Le cortège de la Saint-Torê, héritier d’une longue tradition estudiantine
1. Le
cortège
de
la
Saint-‐Torê,
héritier
d’une
longue
tradition
estudiantine
Le
cortège
du
mardi
de
la
Saint-‐Torê
est
l’héritier
d’une
très
ancienne
tradition
estudiantine
:
les
cortèges,
sorties-‐collectes
et
autres
cavalcades
philanthropiques.
Dès
le
milieu
du
19e
siècle,
alors
que
notre
Université
est
à
peine
trentenaire,
les
étudiants
donnent
des
sérénades,
concerts
accompagnés
ou
non
de
voix
(chants)
se
faisant
la
nuit
sous
les
fenêtres
de
quelqu’un
que
l'on
veut
honorer
ou
divertir.
Pour
se
rendre
à
la
demeure
du
jubilaire,
très
souvent
le
Recteur
de
l’Université,
les
étudiants
se
réunissent
et
forment
un
cortège.
L’existence
de
ces
sérénades
nous
est
souvent
connue
car
elles
occasionnent
des
«
débordements
»
relatés
aux
autorités
académiques
par
le
Commissaire
en
chef
de
la
Police
ou
encore
le
préposé
à
la
collecte
des
droits
de
passage.
A
cette
époque
en
effet,
lors
du
passage
d’un
pont,
on
est
redevable
d’un
droit
de
barrière
que
les
étudiants
refusent
bien
évidemment
d’acquitter
en
forçant
le
passage
au
pas
de
course,
musique
en
tête…
Frère-‐Orban,
en
supprimant
ce
droit
de
barrière,
les
sortira
de
l’illégalité.
A
l’occasion
de
ces
sérénades,
le
Recteur
reçoit,
en
sa
demeure,
les
délégations
d’étudiants
et
leur
offre
quelques
boissons,
chose
que
l’on
a
bien
mal
à
imaginer
aujourd’hui…
Ces
hommages
connaîtront
parfois
quelques
excès
folkloriques
:
prise
d’assaut
de
la
maison
du
Recteur,
ruée
dans
les
appartements,
pillage
des
salons,
disparitions
de
bouteilles
de
champagne
ou
de
vin,
vidage
de
boîtes
de
cigares
«
avant
que
d’avoir
parcouru
un
mètre
»,
servantes
inquiétées
et
caves
«
violées
»
font
l’objet
des
récits
enthousiastes
des
chroniqueurs
estudiantins
de
jadis.
La
célébration
de
la
rentrée
académique
va
évoluer
lentement.
Réunis
place
Cockerill
et
porteurs
pour
la
plupart
de
lanternes
vénitiennes,
les
étudiants
se
forment
en
cortège.
En
tête
un
corps
de
musique
et
le
drapeau
de
l’Université,
suivent
les
drapeaux
des
associations
et
les
étudiants,
casquettes
verte,
blanche
ou
noire
uni
ou
multistellaires.
Après
avoir
parcouru
les
quartiers
du
centre
ou
d’Outremeuse,
le
cortège
se
rend
à
la
demeure
du
Recteur.
La
tradition
de
la
«
sortie
de
rentrée
académique
»
prend
cette
forme
vers
1890.
En
1871
cependant,
la
foire
du
boulevard
d’Avroy
voit
ses
dates
modifiées.
Elle
ouvre
le
premier
dimanche
d’octobre
et
ferme
le
premier
dimanche
de
novembre,
après
la
fête
de
la
Toussaint.
Ce
changement
permet
aux
étudiants
d’inclure
le
champ
de
foire
dans
leurs
pérégrinations
nocturnes
de
la
rentrée
académique.
Avec
le
temps,
les
attractions
deviendront
le
but
unique
de
la
sortie.
Après
la
Première
Guerre,
la
sérénade
au
Recteur
est
progressivement
abandonnée
pour
la
seule
visite
aux
baraques
foraines.
La
«
Sortie
de
rentrée
»
prend
définitivement
la
forme
d’une
«
Descente
sur
la
foire
»
dont
la
dernière
édition
aura
lieu
en
1986.
Loin
d’être
les
ancêtres
de
la
collecte
pour
l’œuvre
de
la
soif
que
pratiquent
les
étudiants
actuels
à
l’occasion
de
la
Saint-‐Nicolas,
les
cavalcades
et
sorties-‐collectes
ont
un
caractère
philanthropique.
Au
19e
siècle,
l’inexistence
d’une
aide
sociale
publique
et
organisée
entraîne
la
création
de
toute
une
série
d’œuvres
caritatives.
Les
étudiants
liégeois
organisent
des
collectes
au
profit
d’associations
qu’ils
parrainent,
mais
aussi
lorsqu’une
catastrophe
minière
ou
une
inondation
accable
une
partie
de
la
population,
liégeoise
ou
non.
La
bienfaisance
estudiantine
s’exprime
dès
1864
par
l’organisation
d’un
concert,
mais
en
1878,
elle
prend
la
forme
d’une
cavalcade
qui
parcourt
joyeusement
les
rues
de
la
ville.
2. Sauf
–
c’est
compréhensible
–
lorsqu’elles
visent
à
collecter
des
fonds
à
la
suite
d’une
catastrophe,
ces
sorties-‐collectes
vont
progressivement
prendre
place
à
un
moment
précis
du
calendrier,
la
mi-‐carême.
A
la
fin
du
siècle,
les
cavalcades
sont
presque
exclusivement
données
au
profit
de
l’Oeuvre
des
Convalescents
sans
ressources
créée
par
les
étudiants
en
médecine
en
1891.
Qui
dit
cavalcade
dit
aussi
chars
représentants
les
divers
cercles
participants.
A
travers
le
temps,
on
retrouvera
les
Ecoles
Spéciales
représentant
l’industrie
minière,
la
médecine
représentant
l’hôpital
de
Bavière,
des
carabins
siégeant
armés
des
nombreux
attributs
de
leurs
fonctions,
des
apothicaires
du
15e
ou
du
16e
siècle
représentés
par
l’Association
des
étudiants
en
pharmacie,
etc.
Les
événements
de
la
vie
estudiantine
seront
aussi
mis
en
scène
comme
ce
char
constitué
d’une
cage
enfermant
deux
étudiants
surveillés
par
un
policier
(1907).
La
tradition
reprendra
après
le
premier
conflit
mondial,
toujours
au
profit
de
l’Oeuvre
des
Convalescents.
En
novembre
1947,
écoeuré
par
le
fanatisme
anticlérical
et
le
«
minimalisme
»
folklorique
de
la
Saint
Verhaegen
des
étudiants
de
l’Université
Libre
de
Bruxelles,
André
Fiévet,
Président
de
la
Commission
Folklorique
annexée
à
l’Association
Générale,
lança
l’idée
d’une
fête
estudiantine
à
l’Université
de
Liège
où
toutes
les
idées
seraient
respectées
et
où
seul
le
folklore
avait
à
gagner.
Il
fallut
attendre
un
peu
moins
de
deux
années
pour
voir
cette
festivité
prendre
son
envol.
Renouant
avec
l'usage
du
défilé
de
la
mi-‐carême,
le
premier
cortège
de
la
Saint-‐Torê
eut
lieu
le
17
février
1949.
Le
premier
char
annonçant
fièrement
«
On
collecte
pour
les
œuvres
de
l’AG
».
A
l’origine,
le
culte
«
torêbachique
»
se
présente
donc
bien
comme
l’héritier
des
cavalcades
caritatives.
Bien
que
la
collecte
en
ait
actuellement
disparu
et
que
les
cérémonies
soient
organisées
au
mois
de
mars
depuis
1983,
la
Saint-‐Torê
actuelle
en
est
également
la
descendante
éloignée,
par
ses
chars
et
le
souhait
des
étudiants
de
marquer,
dans
leur
ville,
leurs
différences.
Michel
Péters
Historien
de
formation
Président
d’Honneur
de
l’Association
Générale
des
Etudiants
Liégeois.