1. Tribune d'architectes pour le renouveau des Halles de Quimper
Nous sommes plusieurs architectes finistériens à nous féliciter de la tenue d'un référendum local sur
l'avenir des Halles de Quimper.
Il n'est pas surprenant que ce soit ce bâtiment si central et si symbolique dans la ville qui initie cette
démarche de consultation de tous les Quimpérois.
Comme tout référendum la question posée revêt une importance décisive.
La question posée est la suivante « Approuvez-vous le lancement d'une opération de construction de
nouvelles Halles Saint-François ? ».
Mais recouvre-t-elle tous les scénarios possibles ?
Rappel historique :
Lauréat d'un concours d'architecture national majeur organisé par les élus de l'époque ce bâtiment
conçu par un trio d'architectes quimpérois Bizouarn-Lachaud-Le Berre et construit en 1979 à la place
de l'édifice historique de 1847 dessiné par Joseph Bigot a su réinterpréter de manière singulière le
concept de halle.
Le projet évoquait l’idée d’une « coque de bateau renversée », ou d’un abri, avec de généreux pans
de toitures dont le traitement uniforme en ardoises et baies vitrées assurait l’uniformité de sa
géométrie chaloupée.
Les architectes avaient opté pour une forte présence d’éclairages zénithaux afin d’assurer un apport
optimal de lumière naturelle sur cette vaste surface couverte. A l’intérieur, la nef principale dévoile
son imposante charpente de bois naturel, ce qui peut évoquer au visiteur l’idée d’une placette de
marché, intime et protégée par toutes ces « branches » structurelles.
Le projet allie des lignes dynamiques à des matériaux respectant la nature des constructions
environnantes. On retrouve ainsi la pierre, l’ardoise et le bois mis en œuvre d’une façon cohérente et
harmonisée.
La structure en lamellé-collé étudiée en collaboration avec un ingénieur de renom (André Fanjat de
Saint-Font) répondait aux exigences du programme, à la fois résistante au feu et permettant une
répartition des charges structurelles optimisée. Sa flexibilité a permis avant tout aux architectes des
expressions structurelles atypiques et des portées conséquentes bienvenues pour ce type de
programme.
Quarante ans après, ce bâtiment reste un témoignage rare de l'école architecturale bretonne dite «
Naturaliste moderniste » se caractérisant par l'utilisation assumée de matériaux qualitatifs et par une
volonté de dialogue avec l’Histoire, le tout porté par une écriture architecturale dynamique et
cohérente.
Le bâtiment a depuis subi, en plus de l'usure du temps, des extensions peu maîtrisées qui sont venues
contredire l'esprit de transparence et d'ouverture sur l'espace public environnant du projet initial.
Victime de son succès, de son usage intensif, des normes en constante évolution et des pratiques de
consommation différentes, le bâtiment des Halles est aujourd'hui à la recherche d'un second souffle.
Quelle attitude alors adopter quant au devenir de ce bâtiment emblématique et de ses abords ?
Le statu quo ? La tabula rasa ? Le renouveau ?
Déclinons les caractéristiques de ces trois scénarios potentiels :
2. Le statu quo ou le piège de l'immobilisme
Malgré les qualités spatiales et architecturales intrinsèques du bâtiment existant, une attitude
patrimoniale qui s'attacherait à une simple conservation du bâti ne permettrait pas de réinterroger la
jauge commerciale et les espaces public environnants.
Cette solution à minima de mise au norme ne semble donc pas à la hauteur des enjeux d'attractivité
et des évolutions nécessaires des pratiques commerciales et urbaines.
La tabula rasa ou l'attrait de la page blanche
Cette solution en apparence simple balaie le passé et tout un vécu.
N'est-elle pas excessive face à ce bâtiment d'à peine quarante ans dans le cœur historique de Quimper ?
Une démolition totale n'est-elle pas anachronique à l'époque où toute la société et particulièrement le
secteur de la construction s'interrogent sur l'économie des ressources et sur la gestion des déchets ?
Que penser de l'impact et des nuisances d'un tel chantier nécessitant démolitions, évacuations,
terrassements et fondations spéciales ?
Cette disparition est-elle vraiment un passage obligé pour une requalification des espaces publics
environnants ?
Le renouveau ou la chance d'une seconde vie
A l'instar de nombreux bâtiments quimpérois tels le Musée des Beaux-Arts, la Médiathèque des
Ursulines, le Palais de Justice, le STAP-ancienne prison, le Pavillon de Penvillers, le Centre des
congrès, l’école Jules Ferry, les Halles possèdent également ce potentiel de régénération.
A partir d'une analyse fine et approfondie de l'existant dans toutes ses dimensions historiques,
structurelles et programmatiques, cette attitude de projet, loin d'un conservatisme frileux, nous a déjà
démontré sa richesse et sa pertinence.
Par le recours à des démolitions partielles et ciblées, à des reprises, à des surélévation, à des ajouts,
les Halles ont aussi cette capacité à muer et à accueillir avec générosité et efficacité les nouvelles
pratiques envisagées.
L'expressivité, la hardiesse et la légèreté de cette charpente singulière peuvent être une chance pour
repenser les lieux dans leur spatialité et leurs usages.
Cette attitude qui s'éloignerait des fausses facilités et des traumatismes notables inhérents à une
démolition radicale pourrait être la voie vers un projet contextualisé, audacieux, propre à Quimper.
Nota : mentions historiques empruntées au travail de recherche de Brice Delance, doctorant-architecte
Retrouvez cette tribune et les annexes historiques et techniques sur la page Facebook de la Maison
de l’Architecture et des espaces en Bretagne » : http://www.architecturebretagne.fr/
Les architectes signataires de la tribune :
Anne BADICHE – DESILLE, Jean-Christophe BERNARD, Marie-Pierre BEUZE, Fanny CADOU
Jean-Charles CASTRIC, Brice DELANCE, Anne FRANCES, Frédéric FRANCES, Hervé DE JACQUELOT,
Franck DESILLE, Michel GRIGNOU, Imane Achir LE GARREC, Mathieu LUCAS, Henri MAUGARD,
Catherine MOREL, Mélanie OUCHEM, Jacques QUERELOU, Olivier SAMZUN, Tanckred SCHOLL,
Véronique STEPHAN, Jean-Paul THOMAS, Hervé TROPRES, Justine TROPRES