GPO n°94 Dossier objets connectés | Christophe Chaptal de Chanteloup
Forages de données et partage d'informations
1. Un grand nombre de garanties d’assurance collective peuvent faire l’objet de fraudes et d’abus. En effet, l’Association canadienne
des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) estime que de 2 à 10 % des demandes de règlement sont frauduleuses.
Cela représente, annuellement, des milliards de dollars en pertes tant pour les employeurs et les assureurs que pour les employés.
En effet, il faut savoir que la fraude peut provenir directement des fournisseurs de soins, des employés seuls, ou encore des
employés de connivence avec les fournisseurs de soins. Résultat : lorsque certains individus contribuent à la fraude et à l’abus,
tout le monde en paye le prix. Les employeurs et employés doivent alors débourser davantage qu’ils ne le devraient pour obtenir
leurs protections au sein d’un régime défini.
L’industrie de l’assurance collective travaille d’arrache-pied à prévenir et à détecter les fraudes. Parmi ses alliés : les avancées
technologiques, notamment celles qui émergent depuis le tournant du millénaire. Voici un aperçu des solutions actuellement
disponibles.
Daniel Tourangeau, CPA, CA, CA∙EJC, CFF l Associé l LBC Meaden & Moore International
Forage de données et partage
d’informations : deux outils
indispensables pour faire halte aux
fraudes et aux abus en assurance
Le forage de données
En matière de forage de données, un large éventail d’options
technologiques s’offre aux assureurs. Les outils les plus simples
et les plus abordables se basent sur l’analyse statistique de
données à partir d’algorithmes, ou sur la recherche de demandes
de règlement, présentant certains critères ou seuils établis.
D’autres outils, plus onéreux, s’appuient sur des solutions plus
avancées, comme l’intelligence artificielle.
L’analyse des données statistiques permet, par exemple,
de détecter des employés ou des fournisseurs de soins qui
soumettent un nombre anormal de demandes de règlements
pour des montants élevés et un amalgame de services
différents. L’analyse statistique des données a toutefois
certaines limites. Par exemple, si les demandes de règlement
frauduleuses ne correspondent pas aux critères de recherche
préétablis, il y a fort à parier qu’elles passeront entre les mailles
du filet et ne seront pas repérées, car il faut garder en tête que
les fraudeurs s’adaptent rapidement. Cependant, les assureurs
peuvent pallier à ces problèmes, à tout le moins partiellement.
D’abord en perfectionnant leurs règles de détection en vue d’en
accroître l’efficacité et, également, en procédant à l’analyse des
profils de pratique des fournisseurs et d’utilisation des soins et
services par les employés. Les assureurs doivent ainsi rester
à l’affût des nouveaux stratagèmes utilisés par les fraudeurs.
En ce qui concerne les solutions avancées, par exemple celles
qui recourent à l’intelligence artificielle, elles peuvent s’avérer
particulièrement efficaces, mais leur coût peut toutefois
constituer un frein.
Investir dans la détection : trouver l’équilibre
L’enjeu, pour les assureurs, consiste donc à maintenir un juste
équilibre entre les sommes qu’ils investissent dans la détection
et dans les enquêtes. En effet, lorsque des demandes de
règlement potentiellement frauduleuses sont décelées lors du
forage des données, il est délicat de conclure automatiquement
qu’elles le sont bel et bien. Les assureurs doivent prévoir le
personnel nécessaire à l’examen approfondi des demandes
suspectes afin d’obtenir des preuves, dans le cas où les doutes
seraient fondés. Cette étape est cruciale et requiert du temps,
ainsi que des ressources humaines et financières considérables.
Elle est néanmoins essentielle pour clore les enquêtes et,
ultimement, pour freiner les fraudeurs.
Par ailleurs, les avancées technologiques liées au forage de
données ont permis aux assureurs de réduire considérablement
le temps investi à tenter de détecter les demandes de règlement
frauduleuses. Ils peuvent ainsi concentrer leurs ressources sur
le traitement des demandes suspectes. Résultat : une meilleure
utilisation des ressources d’enquête, qui sont limitées, et une
protection accrue des régimes d’assurance maladie.
Partager l’information
En dépit des avancées technologiques permettant aux assureurs
de renforcer leurs barrières contre les abus, force est d’admettre
que la partie n’est jamais gagnée. Les fraudeurs s’adaptent
rapidement et raffinent constamment leurs techniques pour
« tester » les systèmes de détection et tenter de les déjouer.
2. AST1835-10-2017
Un assureur peut difficilement enquêter sur des données autres que celles colligées dans ses propres systèmes. Supposons, par
exemple, qu’un fournisseur de soins mal intentionné facture de façon systématique des traitements qu’il n’a pas réellement rendus
et dont le total correspond à plus de 24 heures par jour pendant plusieurs semaines en les répartissant entre plusieurs assureurs.
Seul, chaque assureur ne peut évidemment détecter ce stratagème puisqu’il n’a en sa possession qu’une portion des demandes de
règlement liées à ces faux traitements. Ainsi, chaque assureur pourrait constater que ce professionnel réclame pour quatre heures
de traitement pour quatre employés, ce qui semble tout à fait plausible et n’est pas de nature à soulever des doutes. Par contre, une
analyse combinée de toutes les demandes de règlement soumises par ce fournisseur à plusieurs assureurs mettrait assez facilement
en lumière un tel stratagème. Rappelons que des fraudes peuvent également être perpétrées par des employés agissant seuls, ou
encore de connivence avec des fournisseurs de soins.
C’est pourquoi, pour adapter leurs techniques de détection, les assureurs doivent obtenir des pistes d’informations sur les
stratagèmes. Un meilleur partage d’information entre les assureurs est l’une des clés susceptibles de leur permettre de réduire les
délais et les coûts liés à leur collecte.
Une initiative dont on peut s’inspirer
L’industrie déploie déjà des efforts pour favoriser un meilleur
partage de certaines informations et faire connaître les
meilleures pratiques. Elle pourrait tout de même gagner en
efficacité en intensifiant ses efforts en ce sens. Par exemple, en
Ontario, l’industrie de l’assurance automobile s’est regroupée
pour former le Canadian National Insurance Crime Services
(CANATICS). Cet organisme a été créé au début de la décennie,
à la suite d’une augmentation rapide et constante des primes
d’assurance automobile dans la province. Devant l’intérêt
accru du gouvernement à l’égard de la fraude, l’industrie s’est
donc mobilisée. Ainsi, neuf assureurs, représentant 75 % des
garanties d’assurance automobile vendues en Ontario, se sont
unis pour partager davantage d’informations.
L’organisme compile des données provenant de tous les
assureurs membres dans le but de détecter les fraudes
commises par des groupes organisés, impliquant plusieurs
individus. Il peut s’agir de faux accidents et de facturations
frauduleuses pour des services qui n’ont pas été rendus ou qui
n’étaient pas justifiés.
Voilà un modèle que l’industrie pourrait appliquer en assurance
maladie afin que les compagnies d’assurance gagnent en
efficacité et qu’elles se dotent d’outils permettant d’exercer une
pression accrue sur les fraudeurs.
Assistance des employés, employeurs
et conseillers
Plusieurs ressources sont en place pour inciter les assurés
à dénoncer les actes de fraude dont ils sont témoins, tout
en préservant leur anonymat. Les employés devraient ainsi
être mieux informés du processus pour dénoncer ces actes
de fraudes. Les employeurs et les conseillers peuvent aussi
communiquer avec leur assureur s’ils sont témoins de fraudes
ou s’ils soupçonnent que des fraudes ont été commises. Ces
pistes de recherche ne sont pas négligeables et peuvent aider
l’assureur à bien protéger l’intégrité des régimes collectifs
d’assurance maladie.
De plus, les employés et les employeurs devraient être
sensibilisés quant à l’impact de la fraude sur leurs garanties
d’assurance maladie. Parmi les outils de communications
efficaces, mentionnons les infolettres et les bulletins
d’information pouvant être affichés dans les espaces publics
des employeurs. La plupart des assureurs utilisent déjà de
ces outils.
Pour faire halte à la fraude, il faut d’abord la prévenir. À cet
égard, la sensibilisation demeure un bon moyen de prévention.
Ensemble, les assureurs et les acteurs de l’industrie peuvent
faire de grands pas afin de permettre le maintien de leurs
protections tout en limitant les hausses indues de coûts.