«Die Ferien sind vorbei – Ich sortiere aus, werfe weg, gebe fort»
«Nouveaux mots et monde d'après»
1. NOUVEAUX MOTS
& MONDE D’APRÈS
Le monde d’après, plus vert, plus solidaire,
plus humain, j’y croyais. Bien que d’un naturel
optimiste, aujourd’hui, je n’y crois plus.
LE LANGAGE ÉVOLUE,
L’IMAGINAIRE AUSSI
L’évolution de la société passe manifestement par le langage. Que le
Larousse et le Robert, les deux grands dictionnaires de la langue française,
la reflètent, rien de plus naturel. Or, que trouve-t-on dans les nouvelles
éditions de ces ouvrages? En tête, les mots «Covid-19», «cluster»,
«télétravailler», «vaccinodrome» et les expressions «Click and Collect»,
«traçage numérique», «immunité collective»…
D’autres mots ont fait l’objet d’une mise à jour, comme «confinement» et
«déconfinement». Le confinement a définitivement pris une nouvelle
coloration. Il évoque désormais, outre des restrictions imposées, un temps
suspendu miné de peurs diffuses, des rues vides, une succession
d’interminables journées passées devant un écran sur lequel s’affiche des
mosaïques de visages.
L’écouvillon qui, dans l’édition du Robert de feu tante Madeleine, servait
avant tout au boulanger pour nettoyer son four ou au chasseur son arme,
c’est ce gros coton-tige que nombre d’entre nous a trouvé en cinq
exemplaires dans le sachet d’autotests gratuits retiré à la pharmacie.
AUX QUATRE COINS
DE LA PLANÈTE
Nouveaux mots ou nouvelles significations, les contours de l’univers qu’ils
tracent n’a rien de très excitant.
2. L’ancrage de ce vocabulaire spécifique dans nos ouvrages de
référence reflète également une réalité que le «monde d’après»
souhaiterait nous faire oublier. Cessons de rêver, le virus qui
engendre des ravages, sanitaires, économiques, sociaux, aux
quatre coins de la planète ne va pas disparaître. Nous sommes
prévenus, même vaccinés, il faudra continuer à porter le
masque. Bon pas partout, pas toujours, mais il n’y a plus rien
d’extraordinaire à se couvrir la moitié du visage. Pas plus que de
faire un autotest avant de se rendre à une réunion familiale ou
amicale. Le virus, il va rester, continuer à muer, à s’immiscer
dans nos vies.
Bon, nous ici, en Suisse, ça va… Mais comment les populations
démunies en attente de vaccins, les travailleurs et travailleuses
des plantations du Sud, les Indiens qui improvisent des bûchers
funéraires dans des endroits improbables, les Brésiliens qui
creusent des alignements de tombes à n’en plus finir imaginent-
ils le monde d’après?
ET MAINTENANT,
ON FAIT QUOI?
Avant, après, tout pareil. Les prises de conscience des tâches
indispensables (non réalisables en home office) accomplies par
des personnes jusque-là invisibles et à qui la société civile
accordait tout à coup son attention, voire honorait comme le
Messie, ne devraient malheureusement pas laisser trop de
traces.
Les terrasses sont ouvertes – n’est-ce pas le sujet qui nous
préoccupe le plus. L’envie de retourner au cinéma ou d’assister à
un concert, de prendre l’avion, «passe sanitaire» en poche, pour
gagner de lointains rivages bordant une mer étincelante.
Une mer aux reflets d’argent qui n’en charrie pas moins tous les
jours de nouveaux corps. Avant, après, qu’est-ce que ça change?
Honnêtement.
Sylvie Castagné
Mai 2021
Autres chroniques et publications (en français, en allemand et
en anglais): https://fr.slideshare.net/sylviecastagne96