1. TRANSPORT DE BOUT EN BOUT
COMMISSION DE TRANSPORT
RECEVABILITÉ DE L’ACTION
PRÉSOMPTION DE LIVRAISON CONFORME : PREUVE CONTRAIRE ADMISE
LOCALISATION DES DOMMAGES ET PARTAGE DE RESPONSABILITÉ
LIMITATION DE RESPONSABILITÉ (OUI)
Les assureurs subrogés dans les droits d’une société chargée par le vendeur du ma-
tériel militaire litigieux d’exécuter les obligations contractuelles, notamment de l’acheminer
jusqu'à sa destination finale et de souscrire à titre personnel une police d’assurance tous
risques, ont intérêt et qualité à agir dès lors que leur assurée avait une obligation person-
nelle en rapport direct avec le préjudice de l’acquéreur lié à la mauvaise exécution du dit
transport à qui elle devait reverser toute indemnité reçue en cas de sinistre.
Est irrecevable la demande formulée en appel sur renvoi de cassation contre le sous-
commissionnaire de transport à qui le mémoire déposé au soutien du pourvoi n’avait pas
été signifié dans le délai fixé à l’article 978 du NCPC. Cette irrecevabilité a pour effet de
rendre également irrecevable la mise en cause de ses assureurs.
L’absence de réserves à la livraison permet d’envisager la présomption de livraison
conforme mais celle-ci peut être écartée par la preuve d’une carence survenue en cours de
transport.
Il ressort des rapports d’expertise que les avaries ont été successivement causées
lors de transbordements portuaires, pendant le post-acheminement terrestre exécuté par
route et non par chemin de fer comme originairement prévu et en partie par le condition-
nement de certains équipements qui auraient dû être démontés et emballés séparément.
Une répartition des responsabilités entre le transporteur maritime, le voiturier et le
chargeur a été en conséquence décidée par les juges.
La faute inexcusable n’ayant pas été prouvée, il convient d’appliquer les limitations de
responsabilité prévues par la Convention de Bruxelles et ce, pour la phase maritime du
transport.
Cour d’appel de Rouen
Chambre solennelle
Arrêt du 13 novembre 2001
VIA ASSURANCES ET AUTRES COMPAGNIES D’ASSURANCES
C/
GEFCO
AGECO
AGUNSA AGENCIAS UNVERCALES
COMPANIA CHILENA DE NAVEGACION INTERROCEANICA
GROUPE CONCORDE ASSURANCES
MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD
La société CIPRA a confié à la société GEFCO, commissionnaire de transport, l’ensemble du
transport depuis Dinard jusqu’à Cochabamba (Bolivie) de six avions d’entraînement Lockheed D33
démontés, qui ont trouvé place dans huit conteneurs.
La société GEFCO a sous-traité à la société AGECO le transport des huit conteneurs pour la
partie du Havre à Cochabamba.
La société AGECO a confié le transport maritime à la Compania Chilena De Navegacion In-
terroceanica (CCNI). sous couvert d’un connaissement unique jusqu’à destination.
Le déchargement a eu lieu dans le port chilien d’Aruca, le 13 septembre 1988 pour sept con-
teneurs, le 25 septembre 1988 pour le dernier. Le transport a été réalisé ensuite par camion jus-
qu’à destination par un commissionnaire local, la société AGUNSA.
A réception par la Force Aérienne Bolivienne (FAB), survenue de manière échelonnée du 22
septembre au 6 octobre 1988, aucune réserve ni constatation d’avarie n’a été faite.
Mais courant novembre 1988 la société CIPRA a été avisée que des avaries avaient été
constatées.
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2. Assignant la société GEFCO et la CCNI, la société CIPRA a pris l’initiative d’une action en
référé pour la désignation d’un expert. Une ordonnance du président du Tribunal de commerce de
Nanterre a été rendue à cette fin le 28 décembre 1988. L’expert a été autorisé à s’adjoindre Mon-
sieur Auffray, expert en aéronautique, qui a pu se rendre en Bolivie en avril 1989.
La mission de l’expert Bigot a été étendue par ordonnance du 17 mai 1989.
Le rapport d’expertise, comprenant le rapport du sapiteur Auffray, a été déposé le 21 sep-
tembre 1989.
La société CIPRA a assigné au fond les sociétés GEFCO et AGECO et la CCNI. La société
GEFCO a assigné en garantie AGECO et CCNI, et a appelé dans la cause les propres assureurs
d’AGECO, Mutuelles du Mans et Concorde. Ont été également appelés en cause les assureurs de
la société CIPRA, Via Assurances et autres, et la société AGUNSA.
Il a été indiqué tardivement au cours des débats, semble-t-il devant la Cour d’appel de Versailles,
qu’au titre des faits, outre les éléments déjà indiqués, il devait être relevé que :
- le contrat d’acquisition du matériel militaire avait été conclu entre l’Office Général de l’Air
(OGA) et la F.A.B
- par convention I’OGA a délégué l’exécution de son contrat avec la FAB à la société CIPRA
- cette dernière a souscrit alors le contrat d’assurance prévu au contrat d’acquisition de ma-
tériel militaire
- après le sinistre en cause, par attestation du 3 septembre 1991, la société CIPRA a recon-
nu avoir reçu la somme de 3.100.000 Frs à titre d’indemnité forfaitaire totale et définitive.
Par jugement du 14 février 1992 le Tribunal de commerce de Nanterre a déclaré la société
CIPRA et ses assureurs subrogés irrecevables en leurs demandes faute d’avoir produit les pièces
justificatives.
La société CIPRA (qui s’est désistée ensuite) et ses assureurs subrogés ont relevé appel.
Relevant notamment que les assureurs avaient payé l’indemnité d’assurance à la société CIPRA
mandataire du vendeur et qu’ils se trouvaient ainsi subrogés dans les droits de ce vendeur qui
n’avait subi aucun préjudice qui lui soit propre résultant du transport, par arrêt du 15 décembre
1994, la Cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement et déclaré irrecevable l’action de Via
Assurances et autres.
Sur pourvoi de ces dernières parties, tout en constatant la déchéance de ce pourvoi en tant
que dirigé contre la société AGECO, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé, par
son arrêt du 10 juin 1997 et en toutes ses dispositions, l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles.
Les compagnies d’assurances de la société CIPRA, Via Assurances et autres, ont saisi notre
Cour désignée comme cour de renvoi.
Ces assureurs ont conclu les 9 juin 1998 et 14 décembre 2000 à :
- l’infirmation du jugement ;
- la condamnation in solidum des sociétés GEFCO, AGECO, et CCNI, et des compagnies
d’assurances Mutuelles du Mans et la Concorde, ou l’une à défaut de l’autre, à leur payer les
sommes de 3.100.000 Frs avec intérêts légaux à compter du 26 septembre 1989, et 100.000 Frs
en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
- avec capitalisation des intérêts à compter, du 13 septembre 1991.
La société GEFCO a conclu le 19 mars 1999:
- au rejet des demandes en raison de l’application de la présomption de conformité,
- subsidiairement :
* au rejet de ces demandes parce que les avaries et dommages constatés proviennent
du fait personnel de l’expéditeur ou du destinataire
* à leur rejet faute de connaître la préjudice exact de la victime
*à ce que l’indemnisation mise à se charge ne dépasse pas la somme de 432.000 Frs,
et dans ce cas la condamnation solidaire de la CCNI et des sociétés AGECO et
AGUNSA à la garantir ;
*à la condamnation solidaire des mêmes à la garantir ;
- à la condamnation des assureurs appelants et/ou des sociétés AGECO et AGUNSA et
CCNI à lui payer 50.000 Frs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Ci-
vile.
La société AGECO a conclu les 25 mai 2000 et 30 mars 2001.
Elle a sollicité :
- qu’en raison de la déchéance du pourvoi constatée à son égard, les compagnies Via As-
surances et autres soient déclarées irrecevables à agir contre elle ;
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3. - subsidiairement que la société GEFCO soit déboutée de son appel en garantie, et que
les Mutuelles du Mans et le Groupe Concorde soient condamnés à la garantir de toutes
condamnations prononcées contre elle ;
- que Via Assurances et autres soient condamnés à lui verser 150.000 Frs en application
de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La CCNI a conclu les 25 mai 2000 et 30 mars 2001 à ce que la Cour :
*confirme le jugement en ce qu’il a déclaré CIPRA et Via Assurances irrecevables en leurs
demandes et les en a déboutées ;
*constate qu’elle bénéficie de la présomption de livraison conforme ;
*constate que Via Assurances et autres ne justifient pas du quantum de leurs demandes ;
*déboute ces dernières parties de leurs demandes, et en conséquence GEFCO de son
appel en garantie ;
*prenne acte qu’elle-même invoque à son bénéfice la limitation de responsabilité calculée
à la somme de 108.000 DTS pour le cas où sa responsabilité serait retenue ;
*condamne solidairement Via Assurances et GEFCO, ou l’une à défaut de l’autre, à lui
verser 200.000 Frs pour frais hors dépens.
Les Mutuelles du Mans ont conclu les 6 août 1999 et 7 août 2001 demandant à la Cour de :
- constater, en raison de la déchéance du pourvoi à l’égard d’AGECO, que cette société
n’est pas valablement en cause, et déclarer en conséquence irrecevables les prétentions
émises contre elles-mêmes
- subsidiairement, constater que la société AGECO n’a pas déclaré le sinistre dans le dé-
lai de l’article 16 du contrat, et constater alors la déchéance de garantie ;
- dire que l’article R.124-1 du Code des assurances n’est pas applicable en l’espèce, et
rejeter en conséquence les demandes des parties contre elles ;
- condamner in solidum les assureurs de la société CIPRA et la société GEFCO à lui
payer 50.000 Frs pour ses frais hors dépens ;
- subsidiairement, juger que sa garantie est limitée à 500.000 Frs.
Le Groupe Concorde a conclu le 29 septembre 2000, puis le 30 juillet 2001. Comme le pré-
cédent assureur, il a conclu, notamment, à titre principal à l’irrecevabilité des demandes dirigées
contre lui comme assureur de la société AGECO, et subsidiairement à leur rejet du fait de l’ab-
sence de responsabilité de son assuré.
Il a sollicité 100.000 Frs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société AGUNSA a été assignée à parquet général.
Sur ce la cour
Vu ces conclusions et les pièces des parties, le rapport de l’expert et celui du sapiteur qu’il
s’est adjoint
Sur la recevabilité de la demande principale
Le contrat passé entre I’OGA et la FAB obligeait l’OGA à souscrire une assurance couvrant
les risques de transport des appareils, et à verser à la FAB toute indemnité qu’elle recevrait.
Par la convention passée entre eux, l’OGA a donc confié à la société CIPRA l’exécution de
ses obligations résultant du contrat de vente. En vertu de ces obligations, la société CIPRA se de-
vait de faire acheminer les appareils à destination en parfait état d’utilisation, de fonctionnement et
de navigabilité ; elle a donc souscrit pour son compte une assurance “tous risques”, et devait, en
cas de sinistre au cours du transport, verser toute indemnité d’assurance à l’acheteur FAB ; il
s’agissait là d’une charge pour la société CIPRA, en rapport direct avec le préjudice de l’acquéreur
des appareils vendus, charge non comme simple “intermédiaire», comme l’avance la CCNI, mais
personnelle à la société CIPRA.
Dans les faits les compagnies d’assurances qui avaient pris en charge ce risque ont réglé
l’indemnité à la société CIPRA sur les bases des rapports d’expertise effectués, soit 3.100.000 F,
par chèque du 26 septembre 1989 comme CIPRA en a attesté le 3 septembre 1991.
Les assureurs se trouvent donc légalement subrogés, en vertu de l’article L 172-29 du Code
des assurances, dans les droits de la société CIPRA qui avait intérêt et qualité pour agir en répara-
tion des dommages causés aux appareils au cours de leur transport.
Sur la demande en tant qu’elle est dirigée contre la société Ageco et ses assureurs
Il a déjà été précisé que l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation a consta-
té la déchéance du pourvoi en tant que dirigé contre la société AGECO, dans la mesure où. devant
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4. cette Cour, la société CIPRA, la société Via Assurances et les autres compagnies d’assurances
représentées par elle, n’avaient pas signifié à la société AGECO (dans le délai fixé à l’article 978
du Nouveau Code de Procédure Civile) le mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre
l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles.
Dans ces conditions l’arrêt de la Cour de Versailles est définitif en ce qui concerne la société
AGECO, et ainsi les demandes formées devant notre Cour contre cette société, sur renvoi après
cassation, sont irrecevables.
Pour les demandeurs, Via Assurances et autres, cette irrecevabilité du recours contre la so-
ciété AGECO n’a aucune incidence sur l’action directe qui peut être exercée contre les assureurs
de cette société.
Pour ceux-ci au contraire, Mutuelles du Mans en première ligne et Groupe Concorde en
deuxième ligne, cette déchéance du pourvoi vis à vis de leur assuré a également pour effet de
rendre irrecevable cette action directe.
Dans la présente procédure, la mise en cause de la société AGECO, ici considérée comme
assurée, a été faite dés le début du débat au fond. Elle a donc logiquement pu alors participer aux
discussions nécessaires au sujet des responsabilités et de la sienne propre qui était recherchée.
Or du fait d’une carence procédurale imputable notamment à ceux qui sont à présent de-
mandeurs, et dans la mesure où le débat reprend en son entier puisque la cassation est pronon-
cée en toutes les dispositions de l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles, cette mise en cause de
l’assurée la société AGECO et sa participation aux débats pour discuter de sa propre responsabili-
té ne sont plus possibles.
Dans ces circonstances, alors que la demande en tant qu’elle était dirigée contre la société
AGECO a été définitivement jugée irrecevable par l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles, l’action
directe n’est plus possible et les assureurs de la société AGECO ne peuvent plus être poursuivis
en garantie.
Sur la demande au fond
Sachant que les six avions ont été transportés dans huit conteneurs, six fermés contenant
les six fuselages et réacteurs, et deux « open top » (à toit ouvert et recouvert d’une bâche souple)
contenant les six jeux d’ailes, les avaries constatées après l’arrivée ont surtout concerné l’un des
conteneurs « open top », et dans une moindre mesure d’autres pièces logées dans d’autres con-
teneurs.
Les dommages constatés sur place en Bolivie, relatifs à trois appareils, portent sur les voilu-
res y compris les ferrures d’attache et les “tips tanks”, ainsi que les pointes avant des fuselages et
les équipements radio et leurs supports.
Les points suivants sont acquis aux débats
*la société CIPRA a assuré le conditionnement des pièces démontées dans les conte-
neurs avant leur départ ;
*elle s’est adressée pour la réalisation de l’ensemble du transport jusqu’à destination à
Cochabamba au commissionnaire de transport, société GEFCO ;
*GEFCO a fait procéder au transport routier Dinard-Le-Havre où les conteneurs ont été
embarqués le 8 juillet 1988 sur le navire « Unisierra » ;
*le connaissement signé par AGECO pour le compte de l’armateur chilien CCNI mention-
nait notamment : chargeur GEFCO ; port de déchargement : Arica ; destination finale :
Cochabamba ;
*en réalité les conteneurs ont été transbordés à Rotterdam, puis à New-York et alors sur
deux navires différents, pour parvenir à Arica le 12 septembre et le 29 septembre 1988
pour le dernier conteneur ;
*il était convenu à l’origine que le transport d’Arica à Cochabamba devait avoir lieu par
fer ; il a en fait été réalisé par voie routière par la société AGUNSA ;
*aucun incident n’a été signalé par les intervenants lors des différentes phases du trans-
port, et aucune réserve écrite n’a été faite par les autorités militaires ; il est indiqué que
l’équipe technique de CIPRA, chargée sur place du remontage des avions, a constaté peu
après les avaries, et a répercuté l’information.
En l’état de ces faits,
*les demandeurs, Via Assurances et autres, soutiennent que les experts ont démontré
que les dommages sont survenus au cours du transport et sollicitent que la société
GEFCO et ses substitués AGECO et CCNI soient déclarés responsables,
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5. *la société GEFCO invoque la présomption de livraison conforme ou, à défaut, le fait per-
sonnel de l’expéditeur ou du destinataire,
*la CCNI invoque la même présomption, et soutient que l’expertise n’a pu permettre
d’établir ni le moment ni le lieu de la survenance du dommage.
Il est exact qu’aucun incident n’a été signalé au fil du transport et aucune réserve consignée
à l’arrivée des conteneurs ; il est alors possible d’envisager la présomption d’une livraison con-
forme.
Mais cette présomption peut être mise à néant par la démonstration d’une carence survenue
en cours de transport.
Or le rapport d’expertise souligne des carences et manquements expliquant les dommages
et dont les parties discutent, et ce au fil de ses développements sur le conditionnement préalable
au transport et dont la société CIPRA avait la responsabilité, sur les transbordements des conte-
neurs lors du transport maritime, sur le transport routier final en Chili-Bolivie qui s’est substitué au
trajet ferroviaire originairement prévu.
Il résulte des recherches et études faites par les experts et des développements de leurs
rapports que la cause la plus importante des dommages les plus graves c'est-à-dire de ceux inté-
ressant les voilures de trois des avions, réside dans un choc violent subi par l’un des conteneurs
« open top » lors d’une opération portuaire. Des transbordements maritimes ont en effet eu lieu au
Havre, à Rotterdam, à New-York, à Arica ; les dégâts constatés sur le conteneur montrent qu’il a
été endommagé par l’action d’une charge ; de plus le transport routier final s’est déroulé sur une
route dépourvue d’obstacle supérieur ; la conclusion de l’expert Bigot est claire sur ce point même
s’il mentionne (p. 21) que subsiste seulement l’incertitude sur le lieu et le moment du choc cette
incertitude soulevée par la CCNI n’empêche donc pas d’admettre cette cause des dommages.
Les deux experts relèvent que les dommages ont également pour origine les vibrations cau-
sées par le transport routier final de 830 Km dont une bonne part emprunte un réseau passable ou
médiocre ; l’expert Auffray parle de “violentes vibrations exercées pendant un temps relativement
long”, indique que le trajet a duré plusieurs jours à une vitesse de 25 à 40 Km/h, et souligne no-
tamment que les équipements radio, leurs supports, les tips tanks, ont souffert de ces vibrations.
Cette cause a participé à la survenance des dommages comme l’écrit l’expert Bigot qui si-
gnala, à propos des pièces endommagées et au regard du transport routier en Amérique du Sud,
que le matériel fragilisé par les manutentions portuaires a subi des vibrations trop fortes.
La société GEFCO fait valoir qu’elle n’a aucune part de responsabilité dans le choix du
transport par route pour la portion finale d’acheminement des conteneurs alors qu’elle avait au
contraire donné instruction d’un transport ferroviaire.
Via Assurances et autres prétendent de leur côté que la société CIPRA avait donné instruc-
tion d’un transport ferroviaire, que la société GEFCO lui a donné des assurances sur ce point et
doit répondre, en tant que commissionnaire de transport, de la faute dolosive de la société AGUN-
SA, correspondant de la société AGECO au port d’Arica, qui a fait procéder au transport routier.
Les investigations et avis des experts montrent que la substitution du transport routier au
transport ferroviaire résulte d’une décision sur place de la société AGUNSA, agent local de CCNI,
et d’une autorisation donnée par le représentant local de l’OGA, alors qu’en réalité il n’y avait pas
d’urgence (une des raisons avancées pour son choix de substitution par AGUNSA) puisqu’aucune
date de livraison n’était prévue et exigée dans le contrat.
Les assureurs demandeurs soutiennent que Cobolcor, qui a envoyé le télex d’autorisation
pour le transport routier, est, comme l’a noté l’expert, “le représentant en Bolivie de l’OGA pour les
problèmes administratifs, financiers et relationnels” et n’avait donc pas à intervenir dans la logisti-
que du transport.
Cependant, au delà de ce libellé, la Cour note au vu du télex joint au dossier que c’est bien
l’OGA qui a donné cette autorisation de transport routier, l’OGA devant être considéré pour le
transport en cause, ainsi que l’indique la société GEFCO, comme le substitué de la société CI-
PRA. Les circonstances de l’espèce permettent de dire que cette autorisation est intervenue pour
moitié dans la responsabilité du recours au transport routier final.
Cette responsabilité incombe pour l’autre moitié à la société AGUNSA, dont la CCNI doit ré-
pondre vis à vis des demandeurs.
La troisième cause des désordres survenus tient au conditionnement des pièces dans les
conteneurs, conditionnement dont la société CIPRA avait la charge.
Il apparaît aussi de l’étude des experts que ces problèmes de conditionnement interviennent
pour une moindre part pour expliquer les dégâts, qu’ils concernent essentiellement les équipe-
ments radio qu’il aurait été préférable de démonter et d’emballer séparément, que le principe de
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6. fixation des voilures n’était pas en théorie critiquable puisque le second conteneur « open top » qui
en comportait au même titre que le premier n’a subi pratiquement aucun dommage. Il est aussi
relevé par l’expert Bigot que pour CIPRA, à l’origine, le transport terminal devait se faire par voie
ferrée et que c’est ce mode de transport qui a conditionné le mode d’emballage et d’arrimage.
Au vu de l’ensemble de ces éléments afférents aux causes des désordres, et des chiffres
cités dans les avis des experts sur les coûts respectifs pour les différentes natures de dommages,
il y a lieu de considérer que le transport maritime est intervenu pour 70 % pour la survenance de
ces dommages, le transport routier final pour 20 %, les défauts de conditionnement pour 10 %.
Compte tenu de ces proportions, et de la ventilation en ce qui concerne les responsabilités
pour la décision de choisir la route pour la fin du parcours des conteneurs, et compte tenu des
demandes telles qu’elles sont formulées,
*la société GEFCO et son substitué CCNI doivent répondre in solidum à hauteur de 80 %
pour les réparations de dommages qui seront accordés aux demandeurs, Via Assurances
et autres,
*la CCNI doit garantie à la société GEFCO, une partie de cette garantie à hauteur d’1/8
pouvant relever de la société AGUNSA.
Sur le préjudice
Il est établi que d’importantes réparations étaient nécessaires pour les voilures de trois appa-
reils pour les remettre en état, et que d’autres réparations moins onéreuses devaient être faites
pour les équipements radio et leurs supports de trois autres appareils.
Pour le premier chef, l’expert qui s’est rendu en Bolivie a listé les postes de travaux à réaliser
et les frais et a estimé le coût des réparations à 60.000 dollars par appareil, puis a indiqué qu’en
raison des sous estimations possibles il avançait le chiffre de 100.000 dollars, chiffre adopté dans
ses conclusions par l’expert Bigot.
En l’absence de document complémentaire apporté par les demandeurs, la Cour retient ici
ce montant de 60.000 dollars par avion.
Pour le second chef des réparations des équipements radio pour les trois autres avions,
l’expert Auffray a estimé le coût de remise en état à 1 M. F. chiffre confirmé et porté à 1.086.147 F
par l’expert désigné par les assureurs demandeurs.
Enfin les frais engagés par l’ingénieur de la société CIPRA pour son déplacement et son sé-
jour en Bolivie à cause du sinistre, sont justifiés à hauteur de 57.234 F.
La Cour retient donc pour le total un montant de préjudice global arrondi à 2.300.000 F, dont
80 % soit 1.840.000 F peuvent être mis, comme expliqué précédemment, à la charge des respon-
sables.
Au titre de la réparation pouvant être mise à leur charge, la société GEFCO et la CCNI invo-
quent la limitation prévue par la convention de Bruxelles.
Les compagnies d’assurances demanderesses, sans insister davantage, font état des trans-
bordements successifs des conteneurs et prétendent alors que la limitation d’indemnisation ne
s’applique pas car la CCNI a commis une faute inexcusable.
Cependant, pour se limiter à la phase maritime du transport, le recours à des transborde-
ments du fait des nécessités commerciales et d’organisation de l’armateur, et la survenance d’un
choc pour un conteneur lors d’une manutention portuaire (dont aucune circonstance de l’espèce
ne permet de dire qu’il aurait une autre origine qu’accidentelle au sens commun de ce mot), ne
peuvent constituer des éléments permettant de retenir la faute inexcusable.
La limitation d’indemnisation prévue à la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée
par les protocoles de 1968 et 1979, limitation citée à l’article 28 de la loi du 18 juin 1966, doit donc
s’appliquer.
Pour le calcul de cette limitation fixée à l’article 5 de cette convention, il convient de retenir,
en référence au rapport de l’expert Bigot qui précise bien que les contenus de quatre conteneurs,
l’un « open top » et trois autres, ont été endommagés, et en référence aux poids précisés au con-
naissement (7.500 Kg + 6.500 Kg x 3), une indemnité de 27.000 x 2 DTS = 54.000 DTS. Ce calcul
aboutit en toute hypothèse à un résultat inférieur au montant du préjudice, évoqué plus haut, pou-
vant être mis à la charge des responsables.
La condamnation ici prononcée se limitera donc à l’indemnité telle que calculée au vu du pla-
fond fixé à la convention de Bruxelles.
Du fait de l’équité et de la situation économique des parties, il n’y a pas lieu à application de
l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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7. Au titre des dépens, Via Assurances et autres obtiennent satisfaction sur le principe de leur
demande, tandis que les demandes présentées contre la société AGECO et ses assureurs sont
déclarées irrecevables.
En raison de la solution du litige, et au vu des demandes formulées sur ce plan, les entiers
dépens seront mis à la charge de la société GEFCO, de la CCNI, et de la société AGUNSA, avec
les recours en garantie dans les mêmes conditions que les recours en garanties afférents à la
condamnation principale.
Par ces motifs
La Cour
Statuant publiquement et par défaut ;
Vu l’arrêt en date du 10 juin 1997 de la chambre Commerciale de la Cour de cassation ;
Déclare recevables les demandes présentées par les compagnies Via Assurances et autres ;
En raison de la déchéance du pourvoi en tant qu’il était dirigé contre la société AGECO,
*déclare irrecevables les demandes, formulées devant notre Cour de renvoi, à l’encontre
de la société AGECO,
*et déclare également irrecevables par voie de conséquence les demandes présentées
contre les Mutuelles du Mans et le Groupe Concorde, assureurs de la société AGECO,
Au fond ;
Infirme le jugement en date du 14 février 1992 rendu par le Tribunal de commerce de Nan-
terre ;
Condamne in solidum la société GEFCO et la CCNI à payer aux compagnies d’assurance
demanderesses la somme correspondant à 54.000 DTS à déterminer conformément à la conven-
tion de Bruxelles du 25 août 1924 amendée par les protocoles de 1968 et 1979 ;
Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 13 septembre 1991, date des premières
conclusions déposées par les compagnies d’assurance de la société CIPRA ;
Dit que la CCNI devra garantir la société GEFCO de la condamnation prononcée contre elle,
et que, dans le cadre de cette garantie en sa faveur, la société GEFCO pourra y recourir à hauteur
d’1/8 à l’encontre de la société AGUNSA ;
Condamne in solidum la société GEFCO, la CCNl et la société AGUNSA aux entiers dépens
avec droit de recouvrement, conformément à l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile,
en faveur des SCP Colin-Voinchet-Radiguet-Enault, Greff-Curat-Peugniez, Theubet-Duval,
avoués, et Me Couppey (pour la société AGECO) ;
Dit que pour cette condamnation aux dépens, les recours en garantie s’exerceront dans les
mêmes conditions que pour la condamnation principale ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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