Cour de Cassation le 2 juin 1987, la Convention franco-belge du 8 juillet 1899 était opposée par les défenseurs à l'exequatur d'une sentence rendue en Belgique et la Cour a motivé sa décision d'un moyen unique, celui de l'article 11, 1° de la Convention de 1899.18 L'article VII de la Convention de 1958 prévoit l'existence d'autres accords signés par ses adhérents concernant la reconnaissance et l'exécution des sentences. Mais les conventions bilatérales ne comportent pas toujours des dispositions relatives à leurs rapports avec d'autres traités; c'est le cas pour la convention franco-belge de 1899. Un conflit peut apparaître si une sentence remplit les conditions requises par la convention de 1958 mais pas celles de 1899. Un auteur a constaté: "qu'un accord de plus en plus général se réalise en doctrine pour le [conflit] résoudre par la règle dit 'l'efficacité maximale', dont l'effet est ici d'appliquer toujours sur la convention la plus favorable à l'exécution, même si elle n'est ni la plus récente ni la plus 18 Epoux Vogeleer c/ Guide de l'Automobilitste: Rev. arb. 1988, page 282, voir aussi note de Pierre Mayer, page 284. 11
  • 12. 'spéciale'19 ". I.1.3 Conventions multilatérales Les objectifs des conventions et quelques difficultés d'interprétation et d'application : L'arbitrage a une longue histoire, mais les deux premiers traités multilatéraux de l'époque contemporaine ont été élaborés sous les auspices de la Société des Nations à Genève. Le premier fût le Protocole de Genève de 1923 et le deuxième, la Convention de Genève de 1927. Ils ont été largement rendus caduques par la Convention de 1958. Néanmoins ils ont marqué une première étape sur la reconnaissance des conventions d'arbitrage et la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales internationales. Ils sont encore relevants pour les pays qui les ont ratifiés mais n'ont pas ratifié la Convention de 1958.20 Les objectifs de ces trois traités sont l'exécution des conventions d'arbitrages et de faciliter l'exequatur des sentences arbitrales en dehors du pays d'origine. Un autre objectif qui n'est pas mentionné dans les traités, mais qui est implicite, est d'harmoniser les conditions requises pour l'exécution des conventions d'arbitrage et l'exequatur des sentences arbitrales et également les griefs recevables pour le refus de ceux-ci au niveau international. La doctrine est divisée sur lequel des objectifs est le plus important: la facilité de faire exécuter la sentence arbitrale ou avoir les règles uniformes au niveau mondial qui évitent la confusion, l'incertitude et aussi le forum shopping.21 Nous allons voir ci-dessous que même si une certaine uniformité a été atteinte, il reste toujours des imperfections. Les traités n'ont pas été toujours interprétés de la même manière par les juges étatiques. Certains Etats qui ont ratifié ces trois traités, ont également ratifié des conventions régionales concernant l'arbitrage et donc ils sont sujets à des régimes différents.22 La ratification de la Convention de Genève de 1961 est un bon exemple, elle a été ratifiée par une trentaine d'états dont la France. En outre, il y a des divergences entre les dispositions des traités et les droits nationaux. Le droit commun français a des dispositions qui sont moins contraignantes sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales, que celles de la Convention de 1958.23 L'Angleterre a une longue tradition d'arbitrage dans certains secteurs, comme le maritime. Par conséquent, le droit anglais a été développé au fur et au mesure pendant les siècles et est très complexe. En plus, il ne distingue pas, en principe, entre l'arbitrage interne et international. 19 Note de Pierre Mayer, rev. arb. 1988, page 286. Il a remarqué aussi les problèmes associés avec cette opinion. 20 Liste des pays qui ont ratifié la convention de Genève de 1927 mais pas celle de 1958: Les Iles Caïmans; la Zambie; Samoa de l'Ouest; le Portugal; le Malte; la Guyane; la Grenade. Liste du Robert J. D. Stevenson: "Public Policy and Fraud as a ground of challenge to Foreign Judgements and Arbitration Awards.", Arbitration, 1993, p. 168. Il faut être vigilant parce qu'il y a régulièrement des nouveaux pays qui accèdent à la Convention de 1958. 21 Pour un avis en faveur des mesures le plus favorable à l'exécution de la sentence aux dépens de l'harmonisation, voir "L'exécution des sentences arbitrales dans le monde de demain": Paulsson ( Jan), rev. arb. 1998, page 640 22 "Reflections on the Effectiveness of International Arbitration Awards": George R. Delaume, Journal of International Arbitration, 1995, volume 1, page 5 23 Les griefs reconnus pour refuser l'exequatur d'une sentence arbitrale sont plus restreints en droit français que ceux de la Convention de 1958. Voir les articles 1502 et 1504 du NCPC et l'article V de la Convention de 1958. 12
  • 13. Cette divergence peut occasionner des résultats bizarres et le désordre. Dans l'affaire Hilmarton,24 par exemple, une sentence arbitrale a été annulée par un tribunal étatique dans son pays d'origine, la Suisse, mais a été reconnue en France. Ensuite, une deuxième sentence a été rendue par l'ICC en Suisse, qui a aussi été reconnue en France par la Cour d'Appel de Versailles. Pendant une période, il existait deux sentences conflictuelles, toutes les deux avaient la valeur de la chose jugée25 en France, avant que la Cour de Cassation casse la décision de la Cour d'Appel. La doctrine est aussi divisée sur le niveau de contrôle que les états doivent exercer sur les sentences arbitrales. Il y a des auteurs qui estiment le droit français trop libéral et préconisent plus de contrôle étatique sur ce système du justice privé. Il faut également établir un équilibre entre d'un côté le respect de la volonté des parties à régler leurs litiges par voie arbitrale et d'un autre côté la nécessité de protéger une partie en cas d'irrégularité dans la procédure de l'arbitrage. Malgré leurs imperfections, les traités, et en particulier la Convention de 1958, avec la "loi-type" de la CNUDCI ont réussi à obtenir un certain degré d'uniformité. L'analyse des mécanismes mis en place par les trois traités est d'un intérêt pratique limité pour solliciter l'exequatur d'une sentence arbitrale en France et Angleterre.26 En revanche, elle est utile pour savoir comment les sentences rendues dans ces deux pays sont capables d'être exécutées dans les autres Etats contractants de la Convention de 1958. Nous commencerons par regarder brièvement les deux premiers traités pour comprendre l'évolution de l'arbitrage commercial international, avant d'étudier en détail la convention de 1958. I.1.4 Protocole de Genève du 24 septembre 1923 Ce protocole "relatif aux clauses d'arbitrage" est entré en vigueur le 28 juillet 1924. Il a été ratifié par la France le 7 mai 192827 et la Grande-Bretagne le 27 septembre 1927. Il concerne principalement la reconnaissance de la validité des conventions d'arbitrage et la compétence des Etats pour régler la procédure d'arbitrage. Il reconnaît un des principes qui est devenu fondamental dans l'arbitrage: la volonté des parties. L'article 2 stipule que "la procédure de l'arbitrage, y compris la constitution du tribunal arbitrale, est réglée par la volonté des parties et la loi du territoire duquel l'arbitrage a lieu." Les Etats contractants s'engagent à assurer l'exécution des conventions d'arbitrage (article 4) et en plus, l'exécution des sentences arbitrales suite à la procédure arbitrale (article 3). Il se limite aux conventions d'arbitrage conclues entre parties soumises respectivement à la juridiction d'Etats contractants différents (qui peut être soit par leur nationalité, leur domicile, 24 Voir paragraphe 3 de notre étude.. 25 Grâce à l'article 1476 du NCPC. 26 Etant donné que les griefs reconnus pour refuser l'exequatur de la sentence arbitrale sont plus restreints en droit français que ceux de la Convention, la plupart des demandes d'exequatur sont fondées sont les dispositions du droit national. En Angleterre, la plupart des demandes de l"exequatur sont faites par une action en application de l'article 66 de la loi de 1996. Voir paragraphe II.2.4.3 27 Décret de promulgation du 11 juillet 1928, J.O. 23-24 juillet 1928 13
  • 14. leur siège social ou leur établissement principal) (article 1).28 Beaucoup d'Etats, dont la France et la Grande-Bretagne, ont appliqué la réserve contenue dans son article 1, que le Protocole ne s'appliquait qu'aux conventions d'arbitrage considérées comme commercialles par leur droit national. Malgré ses limites, le Protocole a été la première étape prise vers la reconnaissance et l'exécution des conventions d'arbitrage et des sentences arbitrales au plan international. I.1.5 Convention de Genève du 26 septembre 1927 3. La "convention pour l'exécution des sentences arbitrales étrangères" est entrée en vigueur le 25 juillet 1929. Elle a été ratifiée par la plupart des pays européens, dont la Grande-Bretagne le 2 juillet 193029 et la France le 13 mai 1931.30 Son objectif était d'étendre le champ d'application du Protocole de 1923 à la reconnaissance et l'exécution des sentences visées par ce Protocole sur le territoire de tous les Etats adhérents.31 Elle donne une aide restreinte à une partie qui veut faire reconnaître et exécuter une sentence dans un pays autre que celui où elle a été rendue. L'article 1 met un certain nombre de preuves à la charge du demandeur qui ne sont pas faciles à satisfaire. Pour obtenir l'exécution, l'article 1 prévoit qu'il est nécessaire: "(a) Que la sentence ait été rendue à la suite d'un compromis ou d'une clause compromissoire valable d'après la législation qui leur est applicable; (b) Que, d'après la loi du pays où elle est invoquée, l'objet de la sentence soit susceptible d'être réglé par voie d'arbitrage; (c) Que la sentence ait été prononcée par le tribunal arbitral prévu par le compromis ou la clause compromissoire, ou constitué à l'accord des parties et aux règles de droit applicables à la procédure d'arbitrage; (d) Que la sentence soit devenue définitive dans le pays où elle a été rendue, en ce sens qu'elle ne sera pas considérée comme telle si elle est susceptible d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation (dans les pays où ces procédures existent), ou s'il est prouvé qu'une procédure tendant à contester la validité de la sentence est en cours; (e) Que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence ne soit pas contraire à l'ordre public ou aux principes du droit public du pays où elle est invoquée." Les références à la loi du pays où la sentence a été rendue et aux principes du droit du pays où la reconnaissance ou l'exécution sont demandées, ne facilitent ni l'uniformité du l'arbitrage commercial international au niveau mondial, ni l'exécution de la sentence arbitrale. Il faut également prouver le caractère "définitif" de la sentence, c'est-à-dire, qu'elle n'est pas susceptible d'appel. Cette exigence conduit à la nécessité d'obtenir un "double exequatur," d'abord au pays d'origine, et ensuite au pays d'exécution. Il s'agit d'un grand handicap pour la personne qui veut faire exécuter une sentence arbitrale internationale dans un pays autre que celui où elle a été rendue. 28 Traité de l'arbitrage commercial international: Fouchard (PH.); Gaillard (E.); et Goldman (B.), page 140 29 Voir l'Arbitation Act 1950 et l'article 99 de l'Arbitration Act 1996 30 Décret de promulgation, 25 juillet 1931, J.O. 11 août 1931, page 8752 31 Droit de pratique de l'arbitrage commercial international: Redfern & Hunter 14
  • 15. La Convention de 1927 a cependant fait une grande étape vers la reconnaissance et l'exécution de la sentence arbitrale dans le fait qu'elle exclut la révision de fond de la sentence. En outre elle formule certaines règles matérielles qui constitueront désormais les conditions universelles de régularité internationale de la sentence et nous les retrouverons dans la Convention de 1958, par exemple, le droit de la défense (article V, paragraphe 1, b).32 Avec l'essor du commerce international après la deuxième guerre mondiale, il était évident que ces deux traités ne suffisaient plus. La C.C.I. prit l'initiative et a soumis un nouveau texte à l'ONU en 1953. Le Comité Economique et Social des Nations Unies rédigea un nouveau projet, plus restreint que celui de la C.C.I. en 1955. Une conférence internationale sous l'égide de l'ONU fût convoquée à New York en mai 1958 et aboutit à l'adoption de la Convention de 1958. Le texte se rapprochait plus du texte de la C.C.I. que celui du Comité Economique et Social des Nations Unies. Elle reste le principal traité multilatéral sur l'arbitrage international.33 A l'occasion du quarantième anniversaire de cette convention en 1998, l'avis général de la doctrine était que la convention était un succès.34 Elle a été décrite comme la grande histoire de réussite de l'arbitrage commercial international par un éminent juge anglais.35 En effet, même avec ses imperfections, il ne faut pas la modifier ou adopter une nouvelle convention.36 Un changement peut mener à la confusion au niveau international, tenant compte du nombre de ratifications: 119 Etats en juillet 1998, y compris, la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Chine, le Canada, l'Allemagne et la Fédération de Russie. En effet, il est plus facile de noter des absences comme, dans le monde arabe (Iraq, Iran), en Afrique (Zaïre) et en Amérique latine (Brésil).37 Grâce à son succès, il est recommandé par la C.C.I. et d'autres organismes d'arbitrage, à toute partie de vérifier avant de conclure une clause d'arbitrage international si l'Etat de son cocontractant et, le cas échéant, du lieu d'arbitrage, a ratifié la convention de 1958, ou au moins s'il a signé d'autres traités multilatéraux ou bilatéraux offrant les mêmes garanties.38 Etant donné qu'elle est la charnière de l'arbitrage international, nous étudierons cette convention en détail. I.1.6 Convention de New York de 1958 La convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences 32 Traité de l'arbitrage commercial international: .Fouchard (Ph), Gaillard (E), Goldman (B) page 141. 33 Traité de l'arbitrage commercial international, page 142, 34 Le juge anglais, Lord Mustill a écrit que la Convention de 1958 pourrait: "prétendre au rang de l'exemple le plus efficace des législations internationales dans l'histoire entière du droit commercial." Citation rapporté dans l'article "L'exécution des sentences arbitrales en dépit d'une annulation en fonction d'un critère local (ACL)": Paulsson (Jan), Bulletin de la Cour International de la CCI, mai 1998, page 16. 35 Lord Steyn: "That Convention [ New York Convention of 1958] has now entered into force in the laws of some 80 countries. It is the great succes story of international commercial arbitration." Rosseel N.V. v. Oriental Commercial & Shipping Co. (U.K.) Ltd., [1991] 2 lloyd's Rep. , page 629. 36 "L'exécution des sentences arbitrales dans le monde de demain": Paulsson (Jan), rev.arb. 1998, page 4. 37 Liste des Etats Contractants contenue dans la brochure de présentation de l'arbitrage de la CCI (1998), p. 5. 38 La brochure de présentation de l'arbitrage de la CCI (1998), page 5. 15
  • 16. arbitrales est entrée en vigueur le 7 juin 1959. La France l'a ratifiée le 26 juin 1959.39 Le Royaume-Uni l'a ratifiée tardivement le 24 septembre 1975.40 Dans l'article VII, elle prévoit que les traités de 1923 et 1927: "cesseront de produire leurs effets entre les Etats contractants" quand ils seront liés par celui de 1958.41 Elle a fait de grand progrès par rapport au Protocole de 1923 et à la convention de 1927. Elle a réduit le nombre de griefs susceptibles de mener au refus de l'exequatur de la sentence arbitrale. En plus, la preuve est maintenue à la charge de la partie qui oppose l'exequatur de la sentence (article V). Dès que la partie qui demande l'exequatur a produit des documents qui sont mentionnés dans l'article IV, la partie qui l'oppose devra montrer pourquoi le juge étatique ne doit pas accorder l'exequatur.42 En outre elle ne requiert pas le "double-exequatur" de la convention de 1927. La Convention de 1958 n'exige pas que la sentence soit "définitive", dans son pays d'origine mais simplement "obligatoire". La procédure d'exequatur n'est pas précisée par la Convention et reste dans le domaine de compétence de chaque Etat contractant mais elle ne doit pas être plus rigoureuse que celle de sentences nationales (articles III et IV). I.1.6.1 La Convention de 1958 et les droits nationaux anglais et français. Les exigences du droit français pour la reconnaissance et l'exécution d'une sentence arbitrale sont moins contraignantes que celles de la Convention de 1958. Il est donc rare qu'une partie se prévale de la Convention de 1958 pour demander l'exequatur d'une sentence arbitrale en France. En Angleterre le demandeur a le choix: le droit anglais ne distingue pas, en principe, entre la sentence arbitrale rendue sur le territoire national ou à l'étranger. La demande d'exequatur peut être faite par une action en application de l'article 66 de l'Arbitration Act 1996 comme pour une sentence rendue en Angleterre. En plus, le demandeur peut solliciter l'exequatur sous les dispositions de la Section III43 de la loi de 1996 qui concerne les sentences arbitrales rendues dans les Etats contractants de la Convention de 1958.44 Les griefs recevables pour le refus d'exequatur sont plus limités sous le régime de la Section III que ceux de l'article 66. En droit français, nous retrouvons les dispositions de la Convention de 1958, avec certaines omissions45 et modifications dans les articles 1498 à 1507 du NCPC. Le style du droit français est plus synthétisé que celui de la Convention. A la différence de la Section III de la loi anglaise de 1996, le droit commun français, ne réserve pas un "traitement" spécial pour les sentences qui relèvent de la Convention de 1958. Les dispositions applicables à l'exequatur d'une sentence arbitrale internationale sont les mêmes pour toute sentence, même pour une sentence rendue en 39 Décret du 1 septembre 1959. 40 L' Arbitration Act 1950. 41 La Convention de 1958, se réfère à la "reconnaissance et l'exécution" des sentences arbitrales. Cependant, dans l'intérêt de brièveté, nous referons simplement à l'exequatur de la sentence sauf quand la reconnaissance de la sentence est uniquement en question. Voir § 2.3 de notre étude. 42 Il existe aussi des griefs qui peuvent être soulevés par le juge d'office (article VI) 43 les articles 99 à 104 de l'Arbitration Act, 1966 44 Section III de la loi de 1996 concerne exclusivement les sentences arbitrales qui relèvent de la Convention de 1958 et qui ont été rendues dans un autre Etat contractant. L'exception est l'article 99 de la loi de 1996 qui mentionne les sentences qui relèvent de la Convention de 1927. 45 Notamment l'article V § 1 (e) et l'article VI de la Convention n'ont pas d'équivalents en droit français. Voir paragraphe 2.10.3 de notre étude. 16
  • 17. France.46 Le style et le language de la Section III de la loi anglaise de 1996 sont plus fidèle à la Convention que ceux du droit français. Les rédacteurs de la loi de 1996 ont fait quelques modifications pour faciliter le lecteur, mais elle demeure une transposition très fidèle de la Convention au droit anglais. En outre, le droit anglais a gardé tous les griefs, mentionnées dans la Convention qui peuvent être invoqués pour refuser l'exequatur d'une sentence.47 Un lecteur de la convention de 1958 doit ainsi estimer facilement si un juge anglais accorde ou non l'exequatur d'une sentence. Cependant, nous ne pouvons pas toujours anticiper l'interprétation que les juges britanniques feront des dispositions de la Convention et 1958 et de la Section III de la loi de 1996. La tendance aujourd'hui est d'accorder l'exequatur, si possible, et de donner une interprétation restreinte des griefs qui peuvent être invoqués pour le refuser. Dans ce paragraphe, nous ferons référence aux dispositions de la Section III qui correspondent à celles de la Convention de 1958. Etant donné qu'elles sont pour la plupart une transposition sans modification de la Convention, cela évitera de les répéter dans la deuxièmement partie de notre étude. Nous remarquerons également l'interprétation que les juges britanniques ont fait des dispositions de la Convention et aussi de la Section III de la loi anglaise. Nous mentionnerons les dispositions françaises qui correspondent à celles de la Convention et nous commenterons simplement l'interprétation de la Convention par l'ordre judiciaire français. Nous examinerons l'interprétation des articles 1498 à 1507 du NCPC, par l'ordre judiciaire français en détail, dans la deuxième partie de notre étude. Les articles 1498 à 1507 du NCPC ont le même emploi que l'article 66 de la loi anglaise de 1996. Ce sont les dispositions le plus souvent invoquées pour obtenir l'exequatur d'une sentence qui concerne le commerce international. Nous examinerons également les dispositions de l'article 66 de la loi anglaise dans la deuxième partie de notre étude sur le droit national. 46 Sauf dans un mesure: la partie qui oppose l'exécution d'une sentence, demande l'annulation d'une sentence rendue en France. Elle oppose l'ordonnance d'exequatur d'une sentence rendue à l'étranger. 47 Elle a garde les griefs mentionnés à l'article V § 1 (e) et aussi l'article VI qui n'ont pas d'équivalent en droit français. 17
  • 18. Chapitre 2: Les dispositions de la Convention de New York de 1958. La Convention traite grosso modo, deux aspects fondamentaux de l'arbitrage commercial international: l'exécution de la convention d'arbitrage et l'exequatur de la sentence. Comme son l'objectif principal est de faciliter l'accueil des sentences dans les Etats faisant partie de la Convention, il convient de traiter son premier aspect avant d'aborder le deuxième. Cependant, les deux aspects ne peuvent pas être complètement séparés. La validité de la sentence dépend de la volonté des parties à soumettre leur différend à l'arbitrage. Les juges étatiques donnent souvent une interprétation stricte de la convention d'arbitrage qui privent les parties de la protection des tribunaux étatiques. Nous examinerons ci-dessus, quelques cas où la partie "perdante" a essayé d'éviter l'exécution de la sentence en invoquant l'invalidité de la convention d'arbitrage. I.2.1 Convention d'arbitrage I.2.1.1 Texte: L'article II de la convention prévoit que: "1. Chacun des Etats contractants reconnaît la convention écrite par laquelle les parties s'obligent à soumettre à un arbitrage tous les différends ou certains de différends qui se sont élevés ou pourraient s'élever entre elles au sujet d'un rapport de droit déterminé, contractuel ou non contractuel, portant sur une question susceptible d'être réglée par voie d'arbitrage. 2. On entend par "convention écrite" une clause compromissoire insérée dans un contrat, ou un compromis, signés par les parties ou48 contenus dans un échange de lettres ou de télégrammes." La convention ne donne pas la définition d'une convention d'arbitrage qui peut être exécutée sous ses dispositions. Elle ne spécifie pas, non plus, les questions qui sont susceptibles d'être réglées par voie d'arbitrage. A.J. van den Berg a indiqué que ce manquement était dû au fait que l'article II a été inséré dans la Convention en dernière minute et qu'il a troublé les Cours dans une certaine mesure. La Convention ne parle nettement que des sentences arbitrales, c'est-à-dire des sentences arbitrales étrangères, dont une sentence rendue dans un autre Etat ou qui ne sont pas considérées comme "nationales" dans leur pays d'origine. Par contre, elle ne donne pas une définition des conventions d'arbitrage qui tombent dans son champ d'application.49 Les législations nationales définissent donc la façon dont doit être convenue la convention d'arbitrage et il est certain qu'une sentence arbitrale peut se voir refuser l'exequatur si elle a été 48 Soulignement ajouté. 49 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg ( Albert Jan) page 383. 18
  • 19. rendue sur la base d'une convention d'arbitrage jugée inexistante ou nulle. L'article V § 1(a) de la Convention donne au juge de l'exequatur la possibilité de refuser celui-ci si la convention d'arbitrage n'est pas valable. L'article II de la Convention prévoit que la convention d'arbitrage est "écrite". Elle n'exige ni que la convention soit signée par toutes les parties ni qu'elle soit contenue dans un seul document. Cependant, l'article VII de la Convention contient une clause "de régime le plus favorable", ne privant "aucune partie intéressée de la faculté de se prévaloir d'une sentence arbitrale de la manière et dans la mesure admise par la législation et les traités du pays où la sentence est invoquée."50 Cette disposition s'avère utile dans le cas où il est impossible d'obtenir l'exequatur en s'appuyant sur une convention d'arbitrage prévue par la Convention de 1958, en particulier lorsque la convention d'arbitrage n'est pas écrite. Il vaut mieux invoquer un droit national ou un traité plus favorable que de fonder sa demande sur la Convention de 1958. En Angleterre, il est possible de faire exécuter une sentence arbitrale fondée sur une convention d'arbitrage non-écrite par une action on the award.51 La Convention européenne de 1961 dans son article 1 § 2 prévoit que la convention d'arbitrage n'a pas à être expressément signée par les parties. Elle ajoute aux télégrammes le télex, mais surtout, elle reconnaît toutes les formes permises par les lois nationales.52 I.2.1.2 Jurisprudence concernant la convention d'arbitrage: Dans le domaine maritime, la Cour de Cassation53 a récemment motivé une décision sur un moyen unique fondé sur l'article II de la Convention. En espèce la Cour a statué qu'une clause compromissoire insérée dans une charte-partie n'était pas opposable au destinataire de la marchandise si la clause compromissoire n'était pas portée à son attention et acceptée par lui au plus tard au moment de la livraison. Le fait que le connaissement mentionnait que le transport était effectué selon les termes de la charte-partie, dont une copie pouvait être obtenue auprès du chargeur ou de l'affréteur ne suffisait pas. La Cour a statué: "Vu l'article 2 de la convention de New York du 10 juin 1958; Attendu que pour être opposable au destinataire, une clause compromissoire insérée dans un connaissement doit avoir été portée à sa connaissance et avoir été acceptée par lui, au plus tard au moment où, recevant livraison de la marchandise, il avait adhéré au contrat du transport." 50 Voir paragraphe 2.10.1 de notre étude. 51 Etant donné sa nature difficile, il est rare qu'une partie intente une action on the award pour faire exécuter une sentence si elle a le choix. Voir paragraphe II.2.4.5 de notre étude. 52 La Convention européenne de 1961 a été ratifiée par la France le 16 décembre 1966 mais elle n'a pas été ratifiée par le Royaume-Uni. Voir paragraphe 4.1 de notre étude. 53 Cass. Com. 29 novembre 1994, CDE Chimie c/ Tolt Nielsen, navire "Stolt Osprey, Revue de droit commercial, maritime, aérien et des transports, 1995, page 61 19
  • 20. Dans un arrêt du 3 juillet 1997, la Cour de Cassation a statué dans la même sens mais cette fois, en fondant sa décision sur le droit commun français:54 "Vu les articles 1134 du code civil et 1492 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 455 du même Code; Attendu qu'en matière d'arbitrage international, la clause compromissoire par référence à un document qui la stipule est valable lorsque la partie à laquelle on l'oppose en a eu connaissance au moment de la conclusion du contrat et qu'elle a, fut-ce par son silence, accepté cette référence." Récemment la Cour d'Appel de Paris a montré que l'ordre judiciaire peut arriver au même résultat en se réferant au lex mercatoria. En espèce, la Cour d'Appel de Paris55 s'est référée aux usages du commerce international pour motiver une décision concernant une convention d'arbitrage contenue dans un contrat international. La Cour a opposé une clause compromissoire à un homme d'affaires, M. Orri, qui n'avait pas personnellement signé le contrat comportant la clause compromissoire. Néanmoins, il était présent quand ce contrat était signé par un de ses collègues avec la Société des Lubrifiants Elf Aquitaine (Elf). En plus, M. Orri a signé un autre contrat avec Elf pendant la même réunion. En outre, il avait déjà traité des affaires commerciales avec Elf qui l'avait considéré comme leur cocontractant dans les deux contrats. La Cour a déduit que c'était au moyen d'un subterfuge qu'il s'était effacé pour faire signer le contrat comportant la clause compromissoire par son collègue et que cette manoeuvre constituait une fraude manifeste destinée à occulter le véritable contractant d'Elf. La Cour a statué: "Considérant que selon les usages du commerce international la clause compromissoire insérée dans un contrat international a une validité et une efficacité propres qui commandent d'en étendre l'application aux parties directement impliquées dans l'exécution du contrat et les litiges qui peuvent en résulter, dès lors qu'il est établi que leur situation contractuelle, leurs activités et les relations commerciales habituelles existant entre parties font présumer qu'elles ont accepté la clause d'arbitrage, dont elles connaissaient l'existence et la portée, bien qu'elles n'aient pas été signataires du contrat qui la stipulait; .... Considérant que dès lors ce n'est que par un subterfuge que le véritable contractant d'Elf s'est effacé pour laisser place à un comparse, M. Archaniotakis, dont il n'est pas même établi qu'il ait eu qualité pour s'engager "Saudi Europe Lines"; Considérant que cette manoeuvre est constitutive d'une fraude manifeste destinée à occulter le véritable contractant qui est M. Orri personnellement." L'article 100 § 2 (a) de l'Arbitration Act 1996 correspond à l'article 2 de la Convention de 1958.56 En droit commun français d'arbitrage international, "l'existence d'une sentence arbitrale est établie par la production de l'original accompagné de la convention d'arbitrage ou des copies de ces documents réunissant les conditions requises pour leur authenticité".57 I.2.1.3 Obligation des Etats contractants de respecter la convention d'arbitrage La convention prévoit à l'article II § 3 que: 54 Société Prodexport c/ Société FMT productions, rev. arb., 1997 n°3. 55 Orri c/ société des Lubrifiants Elf Aquitaine, Cour d'appel de Paris, 11 janvier 1990. rev. arb. 1992, page 95 56 L'article 100 § 2 de l'Arbitration Act, 1996: "a. l'expression 'convention d'arbitrage' désigne une convention d'arbitrage stipulée par écrit." 57 Voir l'article 1498 du NCPC. 20
  • 21. "Le tribunal d'un Etat contractant, saisi d'un litige sur une question au sujet de laquelle les parties ont conclu une convention au sens du présent article, renverra les parties à l'arbitrage, à la demande de l'une d'elles, à moins qu'il ne constate que ladite convention est caduque, inopérante ou non susceptible d'être appliquée." Cet article est impératif: le juge doit renvoyer les parties à l'arbitrage. Il a un certain pouvoir d'appréciation en ce qui concerne la convention d'arbitrage et il peut décider si une convention est ou n'est pas valable. Les clauses compromissoires sont souvent interprétées restrictivement par les tribunaux étatiques, étant donné qu'elles peuvent priver une partie d'un recours devant les tribunaux étatiques. Cette disposition correspond à l'article 9.1 de l'Arbitration Act, 1996 qui prévoit qu'une partie à une convention d'arbitrage, qui est poursuivie devant un tribunal étatique, peut demander à la juridiction saisie "de se déclarer incompétente dans les limites du différend concerné."58 I.2.2 Champ d'application de la Convention Dans l'article I, en définissant son champ d'application, la Convention adopte une approche internationale: "La présente Convention s'applique à la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales rendues sur le territoire d'un Etat autre que celui où la reconnaissance et l'exécution des sentences sont demandées, et issues de différends entre personnes physiques ou morales. Elle s'applique également aux sentences arbitrales qui ne sont pas considérées comme nationales dans l'Etat où leur reconnaissance et leur exécution sont demandées." Le champ d'application de la convention de 1958 est plus large que celle de 1927. L'article 1 de celle-ci dispose que la sentence "aura été rendue dans un territoire relevant de l'une des Hautes Parties contractantes auquel s'applique la présente convention et entre personnes soumises à la juridiction de l'une des Hautes Parties contractantes."59 La Convention de 1958 ne fait aucun référence à la nationalité des parties. La Convention s'applique quand la sentence est rendue à l'étranger entre parties qui ont la même nationalité. Dans l'arrêt Norsolor, la Cour d'Appel de Paris et la Cour de Cassation ont appliqué la convention malgré le fait que le bénéficiaire de la sentence soit une entreprise turque. Les arrêts ont été rendus avant la ratification de la Convention par la Turquie.60 La Convention limite son champ d'application dans son titre à des "sentences arbitrales étrangères." L'article I prévoit son application à deux catégories de sentences: les sentences rendues à l'étranger et celles qui ne sont pas considérées comme "nationales". Son champ d'application est très large et il n'est pas nécessaire que la sentence soit rendue dans un Etat contractant. 58 L'article 9 § 4 énonce que: "La juridiction saisie d'une demande de dessaisissement en application du présent article se déclare incompétent à moins qu'elle ne constate que la convention est nulle, inopérante ou non susceptible d'être exécutée." 59 Soulignement ajouté. 60 Rev. arb. 1985, page 431; voir aussi Traité de l'arbitrage commercial international: Fouchard (Ph), Gaillard (E.) et Goldman (B.), page 146. 21
  • 22. Il y n'a aucune exigence sur le fait que les sentences doivent être "internationales" ou concernent le commerce international. La sentence rendue à l'étranger peut s'agir d'une affaire nationale dans ce pays. Chaque pays contractant peut définir les sentences qui ne sont pas considérées comme "nationales."61 A.J. van den Berg a fait la remarque suivante concernant les sentences qui ne sont pas considérées comme nationales dans leur pays d'origine: "The second criterion will be applicable only if a court '62 considers' an award as non-domestic. It means that a court has the discretion whether or not to apply the second criterion, and hence the Convention, to an award made within its own territory. The discretionary power is the result of the second criterion being a compromise63 ." Les dispositions françaises concernant l'arbitrage retiennent cette distinction mais parlent de "l'arbitrage interne" et de "l'arbitrage international.64 " L'article 100 § 1 de l'Arbitration Act, 1996 définie les sentences relevant de la Convention de 1958 et auxquelles sa Section III s'applique65 . Cette Section prévoit que la reconnaissance et l'exécution d'une de ces sentences seraient accordées suivant une procédure basée strictement sur les dispositions de la Convention. I.2.2.1 Arbitrage Institutionnel. La Convention prévoit à l'Article I § 2 que: "On entend par 'sentences arbitrales' non seulement les sentences rendues par des arbitres nommés pour des cas déterminés, mais également celles qui sont rendues par des organes d'arbitrages permanents auxquels les parties sont soumises". La Convention ne donne pas une définition des "sentences arbitrales" mais il est clair que ses dispositions ne s'appliquent pas simplement à l'arbitrage ad hoc mais aussi à l'arbitrage institutionnel comme celui de la C.C.I.. I.2.3 Reconnaissance et exécution de la sentence arbitrale La Convention les traite d'une façon jumelée.66 Elle se réfère à la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales dans l'article I § 1 et 3, l'article III, l'article IV § 1, et l'article V § 1 et 2. L'exception est l'article VI, concernant la suspension et l'annulation d'une sentence. Le début de l'article III prévoit l'obligation d'un Etat contractant à reconnaître une sentence 61 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A.J.), page 384 62 Soulignement d'auteur. 63 The New York Arbitration Convention of 1958, page 25 64 Voir articles 1492 à 1507 du NCPC. 65 L'article 100 § 1 de l'Arbitration Act, 1996: "Au sens de la présente section, l'expression 'sentence relevant de la Convention' désigne une sentence rendue sur convention d'arbitrage et sur le territoire d'un Etat (autre que le Royaume-Uni qui est partie à la Convention de New York." 66 Elles sont aussi traitées d'une façon jumelée en droit commun français de l'arbitrage international, voir articles 1498 à 1507 du NCPC. 22
  • 23. arbitrale: il devrait reconnaître une sentence arbitrale qui est devenue "obligatoire67 " selon les conditions mentionnées dans la Convention. En pratique il est rare que la reconnaissance d'une sentence soit demandée sans son exécution. L'inclusion de "reconnaissance" dans la Convention est plutôt une clause de style: traditionnellement on la prévoit dans les conventions internationales concernant la reconnaissance et l'exécution des jugements et sentences arbitrales.68 Elle était aussi inclue dans la Convention de 1927. N.B: Afin d'alléger le texte, nous referrons simplement à l'exequatur de la sentence (sauf quand le reconnaissement de la sentence est uniquement en question). Néanmoins la reconnaissance peut avoir des effets négatifs, par exemple, elle peut être invoquée comme moyen de défense dans une procédure judiciaire portant sur ce qui a été tranché par une sentence arbitrale. La sentence a l'autorité de chose jugée relativement à la contestation qu'elle a tranchée.69 La sentence a aussi l'autorité de chose jugée en droit français.70 En droit anglais une sentence arbitrale qui relèvent de la Convention de New York est considérée comme ayant l'autorité de la chose jugée.71 En Angleterre, les sentences arbitrales qui ne relèvent pas de la Convention ont également l'autorité de la chose jugée.72 I.2.4 Les Réserves: Réciprocité et commercialité La convention prévoit à l'article 1, alinéa 3 de la Convention deux réserves: " Au moment de signer ou de ratifier la présente Convention, d'y adhérer ou de la faire notification d'extension prévue à l'article 10, tout Etat pourra, sur la base de la réciprocité, déclarer qu'il appliquera la Convention à la reconnaissante et à l'exécution des seules sentences rendues sur le territoire d'un autre Etat contractant. Il pourra également déclarer qu'il appliquera la Convention uniquement aux différends issus de rapports de droits, contractuels ou non contractuels, qui sont considérés comme commerciaux par sa loi nationale." La réciprocité est une réserve importante. Soixante-cinq des Etats contractants ont fait usage de cette réserve pour ne pas reconnaître ou faire exécuter que des sentences émises dans les autres pays contractants dont la France et le Royaume-Uni.73 Il est recommandé, avant de conclure une convention d'arbitrage international, de choisir un pays contractant de la Convention de 1958 comme le siège de l'arbitrage afin d'augmenter les chances de faire exécuter la convention d'arbitrage et d'exécuter la sentence. Néanmoins l'importance de cette réserve continue de 67 Nous étudierons la signification du mot "obligatoire " dans le context de l'article V, § 2, (e). 68 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 244. 69 Article III de la Convention de 1958. 70 L'article 1476 du NCPC. 71 L'article 101 § 1) de l'Arbitration Act, 1996: "Une sentence relevant de la Convention de New York est considérée comme ayant l'autorité de la chose jugée entre les parties et peut être invoquée par elles à cet effet en défense, en compensation ou à un autre titre, dans toute procédure judiciaire se déroulant en Angleterre, au Pays de Galles ou en Irlande du Nord." 72 L'article 58 de la loi de 1996. 73 Selon la liste des Etats contractants (au 1 juillet 1998) de la brochure de la C.C.I. 23
  • 24. diminuer comme de plus en plus d'Etats adhérent à la Convention. En plus, les articles 35 et 36 de la loi-type de la CNUDCI ne la prévoit pas comme une raison de refus de reconnaître ou d'exécuter une sentence74 . La réserve de commercialité est contenue dans la Convention de 1927. Elle a été inclue dans la Convention de 1958 pour faciliter l'adhésion des pays du droit civil. Ces pays distinguent entre les transactions commerciales et non-commerciales.75 Trente-huit Etats utilisent cette réserve pour appliquer la convention aux seuls différends issus de relations juridiques que la loi nationale considère comme étant d'ordre commercial.76 La France a fait usage de cette réserve quand elle a ratifié la Convention mais l'a retirée plus tard par lettre au secrétaire général de l'ONU du 17 novembre 1989. Cette clause peut occasionner des incertitudes quand chaque Etat donne sa propre définition de commercialité. En générale, les tribunaux attribuent une interprétation large à commercialité. I.2.5 La Procédure I.2.5.1 Reconnaissance de l'autorité de la sentence arbitrale La Convention de 1958 ne prévoit pas de procédure pour l'exequatur des sentences. L'article III prévoit simplement que chaque Etat contractant s'engage à reconnaître "l'autorité d'une sentence arbitrale et accordera l'exécution conformément aux règles de procédure suivies" dans l'Etat d'exécution et aux conditions précisées par la Convention. Elle exige que les Etats n'imposent pas de "conditions" sensiblement plus rigoureuses, ni de frais de justice sensiblement plus élevés, que ceux qui sont imposés pour la reconnaissance ou l'exécution des sentences arbitrales nationales." En Angleterre, cela concerne l'article 10277 de l'Arbitration Act 1996 et en France les dispositions en question sont dans l'article 1498 et suivants du NCPC. L'article III peut aussi être considéré comme la base pour l'application des règles de procédure qui ne sont pas mentionnées dans la Convention, par exemple, les délais de prescription pour intenter une action pour faire exécuter une sentence arbitrale.78 Les règles de procédure de l'article III ne touchent pas les conditions pour l'exequatur de la sentence mais sont limitées à des questions de procédure, par exemple, l'autorité compétente d'Etat d'accueil de la sentence.79 Les conditions pour l'exequatur de la sentence sont uniquement celles de la Convention. Les règles de procédure du pays d'accueil de la sentence ne peuvent pas déroger aux principes incorporés par les articles IV-VI.80 74 Voir chapitre 4 de notre étude 75 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 50. 76 Selon la liste des Etats contractants (au 1 juillet 1998) de la brochure de la C.C.I. 77 L'article 102 de l'Arbitration Act énumére les preuves à fournir par la partie qui demande l'exequatur d'une sentence arbitrale. 78 The New York Arbitration Convention of 1958:van den Berg, page 240. 79 En France, le juge d'exequatur est le Président de Tribunal de grande instance. En Angleterre, la demande est faite devant la Commercial Court. 80 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 239 24
  • 25. L'article III de la Convention de 1958 a été récemment interprété par la Cour d'Appel de Paris.81 En espèce, la cour a confirmé l'ordonnance ayant accordé l'exequatur de sentences arbitrales rendues à Amman en 1994 et 1995, qui avait condamné la Compagnie interarabe de garantie des investissements à payer à la Banque arabe et internationale d'investissement diverses sommes au titre d'une garantie contractée auprès de cet organisme régional d'assurance. La partie opposant l'exequatur des sentences, a soutenu que l'article 12 de la loi jordanienne sur l'arbitrage imposait de les soumettre d'abord à l'homologation d'un tribunal étatique jordanien qui seul pouvait mettre fin à l'arbitrage, avant de demander l'exequatur en France. Elle a prétendu que si les sentences n'étaient pas approuvées en Jordanie, elles seraient dépourvues d'existence et ne constitueraient pas des sentences au sens de l'article 1498 du NCPC et par conséquent elles ne seraient pas susceptibles d'exécution en France. La Cour a rejeté cet argument et a confirmé l'ordonnance d'exequatur. Elle s'est référée d'abord à l'article VII de la Convention de 1958, applicable en l'espèce et elle a statué que les dispositions de cette Convention: "ne privent aucune partie du droit qu'elle pourrait avoir de se prévaloir d'une sentence arbitrale de la manière et dans la mesure admise par la législation ou les Traités du pays où la sentence est invoquée." Ensuite la Cour s'est référée à l'article III de la Convention qui précise que l'exequatur de la sentence étrangère est accordé conformément aux règles de procédure du pays où la sentence est invoquée. Cette référence permet au juge français d'appliquer les articles 1498 et 1499 du NCPC, qui définissent les conditions de forme requises pour l'exequatur d'une sentence étrangère en France. Si ces conditions sont réunies, l'existence de la sentence est établie au sens du droit français. La cour a conclu de ces deux dispositions que "le juge ne peut refuser l'exequatur lorsque son droit national l'autorise." La cour a constaté que: "les seules dispositions du droit français applicables à la reconnaissance et à l'exécution en France des sentences étrangères sont, à l'exclusion de toute référence au droit interne de l'Etat où s'est déroulé l'arbitrage, les articles 1498 et 1499 du nouveau Code de procédure civile français qui disposent pour le premier que les sentences arbitrales étrangères sont reconnues en France et peuvent y être déclarées exécutoires si leur existence est établie et si elles ne sont pas manifestement contraires à l'ordre public international et pour le second, que l'existence d'une sentence arbitrale est établie par la production de l'original accompagné de la convention d'arbitrage ou des copies de ces documents réunissent les conditions requises pour leur authenticité." La seconde disposition mentionnée par la cour qui se trouve à l'article 1499 du NCPC et que concerne l'authenticité des documents correspond à l'article IV de la Convention de 1958 qui nous étudierons dans le paragraphe suivant. I.2.5.2 Conditions d'exéquatur. L'article IV stipule que la partie qui demande l'exequatur doit simplement produire l'original de la sentence et la convention d'arbitrage ou des copies conformes. Si ces documents ne sont pas dans une langue officielle du pays où l'exequatur est demandé, il faut produire une traduction officielle. Le juge d'exequatur peut vérifier l'intégrité des documents et l'identité des parties et des arbitres. 81 Inter-Arab Investment Guarantee Corporation c/ Banque arabe et internationale d'investissement SA (BAII) , Cour d'appel de Paris du 23 octobre 1997, rev. arb. 1998, page 143. 25
  • 26. Une fois que le demandeur a fourni les documents mentionnés dans l'article IV, le juge accordera (il n'a pas de discrétion) l'exequatur à moins qu'il n'existe un des griefs mentionnés dans l'article V. L'intention des auteurs de la Convention était de limiter les griefs à ceux énumérés dans la Convention. Cependant, l'article VI prévoit que le juge peut surseoir à statuer sur l'exequatur de la sentence si l'annulation ou la suspension de la sentence est demandée dans le pays où la sentence a été rendue. Les articles IV et V sont d'une grande importance et ont facilité la tache du demandeur d'exequatur par rapport à Convention de 1927. Dans celle de 1927, le demandeur était obligé de démontrer que toutes les conditions nécessaires pour l'exequatur étaient satisfaites. La Convention de 1958 a complètement renversé la charge de la preuve. C'est à la partie qui oppose l'exequatur de prouver l'existence d'un des griefs mentionnés à l'article V de la Convention. Les articles 1477 et 1499 du NCPC français contiennent des dispositions qui sont similaires à celles l'article IV de la Convention.82 Le contenu de l'article 102 de l'Arbitration Act 1996 correspond exactement à celui de l'article IV de la Convention.83 . I.2.6 Griefs reconnus par la Convention L'examen de griefs n'inclut pas une révision de fond de la sentence et les griefs qui peuvent être invoqués sont limités à ceux qui sont mentionnés dans l'article V. A. J. van den Berg a remarqué que: "Another improvement is that the grounds mentioned in Article V are exhaustive. Enforcement may be refused 'only if' the party against whom the award is invoked is able to prove one of the grounds listed in Article V(1), or if the court finds that the enforcement of the award would violate its public policy (Art. V (2)). Thus the respondent can no longer assert any cause for invalidity of the award under the law governing the arbitration as could happen under the Geneve Convention. This main feature has also been unanimously affirmed by the courts. A further main feature of the grounds for refusal is that no review of the merits of the arbitral award is allowed. The feature that Article V does not allow a review of the merits of the arbitral award has also been affirmed by the courts".84 82 Ces dispositions prévoient que le demandeur d'exequatur doit déposer la convention d'arbitrage et la sentence arbitrale auprès du Tribunal de grande instance. Si ces documents ne sont pas en langue française, il faut également déposer une traduction. La sentence arbitrale sera reconnue et exécutée en France si elle n'est pas "manifestement contraire à l'ordre public international (soulignement ajouté). Le juge peut aussi refuser la reconnaissance et l'exécution si la partie qui s'y oppose montre un des griefs énumérés à l'article 1502 du NCPC que correspondent grosso modo à ceux de la convention de 1958 sauf que le droit français ne prévoit pas que l'annulation ou la suspension de la sentence arbitrale dans son pays d'origine sont des griefs motivant le refus d'exequatur. Voir paragraphe 2.9 de notre étude. 83 En droit anglais, une fois les documents énumérés par l'article 102 sont produits, le juge étatique doit accorder l'exequatur d'une sentence relevant de la Convention, à moins que la partie qui s'y oppose ne prouve l'existence d'un des griefs énumérés à l'article 103 de la loi de 1996. Les griefs énumérés par l'article 103 correspondent à ceux de l'article V de la Convention de 1958. La seule différence est que le droit anglais n'exige pas que la sentence et la convention d'arbitrage soient fournies "en même temps". 84 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 265 26
  • 27. A. J. Van den Berg a aussi noté la discrétion du juge quand l'existence d'un des griefs mentionnés à l'article V est démontré. Il n'est pas obligé de refuser l'exquatur de la sentence: "It is to be noted that the opening lines of the first and second paragragh of Article V employ a permissive rather that mandatory language: enforcement 'may be' refused. For the first paragragh it means that even if a party against whom the award is invoked proves the existence of one of the grounds for refusal of enforcement, the court still has a certain discretion to overrule the defence and to grant the enforcement of the award. Such overruling would be appropriate, for example, in the case where the respondent can be deemed to be estopped from invoking the ground for refusal. For the second paragraph it would mean that a court can decide that, although the award would violate the domestic public policy of the court's own law, the violation is not such as to prevent enforcement of the award in international relations."85 La Convention distingue au total, deux séries de griefs qui pourraient mener à un refus de l'exequatur de la sentence. Les premiers sont contenus dans l'article V, § 1 et touchent à: l'invalidité de la convention d'arbitrage et l'incapacité des parties; la violation du principe du contradictoire; le dépassement par l'arbitre des termes de sa mission; l'irrégularité affectant la composition du tribunal arbitral ou des vices de procédure d'arbitrage et l'absence de validité de la sentence d'arbitrage. Ils doivent être invoqués par la partie qui oppose l'exequatur de la sentence. La deuxième série de griefs est contenue dans l'article V, § 2 et ils peuvent être invoqués par le juge d'exequatur lui-même. Ils concernent l'arbitrabilité du litige et l'ordre public. A la différence de la première série de griefs, qui concernent principalement le contenu du litige, la deuxième série de griefs touche les conceptions fondamentales d'Etat d'accueil de la sentence et expliquent cette distinction. Il s'agit d'un domaine d'intérêt capital pour les Etats et ils ne délèguent pas leur protection à un tiers. Ces griefs de la Convention correspondent à ceux de l'article 103 de l'Arbitration Act, 1996 pour les sentences relevant de la Convention de 1958. Les auteurs de Russell on Arbitration ont remarqué que les griefs mentionnés dans l'article 103 sont limitatifs. Ils ont aussi commenté sur le pouvoir discrétionnaire du juge: "These grounds are exhaustive, and if none are present the award will be enforced.... The onus of proving the existence of a ground rests upon the party opposing enforcement, but that may not be the end of the matter. Once the ground is established the court has a discretion whether or not to enforce the award. In some cases there is little latitude for discretion (where the Respondent has no capacity to enter into an arbitration agreement the court can only refuse to recognise and enforce the award. See s. 103 (2) (a) of the Arbitration Act 1996) but in other cases the scope is greater (where there was was some minor departure from the procedure agreed by the parties the court may in its discretion decide to enforce the award)."86 La plupart de griefs mentionnés à l'article V de la Convention se trouve à l'article 1502 du NCPC. Les griefs énumérés par l'article 1502 ont également un caractère limitatif. I.2.7 Griefs invoqués par la partie qui oppose l'exequatur de la sentence arbitrale I.2.7.1 Incapacité des parties et invalidité de la convention d'arbitrage 85 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg, page 265; soulignement ajouté par l'auteur 86 Russell on Arbitration: Sutton (David), Kendall (John) et Gill (Judith), page 404. 27
  • 28. L'article V,§ 1 (a) permet le refus d'exequatur de la sentence, s'il est démontré que: " les parties à la convention visée à l'article 2 étaient, en vertu de la loi à elles applicables, frappés d'une incapacité, ou que ladite convention n'est pas valable en vertu de la loi à laquelle les parties l'ont subordonnée ou, à défaut d'une indication à cet égard, en vertu de la loi du pays où la sentence a été rendue." Dans la Convention de 1927, l'incapacité de la partie qui oppose l'exequatur est traitée uniquement dans le cas où elle n'a pas été "régulièrement représentée"87 dans la procédure arbitrale. La Convention de New York prévoit aussi le grief de l'incapacité d'une partie à conclure la convention d'arbitrage. Elle retient le grief concernant le cas où une partie n'est pas régulièrement représentée qui se trouve dans l'article V,§ 1 (b) de la Convention de 1958.88 L'article V, § 1 (a) contient deux griefs qui peuvent entraîner le refus l'exequatur de la sentence arbitrale: ⇒ l'incapacité des parties qui est déterminée "par la loi applicable aux parties" dont elle ne précise rien; et ⇒ l'invalidité de la convention d'arbitrage qui est déterminée selon la loi choisie par les parties ou à défaut la loi du pays où la sentence a été rendue. Etant donné que la convention ne spécifie pas le droit applicable à l'incapacité des parties, il est nécessaire de résoudre cette question par les règles de conflits de lois de pays où l'exequatur est demandé. Ces règles changent d'un pays à un autre.89 L'incapacité des parties peut couvrir une variété de raisons: des mineurs qui n'ont pas le droit de conclure des contrats et des sociétés qui ne sont pas encore immatriculées. l'article V § 1 (a) s'applique aussi à la question de la capacité d'un Etat ou des personnes de droit public de conclure une convention d'arbitrage. La Convention ne contient pas une disposition spécifique concernant la capacité d'un Etat à conclure une convention d'arbitrage. Cependant, la phrase "différends entre personnes physiques ou morales" de l'article I § 1, montre qu'il était entendu que les sentences arbitrales dont un Etat était une partie n'étaient pas exclues de son champ d'application. Il est généralement reconnu par la doctrine que la Convention s'applique aux conventions et sentences d'arbitrages dont un Etat (ou une personne morale de droit public) est une partie et qui concernent le commerce international.90 La Convention permet à l'Etat d'accueil de la sentence, d'exercer son contrôle sur la capacité des signataires de la convention d'arbitrage à engager l'Etat 87 Article 2 paragraphe (b) de la Convention de Genève de 1927: "Que la partie contre laquelle la sentence est invoquée n'a pas eu, en temps utile, connaissance de la procédure arbitrale, de manière à pouvoir faire valoir ses moyens ou, qu'étant incapable, elle n'y a pas été régulièrement représentée.". 88 Article V, paragraphe 1, (b) prévoit qu'un juge peut refuser d'accorder l'exequatur de la sentence arbitrale si la partie que l'oppose n'était pas dûment informé de la désignation de l'arbitrage ou la procédure d'arbitrage, "ou qu'il lui a été impossible, pour une autre raison, de faire valoir ses moyens." 89 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A.J.), page 27 90 The New York Arbitration Convention of 1958: A.J. van den Berg, page 279. Voir également l'article "Enforcement against a foreign state of an arbitral award annulled in the foreign state": Delaume (George), RDAI, N° 2, 1997, page 253. 28
  • 29. en cause. La question de la capacité des Etats (ou des personnes morales de droit public) à conclure des conventions d'arbitrage est mentionnée expressément dans la Convention Européenne de 1961.91 Un juriste anglais a remarqué que le grief de l'invalidité de la convention d'arbitrage est rarement accepté par les tribunaux étatiques, à moins qu'il soit contenu dans un connaissement: " this exception is rarely accepted by courts for a number of reasons: First, contracts of carriage are form contracts and are written by experienced lawyers who employ language that unambiguously stretches the scope of the arbitral clause to the maximum allowable by law. Secondly, there is a "powerful presumption" that that arbitrators act within their powers and courts rarely second guess an arbitrator's construction of the parties' arbitral agreement."92 La partie qui oppose l'exécution de la sentence, invoque la plupart du temps l'article II § 2 au lieu de l'article V § 1 (a) pour contester la validité de la convention d'arbitrage. A J van den Berg a noté que: "By far, the greatest number of cases in which the respondent relied on Article V (1) (a) concerned, namely, an alleged formal invalidity under l'article II (2) of the Convention. This is not surprising since Article II (2) poses fairly demanding requirements for the form of the arbitration agreement.93 " I.2.7.1.1 Droit applicable à la convention d'arbitrage La Convention reconnaît que les parties peuvent subir la convention à une loi, autre que celui du siège de l'arbitrage. C'est consistant avec l'esprit international de la convention et l'importance qu'elle accorde à la volonté des parties. L'article V § 1 (a) se réfère à la convention d'arbitrage au lieu du contrat qui la contient. En droit anglais l'autonomie de la convention d'arbitrage est reconnue.94 Il existe néanmoins des cas où le juge étatique sera réticent à accorder l'exequatur d'une sentence à cause de l'invalidité ou de l'illicite du contrat qui la contient.95 Néanmoins, quand le contrat est sujet à une loi étrangère, surtout où il n'y a pas d'équivalent des règles anglaises concernant l'illicite du contrat, l'exequatur de la sentence sera en général accordée.96 Le droit français reconnaît également l'autonomie de la convention d'arbitrage. L'article V § 1 (a) correspond au grief de l'article 1502 1° du NCPC, mais il est plus synthétique et mentionne simplement "si l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée."97 91 Article II § 1 "Dans les cas visés à l'article 1, de la présente Convention, les personnes morales qualifiées, par la loi qui leur est applicable, de 'personnes morales de droit public' ont la faculté de conclure valablement des conventions d'arbitrage." 92 "Arbitrating maritime cargo disputes-future problems et considerations": Curtin, L.M.C.L.Q. 1997.50 93 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A.J.), page 284. 94 L'article 7 de l'Arbitration Act, 1996. 95 Par exemple, si le contrat était régi par le droit anglais et l'exécution serait contraire à l'ordre public à cause d'une fraude. 96 Voir Sion Soleimany v. Abner Soleimany, décision non publiée du juge Langan Q.C. du 21 mars 1997. 97 Le même grief existe en droit interne français, voir l'article 1484 1°. 29
  • 30. L'article 103 § 2 (a) et (b) de l'Arbitration Act, 1996 reprend presque mot à mot les dispositions de l'article V § 1 (a) de la Convention. I.2.7.2 Violation du principe du contradictoire L'article V, § 1, (b) autorise le refus d'exequatur de la sentence s'il est prouvé: "que la partie contre laquelle, la sentence est invoquée n'a pas été dûment informée de la désignation de l'arbitre ou de la procédure de l'arbitrage, ou qu'il lui a été impossible, pour une autre raison, de faire valoir ses moyens" Le champ d'application de ce grief est plus large que l'article 2 § 1 (b) de la Convention de 1927: "Que la partie contre laquelle la sentence est invoquée n'a pas eu, en temps utile, connaissance de la procédure arbitrale, de manière à pouvoir faire valoir ses moyens ...." Malgré le fait que cette disposition ne spécifie pas que la partie défenderesse doit être avisée en temps, on considère qu'elle couvre généralement toute violation sérieuse du principe du contradictoire.98 La formule de l'article V, § 1 (b) vise l'impossibilité d'une partie à faire valoir ses moyens. Si la partie décide de ne prévaloir à des droits ou moyens, par exemple, de ne pas assister à des audiences d'arbitrage, il n'y a aucune violation. En revanche, si elle n'est pas informée des dates des audiences, il y a une violation. L'article V, § 1 (b) concerne les principes fondamentaux de "due process." Il ne se réfère pas à une loi nationale mais donne sa propre conception des principes fondamentaux internationaux dont la simple violation lui parait commander le refus de l'exequatur. Il est suffisamment général pour que le juge saisi puisse y retrouver sa propre conception du principe du contradictoire. Le principe du contradictoire peut ainsi être considéré comme une exigence élémentaire de justice et par conséquent sa violation peut être soulevée par le juge d'office comme motif de refus d'exequatur de la sentence sur le fondement de l'ordre public (article V § 2 (b) de la Convention).99 Si le juge constate une violation du contradictoire, qui n'était pas invoquée par la partie défenderesse, il peut refuser d'ordonner l'exequatur de la sentence sur la base de l'article V, § 2 (b). Il faut aussi considérer le rapport entre l'article V, § 1 (b) et l'article V § 1(d). Celui-ci prévoit que si la constitution du tribunal arbitral ou la procédure arbitrale est conforme à un accord des parties, la loi de siège n'est pas applicable. Néanmoins, cette disposition est restreinte par le principe fondamental du contradictoire.100 Ce grief a été fréquemment invoqué par des parties qui s'opposent à l'exequatur mais il réussit rarement. A.J van den Berg a remarqué que: "Although ground b has frequently been invoked by respondents, the courts have rarely held that the requirements of due process have been violated. There exists an almost uniform interpretation - corresponding to the "pro-enforcement bias" of the Convention - that a violation of due process is to be accepted in serious cases only." 98 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A.J.), page 297. 99 Traite d'arbitrage international commercial: Fouchard (Ph.), Gaillard (E.) et Goldman (B.) page 1001 100 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A.J.), page 310. 30
  • 31. L'article V, § 1, (b) correspond à celui de l'article 1504, 4° du NCPC qui s'applique "lorsque le principe de la contradiction n'a pas été respecté."101 L'article 103, § 2 (c) de l'Arbitration Act, 1996 reprend les termes de l'article V § 1 (b) mot pour mot. I.2.7.3 Dépassement des termes de la convention d'arbitrage par l'arbitre L'article V § 1 (c) permet le refus de l'exequatur, s'il est prouvé que: "la sentence porte sur un différend non visé dans le compromis ou n'entrant pas dans les prévisions de la clause compromissoire, ou qu'elle contient des décisions qui dépassent les termes du compromis ou de la clause compromissoire; toutefois, si les dispositions de la sentence qui ont trait à des questions soumises à l'arbitrage peuvent être dissociées de celles qui ont trait à des questions non soumises à l'arbitrage, les premières pourront être reconnues et exécutées." L'article V § 1 (c) ne concerne pas le cas où l'arbitre n'a aucune autorité. Cette situation est couverte par l'article V § 1 (a). L'article V § 1 (c) se divise en deux parties: ⇒ il vise le cas où un arbitre dépasse les termes de la convention d'arbitrage; ⇒ il concerne le cas où le refus de l'exequatur peut se limiter à la partie qui dépasse la convention d'arbitrage, à condition qu'elle soit détachable du reste de la sentence. Cette dernière précision est fidèle à l'esprit de la Convention de faciliter l'exécution de la sentence, quand il est possible. La deuxième partie de grief de l'article V § 1 (c), qui concerne l'exequatur de la partie de la sentence est ultra petita (au-delà des choses demandées). Elle était destinée à remplacer l'article 2 § 2 de la Convention de 1927.102 Néanmoins les deux dispositions se distinguent. L'article 2 § 2 de la Convention de 1927 concerne une sentence qui est infra petita (en-deça de la demande). La Convention de 1958, par contre, ne mentionne pas les sentences infra petita. A la différence aussi de la disposition de 1927, elle ne parle ni d'ajourner la décision de reconnaître ou exécuter la sentence ni de demander une garantie. L'article 2, § 2 de la Convention de 1927 accordait une certaine discrétion au juge d'exequatur. Cette discrétion est plus notable dans la version anglaise: "[the competent authority] can, if it thinks fit, postpone such recognition or enforcement or grant it subject to such guarantee as that authority may decide." L'article V § 1 (c) n'est pas souvent appliqué par les cours. Il ne pose pas de problème d'interprétation sauf pour des sentences infra petita: "Ground c concerning the award made by the arbitrator in excess of his authority (extra or ultra petita) has scarely been applied in practice. This ground does not seem to pose problems of interpretation, except for the question of an award which does not dispose of all questions submitted to the arbitrator's decision (infra petita), a case not envisaged by the text of ground c".103 101 Le même grief existe en droit d'arbitrage interne français, voir l'article 1484 4° du NCPC. 102 The New York Arbitration Convention of 1958: van den Berg (A J), page 318. 103 The New York Arbitration Convention of 1958, van den Berg (A J), page 319. 31
  • 32. L'article V,§ 1, (c) correspond à celui de l'article 103, § 2 (d)104 . La loi de 1996 reproduit les termes de l'article V § 1 (c) mais elle emploie une language plus clair pour le lecteur.105 L'article V § 1 (c) se distingue de celui de l'article 1502 3106 du NCPC qui prévoit qu'une partie peut opposer l'exequatur de la sentence : "Si l'arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée." L'article 1507 3° prévoit de sanctionner ultra petita et aussi infra petita. Le droit français permet de sanctionner la méconnaissance de l'arbitre quant à son pouvoir sur l'appréciation de fond du litige.107 I.2.7.4 Irrégularité dans la composition du tribunal arbitral ou vices de procédure L'article V, 1 (d) permet le refus d'exequatur de la sentence: "lorsque la constitution du tribunal arbitral ou la procédure d'arbitrage n'a pas été conforme à la convention des parties ou, à défaut de convention, qu'elle n'a pas été conforme à la loi du pays où l'arbitrage a eu lieu."108 Ce grief est aussi plus restrictif que celui de la Convention de 1927 qui prévoit à l'article 1 § 2 (d) que le demandeur doit démontrer: "que la sentence ait été prononcée par le tribunal arbitral prévu par le compromis ou la clause compromissoire, ou constitué conformément à l'accord des parties et109 aux règles de droit applicables à la procédure d'arbitrage." Ce grief monte le désir des redacteurs de la Convention de 1958 de réduire l'importance de la loi du lieu où la sentence a été rendue quand la demande d'exequatur est faite dans un autre Etat contractant. Par contre, il montre l'importance que la Convention attache à la volonté des parties. La constitution du tribunal et la procédure doivent être conformes à la volonté des parties ou à défaut du pays du lieu de l'arbitrage. Le dernier est supplétif et dépend du fait que les parties n'ont pas choisi une autre loi ou si leur "accord" ne couvre pas toutes les questions concernant la composition du tribunal d'arbitrage et la procédure. La volonté des parties est limitée par le principe du contradictoire de l'article V § 1 (b) et les considérations de l'ordre public de l'article V § 2 (b) de la Convention.110 Les parties peuvent nommer la loi applicable dans la convention d'arbitrage. Alternativement, ils 104 Il correspond aussi au grief de l'article IV de l'Arbitration Act pour les sentences qui ne relèvent pas de la Convention de 1958. 105 Ce grief ressemble aussi à celui de l'article 67 de l'Arbitration Act, 1996 (Recours contre la sentence arbitrale pour défaut de compétence). 106 Le même grief existe en l'arbitrage interne française, voir l'article 1484 3° NCPC. 107 Traité de l'arbitrage commercial international: Fouchard (Ph.), Gaillard (E.) et Goldman (B.), page 1003. 108 Soulignement ajouté. L'article V § 1 (d) contient deux griefs. Le premier concerne la composition du tribunal arbitral et le deuxième la non-conformité à la convention d'arbitrage. 109 Soulignement ajouté. 110 The New York Arbitration Convention of 1958: A J van den Berg, page 331. 32
  • 33. peuvent le faire par référence aux règlements d'une institution d'arbitrage, par exemple, s'ils décident d'appliquer les règlements de la LMAA, ces règlements stipulent que l'arbitrage sera gouverné par la loi anglaise. Ce grief est plus sévère que celui du droit commun français qui prévoit dans l'article 1507 2°111 du NCPC que la reconnaissance et l'exécution de la sentence peuvent être refusées : "Si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l'arbitre unique irrégulièrement désigné". Le droit commun français sanctionne la non-conformité de la composition du tribunal à la volonté des parties. Mais elle ne la sanctionne pas lorsque l'irrégularité résulte, en absence d'accord des parties, de la méconnaissance de la loi du siège de l'arbitrage.112 Le droit français ne fait aucune référence à la procédure et il ne sanctionne pas les violations de règles de procédure sauf quand il est démontré que l'arbitre n'a pas statué conformément à sa mission au sens de l'article 1502 3.° La faiblesse du grief de la Convention est qu'elle ne fait aucune distinction entre les irrégularités procédurales qui peuvent causer un refus d'exequatur de la sentence. Si les parties n'adoptent pas leur propre règlement, toutes les irrégularités procédurales de la loi du siège de l'arbitrage sont prises en compte. Néanmoins, les auteurs de Russell on Arbitration étaient d'avis que si la partie qui oppose l'exequatur de la sentence a participé dans l'arbitrage sans objection, ou si la non-conformité à la procédure était très mineur, il est peu probable qu'un juge anglais refuserait l'exequatur en se fondant sur les dispositions de l'article 103 de la loi de 1996.113 Les termes de l'article 103 § 2 (e) de la loi de 1996, sont identiques à ceux de l'article V § 1 (d) de la Convention. I.2.7.5 Invalidité de la sentence arbitrale I.2.7.5.1 Abolition du"double-exequatur". L'article V, 1 (e) permet au juge étatique de refuser l'exequatur lorsqu'il est démontré: "Que la sentence n'est pas encore devenue obligatoire pour les parties ou a été annulée ou suspendue par une autorité compétente du pays dans lequel, ou d'après la loi duquel, la sentence a été rendue." L'article I, § 2 (d) de la Convention de 1927 exige que la partie qui demande l'exequatur de la sentence prouve qu'elle est "devenue définitive114 dans le pays où elle a été rendue".115 L'interprétation judiciaire du mot " définitive" avait pour effet, que la partie qui voulait faire exécuter une sentence à l'étranger, était obligée d'obtenir un double exequatur, d'abord dans le pays d'origine de la sentence et ensuite dans le pays d'exécution. 111 Elle correspond à l'article 1484 2° NCPC pour l'arbitrage interne français. 112 Traité de l'arbitrage commercial international: Fouchard (Ph.), Gaillard (E.) et Goldman (B.) page 1005 113 Sutton (David), Kendall (John) et Gill (Judith):Russell on Arbitration, page 407. 114 Soulignement ajouté. 115 L'article 1 § 2 (d) de la Convention de 1927 prévoit: "Que la sentence soit devenue définitive dans le pays où elle a été rendue, en ce sens qu'elle ne sera pas considérée comme telle si elle est susceptible d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation (dans le pays où ces procédures existent), ou s'il est prouvé qu'une procédure tendant à contester la validité de la sentence est en cours." 33