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1
L’importance de mon gang : Une analyse des besoins des jeunes délinquants et la façon
dont ils s’identifient dans le contexte de gang de rue.
Francesco Campisi; étudiant au baccalauréat,
Département de Criminologie, Université de Montréal
RÉSUMÉ
Plusieurs recherches scientifiques indiquent que les adolescents cherchent à construire leurs
identités sociales et personnelles. Les jeunes qui se retrouvent dans des gangs de rue vont
construire des identités basées sur le contexte qu’ils sont affiliées à un gang de rue. De plus, les
gangs de rue répondent à un ou plusieurs besoins des jeunes, des besoins qui ne sont pas souvent
répondus par des acteurs prosociaux. Cette recherche cherche à comprendre s’il existe une
relation entre les besoins des jeunes répondus par le gang et leur identité sociale et/ou
personnelle. Avec un échantillon de sept jeunes délinquants hébergés au site Cité-des-Prairies,
cette recherche mène des entretiens et de l’analyse de contenus pour répondre à cette question de
recherche. Les résultats suggèrent que les jeunes au site Cité-des-Prairies avec un besoin
d’appartenance et un besoin de sécurité personnelle privilégient d’afficher leur identité sociale.
Ces jeunes avec un besoin de reconnaissance/ respect et ceux avec un besoin de pouvoir/contrôle
souvent affichent leurs identités personnelles
REVUE DE LITÉRATURE
1. Les adolescents et la création des identités
Dès le début de l’adolescence, les adolescents sont à la recherche de construire leur
identité. Une identité fournit l’occasion à l’adolescent de se définir pour une des premières fois
dans sa vie (Finkenauer, Engles, Meeus et Oosterwegel 2002). Avant cette période, leurs
identités sont construites par leurs parents, qui influencent la manière dont leur enfant se perçoit
et sont perçus par les autres. Maintenant, étant des adolescents, ils sont en quête de leur propre
identité et peuvent le construire de leur manière. Bien qu’il n’y existe pas une seule définition
d’identité, plusieurs chercheurs sont en accord que l’adolescent évalue son identité par
l’évaluation de ses traits et caractéristiques personnels, en examinant l’état de leur estime de soi
et des perceptions positives et négatives des autres (Finkenauer et coll., 2002). Selon Schlegel
(2013), plusieurs recherches démontrent qu’une personne possède plus d’une identité. Tout au
long de la vie, une personne crée et change plusieurs fois d’identités et de plus, peut avoir plus
qu’une identité au même moment. Beaucoup de recherches suggèrent qu’un adolescent va créer
deux formes d’identités : l’identité sociale et l’identité personnelle (Schlegel, 2013). D’abord
2
suggéré en 1968, Erikson (1968) affirme qu’une identité sociale est établie sur des circonstances
de vie comme l'âge et le statut social tandis que l’identité personnelle implique le type de
personne que le jeune croit être. L’identité sociale est considérée comme l’identité générale, liée
à l’affiliation à un groupe comme un gang de rue, une équipe sportive ou une association
communautaire (Vigil, 1988b). Aussi, il peut s’agir d’une étiquette d’association comme
«avocat», «étudiant», «oncle», etc. (Caughey, 1980) Tandis qu’une identité sociale est définie
comme l’adhésion à un groupe, l’identité personnelle est une façon de représenter des traits
personnels uniques au jeune pour le distinguer des autres dans ce groupe (Vigil, 1998b).
L’identité personnelle est plus qu’uniquement l’appartenance à un groupe, elle implique des buts,
caractéristiques, valeurs et traits de personnalités (Markstrom, 2013).
L’adolescent, souvent, construit ses identités par ses interactions sociales quotidiennes
(Anderson, 2003). Par exemple, l’interaction à un groupe de jeunes qui sont amateurs de football
peut influencer le développement des identités de l’adolescent. Toutefois, l’adolescent peut
s’identifier comme partie de ce groupe uniquement si les autres membres du groupe l’acceptent
comme membre. Dans plusieurs situations, s’identifier à un groupe nécessite d'avoir des
interactions positives avec les autres, être accepté par les autres, se faire initier, etc. Donc, un
grand nombre d’interactions est nécessaire pour qu’un jeune puisse s’identifier d’une manière
sociale. Anderson (2003) poursuit cette notion indiquant que l’identité personnelle peut aussi être
liée aux interactions sociales. Un adolescent peut se considérer comme populaire ou beau, mais
cette identité personnelle peut disparaitre sans la validation des personnes de son entourage. De
plus, une identité personnelle peut être accordée à l’adolescent si son entourage croit qu’il
exprime cette identité spécifique. Dès que le jeune valide cette identité spécifique, il continuera
de manifester cette identité personnelle, mais de façon consciente.
Les jeunes ont un grand nombre de groupes, gangs et équipes avec lesquels ils s’identifient. Dans
certains contextes, le jeune peut commencer à s’affilier avec un gang de rue. Garot (2010)
indique qu’un jeune souvent s’affilie à un gang par étape. Généralement, le jeune fréquente les
mêmes endroits que des membres de gangs, il va aux mêmes événements et peut avoir des amis
impliqués dans un gang de rue. Après un certain temps (et après s’être fait accepter par les
membres), le jeune commence à s’afficher comme membre de gang. Le gang de rue est
important parce qu’il offre des opportunités et favorise le développement d’une identité sociale
3
et personnelle du jeune. En fait, il existe plusieurs manières de manifester leur identité sociale et
personnelle dans le contexte de gang. (Vigil, 1988b). Ces manières incluent des surnoms, des
vêtements, des tatouages et des symboles de mains qui vont représenter leur identité personnelle
et leur affiliation dans le gang. Par exemple, les jeunes associés dans le gang vont souvent porter
des couleurs, tatouages et autres symboles pour manifester leur identité sociale. Dans d’autres
situations, des jeunes vont utiliser des surnoms et le tagging pour représenter leur identité
personnelle qu’ils veulent évoquer au public. Pour mieux comprendre les identités dans le
contexte de gang, les prochaines sections vont fournir des exemples concrets des manifestations
des deux identités.
1.1 Les manières de représenter une identité sociale dans le contexte de gang :
La façon de s’habiller est une représentation de l’identité sociale qui joue un rôle
important dans l’interaction des jeunes et cette interaction se fait tout autant avec des jeunes à
l’intérieur et à l’extérieur du gang (Jackson et McBride, 1986). Selon une entrevue avec Garot
(2010), un membre de gang mentionne que les couleurs portées par un autre jeune sont un
affichage d’affiliation. Le mauvais affichage peut donc porter des risques dans des quartiers
conflictuels. C’est pendant ces conflits qu’une affrontation verbale, autrement connue comme
hitting up se manifeste. Le concept de «Hitting up» est une situation où un jeune va approcher un
autre et lui poser des questions par rapport à leur quartier, où il habite, etc. (Garot, 2010). Cette
approche a pour but de voir si l’autre jeune s’identifie avec un gang ou s’il n’a pas d’affiliation.
Cette situation illustre que la manière qu’un jeune se représente, que ce soit physiquement ou
verbalement, peut être le précurseur d’une situation conflictuelle avec d’autres jeunes.
Une forme d’affichage visuelle fortement utilisée dans le développement d’une identité sociale
est le port du bandana d’une couleur spécifique au gang d’appartenance. Normalement,
représenter les couleurs d’un gang est lié à la fierté de faire partie de ce gang (Jackson et
McBride, 1986). Par conséquent, la représentation par les vêtements indique que la société devra
le juger basé premièrement par son identité sociale et par la suite, par ses autres caractéristiques
(Garot, 2010). Autrement dit, si le gang est une fierté pour le membre, il est important pour lui de
s’habiller d’une manière où il représente le gang le mieux possible. Un membre qui s’habille
d’une manière équivalente à un vagabond insulte son gang.
4
Dessiner le symbole du gang par le graffiti, autrement considéré comme «tagging» (Garot,
2010), est une autre façon d’afficher une identité sociale et une affiliation au gang.
Contrairement au port de vêtements qui peut se faire à tout moment, le tagging est normalement
fait seul ou en petit groupe, au cours de la nuit parce qu’il est considéré comme illégal et donc le
jeune ne veut pas se faire prendre par la police. Le tagging joue un rôle dans l’identité sociale.
Dans plusieurs cas, les jeunes cherchent des manières d’exprimer cette fierté et affiliation par
l’inscription du nom de leur gang, du coin que le gang fréquente et du quartier d’où le gang
provient sur des murs dans leur quartier. Selon Garot (2010), le tagging a évolué d’une manière
où il se trouve sur plusieurs surfaces autres qu’uniquement sur les murs. Plusieurs jeunes vont
éviter de se faire arrêter pour le tagging au sein de leur quartier et vont opter pour tagger des
livres, leurs affaires personnelles, ainsi qu’eux-mêmes. Plus un jeune dessine son affiliation avec
un gang sur ses affaires personnelles et sur lui-même (en forme de tatouages), plus cette
manifestation a le même effet que de porter des vêtements et couleurs spécifiques dans
l’affichage de leur identité sociale.
1.2 Les manières de représenter une identité personnelle dans le contexte de gang:
Le tagging sur lui-même et les tatouages jouent un autre rôle important dans l’identité du
jeune. Selon Jackson et McBride (1986), le nombre de tatouages est directement lié avec le
nombre de fois que le jeune a été incarcéré et la durée pour laquelle il «travaillait pour le gang».
Le tatouage est, de la sorte, considéré comme un symbole de statut dans le gang. Il représente
aussi le prestige qu’un membre a obtenu dans le gang et donc est lié à des notions de respect.
Les surnoms qu’ils détiennent sont aussi liés à la manière qu’ils veulent représenter leur identité
personnelle. Lorsqu’ils sont recrutés, beaucoup de jeunes vont adopter un surnom qu’ils
choisissent basé sur une caractéristique spécifique. Par exemple, un jeune qui se fait appeler
Loco, ou fou, indique que le gang le respecte parce qu’il manifeste des traits de personnalité
reliés à ce surnom (Jackson et McBride, 1986). Ce jeune, maintenant surnommé Loco, doit
continuellement prouver le mérite de son surnom en devenant encore plus fou et violent. Certains
surnoms ont aussi l’utilité de manifester des valeurs ou croyances spécifiques au jeune. Par
exemple, un surnom peut évoquer que le jeune croit en Dieu ou qu’il désire seulement gagner de
l’argent (Jackson et McBride, 1986).
5
2. Les besoins des adolescents
Dans le domaine de la psychologie, la question des besoins identitaires des adolescents
est un constat qui fait consensus dans les écrits scientifiques. Abraham Maslow est un pionnier
sur le sujet, peu importe l’âge des individus. Maslow (1968) souvent se concentrait sur les
concepts d’autotranscendance et l'autoactualisation. Ces deux concepts sont utilisés pour «décrire
le processus du développement du potentiel des personnes [traduction libre]» (Beise et Sherr,
2015, p.244). Autrement dit, pour qu’une personne continue à développer leur potentiel, un
processus qui se fait depuis qu’on est né et continue jusqu’à la mort, elle nécessite d’avoir tous
ses besoins répondus. Plus précisément, Maslow (1968) indique que tout le monde a six besoins
généraux : (1) des besoins physiologiques : la faim, la soif, le sexe, etc. ; (2) des besoins de
sécurité : désirer la sécurité, éviter la douleur et l’anxiété ; (3) des besoins d’appartenance :
l’affection et l’intimité ; (4) le besoin d’estime de soi : le respect ; (5) le besoin
d’autoactualisation : beauté et créativité et (6) le besoin d’autotranscendance : développer ses
capacités.
Kendrick et ses collègues (2010) proposent une version révisée des besoins. Selon Kendrick et
coll. (2010), les besoins pourront se classifier selon sept catégories : (1) les besoins
physiologiques et (2) les besoins de sécurité comme vus auparavant ; les besoins d’appartenance
sont révisés : (3) l’appartenance à une famille (4) groupe d’amis, et (5) les besoins d’avoir des
relations intimes sont maintenant des besoins distincts; (6) au besoin d’estime de soi se rajoute le
besoin de statut et finalement (7) le besoin d’autoactualisation où la personne réalise ses passions
et a la capacité et les mécanismes d’accomplir ces buts, quoi qu’ils soient.
Selon Luca et Horrocks (1960), les comportements des jeunes adolescents sont souvent motivés
par les besoins qu’ils cherchent à répondre. Par exemple, un jeune à la recherche de satisfaire un
besoin de sécurité va trouver des manières, acteurs et circonstances où ce besoin est répondu.
Pour la majorité des jeunes, les besoins sont souvent répondus par leurs parents, les pairs à
l’école et les acteurs dans la communauté. Généralement ces acteurs sont considérés comme
prosociaux et leur manière de répondre aux besoins est également prosociale. Mais il existe des
situations où un jeune trouve d’autres manières de répondre à ses besoins (Brinthaupt et Lipka,
2012). Plusieurs recherches indiquent que le gang de rue attire fréquemment le jeune à joindre le
6
gang parce qu’il répond aux besoins spécifiques du jeune. La prochaine section aborde sur les
besoins des adolescents et la façon que le gang répond à ces besoins spécifiques.
2.1 Comment le gang de rue répond aux besoins spécifiques du jeune
Cette section discute des besoins des jeunes comme ceux d’appartenance, de protection,
de structure et de pouvoir. Selon Esbensen, Deschenes et Winfree Jr. (2004), les raisons les plus
connues pour rejoindre un gang sont pour la protection (48%), pour le respect (47%), pour des
gains financiers (47%), pour l’amusement (43%) et l’implication d’un ami dans le gang (41%)
(p. 84). Il est pertinent de croire que certaines de ces raisons, comme celles pour la protection et
pour le respect, sont des besoins fondamentaux répondus par le gang. Toutefois, toutes ces
raisons sont valables et variables selon les individus.
Les caractéristiques du jeune peuvent aussi influencer la raison d’appartenir à un gang. Selon
Agnew (2001), certains jeunes sont hyperactifs, impulsifs, ont une tolérance minime pour la
frustration et un tempérament difficile. Selon Bordua (1961), ces types de jeunes sont souvent
agressifs et cette agressivité amène deux conséquances. Premièrement, les jeunes délinquants
entrent dans les gangs pour connaître une vie plus excitante que la famille ou l’école et
subséquemment s’engagent dans des activités criminelles comme des vols à l’étalage, vols de
voiture et vente de drogue. Deuxièmement, le jeune est attiré par un mélange d’amusement, de
profit financier et l’idée d’être le héros d’une bagarre, un mélange que Bordua (1961) indique
qu’on retrouve majoritairement dans un gang de rue et non dans les institutions conventionnelles.
Le besoin de protection est un besoin complexe puisque c’est une notion qui est propre au jeune
et qui découle des problèmes sociaux présents dans le quartier, la communauté ou la ville. La
protection est un facteur extrêmement important, surtout aux États-Unis, car la violence
intergang est excessivement élevée dans les villes de Los Angeles, Chicago et New York.
(Morgan et Shelley, 2014). Selon Kubrin (2012), le contexte de violence aux États-Unis fait
partie d’un plus grand contexte socio-économique où des quartiers principalement afro-
américains ont une histoire de ségrégation, de désorganisation sociale et un système de justice
excessivement punitif. Tout ceci joue un rôle dans la présence de violence. De plus, la présence
de vente de drogues et d’armes à feu contribue à la violence dans la communauté à cause d’une
compétition féroce entre gangs (Kubrin, 2012). Donc, typiquement plusieurs jeunes vont joindre
7
des gangs par la peur d’être victime des membres d’autres gangs, des résidents de la
communauté ou des membres de la famille (Melde, Taylor et Esbensen, 2009). Melde et ses
collaborateurs (2009) indiquent que dans un groupe un jeune se sent plus à l’aise sachant qu’il
existe des membres pour le défendre et le protéger si une bagarre se déclenche. Toutefois, il
existe une relation positive entre membre d’un gang et la victimisation. Les chercheurs décrivent
que le gang crée des conditions où le jeune est forcé à participer à des situations où la violence
contre lui-même ou ses amis devient inévitable. Des conditions rares pour un jeune qui n’a pas
d’affiliation avec un gang. Malgré tout, le jeune se sent protégé par le gang et donc, pour cette
raison, la notion de protection est subjective même s’ils ont plus de risque de se faire victimiser.
Selon la recherche d’Esbensen, Deschenes et Winfree Jr. (2004), plusieurs jeunes rentrent dans le
gang parce que leurs amis ou quelqu’un qu’ils connaissent font déjà partie d’un gang de rue. Ces
jeunes rentrent dans le gang parce qu’ils veulent le même sentiment d’appartenance que leurs
pairs. Les participants de la recherche étaient fortement en accord avec les déclarations «Être
dans un gang me donne le sentiment d’appartenir quelque part [traduction libre]» et «Mon gang
est comme une famille pour moi [traduction]» (Esbensen et coll., 2004). De ce fait, le concept de
rejoindre un gang puisqu’un ami fait partie du même gang est relié à un besoin d’appartenance à
un groupe. De plus, ce besoin joue un rôle dans le développement de l’identité d’un jeune.
Surtout avec les jeunes latinos (les Chicanos), les jeunes qui sont marginalisés au sein de leur
famille, dans la société ou à l’école ont des problèmes à retrouver leur propre identité pendant
l’adolescence (Vigil, 1988a, 441). Par exemple, la majorité des jeunes impliqués dans les gangs
de rue autochtones aux États-Unis qui ont un faible attachement avec des membres de leur
famille ou ont des conflits familiaux sont exclus dans la société et ont peu d’opportunités
prosociales (Theriot et Parke, 2008). Pour les Chicanos, un thème commun avec ces jeunes est
l’absence ou l’inattention du père. Les jeunes recherchent un gang avec un chef fort pour
remplacer le manque de figure autoritaire dans leur vie (Vigil, 1988b). De ce fait, l’appartenance
à un gang leur donne un fort sentiment d’appartenance émotionnelle dans le groupe, un
sentiment de protection par les pairs et leur offre une structure par l’implication dans un rôle
viril. Par exemple, sous la direction de Larry Hoover, les Black Gangster Disciple Nation
(BGDN) ont des règlements et structures à suivre pour continuer à faire partie du gang. De plus,
Vigil (1988a) démontre qu’à Chicago la structure des gangs a des rôles et fonctions clairs.
L’exemple du BGDN valide les propos de Vigil (1988a) et Theriot et Parke (2008) indiquant que
8
des gangs qui ont une structure formelle fournissent aux jeunes un sentiment d’appartenance et
une structure formelle normalement manquante dans leur vie.
Plus que juste le besoin d’appartenance, certaines recherches démontrent un lien
intergénérationnel dans l’appartenance d’un gang. Dans ces cas, le jeune n’est pas en recherche
de quelqu’un ou de groupe de jeunes, mais il veut continuer la tradition de sa famille. En effet, le
gang fait déjà partie de leur vie et de leur histoire familiale. De plus, Vigil (1988b) indique que
malgré l’influence des pairs dans la vie sociale des jeunes, les membres de la famille sont plus
aptes à devenir des modèles parce qu’ils ont une plus grande influence dans leurs propres
maisons et vies privées : «Tu vois mon père était un Chino Sinner, cela est dans ma culture
familiale pendant des années [traduction libre]» (Vigil, 1988b, 89).
Dans les deux situations, que ce soit un jeune qui cherche l’appartenance ou un jeune qui
continue la tradition familiale, un aspect est identique : le besoin d’une famille. Dans plusieurs
instances, le jeune indique que de ne pas joindre un gang est considéré comme une trahison pour
la famille. Ces jeunes ne pourront jamais considérer la vie dans un gang comme n’étant pas une
option. Par contre, pour ceux sans une influence familiale, le gang devient une force d’attraction
à cause de sa structure familiale. L’étude d’Esbensen, Deschenes et Winfree Jr. (2004) illustre
que le gang apporte un soutien, un sentiment de fidélité et de respect envers eux et que pour
certains jeunes, un sentiment d’importance pour une des premières fois dans leur vie. L’étude de
Vigil (1988b) confirme ces genres de sentiments indiquant que le gang fait partie du
comportement de soutien familial. Autrement dit, certains jeunes ont besoin d’appartenance
familiale puisqu’ils reconnaissent leurs proches comme étant une forme de soutien émotionnel et
social et que peu importe la situation, ils ont des proches qui peuvent l’aider en cas d’urgence.
Comme indiqué auparavant, certains gangs sont structurés comme une famille et donc,
fournissent des responsabilités comme dans une famille. Par exemple, les gangs mexicains
représentent souvent les traditions, coutumes et valeurs retrouvées dans la plupart des familles
mexicaines (Vigil, 1988b).
Un besoin souvent en arrière-plan est le besoin de se faire respecter. Selon Anderson (1999), des
jeunes ont souvent besoin de se faire respecter quand ils sous-estiment leur valeur dans la
société. La façon que les jeunes s’identifient joue un rôle dans le besoin de respect. Selon le texte
d’Anderson (1999), des jeunes vont utiliser la violence ou vont se représenter d’une manière
9
violente pour que des membres d’autres gangs comprennent qu’ils ne sont pas faibles ou
facilement des victimes. Wilkinson (2001) remarque que des jeunes vont souvent commettre des
crimes pour leur gang dans le but d’augmenter leur statut social dans la communauté. Le gang
est donc une ressource pour avoir et maintenir le respect des gens dans le quartier. Le respect est
aussi en lien avec la protection selon Keyes (2002). Ceux qui ont un respect élevé sont
normalement considérés comme extrêmement violents ou même un peu fous. Donc, les autres
jeunes veulent éviter des conflits avec ces personnes à cause de leur réputation violente
PROBLÉMATIQUE
Selon les recherches qui traversent plusieurs décennies, un adolescent est toujours dans la
recherche d’une identité sociale et personnelle. En lien avec les concepts d’Erikson, Vigil
(1988b) indique que l’identité sociale est attachée avec une affiliation de groupe, de gang, de
club, etc. Pour sa part, l’identité personnelle est plus souvent liée à des traits et caractéristiques
personnelles que le jeune veut évoquer. Les recherches d’Anderson (2003) et Garot (2010)
indiquent que les deux identités se développent par les interactions sociales des jeunes.
Brinthaupt et Lipka (2012) confirment cette notion suggérant que les relations sociales sont
impératives dans le développement d’une identité. Dans la majorité des cas, les identités sont
développées par les relations prosociales, les interactions positives quotidiennes du jeune. Ces
relations prosociales incluent des relations avec les pairs, les professeurs, les clubs sociaux et les
équipes sportives.
Cependant, des situations où le jeune manque de relations augmentera le risque qu’il s’affilie à
un gang. En effet, le gang devient un acteur important pour le développement des identités
sociale et personnelle du jeune. Par exemple, quand l’identité sociale est liée avec un gang de
rue, il se manifeste souvent par le port de couleurs et vêtements acceptés par le gang. Dans
d’autres situations, l’utilisation des graffitis, symboles de gang et quartier, autrement connue
sous le nom de «tagging» permet au jeune d’afficher son alliance et sa fierté d’être affilié au
gang de rue. Également, le gang aide dans le développement de l’identité personnelle du jeune.
Par exemple, le gang permet et encourage l’utilisation d’un surnom individuel pour chaque
membre. Le surnom est une manière d’évoquer un trait de caractère spécifique au jeune. Le
10
développement d’un surnom aide le jeune à trouver des manières à se distinguer du gang par la
création d’une identité personnelle. De plus, un surnom peut évoquer un message de valeur et
croyances du jeune. Il est aussi pertinent de noter que des jeunes impliqués dans le tagging
peuvent inclure leur surnom dans le graffiti, ce qui donne à leur surnom un moyen d’être
exprimé visuellement au lieu d’être uniquement exprimé verbalement.
La littérature suggère que le gang joue un rôle important dans les besoins des jeunes. En fait, le
gang est souvent attirant pour le jeune parce qu’il répond à un ou des besoins spécifiques. Ces
besoins, généralement soulignés dans la théorie de la hiérarchie de Maslow, incluent les besoins
de sécurité, de statut, d’appartenance et de respect. Il existe d’autres besoins qui ne sont pas
inclus dans la hiérarchie de Maslow, mais qui sont ressortis lors de la revue de littérature. Le
besoin de structure comme décrit par Vigil (1988a) et Theriot et Parke (2008), le besoin de gains
financiers selon Esbensen et coll. (2004) et le besoin de plaisir /amusement indiqué par Bordura
(1961) et Agnew (2001). Ces besoins sont également notables dans l’importance du gang de rue
dans la manière qu’il répond aux besoins des jeunes.
Donc, l’importance du gang de rue sur l’adolescent peut être attribuée par le fait qu’il répond aux
besoins spécifiques des jeunes et qu’il aide à développer les identités sociales et personnelles des
membres. Cette recherche vise à conclure s’il existe une relation entre les besoins des jeunes
répondus par le gang et leur identité sociale et/ou personnelle. Autrement dit, est-ce que les
besoins répondus par le gang sont identifiables dans l’identité sociale et/ou personnelle? Pour
répondre à cette question de recherche, cette étude vise deux objectifs. Premièrement, de
déterminer les besoins spécifiques qui sont répondus par le gang pour chaque jeune.
Deuxièmement, de comprendre les manières que les jeunes manifestent les deux types d’identités
dans le contexte de gang.
À Montréal, plusieurs jeunes impliqués dans les gangs de rue sont hébergés au centre de
réadaptation de Cité-des-Prairies en raison des délits graves pour lesquels ils ont été accusés.
Pour atteindre les deux objectifs, cette recherche mènera des entrevues avec ces jeunes
délinquants. Les entretiens seront utiles pour connaitre les besoins spécifiques répondus par le
gang pour chaque participant. Ils sont aussi essentiels pour connaitre les manières que les jeunes
affichent leurs identités dans leurs communautés. Les jeunes dans la garde ouverte font partie
d’un laboratoire social sur les gangs de rue où ils ont à leur disposition un tableau sur l’extérieur
11
de leur porte de chambre sur lequel ils sont libres d’y écrire ce qu’ils veulent. Les intervenants
ont constaté qu’en laissant les jeunes écrire sur leur tableau personnel ceux-ci reproduisent leur
tag utilisé dans la communauté. Par exemple, ces jeunes vont y inscrire leur affiliation, surnom et
autres informations comme manifestation d’identité sociale et personnelle. Des analyses de
contenus seront privilégiées pour analyser la manière que les jeunes s’affichent dans l’unité
(comme le port de vêtements et couleurs spécifiques) et par la manière de tagging sur les
tableaux.
Selon le mandat d'intervention de réadaptation des jeunes hébergés à la Cité-des-Prairies, les
éducateurs organisent des interventions «qui s'appuie sur les compétences du jeune et qui tient
compte de ses besoins»1
. La pertinence de cette recherche découle de cet intérêt à offrir des
interventions adaptées. Peu de recherches essayent de créer le pont entre certains besoins des
jeunes et les identités sociale et personnelle. Pour cette raison, l'un des objectifs de cette
recherche est d'établir la relation entre les deux concepts pour mieux aider les éducateurs et
intervenants à identifier et préciser les besoins des jeunes délinquants hébergés le plus
rapidement possible. Pour qu’une intervention soit efficace, il est nécessaire de pouvoir connaitre
les besoins des jeunes impliqués dans un gang de rue d’une manière rapide et de concrètement lié
les manifestations des identités à des besoins spécifiques. Selon Goldstein (1993), les jeunes
délinquants commettent des crimes pour satisfaire les mêmes besoins essentiels à tous les jeunes.
La seule distinction réside dans les moyens que le jeune utilise pour satisfaire ce besoin. Donc,
des stratégies d’interventions devront répondre aux besoins des délinquants de façon efficace
pour intervenir d’une manière prosociale et acceptable par la société. Cet objectif est en lien avec
celui des intervenants du CJM-IU, qui souhaitent aider les jeunes hébergés à mieux s’adapter aux
situations sociales tout en favorisant le désistement criminel. Ce niveau d’intervention «pourrait
influencer et amener les jeunes à changer leurs comportements et leurs attitudes»2
.
1
Tiré du site : http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/adolescence_readapt.htm
2
Tiré du site : http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/adolescence_readapt.htm
12
DESCRIPTION DU MILIEU
Le Centre jeunesse de Montréal – Institut universitaire a pour mission d’assurer le bien-
être et la protection des enfants en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse (CJM-IU,
2014). Leur mission est à deux volets, un pour les jeunes en lieu de protection et un autre pour
les jeunes contrevenants. Le Centre jeunesse de Montréal décrit sa mission comme suit :
[Nous] assurons la protection et le bien-être des enfants et des jeunes qui sont
victimes de négligence, de maltraitance physique, psychologique ou sexuelle ou qui
présentent des troubles graves de comportement. Nous visons aussi à responsabiliser les
jeunes qui commettent des délits, dans une perspective de protection durable de la
société. Notre aide s’adresse aux familles francophones et allophones de l’île de
Montréal. (CJM-IU, 2014).
De cette façon, le Centre jeunesse entend jouer un rôle dans le développement d’un plan
d’intervention unique aux besoins de chaque jeune en protection et leur famille pour qu’il puisse
aspirer à un avenir meilleur.
En 1963, le centre de réadaptation La Cité-des-Prairies a ouvert ses portes sur le boulevard
Saint-Jean-Baptiste à Rivière-des-Prairies. Selon l’équipe du centre, l’hébergement des jeunes
est «Le bout de ligne, la dernière tentative de faire quelque chose pour ces adolescents de 15 à
18 ans, dont une majorité a déjà complété le circuit des familles d'accueil et des centres de
réadaptation» (équipe de Cité-des-Prairies, 1988, p.103). Aujourd'hui, la Cité-des-Prairies
héberge les deux types de clientèles mentionnés dans la mission du Centre jeunesse. Le centre
héberge les jeunes contrevenants et les jeunes qui ont besoin de protection et qui nécessitent un
niveau d’encadrement plus élevé. La vie dans le centre est considérée comme dynamique avec
plusieurs programmes diversifiés. Par exemple, le site Cité-des-Prairies offre des programmes
axés sur le modèle psychoéducatif et une approche cognitive comportementale. À la base, ces
programmes servent à responsabiliser les jeunes contrevenants ainsi qu’à réadapter et réinsérer
dans la société les jeunes enfants et adolescents avec des troubles de comportement. En outre,
ces programmes offrent une réponse adaptée à leur niveau de risque.
Le Centre de jeunesse de Montréal - Institut universitaire (CJM-IU), par l’application de la Loi
sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA), a pour mandat de responsabiliser
13
le jeune à faire face à ses actions, mais aussi de développer ses compétences et celles de ses
parents en vue de tenter de réduire les risques de récidive3
. Les interventions sont axées sur
«l'identification des forces, les limites et les besoins de l'adolescent et de son milieu»4
. Les
jeunes hébergés à la Cité-des-Prairies sont soit en garde ouverte ou en garde fermée. Ceux en
garde fermée sont ceux considérés comme ayant un besoin d’encadrement plus intense que ceux
en garde ouverte. Les jeunes garçons hébergés en garde fermée présentent un niveau de risque
d’évasion plus élevé et souvent ne démontrent pas de réceptivité aux programmes et
interventions offerts au centre.
Les unités de garde ouverte sont des unités d’hébergement où les jeunes placés en vertu de la
LSJPA ont commis des délits similaires à élever que ceux en garde fermée. Ce qui distingue les
adolescents contrevenants hébergés en garde ouverte de ceux en garde fermée est le niveau de
réceptivité à l’intervention et leur risque d’évasion moins grand. La garde ouverte est un service
de deux unités où les chambres ne sont pas barrées et il n’y a pas de clôtures à l’extérieur. En
garde ouverte, l’évaluation du jeune a permis de voir une plus grande ouverture au changement.
La garde ouverte simule une vie plutôt normale où les jeunes vont à l’école hors de l’unité,
contrairement à la garde fermé où les jeunes ne se déplacent pas hors de l’unité pour aller à
l’école. La garde ouverte accueille entre autres des jeunes dans des gangs de rue où plusieurs
projets les attendent.
MÉTHODOLOGIE
Les concepts de «besoins spécifiques répondus par le gang», «identité personnelle» et
«identité sociale» sont trois concepts bien analysés par des recherches antérieures dans le
contexte de gang de rue. Cependant, ces notions sont rarement comparées entre elles et ont
rarement été évaluées dans un contexte de jeunes délinquants hébergés dans un centre de
réadaptation. Pour mieux assurer le développement et l’analyse de la problématique, une
méthodologie qualitative sera privilégiée. Cette section vise à bien définir la stratégie
méthodologique, l’approche qualitative, la collecte des données et les méthodes d’analyses.
3
Tiré du site http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/lsjpa_mandat.htm
4
Tiré du site http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/jc_programmes.htm
14
6.1 Justification pour une recherche qualitative
Un des objectifs de cette recherche vise à déterminer les perceptions des jeunes
délinquants par rapport aux besoins individuels que chaque gang comble. La nature des besoins
des jeunes adolescents est complexe et spécifique à chaque individu donc, nécessite une
méthodologie où les jeunes délinquants peuvent expliquer le pourquoi de leurs besoins. Comme
illustrés par Deslauriers et Kérisit (1997) :
«La recherche qualitative a maintes fois été utilisée pour décrire une situation sociale
circonscrite (recherche descriptive) ou explorer certaines questions (recherches
exploratoires) qui peut difficilement aborder le chercheur qui recourt à des méthodes
quantitatives.» (p.88)
Contrairement à une analyse quantitative, une méthode qualitative vise à décrire, explorer et
préciser les idées et opinions des participants. De plus, le concept de besoin n’est pas toujours un
concept évident à décrire pour les jeunes adolescents. Donc, une méthode qualitative fournit
l’opportunité d’élaborer leur point de vue sur la notion de besoin et de décrire ce qu’ils
perçoivent comme pertinent.
De plus, l’approche qualitative utilise plusieurs outils différents et est donc privilégiée puisque
les deux concepts ne sont pas mesurés de la même façon. Un premier outil, l’entretien semi-
dirigé, est utile pour que les jeunes puissent nous illustrer leurs besoins et l’importance du gang à
répondre à leurs besoins spécifiques d’une manière détaillée qui n’est pas mesuré par d’autres
outils. De plus, l’entretien a pour objectif secondaire de divulguer et clarifier les manières qu’un
jeune manifester ses identités. Un deuxième outil, l’analyse des contenus vise à documenter la
manière que les jeunes manifestent leurs identités dans l’unité. En effet, leur tableau personnel
requiert une analyse de contenu afin de documenter ces manifestations. La documentation
consiste à faire une description des tableaux individuels et à identifier les nuances et autres
sections spécifiques des tableaux.
6.2 La méthode de collecte des données : entrevues semi-dirigées
Le format semi-dirigé est privilégié pour que les jeunes puissent fournir leurs perceptions
du concept de besoin, mais aussi pour les diriger afin qu’il n’y ait pas d’opinions et de
15
perceptions redondantes et non pertinentes. De plus, ces entrevues permettent aux chercheurs
d’aborder les notions, les objectifs et les questions pouvant amener à mieux comprendre et
interpréter les expériences et perceptions des jeunes (Poupart, 1997).
Les données au travers des entrevues semi-dirigées nous permettront de comprendre pourquoi un
jeune a rejoint un gang de rue et de façon plus spécifique, quel besoin est comblé par son
affiliation. Les données vont principalement nous fournir une meilleure compréhension de ce
que les gangs représentent pour eux. Les entrevues ont deux utilités secondaires. Premièrement,
elles visent à comprendre l’information transcrite sur chaque tableau pour mieux déchiffrer la
raison derrière certaines sections qui peuvent être ambigües ou ouvertes à plusieurs
interprétations. Deuxièmement, les entrevues visent à savoir comment le jeune affiche son
identité sociale et personnelle dans sa communauté parce qu’ils pourraient s’afficher de manière
différente quand ils sont à l’extérieur du centre de réadaptation Cité-des-Prairies.
Dans l’optique de la présente recherche, les entrevues semi-dirigées visaient à couvrir quatre
thèmes principaux qui sont : (1) le contexte de vie du jeune hors de l’unité; (2) la description de
son gang et son affiliation; (3) les besoins spécifiques répondus par le gang et (4) les manières
d’affichages dans l’unité et dans la communauté. Les thèmes numéro deux (2) et trois (3)
répondent spécifiquement au premier objectif tandis que le thème numéro quatre (4) répond au
deuxième objectif. Pour sa part, les questions rattachées au premier (1) thème sont utiles pour
recevoir des informations pertinentes sur les relations familiales, relations à l’école et sur leurs
perceptions de leur quartier. Ce thème procure des connaissances de base sur le jeune qui peut
être complémentaire aux autres questions posées par la suite. Par exemple, une description de
l’état de la relation entre le jeune et ses parents peut expliquer pourquoi ce jeune cherche à
répondre un besoin spécifique dans le contexte de gang.
6.3 La méthode de collecte de données : Analyse des contenus
Comme illustré précédemment, les jeunes délinquants dans le milieu de garde ouverte au
centre de réadaptation ont chacun un tableau qu’ils peuvent personnaliser à leur goût. Chaque
tableau est collé sur l’entrée de chaque porte de chambre à la vue de tous. Il n’existe pas de
règles formelles pour l’utilisation des tableaux. Une des seules règles divulguées aux adolescents
est que les tableaux ne peuvent pas porter des symboles ou notions de violences, ou d’autres
16
images considérées comme négatives; par exemple des images de suicide ou d'agression
sexuelle. Un projet commencé en 2011, les tableaux ont l’objectif d’aider les intervenants à
mieux connaitre le jeune par son écriture, ses dessins, d’où le jeune provient, etc. Il est aussi
considéré comme une piste d’intervention parce que le jeune peut inscrire ses émotions, ses
pensées et d’autres choses qui ne sortent pas facilement verbalement. Les intervenants se sont
aperçus que la majorité des adolescents utilisent leur tableau dans le but de se représenter dans
l’unité. En effet, les tableaux deviennent un prolongement de chaque identité et sont sujets à
changer d’un individu à l’autre. Ces changements reflètent les différentes façons que la personne
affiche leur gang, leur quartier et qu’elle s’affiche elle-même, l’équivalent du tagging vu
auparavant (selon la description procurée par Garot, 2010). Il est donc possible de suggérer que
les tableaux sont des médiums visuels pour afficher les identités sociale et personnelle.
Pour valider la suggestion que les tableaux sont, une représentation des identités, une entrevue
avec un des éducateurs a été menée pour apprendre les inscriptions les plus souvent observées
sur les tableaux des jeunes en garde ouverte. C’est au cours de cette entrevue qu’a ressortie
l’information que les jeunes inscrivent majoritairement leur affiliation de gang, leur quartier et
leurs surnoms. Suite aux réponses ressorties pendant l’entrevue, une grille de codage a été créée.
La grille indique que les jeunes inscrivent majoritairement sept items : (1) leurs surnoms (ou
AKAs); (2) le nombre de jours qui reste dans l’unité; (3) le nom de leur gang; (4) le quartier où
ils habitent; (5) des graffitis (6) des dessins et (7) des commentaires ou expressions spécifiques.
De plus, une autre section appelée «autres» a été ajoutée dans le cas où un jeune ajoute un item
sur son tableau qui n’a pas été codé.
La grille codifie aussi les manières dont le jeune s’affiche dans l’unité hors de son tableau. Selon
la littérature sur l’affichage de l’identité sociale et personnelle, deux items étaient inclus :
l’affichage par (1) les couleurs de vêtements et (2) l’utilisation des bandanas. Pendant l’entrevue
avec l’éducateur il est ressorti que les jeunes peuvent aussi manifester leur affiliation de gang par
quatre autres manières : (3) le port d’une casquette; (4) le cri de ralliement ; (5) une poignée de
main et (6) un signe de main. Tous ces items sont spécifiques à l’association à un gang.
17
6.4 La population à l’étude
La population des jeunes est celle du centre de réadaptation Cité-des-Prairies situé dans le
quartier de Rivière-des-Prairies à Montréal. À la Cité-des-Prairies, les unités de garde ouverte
hébergent souvent des jeunes qui sont impliqués dans un gang de rue. Le site Cité-des-Prairies
est un centre de réadaptation qui héberge uniquement des jeunes gars. Ces adolescents ont en
moyenne de 15 à 18 ans. À cet effet, le type de la population au centre correspond à la
population souhaitée par cette recherche. Étant donné que le centre héberge des jeunes hommes
délinquants qui, bien souvent, ont une affiliation à un gang de rue, Cité-des-Prairies est une
source parfaite pour cibler des participants.
6.5 Échantillon
Comme indiqué auparavant, le seul critère de départ était l’affiliation des participants
aux gangs de rue ou à un groupe criminel. Progressivement durant l’étude, les répondants ont été
sélectionnés sur la base d’un atelier clinique surnommée l’Activité Rézo.
L’Activité Rézo est une intervention clinique qui comporte de 6 à 8 adolescents. Précédemment
appelé Activité Gang, le nom a récemment été changé pour Activité Rézo afin de rejoindre les
jeunes qui ne se disaient pas membre d’un gang de rue, mais d’un groupe ou réseau criminel.
L’objectif de cet atelier est que les jeunes remettent en question leur mode de vie criminel et
leur affiliation aux gangs. Les éducateurs au centre ne pensent pas qu’ils peuvent convaincre un
adolescent de renoncer à son affiliation avec son gang dans le temps limité qu’ils partagent
ensemble. L’objectif de l’atelier est simplement de bouleverser le jeune, de lui faire questionner
ses choix précédents, ses motivations de joindre un gang et la manière dont il peut changer ces
motivations d’une manière prosociale au lieu d’une manière délinquante. Pour atteindre cet
objectif, l’atelier est divisé en dix ateliers. Ces ateliers sont offerts à raison d’une fois par
semaine. Chaque atelier met l’emphase sur un sujet précis. Entre autre, l’Activité Rézo touche
les sujets des définitions propres au gang de rue et au réseau criminel, les besoins des jeunes,
l’importance du gang sur chaque jeune, leur rôle dans leur gang, etc.
De ce fait, les jeunes impliqués dans l’Activité Rézo ont eu l’opportunité, avant le début de cette
recherche, de réfléchir aux concepts de gangs, d’appartenance et à leurs besoins répondus par le
18
gang. Ainsi, les jeunes impliqués dans l’intervention clinique ont été ciblés pour cette recherche
à cause de leurs capacités à réfléchir sur les notions mentionnées auparavant.
6.6 Le recrutement des répondants
Les jeunes contrevenants en garde ouverte ont un horaire structuré du matin au soir. Le
site Cité-des-Prairies aide dans la réadaptation des jeunes en garde ouverte en leur offrant des
cours journaliers afin qu’ils puissent compléter leurs diplômes secondaires. Ils bénéficient
également de cours techniques, des ateliers cliniques comme Activité Rézo ou PAV et des
périodes d’auto-observation.
Il a été noté que les jeunes contrevenants impliqués dans des gangs de rue sont souvent méfiants,
agressifs et/ou défensifs à l’idée de se faire interviewer et analyser par un chercheur inconnu.
Cela a été une problématique à confronter dans les débuts de cette recherche. De plus, les thèmes
abordés sont des thèmes personnels et de l’information précise sur leur gang. Donc, il y avait des
questionnements possibles sur l’honnêteté des répondants étant donné qu’il n’y avait pas de
relation préétablie entre le jeune et le chercheur.
Pour ces raisons, le recrutement des répondants a été fait quelques semaines après le contact
initial entre le chercheur et les adolescents. Il était impératif que les jeunes perçoivent le
chercheur d’une manière non menaçante et pas comme un étranger en train de les observer. Les
trois premières semaines après le contact initial avaient pour objectif de connaitre les jeunes
hébergés dans les unités. Le meilleur temps pour les rencontrer, où c’est encourager de socialiser
et de rentrer en conversation, est durant les périodes de repas. Donc, c’est pendant des repas que
les jeunes et le chercheur engageaient des conversations et créaient un lien de confiance. Un
autre bénéfice au moment des échanges était la possibilité d’observer les manières que les jeunes
manifestent leurs identités quand ils étaient en groupe avec d’autres jeunes dans l’unité.
Après ces trois semaines de contact, il y avait toujours la préoccupation qu’un jeune refuse un
entretien lorsqu’il se retrouvait en groupe. Par exemple, si un jeune décide de refuser un entretien
devant les autres il se pouvait que les autres refusent aussi pour ne pas sembler différents des
autres, comme une forme de pression par les autres jeunes dans l’unité. Pour éviter ce dilemme,
le recrutement des participants c’est fait un à la fois durant la période d’auto-observation. Les
auto-observations se font en solitaire dans leur chambre. Une discussion avec le jeune sur la
19
synthèse de la recherche sur les thèmes et les questions qui seront abordées au cours de
l’entrevue a eu lieu lors de ces périodes. De plus, ils ont été informés qu’aucune information
divulguée par le jeune ne sera partagée avec les éducateurs. Cela inclut leurs noms, information
par rapport à leurs activités avec leur gang, les membres de leur gang ou autres informations
considérées comme personnel pour le jeune. Ceci leur garantit un niveau d’anonymat et
confidentialité qui est important pour la recherche puisqu’il augmente la probabilité d’avoir des
participants honnêtes voulant partager ces informations pertinentes pour l’étude. Initialement, dix
jeunes dans les deux unités ont été approchés pour l’étude. Cependant, après réévaluation, deux
des participants ont été rejetés puisqu’ils ne se considèrent pas comme faisant partie d’un gang.
De plus, un troisième jeune avait décidé de ne pas participer à l’étude parce qu’il partait du
centre dans quelques jours et ne pensait pas avoir assez de temps libre pour m’accorder un
entretien. Finalement, sept entrevues ont étaient accordés et menés la semaine après leur
recrutement.
6.7 Caractéristiques sociojudiciaires des répondants
Pour ce qui est des caractéristiques sociojudiciaires, force est de constater que les
répondants de la recherche ont été en majorité soumis à de courtes ordonnances de garde. En
effet, deux des six jeunes sont hébergés à la Cité-des-Prairies pour une durée de 4 mois, deux
autres pour une durée de 8 mois, un pour 6 mois et finalement un répondant se trouve avec une
des plus longues peines d’une période de 12 mois. Il est pertinent de noter que ces périodes de
temps sont en fonction du temps passé dans l’unité et non en rapport avec la longueur de la peine
complète. En effet, pour les jeunes en garde, soit ceux qui ont reçu une peine de «placement et
surveillance» ceux-ci passent le deux tiers de leur peine dans l’unité et le dernier tiers de leur
peine dans la communauté. Par exemple, le jeune qui purge une peine de 18 mois passera 12
mois en établissement et les 6 mois restants de sa peine seront complétés dans la communauté. Il
est pertinent d’indiquer que dans le cas de jeunes délinquants, généralement, les peines sont
davantage axées sur la réhabilitation que la punition en soi et donc, la cour impose des peines de
garde moins sévères qu’aux adultes ayant commis les mêmes crimes.
En ce qui concerne la raison pour leur peine, le centre Cité-des-Prairies héberge des jeunes
délinquants qui ont commis des délits de nature grave et/ou commit des délits avec de la
violence. La majorité des jeunes, cinq cas sur sept, ont été reconnus coupables de plus de deux
20
délits de cette nature. Pour les deux autres cas, les répondants ont été trouvés coupables d’un seul
délit considéré grave/violent, pour recevoir une peine de garde à la Cité-des-Prairies. Le type des
délits commis varie selon les jeunes, qui va du bris de promesse et engagement jusqu’à
l’agression sexuelle. Pour en savoir davantage sur les types de délits pour lesquels les jeunes ont
été reconnus coupables, le tableau 1 fait la description de ces informations.
Leur antécédent criminel divulgue encore plus d’informations sur les jeunes répondants. Deux
des sept jeunes se sont retrouvés à la Cité-des-Prairies pour une deuxième fois dans leur vie. Un
des deux jeunes est rentré au centre pour un antécédent d’agression sexuelle et le deuxième jeune
pour un antécédent judiciaire de vente de drogue et de voie de fait. En ce qui concerne les cinq
autres jeunes contrevenants, deux ont des antécédents criminels sans avoir reçu une peine de
garde. Ils ont dû être en probation ou dû faire des travaux communautaires. Dans le cas des trois
derniers jeunes, ils n’avaient pas d’antécédents criminels et ne se sont jamais retrouvés en avant
d’un juge. Leurs crimes actuels sont les seuls délits par lesquels ils ont été reconnus coupables et
donc, leur première peine de garde à la Cité-des-Praires. Pour en savoir davantage sur les types
d’antécédents criminels, le tableau 1 fait la description de ces informations.
Table 1: Profil sociojudiciaire des répondants
Caractéristiques N n
Âge au moment de l’incarcération 7
16 1
17 3
18 3
Durée du garde 7
4 mois 3
6 mois 2
12 mois 1
NA 1
Délits associés à leur peine de garde 14
Agression sexuelle 2
Bris de promesse/ Engagement 3
Extorsion 1
Incendie criminel 1
Introduction par effraction 2
Méfait de plus de 5000$ 1
Possession/Vente de drogues 1
Possession d’armes 1
Voie de fait 2
21
Antécédents judiciaires 8
Agression sexuelle 1
Bris de probation 2
Introduction par effraction 1
Possession/Vente de drogues 2
Voie de fait 1
Vol et Recel 1
6.8 Le déroulement des entrevues
Conformément aux exigences du milieu de la Cité-des-Prairies, trois entretiens ont été
menés dans la cuisine de l’unité pour des raisons de sécurité. La table de la cuisine est face au
bureau des éducateurs au cas où le jeune devient agressif ou cause des problèmes durant
l’entretien. Pour assurer un niveau de confidentialité, l’entretien a été fait durant la période
d’auto-observation pour que les autres jeunes dans l’unité soient confinés à leurs chambres. Les
cinq entretiens précédents ont été menés dans une salle de conférence à l’extérieur de l’unité,
mais toujours dans le centre. Il n’existait pas de question sur la confidentialité dans ce contexte
ni de question sur la sécurité puisque ces cinq jeunes ne sont pas considérés comme agressifs
selon les éducateurs. De plus, un bouton panique a été accordé au chercheur durant ces cinq
entretiens dans l’éventualité où des agents d’intervention5
seraient nécessaires.
À chacune des entrevues, les jeunes ont eu le choix de se faire enregistrer par dictaphone ou
non. Dans six des sept entretiens, l’utilisation d’un dictaphone a été acceptée. Un seul jeune ne
consentait pas à se faire enregistrer et donc le dictaphone n’a pas été utilisé. Toutefois,
l’information pertinente a été notée à la main immédiatement après l’entrevue pendant que
l’information était fraîche en mémoire. Avant le début de l’enregistrement, les jeunes ont été de
nouveau avisés des objectifs de l’étude et des questions spécifiques posées par le chercheur. Par
la suite, le dictaphone était en marche par l’entretien.
La question de départ leur demandait de « parler un peu de ta relation avec ta famille». Cette
question est en lien avec le thème du contexte de vie du jeune hors de l’unité. Il était pertinent de
commencer avec le thème le moins lourd pour le jeune puisse se sentir à l’aise au début de
l’entrevue. Ce thème était complet lorsque le jeune avait décrit ses relations avec sa famille, ses
5
Un agent d’intervention qui arrive en soutien au personnel clinique lorsqu’un jeune devient incontrôlable,
menaçant ou agressif.
22
amis, ses professeurs et ses perceptions de sa communauté et de l’école. Le deuxième thème
avancé était la description de son gang et son affiliation. La question principale posée était :
«Comment est-ce que tu es rentré dans le gang? » Cette question ouvre la porte pour que le jeune
développe sur sa participation au gang et sur la raison de sa décision de joindre un gang. Le
troisième thème abordé est celui des besoins spécifiques répondus par le gang. Pour proprement
aborder ce thème, deux questions principales ont été posées : «Pouvez-vous me parler de vos
besoins individuels?» et «En lien avec tout ce que vous avez appris dans l’Activité Rézo,
comment est-ce que votre gang répond à vos besoins?». Comme indiqué, ces deux questions sont
des notions déjà vues durant l’atelier clinique et donc pouvaient être posées directement aux
jeunes sans nécessiter d’explication sur ce que le chercheur attend. Le dernier thème avancé était
celui des manières de s’affichages dans l’unité et dans la communauté. Les questions posées
étaient : «De quelle manière est-ce que vous vous affichez dans l’unité? Et à l’extérieur? » Dans
cette lignée de questionnement, des précisions sur les items trouvés sur leur tableau ont été
abordées : «C’est quoi le message que tu veux passer quand tu t’affiches par [item trouver sur
son tableau]?» et/ou «Parlez-moi plus en détail du sens de [item trouver sur son tableau]».
6.9 Stratégies analytiques des données
Il existe un large éventail de littératures sur les stratégies analytiques dans le domaine
qualitatif. Dépendamment du contexte de recherche, les objectifs de l’étude, la sélection des
participants et la collecte de données, il est important de choisir une analyse de recherche qui
s’adapte aux exigences spécifiques de l’étude. Selon les exigences de la présente étude,
l’approche inductive est de mise. Selon David Thomas (2003), cette approche vise à identifier
les «thèmes qui sont fréquents, récurrents, dominants ou significatifs dans les données brutes et
évitent de soumettre l’analyse aux contraintes habituellement imposées par les stratégies
d’analyse plus structurées [traduction libre]» (p. 238). Les objectifs de l’approche inductive
consistent à rédiger les données brutes et établir des liens clairs entre les objectifs de recherches
et ces données. Thomas (2003) décrit les objectifs de cette approche en trois étapes : la première
est de rédiger les données brutes en soulignant les thèmes significatifs, la deuxième est de
démontrer les résultats ressortis et finalement de tirer des conclusions par rapport aux résultats.
En lien avec la description de l’approche inductive établie par David Thomas (2003), l’analyse
des données ressorties durant cette recherche serait faite par une analyse verticale. Une analyse
23
verticale consiste à faire ressortir les thèmes pertinents de chaque individu. Ces thèmes seront les
besoins spécifiques que chaque gang répond et les manières d’afficher une identité personnelle et
sociale pour chacun des sept jeunes. Deuxièmement, une analyse horizontale sera privilégiée
pour comparer les jeunes entre eux. Les comparaisons seront entre les jeunes qui ont les mêmes
besoins répondus par leur propre gang. C’est durant l’analyse horizontale où des conclusions
pourront être démontrées. En comparant les jeunes avec les mêmes besoins répondus, il est
possible de voir si ces jeunes manifestent leurs identités de la même manière. Il sera donc
possible de lier des besoins spécifiques avec des formes d’affichages spécifiques. Par exemple, si
tous les jeunes ayant un besoin de respect s’affichent majoritairement par des surnoms, on
pourrait comprendre qu’un besoin de respect s’identifie par une manifestation d’une identité
personnelle. Cette manifestation de surnom offre aux éducateurs des informations sur le besoin
du jeune ne nécessitant pas plusieurs ateliers ou rencontres entre eux.
6.10 Limites de la méthodologie
Les relations soulevées par les résultats de cette recherche sont uniquement applicables
aux jeunes délinquants hébergés à Cité-des-Prairies. Il est impossible de suggérer que
généralement, tous les jeunes dans des gangs de rue ont des besoins liés aux formes d’affichages.
En effet, l’analyse des contenus est uniquement liée aux formes d’affichages dans l’unité et sur
les tableaux des jeunes hébergés dans ces unités. Considérant que les résultats sont applicables
qu’aux jeunes à Cité-des-Prairies, ces résultats ne rejoignent pas les jeunes délinquants non-
judiciarisés et les jeunes judiciarisés, mais qui ne sont pas en placement à ce centre de
réhabilitation. Finalement, les résultats de cette recherche ne touchent pas les filles impliquées
dans des gangs de rue à cause que l’échantillon de l’étude cible des jeunes garçons.
RÉSULTATS ET DISCUSSION
7.1 Structure détaillée de la section des résultats
Selon Angers (1992), les objectifs de recherche structurent le déroulement d’un rapport
de recherche et aident à évaluer les données ressorties. Suivant cette notion, la structure de ce
chapitre est divisée en trois sections. La première section sera une description du tous qui a été
observé dans l’unité par le chercheur durant la longueur de sa recherche. Décrivant les
24
observations du chercheur selon la vie dedans chaque unité permettrait à contextualiser les
prochains deux sections des résultats pour le lecteur. Les deux prochaines sections abordent les
deux objectifs de recherche utilisant des analyses verticales et horizontales pour indiquer les
thèmes abordés durant la collecte de données. La première des deux sections porte sur les
besoins spécifiques à chaque jeune répondu par le gang. La deuxième section aborde le
deuxième objectif. Il vise à décerner les manières que le jeune affiche une identité sociale et
personnelle. Comme indiqué précédemment, chaque jeune manifeste plusieurs formes d’identités
sociale et personnelle et donc, cette section abordera sur chaque jeune pour illustrer les manières
les plus fréquemment utilisés par les jeunes à la Cité-des-Praires. Finalement une section
conclura avec un résumé des résultats, les implications pratiques qui ressortiront des résultats de
la recherche et les limites de l’étude.
7.2 Les observations du chercheur dans les unités
Au commencement de la recherche, deux observations importantes ont été notées.
Premièrement, le nombre de jeunes dans chaque unité était la moitié de la capacité maximale.
Deuxièmement, peu de jeunes utilisaient leur tableau. Ces éléments ont probablement influencé
les manières que les jeunes s’affichaient dans l’unité et cela peut venir influencer la collecte et
l’analyse des données.
Chacune des deux unités en garde ouverte peut héberger jusqu’à douze garçons. Dans une
situation où une douzaine d’adolescents est hébergée dans l’unité, il pourrait y avoir plus de
manifestations des manières dont les jeunes affichent leur identité sociale et personnelle. Par
exemple, dans une situation fictive où la moitié des jeunes sont affiliés aux Bloods et l’autre
moitié aux Cripps, des alliances et des cliques se formeraient dans l’unité selon leurs affiliations.
En conséquence, les jeunes pourraient être plus enclins à afficher leur gang par l’utilisation de
leur tableau, par le port de vêtements et couleurs spécifiques à leur gang et par autres modes
d’affichages. Cependant, la réalité de Cité-des-Prairies est qu’il y a peu de jeunes dans chaque
unité et dans plusieurs instances les jeunes évoquaient qu’afficher son gang et ses couleurs
n’étaient pas nécessaires dans un petit groupe. Toutefois, les jeunes hébergés sont au courant de
l’affiliation de chacun et donc ils trouvent inutile d’afficher leur gang dans l’unité. Dans une des
unités il n’y a que cinq jeunes hébergés. Ces jeunes ont développés une relation amicale entre
eux parce que, comme un jeune a dit, « il n’y a pas personne d’autre à parler avec». Il y avait des
25
conflits occasionnels entre deux gars, mais ces conflits étaient plus personnels que basés sur
l’affiliation à un gang de rue ou une clique. Donc, il n’y a pas eu d’observation d’utilisation de
poignées de mains, de cris de ralliement ou de signes de mains.
Les résultats de cette recherche indiquent que les tableaux offrent beaucoup d’informations sur
les identités sociales et personnelles des jeunes, mais qu’ils étaient aussi peu utilisés par le de
jeunes dans les unités. Dans deux cas spécifiques, les jeunes participants n’écrivaient pas sur leur
tableau pour deux raisons. La première raison est que ce n’était pas nécessaire parce que les
autres jeunes dans l’unité les connaissaient déjà. Un des jeunes a illustré que ce n’était pas
nécessaire d’écrire son gang ou son AKA [surnom] parce que : « les autres gars savent déjà de
quelle gang je fais partie, s’ils ont des questions ils peuvent me les poser eux-mêmes». La
deuxième raison a été illustrée par un jeune qui suivait une logique simple : dessiner sur un
tableau à craie est banal et juvénile. Il se doit d’être mentionné que ce jeune a 18 ans et que pour
lui, les tableaux sont des choses d’enfants, non de jeunes hommes.
7.3 Les besoins spécifiques des participants
Les entretiens ont fait ressortir des résultats intéressants en lien avec les besoins des jeunes. Dans
quatre situations sur sept, un besoin d’appartenance et un besoin de sécurité personnelle sont
sortis comme un besoin répondu par le gang. Pour trois des sept participants, le gang répondait à
un besoin de reconnaissance, un besoin d’avoir du plaisir et un besoin de pouvoir/contrôle.
Le besoin d’appartenir à un groupe a été souvent un besoin répondu par le gang de rue. Dans le
cas d`Adam, il appartient à plusieurs groupes de jeunes dépendamment des activités qu’il veut
faire. Par exemple, il a un gang d’amis qui l’aidait à l’école avec ses devoirs, un groupe d’amis
pour jouer aux sports, etc. Néanmoins, même avec tous ces différents groupes, c’était son gang
de rue qui a répondu à son besoin d’appartenance. En effet, son gang est comme une extension
de sa famille, où chaque membre est considéré comme un frère. Il avoue provenir d’une grosse
famille amante, cependant il cherchait quand même à avoir une famille secondaire. Dans ses
mots, «je me sens comme j’appartiens à quelque chose plus gros que moi». Son besoin
d’appartenir à ce gang de rue a été motivé par les valeurs que lui et son gang partageaient. Il
désirait faire partie d’un groupe de son quartier commettant des crimes afin de faire de l’argent,
mais qui respecte certaines valeurs : (1) que ces activités ne sont pas trop dangereuses ni (2) que
26
ces activités peuvent nuire les autres comme un vol qualifié. Similairement, Dom cherchait aussi
à appartenir à un groupe, malgré qu’il fasse partie d’une équipe de basketball à l’école. Il
démontre que son gang répond à un besoin d’appartenance parce que son gang a besoin de lui et
de ses talents. Pour Bill, il avoue qu’au début il cherchait à appartenir à un gang de rue parce
qu’il les regardait commettre des crimes et faire de l’argent et lui aussi voulait une part de cet
argent. Pour Bob, son besoin d’appartenance provient du fait qu’il souffrait d’une mauvaise
relation avec sa famille, surtout sa mère, qui le considère comme méchant et violent et pour cette
raison, le rejette de beaucoup d’activités familiales. En conséquence, il se sent marginalisé au
sein de sa culture et par sa famille et a décidé de joindre un gang qui provient de son pays
d’origine. Il mentionne que «le fait qu’ils [les membres du gang] m’ont accepté suggère que j’ai
quelque chose en moi et que je représente bien ma culture».
Dans les recherches classiques, le besoin d’appartenance apparait quand une personne ne se sent
pas accepter ou ne s’intègre pas dans un groupe, comme le démontre Bob. Selon Vigil (1988) et
Theriot et Parke (2008), de jeunes adolescents qui sont marginalisés au sein de leur école, de leur
famille et qui ont peu d’opportunités prosociales, recherchent une appartenance à un gang de rue
pour combler ce manque. Dans les cas de Dom et Adam, ils sont deux jeunes avec peu de
marginalisations, faisant déjà partie de plusieurs autres groupes à l’école et sans grand conflit
familial. De plus, Adam et Dom illustrent que leurs amis dans le gang ont un niveau
d’importance similaire à une deuxième famille. Esbensen et collègues (2004) affirment que des
adolescents dans un gang de rue indiquent souvent que leur gang est comme une famille pour
eux. Ce qui n’est jamais mentionné dans ces recherches, c’est que le besoin d’appartenance n’est
pas obligatoirement causé par un manque d’appartenance, mais comme dans les cas de Dom et
Adam, peut résulter par un besoin d’avoir plus.
Le besoin de sécurité personnelle est un besoin qui a ressorti pour la majorité des entretiens.
Dans le cas de Jack, le gang lui accorde un niveau de sécurité dans sa lignée de travail. Lorsqu’il
exerce ses activités criminelles, il se sent en sécurité en sachant qu’il est protégé de tous ceux qui
sont prêts à lui faire du mal. Comme illustré par Jack, Adam a aussi un besoin de sécurité
personnelle qui résulte de ses activités criminelles. Selon Adam, quand il fait ses «travaux», il se
sent protégé par son gang. Comme il a été poétiquement exprimé : «l’union fait la force».
Contradictoirement des recherches scientifiques de Morgan et Shelley (2004) le contexte du
27
quartier ne joue pas un rôle majeur dans le besoin de sécurité de Jack, et d’Adam, comme
attendu dans les recherches antérieures. En effet, selon Adam il se sent en sécurité dans son
quartier. Ce n’est que strictement durant le déroulement des activités criminelles que les jeunes
ne se sentent plus en sécurité et nécessitent la protection de leur gang et donc ce besoin n’est pas
un besoin fondamental, comme illustré par Maslow (1968), mais se présente uniquement à cause
de l’appartenance a son gang respectif.
Contrairement aux cas auparavant, Alex indique que c’est son quartier insécurise qui amène un
niveau de risque élevé. Dans la situation où «un gars veut me poignarder, mes boys [amis,
proches] sont là pour me protéger ». Il avoue que ce niveau de risque est encore plus élevé durant
la commission de ses activités criminelles, mais pendant son entretien il expose son quartier
comme dangereux, ayant souvent des bagarres sur les rues et des coups de feu qui peuvent être
entendus à distance. Similairement à ces raisonnements, Bob indique que son besoin de sécurité
personnelle est lié a son vouloir de se sentir fort. Selon Bob, il ne se sent pas nécessairement en
sécurité dans son quartier. Il y a des moments où il faisait face à des situations dangereuses qui
nécessitaient l’utilisation de la force. Considéré comme un jeune qui est maigre et petit, il
haïssait se sentir faible et l’appartenance à un gang lui offrait l’opportunité de se sentir fort. Par
exemple, il illustre une situation où un autre jeune le harcelait sur la rue. Son gang avait retrouvé
l’adolescent pour lui afin qu’il puisse le battre avec son gang à ses côtés. À la fin de cette
bagarre, les membres l’ont félicité pour un travail bien réussi. Il est possible de suggérer que son
sentiment de force est lié à la sécurité qui provient de son gang. Pour Bob, il ne se sent pas fort
d’une manière physique en soi, mais par une puissance qui découle de l’appartenance à son gang.
Le contexte d’Alex et Bob et leur besoin de sécurité personnelle sont de nouveau expliqués par
les recherches classiques, qui indiquent que les caractéristiques du quartier jouent un rôle dans le
besoin de sécurité. Comme vu auparavant par Morgan et Shelley (2004) et Kubrin (2012), un
quartier qui est principalement violent, qui présentent des problèmes sociaux et une
désorganisation sociale, va fréquemment favoriser des jeunes à joindre un gang pour ne pas être
victimiser. Bob se sentait peu protéger quand il se promenait dans les rues de son quartier. Ce
manque de protection faisait qu’il se sentait faible et donc, aimait le fait que le gang le protégeait
dans les rues.
28
Selon les réponses fournies par les jeunes participants, le besoin de reconnaissance est un
concept souvent interchangeable avec le besoin de respect. Au cours de trois entretiens, les
participants indiquent qu’ils veulent être reconnus comme des hommes dignes du respect des
autres. Dans le cas de Jack, il indique que le gang lui fournit une reconnaissance dans sa
communauté comme un homme fort. Pour atteindre cet objectif, il a créé un surnom qui lui
offrait du respect par ses pairs. Le surnom indique qu’il collecte souvent du profit par ses
activités criminelles. Selon Jack, être reconnu comme un homme qui travaille tellement bien
qu’il fait beaucoup d’argent est l’équivalent d’être respecté par son éthique de travail ardu. Pour
Alex, il recherche de la reconnaissance par les autres membres du gang afin qu’ils le considèrent
comme sérieux, capable d’exceller. Il nous démontre cette recherche par les propos suivants : «
je ne voulais pas que les gars pensent que je suis un petit con, mais que je suis capable d’aller
loin et d’avoir du respect». Il admet n’avoir personne qui reconnaît ses capacités et donc, faire
des travaux pour le gang avec succès résulte au respect des autres membres. Dom avait aussi
suggérer qu’il voulait se faire respecter. Il était reconnu comme un des meilleurs joueurs de
basket à son école et en conséquence, avait le respect des autres. Cependant, Dom voulait
toujours plus de respect, et donc a créé son propre gang avec l’aide d’amis d’enfance pour qu’il
puisse en acquérir d’avantage. Le respect reçu par son gang est lié au fait qu’il joue le rôle d’un
leader, souvent le cerveau du gang dans le développement des plans criminels. Comme le besoin
d’appartenance, son besoin de respect ne découle pas d’un manque, mais découle de son avidité
d’en vouloir plus.
Dans chaque cas, l’atteinte du respect des autres survient après que le jeune a fait des travaux
pour le gang. Autrement dit, ce sont les activités criminelles faites par les jeunes qui amènent
souvent le respect des autres, un phénomène bien documenté. Par exemple, Wilkinson (2001)
remarque que des crimes sont faits dans le but d’augmenter le statut social du jeune dans le gang.
Cependant, les résultats d’Anderson (1999) sont dichotomiques avec les témoignages des jeunes
durant ces entretiens. Anderson (1999) indique que le besoin de se faire respecter est souvent
causé par un manque de respect où le jeune sous-estime sa valeur dans la société. Contrairement
au contexte d’Alex, qui a clairement indiqué un manque de reconnaissance dans sa vie
quotidienne, Jack et Dom ne souffrent pas d’un manque de respect. En fait, Dom est respecté à
l’école pour ses habilités à jouer au basketball. Jack a déjà du respect dans son gang qui provient
d’un lien intergénérationnel dans son gang. Jack avait deux frères qui étaient des membres de
29
haut rang dans le gang. Cependant, il cherche à se faire reconnaitre d’une manière axée sur sa
personne et ses travaux, que par une forme de népotisme.
Trois des sept entretiens ont révélé qu’un des besoins répondus par leur gang était le besoin de
plaisir. Le gang fournit un niveau de plaisir pour Alex et Dom. Il crée des opportunités pour
s’amuser en groupe, pour aller à des fêtes, etc. L’opportunité de s’amuser en groupe est exposée
depuis longtemps par Bordura (1961) qui illustre certains jeunes qui veulent une vie plus
excitante qu’uniquement celle reliée au milieu scolaire. Des jeunes sont souvent à la recherche
du plaisir et quand un jeune voit un pair déjà en train de s’amuser en groupe, il veut aussi joindre
le groupe qui fournit ces opportunités d’amusement. Autrement dit, les membres du gang ont une
dynamique plus que simplement des collègues criminelles. Comme indiqué par Esbensen,
Deschenes et Winfree Jr. (2004), plusieurs jeunes rentent dans un gang dans lequel leurs amis
sont déjà impliqués. En fait, dans la recherche de plaisir, le gang devient plus attirant quand des
amis sont déjà dans ce gang. Hors de ce contexte, le gang permet aussi d’avoir du plaisir d’une
manière indirecte. Selon Tim, les activités criminelles auxquelles il participe lui fournissent
l’argent pour s’amuser comme il le désire. Donc, le gang lui donne la liberté d’avoir du plaisir
dans la vie, que ce soit le jeu, l’alcool, la drogue ou voyager.
Finalement, les gangs de rue fournissent des opportunités pour les jeunes à posséder du pouvoir
et/ou du contrôle sur un/des aspects de leurs vies. Dans le cas de Jack, il n’a jamais été persuadé
pouvoir trouver un emploi légitime à cause qu’il déteste l’idée d’avoir un gérant qui exerce un
niveau de contrôle sur lui. Ce contrôle découle du contrôle de son horaire, les clients qu’il doit
cibler, la manière qu’il doit parler aux autres et le taux horaire fixe qui, selon lui, est très bas. Le
gang fournit les «produits» et un emploi qui lui offre l’avantage de contrôler le type de clientèles
avec qui il désire s’associer. Pour Bill, il trouve que son besoin d’appartenance a été remplacé
par un besoin de faire de l’argent. Il indique qu’il aime être financièrement indépendant pour son
âge, sans avoir besoin d’un emploi traditionnel ou l’aide de ses parents. En surface, il serait
facile de conclure que son besoin est uniquement lié aux gains financiers. Cependant, Bill a
indiqué que le besoin d’argent s’allie à un but plus large : l’indépendance. Donc, le gang lui
fournit l’opportunité d’avoir le pouvoir d’être indépendant des acteurs mentionnés ci-haut. La
relation entre le besoin d’argent et le pouvoir est illustrée également dans le cas de Tim. Celui-ci
avoue que le gang répond à son besoin de faire de l’argent. Ses gains financiers ont pour but
30
qu’il ait le pouvoir de contrôler sa vie. Selon Tim, «je voulais faire ce que je veux, quand que je
veux sans rien m’empêcher». Il voulait contrôler sa vie afin d’avoir la liberté concernant le
plaisir dans sa vie. Il comprend que tout ça nécessite de l’argent. Au lieu d’être toujours endetté
ou attendre pour une paye, le gang lui permet d’avoir du pouvoir qui vient des gains financiers.
Son besoin de contrôle est encore plus évident par la façon qu’il contrôle ses identités
personnelles et sociales. Il ne manifeste pas d’identité sociale attachée à son gang parce qu’il n’a
pas la fierté d’être associé à son gang et donc, ne désire pas afficher son appartenance. Il insiste :
«de flasher [afficher] une affiliation à un gang est de mettre une cible sur ton dos pour la police.
[…] Ce n’est pas bon pour le business». Il avoue avoir une multitude de surnoms, tous sans
aucune signification personnelle selon lui. La raison pour tous ces surnoms est que ses clients ne
le connaissent pas sur une base personnelle et en conséquence ne peuvent l’identifier à un agent
de police. Donc toutes les manières qu’il affiche son identité personnelle et la façon qu’il
n’affiche pas d’identité sociale ont pour but de continuer à contrôler ses activités criminelles.
Ces trois cas indiquent comment des besoins sont souvent inter-reliés et sans distinction pour un
jeune. Le besoin de gains financiers est souvent discuté dans les recherches scientifiques.
Comme celle d’Esbensen, Deschenes et Winfree Jr. (2004), qui démontre 47% des jeunes vont
joindre un gang pour des gains financiers, peu souvent le besoin de gains financiers est
mentionné ou interprété suggérant une relation avec le besoin de pouvoir et de contrôle. En fait,
peu de recherches indiquent que des gangs de rue fournissent un sentiment de pouvoir et de
contrôle dans un aspect de vie des jeunes. Selon Valdez et ses collègues (2000), les jeunes qui
sont plus susceptibles de joindre un gang sont souvent plus irresponsables et font des choix plus
antisociaux par rapport de leur choix de vie. Par exemple, ces jeunes vont choisir de ne pas avoir
un emploi légitime ou ne poursuivirent pas leurs études. Il est possible de conclure qu’à cause de
ces caractéristiques mentionnées, joindre des gangs de rue pourrait donner à un jeune le
sentiment de contrôler sa vie quand il rejette des opportunités prosociales. Cependant, cette
conclusion n’est pas celle de Valdez et ses collègues (2000), mais résulte des entretiens avec
Jack et Bill. Ces deux jeunes indiquaient d’avoir rejeté l’idée d’avoir un emploi normal.
L’appartenance à un gang était plus attirante aux jeunes, car il fournissait l’opportunité pour
contrôler la manière qu’ils pourraient faire de l’argent par le gain financier qui provient des
activités criminelles. D’une façon générale, les recherches scientifiques ne sont pas axées sur le
besoin de pouvoir/contrôle.
31
7.4 Les formes d’affichages de leurs identités sociales et personnelles
Dans la communauté :
Pour Adam et Alex, ils utilisent souvent une poignée de main spécifique à leur gang que
seulement les autres membres de leur gang connaissent. Adam montre que la poignée de main est
utilisée pour que les autres membres du gang le reconnaissent comme membre. Alex indique que
l’utilisation de cette poignée de main est un symbole de respect entre les deux participants. Pour
cette raison, Alex utilise cette poignée de main uniquement avec ses amis proches et avec ceux
qu’il veut respecter et se faire respecter. Cette technique est clairement utile pour Alex, qui
indique qu’il est souvent à la recherche de respect et de reconnaissance des membres de son
gang. Quand la poignée de main est offerte par Alex et est réciproque, cela lui fournit et justifie
son désir d’être respecté. Les recherches sur l’utilisation de poignée de main sont concentrées sur
l’utilisation d’afficher des signes de mains. Ces signes de mains sont normalement des symboles
pour le nom de leur gang et sont utilisés dans le contexte de provoquer des membres d’une autre
gang (Jackson et McBride, 1986). Rares sont les recherches qui concluent que les poignées de
main sont utilisées comme symbole de respect entres des membres de la même gang et donc, il
est intéressant de noter une relation entre l’utilisation de poignée de main et le respect, un
résultat inattendu durant la revue de littérature.
L’utilisation d’un surnom dans la communauté est ressortie durant trois entretiens. D’après Jack,
manifester son identité personnelle par l’utilisation d’un surnom est une fierté. Les membres de
son gang et les personnes sur la rue le connaissent comme un collecteur d’argent. Selon Jack, son
surnom illustre son succès. Il fait tout son possible pour que les autres le considèrent comme une
personne qui prend son travail au sérieux et qu’on ne veut pas avoir d’ennuis avec. Pour Dom,
tout le monde dans son gang possède un chandail avec le nom de son gang et leur propre surnom
d’inscrit. Comparable à Jack, Dom est particulièrement fier de son surnom. Un nom qu’il a
choisi lui-même et qui indique qu’il organise les travaux du gang avec facilité. Dom porte
couramment ce chandail à des fêtes et autres événements sociaux. Pour Bob, les membres dans
son gang l’appellent Joker, un surnom qu’il a lui-même choisi. Bob mentionne que son surnom
est devenu comme une extension de sa personnalité et qu’il essaye d’en manifester ses traits dans
ses interactions. Autrement dit, il veut que le monde le connaisse comme étant un gars qui aime
32
rire et faire rire, mais qui est aussi fou/violent comme le personnage fictif dans les bandes
dessinées de Batman.
Suivant la recherche de Jackson et Mcbride (1986), l’utilisation d’un surnom fait partie du
développement d’une identité personnelle. Les jeunes choisissent souvent un surnom basé sur un
trait, caractéristique personnelle ou une valeur qu’ils désirent affichés au monde. Jack désire
manifester une éthique de travail ardu. Dom et Bob manifestent un trait personnel qui les
distingue des autres membres du gang. De plus, l‘utilisation de leur surnom commande souvent
du respect par les autres jeunes dans leur entourage. Par exemple, Jack avoue qu’il cherchait la
reconnaissance par ses activités criminelles et son succès comme un travailleur acharné. Une
des manières qu’il peut être reconnu de cette façon était de créer un surnom qui suggère de le
respecter comme un travailleur acharné. Quand le monde utilise son surnom, ils confirment
expressément ce surnom et le respectent du fait même. Pour sa part, Dom avait son surnom
affiché visuellement sur un chandail. Cet affichage illustre bien que Dom désire que le monde le
reconnaisse comme un gars qui organise bien ses activités. Il désire se faire respecter pour son
rôle dans le gang et son surnom joue souvent un rôle dans la prise de contact entre lui et les gens
autour de lui.
Souvent, la majorité des jeunes dans le gang vont s’habiller en couleurs de gang dans la
communauté. Plus précisément, cinq des sept jeunes avouent porter des vêtements qui
représentent leur gang sur la rue. Adam porte souvent des vêtements de couleur de son gang,
mais essaye de ne pas exagérer : une casquette et des souliers rouges sont assez pour s’affilier au
gang. Alex manifeste également son identité sociale par le port de couleurs spécifiques à son
gang. Contrairement à Adam, il est connu pour être couvert de la tête au pied en bleu. Comme
indiqué auparavant, Dom possède un chandail avec le nom de son gang d’inscrit. Bill manifeste
souvent son identité sociale par le port de vêtement et couleur lié à son gang. Bob s’affiche dans
la communauté en bleu, la couleur de son gang. Puisqu’il est guidé par l’appartenance à son
gang, il indique qu’il se sent fier quand il porte les couleurs de son gang.
Dans l’unité :
En lien avec la section précédente, il est observé qu’Adam, Alex, Dom et Bill s’habillent tout en
couleurs de gang autant dans l’unité que dans la communauté. Dans l’unité Bill est enclin à
33
porter un vêtement ayant la couleur de son gang dans le but de provoquer les autres adolescents
qui le dérange. Pour Alex et Dom, ils portent des vêtements ayant la couleur de leur gang quand
ils s’ennuient leurs amis. Leurs cas indiquent que le port de couleur de gang agit comme un
symbole de connexion entre ces jeunes et les membres de leur gang. Ils ont une fierté à s’associer
visuellement à leur gang.
Effectivement, sans comprendre pleinement la connexion, Bob admet qu’il sent faire partie de
son gang et par conséquent faire partie de sa culture quand il affiche son gang par le port des
couleurs de son gang. Des jeunes qui se trouvent marginaliser au sein d’une multitude de groupes
micro et macro vont souvent se sentir tirer envers l’appartenance à un gang de rue, selon la
recherche de Vigil et Yun (1998). Par exemple, ces jeunes qui sentent excluent au sein de leur
famille, culture ou d’autres groupes sociaux vont trouver un sentiment d’appartenance à un gang
de rue. Normalement, selon Vigil et Yun (1998) ces jeunes qui souffrent d’une marginalisation
multiple sont des jeunes ethniques. Leurs cultures sont souvent des cultures déjà marginalisées
dans la société d’une manière socio-économique comme la culture latino, noire ou amérindienne.
Donc, le gang agit comme une lueur d’espoir pour ces jeunes qui essayent de trouver n’importe
quelle connexion entre eux et leur culture d’où ils se sentent marginalisés. Quand le jeune est
finalement un membre à son gang, il obtient un sentiment de fierté non existant auparavant et
peut représenter son affiliation au gang comme qu’il représentait sa culture. Dans les cas des
jeunes participants, la représentation de leur affiliation est faite par le biais des vêtements. En
fait, dans chaque cas où le jeune s’habille en couleurs de gang, il y a aussi un besoin
d’appartenance qui est répondu par le gang. À l’opposé de Bob, les autres jeunes sont ignorants
de la connexion entre leur besoin d’appartenance et le fait qu’ils s’habillent en couleurs de gang.
Mais ne démontrent pas de marginalité au sein de plusieurs acteurs comme vus dans le cas de
Bob.
Il peut exister un autre lien possible, le lien entre le port de couleurs de gang et la sécurité
personnelle. Selon Garot (2010), les adolescents qui cherchent de la protection dans les rues
portent souvent des couleurs, des vêtements et autres marqueurs visuels associés au gang
préconisé pour atteindre ce besoin. Les entretiens avec Jack, Adam et Alex ont fait ressortir
qu’ils ont un besoin de protection pendant qu’ils mènent leurs activités criminelles. Selon eux, ils
se sentent en sécurité quand les autres membres participent aux activités criminelles, mais il est
34
aussi possible de suggérer que le port de vêtements de gang a une influence dans leur sentiment
de protection. La revue de littérature suggère que le port de vêtements et couleur de gang sont
souvent lié à une identité sociale. Cette identité est créée par le jeune pour que tout le monde
l’identifie sous l’étiquette de gang de rue, comme indiqué par Caughey (1980). Cette étiquette
proclame que ceux qui veulent nuire à cet adolescent devront faire face aux conséquences par le
gang de rue (Garot, 2010).
Sur les tableaux :
Hors des limites énumérées plusieurs fois au cours de cette recherche par rapport à l’utilisation
des tableaux, les jeunes participants tombaient dans une des deux catégories : l’utilisation
complète de leur tableau ou le rejet complet. Quatre des sept jeunes ont utilisé leur tableau durant
le déroulement de la recherche. Dom et Bill inscrivaient des items semblables. Les observations
faites par le chercheur illustrent que ces deux jeunes inscrivaient le quartier d’où leur gang
provient, le nom de leur gang et leur surnom. Dans les deux cas, ils ont laissé cette information
sur leur tableau tout au long de la recherche. Dom écrivait sur son tableau pour deux raisons :
occuper son temps dans l’unité et avant le commencement de cette recherche, tous les jeunes
s’affichaient de cette manière. Cependant, il peut exister des significations plus profondes pour
ces jeunes. Conformément à la recherche de Garot (2010), il existe certaines formes de tagging
où le jeune dessine son affiliation avec un gang. Cette forme d’affichage est considérée avoir le
même effet que le port de couleurs de gang. Autant dire que c’est une manière pour le jeune
d’afficher son affiliation a son gang, d’exclamer au monde qu’il est fier du gang auquel il
appartient. Si dessiner le nom et quartier du gang a le même effet que le port des couleurs de
gang, il est possible qu’il réponde au même besoin. Dom et Bill sont les deux seuls jeunes qui
ont le nom de leur gang et leur quartier inscrit sur leur tableau et donc, il est possible d’assumer
que ces jeunes avec un besoin d’appartenance vont afficher cette fierté d’appartenance grâce à
leur tableau.
Dans le cas de Jack, il utilise sont tableau pour manifester une expression qui, pour lui,
représente de pouvoir dans sa vie. L’expression, similaire à «je suis important dans mon gang»6
,
expose vaguement le rôle de Jack dedans son gang. L’expression a aussi la signification de dire
6
L’expression utilisée par Jack sur son tableau a été modifiée dans le but de protéger l’anonymat du jeune.
35
qu’il ne prend pas des ordres des autres, mais qu’en effet, c’est lui qui donne des ordres et que
les autres devront le suivre sans faute. Hors de ce qui est normalement vu sur les tableaux, une
expression avec cette signification exprime aux jeunes que Jack est en effet, un membre de gang
plus dur qu’eux autres. Il lui fournit du pouvoir et de respect dans l’unité par les autres jeunes
parce qu’ils le croire comme le leader dans l’unité et le respect à cause de ce fait. Il est
possiblement le seul résultat qui indique que le pouvoir/contrôle est lié à une forme d’affichage
visuelle dans l’unité.
Dom, Bill et Bob inscrivaient leur surnom sur leur tableau. Durant les entretiens, Dom et Bob ont
divulgué qu’ils avaient une fierté associée à leur surnom. À l’inverse, Bill avoue que son surnom
à peu de signification pour lui, indiquant que c’était un surnom donné par ses amis d’enfance et
qu’il ne la jamais rejeté. Dans l’unité il est parfois difficile de toujours afficher un surnom. Dans
le cas de Dom, il ne pouvait pas amener son chandail avec son surnom inscrit dessus. Pour Bob,
il est difficile de s’afficher comme un fou violent avec d’autres jeunes ou éducateurs dans un
contexte comme la Cité-des-Prairies, où des actes de violence sont rencontrés avec des sanctions
négatives, des fois des sanctions judiciaires. Hors des poignées de mains et le port de couleurs de
gang, qui peuvent se faire de la même façon dans l’unité comme dans la communauté, les
tableaux offrent l’opportunité pour ces jeunes de manifester leurs surnoms de façon différente
que dans la communauté.
36
7.5 Conclusion
Figure 1: Un diagramme contextuel sur les besoins des jeunes à Cité-des-Prairies et les façons qu'ils affichent leurs identités
dans la communauté, dans l’unité et sur leur tableau.
En résumé, les jeunes à la Cité-des-Prairies ont des besoins d’appartenance, de reconnaissance et
respect, de sécurité personnelle et de pouvoir qui influence la manière qu’ils manifestent leurs
identités sociale et personnelle. Comme illustré dans la figure 1, les jeunes qui ont un besoin
d’appartenance souvent représentent leur identité sociale par l’affichage de leur gang de rue.
Adam, Dom, Bob et Bill tous portent des vêtements ou couleurs associés à leur gang dans la
communauté. Il était observé aussi que Dom et Bill écrivaient leur gang et/ou quartier sur leur
tableau, une forme de tagging qui fournit le même sentiment d’appartenance que le port de
couleurs de gang. Pour les jeunes qui ont indiqué avoir un besoin de reconnaissance/respect, ils
mettent souvent l’accent sur leur identité personnelle. Par exemple, dans le cas de Dom et Jack,
l’utilisation de leur surnom dans la communauté est lié au besoin du respect. Le surnom de Jack
indique qu’il devrait être reconnu comme un homme qui travail fort et le surnom de Dom indique
37
qu’il est quelqu’un qui organise bien ses activités dans le gang, ce qui leur fournissent du respect
dans leur gang. De plus, les exemples fournis par Alex et Adam illustrent que l’utilisation des
poignées de main est souvent un symbole de respect entre deux personnes dans le gang. Une
poignée de main est offerte par un jeune quand il veut présenter du respect à un autre jeune.
L’autre jeune ayant du respect réciproque répond à cette poignée de main. En outre, Dom et Jack
utilisent leur tableau dans l’unité dans le but de répondre au besoin de reconnaissance. Pour
Dom, il n’a pas accès au chandail avec l’inscription de son surnom, mais il est possible pour lui
d’écrire son surnom sur son tableau pour que les autres jeunes dans l’unité le reconnaissent de la
même manière qu’à l’extérieur. Pour Jack, il avait inscrit exclusivement une expression qui
illustre qu’il est un homme qui donne des ordres aux autres et non l’inverse. Cela est pour que les
jeunes dans l’unité le reconnaissent comme un leader méritant du respect. Les résultats indiquent
qu’en ce qui concerne les jeunes de Cité-des-Prairies qui ont un besoin de sécurité personnelle,
ils accordent plus d’importance à la manifestation de leur identité sociale liée à leur affiliation à
leur gang de rue. Cela est le cas d’Adam, Alex et Bob qui portent tous des vêtements et/ou
couleurs de gang dans la communauté pour qu’ils se sentent en sécurité. Selon le contexte
d’Adam et Bob, ils ne sentent pas à l’aise dans leur quartier, suggérant qu’il y a plusieurs
éléments criminels dans le quartier et qu’il existe plusieurs situations où le jeune faisait face à
des menaces sur la rue. Donc, le port des couleurs de gang leur fournit un sentiment de
protection contre ceux qui veulent leur faire du mal. Selon Adam et Jack, leur besoin de sécurité
personnelle découle non d’un besoin de sécurité fondamentale, comme les cas d’Alex et Bob,
mais découle de leur affiliation à leur gang et les activités criminelles auxquelles ils participent.
C’est durant le déroulement de ces activités criminelles où le jeune a besoin d’un niveau de
protection élevé. Cependant, Adam est le seul entre les deux qui portent des couleurs de gang
dans la communauté. Jack croit qu’uniquement les wannabes [les faussaires] et les plus jeunes
portent des vêtements de gang et qu’un vrai membre de gang ne nécessite pas d’afficher son
gang de cette manière. Donc, ces résultats indiquent que dans trois cas sur quatre, un jeune avait
un besoin de sécurité personnelle et de ce fait, affiche son identité sociale pour se sentir plus
sécuritaire. Suite aux entretiens avec Jack, Tim et Bill, leur besoin de pouvoir se présente
souvent en cachant leur affiliation à leur gang de rue. Cependant, l’expression écrite sur le
tableau de Jack illustre qu’il utilise son tableau pour exprimer son besoin de pouvoir. Comme
indiqué auparavant, son tableau illustre que Jack est un leader dans son gang. En plus de lui
38
fournir du respect, l’expression sur son tableau lui accorde aussi du pouvoir par l’expression de
sa position dans le gang.
7.6 Limites de l’étude
Une des limites rencontrées durant le déroulement de l’étude était la non-utilisation de tableaux
individuels de certains participants. En effet, il était mentionné par les éducateurs avant le début
de la recherche que la majorité des jeunes en garde ouverte utilisait leur tableau. Cette constante
n’a pas été observée pendant la durée de cette recherche puisque presque la moitié des jeunes ne
s’affichait pas sur leur tableau pour plusieurs raisons. Cela limite l’apport important de données
au contenu quand les tableaux ne sont pas un instrument d’affichage utilisé par les participants. Il
est devenu inévitable de faire ressortir le plus de contenu possible par les manières qu’ils
s’affichent dans l’unité hors des tableaux. De plus, les entretiens ont mis plus d’emphase sur les
questions du quatrième thème en leur posant des questions sur les manières d’affichage hors de
l’unité pour combler le manque de contenu causé par cette limite.
Une deuxième limitation existe dans le nombre de participants de l’étude. Les deux unités
de garde ouverte à la Cité-des-Prairies peuvent chacune hébergés un maximum de douze jeunes.
En théorie, avoir une unité complète peut faire ressortir plus de contenu par rapport à la façon
d’affichage dans l’unité et augmente la probabilité que plus de jeunes utilisent leurs tableaux. De
plus, cela permet d’avoir un plus grand nombre de participants à interviewer. Cependant, il n’y
avait que cinq adolescents dans une unité et six dans l’autre. Cela restreint le nombre de jeunes à
onze avec juste sept faisant partie d’un gang de rue, ce qui à son tour, influence et limite le
processus du recrutement des participants.
7.7 Implications pratiques
Pour les intervenants et éducateurs qui travaillent avec des jeunes contrevenants, une relation
entre des besoins spécifiques et la façon qu’ils affichent leurs identités peut offrir plusieurs
hypothèses cliniques rapides pour les jeunes impliqués dans un gang de rue. Les résultats
suggèrent que les tableaux observés offrent des informations sur les besoins des jeunes qu’un
éducateur pourra valider avec le jeune en rencontre de suivi et à la lumière de ses observations
cliniques. De plus, les manifestations de leur identité sociale et personnelle dans l’unité ont la
même utilité que les informations dérivées des tableaux. Afin de mieux comprendre le lien qui
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  • 1. 1 L’importance de mon gang : Une analyse des besoins des jeunes délinquants et la façon dont ils s’identifient dans le contexte de gang de rue. Francesco Campisi; étudiant au baccalauréat, Département de Criminologie, Université de Montréal RÉSUMÉ Plusieurs recherches scientifiques indiquent que les adolescents cherchent à construire leurs identités sociales et personnelles. Les jeunes qui se retrouvent dans des gangs de rue vont construire des identités basées sur le contexte qu’ils sont affiliées à un gang de rue. De plus, les gangs de rue répondent à un ou plusieurs besoins des jeunes, des besoins qui ne sont pas souvent répondus par des acteurs prosociaux. Cette recherche cherche à comprendre s’il existe une relation entre les besoins des jeunes répondus par le gang et leur identité sociale et/ou personnelle. Avec un échantillon de sept jeunes délinquants hébergés au site Cité-des-Prairies, cette recherche mène des entretiens et de l’analyse de contenus pour répondre à cette question de recherche. Les résultats suggèrent que les jeunes au site Cité-des-Prairies avec un besoin d’appartenance et un besoin de sécurité personnelle privilégient d’afficher leur identité sociale. Ces jeunes avec un besoin de reconnaissance/ respect et ceux avec un besoin de pouvoir/contrôle souvent affichent leurs identités personnelles REVUE DE LITÉRATURE 1. Les adolescents et la création des identités Dès le début de l’adolescence, les adolescents sont à la recherche de construire leur identité. Une identité fournit l’occasion à l’adolescent de se définir pour une des premières fois dans sa vie (Finkenauer, Engles, Meeus et Oosterwegel 2002). Avant cette période, leurs identités sont construites par leurs parents, qui influencent la manière dont leur enfant se perçoit et sont perçus par les autres. Maintenant, étant des adolescents, ils sont en quête de leur propre identité et peuvent le construire de leur manière. Bien qu’il n’y existe pas une seule définition d’identité, plusieurs chercheurs sont en accord que l’adolescent évalue son identité par l’évaluation de ses traits et caractéristiques personnels, en examinant l’état de leur estime de soi et des perceptions positives et négatives des autres (Finkenauer et coll., 2002). Selon Schlegel (2013), plusieurs recherches démontrent qu’une personne possède plus d’une identité. Tout au long de la vie, une personne crée et change plusieurs fois d’identités et de plus, peut avoir plus qu’une identité au même moment. Beaucoup de recherches suggèrent qu’un adolescent va créer deux formes d’identités : l’identité sociale et l’identité personnelle (Schlegel, 2013). D’abord
  • 2. 2 suggéré en 1968, Erikson (1968) affirme qu’une identité sociale est établie sur des circonstances de vie comme l'âge et le statut social tandis que l’identité personnelle implique le type de personne que le jeune croit être. L’identité sociale est considérée comme l’identité générale, liée à l’affiliation à un groupe comme un gang de rue, une équipe sportive ou une association communautaire (Vigil, 1988b). Aussi, il peut s’agir d’une étiquette d’association comme «avocat», «étudiant», «oncle», etc. (Caughey, 1980) Tandis qu’une identité sociale est définie comme l’adhésion à un groupe, l’identité personnelle est une façon de représenter des traits personnels uniques au jeune pour le distinguer des autres dans ce groupe (Vigil, 1998b). L’identité personnelle est plus qu’uniquement l’appartenance à un groupe, elle implique des buts, caractéristiques, valeurs et traits de personnalités (Markstrom, 2013). L’adolescent, souvent, construit ses identités par ses interactions sociales quotidiennes (Anderson, 2003). Par exemple, l’interaction à un groupe de jeunes qui sont amateurs de football peut influencer le développement des identités de l’adolescent. Toutefois, l’adolescent peut s’identifier comme partie de ce groupe uniquement si les autres membres du groupe l’acceptent comme membre. Dans plusieurs situations, s’identifier à un groupe nécessite d'avoir des interactions positives avec les autres, être accepté par les autres, se faire initier, etc. Donc, un grand nombre d’interactions est nécessaire pour qu’un jeune puisse s’identifier d’une manière sociale. Anderson (2003) poursuit cette notion indiquant que l’identité personnelle peut aussi être liée aux interactions sociales. Un adolescent peut se considérer comme populaire ou beau, mais cette identité personnelle peut disparaitre sans la validation des personnes de son entourage. De plus, une identité personnelle peut être accordée à l’adolescent si son entourage croit qu’il exprime cette identité spécifique. Dès que le jeune valide cette identité spécifique, il continuera de manifester cette identité personnelle, mais de façon consciente. Les jeunes ont un grand nombre de groupes, gangs et équipes avec lesquels ils s’identifient. Dans certains contextes, le jeune peut commencer à s’affilier avec un gang de rue. Garot (2010) indique qu’un jeune souvent s’affilie à un gang par étape. Généralement, le jeune fréquente les mêmes endroits que des membres de gangs, il va aux mêmes événements et peut avoir des amis impliqués dans un gang de rue. Après un certain temps (et après s’être fait accepter par les membres), le jeune commence à s’afficher comme membre de gang. Le gang de rue est important parce qu’il offre des opportunités et favorise le développement d’une identité sociale
  • 3. 3 et personnelle du jeune. En fait, il existe plusieurs manières de manifester leur identité sociale et personnelle dans le contexte de gang. (Vigil, 1988b). Ces manières incluent des surnoms, des vêtements, des tatouages et des symboles de mains qui vont représenter leur identité personnelle et leur affiliation dans le gang. Par exemple, les jeunes associés dans le gang vont souvent porter des couleurs, tatouages et autres symboles pour manifester leur identité sociale. Dans d’autres situations, des jeunes vont utiliser des surnoms et le tagging pour représenter leur identité personnelle qu’ils veulent évoquer au public. Pour mieux comprendre les identités dans le contexte de gang, les prochaines sections vont fournir des exemples concrets des manifestations des deux identités. 1.1 Les manières de représenter une identité sociale dans le contexte de gang : La façon de s’habiller est une représentation de l’identité sociale qui joue un rôle important dans l’interaction des jeunes et cette interaction se fait tout autant avec des jeunes à l’intérieur et à l’extérieur du gang (Jackson et McBride, 1986). Selon une entrevue avec Garot (2010), un membre de gang mentionne que les couleurs portées par un autre jeune sont un affichage d’affiliation. Le mauvais affichage peut donc porter des risques dans des quartiers conflictuels. C’est pendant ces conflits qu’une affrontation verbale, autrement connue comme hitting up se manifeste. Le concept de «Hitting up» est une situation où un jeune va approcher un autre et lui poser des questions par rapport à leur quartier, où il habite, etc. (Garot, 2010). Cette approche a pour but de voir si l’autre jeune s’identifie avec un gang ou s’il n’a pas d’affiliation. Cette situation illustre que la manière qu’un jeune se représente, que ce soit physiquement ou verbalement, peut être le précurseur d’une situation conflictuelle avec d’autres jeunes. Une forme d’affichage visuelle fortement utilisée dans le développement d’une identité sociale est le port du bandana d’une couleur spécifique au gang d’appartenance. Normalement, représenter les couleurs d’un gang est lié à la fierté de faire partie de ce gang (Jackson et McBride, 1986). Par conséquent, la représentation par les vêtements indique que la société devra le juger basé premièrement par son identité sociale et par la suite, par ses autres caractéristiques (Garot, 2010). Autrement dit, si le gang est une fierté pour le membre, il est important pour lui de s’habiller d’une manière où il représente le gang le mieux possible. Un membre qui s’habille d’une manière équivalente à un vagabond insulte son gang.
  • 4. 4 Dessiner le symbole du gang par le graffiti, autrement considéré comme «tagging» (Garot, 2010), est une autre façon d’afficher une identité sociale et une affiliation au gang. Contrairement au port de vêtements qui peut se faire à tout moment, le tagging est normalement fait seul ou en petit groupe, au cours de la nuit parce qu’il est considéré comme illégal et donc le jeune ne veut pas se faire prendre par la police. Le tagging joue un rôle dans l’identité sociale. Dans plusieurs cas, les jeunes cherchent des manières d’exprimer cette fierté et affiliation par l’inscription du nom de leur gang, du coin que le gang fréquente et du quartier d’où le gang provient sur des murs dans leur quartier. Selon Garot (2010), le tagging a évolué d’une manière où il se trouve sur plusieurs surfaces autres qu’uniquement sur les murs. Plusieurs jeunes vont éviter de se faire arrêter pour le tagging au sein de leur quartier et vont opter pour tagger des livres, leurs affaires personnelles, ainsi qu’eux-mêmes. Plus un jeune dessine son affiliation avec un gang sur ses affaires personnelles et sur lui-même (en forme de tatouages), plus cette manifestation a le même effet que de porter des vêtements et couleurs spécifiques dans l’affichage de leur identité sociale. 1.2 Les manières de représenter une identité personnelle dans le contexte de gang: Le tagging sur lui-même et les tatouages jouent un autre rôle important dans l’identité du jeune. Selon Jackson et McBride (1986), le nombre de tatouages est directement lié avec le nombre de fois que le jeune a été incarcéré et la durée pour laquelle il «travaillait pour le gang». Le tatouage est, de la sorte, considéré comme un symbole de statut dans le gang. Il représente aussi le prestige qu’un membre a obtenu dans le gang et donc est lié à des notions de respect. Les surnoms qu’ils détiennent sont aussi liés à la manière qu’ils veulent représenter leur identité personnelle. Lorsqu’ils sont recrutés, beaucoup de jeunes vont adopter un surnom qu’ils choisissent basé sur une caractéristique spécifique. Par exemple, un jeune qui se fait appeler Loco, ou fou, indique que le gang le respecte parce qu’il manifeste des traits de personnalité reliés à ce surnom (Jackson et McBride, 1986). Ce jeune, maintenant surnommé Loco, doit continuellement prouver le mérite de son surnom en devenant encore plus fou et violent. Certains surnoms ont aussi l’utilité de manifester des valeurs ou croyances spécifiques au jeune. Par exemple, un surnom peut évoquer que le jeune croit en Dieu ou qu’il désire seulement gagner de l’argent (Jackson et McBride, 1986).
  • 5. 5 2. Les besoins des adolescents Dans le domaine de la psychologie, la question des besoins identitaires des adolescents est un constat qui fait consensus dans les écrits scientifiques. Abraham Maslow est un pionnier sur le sujet, peu importe l’âge des individus. Maslow (1968) souvent se concentrait sur les concepts d’autotranscendance et l'autoactualisation. Ces deux concepts sont utilisés pour «décrire le processus du développement du potentiel des personnes [traduction libre]» (Beise et Sherr, 2015, p.244). Autrement dit, pour qu’une personne continue à développer leur potentiel, un processus qui se fait depuis qu’on est né et continue jusqu’à la mort, elle nécessite d’avoir tous ses besoins répondus. Plus précisément, Maslow (1968) indique que tout le monde a six besoins généraux : (1) des besoins physiologiques : la faim, la soif, le sexe, etc. ; (2) des besoins de sécurité : désirer la sécurité, éviter la douleur et l’anxiété ; (3) des besoins d’appartenance : l’affection et l’intimité ; (4) le besoin d’estime de soi : le respect ; (5) le besoin d’autoactualisation : beauté et créativité et (6) le besoin d’autotranscendance : développer ses capacités. Kendrick et ses collègues (2010) proposent une version révisée des besoins. Selon Kendrick et coll. (2010), les besoins pourront se classifier selon sept catégories : (1) les besoins physiologiques et (2) les besoins de sécurité comme vus auparavant ; les besoins d’appartenance sont révisés : (3) l’appartenance à une famille (4) groupe d’amis, et (5) les besoins d’avoir des relations intimes sont maintenant des besoins distincts; (6) au besoin d’estime de soi se rajoute le besoin de statut et finalement (7) le besoin d’autoactualisation où la personne réalise ses passions et a la capacité et les mécanismes d’accomplir ces buts, quoi qu’ils soient. Selon Luca et Horrocks (1960), les comportements des jeunes adolescents sont souvent motivés par les besoins qu’ils cherchent à répondre. Par exemple, un jeune à la recherche de satisfaire un besoin de sécurité va trouver des manières, acteurs et circonstances où ce besoin est répondu. Pour la majorité des jeunes, les besoins sont souvent répondus par leurs parents, les pairs à l’école et les acteurs dans la communauté. Généralement ces acteurs sont considérés comme prosociaux et leur manière de répondre aux besoins est également prosociale. Mais il existe des situations où un jeune trouve d’autres manières de répondre à ses besoins (Brinthaupt et Lipka, 2012). Plusieurs recherches indiquent que le gang de rue attire fréquemment le jeune à joindre le
  • 6. 6 gang parce qu’il répond aux besoins spécifiques du jeune. La prochaine section aborde sur les besoins des adolescents et la façon que le gang répond à ces besoins spécifiques. 2.1 Comment le gang de rue répond aux besoins spécifiques du jeune Cette section discute des besoins des jeunes comme ceux d’appartenance, de protection, de structure et de pouvoir. Selon Esbensen, Deschenes et Winfree Jr. (2004), les raisons les plus connues pour rejoindre un gang sont pour la protection (48%), pour le respect (47%), pour des gains financiers (47%), pour l’amusement (43%) et l’implication d’un ami dans le gang (41%) (p. 84). Il est pertinent de croire que certaines de ces raisons, comme celles pour la protection et pour le respect, sont des besoins fondamentaux répondus par le gang. Toutefois, toutes ces raisons sont valables et variables selon les individus. Les caractéristiques du jeune peuvent aussi influencer la raison d’appartenir à un gang. Selon Agnew (2001), certains jeunes sont hyperactifs, impulsifs, ont une tolérance minime pour la frustration et un tempérament difficile. Selon Bordua (1961), ces types de jeunes sont souvent agressifs et cette agressivité amène deux conséquances. Premièrement, les jeunes délinquants entrent dans les gangs pour connaître une vie plus excitante que la famille ou l’école et subséquemment s’engagent dans des activités criminelles comme des vols à l’étalage, vols de voiture et vente de drogue. Deuxièmement, le jeune est attiré par un mélange d’amusement, de profit financier et l’idée d’être le héros d’une bagarre, un mélange que Bordua (1961) indique qu’on retrouve majoritairement dans un gang de rue et non dans les institutions conventionnelles. Le besoin de protection est un besoin complexe puisque c’est une notion qui est propre au jeune et qui découle des problèmes sociaux présents dans le quartier, la communauté ou la ville. La protection est un facteur extrêmement important, surtout aux États-Unis, car la violence intergang est excessivement élevée dans les villes de Los Angeles, Chicago et New York. (Morgan et Shelley, 2014). Selon Kubrin (2012), le contexte de violence aux États-Unis fait partie d’un plus grand contexte socio-économique où des quartiers principalement afro- américains ont une histoire de ségrégation, de désorganisation sociale et un système de justice excessivement punitif. Tout ceci joue un rôle dans la présence de violence. De plus, la présence de vente de drogues et d’armes à feu contribue à la violence dans la communauté à cause d’une compétition féroce entre gangs (Kubrin, 2012). Donc, typiquement plusieurs jeunes vont joindre
  • 7. 7 des gangs par la peur d’être victime des membres d’autres gangs, des résidents de la communauté ou des membres de la famille (Melde, Taylor et Esbensen, 2009). Melde et ses collaborateurs (2009) indiquent que dans un groupe un jeune se sent plus à l’aise sachant qu’il existe des membres pour le défendre et le protéger si une bagarre se déclenche. Toutefois, il existe une relation positive entre membre d’un gang et la victimisation. Les chercheurs décrivent que le gang crée des conditions où le jeune est forcé à participer à des situations où la violence contre lui-même ou ses amis devient inévitable. Des conditions rares pour un jeune qui n’a pas d’affiliation avec un gang. Malgré tout, le jeune se sent protégé par le gang et donc, pour cette raison, la notion de protection est subjective même s’ils ont plus de risque de se faire victimiser. Selon la recherche d’Esbensen, Deschenes et Winfree Jr. (2004), plusieurs jeunes rentrent dans le gang parce que leurs amis ou quelqu’un qu’ils connaissent font déjà partie d’un gang de rue. Ces jeunes rentrent dans le gang parce qu’ils veulent le même sentiment d’appartenance que leurs pairs. Les participants de la recherche étaient fortement en accord avec les déclarations «Être dans un gang me donne le sentiment d’appartenir quelque part [traduction libre]» et «Mon gang est comme une famille pour moi [traduction]» (Esbensen et coll., 2004). De ce fait, le concept de rejoindre un gang puisqu’un ami fait partie du même gang est relié à un besoin d’appartenance à un groupe. De plus, ce besoin joue un rôle dans le développement de l’identité d’un jeune. Surtout avec les jeunes latinos (les Chicanos), les jeunes qui sont marginalisés au sein de leur famille, dans la société ou à l’école ont des problèmes à retrouver leur propre identité pendant l’adolescence (Vigil, 1988a, 441). Par exemple, la majorité des jeunes impliqués dans les gangs de rue autochtones aux États-Unis qui ont un faible attachement avec des membres de leur famille ou ont des conflits familiaux sont exclus dans la société et ont peu d’opportunités prosociales (Theriot et Parke, 2008). Pour les Chicanos, un thème commun avec ces jeunes est l’absence ou l’inattention du père. Les jeunes recherchent un gang avec un chef fort pour remplacer le manque de figure autoritaire dans leur vie (Vigil, 1988b). De ce fait, l’appartenance à un gang leur donne un fort sentiment d’appartenance émotionnelle dans le groupe, un sentiment de protection par les pairs et leur offre une structure par l’implication dans un rôle viril. Par exemple, sous la direction de Larry Hoover, les Black Gangster Disciple Nation (BGDN) ont des règlements et structures à suivre pour continuer à faire partie du gang. De plus, Vigil (1988a) démontre qu’à Chicago la structure des gangs a des rôles et fonctions clairs. L’exemple du BGDN valide les propos de Vigil (1988a) et Theriot et Parke (2008) indiquant que
  • 8. 8 des gangs qui ont une structure formelle fournissent aux jeunes un sentiment d’appartenance et une structure formelle normalement manquante dans leur vie. Plus que juste le besoin d’appartenance, certaines recherches démontrent un lien intergénérationnel dans l’appartenance d’un gang. Dans ces cas, le jeune n’est pas en recherche de quelqu’un ou de groupe de jeunes, mais il veut continuer la tradition de sa famille. En effet, le gang fait déjà partie de leur vie et de leur histoire familiale. De plus, Vigil (1988b) indique que malgré l’influence des pairs dans la vie sociale des jeunes, les membres de la famille sont plus aptes à devenir des modèles parce qu’ils ont une plus grande influence dans leurs propres maisons et vies privées : «Tu vois mon père était un Chino Sinner, cela est dans ma culture familiale pendant des années [traduction libre]» (Vigil, 1988b, 89). Dans les deux situations, que ce soit un jeune qui cherche l’appartenance ou un jeune qui continue la tradition familiale, un aspect est identique : le besoin d’une famille. Dans plusieurs instances, le jeune indique que de ne pas joindre un gang est considéré comme une trahison pour la famille. Ces jeunes ne pourront jamais considérer la vie dans un gang comme n’étant pas une option. Par contre, pour ceux sans une influence familiale, le gang devient une force d’attraction à cause de sa structure familiale. L’étude d’Esbensen, Deschenes et Winfree Jr. (2004) illustre que le gang apporte un soutien, un sentiment de fidélité et de respect envers eux et que pour certains jeunes, un sentiment d’importance pour une des premières fois dans leur vie. L’étude de Vigil (1988b) confirme ces genres de sentiments indiquant que le gang fait partie du comportement de soutien familial. Autrement dit, certains jeunes ont besoin d’appartenance familiale puisqu’ils reconnaissent leurs proches comme étant une forme de soutien émotionnel et social et que peu importe la situation, ils ont des proches qui peuvent l’aider en cas d’urgence. Comme indiqué auparavant, certains gangs sont structurés comme une famille et donc, fournissent des responsabilités comme dans une famille. Par exemple, les gangs mexicains représentent souvent les traditions, coutumes et valeurs retrouvées dans la plupart des familles mexicaines (Vigil, 1988b). Un besoin souvent en arrière-plan est le besoin de se faire respecter. Selon Anderson (1999), des jeunes ont souvent besoin de se faire respecter quand ils sous-estiment leur valeur dans la société. La façon que les jeunes s’identifient joue un rôle dans le besoin de respect. Selon le texte d’Anderson (1999), des jeunes vont utiliser la violence ou vont se représenter d’une manière
  • 9. 9 violente pour que des membres d’autres gangs comprennent qu’ils ne sont pas faibles ou facilement des victimes. Wilkinson (2001) remarque que des jeunes vont souvent commettre des crimes pour leur gang dans le but d’augmenter leur statut social dans la communauté. Le gang est donc une ressource pour avoir et maintenir le respect des gens dans le quartier. Le respect est aussi en lien avec la protection selon Keyes (2002). Ceux qui ont un respect élevé sont normalement considérés comme extrêmement violents ou même un peu fous. Donc, les autres jeunes veulent éviter des conflits avec ces personnes à cause de leur réputation violente PROBLÉMATIQUE Selon les recherches qui traversent plusieurs décennies, un adolescent est toujours dans la recherche d’une identité sociale et personnelle. En lien avec les concepts d’Erikson, Vigil (1988b) indique que l’identité sociale est attachée avec une affiliation de groupe, de gang, de club, etc. Pour sa part, l’identité personnelle est plus souvent liée à des traits et caractéristiques personnelles que le jeune veut évoquer. Les recherches d’Anderson (2003) et Garot (2010) indiquent que les deux identités se développent par les interactions sociales des jeunes. Brinthaupt et Lipka (2012) confirment cette notion suggérant que les relations sociales sont impératives dans le développement d’une identité. Dans la majorité des cas, les identités sont développées par les relations prosociales, les interactions positives quotidiennes du jeune. Ces relations prosociales incluent des relations avec les pairs, les professeurs, les clubs sociaux et les équipes sportives. Cependant, des situations où le jeune manque de relations augmentera le risque qu’il s’affilie à un gang. En effet, le gang devient un acteur important pour le développement des identités sociale et personnelle du jeune. Par exemple, quand l’identité sociale est liée avec un gang de rue, il se manifeste souvent par le port de couleurs et vêtements acceptés par le gang. Dans d’autres situations, l’utilisation des graffitis, symboles de gang et quartier, autrement connue sous le nom de «tagging» permet au jeune d’afficher son alliance et sa fierté d’être affilié au gang de rue. Également, le gang aide dans le développement de l’identité personnelle du jeune. Par exemple, le gang permet et encourage l’utilisation d’un surnom individuel pour chaque membre. Le surnom est une manière d’évoquer un trait de caractère spécifique au jeune. Le
  • 10. 10 développement d’un surnom aide le jeune à trouver des manières à se distinguer du gang par la création d’une identité personnelle. De plus, un surnom peut évoquer un message de valeur et croyances du jeune. Il est aussi pertinent de noter que des jeunes impliqués dans le tagging peuvent inclure leur surnom dans le graffiti, ce qui donne à leur surnom un moyen d’être exprimé visuellement au lieu d’être uniquement exprimé verbalement. La littérature suggère que le gang joue un rôle important dans les besoins des jeunes. En fait, le gang est souvent attirant pour le jeune parce qu’il répond à un ou des besoins spécifiques. Ces besoins, généralement soulignés dans la théorie de la hiérarchie de Maslow, incluent les besoins de sécurité, de statut, d’appartenance et de respect. Il existe d’autres besoins qui ne sont pas inclus dans la hiérarchie de Maslow, mais qui sont ressortis lors de la revue de littérature. Le besoin de structure comme décrit par Vigil (1988a) et Theriot et Parke (2008), le besoin de gains financiers selon Esbensen et coll. (2004) et le besoin de plaisir /amusement indiqué par Bordura (1961) et Agnew (2001). Ces besoins sont également notables dans l’importance du gang de rue dans la manière qu’il répond aux besoins des jeunes. Donc, l’importance du gang de rue sur l’adolescent peut être attribuée par le fait qu’il répond aux besoins spécifiques des jeunes et qu’il aide à développer les identités sociales et personnelles des membres. Cette recherche vise à conclure s’il existe une relation entre les besoins des jeunes répondus par le gang et leur identité sociale et/ou personnelle. Autrement dit, est-ce que les besoins répondus par le gang sont identifiables dans l’identité sociale et/ou personnelle? Pour répondre à cette question de recherche, cette étude vise deux objectifs. Premièrement, de déterminer les besoins spécifiques qui sont répondus par le gang pour chaque jeune. Deuxièmement, de comprendre les manières que les jeunes manifestent les deux types d’identités dans le contexte de gang. À Montréal, plusieurs jeunes impliqués dans les gangs de rue sont hébergés au centre de réadaptation de Cité-des-Prairies en raison des délits graves pour lesquels ils ont été accusés. Pour atteindre les deux objectifs, cette recherche mènera des entrevues avec ces jeunes délinquants. Les entretiens seront utiles pour connaitre les besoins spécifiques répondus par le gang pour chaque participant. Ils sont aussi essentiels pour connaitre les manières que les jeunes affichent leurs identités dans leurs communautés. Les jeunes dans la garde ouverte font partie d’un laboratoire social sur les gangs de rue où ils ont à leur disposition un tableau sur l’extérieur
  • 11. 11 de leur porte de chambre sur lequel ils sont libres d’y écrire ce qu’ils veulent. Les intervenants ont constaté qu’en laissant les jeunes écrire sur leur tableau personnel ceux-ci reproduisent leur tag utilisé dans la communauté. Par exemple, ces jeunes vont y inscrire leur affiliation, surnom et autres informations comme manifestation d’identité sociale et personnelle. Des analyses de contenus seront privilégiées pour analyser la manière que les jeunes s’affichent dans l’unité (comme le port de vêtements et couleurs spécifiques) et par la manière de tagging sur les tableaux. Selon le mandat d'intervention de réadaptation des jeunes hébergés à la Cité-des-Prairies, les éducateurs organisent des interventions «qui s'appuie sur les compétences du jeune et qui tient compte de ses besoins»1 . La pertinence de cette recherche découle de cet intérêt à offrir des interventions adaptées. Peu de recherches essayent de créer le pont entre certains besoins des jeunes et les identités sociale et personnelle. Pour cette raison, l'un des objectifs de cette recherche est d'établir la relation entre les deux concepts pour mieux aider les éducateurs et intervenants à identifier et préciser les besoins des jeunes délinquants hébergés le plus rapidement possible. Pour qu’une intervention soit efficace, il est nécessaire de pouvoir connaitre les besoins des jeunes impliqués dans un gang de rue d’une manière rapide et de concrètement lié les manifestations des identités à des besoins spécifiques. Selon Goldstein (1993), les jeunes délinquants commettent des crimes pour satisfaire les mêmes besoins essentiels à tous les jeunes. La seule distinction réside dans les moyens que le jeune utilise pour satisfaire ce besoin. Donc, des stratégies d’interventions devront répondre aux besoins des délinquants de façon efficace pour intervenir d’une manière prosociale et acceptable par la société. Cet objectif est en lien avec celui des intervenants du CJM-IU, qui souhaitent aider les jeunes hébergés à mieux s’adapter aux situations sociales tout en favorisant le désistement criminel. Ce niveau d’intervention «pourrait influencer et amener les jeunes à changer leurs comportements et leurs attitudes»2 . 1 Tiré du site : http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/adolescence_readapt.htm 2 Tiré du site : http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/adolescence_readapt.htm
  • 12. 12 DESCRIPTION DU MILIEU Le Centre jeunesse de Montréal – Institut universitaire a pour mission d’assurer le bien- être et la protection des enfants en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse (CJM-IU, 2014). Leur mission est à deux volets, un pour les jeunes en lieu de protection et un autre pour les jeunes contrevenants. Le Centre jeunesse de Montréal décrit sa mission comme suit : [Nous] assurons la protection et le bien-être des enfants et des jeunes qui sont victimes de négligence, de maltraitance physique, psychologique ou sexuelle ou qui présentent des troubles graves de comportement. Nous visons aussi à responsabiliser les jeunes qui commettent des délits, dans une perspective de protection durable de la société. Notre aide s’adresse aux familles francophones et allophones de l’île de Montréal. (CJM-IU, 2014). De cette façon, le Centre jeunesse entend jouer un rôle dans le développement d’un plan d’intervention unique aux besoins de chaque jeune en protection et leur famille pour qu’il puisse aspirer à un avenir meilleur. En 1963, le centre de réadaptation La Cité-des-Prairies a ouvert ses portes sur le boulevard Saint-Jean-Baptiste à Rivière-des-Prairies. Selon l’équipe du centre, l’hébergement des jeunes est «Le bout de ligne, la dernière tentative de faire quelque chose pour ces adolescents de 15 à 18 ans, dont une majorité a déjà complété le circuit des familles d'accueil et des centres de réadaptation» (équipe de Cité-des-Prairies, 1988, p.103). Aujourd'hui, la Cité-des-Prairies héberge les deux types de clientèles mentionnés dans la mission du Centre jeunesse. Le centre héberge les jeunes contrevenants et les jeunes qui ont besoin de protection et qui nécessitent un niveau d’encadrement plus élevé. La vie dans le centre est considérée comme dynamique avec plusieurs programmes diversifiés. Par exemple, le site Cité-des-Prairies offre des programmes axés sur le modèle psychoéducatif et une approche cognitive comportementale. À la base, ces programmes servent à responsabiliser les jeunes contrevenants ainsi qu’à réadapter et réinsérer dans la société les jeunes enfants et adolescents avec des troubles de comportement. En outre, ces programmes offrent une réponse adaptée à leur niveau de risque. Le Centre de jeunesse de Montréal - Institut universitaire (CJM-IU), par l’application de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA), a pour mandat de responsabiliser
  • 13. 13 le jeune à faire face à ses actions, mais aussi de développer ses compétences et celles de ses parents en vue de tenter de réduire les risques de récidive3 . Les interventions sont axées sur «l'identification des forces, les limites et les besoins de l'adolescent et de son milieu»4 . Les jeunes hébergés à la Cité-des-Prairies sont soit en garde ouverte ou en garde fermée. Ceux en garde fermée sont ceux considérés comme ayant un besoin d’encadrement plus intense que ceux en garde ouverte. Les jeunes garçons hébergés en garde fermée présentent un niveau de risque d’évasion plus élevé et souvent ne démontrent pas de réceptivité aux programmes et interventions offerts au centre. Les unités de garde ouverte sont des unités d’hébergement où les jeunes placés en vertu de la LSJPA ont commis des délits similaires à élever que ceux en garde fermée. Ce qui distingue les adolescents contrevenants hébergés en garde ouverte de ceux en garde fermée est le niveau de réceptivité à l’intervention et leur risque d’évasion moins grand. La garde ouverte est un service de deux unités où les chambres ne sont pas barrées et il n’y a pas de clôtures à l’extérieur. En garde ouverte, l’évaluation du jeune a permis de voir une plus grande ouverture au changement. La garde ouverte simule une vie plutôt normale où les jeunes vont à l’école hors de l’unité, contrairement à la garde fermé où les jeunes ne se déplacent pas hors de l’unité pour aller à l’école. La garde ouverte accueille entre autres des jeunes dans des gangs de rue où plusieurs projets les attendent. MÉTHODOLOGIE Les concepts de «besoins spécifiques répondus par le gang», «identité personnelle» et «identité sociale» sont trois concepts bien analysés par des recherches antérieures dans le contexte de gang de rue. Cependant, ces notions sont rarement comparées entre elles et ont rarement été évaluées dans un contexte de jeunes délinquants hébergés dans un centre de réadaptation. Pour mieux assurer le développement et l’analyse de la problématique, une méthodologie qualitative sera privilégiée. Cette section vise à bien définir la stratégie méthodologique, l’approche qualitative, la collecte des données et les méthodes d’analyses. 3 Tiré du site http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/lsjpa_mandat.htm 4 Tiré du site http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/jc_programmes.htm
  • 14. 14 6.1 Justification pour une recherche qualitative Un des objectifs de cette recherche vise à déterminer les perceptions des jeunes délinquants par rapport aux besoins individuels que chaque gang comble. La nature des besoins des jeunes adolescents est complexe et spécifique à chaque individu donc, nécessite une méthodologie où les jeunes délinquants peuvent expliquer le pourquoi de leurs besoins. Comme illustrés par Deslauriers et Kérisit (1997) : «La recherche qualitative a maintes fois été utilisée pour décrire une situation sociale circonscrite (recherche descriptive) ou explorer certaines questions (recherches exploratoires) qui peut difficilement aborder le chercheur qui recourt à des méthodes quantitatives.» (p.88) Contrairement à une analyse quantitative, une méthode qualitative vise à décrire, explorer et préciser les idées et opinions des participants. De plus, le concept de besoin n’est pas toujours un concept évident à décrire pour les jeunes adolescents. Donc, une méthode qualitative fournit l’opportunité d’élaborer leur point de vue sur la notion de besoin et de décrire ce qu’ils perçoivent comme pertinent. De plus, l’approche qualitative utilise plusieurs outils différents et est donc privilégiée puisque les deux concepts ne sont pas mesurés de la même façon. Un premier outil, l’entretien semi- dirigé, est utile pour que les jeunes puissent nous illustrer leurs besoins et l’importance du gang à répondre à leurs besoins spécifiques d’une manière détaillée qui n’est pas mesuré par d’autres outils. De plus, l’entretien a pour objectif secondaire de divulguer et clarifier les manières qu’un jeune manifester ses identités. Un deuxième outil, l’analyse des contenus vise à documenter la manière que les jeunes manifestent leurs identités dans l’unité. En effet, leur tableau personnel requiert une analyse de contenu afin de documenter ces manifestations. La documentation consiste à faire une description des tableaux individuels et à identifier les nuances et autres sections spécifiques des tableaux. 6.2 La méthode de collecte des données : entrevues semi-dirigées Le format semi-dirigé est privilégié pour que les jeunes puissent fournir leurs perceptions du concept de besoin, mais aussi pour les diriger afin qu’il n’y ait pas d’opinions et de
  • 15. 15 perceptions redondantes et non pertinentes. De plus, ces entrevues permettent aux chercheurs d’aborder les notions, les objectifs et les questions pouvant amener à mieux comprendre et interpréter les expériences et perceptions des jeunes (Poupart, 1997). Les données au travers des entrevues semi-dirigées nous permettront de comprendre pourquoi un jeune a rejoint un gang de rue et de façon plus spécifique, quel besoin est comblé par son affiliation. Les données vont principalement nous fournir une meilleure compréhension de ce que les gangs représentent pour eux. Les entrevues ont deux utilités secondaires. Premièrement, elles visent à comprendre l’information transcrite sur chaque tableau pour mieux déchiffrer la raison derrière certaines sections qui peuvent être ambigües ou ouvertes à plusieurs interprétations. Deuxièmement, les entrevues visent à savoir comment le jeune affiche son identité sociale et personnelle dans sa communauté parce qu’ils pourraient s’afficher de manière différente quand ils sont à l’extérieur du centre de réadaptation Cité-des-Prairies. Dans l’optique de la présente recherche, les entrevues semi-dirigées visaient à couvrir quatre thèmes principaux qui sont : (1) le contexte de vie du jeune hors de l’unité; (2) la description de son gang et son affiliation; (3) les besoins spécifiques répondus par le gang et (4) les manières d’affichages dans l’unité et dans la communauté. Les thèmes numéro deux (2) et trois (3) répondent spécifiquement au premier objectif tandis que le thème numéro quatre (4) répond au deuxième objectif. Pour sa part, les questions rattachées au premier (1) thème sont utiles pour recevoir des informations pertinentes sur les relations familiales, relations à l’école et sur leurs perceptions de leur quartier. Ce thème procure des connaissances de base sur le jeune qui peut être complémentaire aux autres questions posées par la suite. Par exemple, une description de l’état de la relation entre le jeune et ses parents peut expliquer pourquoi ce jeune cherche à répondre un besoin spécifique dans le contexte de gang. 6.3 La méthode de collecte de données : Analyse des contenus Comme illustré précédemment, les jeunes délinquants dans le milieu de garde ouverte au centre de réadaptation ont chacun un tableau qu’ils peuvent personnaliser à leur goût. Chaque tableau est collé sur l’entrée de chaque porte de chambre à la vue de tous. Il n’existe pas de règles formelles pour l’utilisation des tableaux. Une des seules règles divulguées aux adolescents est que les tableaux ne peuvent pas porter des symboles ou notions de violences, ou d’autres
  • 16. 16 images considérées comme négatives; par exemple des images de suicide ou d'agression sexuelle. Un projet commencé en 2011, les tableaux ont l’objectif d’aider les intervenants à mieux connaitre le jeune par son écriture, ses dessins, d’où le jeune provient, etc. Il est aussi considéré comme une piste d’intervention parce que le jeune peut inscrire ses émotions, ses pensées et d’autres choses qui ne sortent pas facilement verbalement. Les intervenants se sont aperçus que la majorité des adolescents utilisent leur tableau dans le but de se représenter dans l’unité. En effet, les tableaux deviennent un prolongement de chaque identité et sont sujets à changer d’un individu à l’autre. Ces changements reflètent les différentes façons que la personne affiche leur gang, leur quartier et qu’elle s’affiche elle-même, l’équivalent du tagging vu auparavant (selon la description procurée par Garot, 2010). Il est donc possible de suggérer que les tableaux sont des médiums visuels pour afficher les identités sociale et personnelle. Pour valider la suggestion que les tableaux sont, une représentation des identités, une entrevue avec un des éducateurs a été menée pour apprendre les inscriptions les plus souvent observées sur les tableaux des jeunes en garde ouverte. C’est au cours de cette entrevue qu’a ressortie l’information que les jeunes inscrivent majoritairement leur affiliation de gang, leur quartier et leurs surnoms. Suite aux réponses ressorties pendant l’entrevue, une grille de codage a été créée. La grille indique que les jeunes inscrivent majoritairement sept items : (1) leurs surnoms (ou AKAs); (2) le nombre de jours qui reste dans l’unité; (3) le nom de leur gang; (4) le quartier où ils habitent; (5) des graffitis (6) des dessins et (7) des commentaires ou expressions spécifiques. De plus, une autre section appelée «autres» a été ajoutée dans le cas où un jeune ajoute un item sur son tableau qui n’a pas été codé. La grille codifie aussi les manières dont le jeune s’affiche dans l’unité hors de son tableau. Selon la littérature sur l’affichage de l’identité sociale et personnelle, deux items étaient inclus : l’affichage par (1) les couleurs de vêtements et (2) l’utilisation des bandanas. Pendant l’entrevue avec l’éducateur il est ressorti que les jeunes peuvent aussi manifester leur affiliation de gang par quatre autres manières : (3) le port d’une casquette; (4) le cri de ralliement ; (5) une poignée de main et (6) un signe de main. Tous ces items sont spécifiques à l’association à un gang.
  • 17. 17 6.4 La population à l’étude La population des jeunes est celle du centre de réadaptation Cité-des-Prairies situé dans le quartier de Rivière-des-Prairies à Montréal. À la Cité-des-Prairies, les unités de garde ouverte hébergent souvent des jeunes qui sont impliqués dans un gang de rue. Le site Cité-des-Prairies est un centre de réadaptation qui héberge uniquement des jeunes gars. Ces adolescents ont en moyenne de 15 à 18 ans. À cet effet, le type de la population au centre correspond à la population souhaitée par cette recherche. Étant donné que le centre héberge des jeunes hommes délinquants qui, bien souvent, ont une affiliation à un gang de rue, Cité-des-Prairies est une source parfaite pour cibler des participants. 6.5 Échantillon Comme indiqué auparavant, le seul critère de départ était l’affiliation des participants aux gangs de rue ou à un groupe criminel. Progressivement durant l’étude, les répondants ont été sélectionnés sur la base d’un atelier clinique surnommée l’Activité Rézo. L’Activité Rézo est une intervention clinique qui comporte de 6 à 8 adolescents. Précédemment appelé Activité Gang, le nom a récemment été changé pour Activité Rézo afin de rejoindre les jeunes qui ne se disaient pas membre d’un gang de rue, mais d’un groupe ou réseau criminel. L’objectif de cet atelier est que les jeunes remettent en question leur mode de vie criminel et leur affiliation aux gangs. Les éducateurs au centre ne pensent pas qu’ils peuvent convaincre un adolescent de renoncer à son affiliation avec son gang dans le temps limité qu’ils partagent ensemble. L’objectif de l’atelier est simplement de bouleverser le jeune, de lui faire questionner ses choix précédents, ses motivations de joindre un gang et la manière dont il peut changer ces motivations d’une manière prosociale au lieu d’une manière délinquante. Pour atteindre cet objectif, l’atelier est divisé en dix ateliers. Ces ateliers sont offerts à raison d’une fois par semaine. Chaque atelier met l’emphase sur un sujet précis. Entre autre, l’Activité Rézo touche les sujets des définitions propres au gang de rue et au réseau criminel, les besoins des jeunes, l’importance du gang sur chaque jeune, leur rôle dans leur gang, etc. De ce fait, les jeunes impliqués dans l’Activité Rézo ont eu l’opportunité, avant le début de cette recherche, de réfléchir aux concepts de gangs, d’appartenance et à leurs besoins répondus par le
  • 18. 18 gang. Ainsi, les jeunes impliqués dans l’intervention clinique ont été ciblés pour cette recherche à cause de leurs capacités à réfléchir sur les notions mentionnées auparavant. 6.6 Le recrutement des répondants Les jeunes contrevenants en garde ouverte ont un horaire structuré du matin au soir. Le site Cité-des-Prairies aide dans la réadaptation des jeunes en garde ouverte en leur offrant des cours journaliers afin qu’ils puissent compléter leurs diplômes secondaires. Ils bénéficient également de cours techniques, des ateliers cliniques comme Activité Rézo ou PAV et des périodes d’auto-observation. Il a été noté que les jeunes contrevenants impliqués dans des gangs de rue sont souvent méfiants, agressifs et/ou défensifs à l’idée de se faire interviewer et analyser par un chercheur inconnu. Cela a été une problématique à confronter dans les débuts de cette recherche. De plus, les thèmes abordés sont des thèmes personnels et de l’information précise sur leur gang. Donc, il y avait des questionnements possibles sur l’honnêteté des répondants étant donné qu’il n’y avait pas de relation préétablie entre le jeune et le chercheur. Pour ces raisons, le recrutement des répondants a été fait quelques semaines après le contact initial entre le chercheur et les adolescents. Il était impératif que les jeunes perçoivent le chercheur d’une manière non menaçante et pas comme un étranger en train de les observer. Les trois premières semaines après le contact initial avaient pour objectif de connaitre les jeunes hébergés dans les unités. Le meilleur temps pour les rencontrer, où c’est encourager de socialiser et de rentrer en conversation, est durant les périodes de repas. Donc, c’est pendant des repas que les jeunes et le chercheur engageaient des conversations et créaient un lien de confiance. Un autre bénéfice au moment des échanges était la possibilité d’observer les manières que les jeunes manifestent leurs identités quand ils étaient en groupe avec d’autres jeunes dans l’unité. Après ces trois semaines de contact, il y avait toujours la préoccupation qu’un jeune refuse un entretien lorsqu’il se retrouvait en groupe. Par exemple, si un jeune décide de refuser un entretien devant les autres il se pouvait que les autres refusent aussi pour ne pas sembler différents des autres, comme une forme de pression par les autres jeunes dans l’unité. Pour éviter ce dilemme, le recrutement des participants c’est fait un à la fois durant la période d’auto-observation. Les auto-observations se font en solitaire dans leur chambre. Une discussion avec le jeune sur la
  • 19. 19 synthèse de la recherche sur les thèmes et les questions qui seront abordées au cours de l’entrevue a eu lieu lors de ces périodes. De plus, ils ont été informés qu’aucune information divulguée par le jeune ne sera partagée avec les éducateurs. Cela inclut leurs noms, information par rapport à leurs activités avec leur gang, les membres de leur gang ou autres informations considérées comme personnel pour le jeune. Ceci leur garantit un niveau d’anonymat et confidentialité qui est important pour la recherche puisqu’il augmente la probabilité d’avoir des participants honnêtes voulant partager ces informations pertinentes pour l’étude. Initialement, dix jeunes dans les deux unités ont été approchés pour l’étude. Cependant, après réévaluation, deux des participants ont été rejetés puisqu’ils ne se considèrent pas comme faisant partie d’un gang. De plus, un troisième jeune avait décidé de ne pas participer à l’étude parce qu’il partait du centre dans quelques jours et ne pensait pas avoir assez de temps libre pour m’accorder un entretien. Finalement, sept entrevues ont étaient accordés et menés la semaine après leur recrutement. 6.7 Caractéristiques sociojudiciaires des répondants Pour ce qui est des caractéristiques sociojudiciaires, force est de constater que les répondants de la recherche ont été en majorité soumis à de courtes ordonnances de garde. En effet, deux des six jeunes sont hébergés à la Cité-des-Prairies pour une durée de 4 mois, deux autres pour une durée de 8 mois, un pour 6 mois et finalement un répondant se trouve avec une des plus longues peines d’une période de 12 mois. Il est pertinent de noter que ces périodes de temps sont en fonction du temps passé dans l’unité et non en rapport avec la longueur de la peine complète. En effet, pour les jeunes en garde, soit ceux qui ont reçu une peine de «placement et surveillance» ceux-ci passent le deux tiers de leur peine dans l’unité et le dernier tiers de leur peine dans la communauté. Par exemple, le jeune qui purge une peine de 18 mois passera 12 mois en établissement et les 6 mois restants de sa peine seront complétés dans la communauté. Il est pertinent d’indiquer que dans le cas de jeunes délinquants, généralement, les peines sont davantage axées sur la réhabilitation que la punition en soi et donc, la cour impose des peines de garde moins sévères qu’aux adultes ayant commis les mêmes crimes. En ce qui concerne la raison pour leur peine, le centre Cité-des-Prairies héberge des jeunes délinquants qui ont commis des délits de nature grave et/ou commit des délits avec de la violence. La majorité des jeunes, cinq cas sur sept, ont été reconnus coupables de plus de deux
  • 20. 20 délits de cette nature. Pour les deux autres cas, les répondants ont été trouvés coupables d’un seul délit considéré grave/violent, pour recevoir une peine de garde à la Cité-des-Prairies. Le type des délits commis varie selon les jeunes, qui va du bris de promesse et engagement jusqu’à l’agression sexuelle. Pour en savoir davantage sur les types de délits pour lesquels les jeunes ont été reconnus coupables, le tableau 1 fait la description de ces informations. Leur antécédent criminel divulgue encore plus d’informations sur les jeunes répondants. Deux des sept jeunes se sont retrouvés à la Cité-des-Prairies pour une deuxième fois dans leur vie. Un des deux jeunes est rentré au centre pour un antécédent d’agression sexuelle et le deuxième jeune pour un antécédent judiciaire de vente de drogue et de voie de fait. En ce qui concerne les cinq autres jeunes contrevenants, deux ont des antécédents criminels sans avoir reçu une peine de garde. Ils ont dû être en probation ou dû faire des travaux communautaires. Dans le cas des trois derniers jeunes, ils n’avaient pas d’antécédents criminels et ne se sont jamais retrouvés en avant d’un juge. Leurs crimes actuels sont les seuls délits par lesquels ils ont été reconnus coupables et donc, leur première peine de garde à la Cité-des-Praires. Pour en savoir davantage sur les types d’antécédents criminels, le tableau 1 fait la description de ces informations. Table 1: Profil sociojudiciaire des répondants Caractéristiques N n Âge au moment de l’incarcération 7 16 1 17 3 18 3 Durée du garde 7 4 mois 3 6 mois 2 12 mois 1 NA 1 Délits associés à leur peine de garde 14 Agression sexuelle 2 Bris de promesse/ Engagement 3 Extorsion 1 Incendie criminel 1 Introduction par effraction 2 Méfait de plus de 5000$ 1 Possession/Vente de drogues 1 Possession d’armes 1 Voie de fait 2
  • 21. 21 Antécédents judiciaires 8 Agression sexuelle 1 Bris de probation 2 Introduction par effraction 1 Possession/Vente de drogues 2 Voie de fait 1 Vol et Recel 1 6.8 Le déroulement des entrevues Conformément aux exigences du milieu de la Cité-des-Prairies, trois entretiens ont été menés dans la cuisine de l’unité pour des raisons de sécurité. La table de la cuisine est face au bureau des éducateurs au cas où le jeune devient agressif ou cause des problèmes durant l’entretien. Pour assurer un niveau de confidentialité, l’entretien a été fait durant la période d’auto-observation pour que les autres jeunes dans l’unité soient confinés à leurs chambres. Les cinq entretiens précédents ont été menés dans une salle de conférence à l’extérieur de l’unité, mais toujours dans le centre. Il n’existait pas de question sur la confidentialité dans ce contexte ni de question sur la sécurité puisque ces cinq jeunes ne sont pas considérés comme agressifs selon les éducateurs. De plus, un bouton panique a été accordé au chercheur durant ces cinq entretiens dans l’éventualité où des agents d’intervention5 seraient nécessaires. À chacune des entrevues, les jeunes ont eu le choix de se faire enregistrer par dictaphone ou non. Dans six des sept entretiens, l’utilisation d’un dictaphone a été acceptée. Un seul jeune ne consentait pas à se faire enregistrer et donc le dictaphone n’a pas été utilisé. Toutefois, l’information pertinente a été notée à la main immédiatement après l’entrevue pendant que l’information était fraîche en mémoire. Avant le début de l’enregistrement, les jeunes ont été de nouveau avisés des objectifs de l’étude et des questions spécifiques posées par le chercheur. Par la suite, le dictaphone était en marche par l’entretien. La question de départ leur demandait de « parler un peu de ta relation avec ta famille». Cette question est en lien avec le thème du contexte de vie du jeune hors de l’unité. Il était pertinent de commencer avec le thème le moins lourd pour le jeune puisse se sentir à l’aise au début de l’entrevue. Ce thème était complet lorsque le jeune avait décrit ses relations avec sa famille, ses 5 Un agent d’intervention qui arrive en soutien au personnel clinique lorsqu’un jeune devient incontrôlable, menaçant ou agressif.
  • 22. 22 amis, ses professeurs et ses perceptions de sa communauté et de l’école. Le deuxième thème avancé était la description de son gang et son affiliation. La question principale posée était : «Comment est-ce que tu es rentré dans le gang? » Cette question ouvre la porte pour que le jeune développe sur sa participation au gang et sur la raison de sa décision de joindre un gang. Le troisième thème abordé est celui des besoins spécifiques répondus par le gang. Pour proprement aborder ce thème, deux questions principales ont été posées : «Pouvez-vous me parler de vos besoins individuels?» et «En lien avec tout ce que vous avez appris dans l’Activité Rézo, comment est-ce que votre gang répond à vos besoins?». Comme indiqué, ces deux questions sont des notions déjà vues durant l’atelier clinique et donc pouvaient être posées directement aux jeunes sans nécessiter d’explication sur ce que le chercheur attend. Le dernier thème avancé était celui des manières de s’affichages dans l’unité et dans la communauté. Les questions posées étaient : «De quelle manière est-ce que vous vous affichez dans l’unité? Et à l’extérieur? » Dans cette lignée de questionnement, des précisions sur les items trouvés sur leur tableau ont été abordées : «C’est quoi le message que tu veux passer quand tu t’affiches par [item trouver sur son tableau]?» et/ou «Parlez-moi plus en détail du sens de [item trouver sur son tableau]». 6.9 Stratégies analytiques des données Il existe un large éventail de littératures sur les stratégies analytiques dans le domaine qualitatif. Dépendamment du contexte de recherche, les objectifs de l’étude, la sélection des participants et la collecte de données, il est important de choisir une analyse de recherche qui s’adapte aux exigences spécifiques de l’étude. Selon les exigences de la présente étude, l’approche inductive est de mise. Selon David Thomas (2003), cette approche vise à identifier les «thèmes qui sont fréquents, récurrents, dominants ou significatifs dans les données brutes et évitent de soumettre l’analyse aux contraintes habituellement imposées par les stratégies d’analyse plus structurées [traduction libre]» (p. 238). Les objectifs de l’approche inductive consistent à rédiger les données brutes et établir des liens clairs entre les objectifs de recherches et ces données. Thomas (2003) décrit les objectifs de cette approche en trois étapes : la première est de rédiger les données brutes en soulignant les thèmes significatifs, la deuxième est de démontrer les résultats ressortis et finalement de tirer des conclusions par rapport aux résultats. En lien avec la description de l’approche inductive établie par David Thomas (2003), l’analyse des données ressorties durant cette recherche serait faite par une analyse verticale. Une analyse
  • 23. 23 verticale consiste à faire ressortir les thèmes pertinents de chaque individu. Ces thèmes seront les besoins spécifiques que chaque gang répond et les manières d’afficher une identité personnelle et sociale pour chacun des sept jeunes. Deuxièmement, une analyse horizontale sera privilégiée pour comparer les jeunes entre eux. Les comparaisons seront entre les jeunes qui ont les mêmes besoins répondus par leur propre gang. C’est durant l’analyse horizontale où des conclusions pourront être démontrées. En comparant les jeunes avec les mêmes besoins répondus, il est possible de voir si ces jeunes manifestent leurs identités de la même manière. Il sera donc possible de lier des besoins spécifiques avec des formes d’affichages spécifiques. Par exemple, si tous les jeunes ayant un besoin de respect s’affichent majoritairement par des surnoms, on pourrait comprendre qu’un besoin de respect s’identifie par une manifestation d’une identité personnelle. Cette manifestation de surnom offre aux éducateurs des informations sur le besoin du jeune ne nécessitant pas plusieurs ateliers ou rencontres entre eux. 6.10 Limites de la méthodologie Les relations soulevées par les résultats de cette recherche sont uniquement applicables aux jeunes délinquants hébergés à Cité-des-Prairies. Il est impossible de suggérer que généralement, tous les jeunes dans des gangs de rue ont des besoins liés aux formes d’affichages. En effet, l’analyse des contenus est uniquement liée aux formes d’affichages dans l’unité et sur les tableaux des jeunes hébergés dans ces unités. Considérant que les résultats sont applicables qu’aux jeunes à Cité-des-Prairies, ces résultats ne rejoignent pas les jeunes délinquants non- judiciarisés et les jeunes judiciarisés, mais qui ne sont pas en placement à ce centre de réhabilitation. Finalement, les résultats de cette recherche ne touchent pas les filles impliquées dans des gangs de rue à cause que l’échantillon de l’étude cible des jeunes garçons. RÉSULTATS ET DISCUSSION 7.1 Structure détaillée de la section des résultats Selon Angers (1992), les objectifs de recherche structurent le déroulement d’un rapport de recherche et aident à évaluer les données ressorties. Suivant cette notion, la structure de ce chapitre est divisée en trois sections. La première section sera une description du tous qui a été observé dans l’unité par le chercheur durant la longueur de sa recherche. Décrivant les
  • 24. 24 observations du chercheur selon la vie dedans chaque unité permettrait à contextualiser les prochains deux sections des résultats pour le lecteur. Les deux prochaines sections abordent les deux objectifs de recherche utilisant des analyses verticales et horizontales pour indiquer les thèmes abordés durant la collecte de données. La première des deux sections porte sur les besoins spécifiques à chaque jeune répondu par le gang. La deuxième section aborde le deuxième objectif. Il vise à décerner les manières que le jeune affiche une identité sociale et personnelle. Comme indiqué précédemment, chaque jeune manifeste plusieurs formes d’identités sociale et personnelle et donc, cette section abordera sur chaque jeune pour illustrer les manières les plus fréquemment utilisés par les jeunes à la Cité-des-Praires. Finalement une section conclura avec un résumé des résultats, les implications pratiques qui ressortiront des résultats de la recherche et les limites de l’étude. 7.2 Les observations du chercheur dans les unités Au commencement de la recherche, deux observations importantes ont été notées. Premièrement, le nombre de jeunes dans chaque unité était la moitié de la capacité maximale. Deuxièmement, peu de jeunes utilisaient leur tableau. Ces éléments ont probablement influencé les manières que les jeunes s’affichaient dans l’unité et cela peut venir influencer la collecte et l’analyse des données. Chacune des deux unités en garde ouverte peut héberger jusqu’à douze garçons. Dans une situation où une douzaine d’adolescents est hébergée dans l’unité, il pourrait y avoir plus de manifestations des manières dont les jeunes affichent leur identité sociale et personnelle. Par exemple, dans une situation fictive où la moitié des jeunes sont affiliés aux Bloods et l’autre moitié aux Cripps, des alliances et des cliques se formeraient dans l’unité selon leurs affiliations. En conséquence, les jeunes pourraient être plus enclins à afficher leur gang par l’utilisation de leur tableau, par le port de vêtements et couleurs spécifiques à leur gang et par autres modes d’affichages. Cependant, la réalité de Cité-des-Prairies est qu’il y a peu de jeunes dans chaque unité et dans plusieurs instances les jeunes évoquaient qu’afficher son gang et ses couleurs n’étaient pas nécessaires dans un petit groupe. Toutefois, les jeunes hébergés sont au courant de l’affiliation de chacun et donc ils trouvent inutile d’afficher leur gang dans l’unité. Dans une des unités il n’y a que cinq jeunes hébergés. Ces jeunes ont développés une relation amicale entre eux parce que, comme un jeune a dit, « il n’y a pas personne d’autre à parler avec». Il y avait des
  • 25. 25 conflits occasionnels entre deux gars, mais ces conflits étaient plus personnels que basés sur l’affiliation à un gang de rue ou une clique. Donc, il n’y a pas eu d’observation d’utilisation de poignées de mains, de cris de ralliement ou de signes de mains. Les résultats de cette recherche indiquent que les tableaux offrent beaucoup d’informations sur les identités sociales et personnelles des jeunes, mais qu’ils étaient aussi peu utilisés par le de jeunes dans les unités. Dans deux cas spécifiques, les jeunes participants n’écrivaient pas sur leur tableau pour deux raisons. La première raison est que ce n’était pas nécessaire parce que les autres jeunes dans l’unité les connaissaient déjà. Un des jeunes a illustré que ce n’était pas nécessaire d’écrire son gang ou son AKA [surnom] parce que : « les autres gars savent déjà de quelle gang je fais partie, s’ils ont des questions ils peuvent me les poser eux-mêmes». La deuxième raison a été illustrée par un jeune qui suivait une logique simple : dessiner sur un tableau à craie est banal et juvénile. Il se doit d’être mentionné que ce jeune a 18 ans et que pour lui, les tableaux sont des choses d’enfants, non de jeunes hommes. 7.3 Les besoins spécifiques des participants Les entretiens ont fait ressortir des résultats intéressants en lien avec les besoins des jeunes. Dans quatre situations sur sept, un besoin d’appartenance et un besoin de sécurité personnelle sont sortis comme un besoin répondu par le gang. Pour trois des sept participants, le gang répondait à un besoin de reconnaissance, un besoin d’avoir du plaisir et un besoin de pouvoir/contrôle. Le besoin d’appartenir à un groupe a été souvent un besoin répondu par le gang de rue. Dans le cas d`Adam, il appartient à plusieurs groupes de jeunes dépendamment des activités qu’il veut faire. Par exemple, il a un gang d’amis qui l’aidait à l’école avec ses devoirs, un groupe d’amis pour jouer aux sports, etc. Néanmoins, même avec tous ces différents groupes, c’était son gang de rue qui a répondu à son besoin d’appartenance. En effet, son gang est comme une extension de sa famille, où chaque membre est considéré comme un frère. Il avoue provenir d’une grosse famille amante, cependant il cherchait quand même à avoir une famille secondaire. Dans ses mots, «je me sens comme j’appartiens à quelque chose plus gros que moi». Son besoin d’appartenir à ce gang de rue a été motivé par les valeurs que lui et son gang partageaient. Il désirait faire partie d’un groupe de son quartier commettant des crimes afin de faire de l’argent, mais qui respecte certaines valeurs : (1) que ces activités ne sont pas trop dangereuses ni (2) que
  • 26. 26 ces activités peuvent nuire les autres comme un vol qualifié. Similairement, Dom cherchait aussi à appartenir à un groupe, malgré qu’il fasse partie d’une équipe de basketball à l’école. Il démontre que son gang répond à un besoin d’appartenance parce que son gang a besoin de lui et de ses talents. Pour Bill, il avoue qu’au début il cherchait à appartenir à un gang de rue parce qu’il les regardait commettre des crimes et faire de l’argent et lui aussi voulait une part de cet argent. Pour Bob, son besoin d’appartenance provient du fait qu’il souffrait d’une mauvaise relation avec sa famille, surtout sa mère, qui le considère comme méchant et violent et pour cette raison, le rejette de beaucoup d’activités familiales. En conséquence, il se sent marginalisé au sein de sa culture et par sa famille et a décidé de joindre un gang qui provient de son pays d’origine. Il mentionne que «le fait qu’ils [les membres du gang] m’ont accepté suggère que j’ai quelque chose en moi et que je représente bien ma culture». Dans les recherches classiques, le besoin d’appartenance apparait quand une personne ne se sent pas accepter ou ne s’intègre pas dans un groupe, comme le démontre Bob. Selon Vigil (1988) et Theriot et Parke (2008), de jeunes adolescents qui sont marginalisés au sein de leur école, de leur famille et qui ont peu d’opportunités prosociales, recherchent une appartenance à un gang de rue pour combler ce manque. Dans les cas de Dom et Adam, ils sont deux jeunes avec peu de marginalisations, faisant déjà partie de plusieurs autres groupes à l’école et sans grand conflit familial. De plus, Adam et Dom illustrent que leurs amis dans le gang ont un niveau d’importance similaire à une deuxième famille. Esbensen et collègues (2004) affirment que des adolescents dans un gang de rue indiquent souvent que leur gang est comme une famille pour eux. Ce qui n’est jamais mentionné dans ces recherches, c’est que le besoin d’appartenance n’est pas obligatoirement causé par un manque d’appartenance, mais comme dans les cas de Dom et Adam, peut résulter par un besoin d’avoir plus. Le besoin de sécurité personnelle est un besoin qui a ressorti pour la majorité des entretiens. Dans le cas de Jack, le gang lui accorde un niveau de sécurité dans sa lignée de travail. Lorsqu’il exerce ses activités criminelles, il se sent en sécurité en sachant qu’il est protégé de tous ceux qui sont prêts à lui faire du mal. Comme illustré par Jack, Adam a aussi un besoin de sécurité personnelle qui résulte de ses activités criminelles. Selon Adam, quand il fait ses «travaux», il se sent protégé par son gang. Comme il a été poétiquement exprimé : «l’union fait la force». Contradictoirement des recherches scientifiques de Morgan et Shelley (2004) le contexte du
  • 27. 27 quartier ne joue pas un rôle majeur dans le besoin de sécurité de Jack, et d’Adam, comme attendu dans les recherches antérieures. En effet, selon Adam il se sent en sécurité dans son quartier. Ce n’est que strictement durant le déroulement des activités criminelles que les jeunes ne se sentent plus en sécurité et nécessitent la protection de leur gang et donc ce besoin n’est pas un besoin fondamental, comme illustré par Maslow (1968), mais se présente uniquement à cause de l’appartenance a son gang respectif. Contrairement aux cas auparavant, Alex indique que c’est son quartier insécurise qui amène un niveau de risque élevé. Dans la situation où «un gars veut me poignarder, mes boys [amis, proches] sont là pour me protéger ». Il avoue que ce niveau de risque est encore plus élevé durant la commission de ses activités criminelles, mais pendant son entretien il expose son quartier comme dangereux, ayant souvent des bagarres sur les rues et des coups de feu qui peuvent être entendus à distance. Similairement à ces raisonnements, Bob indique que son besoin de sécurité personnelle est lié a son vouloir de se sentir fort. Selon Bob, il ne se sent pas nécessairement en sécurité dans son quartier. Il y a des moments où il faisait face à des situations dangereuses qui nécessitaient l’utilisation de la force. Considéré comme un jeune qui est maigre et petit, il haïssait se sentir faible et l’appartenance à un gang lui offrait l’opportunité de se sentir fort. Par exemple, il illustre une situation où un autre jeune le harcelait sur la rue. Son gang avait retrouvé l’adolescent pour lui afin qu’il puisse le battre avec son gang à ses côtés. À la fin de cette bagarre, les membres l’ont félicité pour un travail bien réussi. Il est possible de suggérer que son sentiment de force est lié à la sécurité qui provient de son gang. Pour Bob, il ne se sent pas fort d’une manière physique en soi, mais par une puissance qui découle de l’appartenance à son gang. Le contexte d’Alex et Bob et leur besoin de sécurité personnelle sont de nouveau expliqués par les recherches classiques, qui indiquent que les caractéristiques du quartier jouent un rôle dans le besoin de sécurité. Comme vu auparavant par Morgan et Shelley (2004) et Kubrin (2012), un quartier qui est principalement violent, qui présentent des problèmes sociaux et une désorganisation sociale, va fréquemment favoriser des jeunes à joindre un gang pour ne pas être victimiser. Bob se sentait peu protéger quand il se promenait dans les rues de son quartier. Ce manque de protection faisait qu’il se sentait faible et donc, aimait le fait que le gang le protégeait dans les rues.
  • 28. 28 Selon les réponses fournies par les jeunes participants, le besoin de reconnaissance est un concept souvent interchangeable avec le besoin de respect. Au cours de trois entretiens, les participants indiquent qu’ils veulent être reconnus comme des hommes dignes du respect des autres. Dans le cas de Jack, il indique que le gang lui fournit une reconnaissance dans sa communauté comme un homme fort. Pour atteindre cet objectif, il a créé un surnom qui lui offrait du respect par ses pairs. Le surnom indique qu’il collecte souvent du profit par ses activités criminelles. Selon Jack, être reconnu comme un homme qui travaille tellement bien qu’il fait beaucoup d’argent est l’équivalent d’être respecté par son éthique de travail ardu. Pour Alex, il recherche de la reconnaissance par les autres membres du gang afin qu’ils le considèrent comme sérieux, capable d’exceller. Il nous démontre cette recherche par les propos suivants : « je ne voulais pas que les gars pensent que je suis un petit con, mais que je suis capable d’aller loin et d’avoir du respect». Il admet n’avoir personne qui reconnaît ses capacités et donc, faire des travaux pour le gang avec succès résulte au respect des autres membres. Dom avait aussi suggérer qu’il voulait se faire respecter. Il était reconnu comme un des meilleurs joueurs de basket à son école et en conséquence, avait le respect des autres. Cependant, Dom voulait toujours plus de respect, et donc a créé son propre gang avec l’aide d’amis d’enfance pour qu’il puisse en acquérir d’avantage. Le respect reçu par son gang est lié au fait qu’il joue le rôle d’un leader, souvent le cerveau du gang dans le développement des plans criminels. Comme le besoin d’appartenance, son besoin de respect ne découle pas d’un manque, mais découle de son avidité d’en vouloir plus. Dans chaque cas, l’atteinte du respect des autres survient après que le jeune a fait des travaux pour le gang. Autrement dit, ce sont les activités criminelles faites par les jeunes qui amènent souvent le respect des autres, un phénomène bien documenté. Par exemple, Wilkinson (2001) remarque que des crimes sont faits dans le but d’augmenter le statut social du jeune dans le gang. Cependant, les résultats d’Anderson (1999) sont dichotomiques avec les témoignages des jeunes durant ces entretiens. Anderson (1999) indique que le besoin de se faire respecter est souvent causé par un manque de respect où le jeune sous-estime sa valeur dans la société. Contrairement au contexte d’Alex, qui a clairement indiqué un manque de reconnaissance dans sa vie quotidienne, Jack et Dom ne souffrent pas d’un manque de respect. En fait, Dom est respecté à l’école pour ses habilités à jouer au basketball. Jack a déjà du respect dans son gang qui provient d’un lien intergénérationnel dans son gang. Jack avait deux frères qui étaient des membres de
  • 29. 29 haut rang dans le gang. Cependant, il cherche à se faire reconnaitre d’une manière axée sur sa personne et ses travaux, que par une forme de népotisme. Trois des sept entretiens ont révélé qu’un des besoins répondus par leur gang était le besoin de plaisir. Le gang fournit un niveau de plaisir pour Alex et Dom. Il crée des opportunités pour s’amuser en groupe, pour aller à des fêtes, etc. L’opportunité de s’amuser en groupe est exposée depuis longtemps par Bordura (1961) qui illustre certains jeunes qui veulent une vie plus excitante qu’uniquement celle reliée au milieu scolaire. Des jeunes sont souvent à la recherche du plaisir et quand un jeune voit un pair déjà en train de s’amuser en groupe, il veut aussi joindre le groupe qui fournit ces opportunités d’amusement. Autrement dit, les membres du gang ont une dynamique plus que simplement des collègues criminelles. Comme indiqué par Esbensen, Deschenes et Winfree Jr. (2004), plusieurs jeunes rentent dans un gang dans lequel leurs amis sont déjà impliqués. En fait, dans la recherche de plaisir, le gang devient plus attirant quand des amis sont déjà dans ce gang. Hors de ce contexte, le gang permet aussi d’avoir du plaisir d’une manière indirecte. Selon Tim, les activités criminelles auxquelles il participe lui fournissent l’argent pour s’amuser comme il le désire. Donc, le gang lui donne la liberté d’avoir du plaisir dans la vie, que ce soit le jeu, l’alcool, la drogue ou voyager. Finalement, les gangs de rue fournissent des opportunités pour les jeunes à posséder du pouvoir et/ou du contrôle sur un/des aspects de leurs vies. Dans le cas de Jack, il n’a jamais été persuadé pouvoir trouver un emploi légitime à cause qu’il déteste l’idée d’avoir un gérant qui exerce un niveau de contrôle sur lui. Ce contrôle découle du contrôle de son horaire, les clients qu’il doit cibler, la manière qu’il doit parler aux autres et le taux horaire fixe qui, selon lui, est très bas. Le gang fournit les «produits» et un emploi qui lui offre l’avantage de contrôler le type de clientèles avec qui il désire s’associer. Pour Bill, il trouve que son besoin d’appartenance a été remplacé par un besoin de faire de l’argent. Il indique qu’il aime être financièrement indépendant pour son âge, sans avoir besoin d’un emploi traditionnel ou l’aide de ses parents. En surface, il serait facile de conclure que son besoin est uniquement lié aux gains financiers. Cependant, Bill a indiqué que le besoin d’argent s’allie à un but plus large : l’indépendance. Donc, le gang lui fournit l’opportunité d’avoir le pouvoir d’être indépendant des acteurs mentionnés ci-haut. La relation entre le besoin d’argent et le pouvoir est illustrée également dans le cas de Tim. Celui-ci avoue que le gang répond à son besoin de faire de l’argent. Ses gains financiers ont pour but
  • 30. 30 qu’il ait le pouvoir de contrôler sa vie. Selon Tim, «je voulais faire ce que je veux, quand que je veux sans rien m’empêcher». Il voulait contrôler sa vie afin d’avoir la liberté concernant le plaisir dans sa vie. Il comprend que tout ça nécessite de l’argent. Au lieu d’être toujours endetté ou attendre pour une paye, le gang lui permet d’avoir du pouvoir qui vient des gains financiers. Son besoin de contrôle est encore plus évident par la façon qu’il contrôle ses identités personnelles et sociales. Il ne manifeste pas d’identité sociale attachée à son gang parce qu’il n’a pas la fierté d’être associé à son gang et donc, ne désire pas afficher son appartenance. Il insiste : «de flasher [afficher] une affiliation à un gang est de mettre une cible sur ton dos pour la police. […] Ce n’est pas bon pour le business». Il avoue avoir une multitude de surnoms, tous sans aucune signification personnelle selon lui. La raison pour tous ces surnoms est que ses clients ne le connaissent pas sur une base personnelle et en conséquence ne peuvent l’identifier à un agent de police. Donc toutes les manières qu’il affiche son identité personnelle et la façon qu’il n’affiche pas d’identité sociale ont pour but de continuer à contrôler ses activités criminelles. Ces trois cas indiquent comment des besoins sont souvent inter-reliés et sans distinction pour un jeune. Le besoin de gains financiers est souvent discuté dans les recherches scientifiques. Comme celle d’Esbensen, Deschenes et Winfree Jr. (2004), qui démontre 47% des jeunes vont joindre un gang pour des gains financiers, peu souvent le besoin de gains financiers est mentionné ou interprété suggérant une relation avec le besoin de pouvoir et de contrôle. En fait, peu de recherches indiquent que des gangs de rue fournissent un sentiment de pouvoir et de contrôle dans un aspect de vie des jeunes. Selon Valdez et ses collègues (2000), les jeunes qui sont plus susceptibles de joindre un gang sont souvent plus irresponsables et font des choix plus antisociaux par rapport de leur choix de vie. Par exemple, ces jeunes vont choisir de ne pas avoir un emploi légitime ou ne poursuivirent pas leurs études. Il est possible de conclure qu’à cause de ces caractéristiques mentionnées, joindre des gangs de rue pourrait donner à un jeune le sentiment de contrôler sa vie quand il rejette des opportunités prosociales. Cependant, cette conclusion n’est pas celle de Valdez et ses collègues (2000), mais résulte des entretiens avec Jack et Bill. Ces deux jeunes indiquaient d’avoir rejeté l’idée d’avoir un emploi normal. L’appartenance à un gang était plus attirante aux jeunes, car il fournissait l’opportunité pour contrôler la manière qu’ils pourraient faire de l’argent par le gain financier qui provient des activités criminelles. D’une façon générale, les recherches scientifiques ne sont pas axées sur le besoin de pouvoir/contrôle.
  • 31. 31 7.4 Les formes d’affichages de leurs identités sociales et personnelles Dans la communauté : Pour Adam et Alex, ils utilisent souvent une poignée de main spécifique à leur gang que seulement les autres membres de leur gang connaissent. Adam montre que la poignée de main est utilisée pour que les autres membres du gang le reconnaissent comme membre. Alex indique que l’utilisation de cette poignée de main est un symbole de respect entre les deux participants. Pour cette raison, Alex utilise cette poignée de main uniquement avec ses amis proches et avec ceux qu’il veut respecter et se faire respecter. Cette technique est clairement utile pour Alex, qui indique qu’il est souvent à la recherche de respect et de reconnaissance des membres de son gang. Quand la poignée de main est offerte par Alex et est réciproque, cela lui fournit et justifie son désir d’être respecté. Les recherches sur l’utilisation de poignée de main sont concentrées sur l’utilisation d’afficher des signes de mains. Ces signes de mains sont normalement des symboles pour le nom de leur gang et sont utilisés dans le contexte de provoquer des membres d’une autre gang (Jackson et McBride, 1986). Rares sont les recherches qui concluent que les poignées de main sont utilisées comme symbole de respect entres des membres de la même gang et donc, il est intéressant de noter une relation entre l’utilisation de poignée de main et le respect, un résultat inattendu durant la revue de littérature. L’utilisation d’un surnom dans la communauté est ressortie durant trois entretiens. D’après Jack, manifester son identité personnelle par l’utilisation d’un surnom est une fierté. Les membres de son gang et les personnes sur la rue le connaissent comme un collecteur d’argent. Selon Jack, son surnom illustre son succès. Il fait tout son possible pour que les autres le considèrent comme une personne qui prend son travail au sérieux et qu’on ne veut pas avoir d’ennuis avec. Pour Dom, tout le monde dans son gang possède un chandail avec le nom de son gang et leur propre surnom d’inscrit. Comparable à Jack, Dom est particulièrement fier de son surnom. Un nom qu’il a choisi lui-même et qui indique qu’il organise les travaux du gang avec facilité. Dom porte couramment ce chandail à des fêtes et autres événements sociaux. Pour Bob, les membres dans son gang l’appellent Joker, un surnom qu’il a lui-même choisi. Bob mentionne que son surnom est devenu comme une extension de sa personnalité et qu’il essaye d’en manifester ses traits dans ses interactions. Autrement dit, il veut que le monde le connaisse comme étant un gars qui aime
  • 32. 32 rire et faire rire, mais qui est aussi fou/violent comme le personnage fictif dans les bandes dessinées de Batman. Suivant la recherche de Jackson et Mcbride (1986), l’utilisation d’un surnom fait partie du développement d’une identité personnelle. Les jeunes choisissent souvent un surnom basé sur un trait, caractéristique personnelle ou une valeur qu’ils désirent affichés au monde. Jack désire manifester une éthique de travail ardu. Dom et Bob manifestent un trait personnel qui les distingue des autres membres du gang. De plus, l‘utilisation de leur surnom commande souvent du respect par les autres jeunes dans leur entourage. Par exemple, Jack avoue qu’il cherchait la reconnaissance par ses activités criminelles et son succès comme un travailleur acharné. Une des manières qu’il peut être reconnu de cette façon était de créer un surnom qui suggère de le respecter comme un travailleur acharné. Quand le monde utilise son surnom, ils confirment expressément ce surnom et le respectent du fait même. Pour sa part, Dom avait son surnom affiché visuellement sur un chandail. Cet affichage illustre bien que Dom désire que le monde le reconnaisse comme un gars qui organise bien ses activités. Il désire se faire respecter pour son rôle dans le gang et son surnom joue souvent un rôle dans la prise de contact entre lui et les gens autour de lui. Souvent, la majorité des jeunes dans le gang vont s’habiller en couleurs de gang dans la communauté. Plus précisément, cinq des sept jeunes avouent porter des vêtements qui représentent leur gang sur la rue. Adam porte souvent des vêtements de couleur de son gang, mais essaye de ne pas exagérer : une casquette et des souliers rouges sont assez pour s’affilier au gang. Alex manifeste également son identité sociale par le port de couleurs spécifiques à son gang. Contrairement à Adam, il est connu pour être couvert de la tête au pied en bleu. Comme indiqué auparavant, Dom possède un chandail avec le nom de son gang d’inscrit. Bill manifeste souvent son identité sociale par le port de vêtement et couleur lié à son gang. Bob s’affiche dans la communauté en bleu, la couleur de son gang. Puisqu’il est guidé par l’appartenance à son gang, il indique qu’il se sent fier quand il porte les couleurs de son gang. Dans l’unité : En lien avec la section précédente, il est observé qu’Adam, Alex, Dom et Bill s’habillent tout en couleurs de gang autant dans l’unité que dans la communauté. Dans l’unité Bill est enclin à
  • 33. 33 porter un vêtement ayant la couleur de son gang dans le but de provoquer les autres adolescents qui le dérange. Pour Alex et Dom, ils portent des vêtements ayant la couleur de leur gang quand ils s’ennuient leurs amis. Leurs cas indiquent que le port de couleur de gang agit comme un symbole de connexion entre ces jeunes et les membres de leur gang. Ils ont une fierté à s’associer visuellement à leur gang. Effectivement, sans comprendre pleinement la connexion, Bob admet qu’il sent faire partie de son gang et par conséquent faire partie de sa culture quand il affiche son gang par le port des couleurs de son gang. Des jeunes qui se trouvent marginaliser au sein d’une multitude de groupes micro et macro vont souvent se sentir tirer envers l’appartenance à un gang de rue, selon la recherche de Vigil et Yun (1998). Par exemple, ces jeunes qui sentent excluent au sein de leur famille, culture ou d’autres groupes sociaux vont trouver un sentiment d’appartenance à un gang de rue. Normalement, selon Vigil et Yun (1998) ces jeunes qui souffrent d’une marginalisation multiple sont des jeunes ethniques. Leurs cultures sont souvent des cultures déjà marginalisées dans la société d’une manière socio-économique comme la culture latino, noire ou amérindienne. Donc, le gang agit comme une lueur d’espoir pour ces jeunes qui essayent de trouver n’importe quelle connexion entre eux et leur culture d’où ils se sentent marginalisés. Quand le jeune est finalement un membre à son gang, il obtient un sentiment de fierté non existant auparavant et peut représenter son affiliation au gang comme qu’il représentait sa culture. Dans les cas des jeunes participants, la représentation de leur affiliation est faite par le biais des vêtements. En fait, dans chaque cas où le jeune s’habille en couleurs de gang, il y a aussi un besoin d’appartenance qui est répondu par le gang. À l’opposé de Bob, les autres jeunes sont ignorants de la connexion entre leur besoin d’appartenance et le fait qu’ils s’habillent en couleurs de gang. Mais ne démontrent pas de marginalité au sein de plusieurs acteurs comme vus dans le cas de Bob. Il peut exister un autre lien possible, le lien entre le port de couleurs de gang et la sécurité personnelle. Selon Garot (2010), les adolescents qui cherchent de la protection dans les rues portent souvent des couleurs, des vêtements et autres marqueurs visuels associés au gang préconisé pour atteindre ce besoin. Les entretiens avec Jack, Adam et Alex ont fait ressortir qu’ils ont un besoin de protection pendant qu’ils mènent leurs activités criminelles. Selon eux, ils se sentent en sécurité quand les autres membres participent aux activités criminelles, mais il est
  • 34. 34 aussi possible de suggérer que le port de vêtements de gang a une influence dans leur sentiment de protection. La revue de littérature suggère que le port de vêtements et couleur de gang sont souvent lié à une identité sociale. Cette identité est créée par le jeune pour que tout le monde l’identifie sous l’étiquette de gang de rue, comme indiqué par Caughey (1980). Cette étiquette proclame que ceux qui veulent nuire à cet adolescent devront faire face aux conséquences par le gang de rue (Garot, 2010). Sur les tableaux : Hors des limites énumérées plusieurs fois au cours de cette recherche par rapport à l’utilisation des tableaux, les jeunes participants tombaient dans une des deux catégories : l’utilisation complète de leur tableau ou le rejet complet. Quatre des sept jeunes ont utilisé leur tableau durant le déroulement de la recherche. Dom et Bill inscrivaient des items semblables. Les observations faites par le chercheur illustrent que ces deux jeunes inscrivaient le quartier d’où leur gang provient, le nom de leur gang et leur surnom. Dans les deux cas, ils ont laissé cette information sur leur tableau tout au long de la recherche. Dom écrivait sur son tableau pour deux raisons : occuper son temps dans l’unité et avant le commencement de cette recherche, tous les jeunes s’affichaient de cette manière. Cependant, il peut exister des significations plus profondes pour ces jeunes. Conformément à la recherche de Garot (2010), il existe certaines formes de tagging où le jeune dessine son affiliation avec un gang. Cette forme d’affichage est considérée avoir le même effet que le port de couleurs de gang. Autant dire que c’est une manière pour le jeune d’afficher son affiliation a son gang, d’exclamer au monde qu’il est fier du gang auquel il appartient. Si dessiner le nom et quartier du gang a le même effet que le port des couleurs de gang, il est possible qu’il réponde au même besoin. Dom et Bill sont les deux seuls jeunes qui ont le nom de leur gang et leur quartier inscrit sur leur tableau et donc, il est possible d’assumer que ces jeunes avec un besoin d’appartenance vont afficher cette fierté d’appartenance grâce à leur tableau. Dans le cas de Jack, il utilise sont tableau pour manifester une expression qui, pour lui, représente de pouvoir dans sa vie. L’expression, similaire à «je suis important dans mon gang»6 , expose vaguement le rôle de Jack dedans son gang. L’expression a aussi la signification de dire 6 L’expression utilisée par Jack sur son tableau a été modifiée dans le but de protéger l’anonymat du jeune.
  • 35. 35 qu’il ne prend pas des ordres des autres, mais qu’en effet, c’est lui qui donne des ordres et que les autres devront le suivre sans faute. Hors de ce qui est normalement vu sur les tableaux, une expression avec cette signification exprime aux jeunes que Jack est en effet, un membre de gang plus dur qu’eux autres. Il lui fournit du pouvoir et de respect dans l’unité par les autres jeunes parce qu’ils le croire comme le leader dans l’unité et le respect à cause de ce fait. Il est possiblement le seul résultat qui indique que le pouvoir/contrôle est lié à une forme d’affichage visuelle dans l’unité. Dom, Bill et Bob inscrivaient leur surnom sur leur tableau. Durant les entretiens, Dom et Bob ont divulgué qu’ils avaient une fierté associée à leur surnom. À l’inverse, Bill avoue que son surnom à peu de signification pour lui, indiquant que c’était un surnom donné par ses amis d’enfance et qu’il ne la jamais rejeté. Dans l’unité il est parfois difficile de toujours afficher un surnom. Dans le cas de Dom, il ne pouvait pas amener son chandail avec son surnom inscrit dessus. Pour Bob, il est difficile de s’afficher comme un fou violent avec d’autres jeunes ou éducateurs dans un contexte comme la Cité-des-Prairies, où des actes de violence sont rencontrés avec des sanctions négatives, des fois des sanctions judiciaires. Hors des poignées de mains et le port de couleurs de gang, qui peuvent se faire de la même façon dans l’unité comme dans la communauté, les tableaux offrent l’opportunité pour ces jeunes de manifester leurs surnoms de façon différente que dans la communauté.
  • 36. 36 7.5 Conclusion Figure 1: Un diagramme contextuel sur les besoins des jeunes à Cité-des-Prairies et les façons qu'ils affichent leurs identités dans la communauté, dans l’unité et sur leur tableau. En résumé, les jeunes à la Cité-des-Prairies ont des besoins d’appartenance, de reconnaissance et respect, de sécurité personnelle et de pouvoir qui influence la manière qu’ils manifestent leurs identités sociale et personnelle. Comme illustré dans la figure 1, les jeunes qui ont un besoin d’appartenance souvent représentent leur identité sociale par l’affichage de leur gang de rue. Adam, Dom, Bob et Bill tous portent des vêtements ou couleurs associés à leur gang dans la communauté. Il était observé aussi que Dom et Bill écrivaient leur gang et/ou quartier sur leur tableau, une forme de tagging qui fournit le même sentiment d’appartenance que le port de couleurs de gang. Pour les jeunes qui ont indiqué avoir un besoin de reconnaissance/respect, ils mettent souvent l’accent sur leur identité personnelle. Par exemple, dans le cas de Dom et Jack, l’utilisation de leur surnom dans la communauté est lié au besoin du respect. Le surnom de Jack indique qu’il devrait être reconnu comme un homme qui travail fort et le surnom de Dom indique
  • 37. 37 qu’il est quelqu’un qui organise bien ses activités dans le gang, ce qui leur fournissent du respect dans leur gang. De plus, les exemples fournis par Alex et Adam illustrent que l’utilisation des poignées de main est souvent un symbole de respect entre deux personnes dans le gang. Une poignée de main est offerte par un jeune quand il veut présenter du respect à un autre jeune. L’autre jeune ayant du respect réciproque répond à cette poignée de main. En outre, Dom et Jack utilisent leur tableau dans l’unité dans le but de répondre au besoin de reconnaissance. Pour Dom, il n’a pas accès au chandail avec l’inscription de son surnom, mais il est possible pour lui d’écrire son surnom sur son tableau pour que les autres jeunes dans l’unité le reconnaissent de la même manière qu’à l’extérieur. Pour Jack, il avait inscrit exclusivement une expression qui illustre qu’il est un homme qui donne des ordres aux autres et non l’inverse. Cela est pour que les jeunes dans l’unité le reconnaissent comme un leader méritant du respect. Les résultats indiquent qu’en ce qui concerne les jeunes de Cité-des-Prairies qui ont un besoin de sécurité personnelle, ils accordent plus d’importance à la manifestation de leur identité sociale liée à leur affiliation à leur gang de rue. Cela est le cas d’Adam, Alex et Bob qui portent tous des vêtements et/ou couleurs de gang dans la communauté pour qu’ils se sentent en sécurité. Selon le contexte d’Adam et Bob, ils ne sentent pas à l’aise dans leur quartier, suggérant qu’il y a plusieurs éléments criminels dans le quartier et qu’il existe plusieurs situations où le jeune faisait face à des menaces sur la rue. Donc, le port des couleurs de gang leur fournit un sentiment de protection contre ceux qui veulent leur faire du mal. Selon Adam et Jack, leur besoin de sécurité personnelle découle non d’un besoin de sécurité fondamentale, comme les cas d’Alex et Bob, mais découle de leur affiliation à leur gang et les activités criminelles auxquelles ils participent. C’est durant le déroulement de ces activités criminelles où le jeune a besoin d’un niveau de protection élevé. Cependant, Adam est le seul entre les deux qui portent des couleurs de gang dans la communauté. Jack croit qu’uniquement les wannabes [les faussaires] et les plus jeunes portent des vêtements de gang et qu’un vrai membre de gang ne nécessite pas d’afficher son gang de cette manière. Donc, ces résultats indiquent que dans trois cas sur quatre, un jeune avait un besoin de sécurité personnelle et de ce fait, affiche son identité sociale pour se sentir plus sécuritaire. Suite aux entretiens avec Jack, Tim et Bill, leur besoin de pouvoir se présente souvent en cachant leur affiliation à leur gang de rue. Cependant, l’expression écrite sur le tableau de Jack illustre qu’il utilise son tableau pour exprimer son besoin de pouvoir. Comme indiqué auparavant, son tableau illustre que Jack est un leader dans son gang. En plus de lui
  • 38. 38 fournir du respect, l’expression sur son tableau lui accorde aussi du pouvoir par l’expression de sa position dans le gang. 7.6 Limites de l’étude Une des limites rencontrées durant le déroulement de l’étude était la non-utilisation de tableaux individuels de certains participants. En effet, il était mentionné par les éducateurs avant le début de la recherche que la majorité des jeunes en garde ouverte utilisait leur tableau. Cette constante n’a pas été observée pendant la durée de cette recherche puisque presque la moitié des jeunes ne s’affichait pas sur leur tableau pour plusieurs raisons. Cela limite l’apport important de données au contenu quand les tableaux ne sont pas un instrument d’affichage utilisé par les participants. Il est devenu inévitable de faire ressortir le plus de contenu possible par les manières qu’ils s’affichent dans l’unité hors des tableaux. De plus, les entretiens ont mis plus d’emphase sur les questions du quatrième thème en leur posant des questions sur les manières d’affichage hors de l’unité pour combler le manque de contenu causé par cette limite. Une deuxième limitation existe dans le nombre de participants de l’étude. Les deux unités de garde ouverte à la Cité-des-Prairies peuvent chacune hébergés un maximum de douze jeunes. En théorie, avoir une unité complète peut faire ressortir plus de contenu par rapport à la façon d’affichage dans l’unité et augmente la probabilité que plus de jeunes utilisent leurs tableaux. De plus, cela permet d’avoir un plus grand nombre de participants à interviewer. Cependant, il n’y avait que cinq adolescents dans une unité et six dans l’autre. Cela restreint le nombre de jeunes à onze avec juste sept faisant partie d’un gang de rue, ce qui à son tour, influence et limite le processus du recrutement des participants. 7.7 Implications pratiques Pour les intervenants et éducateurs qui travaillent avec des jeunes contrevenants, une relation entre des besoins spécifiques et la façon qu’ils affichent leurs identités peut offrir plusieurs hypothèses cliniques rapides pour les jeunes impliqués dans un gang de rue. Les résultats suggèrent que les tableaux observés offrent des informations sur les besoins des jeunes qu’un éducateur pourra valider avec le jeune en rencontre de suivi et à la lumière de ses observations cliniques. De plus, les manifestations de leur identité sociale et personnelle dans l’unité ont la même utilité que les informations dérivées des tableaux. Afin de mieux comprendre le lien qui