Contenu connexe Plus de Nathalie Garro (20) Paroles de créateurs1. 2
rencontres
A
vant de donner la parole aux créateurs ou acteurs du paysage parisien arty, plantons
rapidement le décor. Tout d’abord il y a l’opération instaurée par la Ville de Paris
“Paris, Capitale de la Création”, qui fédère vingt-trois salons professionnels de la mode
et du design, avec des exposants venus de tous les horizons. Mais au-delà de cette
appellation, il y a une réalité: Paris occupe bel et bien une place d’exception pour la mode.
Avec 30 000 emplois, c’est le deuxième secteur employeur de la ville après l’édition.
La haute couture et les salons du prêt-à-porter en sont les vitrines.
En matière de design, Paris et sa région regroupent 70% des designers en France et 50%
des structures. C’est-à-dire pas moins de 8500 designers. Le succès remporté par le salon
Maison & Objet est le reflet de cette vitalité. Et la Ville de Paris entend bien soutenir ces
métiers d’art. Plusieurs actions à son actif: entre autres des bourses (quinze décernées chaque
année à de jeunes diplômés des arts appliqués), Les Ateliers de Paris (installés depuis 2005
rue du Faubourg Saint-Antoine, c’est le premier incubateur de la Ville de Paris pour l’aide
à la création d’entreprise avec 200 m2
mis à disposition de six porteurs de projets). Et aussi
le soutien à des associations acteurs d’événements désormais incontournables comme les
Designers Days (parcours design proche de son homologue milanais), la Fashion Week, le Viaduc
des Arts, la Biennale des Arts Décoratifs, etc, mais aussi l’Ethical Fashion Week, la manifestation
qui monte. Le Centquatre, avec sa mission de service public, est né de cette même volonté
de la Mairie de Paris. Le but: renforcer l’image de la capitale sur la planète création.
www.pariscapitaledelacreation.com
paroles de
créateursPARIS CAPITALE DE LA CRÉATION, MYTHE OU RÉALITÉ? CE SONT LES CRÉATEURS QUI
EN PARLENT LE MIEUX… VIVRE CÔTÉ PARIS EN A INTERROGÉ QUELQUES-UNS DU
PARISQUEL’ONAIME,CÔTÉDESIGN,MODE,GASTRONOMIE,DANSE,INSTITUTION.PETIT
TOUR D’HORIZON ET RÉACTIONS À CHAUD.
PAR SABINE BOUVET ASSISTÉE DE PAULINE DE SYNGHEM.
©PHOTOSD.R.
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Institution
Le Centquatre
Au cœur du XIXe
arrondissement dans les anciennes Pompes Funè-
bres, cet établissement artistique de la Ville de Paris est un lieu unique
de production et de création. Immense laboratoire, il accueille les arts
sous toutes ses formes: résidence – sorte de Villa Médicis –, exposi-
tions, ateliers. Avec sa double casquette de metteur en scène et de co-
directeur (ici à gauche aux côtés de Robert Cantarella), Frédéric Fisbach
ne peut être mieux placé pour s’interroger sur la place de Paris.
Paris, capitale de la création, qu’en pensez vous?
C’est vrai et faux! Vrai, si on considère tous les lieux de diffusion des
œuvres. Alors c’est peut-être la ville au monde où il y a le plus de
théâtres, cinémas, musées, galeries, etc. Une des capitales où l’on
peut voir de l’art abouti. Faux, car c’est aussi celle où il y a le moins
d’artistes. C’est la ville des arts mais pas la ville où l’art se fabrique.
En fait il s’agit d’une petite capitale et c’est pour ça que le Grand
Paris est une nécessité si on veut qu’il continue à se développer comme
un grand pôle d’attractivité artistique. Il n’y a pas assez d’espaces de
travail pour les artistes. Les friches industrielles se trouvent en banlieue.
Et certains artistes, comme moi, ont souvent travaillé leurs projets en
dehors de Paris. Le Centquatre s’inspire de ce qu’on pu être les squats
et les friches.
Quelle est la mission du Centquatre?
Donner un lieu aux artistes où le public puisse les voir, faire rayon-
ner l’art pour tous. Ici on rentre dans l’artisanat de l’art, on le regarde
se faire. Il devient accessible. Un rapprochement se crée, il y a une
démocratisation.
Est-ce un modèle unique?
Le modèle est déjà prêt à s’exporter comme la Nuit Blanche. Avec
dix-neuf ateliers et une quarantaine de projets accueillis par an,
le Centquatre reste unique par son ampleur et la diversité des arts
pratiqués. C’est un lieu de mixité qui fonctionne comme la ville,
où les différences se croisent. Le chanteur de hip-hop Zoxea en
résidence, a cohabité avec Christophe Honoré, venu faire des répétitions
ouvertes tout le printemps dernier pour Angelo, tyran de Padoue avant
de le présenter en Avignon. Tout comme on peut organiser les défilés
de Martin Margiela ou Alexander McQueen et des bals “popu”.
L’actualité de la rentrée au Centquatre?
L’ouverture du Festival d’automne en novembre avec les pièces du
plasticien Ugo Rondinone en résidence, Slick (Foire de découverte de
la création contemporaine), le salon off de la Fiac, du 23 au 26 octobre,
et Web09 le plus grand salon des bloggeurs les 9 et 10 décembre.
Votre adresse ou une référence créative parisienne?
Le 100, rue de Charenton, un atelier fabuleux complètement différent
du 104. 104.fr
©PHOTOÉDOUARDCAUPEIL©PHOTOJEANMARIELEBAZ
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rencontres
Design
Constance Guisset
Formée à l’école des frères Bouroullec, lauréate du Grand Prix
de la Ville de Paris en 2007, Constance est un designer poétique
en pleine ascension. En peu de temps elle décroche un bouquet
de récompenses : le Prix de la Villa Noailles en 2008 et une
scénographie pour Angelin Prejlocaj, très remarquée cet été à
Montpellier. Un talent à suivre de très près…
Quel a été l’impact du Prix de la Ville de Paris sur votre parcours?
C’est très simple, j’ai été diplômée en juillet 2007, en décembre
je recevais le Prix de la Ville de Paris, puis dans la foulée j’étais
sélectionnée au VIA et récompensée par la Villa Noailles. Ce prix
parisien a été un véritable déclencheur!
Paris, capitale de la création, qu’en pensez vous?
Selon moi, il s’agit de deux choses distinctes: d’une part, une
marque qui rassemble des événements (salons, etc.). Et d’autre part,
le fait que Paris soit une des capitales de la création. C’est indéniable
pour la mode. Dans mon domaine, le design, c’est bien l’une des
places les plus réputées avec l’Italie et les Pays-Bas. Et si Milan
historiquement reste incontournable, ce n’est plus un laboratoire
de talents. La notion de géographie est très relative à mon sens.
D’ailleurs on ne peut pas parler d’école parisienne. La création est
éclatée.Onvoyage,onestàl’affûtdecequisepasse,ons’enimprègne.
Avez-vous des projets “parisiens” en cours ou en vue?
La scénographie que j’ai réalisée pour Le Funambule d’Angelin
Preljocaj à Montpellier cet été passe à Paris aux Abbesses en sep-
tembre et à Créteil en décembre. Une rencontre fabuleuse. Il a lu
un truc sur moi, m’a contactée et six mois plus tard le spectacle
était là! Nos deux univers se sont rencontrés. J’ai changé d’échelle,
de milieu, c’est vraiment l’aventure. Sinon, hors Paris, je dessine
le mobilier pour le rez-de-chaussée de l’Institut de France à Ankara.
Votre adresse ou une référence créative parisienne?
En design, sans doute le VIA, mais plus comme reflet de la création
française. Parce que sinon il n’y a pas d’institution ou de lieu
unique qui représente la création parisienne au sens strict.
constanceguisset.com
Le Grand Prix de la Ville de Paris
ChaqueannéeParisdécernesixGrandsPrixdelaCréation.Dotéschacunde8000€,ilssontattribuésdanstroisdisciplines:lamode,ledesign
et les métiers d’art. Ils sont destinés à distinguer et couronner trois créateurs majeurs débutants (en activité depuis moins de trois ans) et
trois créateurs majeurs confirmés (en activité depuis plus de trois ans), pour l’ensemble de leurs travaux, travaillant en France depuis au
moins trois ans. L’œuvre peut être collective ou individuelle. Ainsi en 2007,les designersSam Baron catégorie“confirmés” (cf RegardsCroisés
Vivre Côté Paris n° 2) et Constance Guisset (cf. interview ci-dessus), catégorie “débutants” recevaient le Grand Prix de la Ville de Paris.
Design
Philippe Di Méo
Designer sensuel, fin gourmet et esthète, auteur d’une collection
de rituels de dégustation – Souper Fin- conçu avec la crème des
arts de la table (Baccarat, Christofle, Raynaud…), il multiplie les
rendez-vous créatifs entre design et gastronomie.
Paris, capitale de la création, qu’en pensez vous?
Paris est ma ville d’adoption et je suis venu pour y découvrir la
création. Mais comme toute capitale, son rôle difficile de leader
l’oriente aussi vers des choix plus conventionnels, des décisions
consensuelles qui parfois la prive de dynamisme, d’audace.
Cependant, je suis un amoureux de Paris et il paraît que lorsque
l’on aime, on est plus exigeant! Mais il est clair que Paris réus-
sit bien son mélange créatif: mode, design, photo, expo. Enfin
en tant que Marseillais d’origine, mon regard se tourne aussi vers
la cité phocéenne, en souhaitant qu’elle portera fièrement son
titre de Capitale Européenne de la Culture en 2013.
Avez-vous des projets “parisiens” en cours ou en vue?
Une très belle vue dégagée sur la tour Eiffel le 8 octobre dans un
lieu que je garde encore confidentiel pour l’instant mais la soirée
de lancement aura lieu au Tokyo Art Club (Palais de Tokyo).
J’y suspendrai trois installations “nuageuses” créant un parcours
sensoriel ascensionnel nommé “Les Attractions Célestes”.
Ce baptême de l’air gustatif sera scénographié avec des acteurs de
“haute voltige” de la table française – des chefs de grandes maisons.
Votre adresse ou une référence créative parisienne ?
Sans hésitation, le Palais de Tokyo depuis sa création car il a été
source de révélations et de nouveaux concepts. Plus qu’un espace
d’expositions c’est un lieu de vie, de découvertes artistiques. J’aime
son volume, sa configuration, sa programmation, son évolution.
Aujourd’hui il s’ouvre vers d’autres réflexions comme ses installa-
tions éphémères sur le toit, son Tokyo Art Club, qui en font un vrai
site de la création contemporaine toujours en mutation.
resodesign.com
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rencontres
Mode
Laetitia Ivanez
La créatrice des Prairies de Paris – Marseillaise comme Philippe
Di Méo – a su imposer son style frais, coloré et toujours féminin
comme une référence du prêt-à-porter. Aujourd’hui la Parisienne
trendy ne manque pas d’intégrer cette griffe dans le best of de sa
garde-robe.
Paris, capitale de la création, qu’en pensez vous?
Paris capitale du tout! Parce qu’on y mêle tous les genres. Le mélange
est unique avec des styles en opposition permanente, de John
Galliano à Karl Lagerfeld, le grand écart se pose en délicatesse.
Et tous ces créateurs évoluent avec une identité forte, intimement
liée à Paris. Paris nous illumine chaque saison par la multiplication
et la diversité de ses collections. Paris nous balade au rythme de
sa créativité par son enthousiasme à nous séduire sans cesse. Pour
moi Paris c’est toute la grâce de la haute couture, le raffinement, le
souci du détail, l’inattendu et se dire “Ça c’est Paris!”
Avez-vous des projets “parisiens” en cours ou en vue?
Nous préparons une exposition du photographe Fred Lebain,
sur son travail réalisé à New York, au printemps dernier. A partir
du 26 octobre, dans notre galerie-dressing au 23 rue Debelleyme,
dans le IIIe
arrondissement.
Votre adresse ou une référence créative parisienne?
La rue, ma plus belle référence créative! Je me déplace à vélo et
il m’arrive souvent de frôler la chute tant je suis absorbée par tout
ce qui s’y passe: le mouvement, les formes, les couleurs impro-
bables qui se croisent et pourraient parfois facilement s’unir l’instant
d’une collection, d’une saison. Les scènes de la vie, l’occupation
de l’espace par chacun, la discordance entre les genres; toutes
ces réalités du quotidien m’inspirent.
lesprairiesdeparis.com
Danse
Jérémie Bélingard
Étoile de l’Opéra de Paris, il a tout du jeune premier: le talent,
le bagou et… la plastique ! Fougueux et décontracté, Jérémie
Bélingard brille au firmament de l’institution et bouscule le stéréo-
type du danseur classique. Éclectique, il pousse aussi la chanson.
Irrésistible!
Paris, capitale de la création, qu’en pensez vous?
Il n’y a pas une capitale de la création, mais la somme de plein
de quartiers dans le monde qui sont autant de lieux de création.
Je pense à Brooklyn. A Paris, le XVIe
arrondissement n’est pas un
lieu de création. En revanche Montmartre avec ses artistes à l’an-
cienne, ses croqueurs ou le XXe
sont des quartiers de création. Il
se passe quelque chose dans l’air, ça respire l’art. Les artistes de
la rue – ce mouvement qui s’empare des murs de la capitale
sous formes d’affiches – me fascinent.
Avez-vous des projets “parisiens” en cours ou en vue?
Ce qui va me faire vibrer se passe en décembre, à l’Opéra. On
prépare une pure merveille: une soirée pour le centenaire des
ballets russes de Diaghilev, avec quatre œuvres majeures. Et à côté
de ça, je prépare avec mon cousin Morgan Saunier un disque
pour notre groupe “Granny goes to heaven” – révélé à Taratata
en décembre dernier – où je chante.
Votre adresse ou une référence créative parisienne?
La rue, là où les gens se mélangent, là où le monde est en train
de se créer. L’art naît dans la rue. De toute façon à Paris, on vit
dans une ville musée magnifique, dans un espace fabriqué par
nos ancêtres, on ne possède rien.
Ballets russes à partir du 12 décembre. operadeparis.fr Gastronomie
Rougui Dia
Elle a la grâce et le talent. Et l’art d’être là où on ne l’attendait pas.
Hors catégorie, la jeune femme n’a pas eu peur de s’attaquer à
un mythe : Petrossian, le temple du caviar. Depuis 2005 elle
dépoussière l’illustre maison, un incroyable défi. Aujourd’hui,
Rougui règne sur les beaux quartiers sans renier ses origines et sa
banlieue. Car, désormais, elle est rentrée dans le sérail des grands
chefs de la capitale.
Paris, capitale de la création, qu’en pensez vous?
C’est certainement une des capitales de la création. Elle réunit
l’excellence en mode, gastronomie, architecture et c’est indénia-
blement une des plus belles villes au monde. Mais pour moi, en
gastronomie, Lyon pourrait être l’autre capitale de la création,
l’autre référence.
Votre adresse ou une référence créative parisienne?
L’avenue des Champs-Elysées, là où se cache l’esprit de Paris.
Plusieurs mondes se côtoient: les boutiques de luxe, les brasse-
ries parisiennes et les touristes. Quand j’ai du temps libre je m’y
balade, je m’y sens bien.
petrossian.fr
©PHOTOSD.R.
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