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Sud Ouest - mercredi 4 août 2021
POLITIQUE SOCIALE
La Gironde, le département aux 150 squats
Propos recueillis par Vincent Trouche
Évacuation du squat Zone Libre de Cenon La Morlette le 11 février 2021. LAURENT THEILLET / « SUD OUEST »
La Gironde compte un total de squats parmi les plus élevés de France. Ils sont en
majorité situés dans la métropole bordelaise. Une situation qui interpelle Médecins du
Monde
Morgan Garcia, de Médecins du Monde. V. T.
En Gironde, les pouvoirs publics recensent, de façon à peu près constante depuis quelques
années, 150 squats, un nombre parmi les plus élevés en France. Quelques mois après
l’évacuation de la Zone Libre à Cenon, après celle de l’Éclaircie à Gradignan, cette particularité
girondine pose question. Entretien avec Morgan Garcia, coordinateur de la Mission squat pour
Médecins du Monde.
Bordeaux Agglo
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La Gironde fait partie des départements au nombre de squats le plus élevé. Pourquoi ?
C’est un phénomène particulièrement présent à Bordeaux et c’est surprenant parce que ce
n’est pas un carrefour migratoire. Plusieurs choses peuvent l’expliquer. Beaucoup de squats
sont situés entre Bordeaux Sud, Bègles, la rive droite et Floirac, le périmètre du projet
Euratlantique, un gros projet de rénovation urbaine, où on a des interstices urbains vacants
dans lesquels les gens trouvent refuge. Autre élément de réponse : le travail saisonnier, celui
de la vigne en particulier. Et puis surtout, il y a un gros déficit de places d’hébergement. Le ratio
d’équipements en hébergements d’urgence et d’insertion de la Gironde est historiquement
inférieur à la moyenne nationale : 1,59 places pour 1 000 habitants contre 2,75 au niveau
national, selon des chiffres de 2019.
Un chiffre officiel dénombre 150 squats. Faites-vous le même constat ?
Globalement on est assez d’accord. C’est un chiffre qui a explosé : en 2015, on comptait 800
personnes en squat et bidonville à l’échelle de la métropole de Bordeaux, sachant que 90 %
des squats de Gironde sont situés dans l’agglomération. En 2020, il y avait 2 500 personnes.
Au niveau national ça n’a quasiment pas bougé.
Je pense que l’administration s’en est aussi rendu compte et qu’ils ont eu le réflexe d’expulser
les squats. Sauf que ce n’est pas en expulsant un squat qu’on fait disparaître les personnes qui
s’y trouvent. Au contraire, l’expulsion maintient dans la pauvreté et empêche d’avoir un
parcours d’inclusion et d’accession au logement. Pour moi c’est de l’idéologie, pas du
pragmatisme. Les chiffres montrent qu’il y a un échec majeur en la matière.
En dépit des expulsions le nombre de squats ne baisse pas, au contraire il augmente. Il y a des
leçons à tirer.
« Le grand absent, c’est l’État, c’est lui qui devrait être le pilote »
Les collectivités ont-elles un rôle à jouer ?
Pendant longtemps les collectivités territoriales disaient : « Ce n’est pas notre compétence,
discutez-en avec les services de l’État. » Certes c’est une compétence de l’État, mais ce sont
elles qui en font les frais. Lorsque l’on a un squat ou un bidonville dans une commune, ça crée
des nuisances. Si le ramassage des ordures n’est pas carré, s’il n’y a pas d’assainissement,
qu’est-ce-qu’on va avoir ? S’il n’y a pas d’accès à l’eau les gens ne vont pas mourir de soif, ils
vont trouver une borne incendie et l’ouvrir pour remplir des bidons. Parfois des milliers de litres
sont perdus.
On a pu démontrer avec nos données de terrain que se saisir du problème c’était faire des
économies. Par exemple, en posant un robinet pour éviter le gaspillage d’eau. Les collectivités
ont compris que la politique de l’autruche était contre-productive et ont commencé à agir.
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Aujourd’hui, ça bouge vraiment, il y a un dialogue et une démarche constructive. Ça s’est
considérablement accéléré avec l’épidémie de Covid en 2020.
Même si on aimerait que ça aille beaucoup plus loin, leur réponse n’étant ni à la hauteur des
enjeux, ni de leurs moyens.
Vers quelles solutions se tourner pour aller plus loin ?
Les collectivités commencent à regarder dans leur patrimoine ce qui n’est pas utilisé. La
Métropole est propriétaire de centaines de biens pour lesquels il n’y a pas de projet à court
terme. Donc il y a la possibilité de reloger des personnes. Sur les 150 squats qu’il y a
aujourd’hui en Gironde, plus d’une vingtaine sont sur des propriétés de la Métropole. Nous
demandons qu’un observatoire de la vacance soit créé.
Aujourd’hui, on a des collectivités qui ont acquis des biens pour un projet qui parfois est tombé
à l’eau ou qui ne verra pas le jour avant plusieurs années, et sur lequel on ne fait rien. Il faudrait
voir ce qui peut être fait. Le droit nous donne des outils, notamment au travers des conventions
intercalaires (qui permettent l’occupation d’un lieu de façon temporaire, NDLR). Le problème,
c’est qu’associations et collectivités ne résoudront pas le problème à elles seules. Le grand
absent, c’est l’État. Et pourtant c’est lui qui devrait être le pilote là-dessus.
Tant qu’il n’y aura pas un changement d’optique et de politique au niveau préfectoral, je pense
que Bordeaux restera en pool position des chiffres sur le nombre de squats.