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SE CONJUGUER
A
L’IMPARFAIT
du PRESENT
Parce que nous passons plus de temps
à esquiver le présent qu’à le vivre,
devenons-nous un réel danger pour notre avenir?
MARIE PRISCA (TAGUWA)
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INTRODUCTION
Stephen Hawking
-I-
Cette citation de Hawking, l’un des plus illustres physiciens de notre temps, révèle
en quelque sorte que nous avons maintenant en main des armes puissantes en termes de
savoirs, de capacité à franchir nombre de limites sans vraiment mesurer le niveau de risques
que nous prenons quand nous n’avons pas en main la conscience de soi et de celle des
autres. Mais est-ce que nous avons envie de prendre le temps d’engager une réflexion sur
les différentes influences qui façonnent notre perception du Monde et sur celle qui façonne
aussi nos comportements, nos états d’être? Si nous ne le faisons pas est-il possible que nous
soyons confrontés à quelque chose qui nous dépasse éventuellement ? Si nous ne le faisons
pas, pourrions-nous devenir acteur d’un scénario que l’on aurait cru improbable? Si nous ne
le faisons pas, serons-nous capables d’identifier les signes précurseurs de changements qui
pourraient transformer notre vie mais aussi tout notre système de valeurs et de droits?
Nous ne pouvons renier la recrudescence des multiples signes de détresse
pourtant déjà visibles, tel que le populisme, la quête identitaire, le sentiment collectif
d’injustice, le besoin d’évasion psychique par le matérialisme, la consommation à outrance
de substances, la recherche du divertissement, la superficialité, la vérité « Tweet » qui
« instruit » en 140 caractères. Est-ce seulement un réflexe défensif qui se trouve l’indicateur
de notre niveau de capacité d’adaptation déjà atteint?
Après un bon nombre d’années passées à analyser les comportements humains, à
accompagner des gens dans leur cheminement individuel, à travailler et diriger des équipes
sur divers terrains et divers milieux, j’ai fait un certain constat : Malgré l’évolution des
conditions de vie, malgré les technologies, malgré l’avancement de la science, nous sommes
de plus en plus vulnérables psychologiquement. Notre estime de soi est de plus en plus
fragilisée, notre sensibilité est aiguisée, nos perceptions sont bousculées, nos convictions se
durcissent et notre sens des valeurs subit de fortes secousses.
Les technologies du numérique nous facilitent la vie et nous permettent d’accéder
à un nombre presque infini d’informations mais si nous n’avons pas pu développer notre
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sens critique, si nous n’avons pas l’estime de soi suffisante pour nous permettre de faire la
part des choses et d’avoir confiance en sa capacité de raisonnement peu importe ce que
pense les autres, sans chercher dans l’absolu à faire légitimer ce qui semble parfois
impensable, qu’avons-nous comme mécanisme pour trier et savoir ce dont nous avons
besoin ? Eh bien, nous n’en avons pas. D’abord parce que nous sommes très occupés à
devoir nous adapter aux changements, à tenter tant bien que mal à suivre le rythme que ces
technologies nous imposent, nous sommes débordés par des faits d’actualité négatifs,
agressants, décevants qui amplifient notre sentiment d’impuissance individuel.
Bien sur, tout ceci nous transforme aussi dans notre façon de définir le Monde. Si
tout ce qui nous semblait inaccessible ou loin devient à notre portée, la notion du temps et
de la distance n’ont plus le même sens. Nous sommes arrivés à cultiver un autre format de
socialisation lié en grande partie à la naissance des réseaux sociaux et de la démocratisation
de l’internet sur tous les continents.
Parallèlement, avec la venue des plateformes de discussions et de plus en plus
d’espaces consacrés aux opinions, nous avons développé notre sens de riposte critique qui
fait figure trop fréquemment de notre manque de sens d’analyse et de réflexion. A titre
compensatoire, nous extrapolons dans le jugement et le puritanisme, l’extension d’une
fausse moralité, bien volatile et d’une élasticité qui s’ajuste à tout opportunisme.
Nous aimons à ce point nous sentir intelligent et avoir la répartie à propos de tout
et de rien. Ces plateformes permettent une bouffée d’oxygène illusoire à ceux qui cherchent
à compenser le vide intérieur et les stigmas issus de vies qui sont très tôt, hypothéquées par
la perte de repères familiaux, sociaux, par la souffrance restée inaudible, par la non-
reconnaissance des différences, le mépris et le jugement. Les plateformes de discussion ont
modifié non seulement notre façon de communiquer et de percevoir l’autre, mais ont altéré
notre capacité à vivre au temps présent dans un monde réel.
La fuite étant une défensive instinctive, qui s’adonne à être une des plus répandue
dysfonction humaine, atténue notre sentiment d’impuissance par le faux collectif, les amis
virtuels. Nous avons aiguisé notre force de jugement superficiel sur les situations mais aussi
envers les gens. La riposte critique, n’est pas notre sens d’analyse critique mais bien sa
disposition d’avoir une opinion sur tout sans que nous soyons nécessairement informés
adéquatement ou que nous ayons pris le temps de considérer certains facteurs. Non pas
que nous n’avions pas cette capacité de jugement, mais la facilité et la non-conséquence de
ses actions sur ces plateformes ont décuplés ce phénomène. Si cela permet de dénoncer ce
qui nous parait injuste ou inacceptable, nous y trouvons encore plus nombreux les
défenseurs de la fausse moralité. Voilà enfin un lieu qui sacralise l’ignorance et ce qui en
découle au même titre que le savoir même si ce n’est pas sans risques. Un antagonisme peu
banal qui dissimule un affrontement de taille contre l’élitisme et le bien-pensant. Une
révolte de concepts qui s’est infiltrée sinueusement pour légitimer le droit de se faire
entendre peu importe sa classe sociale ou son lieu de naissance sans avoir à répondre à des
paramètres imposés, faussement associée à la liberté d’expression. Ces traqueurs de
popularité n’ont de pitié que pour les chiens battus et les chats perdus. Ils peuvent choisir
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de se faire spectateur d’une tentative de suicide, de s’abreuver de mensonges, détruire des
vies, jusqu’à inviter au viol ou au meurtre. L’éthique ne semble pas encore une
préoccupation sérieuse car elle risquerait de freiner significativement l’afflux de fidèles
potentiels et de réduire les marges des grandes firmes de marketing qui profite de
l’innocence sociale ou de la vulnérabilité. L’horreur de l’erreur, est que chacun pense avoir
raison d’agir comme il le fait et pour justifier d’une telle ou telle autre position, nous
cherchons obligatoirement à légitimer notre position par le poids du nombre qui finissent
par penser comme nous. Mais, il est déjà pourtant évident que la vérité n’est jamais plus
vraie parce que plus de gens y adhèrent. Ces plateformes sont une superbe opportunité
pour s’exprimer mais aussi de s’offrir un accès à tous les publics et ceux qui l’ont compris
attisent la montée du populisme et la tenue des discours qui se pavoisent dans la fausse
complaisance.
Ces attitudes peu crédibles, souvent teintées de vives émotions, parfois agressives
voire violentes, dissimulent notre niveau de volatilité. En fait, sans nous rendre vraiment
compte, nous sommes à fleur de peau. Nous cherchons quelque chose dans ce monde qui
semble n’en laisser qu’à ceux qui ont les moyens de s’acheter des droits, des privilèges et du
pouvoir. A travers les écrans, toutes ces tentations qui s’offrent à nos yeux, toutes ces
inégalités qui se révèlent, attisent notre sentiment d’impuissance et d’injustice.
Si les technologies offrent l’avantage d’un accès à tout ce qui se passe en temps
presque réel avec le potentiel de créer des liens avec des gens et ouvrir sur des opportunités
partout sur la planète, en contrepartie, nous ne sommes pas plus heureux aujourd’hui. Bien
que cette communication virtuelle mondialisée donne le sentiment de se rapprocher des
autres, nous sommes de plus en plus nombreux à mourir non seulement dans la solitude
mais à mourir de solitude.
Ces mutations sont indéniablement génératrices de chocs pour notre cerveau.
Tous ces mouvements influencent chaque parcelle de notre vie mais aussi de notre état
d’être profond. Notre rythme de vie change, s’accélère, nos modes de fonctionnement sont
aussi mis à l’épreuve par une demande croissante d’adaptation au changement. Tous nos
repères sont devenus mobiles, ce qui nous force à revisiter nos représentations et toutes
nos habitudes. L’éclatement de la cellule familiale, des frontières, ce que nous pensions
tangible, assuré, et en quelque sorte acquis par tradition ou de par notre héritage social et
culturel génèrent maintenant d’innombrables peurs et de sentiments d’insécurité. Ne
sommes-nous pas en train de nous perdre ?
Certains diront que c’était écrit. Malgré l’accès à un certain confort, nous
poursuivons aveuglement la quête du matérialisme. Pendant ce temps, il y en a qui
s’ingénient à remplacer l’humain par des robots de plus en plus sophistiqués, d’autres qui
cherchent à cloner, modifier l’ADN du modèle humain le plus parfait pour satisfaire les
demandes les plus farfelues ou au nom de la science. Nous pouvons maintenant peser le
fardeau de notre empreinte écologique, nous ressentons les effets du réchauffement
climatique mais nous restons de glace devant l’urgence d’agir. Que dire de ce 1% de la
population mondiale qui détient 99% des ressources ; ces faits n’empêchent en rien de voir
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des masses de gens se faufiler dans cette course effrénée pour obtenir la dernière version
d’un téléphone intelligent. Dans les pays où l’eau est crucialement manquante, où les droits
et libertés sont parodiés par des dictateurs, il est plus important de vendre sa chemise pour
posséder un appareil dernier cri que d’assurer sa survie. Les mises en garde sur l’écart
toujours grandissant du ravin entre l’extrême pauvreté et la richesse d’une poignée
d’Hommes, font partie du quotidien. Il semble difficile voire impossible maintenant
d’interrompre l’érosion de ces parois qui s’effritent à un rythme fou et qui laisse toute une
humanité en pièces. Mais, même si tous ces faits s’avèrent tristement dramatiques, un plus
grand drame se déroule sous nous propres yeux, mais sous-jacent, et cette route à haute
vitesse sur laquelle nous sommes tous engagés, ne nous permet plus de regarder le paysage
tel qu’il est aujourd’hui. Nous avons franchi le seuil de saturation dans cette capacité à gérer
notre présent. Les seuls qui ne perdent pas leur sens de l’orientation sont ceux qui
possèdent la richesse et qui en veulent toujours plus. Nous
Lorsque nous sommes confrontés à ce qui dérange, il s’agit maintenant que de
changer d’image, de faire une pression du doigt sur un écran pour changer d’icone ou sur
une télécommande et se plonger dans le divertissement. Nous nous défilons devant la
contrainte, le sentiment d’impuissance, nous voguons sur l’idéalisme, nous construisons une
réalité à l’image de peurs intrinsèques et de cet idéalisme charnu de croyances magiques.
Le discours politique fait allusion aux besoins des classes ouvrières de trouver leur place et
d’être entendues. Aux États-Unis, ils ont choisi un millionnaire pour les défendre. Est-ce
notre désespoir qui nous fait adhérer aux discours mêmes des moins crédibles ? Est-ce plus
facile de vendre le mensonge et la manipulation simplement parce que notre niveau de
cynisme accélère la fuite par l’imaginaire ? Depuis la campagne de Donald Trump aux Etats-
Unis, nous sommes maintenant en mesure d’évaluer que les fausses vérités, les rumeurs
sans fondements, les vidéos de chiots ou de chatons sont devenus les sujets favoris des
internautes. La publication d’un rapport récent qui a été réalisé par « Facility of Accepted
Knowledge and Education (FAKE) » publié par le Journal de Guelph’s University, « The
Ontarion » en décembre 2016 nous prouve au moins une chose : Nous n’aimons plus la
réalité ni la vérité et nous n’avons surtout pas envie d’éveiller notre sentiment de culpabilité
face au besoin de s’échapper de cette réalité.
Il serait simpliste de déclarer que notre paresse intellectuelle est responsable de
cet état de fait. Mais il n’en est rien, enfin pas tout à fait. C’est notre point de saturation,
notre point culminant d’adaptation qui a est touché en profondeur et qui attise fortement
ce besoin d’évasion. Mais à ceci, se trouve un autre revers. Une fois que le divertissement a
joué son rôle, notre retour à ce quotidien obligé fait d’autant plus mal car il est combiné à
cette conscience du sentiment d’impuissance devant le cours des évènements. Malgré notre
volonté, il nous culpabilise inconsciemment certes, mais affecte notre capacité à croire en
notre potentiel et à notre pouvoir d’action en tant qu’individu. Donc, nous nous pénalisons
doublement en cultivant notre fragilisation de par notre conquête à la recherche du plaisir
instantané « pour oublier », nous devenons encore plus vulnérables et plus cette
vulnérabilité est marquante, plus notre état psychique envoie des signes de détresse.
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Malheureusement, lorsque nous sommes à ce stade, moins nous croyons en nous-
mêmes plus nous avons besoin du regard des autres et plus nous sommes enclins à
rechercher l’approbation sociale. Le regard des autres est un pouvoir fort qui fait figure de
maitre chez beaucoup de gens au point d’être la seule référence qui détermine ce qui doit
ou ne doit pas être dans leur façon de se vêtir, de manger, de se comporter et de penser.
Bien sur, nous avons besoin de nous identifier à ceux qui nous ressemblent, mais ce besoin
se transforme en une compulsion lorsque nous n’avons plus de référence en rapport avec sa
propre personne. Si nous sommes fragiles, nous ne croyons pas en nos propres ressources.
Notre guide, notre conscient n’est plus rattaché à ce que nous sommes, mais à ce que nous
devons être, avoir et faire pour être accepté. Ce besoin d’identification excessif devient une
recherche d’approbation sociale, soit la mise à prix de son individualité, une forme de perte
identitaire au profit de l’acceptabilité et du besoin d’être rassuré. L’approbation sociale n’est
pas un geste de ralliement pour défendre une idée ou un concept. Elle est une démarche de
d’assimilation pour gagner la reconnaissance des autres. Je pourrais citer en exemple David
Cameron, l’ancien Premier Ministre Britannique qui a conduit un sondage sur le Brexit pour
obtenir une approbation socio-politique. Il a admis avoir perdu en cherchant à plaire. Il a en
quelque sorte marchandé ses valeurs au profit de cette approbation. La recherche
d’approbation sociale est donc un jeu risqué car moins nous avons confiance en soi, plus
nous en avons besoin, et plus nous en avons besoin, plus nous sommes à sa merci. Mais
encore, si ce n’était pas de la conjoncture actuelle, rien ne serait tout aussi grave. C’est cette
incapacité de se poser au temps présent qui complexifie largement la dynamique et qui laisse
peu d’espoir à un revirement de situation.
Les plus optimistes diront que l’équilibre finit toujours par trouver sa route mais il
ne faut pas que ces aspirations dissimulent les faits, car l’optimisme à ce titre devient aussi
une fuite. L’équilibre ne peut pas trouver sa voie si nous sommes incapables d’accepter ce
qui est maintenant et si nous sommes envahis par un sentiment d’impuissance. S’il est vrai
que l’Histoire fait foi de notre prédisposition à se relever de multiples grandes tragédies,
nous sommes aussi responsables des plus meurtrières. Mais encore, nous ne sommes plus
là où nous étions, même juste cinquante ans en arrière. Si aujourd’hui le terrorisme apparait
comme une réelle menace à notre paix sociale, c’est que nous oublions que nous devenons
progressivement, collectivement, un danger pour nous-mêmes et pour les autres juste en
étant ce que nous sommes.
D’ailleurs, le fait que l’humain a toujours été confronté à sa capacité d’autodestruction,
l’extrémisme demeure la manifestation du besoin excessif de reconnaissance et du besoin
d’emprise, de pouvoir. Les groupuscules se rallient et se font justice. Leur quête de sens
même si elle ne correspond pas à ce « bon sens bienveillant » en est une malgré tout. A la
différence avec la préhistoire, c’est aujourd’hui notre savoir, l’accessibilité à une
bibliothèque mondiale garnie de fausses vérités, de mensonges, de faits et de faux, un genre
de fourre-tout planétaire où les plus machiavéliques ou les plus belles histoires sont à la
même proximité. L’état d’esprit dans lequel nous sommes, le niveau de saturation que nous
témoignons ne fait qu’ajouter à l’importance du risque réel. Si cette accessibilité se fait sans
la conscience d’être, alors nous avons tous, à notre niveau, un bouton rouge de la bombe
nucléaire entre nos mains.
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Certains pourraient dire « vaut mieux se faire entendre pour quelque chose qui ne
tient pas la route que d’être transparent face au Monde ». Effectivement, beaucoup pensent
ainsi. L’intensité de notre besoin de reconnaissance est toujours au même niveau que tout
ce qui est fait pour l’obtenir. Mais puisque nous sommes confrontés à la difficulté de faire
face à ce qui est, nous sommes aussi confrontés à la peur de faire face à nous-mêmes et
puisque rien ne se fait sans conséquences, nous devons être prêt à toutes les éventualités.
Ceci pour dire que tout peut arriver derrière le rideau du déni, surtout ce que l’on souhaite
le moins. Et même si nous ne voulons pas voir, nous demeurons responsables de nos actes
et de nos inactions, même quand nous choisissons de ne rien faire. Il y a de fortes chances
que nous perdions définitivement le chemin de notre propre destinée, individuellement et
collectivement et si c’est le choix que nous faisons, il vaut mieux le faire au moins
consciemment.
Conjuguer le présent à l’imparfait, est un titre qui correspond à l’objectif de ce
livre, soit arriver à démystifier le présent, à accepter cette imperfection qui fait de nous ce
que nous sommes, et tenter de vivre cette imperfection avec une plus grande sérénité et
vivre mieux, tout court, mais surtout, vivre davantage conscient de nous-mêmes et des
autres et sortir à la fois de l’emprise de la victimisation.
11
-II-
J’ai souligné à de nombreuses reprises notre recherche de reconnaissance comme
étant un élément clé de notre fragilité psychique. Comme j’ai mentionné précédemment,
le fait que nous soyons d’abord des êtres sociaux engage forcément un besoin de s’identifier
à travers les autres. Toutefois, la reconnaissance ne se traduit pas que par le besoin
d’existence. D’un point de vue sociologique, le besoin de reconnaissance était auparavant
plus une question du besoin de laisser quelque chose derrière soi, des enfants, un nom, un
lopin de terre, une culture soutenu d’abord par un instinct de survie fort et toujours intact.
Aujourd’hui, le besoin de reconnaissance tende manifester sa place dans le monde, de laisser
une trace, de sortir d’une forme d’anonymat et savoir que nous ne sommes pas passés dans
cette vie en vain. Aujourd’hui, le besoin de reconnaissance s’est transformé car il est devenu
le manifeste pour la reconnaissance de la souffrance, c’est-à-dire de de sa souffrance.
Lorsque les gens descendent dans les rues pour dénoncer des injustices, ils dénoncent
d’abord et avant tout la souffrance dont ils ont été victime ou expriment une empathie
envers la souffrance des autres. Nous sommes en fait des êtres saturés de souffrances qui
évoluons à un rythme qui exige de nous plus que ce que nous pouvons donner, cloitrés dans
une spirale où le principal de notre survie est consacré à échapper au temps comme au
présent.
Pour beaucoup d’entre nous, la vie ressemble à un parcours du combattant et les
épreuves auxquelles nous sommes confrontés sont parfois lourdes tendent à nous refermer
sur nous-mêmes. Il n’est pas si facile de s’ouvrir et de parler ouvertement de ses angoisses,
de ses peurs, de ses insécurités affectives, de sa détresse et pourtant nous portons tous
intérieurement un peu de l’un ou de l’autre. Alors comment faire si ce n’est de se dire que
la tâche semble tellement démesurée. Comment pouvons-nous redessiner une trajectoire,
renverser la tangente vers ce mur où nous allons nous tous nous river ? Bien sûr, nous
n’avons pas le pouvoir d’interrompre ou diminuer la progression de la courbe technologique
ou de stopper une guerre ou le terrorisme ou encore d’irradier totalement notre empreinte
écologique, mais nous avons le pouvoir de choisir individuellement, de quelle façon nous
voulons vivre. Et nous ne pouvons avoir de pouvoir sur sa vie que par la conscience de vivre.
Quand toutes nos interactions sont centrées sur l’évitement, le déni, nous choisissons,
même inconsciemment, de ne pas ressentir la vie au présent, ni maintenant, ni demain, ni
plus tard.
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Conjuguer le présent à l’imparfait propose une boite à outils sans qu’ils soient des
réponses dans l’absolu, mais qui puissent offrir des pistes et des alternatives pour mieux
vivre, mais surtout pour recentrer nos besoins psychiques et la quête d’une forme
d’équilibre relatif même à travers un monde qui parait si déséquilibré.
C’est aussi ce qui m’a amené à vouloir faire le travail que j’ai fait. Mieux
comprendre ma propre histoire, les comportements, les dynamiques familiales qui ont forgé
non seulement la perception que j’ai du Monde, mais celle aussi que j’ai de moi-même. Bien
sur, il n’est pas toujours possible d’engager des études pour en arriver à élucider quelques
parties de notre conscient et de notre inconscient ou de consulter un professionnel qui saura
nous guider pour trouver ses réponses, mais il peut être utile d’avoir à sa portée, quelques
clés nous permettant de paramétrer ce cheminement.
De quoi avons-nous réellement besoin ? Comment devenir plus conscient ?
Comment ressentir les choses avec moins de culpabilité ? Les sujets qui y sont abordés sont
inspirés des expériences, des discussions, des formations et des consultations ayant eu cours
tout au long de ma carrière. C’est souvent lors d’épreuves, d’échecs relationnels, de
répétitions de comportements non-désirés qui se manifestent, que nous avons tendance à
chercher des réponses. Par contre, tout comme la science, tous les « pourquoi » ne trouvent
pas nécessairement une explication, même s’il demeure un excellent exercice de réflexion
et même si les réponses ne viennent pas toujours ou pas aussi vite que l’on souhaiterait.
Des sujets qui parlent de soi, de toutes ces émotions, ces états qui nous
constituent, nous et les autres, nos proches, nos liens sociaux, familiaux et professionnels.
Des sujets qui pourront mettre en lumière les possibilités de choisir et non se retrouver
victime de soi-même. Le seul pouvoir réel que nous avons étant celui d’avoir la liberté de
choisir, que ce choix soit bon ou mauvais, après c’est une question de morale, mais il est
d’autant plus important que nous puissions l’exercer lorsqu’il est question de sa propre vie,
sinon, nous agissons à l’encontre de notre propre nature. Et lorsque nous en sommes là,
nous cherchons toujours désespérément un moyen alternatif pour éprouver un sentiment
d’emprise sur sa vie. Mais encore, puisque le temps présent est la seule chose sur lequel
nous avons une possibilité d’emprise, il est d’autant plus crucial que nous puissions faire acte
de notre capacité d’affirmation.
Il m’apparaissait donc indispensable dans ces temps difficiles, de mettre à la
disposition de ceux et celles qui éprouvent un désir de se comprendre avec plus d’aisance,
de démystifier certains comportements, de mieux connecter pour ainsi dire avec le présent,
des ressources simples et accessibles. Et même si l’idée de lever le voile sur le risque de
remettre en question certaines de nos certitudes peut effrayer, il est inutile d’avoir peur de
ce que l’on ne sait pas, car lorsqu’il s’agit de nous-mêmes, qu’elle soit confrontée ou non, la
peur ne se dissipe pas parce que l’on choisit d’en faire omission.
13
-II-
Mais pourquoi devons-nous nous questionner? Parce que bien souvent, nous le
faisons déjà de diverses façons, car il est dans la nature de l’Homme de chercher à
comprendre. Nous cherchons le bonheur, la plénitude, à être heureux et lorsque cela tarde
à se manifester ou à rester dans sa vie, viennent les pourquoi, les pourquoi pas. Certes, il y
a ceux qui ne se questionnent jamais parce que certains n’en ressentent pas le besoin,
lorsque d’autres passent plutôt la tâche à ceux qu’ils vont considérer les principaux
responsables de leurs malheurs, ce qui les excluent du besoin d’introspection. Et puis, il y a
ceux qui passent une grande partie de leur vie à se poser des questions, parfois toujours les
mêmes sans pour autant trouver une réponse. Puis, il y a ceux qui cherchent et qui finissent
par façonner les réponses qu’ils souhaitent entendre et ces réponses deviennent l’écho d’un
désir ou une idéalisation plus qu’une volonté réelle à se confronter à certaines réalités peu
confortables. Et il reste une certaine minorité qui se pose des questions et choisit de prendre
une position proactive et qui sera tentée d’aller au fond des choses pour oser voir avec les
risques que cela comporte, coute que coute.
L’accompagnement thérapeutique est en fait un instrument qui sert à paramétrer
ces questionnements et réflexions, peu importe la catégorie où l’on se trouve. Comme je
disais précédemment, ce sont souvent les évènements difficiles de la vie, les échecs
relationnels ou professionnels, des déceptions répétitives qui vont se faire l’instigateur du
besoin d’un ressourcement ou celui de voir un peu plus clair dans sa vie, pour peut-être
ensuite envisager une thérapie. L’accompagnement thérapeutique c’est un moyen qui
encadre cliniquement une volonté de trouver ses réponses que l’on veut le plus près possible
de nos racines profondes de mal-être et de ces générateurs de comportements parfois, voire
même assez souvent, destructeurs. C’est d’ailleurs pour cette raison que chaque sujet a été
judicieusement choisi et qu’il est suivi d’un exercice pratique qui se distingue par une
pertinence objective et non directive. C’est par ce processus que nous allons alors pouvoir
parler de conscientisation actualisée.
Lorsque nous découvrons des choses sur soi-même soit par questionnements,
confrontations ou par discussions avec son entourage ou par une démarche thérapeutique,
peu en importe le moyen, nous ne pouvons plus « désavoir ». Je comprends bien que le mot
« désavoir » n’existe pas dans le dictionnaire, bien regrettablement d’ailleurs, mais je dois
dire que je l’utilise depuis des années pour exprimer un processus qui est irréversible. Nous
pouvons apprendre et désapprendre, mais pourtant, lorsque l’on sait, lorsque l’on devient
conscient de quelque chose, nous ne pouvons plus nous départir de cette information, à
moins d’utiliser une forme d’inconscience volontaire pour se soustraire à la responsabilité
que nous avons face à cette ou ces informations. Si je sais que de jeter un papier par la
fenêtre c’est contribuer à la pollution de l’environnement, je peux le faire, parce que je
choisis de me soustraire à la responsabilité de mon acte et même dans le cas où je choisis
de le faire et que j’en assume le geste, rien ne peut toutefois m’enlever de l’esprit, le fait
que je sache qu’un tel geste est irresponsable et a des impacts néfastes.
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Alors convenons déjà qu’apprendre de soi, sur soi, comporte bien sur des risques,
car ces informations pourraient nous obliger en quelque sorte, justement par conscience, à
engager des changements. C’est ce qui explique pourquoi peu de gens s’engagent dans un
processus de réflexion proactive. La peur de se voir encore pire que l’on croit être, la peur
d’éprouver une forme de honte et de culpabilité nous paralyse suffisamment pour ne pas
vouloir chercher à creuser un peu plus dans bien des cas. Mais je m’empresserais de dire
qu’il vaut mieux faire des choix par conviction que par dépit. Je m’explique. Ce n’est pas
parce que nous choisissons de ne pas réfléchir que nos comportements indésirables ou nos
sentiments d’échec vont se dissiper par magie pour autant. Et en ce sens, nous devenons
victime de nous-mêmes en quelque sorte, car même si nous n’assumons pas, nous ne
voulons pas assumer, si nous nous déresponsabilisons, nous devons malgré cela en vivre les
contrecoups. Alors, ceci signifie que nous devenons donc victime de nous-mêmes. Et tant
qu’à être victime de soi-même, il vaut peut-être mieux devenir plus conscient de soi-même
et avoir un sens de pouvoir sur sa vie. Tant que l’on ne sait pas, cela ne peut nous affecter,
mais lorsque l’on sait, nous réalisons l’impact que nous avons sur les autres, et l’impact que
les autres ont sur notre vie. Lorsque j’explique cette partie à mes clients, ils me répondent
qu’il est alors plus simple de rester inconscient. Je leur répond oui, c’est vrai, mais il n’y a
rien de pire qu’être en vie et de ne pas avoir un réel sentiment d’avoir sa vie entre ses mains.
D’ailleurs, c’est souvent lors de drames familiaux, lorsque des problèmes de santé graves se
manifestent que soudainement les priorités changent. Donc, en quelque sorte, je suis à
proposer de ne pas attendre qu’une situation tragique survienne pour vous accompagner
vers une emprise plus grande de votre vie, non pas en changeant ce que vous êtes, mais en
faisant connaissance avec la personne que vous connaissez sans doute le moins, vous-même.
Donc en conclusion, il est préférable de « savoir » et faire des choix pesés,
mesurés, réfléchis plus souvent même s’ils ne sont pas toujours les meilleurs. D’avoir un
sens du pouvoir sur sa vie est toujours plus constructif que d’agir avec inconscience ou faire
des choix par impulsion en omettant de peser les conséquences. Cela n’éliminera pas toutes
les colères ou les déroutes émotionnelles, il ne faut pas espérer que je suggère une forme
d’épuration humanisée pour atteindre une certaine perfection, loin de là. C’est surtout de
faire la part des choses entre atteindre une forme de conscience pour avoir une emprise sur
que l’on voudrait changer et de manière tout aussi importante, avoir à la fois la capacité de
s’accepter avec ses imperfections. Cette façon de savoir et ne pas pouvoir se départir de ce
savoir, c’est ce que j’appelle la conscientisation actualisée.
La conscientisation actualisée signifie que ce que nous savons maintenant peut
servir à se construire. La conscience s’actualise, s’éveille, se manifeste par une seule et
unique ouverture : le doute. Il est plus important d’avoir des doutes que des certitudes disait
Bertrand Russell. La capacité de réflexion, de remise en question ne peut passer que par la
capacité de mettre en doute la finalité de ses certitudes. De manière plus précise, la
conscientisation actualisée nous amène à considérer que ce que nous pensions savoir ou
posséder en termes de certitudes n’est non pas une finalité mais le précepte d’une jonction
entre une information et une autre, une réflexion en devenir nous permettant de réaliser
combien en fait, nous ne savions pas nécessairement. Les proverbes qui parlent de sagesse
parlent en fait, d’un savoir qui s’enrichit d’expériences mais aussi par la capacité de douter.
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La conscientisation actualisée pourrait se formuler ainsi : Je savais, j’étais certain de savoir,
j’avais la certitude d’avoir conscience de savoir, mais aujourd’hui, je sais que je ne savais pas
autant que je sais maintenant, et je sais aussi maintenant, qu’il y a de fortes chances que je
sache moins que demain si je reste alerte au fait que ce que je savais n’est peut-être pas tout
de ce qui était à savoir.
Nous, en tant que consommateurs de technologies, avec à la portée de nos mains,
des moyens d’expression et de communication qui offrent une multitude de plateformes où
chacun peut s’inventer, créer, critiquer et juger avec une telle facilité, qu’un danger se
présage. En fait, le plus grand est celui de l’ignorance ou du rôle du « connaisseur en sachet
d’instantané » où chacun devient soudainement expert, juge mais rarement arbitre. Le
problème est que ces réseaux sociaux, blogs et autres, qui sont forts utiles et riches
d’informations, mais qui ont aussi servi et vont encore servir de procès où la condamnation
des uns et des autres, par les porteurs d’une rectitude bien imaginaire, font état en fait d’une
totale absence et capacité de conscientisation actualisée. Le jugement tombe et chacun lève
son drapeau blanc, plus blanc que blanc en faisant état d’outrance, car soudainement, une
plateforme lui permet d’avoir une opinion, et peu importe si elle condamne ou juge. Le
sentiment d’existence passe dorénavant par l’expression de son opinion et qu’elle soit
entendue par le plus de gens possible.
Il ne peut y avoir absolument aucun changement à sa vie, aucun changement dans
ses perceptions sans cette conscientisation actualisée, car la certitude de savoir, nous
empêche de devenir libres et dissimule la peur, celle de perdre ses repères trop souvent
utopiques.
Pour conclure sur cette partie je vais vous laisser avec une superbe phrase de
Ronald D. Laing :
"Ce que nous pensons est inférieur à ce que nous savons; ce que nous savons est
inférieur à ce que nous aimons; Ce que nous aimons est de loin inférieur à ce qui est, et
dans cette mesure précise, nous sommes largement inférieurs à ce que nous sommes."
16
NOTRE NATURE HUMAINE
-III-
Je ne pourrais parler de conscientisation actualisée et d’accompagnement
thérapeutique sans parler de nature humaine, cette omission serait pour moi, certainement
grave. Elle serait grave à ce point car il m’apparait essentiel de savoir définir ce qui fait partie
de nous de façon irrévocable, avoir un lien avec notre sens profond de l’existence, et surtout,
ne pas parler de changement à tout prix souvent évoqué ou vécu dans le non-respect de
cette nature qui nous constitue.
Avant toute chose, je vais me rallier à une pensée de Thomas Moore qui a écrit ceci :
"Les manipulations thérapeutiques superficielles qui visent à restaurer la normalité ou à
forcer l'existence à se conformer à des standards réduisent ce profond mystère aux pâles
dimensions d'un dénominateur social commun appelé "personnalité ajustée". Le soin de
l'âme conçoit une réalité tout autre. Il respecte le mystère de la souffrance humaine et ne
donne pas prise au mirage d'une existence sans problèmes. Il perçoit toute chute dans
l'ignorance et la confusion comme autant de chances de découvrir que la bête au centre du
labyrinthe est aussi un ange. (exemple tiré de la légende grecque de Minotaure, l'homme à
la tête de taureau mangeur de chair humaine qui vivait au centre d'un labyrinthe, il portait
pourtant le nom d'Astérion – Etoile ».
La nature humaine est bien trop complexe et à la fois extraordinairement riche dans ses
paradoxes, ses déviances et ses capacités de bonté et d’humanité pour ne pas y consacrer
quelques lignes.
Alors, à quoi pense-t-on lorsque l’on pense à la nature humaine? En premier lieu
nous pourrions la définir par ce qui nous constitue en tant qu’êtres humains donc, de ce qui
pourrait nous distinguer de l’espèce animale. Mais j’aimerais tirer de cette combinaison
« nature – humaine » un sens donné car il y a là une forme d’obligation de rappel à notre
mémoire, soit que nous avons un lien de proximité indissociable avec la nature même, oui,
la nature faite d’arbres, d’eau, de terre, de toutes les formes de vie qu’elle berce en son sein
et dont nous faisons partie, bien sur. Ce lien de proximité se résume parfois à peu de choses
parce que l’on oublie à quel point il est pourtant essentiel à notre équilibre. D’ailleurs
chaque fois que nous éprouvons une perte de repères, chaque fois que nous sommes
désorientés par le poids de la vie, et que nous avons l’impression de s’être perdu, le retour
à la nature, une connexion ou reconnexion avec elle, est souvent le premier chemin
emprunté pour se rétablir et remettre certaines priorités en perspective. Ce n’est pas un
simple hasard, plus nous nous éloignons de cette nature, plus nous devenons des êtres
malades. D’ailleurs dans un des sujets de ce livre je parle de la dépression comme étant un
processus de dénaturation. Pour ma part, il n’y a pas d’évolution possible de l’espèce
humaine si nous utilisons notre savoir contre nous-mêmes en reniant l’importance de notre
17
lien avec elle, car nous avons besoin de nous rapprocher de la nature pour trouver notre
équilibre, et il ne peut y avoir d’équilibre sans elle.
Si la connaissance a permis de rendre l’Homme plus savant et prétentieux de cette
« supériorité par le savoir», je le dis entre guillemets car, plus nous savons, plus nous savons
à quel point nous réalisons très peu savoir, (conscientisation actualisée). S’il y a de fait, de
merveilleuses découvertes scientifiques, le savoir n’a jamais pu extirper l’Homme de sa
nature profonde faite de tant d’imperfections et de paradoxes tels que la splendeur de sa
capacité de compassion jusqu’à celle de tuer pour un bout de pain ou par sentiment
d’injustice. La nature humaine c’est aussi ça. Et si les conditions de vie ont évoluées, la
nature humaine elle, reste fidèle à elle-même. Et lorsque l’Homme utilise son savoir à
l’encontre de sa nature, c’est cette même nature qui, à elle seule, se charge de donner
parfois quelques leçons d’humilité. Il n’y a qu’à regarder le changement brutal des priorités
lorsque nous sommes confrontés à des cataclysmes naturels. Ni les siècles, ni les guerres, ni
l’évolution, n’auront eu raison de la nature humaine et ses déviances. Même à l’ère du
modernisme, des technologies, des réseaux sociaux, de la rectitude éthique et moralisatrice,
notre nature semble figée dans nos gênes d’origine. Mais jusqu’à quel point ne sommes-
nous pas en mesure d’accepter cette réalité? Je vais le démontrer.
Nous battons des records extraordinaires de consommation d’antidépresseurs et
d’anxiolytiques, nous sommes arrivés à un rythme de vie qui dépasse largement notre
capacité d’adaptation et nous avons atteints des sommets en formatage et normalisation de
comportements, au point qu’il n’y a pas une période plus sombre pour l’humanité que celle-
ci et celle qui va suivre. Nous sommes à ce point aseptisés de besoin de remise en question,
sur nos façons de faire et de vivre, pourtant indispensable, que nous sommes devenus les
témoins de notre propre déchéance. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir foi en notre capacité
d’adaptation. Mais l’appât du gain, de l’avoir, de la réussite, de la performance, nous fait
oublier notre rôle premier en tant que partie intégrante d’un système dont la nature est le
Maitre. En tentant de « maitriser cette nature » nous nous sommes socialement dénaturés
et avons perdu le sens de la vie. Je me permettrai de citer Henri Bergson, un philosophe
Français du début du XXème siècle qui a dit : "L'humanité gémit, à demi écrasée sous le
poids des progrès qu'elle a faits. Elle ne sait pas assez que son avenir dépend d'elle." Cent
ans plus tard, rien n’est plus vrai.
La surpopulation, le manque d’eau, de ressources par la surconsommation et
l’iniquité dans le partage de ces richesses seront à l’origine des guerres de demain. La
victoire sera accordée à celui qui pourra se payer son moyen de survie laissant aux autres,
les miettes et quoi encore. Si vous vous empressez de considérer mes propos comme
alarmistes, fatalistes, sombres, je m’empresserai de répondre que j’ai vu pendant toutes ces
années, une oppression des valeurs humaines se traduire en un mal-être individuel et
maintenant collectif. Et malgré l’émergence de courants opposés, ce mal-être se traduit par
le manque de contact avec l’essentiel, nous rendant insensibles à l’explosion des cellules
familiales, à l’étendue et du ravage de la solitude, à ces ainés, nos pères et mères
abandonnés à eux-mêmes, de l’absence de plus en plus significative des valeurs issues de la
dignité et du respect d’autrui. A force de solliciter performance, rigidité, exploitation de
modes, à la conquête des illusions, nous sommes dépassés par le déséquilibre, prix cher à
payer issu de notre prétention à devenir autre chose que ce que nous sommes
fondamentalement, c’est à-dire des êtres imparfaits qui avons besoin d’humilité tant dans
18
l’acceptation de soi que dans l’acceptation que nous devons faire preuve de conscientisation
actualisée. J’aborde l’acceptation de soi dans l’un des sujets de ce guide et il est pour ma
part, un élément important voire crucial qui devrait se greffer à toute réflexion en ce sens.
Chose certaine, nous n’avons pas encore suffisamment témoigné de notre déclin,
car aujourd’hui, nous sommes aux prises avec les assainisseurs de bonne conscience qui en
collectif, dénoncent toutes les formes de déviances et crient au scandale. Vive l’éthique, la
droiture et la rectitude absolue s’indigneront-ils. Si Socrate revenait parmi nous, il serait
bien déçu de voir que plus le temps avance, plus cela nous aura donné de latitude pour
reculer. Alors, que reste-il à apprendre maintenant que nous avons atteints la conscience
de la rectitude? Je dirais que dans ces circonstances, absolument tout est à réapprendre.
A travers tous les paradoxes de la Nature Humaine, elle est ce qui nous rend sensible mais à
la fois impitoyable, elle fait de nous des êtres réfléchis mais à la fois inconséquents, elle nous
permet de comprendre et d'analyser mais à la fois d'être instinctif et même barbare.
Il ne peut y avoir de changement favorable en nous si nous ne sommes pas en mesure de
concevoir d’abord et avant tout que l’Homme doit faire indéniablement acte d’humilité sur
trois fondements :
1. Il fait partie d’un système qu’il n’a pas pensé lui-même donc, il doit prendre la place qui
lui est destinée et ne peut prétendre se suffire à lui-même en faisant abstraction de son
devoir de responsabilité en lien avec ce qui lui permet d’exister.
2. Que le savoir ne peut servir à la destruction de sa propre nature, mais à l’acceptation de
son imperfection car l’évolution ne se définit pas par ce qu’il est capable de faire ni d’avoir,
mais par sa capacité d’ÊTRE » dans le respect de sa nature et de son milieu d’origine.
3. Que le changement doit se faire avec un souci constant d’une harmonisation entre ce
qu’Il veut être, devenir, son devoir d’humilité en lien avec la Nature et le respect, non pas
pour trouver la normalité, mais pour que son esprit soit libre de jugements et de honte.
Pour lire la suite, il faut commander le livre. Merci.

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SE CONJUGER A L'IMPARFAIT DU PRESENT

  • 1. 1 SE CONJUGUER A L’IMPARFAIT du PRESENT Parce que nous passons plus de temps à esquiver le présent qu’à le vivre, devenons-nous un réel danger pour notre avenir? MARIE PRISCA (TAGUWA)
  • 2. 2
  • 3. 3
  • 4. 4
  • 5. 5 INTRODUCTION Stephen Hawking -I- Cette citation de Hawking, l’un des plus illustres physiciens de notre temps, révèle en quelque sorte que nous avons maintenant en main des armes puissantes en termes de savoirs, de capacité à franchir nombre de limites sans vraiment mesurer le niveau de risques que nous prenons quand nous n’avons pas en main la conscience de soi et de celle des autres. Mais est-ce que nous avons envie de prendre le temps d’engager une réflexion sur les différentes influences qui façonnent notre perception du Monde et sur celle qui façonne aussi nos comportements, nos états d’être? Si nous ne le faisons pas est-il possible que nous soyons confrontés à quelque chose qui nous dépasse éventuellement ? Si nous ne le faisons pas, pourrions-nous devenir acteur d’un scénario que l’on aurait cru improbable? Si nous ne le faisons pas, serons-nous capables d’identifier les signes précurseurs de changements qui pourraient transformer notre vie mais aussi tout notre système de valeurs et de droits? Nous ne pouvons renier la recrudescence des multiples signes de détresse pourtant déjà visibles, tel que le populisme, la quête identitaire, le sentiment collectif d’injustice, le besoin d’évasion psychique par le matérialisme, la consommation à outrance de substances, la recherche du divertissement, la superficialité, la vérité « Tweet » qui « instruit » en 140 caractères. Est-ce seulement un réflexe défensif qui se trouve l’indicateur de notre niveau de capacité d’adaptation déjà atteint? Après un bon nombre d’années passées à analyser les comportements humains, à accompagner des gens dans leur cheminement individuel, à travailler et diriger des équipes sur divers terrains et divers milieux, j’ai fait un certain constat : Malgré l’évolution des conditions de vie, malgré les technologies, malgré l’avancement de la science, nous sommes de plus en plus vulnérables psychologiquement. Notre estime de soi est de plus en plus fragilisée, notre sensibilité est aiguisée, nos perceptions sont bousculées, nos convictions se durcissent et notre sens des valeurs subit de fortes secousses. Les technologies du numérique nous facilitent la vie et nous permettent d’accéder à un nombre presque infini d’informations mais si nous n’avons pas pu développer notre
  • 6. 6 sens critique, si nous n’avons pas l’estime de soi suffisante pour nous permettre de faire la part des choses et d’avoir confiance en sa capacité de raisonnement peu importe ce que pense les autres, sans chercher dans l’absolu à faire légitimer ce qui semble parfois impensable, qu’avons-nous comme mécanisme pour trier et savoir ce dont nous avons besoin ? Eh bien, nous n’en avons pas. D’abord parce que nous sommes très occupés à devoir nous adapter aux changements, à tenter tant bien que mal à suivre le rythme que ces technologies nous imposent, nous sommes débordés par des faits d’actualité négatifs, agressants, décevants qui amplifient notre sentiment d’impuissance individuel. Bien sur, tout ceci nous transforme aussi dans notre façon de définir le Monde. Si tout ce qui nous semblait inaccessible ou loin devient à notre portée, la notion du temps et de la distance n’ont plus le même sens. Nous sommes arrivés à cultiver un autre format de socialisation lié en grande partie à la naissance des réseaux sociaux et de la démocratisation de l’internet sur tous les continents. Parallèlement, avec la venue des plateformes de discussions et de plus en plus d’espaces consacrés aux opinions, nous avons développé notre sens de riposte critique qui fait figure trop fréquemment de notre manque de sens d’analyse et de réflexion. A titre compensatoire, nous extrapolons dans le jugement et le puritanisme, l’extension d’une fausse moralité, bien volatile et d’une élasticité qui s’ajuste à tout opportunisme. Nous aimons à ce point nous sentir intelligent et avoir la répartie à propos de tout et de rien. Ces plateformes permettent une bouffée d’oxygène illusoire à ceux qui cherchent à compenser le vide intérieur et les stigmas issus de vies qui sont très tôt, hypothéquées par la perte de repères familiaux, sociaux, par la souffrance restée inaudible, par la non- reconnaissance des différences, le mépris et le jugement. Les plateformes de discussion ont modifié non seulement notre façon de communiquer et de percevoir l’autre, mais ont altéré notre capacité à vivre au temps présent dans un monde réel. La fuite étant une défensive instinctive, qui s’adonne à être une des plus répandue dysfonction humaine, atténue notre sentiment d’impuissance par le faux collectif, les amis virtuels. Nous avons aiguisé notre force de jugement superficiel sur les situations mais aussi envers les gens. La riposte critique, n’est pas notre sens d’analyse critique mais bien sa disposition d’avoir une opinion sur tout sans que nous soyons nécessairement informés adéquatement ou que nous ayons pris le temps de considérer certains facteurs. Non pas que nous n’avions pas cette capacité de jugement, mais la facilité et la non-conséquence de ses actions sur ces plateformes ont décuplés ce phénomène. Si cela permet de dénoncer ce qui nous parait injuste ou inacceptable, nous y trouvons encore plus nombreux les défenseurs de la fausse moralité. Voilà enfin un lieu qui sacralise l’ignorance et ce qui en découle au même titre que le savoir même si ce n’est pas sans risques. Un antagonisme peu banal qui dissimule un affrontement de taille contre l’élitisme et le bien-pensant. Une révolte de concepts qui s’est infiltrée sinueusement pour légitimer le droit de se faire entendre peu importe sa classe sociale ou son lieu de naissance sans avoir à répondre à des paramètres imposés, faussement associée à la liberté d’expression. Ces traqueurs de popularité n’ont de pitié que pour les chiens battus et les chats perdus. Ils peuvent choisir
  • 7. 7 de se faire spectateur d’une tentative de suicide, de s’abreuver de mensonges, détruire des vies, jusqu’à inviter au viol ou au meurtre. L’éthique ne semble pas encore une préoccupation sérieuse car elle risquerait de freiner significativement l’afflux de fidèles potentiels et de réduire les marges des grandes firmes de marketing qui profite de l’innocence sociale ou de la vulnérabilité. L’horreur de l’erreur, est que chacun pense avoir raison d’agir comme il le fait et pour justifier d’une telle ou telle autre position, nous cherchons obligatoirement à légitimer notre position par le poids du nombre qui finissent par penser comme nous. Mais, il est déjà pourtant évident que la vérité n’est jamais plus vraie parce que plus de gens y adhèrent. Ces plateformes sont une superbe opportunité pour s’exprimer mais aussi de s’offrir un accès à tous les publics et ceux qui l’ont compris attisent la montée du populisme et la tenue des discours qui se pavoisent dans la fausse complaisance. Ces attitudes peu crédibles, souvent teintées de vives émotions, parfois agressives voire violentes, dissimulent notre niveau de volatilité. En fait, sans nous rendre vraiment compte, nous sommes à fleur de peau. Nous cherchons quelque chose dans ce monde qui semble n’en laisser qu’à ceux qui ont les moyens de s’acheter des droits, des privilèges et du pouvoir. A travers les écrans, toutes ces tentations qui s’offrent à nos yeux, toutes ces inégalités qui se révèlent, attisent notre sentiment d’impuissance et d’injustice. Si les technologies offrent l’avantage d’un accès à tout ce qui se passe en temps presque réel avec le potentiel de créer des liens avec des gens et ouvrir sur des opportunités partout sur la planète, en contrepartie, nous ne sommes pas plus heureux aujourd’hui. Bien que cette communication virtuelle mondialisée donne le sentiment de se rapprocher des autres, nous sommes de plus en plus nombreux à mourir non seulement dans la solitude mais à mourir de solitude. Ces mutations sont indéniablement génératrices de chocs pour notre cerveau. Tous ces mouvements influencent chaque parcelle de notre vie mais aussi de notre état d’être profond. Notre rythme de vie change, s’accélère, nos modes de fonctionnement sont aussi mis à l’épreuve par une demande croissante d’adaptation au changement. Tous nos repères sont devenus mobiles, ce qui nous force à revisiter nos représentations et toutes nos habitudes. L’éclatement de la cellule familiale, des frontières, ce que nous pensions tangible, assuré, et en quelque sorte acquis par tradition ou de par notre héritage social et culturel génèrent maintenant d’innombrables peurs et de sentiments d’insécurité. Ne sommes-nous pas en train de nous perdre ? Certains diront que c’était écrit. Malgré l’accès à un certain confort, nous poursuivons aveuglement la quête du matérialisme. Pendant ce temps, il y en a qui s’ingénient à remplacer l’humain par des robots de plus en plus sophistiqués, d’autres qui cherchent à cloner, modifier l’ADN du modèle humain le plus parfait pour satisfaire les demandes les plus farfelues ou au nom de la science. Nous pouvons maintenant peser le fardeau de notre empreinte écologique, nous ressentons les effets du réchauffement climatique mais nous restons de glace devant l’urgence d’agir. Que dire de ce 1% de la population mondiale qui détient 99% des ressources ; ces faits n’empêchent en rien de voir
  • 8. 8 des masses de gens se faufiler dans cette course effrénée pour obtenir la dernière version d’un téléphone intelligent. Dans les pays où l’eau est crucialement manquante, où les droits et libertés sont parodiés par des dictateurs, il est plus important de vendre sa chemise pour posséder un appareil dernier cri que d’assurer sa survie. Les mises en garde sur l’écart toujours grandissant du ravin entre l’extrême pauvreté et la richesse d’une poignée d’Hommes, font partie du quotidien. Il semble difficile voire impossible maintenant d’interrompre l’érosion de ces parois qui s’effritent à un rythme fou et qui laisse toute une humanité en pièces. Mais, même si tous ces faits s’avèrent tristement dramatiques, un plus grand drame se déroule sous nous propres yeux, mais sous-jacent, et cette route à haute vitesse sur laquelle nous sommes tous engagés, ne nous permet plus de regarder le paysage tel qu’il est aujourd’hui. Nous avons franchi le seuil de saturation dans cette capacité à gérer notre présent. Les seuls qui ne perdent pas leur sens de l’orientation sont ceux qui possèdent la richesse et qui en veulent toujours plus. Nous Lorsque nous sommes confrontés à ce qui dérange, il s’agit maintenant que de changer d’image, de faire une pression du doigt sur un écran pour changer d’icone ou sur une télécommande et se plonger dans le divertissement. Nous nous défilons devant la contrainte, le sentiment d’impuissance, nous voguons sur l’idéalisme, nous construisons une réalité à l’image de peurs intrinsèques et de cet idéalisme charnu de croyances magiques. Le discours politique fait allusion aux besoins des classes ouvrières de trouver leur place et d’être entendues. Aux États-Unis, ils ont choisi un millionnaire pour les défendre. Est-ce notre désespoir qui nous fait adhérer aux discours mêmes des moins crédibles ? Est-ce plus facile de vendre le mensonge et la manipulation simplement parce que notre niveau de cynisme accélère la fuite par l’imaginaire ? Depuis la campagne de Donald Trump aux Etats- Unis, nous sommes maintenant en mesure d’évaluer que les fausses vérités, les rumeurs sans fondements, les vidéos de chiots ou de chatons sont devenus les sujets favoris des internautes. La publication d’un rapport récent qui a été réalisé par « Facility of Accepted Knowledge and Education (FAKE) » publié par le Journal de Guelph’s University, « The Ontarion » en décembre 2016 nous prouve au moins une chose : Nous n’aimons plus la réalité ni la vérité et nous n’avons surtout pas envie d’éveiller notre sentiment de culpabilité face au besoin de s’échapper de cette réalité. Il serait simpliste de déclarer que notre paresse intellectuelle est responsable de cet état de fait. Mais il n’en est rien, enfin pas tout à fait. C’est notre point de saturation, notre point culminant d’adaptation qui a est touché en profondeur et qui attise fortement ce besoin d’évasion. Mais à ceci, se trouve un autre revers. Une fois que le divertissement a joué son rôle, notre retour à ce quotidien obligé fait d’autant plus mal car il est combiné à cette conscience du sentiment d’impuissance devant le cours des évènements. Malgré notre volonté, il nous culpabilise inconsciemment certes, mais affecte notre capacité à croire en notre potentiel et à notre pouvoir d’action en tant qu’individu. Donc, nous nous pénalisons doublement en cultivant notre fragilisation de par notre conquête à la recherche du plaisir instantané « pour oublier », nous devenons encore plus vulnérables et plus cette vulnérabilité est marquante, plus notre état psychique envoie des signes de détresse.
  • 9. 9 Malheureusement, lorsque nous sommes à ce stade, moins nous croyons en nous- mêmes plus nous avons besoin du regard des autres et plus nous sommes enclins à rechercher l’approbation sociale. Le regard des autres est un pouvoir fort qui fait figure de maitre chez beaucoup de gens au point d’être la seule référence qui détermine ce qui doit ou ne doit pas être dans leur façon de se vêtir, de manger, de se comporter et de penser. Bien sur, nous avons besoin de nous identifier à ceux qui nous ressemblent, mais ce besoin se transforme en une compulsion lorsque nous n’avons plus de référence en rapport avec sa propre personne. Si nous sommes fragiles, nous ne croyons pas en nos propres ressources. Notre guide, notre conscient n’est plus rattaché à ce que nous sommes, mais à ce que nous devons être, avoir et faire pour être accepté. Ce besoin d’identification excessif devient une recherche d’approbation sociale, soit la mise à prix de son individualité, une forme de perte identitaire au profit de l’acceptabilité et du besoin d’être rassuré. L’approbation sociale n’est pas un geste de ralliement pour défendre une idée ou un concept. Elle est une démarche de d’assimilation pour gagner la reconnaissance des autres. Je pourrais citer en exemple David Cameron, l’ancien Premier Ministre Britannique qui a conduit un sondage sur le Brexit pour obtenir une approbation socio-politique. Il a admis avoir perdu en cherchant à plaire. Il a en quelque sorte marchandé ses valeurs au profit de cette approbation. La recherche d’approbation sociale est donc un jeu risqué car moins nous avons confiance en soi, plus nous en avons besoin, et plus nous en avons besoin, plus nous sommes à sa merci. Mais encore, si ce n’était pas de la conjoncture actuelle, rien ne serait tout aussi grave. C’est cette incapacité de se poser au temps présent qui complexifie largement la dynamique et qui laisse peu d’espoir à un revirement de situation. Les plus optimistes diront que l’équilibre finit toujours par trouver sa route mais il ne faut pas que ces aspirations dissimulent les faits, car l’optimisme à ce titre devient aussi une fuite. L’équilibre ne peut pas trouver sa voie si nous sommes incapables d’accepter ce qui est maintenant et si nous sommes envahis par un sentiment d’impuissance. S’il est vrai que l’Histoire fait foi de notre prédisposition à se relever de multiples grandes tragédies, nous sommes aussi responsables des plus meurtrières. Mais encore, nous ne sommes plus là où nous étions, même juste cinquante ans en arrière. Si aujourd’hui le terrorisme apparait comme une réelle menace à notre paix sociale, c’est que nous oublions que nous devenons progressivement, collectivement, un danger pour nous-mêmes et pour les autres juste en étant ce que nous sommes. D’ailleurs, le fait que l’humain a toujours été confronté à sa capacité d’autodestruction, l’extrémisme demeure la manifestation du besoin excessif de reconnaissance et du besoin d’emprise, de pouvoir. Les groupuscules se rallient et se font justice. Leur quête de sens même si elle ne correspond pas à ce « bon sens bienveillant » en est une malgré tout. A la différence avec la préhistoire, c’est aujourd’hui notre savoir, l’accessibilité à une bibliothèque mondiale garnie de fausses vérités, de mensonges, de faits et de faux, un genre de fourre-tout planétaire où les plus machiavéliques ou les plus belles histoires sont à la même proximité. L’état d’esprit dans lequel nous sommes, le niveau de saturation que nous témoignons ne fait qu’ajouter à l’importance du risque réel. Si cette accessibilité se fait sans la conscience d’être, alors nous avons tous, à notre niveau, un bouton rouge de la bombe nucléaire entre nos mains.
  • 10. 10 Certains pourraient dire « vaut mieux se faire entendre pour quelque chose qui ne tient pas la route que d’être transparent face au Monde ». Effectivement, beaucoup pensent ainsi. L’intensité de notre besoin de reconnaissance est toujours au même niveau que tout ce qui est fait pour l’obtenir. Mais puisque nous sommes confrontés à la difficulté de faire face à ce qui est, nous sommes aussi confrontés à la peur de faire face à nous-mêmes et puisque rien ne se fait sans conséquences, nous devons être prêt à toutes les éventualités. Ceci pour dire que tout peut arriver derrière le rideau du déni, surtout ce que l’on souhaite le moins. Et même si nous ne voulons pas voir, nous demeurons responsables de nos actes et de nos inactions, même quand nous choisissons de ne rien faire. Il y a de fortes chances que nous perdions définitivement le chemin de notre propre destinée, individuellement et collectivement et si c’est le choix que nous faisons, il vaut mieux le faire au moins consciemment. Conjuguer le présent à l’imparfait, est un titre qui correspond à l’objectif de ce livre, soit arriver à démystifier le présent, à accepter cette imperfection qui fait de nous ce que nous sommes, et tenter de vivre cette imperfection avec une plus grande sérénité et vivre mieux, tout court, mais surtout, vivre davantage conscient de nous-mêmes et des autres et sortir à la fois de l’emprise de la victimisation.
  • 11. 11 -II- J’ai souligné à de nombreuses reprises notre recherche de reconnaissance comme étant un élément clé de notre fragilité psychique. Comme j’ai mentionné précédemment, le fait que nous soyons d’abord des êtres sociaux engage forcément un besoin de s’identifier à travers les autres. Toutefois, la reconnaissance ne se traduit pas que par le besoin d’existence. D’un point de vue sociologique, le besoin de reconnaissance était auparavant plus une question du besoin de laisser quelque chose derrière soi, des enfants, un nom, un lopin de terre, une culture soutenu d’abord par un instinct de survie fort et toujours intact. Aujourd’hui, le besoin de reconnaissance tende manifester sa place dans le monde, de laisser une trace, de sortir d’une forme d’anonymat et savoir que nous ne sommes pas passés dans cette vie en vain. Aujourd’hui, le besoin de reconnaissance s’est transformé car il est devenu le manifeste pour la reconnaissance de la souffrance, c’est-à-dire de de sa souffrance. Lorsque les gens descendent dans les rues pour dénoncer des injustices, ils dénoncent d’abord et avant tout la souffrance dont ils ont été victime ou expriment une empathie envers la souffrance des autres. Nous sommes en fait des êtres saturés de souffrances qui évoluons à un rythme qui exige de nous plus que ce que nous pouvons donner, cloitrés dans une spirale où le principal de notre survie est consacré à échapper au temps comme au présent. Pour beaucoup d’entre nous, la vie ressemble à un parcours du combattant et les épreuves auxquelles nous sommes confrontés sont parfois lourdes tendent à nous refermer sur nous-mêmes. Il n’est pas si facile de s’ouvrir et de parler ouvertement de ses angoisses, de ses peurs, de ses insécurités affectives, de sa détresse et pourtant nous portons tous intérieurement un peu de l’un ou de l’autre. Alors comment faire si ce n’est de se dire que la tâche semble tellement démesurée. Comment pouvons-nous redessiner une trajectoire, renverser la tangente vers ce mur où nous allons nous tous nous river ? Bien sûr, nous n’avons pas le pouvoir d’interrompre ou diminuer la progression de la courbe technologique ou de stopper une guerre ou le terrorisme ou encore d’irradier totalement notre empreinte écologique, mais nous avons le pouvoir de choisir individuellement, de quelle façon nous voulons vivre. Et nous ne pouvons avoir de pouvoir sur sa vie que par la conscience de vivre. Quand toutes nos interactions sont centrées sur l’évitement, le déni, nous choisissons, même inconsciemment, de ne pas ressentir la vie au présent, ni maintenant, ni demain, ni plus tard.
  • 12. 12 Conjuguer le présent à l’imparfait propose une boite à outils sans qu’ils soient des réponses dans l’absolu, mais qui puissent offrir des pistes et des alternatives pour mieux vivre, mais surtout pour recentrer nos besoins psychiques et la quête d’une forme d’équilibre relatif même à travers un monde qui parait si déséquilibré. C’est aussi ce qui m’a amené à vouloir faire le travail que j’ai fait. Mieux comprendre ma propre histoire, les comportements, les dynamiques familiales qui ont forgé non seulement la perception que j’ai du Monde, mais celle aussi que j’ai de moi-même. Bien sur, il n’est pas toujours possible d’engager des études pour en arriver à élucider quelques parties de notre conscient et de notre inconscient ou de consulter un professionnel qui saura nous guider pour trouver ses réponses, mais il peut être utile d’avoir à sa portée, quelques clés nous permettant de paramétrer ce cheminement. De quoi avons-nous réellement besoin ? Comment devenir plus conscient ? Comment ressentir les choses avec moins de culpabilité ? Les sujets qui y sont abordés sont inspirés des expériences, des discussions, des formations et des consultations ayant eu cours tout au long de ma carrière. C’est souvent lors d’épreuves, d’échecs relationnels, de répétitions de comportements non-désirés qui se manifestent, que nous avons tendance à chercher des réponses. Par contre, tout comme la science, tous les « pourquoi » ne trouvent pas nécessairement une explication, même s’il demeure un excellent exercice de réflexion et même si les réponses ne viennent pas toujours ou pas aussi vite que l’on souhaiterait. Des sujets qui parlent de soi, de toutes ces émotions, ces états qui nous constituent, nous et les autres, nos proches, nos liens sociaux, familiaux et professionnels. Des sujets qui pourront mettre en lumière les possibilités de choisir et non se retrouver victime de soi-même. Le seul pouvoir réel que nous avons étant celui d’avoir la liberté de choisir, que ce choix soit bon ou mauvais, après c’est une question de morale, mais il est d’autant plus important que nous puissions l’exercer lorsqu’il est question de sa propre vie, sinon, nous agissons à l’encontre de notre propre nature. Et lorsque nous en sommes là, nous cherchons toujours désespérément un moyen alternatif pour éprouver un sentiment d’emprise sur sa vie. Mais encore, puisque le temps présent est la seule chose sur lequel nous avons une possibilité d’emprise, il est d’autant plus crucial que nous puissions faire acte de notre capacité d’affirmation. Il m’apparaissait donc indispensable dans ces temps difficiles, de mettre à la disposition de ceux et celles qui éprouvent un désir de se comprendre avec plus d’aisance, de démystifier certains comportements, de mieux connecter pour ainsi dire avec le présent, des ressources simples et accessibles. Et même si l’idée de lever le voile sur le risque de remettre en question certaines de nos certitudes peut effrayer, il est inutile d’avoir peur de ce que l’on ne sait pas, car lorsqu’il s’agit de nous-mêmes, qu’elle soit confrontée ou non, la peur ne se dissipe pas parce que l’on choisit d’en faire omission.
  • 13. 13 -II- Mais pourquoi devons-nous nous questionner? Parce que bien souvent, nous le faisons déjà de diverses façons, car il est dans la nature de l’Homme de chercher à comprendre. Nous cherchons le bonheur, la plénitude, à être heureux et lorsque cela tarde à se manifester ou à rester dans sa vie, viennent les pourquoi, les pourquoi pas. Certes, il y a ceux qui ne se questionnent jamais parce que certains n’en ressentent pas le besoin, lorsque d’autres passent plutôt la tâche à ceux qu’ils vont considérer les principaux responsables de leurs malheurs, ce qui les excluent du besoin d’introspection. Et puis, il y a ceux qui passent une grande partie de leur vie à se poser des questions, parfois toujours les mêmes sans pour autant trouver une réponse. Puis, il y a ceux qui cherchent et qui finissent par façonner les réponses qu’ils souhaitent entendre et ces réponses deviennent l’écho d’un désir ou une idéalisation plus qu’une volonté réelle à se confronter à certaines réalités peu confortables. Et il reste une certaine minorité qui se pose des questions et choisit de prendre une position proactive et qui sera tentée d’aller au fond des choses pour oser voir avec les risques que cela comporte, coute que coute. L’accompagnement thérapeutique est en fait un instrument qui sert à paramétrer ces questionnements et réflexions, peu importe la catégorie où l’on se trouve. Comme je disais précédemment, ce sont souvent les évènements difficiles de la vie, les échecs relationnels ou professionnels, des déceptions répétitives qui vont se faire l’instigateur du besoin d’un ressourcement ou celui de voir un peu plus clair dans sa vie, pour peut-être ensuite envisager une thérapie. L’accompagnement thérapeutique c’est un moyen qui encadre cliniquement une volonté de trouver ses réponses que l’on veut le plus près possible de nos racines profondes de mal-être et de ces générateurs de comportements parfois, voire même assez souvent, destructeurs. C’est d’ailleurs pour cette raison que chaque sujet a été judicieusement choisi et qu’il est suivi d’un exercice pratique qui se distingue par une pertinence objective et non directive. C’est par ce processus que nous allons alors pouvoir parler de conscientisation actualisée. Lorsque nous découvrons des choses sur soi-même soit par questionnements, confrontations ou par discussions avec son entourage ou par une démarche thérapeutique, peu en importe le moyen, nous ne pouvons plus « désavoir ». Je comprends bien que le mot « désavoir » n’existe pas dans le dictionnaire, bien regrettablement d’ailleurs, mais je dois dire que je l’utilise depuis des années pour exprimer un processus qui est irréversible. Nous pouvons apprendre et désapprendre, mais pourtant, lorsque l’on sait, lorsque l’on devient conscient de quelque chose, nous ne pouvons plus nous départir de cette information, à moins d’utiliser une forme d’inconscience volontaire pour se soustraire à la responsabilité que nous avons face à cette ou ces informations. Si je sais que de jeter un papier par la fenêtre c’est contribuer à la pollution de l’environnement, je peux le faire, parce que je choisis de me soustraire à la responsabilité de mon acte et même dans le cas où je choisis de le faire et que j’en assume le geste, rien ne peut toutefois m’enlever de l’esprit, le fait que je sache qu’un tel geste est irresponsable et a des impacts néfastes.
  • 14. 14 Alors convenons déjà qu’apprendre de soi, sur soi, comporte bien sur des risques, car ces informations pourraient nous obliger en quelque sorte, justement par conscience, à engager des changements. C’est ce qui explique pourquoi peu de gens s’engagent dans un processus de réflexion proactive. La peur de se voir encore pire que l’on croit être, la peur d’éprouver une forme de honte et de culpabilité nous paralyse suffisamment pour ne pas vouloir chercher à creuser un peu plus dans bien des cas. Mais je m’empresserais de dire qu’il vaut mieux faire des choix par conviction que par dépit. Je m’explique. Ce n’est pas parce que nous choisissons de ne pas réfléchir que nos comportements indésirables ou nos sentiments d’échec vont se dissiper par magie pour autant. Et en ce sens, nous devenons victime de nous-mêmes en quelque sorte, car même si nous n’assumons pas, nous ne voulons pas assumer, si nous nous déresponsabilisons, nous devons malgré cela en vivre les contrecoups. Alors, ceci signifie que nous devenons donc victime de nous-mêmes. Et tant qu’à être victime de soi-même, il vaut peut-être mieux devenir plus conscient de soi-même et avoir un sens de pouvoir sur sa vie. Tant que l’on ne sait pas, cela ne peut nous affecter, mais lorsque l’on sait, nous réalisons l’impact que nous avons sur les autres, et l’impact que les autres ont sur notre vie. Lorsque j’explique cette partie à mes clients, ils me répondent qu’il est alors plus simple de rester inconscient. Je leur répond oui, c’est vrai, mais il n’y a rien de pire qu’être en vie et de ne pas avoir un réel sentiment d’avoir sa vie entre ses mains. D’ailleurs, c’est souvent lors de drames familiaux, lorsque des problèmes de santé graves se manifestent que soudainement les priorités changent. Donc, en quelque sorte, je suis à proposer de ne pas attendre qu’une situation tragique survienne pour vous accompagner vers une emprise plus grande de votre vie, non pas en changeant ce que vous êtes, mais en faisant connaissance avec la personne que vous connaissez sans doute le moins, vous-même. Donc en conclusion, il est préférable de « savoir » et faire des choix pesés, mesurés, réfléchis plus souvent même s’ils ne sont pas toujours les meilleurs. D’avoir un sens du pouvoir sur sa vie est toujours plus constructif que d’agir avec inconscience ou faire des choix par impulsion en omettant de peser les conséquences. Cela n’éliminera pas toutes les colères ou les déroutes émotionnelles, il ne faut pas espérer que je suggère une forme d’épuration humanisée pour atteindre une certaine perfection, loin de là. C’est surtout de faire la part des choses entre atteindre une forme de conscience pour avoir une emprise sur que l’on voudrait changer et de manière tout aussi importante, avoir à la fois la capacité de s’accepter avec ses imperfections. Cette façon de savoir et ne pas pouvoir se départir de ce savoir, c’est ce que j’appelle la conscientisation actualisée. La conscientisation actualisée signifie que ce que nous savons maintenant peut servir à se construire. La conscience s’actualise, s’éveille, se manifeste par une seule et unique ouverture : le doute. Il est plus important d’avoir des doutes que des certitudes disait Bertrand Russell. La capacité de réflexion, de remise en question ne peut passer que par la capacité de mettre en doute la finalité de ses certitudes. De manière plus précise, la conscientisation actualisée nous amène à considérer que ce que nous pensions savoir ou posséder en termes de certitudes n’est non pas une finalité mais le précepte d’une jonction entre une information et une autre, une réflexion en devenir nous permettant de réaliser combien en fait, nous ne savions pas nécessairement. Les proverbes qui parlent de sagesse parlent en fait, d’un savoir qui s’enrichit d’expériences mais aussi par la capacité de douter.
  • 15. 15 La conscientisation actualisée pourrait se formuler ainsi : Je savais, j’étais certain de savoir, j’avais la certitude d’avoir conscience de savoir, mais aujourd’hui, je sais que je ne savais pas autant que je sais maintenant, et je sais aussi maintenant, qu’il y a de fortes chances que je sache moins que demain si je reste alerte au fait que ce que je savais n’est peut-être pas tout de ce qui était à savoir. Nous, en tant que consommateurs de technologies, avec à la portée de nos mains, des moyens d’expression et de communication qui offrent une multitude de plateformes où chacun peut s’inventer, créer, critiquer et juger avec une telle facilité, qu’un danger se présage. En fait, le plus grand est celui de l’ignorance ou du rôle du « connaisseur en sachet d’instantané » où chacun devient soudainement expert, juge mais rarement arbitre. Le problème est que ces réseaux sociaux, blogs et autres, qui sont forts utiles et riches d’informations, mais qui ont aussi servi et vont encore servir de procès où la condamnation des uns et des autres, par les porteurs d’une rectitude bien imaginaire, font état en fait d’une totale absence et capacité de conscientisation actualisée. Le jugement tombe et chacun lève son drapeau blanc, plus blanc que blanc en faisant état d’outrance, car soudainement, une plateforme lui permet d’avoir une opinion, et peu importe si elle condamne ou juge. Le sentiment d’existence passe dorénavant par l’expression de son opinion et qu’elle soit entendue par le plus de gens possible. Il ne peut y avoir absolument aucun changement à sa vie, aucun changement dans ses perceptions sans cette conscientisation actualisée, car la certitude de savoir, nous empêche de devenir libres et dissimule la peur, celle de perdre ses repères trop souvent utopiques. Pour conclure sur cette partie je vais vous laisser avec une superbe phrase de Ronald D. Laing : "Ce que nous pensons est inférieur à ce que nous savons; ce que nous savons est inférieur à ce que nous aimons; Ce que nous aimons est de loin inférieur à ce qui est, et dans cette mesure précise, nous sommes largement inférieurs à ce que nous sommes."
  • 16. 16 NOTRE NATURE HUMAINE -III- Je ne pourrais parler de conscientisation actualisée et d’accompagnement thérapeutique sans parler de nature humaine, cette omission serait pour moi, certainement grave. Elle serait grave à ce point car il m’apparait essentiel de savoir définir ce qui fait partie de nous de façon irrévocable, avoir un lien avec notre sens profond de l’existence, et surtout, ne pas parler de changement à tout prix souvent évoqué ou vécu dans le non-respect de cette nature qui nous constitue. Avant toute chose, je vais me rallier à une pensée de Thomas Moore qui a écrit ceci : "Les manipulations thérapeutiques superficielles qui visent à restaurer la normalité ou à forcer l'existence à se conformer à des standards réduisent ce profond mystère aux pâles dimensions d'un dénominateur social commun appelé "personnalité ajustée". Le soin de l'âme conçoit une réalité tout autre. Il respecte le mystère de la souffrance humaine et ne donne pas prise au mirage d'une existence sans problèmes. Il perçoit toute chute dans l'ignorance et la confusion comme autant de chances de découvrir que la bête au centre du labyrinthe est aussi un ange. (exemple tiré de la légende grecque de Minotaure, l'homme à la tête de taureau mangeur de chair humaine qui vivait au centre d'un labyrinthe, il portait pourtant le nom d'Astérion – Etoile ». La nature humaine est bien trop complexe et à la fois extraordinairement riche dans ses paradoxes, ses déviances et ses capacités de bonté et d’humanité pour ne pas y consacrer quelques lignes. Alors, à quoi pense-t-on lorsque l’on pense à la nature humaine? En premier lieu nous pourrions la définir par ce qui nous constitue en tant qu’êtres humains donc, de ce qui pourrait nous distinguer de l’espèce animale. Mais j’aimerais tirer de cette combinaison « nature – humaine » un sens donné car il y a là une forme d’obligation de rappel à notre mémoire, soit que nous avons un lien de proximité indissociable avec la nature même, oui, la nature faite d’arbres, d’eau, de terre, de toutes les formes de vie qu’elle berce en son sein et dont nous faisons partie, bien sur. Ce lien de proximité se résume parfois à peu de choses parce que l’on oublie à quel point il est pourtant essentiel à notre équilibre. D’ailleurs chaque fois que nous éprouvons une perte de repères, chaque fois que nous sommes désorientés par le poids de la vie, et que nous avons l’impression de s’être perdu, le retour à la nature, une connexion ou reconnexion avec elle, est souvent le premier chemin emprunté pour se rétablir et remettre certaines priorités en perspective. Ce n’est pas un simple hasard, plus nous nous éloignons de cette nature, plus nous devenons des êtres malades. D’ailleurs dans un des sujets de ce livre je parle de la dépression comme étant un processus de dénaturation. Pour ma part, il n’y a pas d’évolution possible de l’espèce humaine si nous utilisons notre savoir contre nous-mêmes en reniant l’importance de notre
  • 17. 17 lien avec elle, car nous avons besoin de nous rapprocher de la nature pour trouver notre équilibre, et il ne peut y avoir d’équilibre sans elle. Si la connaissance a permis de rendre l’Homme plus savant et prétentieux de cette « supériorité par le savoir», je le dis entre guillemets car, plus nous savons, plus nous savons à quel point nous réalisons très peu savoir, (conscientisation actualisée). S’il y a de fait, de merveilleuses découvertes scientifiques, le savoir n’a jamais pu extirper l’Homme de sa nature profonde faite de tant d’imperfections et de paradoxes tels que la splendeur de sa capacité de compassion jusqu’à celle de tuer pour un bout de pain ou par sentiment d’injustice. La nature humaine c’est aussi ça. Et si les conditions de vie ont évoluées, la nature humaine elle, reste fidèle à elle-même. Et lorsque l’Homme utilise son savoir à l’encontre de sa nature, c’est cette même nature qui, à elle seule, se charge de donner parfois quelques leçons d’humilité. Il n’y a qu’à regarder le changement brutal des priorités lorsque nous sommes confrontés à des cataclysmes naturels. Ni les siècles, ni les guerres, ni l’évolution, n’auront eu raison de la nature humaine et ses déviances. Même à l’ère du modernisme, des technologies, des réseaux sociaux, de la rectitude éthique et moralisatrice, notre nature semble figée dans nos gênes d’origine. Mais jusqu’à quel point ne sommes- nous pas en mesure d’accepter cette réalité? Je vais le démontrer. Nous battons des records extraordinaires de consommation d’antidépresseurs et d’anxiolytiques, nous sommes arrivés à un rythme de vie qui dépasse largement notre capacité d’adaptation et nous avons atteints des sommets en formatage et normalisation de comportements, au point qu’il n’y a pas une période plus sombre pour l’humanité que celle- ci et celle qui va suivre. Nous sommes à ce point aseptisés de besoin de remise en question, sur nos façons de faire et de vivre, pourtant indispensable, que nous sommes devenus les témoins de notre propre déchéance. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir foi en notre capacité d’adaptation. Mais l’appât du gain, de l’avoir, de la réussite, de la performance, nous fait oublier notre rôle premier en tant que partie intégrante d’un système dont la nature est le Maitre. En tentant de « maitriser cette nature » nous nous sommes socialement dénaturés et avons perdu le sens de la vie. Je me permettrai de citer Henri Bergson, un philosophe Français du début du XXème siècle qui a dit : "L'humanité gémit, à demi écrasée sous le poids des progrès qu'elle a faits. Elle ne sait pas assez que son avenir dépend d'elle." Cent ans plus tard, rien n’est plus vrai. La surpopulation, le manque d’eau, de ressources par la surconsommation et l’iniquité dans le partage de ces richesses seront à l’origine des guerres de demain. La victoire sera accordée à celui qui pourra se payer son moyen de survie laissant aux autres, les miettes et quoi encore. Si vous vous empressez de considérer mes propos comme alarmistes, fatalistes, sombres, je m’empresserai de répondre que j’ai vu pendant toutes ces années, une oppression des valeurs humaines se traduire en un mal-être individuel et maintenant collectif. Et malgré l’émergence de courants opposés, ce mal-être se traduit par le manque de contact avec l’essentiel, nous rendant insensibles à l’explosion des cellules familiales, à l’étendue et du ravage de la solitude, à ces ainés, nos pères et mères abandonnés à eux-mêmes, de l’absence de plus en plus significative des valeurs issues de la dignité et du respect d’autrui. A force de solliciter performance, rigidité, exploitation de modes, à la conquête des illusions, nous sommes dépassés par le déséquilibre, prix cher à payer issu de notre prétention à devenir autre chose que ce que nous sommes fondamentalement, c’est à-dire des êtres imparfaits qui avons besoin d’humilité tant dans
  • 18. 18 l’acceptation de soi que dans l’acceptation que nous devons faire preuve de conscientisation actualisée. J’aborde l’acceptation de soi dans l’un des sujets de ce guide et il est pour ma part, un élément important voire crucial qui devrait se greffer à toute réflexion en ce sens. Chose certaine, nous n’avons pas encore suffisamment témoigné de notre déclin, car aujourd’hui, nous sommes aux prises avec les assainisseurs de bonne conscience qui en collectif, dénoncent toutes les formes de déviances et crient au scandale. Vive l’éthique, la droiture et la rectitude absolue s’indigneront-ils. Si Socrate revenait parmi nous, il serait bien déçu de voir que plus le temps avance, plus cela nous aura donné de latitude pour reculer. Alors, que reste-il à apprendre maintenant que nous avons atteints la conscience de la rectitude? Je dirais que dans ces circonstances, absolument tout est à réapprendre. A travers tous les paradoxes de la Nature Humaine, elle est ce qui nous rend sensible mais à la fois impitoyable, elle fait de nous des êtres réfléchis mais à la fois inconséquents, elle nous permet de comprendre et d'analyser mais à la fois d'être instinctif et même barbare. Il ne peut y avoir de changement favorable en nous si nous ne sommes pas en mesure de concevoir d’abord et avant tout que l’Homme doit faire indéniablement acte d’humilité sur trois fondements : 1. Il fait partie d’un système qu’il n’a pas pensé lui-même donc, il doit prendre la place qui lui est destinée et ne peut prétendre se suffire à lui-même en faisant abstraction de son devoir de responsabilité en lien avec ce qui lui permet d’exister. 2. Que le savoir ne peut servir à la destruction de sa propre nature, mais à l’acceptation de son imperfection car l’évolution ne se définit pas par ce qu’il est capable de faire ni d’avoir, mais par sa capacité d’ÊTRE » dans le respect de sa nature et de son milieu d’origine. 3. Que le changement doit se faire avec un souci constant d’une harmonisation entre ce qu’Il veut être, devenir, son devoir d’humilité en lien avec la Nature et le respect, non pas pour trouver la normalité, mais pour que son esprit soit libre de jugements et de honte. Pour lire la suite, il faut commander le livre. Merci.