Article sur "Le temps des c(e)rises" dans le magazine Start
1. Le Temps
des C(e)rises
Par PASCAL FLAMAND
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C O N S E I L S
56 STarT MaGaZINE
Quand nous chanterons le temps des cerises
Et gai rossignol et merle moqueur
Seront tous en fête
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au cœur
Quand nous chanterons le temps des cerises
Sifflera bien mieux le merle moqueur
C
ommençons par un peu
d’histoire : Le temps des
cerises est une chanson
populaire dont les paroles furent
écrites en 1866 par Jean Baptiste
Clément. Bien que lui étant
antérieure, cette chanson est
largement associée à la Commune
de Paris. Des années plus tard, en
1882, le parolier dédia Le temps des
cerises à une infirmière rencontrée
lors de la semaine sanglante : « à la
vaillante citoyenne Louise,
l'ambulancière de la rue Fontaine-
au-roi, le dimanche 28 mai 1871 ».
Tout un symbole !
L’auteur ne va pas ici vous raconter
son confinement, rassurez-vous, il
n’a aucun intérêt... Même volontaire,
même consentie, la privation de
liberté est pénible, anxiogène et pour
tout dire absolument pas naturelle
pour « l’homo Sociabilis », et dire que
d’aucuns se glorifient d’avoir « réussi
leur confinement »..Nous ne devons
pas avoir les mêmes valeurs...
On nous a volé notre printemps ! Et
pourtant c’est sans doute la plus
belle saison, en tout état de cause
une saison magique, celle du
renouveau de la nature, des amours
et souvent des révolutions.
Cet article n’a en aucun cas pour
objectif de remettre en question les
choix politiques et sanitaires ayant
été faits et imposés à tous ; l’auteur
n’est ni épidémiologiste, ni virologue,
ni chercheur, ni élu de la nation; il
n’en a ni la prétention, ni les
compétences, et encore moins
l’envie ! Il n’est que l’observateur,
amusé, et de temps à autres
fortement agacé ; de notre société
actuelle, de ses réussites, de ses
excès et de ses ratés. Donc il n’a
aucun avis sur la chloroquine, pas de
schizophrénie galopante, pas d’idée
complotiste le moins du monde, il va
juste essayer dans ce billet de
dresser un état des lieux partiel et
partial de cette période inédite pour
notre génération sous ces latitudes
d’habitudes tempérées (et
démocratiques).
Cette période nous a apporté il est
vrai, quelques beaux moments de
partage, quelques éclairs d’altruisme,
quelques élans de solidarité, la
confirmation que le bénévolat et
l’entraide sont ancrés dans l’aDN de
certains de nos compatriotes, mais
vraiment trop peu pour pouvoir
oublier tous les bas instincts qui se
sont réveillés par magie et les pires
réactions de nos contemporains, en
ces quelques semaines, à en perdre
foi dans la race humaine et
l’intelligence collective, rien n’aurait
donc changé depuis les temps
obscurs qui ont jalonnés notre
histoire ?
Je citerai dans le désordre,
il n’y a pas de hiérarchie
dans la honte et la connerie
humaine :
L’Egoïste : celui qui pense que
stocker du papier hygiénique et de la
farine va stopper la pandémie, et
que de toute manière cela sera
mieux dans ses placards que ceux
de son voisin...Puisse-t-il en mourir
étouffé !
Le Délateur : « allô la police » je
vous signale que mon voisin est sorti
deux fois aujourd’hui, que ce midi il a
fait un BBq et qu’il a embrassé sa
vieille mère...
Le Rédacteur (je ne sais pas si il est
énarque, simple fonctionnaire ou
journaliste) qui a préféré employer le
terme « distanciation sociale » plutôt
que « distanciation physique », juste
pour mettre en avant le coté punitif
de la mesure...
Le Zélateur : vous êtes trop près,
avec des gens comme vous on ne
s’en sortira jamais, il faut rester
confinés jusqu‘à Noël...restez chez
vous et lavez-vous les mains ! Ce
sera de votre faute si ma grand-
mère meurt ! Non, je ne mettrai pas
mes enfants à l’école !
Le Professeur : en quelques
semaines, 60 millions de mes
compatriotes sont devenus des
spécialistes de l’épidémiologie et du
traitement des virus, ont découvert
les joies des statistiques, ont eu leur
mot à dire et une opinion sur tous les
sujets... On a aussi un premier sinistre
(non il ne s’agit pas d’une erreur de
typo) qui nous parle comme si nous
étions des gamins demeurés... Si
vous n’êtes pas gentils, on
(re)confine !
L’Ordure : « on sait que vous êtes
médecin ou infirmière, on vous
demande de quitter la résidence,
nous on ne veut pas l’attraper et on
sait que vous allez nous le refiler »,
sans commentaire, j‘ai honte pour
notre société...
L’Epurateur (le petit fils du
Tondeur de 1945..) : « on n’oubliera
pas, vous allez devoir payer, on va
vous faire un procès pour mise en
danger de la vie d’autrui », (dans les
formes les plus soft), il propage un
discours de haine, règle ses comptes,
flingue en direct sur Facebook et
pourrait même en venir à faire
l’apologie d’un messie
autoproclamé...
L’Expert de plateau télé et du
réseau social : la négation absolue
de toute démarche scientifique, le
syndrôme « The Voice », si vous êtes
pour la Chloroquine taper 1, si vous
préférez le remdesivir taper 2. Les
essais cliniques deviennent aussi
simple qu’une finale de koh Lanta,
coût d’un appel local plus 1€82 de la
minutes...a la recherche du totem
d’immunité...
Le Khmer, l’Ayatollah : qu’il soit
rouge, vert ou brun, il impose ses
idées quoi qu’il arrive, le monde de
demain sera différent et il sera
forcément comme lui le veux sans
discussion ou aménagement
possible....Cela nous prépare des
lendemains qui chantent...Il ferait
mieux de s’occuper du monde
d’aujourd’hui, d’y participer et
d’apporter sa pierre à l’édifice ! Mais
en règle générale, hormis pour la
critique, on le voit très rarement sur
le terrain pour donner un coup de
main....
L’Opportuniste : je ne saurais
terminer cette galerie de portraits
sans mettre en avant quelques
roitelets et châtelains locaux, le
concours Lépine (pour ne pas dire
concours de b....) de l’arrêté municipal
le plus liberticide, de l’utilisation de la
technologie la plus saugrenue, le
tout permettant évidemment de
figurer en bonne place au JT du
lendemain...
Bref, vous l’aurez compris, mes
contemporains m’ont quelque peu
exaspéré et déçu...Nous n’avons pas
été collectivement à la hauteur, et
plutôt que de se fédérer et de faire
confiance aux élus pour prendre des
décisions, aux médecins pour nous
soigner (plutôt que l’inverse), nous
nous sommes déchirés, la défiance
est devenue la règle, les
comportements hystériques la
norme, les fake news délirantes et
redoutables niant toute intelligence
et toute preuve scientifique ....Bref,
une période sombre et détestable,
un débat publique virant à la foire
d’empoigne et au grand n’importe
quoi...Il faut dire que quand on ferme
administrativement librairies et
bibliothèques et qu’en même temps
on lance Disney+ et que les chaînes
publiques repassent l’intégralité de
« l’oeuvre » de De Funès...
heureusement il nous reste les
philosophes, et c’est en ces périodes
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complexes et incertaines que nous
avons le plus besoin d’eux. Deux
interviews en contrepoint du
politiquement correct ambiant ou
des discours délirants, haineux ou
messianiques, prenant un peu de
hauteur, ont attiré mon attention et
créé quelques lueurs d‘espoir en
l’humanité. Vous en trouverez ci-
dessous quelques extraits et surtout
les liens vers leur intégralité :
Le coup de gueule du philosophe
andré Comte-Sponville dans le
Temps le 17 avril ( www.letemps.ch/
societe/andre-comtesponville-
laisseznous-mourir-voulons )
précédé par une interview sur
France-Inter
www.franceinter.fr/idees/le-coup-
de-gueule-du-philosophe-andre-c
omte-sponville-sur-l-
apresconfinement
« Laissez-nous mourir comme nous
voulons! », C’est une opinion qui
contraste dans la symphonie
actuelle autour du coronavirus et du
confinement. andré Comte-
Sponville, philosophe français,
déplore qu’on sacrifie les jeunes au
détriment des personnes âgées, la
liberté sur l’autel de la santé. Et il
interroge notre rapport à la mort... «
Moi qui suis un anxieux, je n’ai pas
peur de mourir de ce virus. Ça
m’effraie beaucoup moins que la
maladie d’alzheimer! Et si je le
contracte, j’ai encore 95% de
chances d’en réchapper. Pourquoi
aurais-je peur? Ce qui m’inquiète, ce
n’est pas ma santé, c’est le sort des
jeunes. avec la récession
économique qui découle du
confinement, ce sont les jeunes qui
vont payer le plus lourd tribut, que ce
soit sous forme de chômage ou
d’endettement. Sacrifier les jeunes à
la santé des vieux, c’est une
aberration »..... « La médecine coûte
cher. Elle a donc besoin d’une
économie prospère. quand allons-
nous sortir du confinement? Il faut
bien sûr tenir compte des données
médicales, mais aussi des données
économiques, sociales, politiques,
humaines! augmenter les dépenses
de santé? Très bien! Mais comment,
si l’économie s’effondre? Croire que
l’argent coulera à flots est une
illusion. Ce sont nos enfants qui
paieront la dette, pour une maladie
dont il faut rappeler que l’âge moyen
des décès qu’elle entraîne est de 81
ans.
Traditionnellement, les parents se
sacrifiaient pour leurs enfants. Nous
sommes en train de faire
l’inverse! »... « Pendant ce temps, les
politiciens évitent les sujets qui
fâchent, donc ne font plus de
politique, et ne s’occupent plus que
de la santé ou de la sécurité de leurs
concitoyens. quand on confie la
démocratie aux experts, elle se
meurt. ».
Toujours André Comte-
Sponville qui nous dit :
« le jour où le bonheur n'est plus
qu'un moyen au service de cette fin
suprême que serait la santé, on
assiste à un renversement complet
par rapport à au moins vingt-cinq
siècles de civilisation où l'on
considérait, à l'inverse, que la santé
n'était qu'un moyen, alors certes
particulièrement précieux, mais un
moyen pour atteindre ce but
suprême qu'est le bonheur. attention
de ne pas faire de la santé la valeur
suprême. attention de ne pas
demander à la médecine de
résoudre tous nos problèmes. On a
raison, bien sûr, de saluer le
formidable travail de nos soignants
dans les hôpitaux. Mais ce n'est pas
une raison pour demander à la
médecine de tenir lieu de politique
et de morale, de spiritualité, de
civilisation. »
Dans Le Monde du 4 Mai
(www.lemonde.fr/idees/article/20
20/05/04/marie-de-hennezel-l-
epidemiede-
covid-19-porte-a-son-paroxysme-
le-deni-de-mort_6038548_3232.h
tml. Marie de hennezel, psychologue
et écrivaine fustige la « folie
hygiéniste » qui, sous prétexte de
protéger les plus âgés, leur impose
des «conditions inhumaines », et
estime que « la crise sanitaire met à
mal le respect des droits des
personnes enfin de vie......Si le déni de
la mort est une des caractéristiques
des sociétés occidentales, l’épidémie
due au SarS-CoV-2 illustre son
paroxysme. Depuis la seconde
guerre mondiale, ce déni n’a fait que
s’amplifier avec le progrès
technologique et scientifique, les
valeurs jeunistes qui nous
gouvernent, fondées sur l’illusion du
progrès infini, la promotion de
l’effectivité, de la rentabilité, du
succès....Il faut d'abord se rappeler
que l'énorme majorité d'entre nous
ne mourra pas du coronavirus. J'ai
été très frappé par cette espèce
d'affolement collectif qui a saisi les
médias d'abord, mais aussi la
population, comme si tout d'un
coup, on découvrait que nous
sommes mortels. Ce n'est pas
vraiment un scoop. Nous étions
mortels avant le coronavirus, nous le
serons après ».
L’économie, justement, parlons-en :
nous avons devant nous un chantier
immense qui nous attend. quand
certains hommes politiques nous
assènent que la santé n’a pas de
prix, nous pourrions penser qu’ils se
trompent ! Ou qu’ils font de la
politique politicienne (canal
démagogique) ! Il semble à l’auteur,
mais il peut se tromper, que la santé
n’est pas une valeur (telles que la
Liberté, l’amour ou la Justice), mais
serait plutôt un bien, enviable
(surtout pour certains continents
moins chanceux que le nôtre) mais
certainement pas une fin en soi ! Et
un bien, dans le monde économique
réel a un prix, le paiement ou non de
ce prix doit être un choix de société,
collectif et accepté par tous !
L’économie s’est brutalement
arrêtée et personne encore
aujourd’hui ne peut en imaginer les
conséquences sur le long terme,
surtout pour d’autres régions du
monde moins bien pourvues
financièrement et
technologiquement que les nôtres
(régions dans lesquelles prospèrent
paludisme, ébola, dengue, sida,
famines, guerres, sans que cela ne
nous ait particulièrement
questionné ces dernières années) !
Pour les entreprises, le printemps fut
pourri, l’été est incertain, Il y a de
forts risques que l’automne soit rude
et préfigure un hiver
interminable....La tâche qui nous
attend est immense, il ne s’agit pas
d’un redémarrage mais bien d’une
reconstruction, des pans entiers ont
été sacrifiés et ne se relèveront pas
ou très difficilement.
L’auteur espère que cette phase de
reconstruction sera plus
collaborative, plus apaisée, plus
bienveillante et qu’elle fera plus
appel à l’intelligence collective et à
l’amour du prochain que le
confinement qui lui fut totalement
délirant, clivant, haineux, punitif et
infantilisant. Il faut aussi se garder
de parler du monde d’après en
oubliant et en négligeant le monde
d’aujourd’hui ; l’auteur garde le secret
espoir que ce monde ne se bornera
pas au désolant triptyque MacDrive,
Netflix, amazon mais que nous
retrouverons un peu du monde
d’avant, bises, restaurants et
apéros !
Quand vous en serez au
temps des cerises
Si vous avez peur des
chagrins d'amour
Évitez les belles!
Moi qui ne crains pas les
peines cruelles
Je ne vivrai pas (point)
sans souffrir un jour...
Quand vous en serez au
temps des cerises
Vous aurez aussi des
chagrins (peines) d'amour !
J'aimerai toujours le temps
des cerises
C'est de ce temps-là que je
garde au cœur
Une plaie ouverte !
Et Dame Fortune, en
m'étant offerte
Ne pourra jamais calmer
(fermer) ma douleur...
J'aimerai toujours le temps
des cerises
Et le souvenir que je garde
au cœur !
Et pour terminer cet article, une
citation de Voltaire « J'ai décidé
d'être heureux parce que c'est bon
pour la santé » ; et soyons fous,
soyons inconscients, brisons les
(gestes) barrières, je vous (re)donne
un petit peu du monde d’avant: Je
vous embrasse – Très fort.